- LÉGISLATION COMPARÉE -

Recueil des notes de synthèse

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DE MARS 2019 À JUIN 2019

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AVERTISSEMENT

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs, à partir de documents en langue originale, par la division de la Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

AVANT-PROPOS

La Division de la Législation comparée du Sénat a réalisé entre mars et juin 2019 des études portant notamment sur :

- les régimes de protection de l'intégrité scientifique et de sanction des infractions chez les principaux acteurs de la recherche européens (Allemagne, Danemark, Italie, Pays-Bas et Royaume-Uni) à la demande de l'OPECST ;

- la prescription médicale d'activité physique et ses conditions de prise en charge par les assurances sociales en Allemagne, au Canada, en Italie, au Royaume-Uni et en Suède à la demande de M. Savin, sénateur ;

- la taxe sur les services numériques en Australie, en Autriche, en Espagne, en Italie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni à la demande de la Commission des Finances ;

- la participation à l'Union européenne dans les textes constitutionnels des États membres sur une sélection de pays peu évoqués (les Pays-Bas, la Belgique, l'Irlande, le Danemark, la Suède, la Finlande, l'Estonie et la Roumanie), dans la perspective des élections européennes ;

- le statut des travailleurs des plateformes numériques au regard du droit du travail en Allemagne, en Espagne, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Suisse, à la demande de Mme Grelet-Certenais et de Mme Lubin, sénatrices.

L'INTÉGRITÉ SCIENTIFIQUE

La division de la Législation comparée du Sénat a conduit une recherche sur l'intégrité scientifique dans cinq pays : l'Allemagne, le Danemark, l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

Cette étude se concentre sur les règles et les processus d'autorégulation des communautés scientifiques, le modèle le plus largement retenu, même si l'on peut remarquer des appels à une implication plus forte de l'État ou à la constitution d'agences de régulation indépendantes. Le Danemark fait figure de pionnier avec l'adoption d'une loi spéciale.

Elle laisse de côté les questions de bioéthique, d'expérimentation humaine et animale, de corruption et de collusion, de protection des données personnelles, ainsi que les enjeux de responsabilité civile et pénale qui y sont associées. Tous ces sujets extrêmement ramifiés sont traités systématiquement dans des lois spéciales dont les dispositions bénéficient d'un statut et d'effets juridiques nets et largement commentés.

En revanche, l'intégrité de la recherche au sens strict fait l'objet de codes de conduite, de déclarations de principe et de procédures d'examen par les pairs, qui ne ressortissent en principe ni de la loi, ni de la décision de justice, que ce soit dans leur mode de formation ou pour leur force normative. Ces textes et ces procédures dépendent de l'appréciation des acteurs de la communauté scientifique et de ses organes institutionnels (universités, centres de recherche, agences de financement ou d'évaluation) pour leur définition, leurs modalités d'application et leurs effets. Ils visent à garantir la légitimité et l'acceptabilité sociale de l'enquête scientifique en identifiant les principes généraux, voire les normes pratiques précises, qui doivent guider la recherche.

Il convient dans ce processus de promotion de la bonne pratique de la recherche de faire la part entre ce qui est souhaitable, à savoir une science fructueuse et féconde produisant des résultats robustes, intéressants et innovants, et ce qui est impérativement requis, à savoir une recherche intègre et rigoureuse, méthodologiquement et déontologiquement sans reproche. C'est sur ce second point que se concentrent les différentes chartes, déclarations ou codes de conduite.

En outre, l'erreur n'est pas nécessairement blâmable ou répréhensible ; elle peut être un cas isolé, elle peut être commise de bonne foi et compatible, au moins à ce moment-là, avec le respect des normes propres de la discipline concernée. L'enjeu central est alors de parvenir à caractériser et à sanctionner adéquatement la violation intentionnelle ou par négligence coupable d'une norme de conduite acceptée consensuellement par la communauté des chercheurs comme nécessaire pour garantir la fiabilité des travaux menés et la confiance légitime dans leurs résultats.

Les pays qui sont allés le plus avant ont senti la nécessité de graduer ces manquements à l'intégrité scientifique en fonction de leur gravité, en insistant notamment sur les trois violations majeures que constituent le plagiat (voire l'autoplagiat), la falsification et la fabrication de données. En principe sont installées des procédures décentralisées de plainte et de sanction, en général sous la responsabilité de l'université ou de l'organisme de recherche. Se posent alors les questions de l'équilibre entre la confidentialité et la transparence, de la conciliation de l'équité et de l'efficacité, de l'harmonisation de procédures conduites par des institutions autonomes et de leur contrôle administratif et juridictionnel.

1. Un modèle classique en Italie articulant des chartes de bonne conduite à un régime de sanctions pénales et administratives déjà ancien

En Italie, le Conseil national des recherches ( Consiglio Nazionale delle Ricerche -- CNR ) constitue l'établissement public ( ente pubblico ) principal en matière de recherche et, à ce titre, il est chargé du bon déroulement, de la promotion, de la valorisation et de la diffusion de celle-ci. Il présente de grandes similitudes avec son homologue français, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Placé sous la tutelle administrative du ministère de l'enseignement, des universités et de la recherche italien, le CNR ne dispose pas d'un pouvoir disciplinaire autonome mais d'un pouvoir de signalement et de vérification de l'éventuelle présence de falsifications de données, de plagiat ou de conduites malhonnêtes dans le déroulement des activités de recherche conduites par les chercheurs affiliés au CNR ou avec le soutien économique des fonds provenant de celui-ci.

Pour ce faire, le CNR s'est doté d'une commission d'éthique dans la recherche et de bioéthique ( Commissione per l'Etica della Ricerca e la Bioetica ). Il s'agit en l'occurrence d'une commission indépendante au sein du CNR, dont le président est nommé par le ministre de l'enseignement italien. Cette commission assure des fonctions de conseil en matière d'éthique, de bioéthique et les aspects juridiques s'y rapportant y compris en matière de déontologie et d'intégrité dans la recherche.

À ce titre, la commission d'éthique a publié en 2015 un document exposant les lignes directrices officielles sur l'intégrité de la recherche ( Linee guida per l'integrità nella ricerca ). Elles font actuellement l'objet d'une révision et d'une actualisation par le CNR 1 ( * ) qui a appelé ses chercheurs scientifiques à se manifester et à apporter leurs contributions à cette fin.

Ces lignes directrices ont été publiées conformément aux dispositions législatives italiennes qui prévoient l'adoption de codes de comportement dans chaque administration publique et qui doivent assurer la qualité du service de chaque établissement et le respect des devoirs constitutionnels de diligence, loyauté, impartialité et d'intérêt public de ceux-ci 2 ( * ) . Ce principe est repris dans la loi italienne de 2012 relative à la prévention et à la répression de la corruption 3 ( * ) . Parallèlement à ces lignes directrices conçues prioritairement pour la recherche en sciences dites dures, le CNR a publié une charte des principes pour la recherche en sciences sociales et humaines et un code de conduite 4 ( * ) ainsi qu'un code d'éthique et de déontologie pour les chercheurs travaillant dans le domaine des biens et des activités culturels 5 ( * ) .

Le premier de ces documents est constitué d'un exposé de principes fondamentaux pour la recherche et de deux parties où sont présentées, respectivement, des exemples de conduites qui favorisent l'intégrité dans les activités de recherche et celles qui y portent atteinte. Au sein de ces dernières, l'on distingue les conduites discutables ou irresponsables de celles qui portent systématiquement atteinte à l'intégrité scientifique de la recherche.

Les principes fondamentaux sont la dignité, la responsabilité, l'équité, l'exactitude et la diligence. D'après les lignes directrices, ces principes sont corrélées consubstantiellement avec d'autres principes et valeurs parmi lesquels : la liberté de la recherche, l'honneur et la réputation des personnes, l'honnêteté, la rigueur, la fiabilité et l'objectivité dans la conduite de la recherche ; l'indépendance de jugement, la transparence, l'attitude ouverte et impartiale ; la réciprocité et la coopération avec le reste de chercheurs ; la pertinence, la vigilance et l'efficience dans l'utilisation des ressources et la responsabilité de la société envers ses générations futures y compris les devoirs de protection des animaux et de la biosphère. 6 ( * )

À l'égard des pratiques qui favorisent ou assurent l'intégrité de la recherche, force est de constater une grande importance accordée par les lignes directrices aux données scientifiques ; c'est pourquoi la définition de procédures et de rôles dans la gestion et la conservation des matériaux et des données -- spécialement les données brutes -- est préconisée ainsi que le respect du caractère personnel de certaines données. Sont en outre indiquées comme pratiques favorables à l'intégrité la publication et la diffusion en temps opportun des résultats et le respect de la paternité des idées et des résultats.

