EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IV

DISPOSITIONS D'ADAPTATION AU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE AGRICOLE

Article 30 (délégué)

Clarification du cadre juridique applicable aux régions et à FranceAgriMer en tant qu'autorités de gestion des aides à l'installation et des dépenses d'interventions de marché de la politique agricole commune (PAC)

Dans le cadre de la nouvelle programmation (2023-2027) de la PAC, la gestion des mesures non surfaciques sera confiée, sur le fondement de l'article 78 de la loi « MAPTAM », modifié par l'ordonnance n° 2022-68 du 26 janvier 2022, « aux régions qui le demandent » - c'est-à-dire en pratique à presque toutes. Or, l'article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime faisait encore référence, pour les aides à l'installation au cadre de la période précédente, lors de laquelle prévalait une mise en oeuvre conjointe préfet-président de région.

Jugeant cette possibilité de décentralisation bienvenue car porteuse de plus de subsidiarité et d'adaptation aux territoires, la commission des affaires économiques accueille favorablement cette mise en cohérence du code rural.

Elle a néanmoins proposé l'adoption d'un amendement COM-27 du rapporteur Laurent Duplomb, qui demande un bilan annuel des régions sur la mise en oeuvre de la politique d'installation et de transmission. Consolidés par l'État, ces bilans devront permettre la lisibilité des aides pour les agriculteurs, une saine concurrence entre régions grâce à la transparence et un suivi à l'échelle nationale de cette politique de première importance pour l'agriculture française.

La commission a en outre proposé de maintenir dans la loi une condition minimale de capacité professionnelle pour bénéficier des aides à l'installation (amendement COM-26 ), cette capacité devant être préalable à l'installation et en lien avec le projet d'installation, afin de favoriser des installations viables.

Enfin, elle a proposé deux amendements, l'un de coordination pour maintenir le droit existant à Saint-Pierre-et-Miquelon ( COM-29 ) et l'autre de précision légistique ( COM-28 ).

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article modifié par 4 amendements.

I. La situation actuelle - L'inadéquation du cadre juridique actuel à l'entrée en vigueur de la nouvelle programmation politique agricole commune en 2023

A. Une régionalisation des aides à l'installation juridiquement inachevée dans le cadre de l'actuelle programmation de la politique agricole commune

Dans le cadre de la programmation 2014-2020 de la politique agricole commune, prolongée de deux ans en attendant que les négociations pour la période suivante aboutissent, c'est l'État qui est l'autorité de gestion des aides à l'installation, essentiellement financées par le Feader (cf. graphique ci-dessous).

Source : Régions de France 6 ( * )

En pratique, l'article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit depuis la loi n° 2014-1170 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 une mise en oeuvre conjointe de la politique d'installation et de transmission en agriculture par l'autorité de l'État dans la région et le président du conseil régional , dans le respect du cadre réglementaire fixé au niveau national.

Sans être pour autant aussi contraintes que le sont les départements dans le versement d'aides sociales telles que le revenu de solidarité active, dont ils sont les payeurs mais pas les décideurs, les régions ne bénéficiaient que d'une décentralisation partielle, couplée à une déconcentration .

Les services du ministère de l'Agriculture, tout comme Régions de France, assurent que « les désaccords ont été peu nombreux » avec cette mise en oeuvre conjointe, aucun blocage lié à un désaccord entre ces deux autorités n'ayant de ce fait été relevé.

D'un point de vue normatif, la réglementation nationale semble avoir été suffisamment précise pour éviter des divergences de point de vue et, s'agissant des modulations régionales, c'est l'interprétation du conseil régional qui a eu tendance à prévaloir.

D'un point de vue administratif, une convention tripartite préfet-président du conseil régional-Agence de services et de paiement (ASP) a permis dans chaque région de déléguer l'instruction et la signature des dossiers aux services de l'État.

B. Une base juridique fragile des pouvoirs réglementaires du directeur général de FranceAgriMer en matière d'interventions de la politique agricole commune

Fondé en 2009 par le regroupement d'offices agricoles, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) est chargé de renforcer la concertation au sein des filières via des conseils spécialisés, ainsi que, dans le but d'aider à la décision des opérateurs, d'analyser les données relatives aux filières et aux marchés.

FranceAgriMer est aussi un organisme payeur, pour des aides tant nationales (aides de crise) qu'européennes. Ainsi, le directeur général de FranceAgriMer s'est vu attribuer la compétence de fixer les règles applicables aux dépenses d'intervention économique du Fonds européen agricole de garantie ( FEAGA ). Autorisées dans le cadre de la PAC 7 ( * ) et régies par un décret n° 2022-1343 du 21 octobre 2022, ces dépenses de natures diverses 8 ( * ) sont destinées aux filières des fruits et légumes, des produits de l'apiculture, du vin, de l'huile d'olive et des olives de table 9 ( * ) .

L'établissement verse aussi des aides dans le cadre du règlement « OCM » n° 1308/2013, comme l'aide au stockage ou à la distribution de fruits et de produits laitiers dans les établissements scolaires.

Ces diverses missions ont été confiées à FranceAgriMer parce que les filières sont étroitement associées à sa gouvernance. Au total, l'établissement est organisme payeur pour 420 M€ de dépenses d'interventions par an, tandis qu'environ 9 Md€ d'aides directes (à l'hectare) transitent via l'Agence de services et de paiements (ASP).

Déjà mises en oeuvre dans le cadre de la programmation actuelle de la PAC, ces compétences du directeur général sont déjà implicitement reconnues par le Conseil d'État 10 ( * ) sur le fondement des articles L. 621-3 11 ( * ) et D. 621-27 12 ( * ) du code rural et de la pêche maritime.

Cependant, il n'existe pas à proprement parler d'attribution législative de compétences , pourtant juridiquement nécessaire pour un établissement public.

