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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans notre tribune d’honneur, une délégation conduite par Mme Annita Demetriou, présidente de la Chambre des représentants de Chypre. Elle est accompagnée par notre collègue Pascale Gruny, en remplacement de Samantha Cazebonne, présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Chypre. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre, se lèvent.)

La délégation a été entendue ce matin par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, puis elle a été reçue en audience par le président du Sénat, Gérard Larcher.

La France entretient d’excellentes relations bilatérales avec Chypre, fruit de notre histoire, mais aussi au sein de l’Union européenne, que ce pays a rejointe en 2004.

Nous nous réjouissons de la perspective du renforcement de nos coopérations en matière de défense et en Méditerranée orientale.

Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à Mme Annita Demetriou et à la délégation chypriote la plus cordiale bienvenue au Sénat, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour ! (Applaudissements.)

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale
Discussion générale (suite)

Ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale

Suite de la discussion et adoption d’une proposition de résolution

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale
Discussion générale (fin)

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de résolution invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le suicide est l’une des premières causes de mortalité chez les 15-24 ans. Entre 2020 et 2021, une explosion des syndromes dépressifs a été observée chez les jeunes, ainsi qu’une augmentation du nombre des tentatives de suicide, notamment chez les moins de 15 ans.

Nous ne pouvons pas accepter que des personnes à l’aube de leur vie en arrivent à perdre, à ce point, toute confiance en l’avenir.

Bien sûr, la crise sanitaire a eu un effet désastreux sur l’équilibre psychologique des jeunes et ses conséquences sont encore bien réelles aujourd’hui, les addictions liées au manque de perspectives, au stress ou au désespoir se multipliant.

Cependant, il serait imprudent de justifier les difficultés de la jeunesse par la seule persistance des effets des confinements successifs et de la désocialisation qui en a résulté. Les causes de la dégradation de leur état de santé psychique sont multiples et complexes et s’enchevêtrent parfois.

Le passage à l’adolescence peut être une période particulièrement difficile et cette longue transition vers l’âge adulte peut sembler insurmontable pour certains jeunes.

Les violences intrafamiliales, qui ont explosé durant la crise sanitaire, ont aussi eu un rôle prépondérant dans l’évolution de la santé psychique des jeunes. Que l’enfant en soit victime directement ou indirectement, elles représentent un traumatisme qui aura de très lourdes répercussions sur sa vie et sur son équilibre.

C’est un sujet qui me tient à cœur et sur lequel j’ai eu l’occasion de travailler dans le cadre de la réalisation d’un rapport d’information par la délégation sénatoriale aux droits des femmes.

J’évoquerai par ailleurs la précarité des étudiants, dont nous avons débattu, il y a quelques semaines encore, lors de l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l’instauration d’une allocation autonomie universelle d’études.

Le nombre croissant et alarmant d’étudiants ayant recours à l’aide alimentaire ne peut nous laisser indifférents. La précarité, qui mène souvent à l’isolement, est un facteur indéniable de troubles psychologiques.

Je rappellerai également les effets des réseaux sociaux, dont la nocivité n’est plus à démontrer depuis l’avènement des smartphones, qui permettent aux jeunes d’être connectés en permanence, bien souvent avec des amis virtuels.

Toutes les études sur le sujet en attestent : plus un jeune passe de temps sur certaines applications, plus les conséquences délétères sur sa santé mentale sont importantes.

Il faut enfin citer le harcèlement scolaire, lourdement aggravé par les réseaux sociaux, dont 800 000 à 1 million d’enfants sont victimes chaque année. Notre groupe est d’ailleurs très investi sur ce sujet, sur lequel notre ancienne collègue Colette Mélot avait publié un excellent rapport d’information en 2021.

J’espère que la ministre de l’éducation nationale nouvellement nommée saura poursuivre ce combat prioritaire, afin que nous n’ayons plus à déplorer de suicides liés au harcèlement scolaire, de tels drames étant épouvantables.

L’école a un rôle majeur à jouer dans la détection des altérations de la santé mentale chez les jeunes. Plus les troubles sont détectés tôt, plus les chances de guérison augmentent.

Cependant, la médecine scolaire est en très grande difficulté. Le nombre de médecins scolaires a baissé de 20 % en dix ans, et seuls 20 % des élèves ont eu accès à la visite médicale obligatoire de la sixième année, selon un récent rapport d’information de l’Assemblée nationale.