À l'opposé de ces pratiques, les lignes directrices sur la recherche scientifique du CNR exposent une série de manquements portant atteinte à l'intégrité scientifique de la recherche. Ils correspondent à des violations graves et intentionnelles des normes déontologiques de la recherche scientifique. Certains de ces manquements sont également liés aux données utilisées lors de la recherche comme c'est le cas de la fabrication de données, de leur utilisation abusive ou de leur vol. D'autres pratiques interdites portent sur le plagiat et l'appropriation de contenus, la dissimulation de conflits d'intérêts ou l'abus de pouvoir dans les cas de responsable d'un projet ou de directeur d'une équipe ou d'une structure de recherche.

Les lignes guides du CNR indiquent que la responsabilité de signaler et de faire cesser les comportements contraires à l'intégrité de la recherche incombe aux personnes ou aux organismes qui la financent. Ceux-ci doivent prendre des actes internes 7 ( * ) ( atti interni ) à l'égard des chercheurs malhonnêtes.

Les comportements susceptibles d'entraîner l'application de la législation de nature pénale ou civile sont exclus du champ d'application des lignes directrices du CNR. Dans le domaine pénal général, la loi italienne sur les droits d'auteur 8 ( * ) instaure des sanctions civiles (articles 156 et ss.) et pénales (articles 171 et ss.) en cas de plagiat.

Plus particulièrement, l'intégrité et l'originalité de la recherche dans les établissements de l'enseignement supérieur sont protégées pénalement. Une loi de 1925 prévoit une peine de réclusion de trois mois à un an pour quiconque présente comme propre un travail d'autrui pour l'obtention d'une qualification publique. 9 ( * ) Quoiqu'ancienne, cette loi est toujours en vigueur et tant le Conseil d'État que la Cour de cassation d'Italie en font application. Cette dernière a retenu l'infraction en cas de la soutenance d'un travail pour l'obtention du diplôme universitaire ( laurea ) consistant simplement dans la compilation de divers travaux d'autrui sans y ajouter presque aucun élément nouveau ni de création personnelle 10 ( * ) .

En dehors du domaine pénal, existe depuis longtemps la possibilité d'adopter des sanctions administratives à l'encontre des étudiants et des futurs chercheurs de l'enseignement supérieur qui ont porté atteinte à la dignité ou à l'honneur dans la réalisation de leurs études et de leurs recherches. 11 ( * ) Si la formulation paraît désuète, ces dispositions sont toujours en vigueur et couvrent le plagiat. Les sanctions possibles aux termes du décret sont le blâme, l'interdiction temporaire d'assister à un ou plusieurs cours, de réaliser un ou plusieurs examens, voire l'expulsion temporaire de l'établissement.

2. Le renouvellement profond du code de conduite et des procédures disciplinaires aux Pays-Bas

Aux Pays-Bas est entré en vigueur le 1 er octobre 2018 un nouveau code de conduite en matière d'intégrité scientifique ( Nederlandse gedragscode wetenschappelijke integriteit ). Préparé à l'initiative de l'Académie royale des sciences (KNAW) et des différentes fédérations d'organismes intervenant dans l'enseignement supérieur et la recherche 12 ( * ) , ce code de conduite a été notamment signé par toutes les universités néerlandaises, qui se sont ainsi engagées à l'appliquer et à le faire respecter. Une commission consultative avait préalablement rendu un rapport exploratoire sur la base d'une évaluation du précédent code de conduite datant de 2004. 13 ( * )

Sans être doté d'une autre force juridique que contractuelle, le code de conduite néerlandais est néanmoins rédigé avec un soin juridique destiné à l'établir comme une convention pourvu d'effets contraignants pour les parties signataires et les individus qui en dépendent. Il ne s'agit donc pas simplement d'une déclaration de principes ou d'une charte indicative mais d'un texte normatif qui définit des obligations et établit des mécanismes de sanction.

Le chapitre 1 er est consacré au champ d'application du code de conduite (activités visées, institutions liées, personnes concernées, liens avec d'autres réglementations) et à son entrée en vigueur, sans omettre des dispositions transitoires. En particulier, on peut relever que le code de conduite couvre la recherche prise dans son acception la plus large, sans restriction à certaines disciplines, autant la recherche sur fonds publics que privée, aussi bien fondamentale qu'appliquée. Toutes les activités connexes telles que les demandes de subventions, l'évaluation par les pairs, les missions d'expertise, de documentation et de diffusion scientifique sont concernées, y compris dans des limites raisonnables ( voor zover dat in redelijkkheid kan worden verlangd ) les publications de vulgarisation et le matériel pédagogique (§ 1.1).

Sont exclues du code les questions d'intégrité sans lien direct avec la pratique de la recherche, par exemple une utilisation illégale de fonds ou l'entretien d'un mauvais climat de travail. Ces questions peuvent être traitées dans d'autres codes éthiques ou déontologiques ou tomber sous le coup de la loi pénale ou du droit du travail. Le code de conduite néerlandais reconnaît néanmoins que les frontières peuvent être moins nettes dans la pratique, que certains cas sont limites et peuvent en réalité contrevenir simultanément à plusieurs normes. Par exemple, la norme de conduite n° 61 au chapitre 3 impose de ne pas faire un usage inapproprié ( oneigenlijk ) des fonds alloués à la recherche. Une fraude avérée serait simultanément une violation du code de conduite et une infraction pénale. Il est prévu explicitement par le code de conduite la possibilité de cumul de sanctions. En revanche, si l'application du code de conduite entrait en conflit avec une disposition légale, cette dernière l'emporterait systématiquement. Cette solution très naturelle confirme le statut infra-légal et contractuel du code de conduite, mais le fait de le prévoir témoigne du soin apporté à sa rédaction et à la réflexion sur ses effets juridiques (§ 1.4).

La possibilité pour des entreprises privées d'adopter le code de conduite est ouverte. Des recherches ne peuvent être menées conjointement avec des organismes non-signataires que si l'institution signataire est en mesure de s'assurer que sa part de la recherche respectera le code de conduite et que les résultats globaux de la recherche commune respecteront les principes généralement acceptées de l'intégrité scientifique (§1.2).

Les principes généraux et les normes détaillées fixées par le code aux chapitres 2 et 3 s'appliquent au sein des institutions signataires (§ 1.3 point 9) :

- aux chercheurs individuels, y compris les doctorants et les chercheurs invités, ainsi que les chercheurs à temps partiel ou externes, dès lors qu'ils participent à une recherche auprès de l'institution signataire ou qu'ils publient leurs résultats en son nom ;

- aux superviseurs, chefs de projet, directeurs de recherche et managers ( leidinggevenden ) dans la mesure où ils contribuent à déterminer l'idée directrice et le déroulement de la recherche.

Ces deux catégories sont les seules qui peuvent être tenues personnellement responsables d'un manquement aux normes contenues dans le code. Les autres personnes impliquées indirectement (services support, étudiants, citoyens participants) doivent également le respecter, mais seuls les chercheurs et les responsables de projet sous l'autorité desquels ces tiers travaillent sont comptables d'un manquement aux obligations du code de conduite. En outre, les recherches menées par des étudiants dans un but pédagogique et qui ne donnent pas lieu à une publication - autre que celle d'un mémoire d'études - ne peuvent donner lieu à une plainte pour violation du code de conduite, ni faire l'objet de sanctions à ce titre (§ 1.3 points 10 & 11).

Le coeur du code de conduite est constitué par les chapitres 2 et 3 qui énoncent cinq principes généraux de l'intégrité scientifique d'où découlent 61 normes concrètes qui définissent les bonnes pratiques de recherche. Les cinq principes généraux qu'il faut respecter et concilier sont l'honnêteté, le soin scrupuleux ( zorgvuldigheid ), la transparence, l'indépendance et la responsabilité. On ne détaillera pas les 61 obligations concrètes qui en sont tirées, mais on notera que le code de conduite les considère comme des normes générales valant pour toutes les disciplines et toutes les institutions signataires qui peuvent être spécifiées et complétées pour chaque discipline et par chaque institution, tant que leur portée et leur force ne sont pas amoindries (§ 1.4 point 13 et § 3.1). En d'autres termes, le code de conduite définit un plancher général qui couvre à la fois l'élaboration de la recherche, sa conduite, le compte rendu des résultats, l'évaluation par les pairs, la publication et la communication.