II. Le dispositif envisagé - Une clarification des compétences en matière d'aides à l'installation et des dépenses d'interventions de marché de la politique agricole commune

La prochaine programmation de la politique agricole commune, en vigueur du 1 er janvier 2023 au 31 décembre 2027, est déclinée pour chaque État membre par un plan stratégique national 13 ( * ) . Pour assurer sa pleine efficacité dès le début de la programmation, il convient dès à présent de préparer le cadre juridique interne à sa mise en oeuvre.

A. La mise en cohérence du code rural pour rendre sans équivoque la décentralisation de la gestion des aides à l'installation

La programmation 2023-2027 de la politique agricole commune sera en France davantage décentralisée que la précédente. En effet, en application du VI de l'article 78 de la loi « MAPTAM 14 ( * ) », modifiée par une ordonnance de janvier 2022 15 ( * ) , à compter de la programmation 2023-2027 de la politique agricole commune, « dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, et à compter de l'approbation du plan stratégique national par la Commission européenne, l'État confie aux régions, à leur demande , en qualité d'autorité de gestion régionale et pour toute la période de programmation, la gestion ».

Parmi ces mesures non surfaciques, figurent les « aides à l'installation de jeunes agriculteurs et de nouveaux agriculteurs et à la création de nouvelles entreprises rurales » (dont la « dotation jeune agriculteur »). À ce titre, les règles d'attribution et le versement des aides à l'installation seront décentralisées, dans le respect du plan stratégique national 2023-2027 agréé par la Commission européenne, qui décline la politique agricole commune.

Or, l'article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime, spécifique aux aides à l'installation, fait toujours mention du cadre précédemment en vigueur, à savoir une mise en oeuvre conjointe des présidents de région et du préfet. Or, l'article 6 de la loi « assurance récolte 16 ( * ) », modifiant cet article en mars 2022, postérieurement à l'ordonnance de janvier 2022, empêche de considérer que cet article du code rural est abrogé. En conséquence, deux dispositions du code rural sont contradictoires, et le cadre juridique n'est pas prêt avant l'entrée en vigueur de la nouvelle programmation de la PAC.

B. Une base légale pour les compétences du directeur général de FranceAgriMer

En vue de la mise en oeuvre de la programmation 2023-2027 de la politique agricole commune, le III de cet article confère explicitement le pouvoir réglementaire au directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer). Il s'agit de l'acte récognitif d'une compétence déjà implicitement reconnue (cf. supra ), qui aura pour effet de sécuriser cette compétence réglementaire.

Il a été précisé que les règles fixées par le DG l'étaient « au nom de l'État », pour éviter toute contradiction avec l'article 21 de la Constitution 17 ( * ) , et afin de ne pas priver le Gouvernement de son champ de compétence.

III. La position de la commission - Une régionalisation des aides à l'installation bienvenue pour l'agriculture française, mais qui nécessite un suivi précis et le maintien dans la loi de conditions de formation

Le rapporteur accueille positivement la consolidation des compétences réglementaires du directeur de FranceAgriMer en matière de dépenses d'intervention sur les marchés. Un amendement COM-29 rédactionnel est proposé à la commission des affaires sociales, mais cette consolidation juridique n'appelle pas d'observations supplémentaires.

S'agissant des aides à l'installation, en revanche, il formule trois remarques, chacune se traduisant par un amendement.

A. La nécessité d'un bilan annuel consolidé à l'échelle nationale, de cette politique de première importance pour l'agriculture française

La décentralisation des aides à l'installation des jeunes agriculteurs, consistant à confier la gestion de celles-ci à un échelon politico-administratif plus proche des réalités du terrain, est une évolution évidemment positive . Un signe de l'intérêt de cette décentralisation est que d'après les services du ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire, toutes les régions ont demandé 18 ( * ) , ou sont en passe de demander, par une délibération, le transfert de la compétence aides non surfaciques du FEADER d'ici à l'échéance fixée au 28 janvier 2023 19 ( * ) .

Les régions sont soucieuses de s'emparer de cette compétence pour contribuer à relever le défi du renouvellement des générations. Selon les données d'Agreste, le service de la statistique, de l'évaluation et de la prospective du ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire, l'âge moyen des exploitants agricoles s'élève à 51,4 ans en 2020 (contre 50,2 ans en 2010), et la proportion d'agriculteurs de plus de 60 ans à 25 % (contre 20 % en 2010). Ce sont ainsi 43 % des exploitants en activité qui ont déjà atteint ou pourront atteindre l'âge de la retraite d'ici 2030 .

Or, les données du recensement agricole font apparaître que le vieillissement de la population est inégal d'une région à l'autre , ce qui nécessite sans doute, le recours à des politiques différentes d'un territoire à l'autre (cf. graphique ci-dessous).

Source : Agreste 20 ( * )

En contrepartie de cette dévolution de compétences aux régions, le rapporteur a toutefois souhaité faciliter un suivi national de cette politique prioritaire pour la ferme France , à l'heure où près d'un exploitant sur deux prendra sa retraite dans la décennie à venir. À cette fin, il a proposé un amendement COM-27 prévoyant un bilan annuel des régions sur la politique d'installation et de transmission, qui contribuerait à trois objectifs :

- améliorer la lisibilité des règles d'octroi d'une région à l'autre des aides pour les exploitants agricoles et les primo-installés ;

- favoriser grâce à la transparence et aux comparaisons des choix de chaque région, les démarches d'évaluation scientifique, la saine concurrence entre collectivités ;

- prévenir le risque d'accroissement des disparités entre régions, redouté notamment par les Jeunes agriculteurs. Si Régions de France rappelle qu'il existe déjà une disparité importante actuellement, y compris au sein d'une même région, force est d'admettre que la décentralisation serait de nature à accroître ces disparités, qu'il s'agisse d'aides nationales ou européennes confiées aux régions ou de dispositifs à proprement parler régionaux.