La détection des troubles de santé mentale n’est pas à la hauteur des enjeux, et le risque est qu’un certain nombre d’enfants et d’adolescents ayant échappé aux actions de prévention ne se retrouvent dans un parcours de soins psychiatriques quelques années plus tard.

Le Gouvernement nous explique que les moyens ne manquent pas : les postes existent, mais ils ne sont pas pourvus, le taux de couverture étant d’à peine 50 %.

Ce problème d’attractivité dissimule une question de revalorisation de la fonction, même s’il faut admettre que le manque de médecins concerne effectivement la majeure partie du territoire, et non pas seulement le secteur de la santé scolaire.

Nous devons malheureusement dresser le même constat s’agissant de la psychiatrie des enfants et des adolescents, la situation de ce secteur étant particulièrement alarmante.

Chaque année, le Défenseur des droits dénonce dans son rapport l’insuffisance du nombre de places. De ce fait, des enfants, quand ils parviennent à être pris en charge, se retrouvent parfois hospitalisés avec des adultes, dans les mêmes conditions qu’eux.

L’Essonne n’est pas épargnée par la désertification médicale. Le manque de personnels dans le secteur psychiatrique est criant, comme me l’a confirmé le chef du pôle psychiatrie de groupe hospitalier Nord-Essonne.

Allouer des moyens supplémentaires à la prise en charge au long cours des jeunes est indispensable. Cela passe par le recrutement de médecins, y compris étrangers, d’infirmiers formés en psychiatrie et de psychologues. Cela suppose également de favoriser l’internat dans la discipline et de rendre le métier plus attractif. En un mot, il s’agit de redonner du sens à ces métiers.

La prise en charge en psychiatrie infante juvénile est également l’une des missions de l’établissement public de santé Barthélemy Durand dans l’Essonne. Celui-ci offre un ensemble de structures de soins réparties territorialement permettant d’articuler actions de prévention et actes de soins au plus près de l’environnement familial et social des personnes.

Pour conclure, je rappelle que nos jeunes méritent que l’on traite les causes de leurs difficultés, autant que leurs symptômes.

La santé mentale reste le parent pauvre de notre politique de santé, et les nombreux rapports sénatoriaux sur le sujet, notamment celui de notre collègue Alain Milon, n’ont guère été suivis d’effets. Nous le déplorons, mais nous espérons que cette proposition de résolution sera prise en considération et donnera lieu, enfin, à des mesures concrètes.

Nous remercions notre collègue Nathalie Delattre d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de résolution, que le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera bien évidemment. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)

Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux, au nom du groupe Union Centriste et de mon collègue Olivier Henno, que je remplace aujourd’hui, saisir l’occasion de cette proposition de résolution pour formuler quelques observations et remarques sur l’accès aux soins dans notre pays et, plus largement, sur la prise en charge en psychiatrie.

Préalablement, je tiens, comme Olivier Henno, à saluer l’initiative de Nathalie Delattre d’ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale. C’est un fait avéré et indiscutable que les jeunes Français sont de plus en plus anxieux.

Les causes sont multiples. Il est impossible de ne pas évoquer la crise du covid-19 et le confinement. Des jeunes isolés, enfermés et privés de relations sociales peuvent légitimement revendiquer une souffrance psychologique et une santé mentale déficiente. Dans une société en crise, certains jeunes sont aussi les victimes collatérales de situations de rupture sociale ou familiale.

Toutefois, il ne s’agit pas là des seules causes de l’anxiété dont souffre une partie de la jeunesse française. Les guerres en Ukraine et en Israël participent également de ce malaise, sans compter l’éco-anxiété et les lourdes interrogations que suscitent le réchauffement climatique et ses conséquences sur le devenir de la planète et de la biodiversité, donc forcément de l’humanité et de notre civilisation.

Nous n’ignorons pas non plus les effets des réseaux sociaux sur les jeunes générations. Ces derniers, qui sont au cœur de leur fonctionnement social, peuvent être les vecteurs de stigmatisations et des situations de harcèlement dramatiques que l’on connaît.

La santé mentale des jeunes est effectivement un enjeu de santé publique majeur. La détection et l’accompagnement doivent former un écosystème efficient et justement dimensionné autour de nos jeunes. C’est tout l’enjeu de la prévention.

