III. IMMIGRATION RÉGULIÈRE ET INTÉGRATION : UN RENFORCEMENT DES MOYENS ENCORE INSUFFISANT

La gestion de l'immigration régulière et le financement des actions d'intégration reposent sur les crédits du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité ». Ceux-ci représentent 534 M€, soit une augmentation de 24,3 % par rapport à 2022 . Cette hausse résulte, pour l'essentiel, du renouvellement des marchés de formations civique et linguistique du contrat d'intégration républicaine (CIR), du déploiement du programme d'accompagnement global et individualisé pour l'intégration des réfugiés (AGIR, cf. Infra ) 28 ( * ) et de la création de 1 000 places supplémentaires en centre provisoire d'hébergement 29 ( * )

A. UN DYNAMISME DES FLUX D'IMMIGRATION RÉGULIÈRE QUI SOUMET LES SERVICES DES ÉTRANGERS EN PRÉFECTURE À DE GRANDES DIFFICULTÉS

a) Une immigration régulière qui a retrouvé son niveau
pré-pandémique

Après une relative accalmie en 2020 en raison de la crise sanitaire, l'activité de délivrance et de renouvellement des titres de séjour des services des étrangers en préfecture a retrouvé un niveau élevé . Sur l'année 2021, ces derniers ont ainsi procédé à 270 925 primo-délivrances de titres (+21,4 %), soit un volume analogue au pic observé en 2019 (277 466). La répartition par motifs d'admission est stable : près des deux tiers des documents de séjour sont délivrés au titre de l'immigration familiale (32 %) et étudiante (32 %), contre respectivement 15 % et 14,5 % pour des motifs humanitaires ou économiques. Ces augmentations se répercutent directement sur le stock de titres valides, qui franchit chaque année un nouveau palier . Ledit stock se portait à 3 569 298 fin 2021, soit une progression de 500 000 titres en l'espace de 4 ans 30 ( * ) .

L'admission exceptionnelle au séjour participe également de cette dynamique avec 31 576 titres de séjour délivrés dans ce cadre en 2021 (contre 27 416 en 2020). Considérant que la progression continue du recours à ce dispositif renforce d'autant les incitations à l'immigration clandestine, les rapporteurs plaident à nouveau en faveur d'un durcissement des critères actuellement définis par la circulaire dite « Valls » du 28 novembre 2012. Celui-ci pourrait, a minima , se traduire par le fait qu'une résidence depuis au moins cinq ans sur le territoire français ne puisse justifier, à elle seule, l'admission exceptionnelle au séjour, ainsi que la commission des lois l'avait proposé.

b) Des services préfectoraux insuffisamment dotés face au dynamisme de la demande de titres

Les importantes difficultés rencontrées par les services des étrangers en préfecture pour répondre aux demandes de titres de séjour dans des délais raisonnables ont récemment fait l'objet de nombreux travaux. Le rapport d'information de mai 2022 précité intitulé « Services de l'État et immigration : retrouver sens et efficacité » illustre notamment cette saturation. Le délai moyen de traitement des demandes de titre s'est encore dégradé depuis lors, en raison de l'accaparement des services par l'accueil des personnes ukrainiennes. Selon les données communiquées par le directeur général des étrangers en France au cours de son audition, il est de 117 jours actuellement pour les primo-demandes (contre 99 jours en 2022) - bien supérieur à l'objectif de 90 jours que s'est fixé le ministère de l'intérieur - et de 77 jours pour les renouvellements (contre 65 jours en 2022) .

Au-delà des délais de traitement, les conditions d'accueil des étrangers se sont dégradées . Les difficultés d'accès au guichet, qui n'ont trouvé qu'une solution partielle avec la dématérialisation des démarches, en sont la manifestation la plus évidente. Cette situation a entraîné le développement d'un « contentieux ubuesque » d'accès au guichet, qui se matérialise par la démultiplication de référés dits « mesures utiles » intentés devant le juge administratif afin qu'il enjoigne l'administration à délivrer un rendez-vous.

Les rapporteurs reconnaissent les efforts consentis pour renforcer les moyens humains dans les services des étrangers , que ce soit par le recrutement de vacataires pour venir soutenir les services à hauteur de 190 ETPT par an sur la période 2023-2027 ou par l'attribution de moyens supplémentaires dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur 31 ( * ) . Ils considèrent néanmoins que ces renforts sont d'une envergure trop limitée compte tenu de l'ampleur des difficultés. Dans ce contexte, ils s'associent pleinement aux recommandations figurant dans le rapport d'information précité pour simplifier les procédures d'instruction et achever la transition vers un traitement dématérialisé des demandes de titres.


* 28 Pour un coût de 51 M€ selon les données communiquées par le ministère de l'intérieur.

* 29 Pour un coût de 10 M€ selon les données communiquées par le ministère de l'intérieur. Le rattachement de 1 208 places financées jusqu'au 31 décembre 2022 par la mission de plan de relance contribue également à cette hausse.

* 30 Le stock de titres de séjour valides en fin d'année 2017 était de 3 082 150.

* 31 L'objectif du plan de recrutement d'effectifs pérennes prévu dans ce cadre est une augmentation de 350 ETP sur le programme 354 « Administration territoriale de l'État », fléchés notamment vers les services des étrangers.

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