À ce catalogue très minutieux encadrant les pratiques des individus s'ajoute un devoir de diligence ou duty of care ( zorgplicht ) à destination des institutions elles-mêmes, et plus particulièrement de leurs organes dirigeants (chapitre 4). L'idée est de garantir aux chercheurs un environnement de travail sûr, inclusif et ouvert susceptible de promouvoir et de préserver des pratiques de recherche intègres. En d'autres termes, il existe une responsabilité collective de l'institution en matière d'intégrité scientifique à l'égard des chercheurs : l'institution doit faire en sorte que les chercheurs puissent observer leurs obligations aux termes du code, en développant une culture de la responsabilité, en leur permettant de discuter de leurs dilemmes et cas de conscience, voire de leurs erreurs sans crainte de conséquences dommageables en retour. Le devoir de diligence est lui-même précisé en 21 points touchant la formation et la supervision, la culture de la recherche, la gestion des données, la publication et la dissémination des travaux, la déontologie, la transparence et les procédures de gestion des plaintes.

En particulier, les institutions de recherche doivent nommer des conseillers chargés des questions d'intégrité scientifique ( vertrouwenspersoon WI ), aisément accessibles par tout intéressé en toute confidentialité. Ces conseillers doivent pouvoir répondre aux questions et offrir des recommandations à toute personne qui les consulte, la guider et l'orienter. En respectant un principe de séparation fonctionnelle, les institutions de recherche doivent nommer parallèlement une commission de l'intégrité scientifique ( Commissie WI ), ou à défaut une personne responsable pour examiner les plaintes et réaliser les enquêtes sur des faits concrets. Le conseiller intégrité ne fait pas partie de la commission d'enquête.

Enfin, le code de conduite néerlandais traite dans un chapitre conclusif de la définition des violations aux obligations d'intégrité scientifique, de la détermination des sanctions et des procédures de plainte et d'enquête. Seules les 61 normes concrètes définies au chapitre 3 peuvent servir de base au constat d'un manquement individuel, d'une procédure d'examen et éventuellement d'une sanction. Le devoir de diligence de l'institution ne peut être mis en cause par le biais de la procédure de plainte et de sanction établie par le code de conduite. Il appartient aux organes de régulation interne, tels que le conseil de surveillance ( Raad van Toezicht ) ou les organes de cogestion incluant des représentants des personnels, de veiller au respect de ce duty of care (§ 4.1).

Sont distingués trois types de non-respect des obligations du code de conduite : les manquements mineurs, qui en principe ne donnent lieu à aucune sanction, les pratiques contestables et les violations ( schendingen ). Cette dernière catégorie regroupe les faits les plus graves, notamment la fabrication de données ou de résultats, la falsification et le plagiat. Hors de ces trois cas particulièrement clairs, il peut être plus difficile de caractériser la gravité de l'infraction. C'est pourquoi le code de conduite prévoit une grille d'évaluation sur la base de 12 critères portant sur des éléments matériels et subjectifs, individuels et collectifs (étendue du manquement ; degré d'intentionnalité ou de négligence ; conséquences sur la validité de la recherche ; effet potentiel sur la confiance entre chercheurs ; impact sur les individus, la société ou l'environnement ; profits tirés par le chercheur ou un tiers ; nature de la publication (revue spécialisée, article de vulgarisation, matériel pédagogique, rapport consultatif) ; opinions au sein de la discipline sur la gravité du manquement ; position et expérience du chercheur ; éventuelle récidive ; manquement simultané au devoir de diligence de la part de l'institution ; temps écoulé depuis les faits) (§ 5.2, C).

En cas de soupçon de violation de l'intégrité scientifique, une plainte peut être soumise à une commission d'enquête ou à un responsable dédié nommé par l'institution de recherche. Il appartient de s'assurer que le traitement de la plainte et la procédure d'enquête et de décision soient scrupuleux et équitables. Le conseil d'administration de l'institution de recherche peut lui-même décider d'ouvrir une enquête sur un cas de possible violation du code de conduite, sans attendre une plainte (§ 5.4).

La procédure, quoique située en dehors des ordres judiciaires et administratifs, prend un tour quasi-juridictionnel. Elle est reprise dans un document-modèle national 14 ( * ) publié par la VSNU, l'Union des universités néerlandaises, charge à chaque université d'élaborer sur cette base son propre règlement interne de gestion des plaintes pour violation de l'intégrité scientifique. En effet, il convient de souligner que le code de conduite ne crée pas une procédure nationale unifiée, mais fournit un cadre commun qui nécessite l'adoption de mesures d'ordre interne dans chaque institution signataire. Les procédures d'examen des plaintes et de sanction demeurent donc décentralisées. Bien que le code de conduite procède à une harmonisation poussée, elles restent propres à chaque université ou institution, sans intervention de l'Union des universités ni du ministère de la recherche. Quelques légères divergences entre les procédures dans les institutions néerlandaises pourraient apparaître, par exemple selon qu'elles font le choix d'une commission d'enquête ou d'un officier chargé seul de l'enquête, selon qu'elles font le choix de prévoir une assistance juridique ( rechtsbijtsand ) au défendeur ou non 15 ( * ) .

Des garanties sont apportées dans le code de conduite pour éviter la multiplication des dénonciations infondées et l'instrumentalisation de la procédure pour régler des différends. La plainte ou la saisine directe doivent être appuyées d'éléments substantiels. Le soupçon à l'origine de la plainte ou de la saisine directe par le conseil d'administration doit porter sur des faits graves susceptibles d'être caractérisés comme violation de l'intégrité scientifique au sens du code de conduite néerlandais. Des cas d'irrecevabilité sont prévus en particulier pour éviter que la procédure soit détournée pour trancher des discussions méthodologiques ou des débats scientifiques ordinaires. Les plaintes anonymes sont en principe irrecevables, à moins qu'un intérêt public soit en jeu et que l'enquête ne nécessite pas d'information complémentaire de la part du dénonciateur anonyme. La commission ou la personne responsable de l'enquête renonce à ses investigations dès qu'il apparaît que la plainte porte sur un différend professionnel ou qu'elle est attribuable à un conflit du travail.

La procédure d'enquête et de décision, qui doit être décrite par chaque institution de recherche dans une réglementation claire et aisément accessible, répond à des normes de traitement équitable, qui passent par des auditions contradictoires et la communication de tout document à la fois au plaignant et au défendeur. L'enquête, qui est confidentielle, doit s'achever dans un délai raisonnable et être conduite par des experts sans intérêt personnel à l'affaire. Toutes ces dispositions qui paraissent s'inspirer des normes classiques du procès équitable renforce le caractère quasi-juridictionnel de la procédure. En particulier, le code de conduite prend même le soin de préciser que tout défendeur est présumé innocent tant que le contraire n'est pas prouvé (§ 5.4 point 12)

Lorsque la commission, éventuellement avec l'aide d'experts extérieurs, a achevé son enquête, elle rend un avis au conseil d'administration ( College van Bestuur ). Celui-ci agit comme instance de jugement et rend une décision préliminaire ( aanvankelijk oordeel ) sur le fondement de l'avis de la commission, qui ne le lie toutefois pas. Il la communique par écrit et sans délai au plaignant et au défendeur.

Dans un délai de six semaines après la décision préliminaire, le plaignant ou le défendeur peuvent demander l'opinion de l'Organe national pour l'intégrité scientifique ( Landelijk Orgaan Wetenschappelijke Integriteit - LOWI). Il s'agit d'un organisme consultatif indépendant mis en place en 2003, juste avant l'entrée en vigueur du premier code de conduite en 2004, par l'Académie néerlandaise des sciences, l'Organisation néerlandaise pour la recherche scientifique (NWO) et la VSNU. Les 7 membres du LOWI sont nommés, pour trois ans reconductibles deux fois, par les conseils d'administration de ses trois institutions fondatrices.

Le LOWI a pour tâche de procéder à une investigation complémentaire et rend son avis au conseil d'administration de l'institution de recherche. Il le communique également au plaignant et au défendeur. Il convient de noter que le LOWI ne peut examiner en première intention une plainte ou une requête et n'intervient qu'après une première décision rendue par le conseil d'administration de l'institution de recherche où la violation présumée de l'intégrité scientifique a eu lieu. Sa fonction est de fournir une seconde opinion indépendante, détachée du contexte propre à l'institution de recherche concernée. Cette instance nationale contribue indirectement à l'harmonisation des décisions entre les universités. Son fonctionnement et les procédures qui lui sont propres sont régis par son règlement intérieur. 16 ( * )

Enfin, le conseil d'administration rend sa décision définitive et la communique au plaignant, au défendeur et au LOWI. Il la publie dans les six semaines sous forme anonymisée sur le site internet de la VSNU. Lorsqu'une violation de l'intégrité scientifique est constatée par le conseil d'administration, il lui appartient de déterminer la sanction dans la limite de ses pouvoirs propres en respectant le principe de proportionnalité. Peuvent être envisagés selon la gravité des faits et selon le statut du responsable, une réprimande, un transfert, une suspension de l'habilitation à encadrer des recherches, une rétrogradation ou un licenciement/renvoi. En outre, il peut saisir à titre complémentaire les autorités compétentes en matière de sanction administrative ou pénale.