Ce bilan serait à la charge de chaque région, mais devra faire l'objet d'une consolidation par l'État , pour faciliter les comparaisons et les remontées d'information. Cette répartition des rôles précise correspond à l'impératif énoncé au considérant 105 du règlement « PAC » n° 2021/2115, selon lequel « chaque plan stratégique relevant de la PAC devrait par conséquent énumérer l'ensemble de ses structures de gouvernance et de coordination, y compris les systèmes de contrôle et les sanctions, et la structure du suivi et des rapports ».

Il est rappelé enfin qu'un bilan de ce type était demandé avant 2014 à l'autorité de l'État dans le département, lorsque les aides à l'installation étaient gérées par l'État.

B. La nécessité de maintenir la condition d'une capacité professionnelle minimale, préalable à l'installation, pour pouvoir prétendre aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs

En proposant à la commission des affaires sociales de voter l'amendement COM-26 du rapporteur Laurent Duplomb, la commission des affaires économiques du Sénat a souhaité maintenir la condition d'une capacité professionnelle minimale , pour bénéficier des aides à l'installation des jeunes agriculteurs.

Il ne s'agit pas de l'ajout d'une condition nouvelle, puisque l'article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version en vigueur, dispose que « pour bénéficier du dispositif d'aide à l'installation, les candidats doivent justifier de leur capacité à réaliser un projet viable par la détention d'une capacité professionnelle ». C'est le présent article 30 qui, dans sa rédaction initiale, entendait revenir sur cette condition .

Certes, il est précisé dans cette rédaction que les autorités de gestion régionales fixent le cadre réglementaire applicable à ces aides « dans le respect du plan stratégique national » (PSN), et le PSN présenté par la France et agréé par la Commission européenne en août 2022 dispose que « les bénéficiaires doivent présenter au moment de l'installation un niveau de diplôme et/ou d'expérience professionnelle. Ce niveau est défini régionalement dans la limite de ceux prévus dans la définition du `jeune agriculteur' . »

Néanmoins la nature du diplôme ou de l'expérience professionnelle requis n'est pas précisée, comme si les métiers de l'agriculture ne nécessitaient pas des compétences spécifiques en agronomie, en biologie, en agroéquipement ou en matière de gestion des entreprises. L'amendement COM-26 précise dans cet esprit que la capacité professionnelle doit présenter « un lien, au moins indirect » avec le projet d'installation .

Il est en outre toléré par le PSN qu'une personne souhaitant s'installer bénéficie des aides à l'installation tout en acquérant « progressivement ce niveau [de formation] au cours de son installation si l'autorité de gestion régionale déploie cette possibilité ». Or, sans l'exigence d'un bagage technique minimal préalable, cette dérogation ouvrirait la voie à des installations non préparées, à la viabilité douteuse et finalement plus contre-productives que bénéfiques au renouvellement des générations.

S'il est nécessaire d'élargir le vivier de recrutement de l'agriculture à des personnes non issues du milieu agricole, le rapporteur croit que l'installation doit être un choix mûrement réfléchi et que la levée de tout prérequis à l'installation reviendrait à confondre vitesse et précipitation, et affecterait à terme la productivité et la résilience de l'agriculture française.

L'amendement COM-26 dispose, à cette fin, que la capacité professionnelle doit être « préalable à l'installation » .

Si ces deux précisions vont un peu plus loin que ce qui est mentionné dans la PSN de la France, le rapporteur souhaite rappeler que, sur le fondement du règlement « PAC » de 2021, « les États membres peuvent, à tout moment, apporter et appliquer des modifications aux éléments de leurs plans stratégiques relevant de la PAC relatifs aux interventions au titre du titre III, chapitre IV, y compris les conditions d'admissibilité de ces interventions , pour autant qu'elles n'entraînent pas de modification des valeurs cibles visées à l'article 109, paragraphe 1, point a). Ils notifient ces modifications à la Commission avant de commencer à les appliquer et les incluent dans la prochaine demande de modification du plan stratégique relevant de la PAC conformément au paragraphe 1 du présent article 21 ( * ) . »

C. La répartition des compétences en matière d'aide à l'installation des jeunes agriculteurs dans les outre-mer

Pour les cinq territoires relevant, sur le fondement de l'article 73 de la Constitution, du principe de l'assimilation législative - collectivités uniques de Martinique , de Guyane et de Mayotte , et départements et régions de la Guadeloupe et de La Réunion 22 ( * ) -, l'article L. 371-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit, « sous réserve des exceptions et adaptations prévues », l'application des dispositions du livre III du même code, dont l'article L. 330-1. Ces cinq collectivités sont en effet, pour l'Union européenne, des « régions ultrapériphériques », où le droit de l'UE s'applique. Pour Saint-Martin , collectivité d'outre-mer (article 74 de la Constitution) qui a conservé de son ancien rattachement au département de la Guadeloupe un statut de région ultrapériphérique, un même régime d'assimilation est prévu (article L. 373-1 du code rural et de la pêche maritime). Dans ces six territoires, la régionalisation des aides non surfaciques du Feader est en pratique une « territorialisation » de cette compétence.

L'article L. 330-1 du code rural n'est en revanche pas applicable dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy (article L. 372-3), de Polynésie française (article L. 375-4) et de Wallis-et-Futuna (article L. 375-1), ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie (article L. 375-4), qui sont tous des pays et territoires d'outre-mer (PTOM), dans lesquels le droit de l'Union européenne ne s'applique pas en principe.

À Saint-Pierre-et-Miquelon, qui appartient pourtant à cette catégorie des PTOM, l'article L. 374-8 établissait le même régime que l'article L. 330-1 (« la mise en oeuvre est assurée à l'échelon territorial sous l'autorité conjointe du représentant de l'État et du président de la collectivité territoriale »). La modification de l'article L. 330-1 a nécessité un amendement COM-29 de coordination pour maintenir le droit existant.

La commission a proposé à la commission des affaires sociales d'adopter l'article ainsi modifié par quatre amendements.