Alors que notre système de soins peine à répondre à l’ampleur des souffrances psychiques et psychologiques, permettez-moi de souligner que c’est vrai sur tout le territoire national, mais plus encore dans les zones rurales.

J’en profite pour, une fois de plus, enfoncer le clou : notre pays manque partout de médecins et de soignants, donc de psychiatres.

Remettre en cause le numerus clausus semble être une évidence, mais je rappelle que le numerus apertus est loin d’être la panacée. La réalité est terrible. Le nombre de médecins formés en France reste largement insuffisant. Le temps médical fourni en moyenne par chaque praticien diminue. La progression de 15 % du nombre des médecins formés est insuffisante pour répondre aux aspirations nouvelles, légitimes et très ancrées des jeunes médecins, comme un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.

Il est nécessaire de donner du sens aux métiers de la santé et de les rendre attractifs, en psychiatrie comme dans toutes les autres spécialités. Attirer le personnel médical soignant vers la psychiatrie et le fidéliser sont des préalables indispensables pour ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale. Sans augmentation du nombre de soignants, tout objectif d’amélioration de la santé publique est un leurre ou, pis, de la démagogie.

Sur le fond, nous souscrivons à l’objectif de mieux détecter les symptômes de dépression, d’anxiété chronique, de bipolarité, de phobies ou encore, parfois dramatiquement, de pensées suicidaires.

Le constat est en effet alarmant : 40 % des 18-24 ans souffrent de troubles d’anxiété généralisée, un jeune sur cinq connaît des symptômes dépressifs et près de 25 000 jeunes ont tenté de mettre fin à leurs jours. Ce chiffre insupportable nous interpelle. Et je ne parle pas des addictions diverses…

Pour ces raisons, le groupe Union Centriste approuve l’objectif d’ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale. Nous sommes toutefois perplexes sur notre capacité à mettre en pratique et en œuvre cet objectif, faute de moyens suffisants ; Mme Delattre en a longuement parlé.

Pour conclure, j’insiste sur l’objectif primordial que constitue la détection précoce des troubles mentaux.

Permettez-moi également d’évoquer la proposition de loi de notre collègue Jocelyne Guidez, qui nous sera soumise très prochainement, laquelle vise à prévoir des moyens supplémentaires pour le dépistage précoce des troubles du déficit de l’attention et de tous les troubles du neurodéveloppement. La prévention reste le meilleur des outils ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Anne Souyris. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au 1er janvier 2023, notre pays comptait plus de 14 millions d’enfants et d’adolescents, qui représentent 21 % de la population.

Les troubles psychiques toucheraient 13 % des enfants et adolescents, soit plus de 1,6 million de personnes.

Selon l’étude Global Burden of Disease, les troubles mentaux étaient en 2019 la première cause de perte d’années de vie en bonne santé pour les 5-24 ans dans les pays de l’OCDE.

La crise du covid-19 a entraîné une dégradation de la santé mentale des jeunes. L’enquête EpiCov a montré que la part des grands adolescents, âgés de plus de 16 ans, et des jeunes adultes présentant un syndrome dépressif a doublé entre 2019 et mai 2020. À Paris, le nombre de tentatives de suicide a augmenté de 40 % après 2020.

Pour toutes ces raisons, la santé mentale des jeunes doit être une priorité de l’action publique.

J’insisterai sur deux points en particulier.

Tout d’abord, il est nécessaire de renforcer le repérage des troubles pour accompagner les jeunes le plus tôt possible. Les médecins généralistes doivent davantage être formés en ce sens. Les services de santé scolaire et les psychologues de l’éducation nationale doivent être renforcés de manière significative.

Ensuite, le secteur de la pédopsychiatrie doit être soutenu. La Cour des comptes, dans son rapport de mars 2023, rappelait l’intérêt de ces soins, non seulement, pour leur dimension thérapeutique immédiate, mais également pour leur bénéfice préventif en santé à long terme.

En effet, 48 % des pathologies psychiatriques des adultes commenceraient avant l’âge de 18 ans. Les maladies psychiques représentent un coût économique de 81,3 milliards d’euros pour la France, soit 3,7 % du PIB. Pourtant, la Cour estime les dépenses consacrées à la prise en charge psychiatrique en établissement à seulement 10,4 milliards d’euros, dont 1,8 milliard d’euros pour le secteur infante juvénile.