3. Le rôle central de l'organe autonome de financement de la recherche en Allemagne

Le modèle allemand se distingue de celui des Pays-Bas par l'absence d'un code de conduite national aussi rigoureux dans son écriture juridique, précis dans ses prescriptions, soucieux de distinguer les obligations individuelles des différentes catégories de professionnels et les responsabilités collectives des institutions. En outre, en Allemagne, un rôle majeur est joué par l'organe de financement de la recherche, la Fondation allemande pour la recherche ( Deutsche Forschungsgemeinschaft - DFG ), qui a la particularité de ne pas être une agence gouvernementale, même si les universités et instituts de recherche conservent la responsabilité première dans la prévention et la sanction des manquements ( Fehlverhalten ) à l'intégrité ( Redlichkeit ) scientifique. Une certaine souplesse dans l'appréciation des situations est peut-être ici gagnée au prix d'une complexité de l'architecture globale, à moins de considérer qu'elle ne soit rendue nécessaire par un système fédéral de recherche coordonnant de très nombreux acteurs.

Siégeant à Bonn, la DFG a le statut d'une association à but non lucratif inscrite au registre des associations ( eingetragener Verein - e.V. ). Organisme autonome doté de la personnalité juridique, elle a pour tâche, aux termes de son statut, de servir la science dans toutes ses branches grâce au soutien financier de projets de recherche et la promotion de la coopération entre chercheurs. Son budget 2017 se montait à 3,2 milliards d'euros provenant à 68 % du gouvernement fédéral et à 31 % des Länder . 17 ( * ) En outre, la DFG conseille le Parlement et les administrations sur les questions scientifiques et cultive les relations de la recherche avec le monde économique et les communautés scientifiques de l'étranger. 18 ( * ) 96 institutions sont membres de la DFG qui regroupe ainsi l'immense majorité des universités, y compris techniques, et des organismes de recherche indépendants, dont les divers instituts Max-Planck, et les différentes académies scientifiques allemandes. Il revient à l'assemblée des membres d'élire le président, le Bureau ( Präsidium ) et le comité de direction ( Senat ) et de déterminer les lignes directrices de la politique menée. 19 ( * )

Les recommandations de la DFG constituent la source première d'autorégulation de la communauté scientifique allemande en matière de déontologie professionnelle. En décembre 1997 sur le fondement des travaux d'une commission d'experts 20 ( * ) , la DFG a formulé ses propositions pour garantir une bonne pratique scientifique. 21 ( * )

À la lecture des 17 recommandations de la DFG assorties de commentaires, on peut constater que le document ne contient pas un dispositif complètement unifié et pourvu d'effets juridiques articulant de façon cohérente des principes, des obligations particulières et un devoir de diligence collectif, des procédures détaillées et des sanctions à la différence du code de conduite néerlandais. Les destinataires des recommandations sont uniquement des institutions et non les individus (chercheurs, enseignants, étudiants). Le contenu matériel des principes et des normes de l'intégrité scientifique demeure seulement esquissé par la DFG. 22 ( * ) Toutefois, la révision de 2013 a conduit à préciser davantage certaines prescriptions. Par exemple, il est désormais demandé que les données primaires servant de base à des publications soient conservées en sécurité pendant dix ans dans l'institution d'origine 23 ( * ) .

Il s'agit donc pour l'essentiel d'une invitation à prendre des mesures appropriées et d'une feuille de route donnant des orientations générales destinées à guider dans leur pratique les différentes universités et institutions de recherche allemandes. Ces dernières gardent la responsabilité de se doter de leur propre code de conduite ou règlement intérieur relatif à l'intégrité scientifique et de veiller à leur application en se dotant de procédures de plaintes et de sanction. 24 ( * ) Toutes les institutions affiliées à la DFG se sont dotées de leurs propres normes et mécanismes internes en suivant les recommandations de 1997, qui ont été remaniées en septembre 2013.

Il convient de noter que la DGB appelle de ses voeux une coopération accrue entre instituts de recherche indépendants pour adopter une procédure commune 25 ( * ) , ce qui souligne a contrario le manque d'harmonisation, en dehors même des divergences possibles avec les règles internes des universités. Sont visés les instituts de la Société Max-Planck qui s'est dotée dès 1997 de sa propre procédure de gestion des violations de l'intégrité scientifique, des réseaux des instituts Helmholtz et Leibniz. En outre, certaines recommandations concernent des institutions telles que sociétés savantes, revues scientifiques et organes de financement de la recherche qui ne sont pas membres de la DFG et ne sont pas formellement liées par le document.

En outre, l'octroi de subventions et de financements à des projets de recherche est soumis à un engagement des chercheurs de se conformer aux règles de la bonne pratique de la science 26 ( * ) . C'est le levier par lequel la DFG entend contraindre si nécessaire les différents organismes de recherche à prendre toute disposition utile pour prévenir les violations de l'intégrité scientifique.

La question des procédures à suivre pour gérer les suspicions de manquement à l'intégrité scientifique, instruire les plaintes et prendre éventuellement des sanctions a fait l'objet de beaucoup d'attentions de la part de la DFG. Premièrement, conformément à ses recommandations, des médiateurs indépendants ont été nommés en leur sein par les universités et les instituts de recherche. Ils exercent une fonction de conseil et de facilitation dans leur établissement et ont vocation à répondre à toute question sur la bonne pratique de la science. 27 ( * ) Au niveau national, de façon complémentaire, la DFG a elle-même institué un médiateur de la science nommé par son Senat et chargé de constituer un pôle de ressources accessibles à tout chercheur et toute institution. 28 ( * ) Il est constitué de quatre scientifiques pour représenter les domaines des humanités et des sciences sociales, de la biologie et de la médecine, des sciences physiques et des sciences de l'ingénieur. Il remet un rapport annuel à la DFG. Dans les universités et les instituts de recherche membres doit être mise en place une commission d'examen des violations de l'intégrité scientifique, qui peut être soit une commission permanente, soit une commission spéciale ad hoc . La DFG prévoit aussi la possibilité de prévoir une commission mixte avec un président permanent et des membres tournants en fonction du cas.

Une mention particulière est réservée aux lanceurs d'alerte qui fournissent aux médiateurs et aux établissements des informations concrètes sur des cas potentiels de violation de l'intégrité scientifique : ils doivent être protégés et ne pas souffrir de pénalité dans leur carrière, quelles que soient l'issue de la procédure et la véracité de leurs soupçons dès lors que leurs informations sont transmises de bonne foi. 29 ( * )

En cas de violation des normes d'une bonne pratique de la recherche, le modèle allemand prévoit trois voies procédurales parallèles selon que le soupçon ou la plainte est transmis au médiateur « local » installé dans l'université ou l'institut de recherche, au médiateur pour la science ou à la DFG elle-même. Hormis les actes internes de ces instances qui règlent le déroulé de la procédure 30 ( * ) , un guide synthétique très utile publié en 2018 peut être consulté pour comprendre l'articulation des dispositifs. 31 ( * ) Le plaignant, qui peut rester anonyme dès lors qu'il fournit suffisamment d'informations pour étayer ses dires, doit choisir une des trois voies. Il ne peut cumuler les plaintes en s'adressant simultanément aux trois instances susceptibles d'intervenir, mais en cas de refus d'agir qui lui serait adressé par l'une d'entre elles, il peut tenter de redéposer sa plainte auprès d'une autre. Si l'une des instances compétentes accueille sa plainte, l'instruit et prend une décision qui ne le satisfait pas, le plaignant ne peut se tourner vers une autre pour lui demander de réexaminer l'affaire. Il n'existe aucune relation hiérarchique entre les médiateurs locaux, le médiateur pour la science et la DFG.