Article 31 (délégué)

Ratification de huit ordonnances adaptant le droit interne à plusieurs dispositions européennes dans le domaine agricole

Cet article vise à ratifier huit ordonnances adaptant le code rural et de la pêche maritime (CRPM) et, incidemment, le code général des impôts et le code de la consommation, à des dispositions européennes pour la plupart d'application directe car issues de règlements européens, en des domaines très variés :

1° autorités compétentes pour les contrôles des normes du livre II du CRPM (santé animale, santé des végétaux) ;

2° conditions de qualification professionnelle des vétérinaires communautaires pour exercer en France dans le cadre de la libre prestation de service ;

3° reconnaissance d'indications géographiques pour les vins aromatisés, de mentions valorisantes dont « produit de montagne » ;

4° règles applicables à la production de vin et définition des sanctions en cas de leur non-respect ;

5° modalités de regroupement en organisations de producteurs et suppression des quotas laitiers ;

6° catégorisation des organismes nuisibles aux végétaux, modalités des contrôles officiels et autorités compétentes en la matière (vétérinaires, inspecteurs phytosanitaires) ;

7° règles applicables aux programmes de sélection génétique des animaux d'élevage (livre VI du CRPM) ;

8° entrée en vigueur de la « loi de santé animale », qui a refondu tout l'édifice juridique en matière de maladies animales transmissibles.

Entrées en vigueur lors de leur publication, ces ordonnances étaient en attente de ratification expresse par le Parlement depuis longtemps (il y a 1 an et 1 mois pour la plus récente, et jusqu'à 7 ans et 6 mois pour la plus ancienne) pour acquérir une pleine valeur législative.

Malgré de fortes réserves sur la procédure, la commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article sans modification, les dispositions ne posant pas de difficultés sur le fond.

I. Le dispositif envisagé - Un véhicule balai de ratification de huit ordonnances, principalement destinées à adapter le code rural et de la pêche maritime à des règlements européens

A. Des ordonnances déjà entrées en vigueur lors de leur publication mais en attente de ratification expresse par le Parlement

Aux termes de l'article 38 de la Constitution, une ordonnance entre en vigueur lors de sa publication au journal officiel ou le cas échéant à la date qu'elle a établie, si elle a été prise dans le délai fixé par l'habilitation.

Comme un projet de loi de ratification avait déjà été déposé, pour chacune des huit ordonnances, sur le bureau de l'une ou l'autre assemblée, dans le délai imparti pour le dépôt 23 ( * ) , ces textes ne sont pas devenus caducs . Ces ordonnances publiées, et dont les projets de loi de ratification ont été déposés, produisent des effets juridiques assimilables à la loi.

Toutefois, dans la mesure où elles n'ont pas été ratifiées de façon expresse par le Parlement, les dispositions de ces ordonnances peuvent faire l'objet d'un recours devant le juge administratif 24 ( * ) - bien que, selon le motif invoqué du recours, le Conseil constitutionnel se soit déclaré compétent 25 ( * ) . C'est un motif d'insécurité juridique.

Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, seule la ratification expresse par le Parlement confère en effet une pleine valeur législative aux dispositions d'une ordonnance.

B. Des ordonnances qui dans la plupart des cas ne transposent pas des directives européennes, mais adaptent le droit français à plusieurs règlements européens

À une exception près 26 ( * ) , les ordonnances qu'il est proposé de ratifier à l'article 31 ne transposent pas des directives européennes, mais adaptent le code rural et de la pêche maritime à des règlements qui, par leur nature même, sont d'application directe.

De ce fait, il n'existe pas de tableau de concordance stricto sensu permettant de retracer le lien entre une mesure précise figurant dans l'une de ces ordonnances et un objectif fixé dans une directive qu'elle transposerait. Les services du ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire ont néanmoins fourni au rapporteur un tableau récapitulant les textes européens ayant justifié ou contribué à justifier ces ordonnances.

Si pour l'essentiel lesdites ordonnances procèdent à l'adaptation aux textes mentionnés dans le tableau ci-dessous, il convient de relever que :

- l'adaptation à ces textes n'a pas eu pour véhicule exclusif ces ordonnances, de précédents textes étant déjà intervenus à cette fin ;

- les huit ordonnances ne se limitent pas à la seule adaptation du droit français aux règles européennes, procédant également à d'autres modifications (cf. C infra ).

Ordonnance

Textes européens ayant justifié (ou contribué à justifier) l'ordonnance

1° Ordonnance n° 2015-616 du 4 juin 2015 modifiant le code rural et de la pêche maritime en vue d'assurer la conformité de ses dispositions avec le droit de l'Union européenne et modifiant les dispositions relatives à la recherche et à la constatation des infractions aux dispositions de son livre II

Règlement (CE) n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes.

Règlement (CE) n° 1069/ 2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine.

2° Ordonnance n° 2015-1245 du 7 octobre 2015 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles des professions réglementées par le code rural et de la pêche maritime

Directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 (modifiant la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles).

3° Ordonnance n° 2015-1246 du 7 octobre 2015 relative aux signes d'identification de l'origine et de la qualité

Règlement (UE) n° 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires instituant la mention de qualité facultative « produit de montagne ».

Règlement (UE) n° 251/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la définition, la description, la présentation, l'étiquetage et la protection des indications géographiques des produits vinicoles aromatisés.

4° Ordonnance n° 2015-1247 du 7 octobre 2015 relative aux produits de la vigne

Règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés agricoles.

5° Ordonnance n° 2015-1248 du 7 octobre 2015 portant adaptation du code rural et de la pêche maritime au droit de l'Union européenne

Règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles.

Règlement (UE) n° 1379/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture.

Règlement (CE) n° 1224/2009 du Conseil du 20 novembre 2009 instituant un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche.

6° Ordonnance n° 2019-1110 du 30 octobre 2019 portant adaptation du livre II du code rural et de la pêche maritime au droit de l'Union européenne

Règlement (UE) 2017/625 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relatif aux contrôles officiels.