Il convient de distinguer les procédures auprès des deux types de médiateurs et auprès de la DFG. Les médiateurs reçoivent les signalements et tentent de clarifier ou de résoudre le conflit au sein de l'institution ou entre les chercheurs. Ils agissent en toute confidentialité, notamment sans alerter le supérieur hiérarchique du chercheur mis en cause. S'ils ne trouvent pas d'issue au conflit ou si se confirment les soupçons de violation de l'intégrité scientifique, ils saisissent la commission d'examen de l'université ou de l'institut concerné. Les médiateurs n'ont pas la compétence pour prendre une décision eux-mêmes établissant l'existence d'un manquement et encore moins infligeant des mesures correctives ou des sanctions. En suivant les lignes directrices de la Conférence des recteurs d'universités 32 ( * ) , sont considérés comme des manquements dès lors que ces actions sont intentionnelles ou témoignent d'une grave négligence : la falsification de données, la violation de la propriété intellectuelle, la prétention d'être l'auteur ou le coauteur du travail réalisé par un tiers sans sa permission, le sabotage de travaux de recherche et la destruction ou la non-destruction illégale de données primaires. La complicité active ou passive est également répréhensible. Lorsque la commission d'examen établit la responsabilité d'un chercheur, il revient aux universités et aux instituts de recherche selon leurs procédures internes de prendre les mesures correctives et les sanctions appropriées. Celles-ci peuvent porter sur la relation de travail (avertissement, suspension, licenciement, dissolution du contrat) et sur les éventuelles suites civiles et pénales à donner à la violation de l'intégrité scientifique, avec transmission à l'autorité judiciaire.

Les signalements directement adressés à la DFG ne peuvent concerner que des personnes qui ont soumis une demande de subvention, qui ont reçu des fonds ou qui sont responsables de sommes allouées par la DFG, ainsi que les experts- reviewers et les membres des commissions internes de la DFG participant aux processus décisionnels. Même si cette catégorie ne couvre pas tous les chercheurs allemands, elle concerne malgré tout la plupart des laboratoires de renom. La procédure suivie par la DFG comprend deux étapes : une enquête préliminaire ( Vorprüfverfahren ), puis le cas échéant une enquête formelle par le comité d'investigation des violations de l'intégrité scientifique 33 ( * ) .

Au terme de l'enquête préliminaire, si des indices corroborent substantiellement les allégations de manquement, le défendeur reçoit notification des faits qui lui sont reprochés et des éléments de preuve apportés. Il dispose de quatre semaines pour répondre à ces observations. Le nom de l'auteur du signalement ou de la personne lésée n'est pas communiqué au défendeur sans le consentement de l'intéressé. En fonction des réponses apportées aux observations, le directeur du département de la DFG en charge de l'enquête préliminaire décide soit de transférer la plainte au comité d'investigation pour mener une enquête formelle, soit de classer sans suite la plainte. Le classement peut intervenir soit faute d'éléments suffisants pour former un soupçon raisonnable, soit en raison du caractère véniel du manquement ou encore si le défendeur a offert de remédier au problème, par exemple en publiant un erratum . Le plaignant dispose de deux semaines pour objecter au classement et demander au directeur du département du DFG de revoir sa décision.

Le comité d'investigation en charge de l'enquête formelle est un sous-comité du comité central de la DFG ( Hauptausschuß ) 34 ( * ) , l'instance qui sur le fondement des lignes directrices du Senat de la DFG prend toutes les décisions de financement de la recherche. Le comité d'investigation est formé de huit membres nommés parmi les scientifiques siégeant au comité central. Il est présidé par le secrétaire général de la DFG qui ne prend pas part au vote. Sont représentés les quatre domaines des humanités et des sciences sociales, de la biologie et de la médecine, des sciences physiques et des sciences de l'ingénieur. Il peut s'adjoindre selon l'espèce deux experts de la spécialité en question à titre consultatif.

La procédure devant le comité d'investigation est orale : le défendeur est entendu, éventuellement assisté du conseil de son choix, ainsi que les témoins. L'identité du plaignant est révélée si le défendeur ne peut pas se défendre convenablement sans le savoir ou si la crédibilité et les motifs du plaignant demandent d'être soumis à examen. Le comité d'investigation se prononce à la majorité simple des voix. S'il estime qu'un manquement a été suffisamment établi et que sa gravité nécessite une sanction, il émet une recommandation en ce sens à l'endroit du comité central. Il revient à ce dernier de décider de prendre une ou plusieurs des sanctions à sa disposition : réprimande, suspension du droit de déposer une demande de financement auprès de la DFG pendant une durée de 1 à 8 ans, révocation des décisions de financement déjà prises (annulation totale ou partielle ; rappel des fonds ; remboursement des sommes dépensées) ; demande de retrait ou de correction des publications incriminées ; exclusion des fonctions d'expert ou de membres de commissions internes de la DFG pendant une durée de 1 à 8 ans ; suppression des droits de vote et d'éligibilité pour les élections aux organes de la DFG pendant une durée de 1 à 8 ans. 35 ( * ) La décision du comité central est notifiée aux parties mais elle n'est pas systématiquement publiée, même anonymisée. L'opportunité de publier est évaluée au cas par cas.

Les décisions des universités et des instituts de tenir un chercheur responsable d'une violation de l'intégrité scientifique et éventuellement de lui appliquer une sanction sont susceptibles de recours devant le juge administratif allemand. Un moyen à la disposition du chercheur mis en cause a déjà prouvé son efficacité : il s'agit d'invoquer la protection constitutionnelle de la liberté scientifique garantie par l'article 5 alinéa 3 de la Loi fondamentale allemande au même titre que la liberté artistique.

Certes, la liberté scientifique ne vaut pas protection contre toute forme d'évaluation et de critique, tant que ces dernières répondent elles-mêmes aux normes de la pratique scientifique. Il ne fait pas de doute non plus que la falsification intentionnelle de données ou la violation des droits de propriété intellectuelle d'autrui constituent des manquements à l'intégrité qui n'entrent pas dans le champ de la protection accordée par la Constitution allemande à la liberté scientifique. 36 ( * )

Toutefois, dans les cas plus incertains, le juge allemand s'est révélé sensible au caractère ouvert de l'enquête scientifique, qui ne peut manquer d'admettre le débat et l'expression d'opinions discordantes. Dès lors qu'un chercheur fait un effort sérieux pour respecter les canons du travail scientifique avec l'intention d'atteindre la vérité et d'accroitre les connaissances actuelles, son activité est protégée. La Cour administrative fédérale et la Cour constitutionnelle demandent donc qu'il soit prouvé au-delà du doute ( zweifelfrei ) que le chercheur a enfreint les règles de l'art et n'a pas manifesté cet effort sérieux en vue de l'établissement de la vérité ( ernsthafter Versuch zur Ermittlung von Wahrheit ).

L'Université Justus-Liebig de Gießen a notamment été au centre de l'attention en raison d'un long contentieux entre 1993 et 2000, qui l'a conduit à subir une succession de défaites devant le juge administratif allemand 37 ( * ) , puis le juge constitutionnel 38 ( * ) , à la suite d'une plainte déposée contre elle par un chercheur dont l'intégrité des travaux avait été contestée par une commission ad hoc .

Le chercheur avait travaillé sur des méthodes diagnostiques permettant de différencier rapidement et de façon sûre des anomalies congénitales de la peau selon leur dangerosité ou leur bénignité. Un collaborateur indiqua au doyen de la faculté que les mesures publiées ne correspondaient pas exactement aux données récoltées. Le doyen composa alors une commission d'examen comprenant six autres professeurs de la discipline. Après avoir tenu sept séances, la commission dressa des constats qui critiquaient la méthode diagnostique élaborée par le chercheur. Dans le même document, elle invita le chercheur à retirer publiquement ses conclusions et à renoncer à toute expression publique sur l'applicabilité diagnostique de sa méthode tant qu'il ne pouvait présenter des séries de données sans reproche et des résultats sans équivoque. Les conclusions de la commission furent ensuite communiquées à diverses institutions.

La faculté pour l'université de constituer une commission chargée d'évaluer les travaux d'un chercheur soupçonné d'avoir mésusé de sa liberté scientifique et d'avoir violé les normes d'intégrité que l'on attendait de lui n'a pas été contestée. Cependant, le juge administratif a considéré que l'université avait violé la liberté scientifique constitutionnellement garantie du chercheur mis en cause, dès lors que la critique massive et publique des travaux du chercheur s'apparentait à l'exercice d'une pression morale considérable qui avait pesé sur son activité de recherche et porté atteinte à sa réputation scientifique, quand bien même les conclusions de la commission d'examen étaient dépourvues de force juridique. La Cour constitutionnelle a ensuite sèchement rejeté le recours déposé par l'Université de Gießen et confirmé la solidité des décisions des juridictions administratives. Puisque rien n'était venu établir que le chercheur en cause n'avait pas été sérieux dans son effort pour respecter les principes fondamentaux du travail scientifique, la critique de ses travaux relevait d'une controverse ( Meinungsstreit ) entre scientifiques qui ne pouvait être résolue que par un échange d'arguments, sans enfreindre la liberté individuelle de chaque chercheur.