Règlement (UE) 2016/2031 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relatif aux mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux.

7° Ordonnance n° 2021-485 du 21 avril 2021 relative à la reproduction, à l'amélioration et à la préservation du patrimoine génétique des animaux d'élevage

Règlement (UE) 2016/1012 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 relatif aux conditions zootechniques et généalogiques applicables à l'élevage, aux échanges et à l'entrée dans l'Union de reproducteurs de race pure, de reproducteurs porcins hybrides et de leurs produits germinaux (dit « règlement relatif à l'élevage d'animaux »).

8° Ordonnance n° 2021-1370 du 20 octobre 2021 relative aux mesures de surveillance, de prévention et de lutte contre les maladies animales transmissibles

Règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles (dit « loi de santé animale », entrée en vigueur le 21 avril 2021, qui remplace plusieurs directives et règlements européens).

Source : services du ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire.

C. Description des principales dispositions matérielles des ordonnances

1. Ordonnance n° 2015-616 du 4 juin 2015 modifiant le code rural et de la pêche maritime en vue d'assurer la conformité de ses dispositions avec le droit de l'Union européenne et modifiant les dispositions relatives à la recherche et à la constatation des infractions aux dispositions de son livre II

Cette ordonnance réécrit les dispositions qui fondent la compétence des autorités chargées du contrôle des dispositions du livre II du code rural et de la pêche maritime (alimentation, santé publique vétérinaire et protection des végétaux). En particulier, elle « déclasse » (faisant passer de la loi au règlement) la liste des personnes habilitées à contrôler et sanctionner les manquements en ces domaines.

S'agissant de l'adaptation au droit de l'UE, en matière de transport d'animaux vivants , elle renvoie les conditions d'agrément des convoyeurs et des postes de contrôle aux règles européennes (article L. 214-12). En matière de collecte et de traitement des sous-produits animaux (équarrissage), elle remplace les références à un règlement antérieur par la référence au règlement de 2009 et définit les règles sanitaires à respecter et la répartition des rôles entre filières et puissance publique (chapitre VI du titre II de ce livre).

2. Ordonnance n° 2015-1245 du 7 octobre 2015 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles des professions réglementées par le code rural et de la pêche maritime

Cette ordonnance transpose la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (dite « DQP »). Pour plus de lisibilité, la DQP regroupe quinze directives générales et sectorielles antérieures de reconnaissance des qualifications dans les professions réglementées, dont celle relative à la profession de vétérinaire .

Il convient de relever qu'en application de cette directive, pour l'accès partiel à l'exercice de la profession de vétérinaire , la condition d'avoir exercé un an dans un ou plusieurs États membres remplace celle d'avoir exercé deux ans dans l'État d'origine.

3. Ordonnance n° 2015-1246 du 7 octobre 2015 relative aux signes d'identification de l'origine et de la qualité

Ce texte de huit articles modifie le code rural et de la pêche maritime ainsi que, par coordination, le code de la consommation, pour inscrire en droit interne les nouvelles obligations et possibilités actées au niveau européen en matière d'indications géographiques et de mentions valorisantes .

Ainsi, elle ajoute dans le code rural les mentions valorisantes « montagne », « produit de montagne » et « produit pays » (dans les outre-mer), et ouvre la possibilité de placer certains produits vinicoles aromatisés sous signe de qualité (règlement (UE) n° 251/2014). En sens inverse, elle supprime les mentions « vin de pays » et « vin délimité de qualité supérieure » et autorise l'emploi de certains mots (tels que « clos », « château »...) pour tout vin. L'obligation de mise en bouteille dans la région de production est assouplie.

Elle inclut par ailleurs le bien-être animal dans le cahier des charges « agriculture biologique ».

Au-delà de ces adaptations au droit de l'Union européenne, elle confère plus de souplesse à la politique de valorisation des produits agricoles , en permettant de reconnaître ou de retirer des mentions et SIQO (dont label rouge) par décret simple, après avis de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) et des organismes de défense et de gestion (ODG). Elle définit enfin les règles relatives aux plans de contrôle ou d'inspection, ainsi que les sanctions associées en cas de manquement.

4. Ordonnance n° 2015-1247 du 7 octobre 2015 relative aux produits de la vigne

Cette ordonnance adapte le code rural et de la pêche maritime et le code général des impôts au droit européen en ce qui concerne le régime d'autorisations de plantations de vigne, le casier viticole, les déclarations obligatoires et le registre des entrées et sorties. Elle a notamment pour effet :

- d'assouplir les autorisations de circulation des produits issus de la vigne ;

- de redéfinir le champ des compétences des agents des douanes et droits indirects en matière de contrôle des activités vitivinicoles ;

- de rehausser le montant des amendes fiscales en cas de non-respect des obligations relatives à l'encépagement, aux autorisations de plantation, à l'élimination des sous-produits de la vinification, à l'arrachage des vignes, à la tenue des registres ;

- de permettre l'échange des informations figurant dans le casier viticole entre autorités administratives ;

- et enfin de corriger certaines références obsolètes.

5. Ordonnance n° 2015-1248 du 7 octobre 2015 portant adaptation du code rural et de la pêche maritime au droit de l'Union européenne

Cette ordonnance a été prise, comme l'ordonnance précédente, pour adapter le droit interne au règlement (UE) n° 1308/2013 ( règlement « OCM unique » ), mais aussi pour tenir compte du règlement n° 1379/2013 (règlement OCM spécifique à la pêche et à l'aquaculture).

En sept articles, elle définit les modalités de regroupement des acteurs de l'amont en organisations de producteurs (OP), dans les domaines agricole et de la pêche et de l'aquaculture. Elle énumère les avantages dont peuvent bénéficier les acteurs ayant fait le choix de se regrouper, les conditions pour prétendre à ces avantages, les spécificités contractuelles associées à cette forme d'organisation, et les contraintes qui en résultent pour les acteurs non constitués en OP.