Le renforcement et l'encadrement accrus des procédures d'investigation des manquements à l'intégrité scientifique depuis 2013 témoignent du souci de la DFG et des institutions de recherche allemandes de se prémunir contre des pourvois en justice en tenant compte des exigences jurisprudentielles. L'obligation de conservation des données pendant 10 ans est ainsi expressément conçue comme un moyen d'éviter la perte d'éléments nécessaires pour prouver au-delà du doute les manquements reprochés à un chercheur.

4. L'évaluation mitigée du système de protection de l'intégrité scientifique par le Parlement britannique

Le Royaume-Uni a également retenu un système d'autorégulation de la pratique scientifique. Il s'appuie sur un document d'orientation rassemblant les attentes et engagements en matière d'intégrité de la recherche des différents acteurs, le Concordat pour l'intégrité de la recherche, dont l'élaboration a été coordonnée par la Conférence des universités britanniques ( UUK ) en 2012. 39 ( * )

Éléments du Concordat britannique pour l'intégrité de la recherche (2012)

Le Concordat résulte d'une initiative de la Conférence des universités britanniques, soutenue par le gouvernement, pour éviter un encadrement légal plus strict et l'installation d'un régulateur externe. Délibérément souple et général dans ses formulations pour respecter les différentes cultures disciplinaires et institutionnelles, il préserve le principe de l'autorégulation et défend la diffusion d'une culture globale de l'intégrité plutôt que le contrôle du respect littéral de normes détaillées.

On peut trouver dans ce document une approche de l'intégrité scientifique en fonction de valeurs fondamentales, des engagements généraux de haut niveau et des recommandations plus concrètes.

L'honnêteté dans la présentation de ses travaux et de ceux d'autrui, la rigueur méthodologique, la transparence en matière de conflits d'intérêt comme dans la collecte de données et la publication de résultats, y compris négatifs, et le respect pour les participants et les sujets de recherche constituent les valeurs fondamentales où s'enracine l'intégrité scientifique.

Les huit signataires du Concordat que sont UUK, les différents conseils de la recherche et de financement de la recherche 40 ( * ) , ainsi que le Wellcome Trust 41 ( * ) , se sont engagés à :

- maintenir les plus hauts canons de rigueur et d'intégrité dans tous les aspects de la recherche ;

- garantir que la recherche est conduite selon des obligations et des normes éthiques, légales et professionnelles appropriées ;

- soutenir un environnement de la recherche sous-tendu par une culture de l'intégrité et fondé sur une bonne gouvernance, les meilleures pratiques et le soutien au développement des chercheurs ;

- recourir à des procédures transparentes, robustes et équitables pour traiter les éventuelles allégations de violations de l'intégrité scientifique ;

- travailler conjointement à renforcer l'intégrité et à évaluer régulièrement les progrès en toute transparence.

Parmi les recommandations concrètes à l'égard des universités, il convient de relever :

- la nomination d'un référent pour l'intégrité scientifique dans chaque établissement pour superviser son action en la matière et servir de premier point d'entrée pour toute personne souhaitant disposer de plus d'informations sur le sujet ;

- désigner un contact confidentiel pour les lanceurs d'alerte ou toute personne souhaitant faire part de ses inquiétudes à propos de l'intégrité d'une recherche menée dans l'établissement ;

- publier un bref compte rendu annuel des actions menées pour renforcer la compréhension des enjeux et l'application des normes de l'intégrité de la recherche, comprenant également un relevé des enquêtes formellement engagées pour des manquements au sien de l'université.

La commission des sciences et des techniques de la Chambre des Communes a lancé en 2017 une mission pour évaluer le système britannique et formuler des recommandations de nature à en combler les lacunes. Interrompue par les élections générales de 2017, puis reconstituée, la mission a publié son rapport en juin 2018 en s'appuyant sur 130 contributions écrites, le témoignage de 27 personnes auditionnées et les réponses à ses questionnaires transmises par les 136 établissements membres de la Conférence des universités britanniques.

Le rapport final 42 ( * ) relève que les données disponibles suggèrent que les violations graves demeurent rares mais que l'information globale demeure trop parcellaire pour disposer d'une image adéquate. Au regard de la crise de la reproductibilité constatée dans certaines disciplines comme la médecine, de la croissance du taux de rétractation d'articles dans les revues scientifiques et des enquêtes menées auprès des chercheurs qui rapportent des tentations répétées, il apparaît que le nombre d'investigations formelles menées dans les universités est trop faible. La commission s'est étonnée par exemple qu'en 2015-2016, 51 universités britanniques n'aient conduit aucune investigation formelle dans aucune discipline ; 20 universités n'en auraient même jamais mené depuis la signature du Concordat en 2012. 43 ( * )

En outre, la mise en oeuvre des recommandations du Concordat se révèle décevante, malgré la désignation des référents « intégrité » et des points de contact pour les lanceurs d'alerte. Six ans après la signature de l'accord de principe, seules 58 % des universités publiaient un compte rendu annuel sur leurs actions et sur les investigations formelles menées et 25 % indiquaient au contraire ne pas avoir l'intention de le faire dans un avenir proche. La commission a jugé sévèrement certaines prises de position d'universités réticentes qui, motivées par le souci de leur image, surestimaient la difficulté de concilier confidentialité et transparence dans un rapport annuel, au risque d'être accusées de complaisance. 44 ( * )

Certes, depuis 2013, le respect du Concordat est techniquement devenu une condition pour pouvoir bénéficier des fonds des Research Councils , mais aucun mécanisme de sanction pertinent n'a été mis en oeuvre. La notion même de « respect » du Concordat est équivoque puisque les engagements qu'il contient en restent largement aux généralités et défient largement toute évaluation, d'autant que les financeurs ne collectent aucune donnée précise sur les actions menées par les universités. C'est pourquoi la commission est favorable à une actualisation du Concordat pour renforcer et clarifier les obligations de chacun. Les signataires devraient établir une feuille de route et un calendrier pour parvenir à un respect total des nouvelles obligations du Concordat renforcé dans l'année qui suit.

Le durcissement et la clarification des obligations devraient prioritairement concerner :

- la formation des chercheurs, à la fois sur les réquisits de l'intégrité mais aussi sur les méthodes statistiques, parfois dévoyées notamment en épidémiologie pour produire de fausses corrélations ;

- les procédures de traitement des plaintes pour violation de l'intégrité, notamment en élaborant un protocole sur le partage d'informations liant les universités, les financeurs publics et les revues scientifiques ;

- la transparence des essais cliniques ;

- et la publication des résultats de recherche négatifs.

Il reviendrait à la nouvelle agence de stratégie et de financement de la recherche, United Kingdom Research and Innovation (UKRI) qui chapeaute les Research Councils depuis 2018, de collecter et de rendre publiques les données sur les universités qui ne se plieraient pas à leurs obligations aux termes du Concordat renforcé. 45 ( * )

Dans la mesure où sont attestés plusieurs cas de chercheurs récidivistes continuant leurs pratiques douteuses dans plusieurs institutions à la suite, la Commission conclut, d'une part, que les universités comme ancien employeur utilisent des accords de confidentialité ( non-disclosure agreements ) pour gérer des affaires sensibles, d'autre part, que les universités comme nouvel employeur ne montrent pas assez de diligence pour scruter la carrière de certains chercheurs qu'elles recrutent. Elle a en conséquence recommandé que le nouveau Concordat prohibe les accords de confidentialité et que UKRI bannisse de tout financement public les universités qui y ont recours. 46 ( * )

Pour mieux comprendre comment ajuster les mécanismes institutionnels de financement de la recherche, UKRI devrait également, selon la commission, commander des études sur les comportements des chercheurs et les effets des incitations financières qui aideraient à comprendre certains biais ou effets pervers. 47 ( * )

Les acteurs britanniques bénéficient du soutien du Bureau de l'intégrité de la recherche ( UK Research Integrity Office - UKRIO ), un organisme consultatif établi en 2006, qui ne mène pas d'enquête sur des manquements mais offre des avis et conseils concrets et adaptés au grand public, aux chercheurs et aux institutions qui le sollicitent afin de promouvoir de saines pratiques de recherche. Ces requêtes peuvent concerner un projet particulier ou l'investigation de cas spécifiques de fraude ou de violation de l'intégrité scientifique. UKRIO est financé par des souscriptions (2 300 £ par an) de ses adhérents, notamment 65 universités, la Royal Society et l'Académie britannique. Toutefois, 71 universités britanniques, soit une majorité d'entre elles, n'adhèrent pas UKRIO, ce qui pourrait avoir pour effet que celles d'entre elles qui ont le plus besoin de l'aide de UKRIO pour promouvoir une recherche intègre sont aussi celles qui bénéficient le moins de ses conseils. Dix ans après la publication d'un guide sur les procédures de traitement des plaintes par UKRIO, certaines universités n'ont toujours pas pris les mesures adéquates. C'est pourquoi la commission a recommandé que le gouvernement et la Conférence des universités incitent fortement les établissements en retrait à adhérer au Bureau de l'intégrité de la recherche. 48 ( * )