L'ordonnance tire en outre, en son article 5, les conséquences de la suppression des quotas laitiers , intervenue en avril 2015, et qui a conduit à la baisse tendancielle des prix du lait.

6. Ordonnance n° 2019-1110 du 30 octobre 2019 portant adaptation du livre II du code rural et de la pêche maritime au droit de l'Union européenne

Les sept articles de cette ordonnance adaptent le livre II du code rural et de la pêche maritime (relatif à l'alimentation, la santé publique vétérinaire et la protection des végétaux), en matière de contrôles officiels et de lutte contre les organismes nuisibles aux végétaux .

Pour ce faire, ils abrogent plusieurs dispositions du code rural, qui figurent maintenant dans le règlement (UE) 2016/2031 (dit règlement « santé des végétaux »), d'application directe.

Ils traduisent en droit interne la nouvelle classification des organismes nuisibles aux végétaux qui résulte de ce règlement.

Enfin, ils déterminent les modalités des contrôles officiels et les autorités compétentes en la matière (vétérinaires, inspecteurs phytosanitaires).

7. Ordonnance n° 2021-485 du 21 avril 2021 relative à la reproduction, à l'amélioration et à la préservation du patrimoine génétique des animaux d'élevage

À l'instar de plusieurs autres ordonnances, les six articles de ce texte abrogent plusieurs dispositions du code rural, qui figurent maintenant dans le règlement (UE) 2016/1012 (dit règlement « élevage des animaux »), d'application directe.

L'ordonnance renvoie à un décret en Conseil d'État les conditions dans lesquelles l'instruction des demandes d'agrément des établissements de sélection et des demandes d'approbation préalable des programmes de sélection par l'État est effectuée. Elle désigne des organismes chargés de cette mission pour son compte (par exemple, en matière équine, l'Institut français du cheval et de l'équitation).

8. Ordonnance n° 2021-1370 du 20 octobre 2021 relative aux mesures de surveillance, de prévention et de lutte contre les maladies animales transmissibles

Règlement européen pris en mars 2016, la « loi de santé animale » refond tout l'édifice juridique existant (plusieurs directives et règlements) en matière de maladies animales transmissibles, à des fins d'harmonisation au sein de l'Union européenne.

Compte tenu de la refonte profonde qu'il appelle, ce règlement est entré en vigueur seulement cinq ans plus tard, en avril 2021. De plus, certaines dispositions (aux articles 3, 7 et 8) n'entreront en vigueur qu'en avril 2024.

De façon parallèle au règlement « santé des végétaux », sont abrogées plusieurs dispositions du code rural, qui figurent maintenant dans le règlement, d'application directe. La « loi de santé animale » procède en outre à une nouvelle catégorisation des maladies animales transmissibles .

Elle redéfinit enfin le partage des responsabilités entre puissance publique et professionnels de l'élevage en matière de prévention, de surveillance et de maîtrise des risques sanitaires.

II. La position de la commission - Un toilettage technique dont la ratification est proposée (trop) tardivement au Parlement, mais qui appelle peu d'observations particulières sur le fond

A. S'agissant de la procédure, les conditions dans lesquelles ces ratifications sont proposées au Parlement ne sont pas satisfaisantes au regard de l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats

Conformément à la pratique maintenant devenue dominante du « découplage » des lois de ratification , les projets de loi de ratification déposés au cours des huit dernières années ne seront pas les véhicules permettant in fine leur ratification expresse par le Parlement.

Le caractère davantage technique que politique, et par conséquent le faible degré de priorité politique de ces divers textes, expliquent qu'ils n'aient jamais été inscrits à l'ordre du jour. De ce fait, l'article 31 du présent projet de loi joue le rôle de « véhicule balai », bien après l'entrée en vigueur effective des dispositions.

Ainsi, alors que le délai effectif de ratification s'est élevé en moyenne à 1 an, 1 mois et 7 jours (soit 403,5 jours) lors du précédent quinquennat 27 ( * ) , il aura fallu 5 ans, 3 mois et 2 jours (soit 1 919 jours) pour que les huit ordonnances de l'article 31 soient examinées en commission par la première chambre. Encore conviendra-t-il d'ajouter à ce décompte le temps d'examen de ce projet de loi, avant son éventuelle adoption.

Ordonnance

2015-616

2015-1245

2015-1246

2015-1247

2015-1248

2019-1110

2021-485

2021-1370

Temps avant l'examen dans la première chambre*

7 ans, 6 mois et 3 jours

7 ans et 2 mois

7 ans et 2 mois

7 ans et 2 mois

7 ans et 2 mois

3 ans, 1 mois et 7 jours

1 an, 7 mois et 16 jours

1 an, 1 mois et 17 jours

*décompte arrêté au mercredi 7 décembre 2022

Pour cinq ordonnances datant de 2015, ce serait la première fois, depuis le record de l'ordonnance n° 2011-78 du 21 janvier 2011, ratifiée 9 ans, 10 mois et 13 jours après sa publication (soit 3 604 jours 28 ( * ) ), que la ratification interviendrait deux mandats après celui de sa publication .

Tout en saluant l'inscription de ce texte à l'ordre du jour, et sans vouloir exagérer l'impact de tels délais, le rapporteur tient à rappeler qu'il serait de bonne pratique, pour la lisibilité des débats autant que pour la sécurité juridique des principaux intéressés, d'inscrire les projets de loi de ratification à l'ordre du jour des deux chambres dans des délais plus raisonnables .

Un tel effort aurait du reste évité le caractère très disparate, sur le plan matériel, des dispositions de l'article 31 qu'il est proposé de ratifier . Alors qu'en moyenne, entre 2007 et 2022, une loi de ratification promulguée comportait en moyenne 3,2 ratifications, le présent article en contient à lui seul 8 - auxquelles il conviendrait d'ajouter la ratification proposée à l'article 22 et les deux proposées à l'article 23 en matière sanitaire, en dehors du champ des articles délégués à la commission des affaires économiques.

Aussi, les conditions d'examen de cet article ne sont pas pleinement satisfaisantes au regard des exigences constitutionnelles de clarté et de sincérité du débat parlementaire , pour plusieurs raisons :

- les dispositions de ces ordonnances ne s'inscrivent pas toutes à proprement parler dans l'objet de ce projet de loi (l'adaptation au droit de l'Union européenne), même si elles en sont connexes ;

- aucune étude d'impact n'a été transmise au Parlement, ni lors du dépôt du projet de loi de ratification de ces ordonnances, ni à l'appui de ce projet de loi Ddadue. Bien que le Gouvernement ne soit pas assujetti à l'obligation de fournir une étude d'impact 29 ( * ) lors de la ratification d'une ordonnance, il eut été intéressant pour le Parlement de disposer d'une telle étude, même sommaire. C'est d'autant plus vrai que le Sénat a dû examiner ce projet de loi dans des délais extrêmement resserrés.

B. Cependant, sur le fond, la France a été à l'initiative de nombre des dispositions européennes justifiant ces ordonnances, et bénéficie de plusieurs d'entre elles

1. Tant en raison de leur contenu que du caractère extrêmement tardif de leur ratification, ces ordonnances ont suscité très peu de réactions de la part des syndicats et autres acteurs du monde agricole

Le rapporteur voit là une preuve de plus que l'examen de ces dispositions au Sénat intervient à contretemps, le véritable débat ayant eu lieu au sein du Conseil de l'UE et du Parlement européen il y a parfois plus de quinze ans.

S'il le regrette, il n'entend pas pour autant revenir sur des dispositions qui relèvent, depuis la publication des ordonnances, du droit existant, afin de garantir la sécurité juridique des opérateurs concernés.

2. La ratification de ces ordonnances n'empêche pas de faire preuve de vigilance dans le contrôle de leur application, par exemple en matière d'exercice vétérinaire en France

À titre d'exemple, la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l'exercice de la profession de vétérinaire est une évolution inéluctable au regard du droit de l'Union et utile, mais dont l'application gagnerait à être mieux encadrée.

Entendu par le rapporteur, le Conseil national de l'ordre des vétérinaires n'a pas formulé de proposition alternative à la rédaction de l'ordonnance de transposition, indiquant y avoir été associé jusqu'à sa publication en 2015.

Dans un contexte où 54 % des vétérinaires inscrits au tableau de l'ordre n'ont pas été formés en France, les principes de la libre prestation de services et de la liberté d'établissement sont indispensables . Le déficit vétérinaire entraîné par le Brexit pour les yearlings (jeunes pur-sang) vendus à Deauville a rappelé l'intérêt de ces principes.

Le CNOV a néanmoins réitéré sa proposition d'un référentiel européen commun en matière de formation . Ce dernier pourrait servir de base à un diplôme européen et ainsi se substituer progressivement à la notion d'« accès partiel » à l'exercice de la profession de vétérinaire, qui sous-tend la libre prestation de services et la liberté d'établissement.

Il a, en outre, fait état de dérives dans le cadre de la libre prestation de services , permettant d'exercer « à titre occasionnel et temporaire » sans autre contrainte qu'une déclaration préalable renouvelée annuellement : certaines personnes ont enfreint les règles disciplinaires voire pénales en pratiquant l'optimisation fiscale voire des accommodements avec les règles vétérinaires .

3. Concernant la reconnaissance de nouvelles mentions valorisantes et le renforcement de l'encadrement de la production vitivinicole, la France était à l'initiative et est la première bénéficiaire

Le renforcement des règles applicables à la production de vin, des contrôles et des sanctions en cas de manquement, se justifie par la nécessité d'assurer la loyauté des transactions et, in fine , de maintenir la forte valorisation des produits vitivinicoles, en particulier sous signe officiel de la qualité et de l'origine. La France étant le premier producteur de vin en valeur au sein de l'Union européenne, sa filière viticole est la première bénéficiaire de cet encadrement plus strict.

Il en va de même pour les indications géographiques (IG) et mentions valorisantes : la France est engagée activement en faveur de leur reconnaissance la plus large possible au niveau européen et dans les accords commerciaux conclus par l'Union. Plus le cercle d'États membres bénéficiant de telles appellations s'élargira, plus simple il sera de faire valoir ses positions sur les produits sous signe de qualité dans les négociations commerciales.

L'extension du champ des IG aux vins aromatisés répond à la demande de professionnels qui ne parvenaient pas à faire reconnaître la qualité de produits rencontrant pourtant, de plus en plus, les faveurs du public. Il s'agit d'une évolution bienvenue.

Outre ce surplus de valorisation économique, la reconnaissance des mentions « produits de montagne » ou « produits pays » favorise le développement de territoires désavantagés en raison de contraintes naturelles . Or la commission des affaires économiques est très attachée à cet aspect de la politique de valorisation des produits.

4. Seule surtransposition de ces ordonnances, le maintien de standards élevés en matière de santé animale et de sélection génétique apparaît justifié par un motif d'intérêt général suffisant

En cohérence avec ses travaux sur la compétitivité de la ferme France 30 ( * ) , le rapporteur pour avis M. Laurent Duplomb s'est montré soucieux, dans les travaux préparatoires à l'examen des articles, de n'avaliser aucune surtransposition , qu'il s'agisse de dispositions autorisées par le droit de l'UE ou, a fortiori, de situations dans lesquelles un règlement ou une directive d'harmonisation maximale interdiraient à la France d'aller au-delà du standard européen.