La commission parlementaire se montre surtout sceptique sur la capacité d'un système de pure autorégulation à endiguer les manquements et à promouvoir une recherche intègre. Il lui apparaît nécessaire de compléter le modèle britannique en instituant une autorité nationale indépendante chargée de contrôler que les universités ont correctement traité les cas de manquements à l'intégrité scientifique commis par les chercheurs qu'elles emploient. Cette instance laisserait les universités pleinement responsables de recueillir les plaintes, d'enquêter et de prendre les mesures correctrices et les sanctions adéquates. Elle aurait pour tâche propre de passer en revue et d'examiner la façon dont l'institution universitaire a bien respecté certaines normes procédurales. En cas de faute de l'université, elle pourrait recommander à UKRI de restreindre les financements ou de réclamer des sommes déjà perçues. En collaboration avec la Conférence des universités britanniques, la nouvelle autorité indépendante aurait également la responsabilité de piloter la mise en oeuvre du nouveau Concordat renforcé. Le modèle est tiré des expériences engagées dès 2011 du Comité australien pour l'intégrité de la recherche (ARIC) et du Groupe sur la conduite responsable de la recherche (GCRR) du Canada. 49 ( * )

5. L'intervention du législateur danois pour clarifier et renforcer les compétences de la Commission nationale des manquements scientifiques

Le Danemark s'est engagé dès 1992 dans la régulation des manquements à l'intégrité de la recherche considérés comme de la malhonnêteté scientifique ( videnskabelig uredelighed ). Une première commission nationale est constituée sur une base expérimentale pour trois ans dans le domaine de la médecine. Elle est pérennisée et son champ de compétence s'est élargi aux autres champs de recherche à partir de 1998 en créant des sous-comités thématiques. La réforme de 2017 décrite ci-dessous transforme l'architecture du système et le partage de responsabilités avec les institutions de recherche.

Un code de l'intégrité dans la recherche ( danske kodeks for integritet i forskning ) a également été publié en novembre 2014 ; il est le résultat des travaux d'un groupe de travail rassemblant le ministère de l'éducation et de la recherche et les 8 universités du pays, ainsi que différents organes connexes comme le Conseil indépendant de la recherche ( Det Frie Forskningsråd ). Il établit une série de principes fondamentaux et de pratiques qui constituent la base d'une recherche saine.

Le Danemark se distingue en ayant été au-delà des dispositifs classiques d'autorégulation ou de contrôle administratif interne grâce à l'adoption en 2017 d'une loi sur la malhonnêteté scientifique.50 ( * ) Le gouvernement danois s'est appuyé sur les recommandations d'un rapport de 2015 sur les sous-comités spécialisés relatifs aux manquements scientifiques ( udvalgene vedrørende videnskablig uredelighed ) qui avait été élaboré par la direction de la recherche et de l'innovation du ministère.51 ( * ) Le projet de loi a été soutenu par l'ensemble des partis politiques, si bien que le texte a été adopté par un Parlement unanime.

La loi danoise s'ouvre, de manière classique, par une série de définitions pour clarifier son champ d'intervention (art. 3 al. 1). Elle définit de manière précise ce qu'il convient de considérer comme un manquement à l'intégrité scientifique, à savoir la fabrication, la falsification et le plagiat commis consciemment ou de manière gravement négligente, au cours de la planification, de la réalisation ou du compte rendu d'une recherche. Puis des sous-définitions légales sont données de la fabrication, de la falsification et du plagiat. La fabrication est définie comme la construction infondée de données ou la substitution par des données fictives. La falsification correspond à la manipulation du matériau de recherche, de l'équipement ou du protocole, ainsi que la modification ou l'omission de données, conduisant la recherche à être considérée comme trompeuse. Le plagiat est défini comme l'appropriation des idées, des protocoles, des résultats, des textes ou de concepts particuliers, sans citations légitimes de leurs auteurs.

Les pratiques de recherche douteuses ( tvivlsom forskningpraksis ), degré moindre d'infraction, comprennent les infractions aux standards communément admis dans le cadre d'une recherche responsable, notamment ceux établis dans le code danois pour l'intégrité de la recherche ou d'autres lignes directrices en vigueur émanant d'une institution, de l'État ou d'un accord international.

Les résultats ou produits scientifiques sont définis comme les produits obtenus en appliquant des méthodes scientifiques au cours de la recherche, comprenant également les demandes de moyens de recherche. Cette définition permet de prendre en compte les manquements dans la constitution d'un dossier en vue d'obtenir des financements.

Sont également clarifiés les termes de « chercheur » et « institution de recherche » qui doivent dorénavant être respectivement compris comme toute personne en thèse ou ayant obtenu un doctorat ou une qualification équivalente et toute institution publique danoise effectuant de la recherche. La loi s'applique dès lors que la recherche est financée en tout ou partie par des fonds publics ou si elle est effectuée dans une institution publique. La loi est également applicable aux cas de manquements scientifiques dans la recherche privée non subventionnée par l'État, sous réserve de l'accord de l'entreprise privée (art. 2).

En outre, ne sont concernés ni les cas de manquements scientifiques d'importance mineure (règle de minimis ), ni les questions de soutenabilité des théories scientifiques, ni les questions de qualité des travaux (art. 3 al. 2).

La nouveauté introduite par la loi de 2017 est de transformer le système antérieur. Les sous-comités spécialisés relatifs aux manquements scientifiques sont fusionnés au sein de l'organe de contrôle national à vocation transversale, la Commission des manquements scientifiques ( Nævnet for videnskablig uredelighed) , qui est transformée et recentrée : elle est désormais compétente uniquement pour traiter les cas de fabrication, falsification ou plagiat, qui constituent aux termes de la loi danoise de 2017 les manquements à l'intégrité scientifique stricto sensu . Les investigations relatives aux pratiques scientifiques douteuses sont décentralisées au niveau des institutions de recherche, qui ont l'obligation légale de traiter les plaintes et les signalements reçus selon des lignes directrices qu'elles fixent et publient.

La Commission des manquements scientifiques constitue un organisme indépendant sous la tutelle du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Elle se compose de 8 à 10 membres et de leurs suppléants. Le président est un juge des cours régionales nommé par le ministre de l'éducation et de la recherche sur proposition des juridictions. Les membres ainsi que leurs suppléants doivent être des chercheurs reconnus et issus des différents milieux de la recherche et sont également désignés par le ministre de l'éducation et de la recherche sur proposition et après examen du Fonds indépendant de la recherche du Danemark ( Danmarks frie forskningsfond ), l'instance majeure de financement de la recherche sur projet. Les membres de la commission sont nommés pour une durée d'au plus quatre ans renouvelable dans la limite de six ans cumulés (art. 5 et 6).

La commission a pour vocation de statuer sur l'existence ou non d'un manquement à l'intégrité scientifique. Le cas échéant, elle a la possibilité de demander le retrait des résultats au chercheur, de faire des recommandations à l'institution de recherche employeur, de recommander à l'éditeur le retrait de la publication, ainsi que de formuler des recommandations au fonds ayant financé en tout ou partie la recherche mise en cause (art. 16). Les décisions prises par la Commission des manquements scientifiques ne sont pas susceptibles de recours devant une autre instance.

Les cas de manquement à l'intégrité scientifique peuvent être signalés par toute personne auprès de l'institution dans laquelle a été effectuée la recherche. Les institutions de recherche ont l'obligation de signaler tout cas faisant l'objet de doutes fondés de manquement scientifique entrant dans les compétences de la commission à cette dernière (art. 10 al. 3).

L'institution de recherche se doit de vérifier que tout signalement comporte bien les informations relatives au résultat de la recherche mis en cause, du ou des chercheurs concernés, les accusations de manquement scientifique, ainsi que des éléments de preuve et de motivation (art. 11). Si un signalement ne comporte pas l'ensemble de ces éléments, l'institution dispose d'un délai de trois mois à compter de la réception pour préciser de concert avec la commission les circonstances de l'affaire et éventuellement la transmettre à la commission.

La Commission des manquements scientifiques peut se saisir d'une affaire de sa propre initiative (art. 12) mais il est précisé que les cas de manquements scientifiques doivent concerner des chercheurs ayant participé à l'obtention des résultats en cause (art. 4 al. 2), ce qui circonscrit le pouvoir de la commission à des cas précis, cette dernière ne pouvant pas mettre en cause une institution de recherche dans son ensemble.

La commission peut refuser de traiter un cas si ce dernier ne relève pas de ses compétences, ne semble être que faiblement en rapport avec le Danemark, si les coûts d'investigations semblent trop élevés au regard de l'importance de l'affaire ou s'il apparaît clairement que l'affaire est infondée. Elle doit notifier son refus dans un délai de trois mois à compter de la réception de la plainte. Les affaires acceptées doivent être traitées par la commission dans les 12 mois.


* 1 https://www.cnr.it/en/doc-ethics

* 2 Decreto legislativo 30 marzo 2001, n. 165. Norme generali sull'ordinamento del lavoro alle dipendenze delle amministrazioni pubbliche (art. 54.5).

* 3 Legge 6 novembre 2012, n. 190. Disposizioni per la prevenzione e la repressione della corruzione e dell'illegalità nella pubblica amministrazione.

* 4 https://www.cnr.it/sites/default/files/public/media/doc_istituzionali/ethics/Carta-dei-principi-per-la-ricerca-nelle-scienze-sociali-e-umane-4-5-2017.pdf

* 5 https://www.cnr.it/sites/default/files/public/media/doc_istituzionali/codice-etica-deontologia-per-ricercatori-patrimonio-culturale-cnr.pdf?v=02

* 6 Dans le domaine des biens et des activités culturels, le code ad hoc met en exergue l'importance de la valorisation du patrimoine culturel, de l'absence de conditionnement politique, religieux ou socio-culturel dans la reconstruction historique et l'interprétation des résultats ; de la protection des monuments et l'usage de techniques non destructrices ainsi que du respect des restes humains, des croyances et des objets considérés sacrés.

* 7 Les actes administratifs devant être externes (esterni) en Italie, il s'agit d'un type d'actes dépourvus de caractère administratif étant donné qu'ils n'ont de validité qu'à l'égard de l'organisme lui-même.

* 8 Legge 22 aprile 1941 n. 633. Protezione del diritto d'autore e di altri diritti connessi al suo esercizio.

* 9 Legge 19 aprile 1925, n. 475. Repressione della falsa attribuzione di lavori altrui da parte di aspiranti al conferimento di lauree, diplomi, uffici, titoli e dignità pubbliche.

* 10 Décision n° 18826 du 15 mai 2011 de la troisième section de la chambre pénale de la Cour de cassation italienne (Cassazione penale, sez. III, sentenza 12/05/2011 n° 18826). Pour l'application de la loi de 1925 par le Conseil d'État italien cf. Cons. Stato Sez. VI, Sent., 29/01/2015, n. 412.

* 11 Real Decreto Legislativo. 20-06-1935, n. 1071. Modifiche ed aggiornamenti al testo unico delle leggi sulla istruzione superiore.

* 12 La Fédération néerlandaise des centres médicaux universitaires (NFU), l'Organisation néerlandaise pour la recherche scientifique (NWO), la Fédération des organismes de recherche appliquée (TO2-federatie), l'Union des universités néerlandaises (VSNU) et l'Union des hautes écoles professionnelles (VH).

* 13 K. Algra (président), Commissie “Verkenning herziening gedragscode wetenschapsbeoefening”, Adviesrapport, octobre 2016. Le code de conduite néerlandais de 2004 avait été amendé en 2014 sans être fondamentalement modifié. La révision de 2018 procède à une telle refonte qu'elle a créé un nouveau code et de nouvelles obligations qui ont nécessité un nouvel engagement écrit formel de toutes les parties.

* 14 VSNU, Landelijk Model Klachtenregeling Wetenschappelijke Integriteit.

* 15 Sur ce dernier point, le code de conduite ne leur fait pas obligation de prévoir une assistance juridique tout en les autorisant à l'organiser (§ 5.4, point 20).

* 16 Règlement LOWI, 20 mars 2018.

* 17 Le 1 % restant dans le budget de la DFG provient de fondations et de l'Union européenne.

* 18 § 1, Satzung der DFG, version du 2 juillet 2014, enregistrée auprès du tribunal de Bonn.

* 19 §§4-5, Satzung der DFG.

* 20 Les 12 membres de la commission étaient issus quasi exclusivement du domaine des sciences naturelles (physique, chimie, biologie) et de la médecine, à l'exception d'un juriste. Trois membres ne travaillaient pas dans une institution allemande : un Suisse, un Français et un Américain. Les différentes branches de l'Institut Max-Planck étaient bien représentées, envoyant trois membres au sein de la commission.

* 21 DFG, Vorschläge zur Sicherung guter wissenschaftlicher Praxis, Denkschrift - Empfehlungen der Kommission ”Selbstkontrolle in der Wissenschaft“, décembre 1997,-septembre 2013 (2e v)

* 22 Empfehlung 1 (Gute wissenschaftliche Praxis), DFG Vorschläge, 2013.

* 23 Empfehlung 7 (Sicherung und Aufbewahrung von Primärdaten), DFG Vorschläge, 2013.

* 24 Empfehlung 2 (Festlegung von Regeln) & Empfehlung 8 (Verfahren bei wissenschaftlichem Fehlverhalten).

* 25 Empfehlung 9 (Gemeinschaftliches Vorgehen außeruniversitärer Institute).

* 26 Empfehlung 14 (Forschungsförderung - Verwendungsrichtlinien).

* 27 Empfehlung 5 (Vertrauenspersonen - Ombudspersonen).

* 28 Empfehlung 16 (Ombudsman für die Wissenschaft).

* 29 Empfehlung 17 (Hinweisgeber, sog. Whistleblower).

* 30 Par exemple, DFG, Verfahrensordnung zur Feststellung eines wissenschaftliches Fehlverhaltens du 26 octobre 2011, dernière version amendée le 3 juillet 2018.

* 31 DFG, Verfahrensleitfaden zur guten wissenschaftlichen Praxis, septembre 2018.

* 32 Hochschulrektorenkonferenz, Musterordnung zum Umgang mit wissenschafltichem Fehlverhalten in den Hochschulen, 6 juillet 1998.

* 33 Ausschuß zur Untersuchung von Vorwürfen wissenschaftlichen Fehlverhaltens.

* 34 Ce comité central est composé de 39 membres du Senat de la DFG, de 16 représentants du gouvernement fédéral, de 16 représentants des Länder et de 2 représentants de l'Association des donateurs pour la science allemande.

* 35 Point III, 3., c in DFG, Verfahrensordnung zur Feststellung eines wissenschaftliches Fehlverhaltens (2018).

* 36 BVerwGE 147292/301. Cf. Kingreen & Poscher, Staatsrecht II - Grundrechte,
(33. Auflage), Müller, 2017, pp. 201-202.

* 37 BVerwGE 53/96 du 12 décembre 1996 (dernière instance administrative confirmant les jugements du tribunal administratif de Giessen de 1993 et de la Cour administrative de Hesse de 1995).

* 38 BVerfG, 1 BVR 653/97 du 8 août 2000 ; à l'unanimité, les juges constitutionnels rejettent le recours de l'université contre les condamnations prononcées par le juge administratif dans l'affaire.

* 39 Universities UK, The Concordat to Support Research Integrity, juillet 2012.

* 40 Les sept anciens Research Councils ont été regroupés en avril 2018 sous l'ombrelle d'un nouvel organisme, United Kingdom Research and Innovation (UKRI), créé par le Higher Education and Research Act et doté d'un budget global de 7 milliards £.

* 41 Le Wellcome Trust est une fondation caritative. Disposant d'environ 15 milliards £ d'actifs, elle agit comme un acteur essentiel du financement de la recherche médicale.

* 42 House of Commons, Science and Technology Committee, Research integrity, Sixth Report of Session 2017-19, HC 350, 11 juillet 2018.

* 43 HC, op. cit., p. 14.

* 44 Ibid., p.20.

* 45 Ibid., p. 21.

* 46 Ibid., p. 41.

* 47 Ibid., p. 26

* 48 Ibid., p. 23.

* 49 Ibid., pp. 49-50.

* 50 Lov nr 383 om videnskabelig uredelighed du 26 avril 2017.

* 51 Il convient de relever que ce rapport était défavorable à la mise en place d'un système de protection des lanceurs d'alerte, en insistant sur la grande difficulté de garantir l'anonymat dans des équipes de recherche de taille souvent réduite et sur les risques d'attiser les conflits au sein même des équipes.

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