Les services du ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire ont attiré l'attention du rapporteur sur deux domaines dans lesquels sont à noter des surtranspositions, qui sont autorisées par le droit de l'UE :

- le premier domaine (ordonnances n° 2019-1110 et n° 2021-1370) est celui de la surveillance sanitaire du territoire. Bien que la « loi de santé animale » procède à une nouvelle classification des maladies animales transmissibles harmonisée entre États membres, la France a entendu maintenir le classement de certaines maladies à un niveau impliquant une surveillance plus stricte qu'ailleurs au sein du marché intérieur . La France était déjà mieux-disante par rapport à ses partenaires en ce domaine, et ces ordonnances n'accroissent pas l'écart avec eux.

- le second domaine (ordonnance n° 2021-485) est celui de la sélection génétique des animaux d'élevage . Une approbation administrative préalable, non prévue au niveau européen, figure dans le code rural pour les animaux de certaines espèces (ruminants, porcins, équidés) dont les produits germinaux ont vocation à être diffusés largement au sein des élevages.

Ces deux types de surtranspositions apparaissant justifiés par un motif d'intérêt général suffisant, la performance sanitaire de la France et la qualité de son cheptel étant des gages de performance économique.

Pour ces raisons de fond, et malgré les réserves exprimées sur la procédure, la commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article sans modification.


* 6 Régions de France, « Les politiques régionales en faveur de l'installation et la transmission en agriculture », octobre 2022. https://regions-france.org/wp-content/uploads/2022/10/2022_10_02_VF_Rapport_Agri.pdf

* 7 Chapitre III du titre III du règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 (règlement « PAC »).

* 8 Investissements, recherche et innovation, conseil et assistance technique, communication, formation, échange de bonnes pratiques, produits sous signe de qualité ou de l'agriculture biologique, traçabilité et, surtout, dépenses de stockage et concentration de l'offre afin de stabiliser les prix.

* 9 Les aides aux trois premiers secteurs sont obligatoires, tandis que les aides à la filière huile d'olive et des olives de table (de même que des aides pour le secteur du houblon, non versées en France) sont facultatives.

* 10 CE, 15 novembre 2022, Société La Guyennoise, n° 451758.

* 11 L'établissement a pour mission de « mettre en oeuvre des mesures communautaires afférentes à ses missions ».

* 12 « Le directeur général est l'ordonnateur principal des recettes et des dépenses de l'établissement », et « pour l'exécution des missions d'organisme payeur, le directeur général prend, si nécessaire, les décisions visant à préciser les conditions de gestion et d'attribution des aides instaurées par les règlements européens, après avis du comité sectoriel intéressé, du conseil spécialisé intéressé ou du conseil d'administration ».

* 13 Celui de la France a été agréé par la Commission européenne le 31 août 2022.

* 14 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 15 Modifiée par l'ordonnance n° 2022-68 du 26 janvier 2022 relative à la gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural au titre de la programmation débutant en 2023.

* 16 Loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d'orientation relative à une meilleure diffusion de l'assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.

* 17 Le Premier ministre « exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires. Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres ».

* 18 Lors de la rédaction de ce rapport, des délibérations des conseils régionaux de Normandie, Pays de la Loire, Bretagne et Nouvelle-Aquitaine avaient déjà été votées en ce sens. Les autres délibérations devront être prises avant fin janvier 2023.

* 19 Article premier du décret n° 2022-1051 du 28 juillet 2022 relatif à la gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural au titre de la programmation débutant en 2023.

* 20 Agreste, « Recensement agricole 2020 Âge des exploitants et devenir des exploitations Les exploitations fruitières ou de grandes cultures plus souvent dirigées par au moins un exploitant senior », juillet 2022. En ligne : https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Pri2210/Primeur%202022-10_RA_Age%20des%20exploitations.pdf

* 21 Règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021. En ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32021R2115

* 22 À La Réunion, la région ayant renoncé à la possibilité de se voir confier la gestion des mesures non surfaciques, c'est le département qui devrait reprendre cette compétence.

* 23 Dans la pratique, c'est le cas pour presque toutes les ordonnances, seulement trois exemples d'ordonnances frappées de caducité ayant été relevés depuis 1984 dans l'étude de référence de la direction de la séance du Sénat sur les ordonnances.

* 24 CE, 16 décembre 2020, Fédération CFDT des Finances et autres, Confédération générale du travail et autres et Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière.

* 25 Décisions n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020 - Force 5 et n° 2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020 - M. Sofiane A. et autre.

* 26 L'ordonnance n° 2015-1245 du 7 octobre 2015 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles des professions réglementées par le code rural et de la pêche maritime, visée au 2° de l'article 31, est la seule transposant une directive.

* 27 Lors des deux quinquennats précédents, ce temps moyen de ratification a été de 1 an, 7 mois et 21 jours (2012-2017) et de 1 an, 5 mois et 8 jours (2007-2012). Source : étude de la direction de la séance http://www.senat.fr/role/ordonnances/etude_ordonnances2022.pdf

* 28 Cette ordonnance étant relative aux conditions dans lesquelles certains actes peuvent être réalisés par des personnes n'ayant pas la qualité de vétérinaire, le rapporteur ne peut s'empêcher de constater que les questions de santé animale ne sont mises à l'agenda politique qu'en cas de crise, et délaissées le reste du temps.

* 29 Loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

* 30 Recommandation n° 2 du rapport d'information sur la compétitivité de la ferme France : « Donner corps au principe `Stop aux surtranspositions' en : conférant une valeur législative au principe de non-surtransposition, sauf motif d'intérêt général suffisant ; renforçant la transparence sur les surtranspositions en confiant au Conseil d'État la mission de les identifier dans ses avis sur les projets et propositions de loi et dans ses avis sur les décrets ; rendant obligatoire la production d'une estimation du surcoût d'une surtransposition par le Gouvernement dans un délai bref ; confiant au haut-commissaire à la compétitivité une mission de collecte des plaintes des organisations agricoles représentatives quant à des surtranspositions, une mission d'information du Parlement à ce sujet ainsi qu'une mission de proposition pour en limiter les effets, laquelle sera assortie, pour certaines surtranspositions, d'un pouvoir d'injonction d'y mettre fin. »

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