Malheureusement, nous manquons de personnels. Selon l’Ordre des médecins, il y aurait 2 039 pédopsychiatres en France en 2022, soit 34 % de moins qu’en 2010. Cela représente un praticien pour 294 à 392 besoins de prise en charge.

La situation ne va pas aller en s’améliorant : 47 % des médecins habilités à exercer en pédopsychiatrie sont âgés de plus de 60 ans. À continuer ainsi, on comptera moins de 1 000 praticiens d’ici à 2035.

Des réformes doivent être entreprises pour accroître les effectifs et rendre l’offre des soins accessible. La Cour des comptes en a brossé les grandes lignes ; nous attendons qu’elles soient mises en œuvre.

La santé mentale des jeunes nécessite un effort collectif de notre société. Nous partageons les observations et les conclusions des auteurs de ce texte. Aussi, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette proposition de résolution, qu’il remercie le groupe du RDSE d’avoir déposée et inscrite à l’ordre du jour de nos travaux.

Cependant, nous ne sommes pas dupes. Les grandes causes nationales n’ont malheureusement pas eu d’effets apparents lors du quinquennat précédent et ne semblent pas en avoir davantage au cours de celui qui est en cours. J’en veux pour preuve que l’égalité entre les femmes et les hommes, grande cause nationale lors du premier quinquennat, n’est manifestement plus une priorité de l’action gouvernementale depuis le dernier remaniement…

Si la santé mentale des jeunes mérite d’être érigée en grande cause nationale, elle nécessite surtout, comme le soulignent les auteurs de la proposition de résolution, un effort global pour rétablir les droits et un investissement massif pour former et recruter des psychiatres et des psychologues, pour les rendre accessibles. Enfin, elle suppose une réforme de la santé scolaire pour qu’elle redevienne attractive et présente pour les enfants.

À cet égard, le Gouvernement va-t-il réellement agir ? Je vous laisse, madame la ministre, le bénéfice du doute, et j’espère que vous allez me répondre sur ce point.

Par ailleurs, comme cela est souligné dans l’exposé des motifs de cette proposition de résolution, la précarité, en particulier celle des étudiants, est un facteur de dégradation de la santé mentale. D’une part, elle est une cause d’anxiété ; de l’autre, elle freine l’accès aux soins. Il va falloir agir pour résoudre ce problème.

En conclusion, comme la Cour des comptes l’a indiqué, il y a un manque de pilotage et de coordination des politiques de santé mentale dans notre pays. Nos collègues Alain Milon et Michel Amiel l’avaient déjà souligné en 2017.

À cet égard, le Gouvernement serait bien inspiré de se doter d’un ou d’une secrétaire d’État à la santé mentale, en complément du délégué ministériel, qui devrait être interministériel. Qui d’autre peut piloter une grande cause nationale ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution de Nathalie Delattre et du RDSE permet d’ouvrir le débat sur un sujet fondamental et préoccupant : la santé mentale des jeunes.

Des études récentes confirment, s’il en était besoin, une augmentation significative des troubles de santé mentale, particulièrement chez les jeunes, avec une prévalence croissante de symptômes comme l’insomnie, le stress post-traumatique, la dépression ou l’anxiété. C’est une tendance que l’on observe depuis environ cinq ans, mais qui a été accentuée par la pandémie de covid-19, les confinements et les « distanciations sociales », comme nous les appelions, décidés alors.

Au mois de novembre 2021, l’hôpital Robert-Debré lançait un cri d’alarme : les admissions aux urgences pour tentatives de suicide chez les moins de 15 ans avaient augmenté de 300 % en deux ans.

La santé mentale doit donc être une priorité absolue, qui se traduit non seulement en paroles et résolutions, mais également par des actions concrètes, des politiques publiques efficaces et des moyens adéquats pour les services de santé.

Or, malgré les discours gouvernementaux sur la nécessaire prévention, les moyens alloués aux centres médico-sociaux manquent, l’accès aux centres médico-psycho-pédagogiques est difficile, le remboursement des séances chez les psychologues insuffisant, la médecine scolaire indigente, les équipes médico-sociales dans les établissements démunies, et les psys de l’éducation nationale réduits à la portion congrue.

Ainsi que cela a été rappelé, en dix ans, le nombre de médecins scolaires a chuté de 20 %. En 2023, il n’y avait que 900 médecins scolaires pour 60 000 établissements et plus de 12 millions d’élèves ! Et près de huit enfants sur dix n’ont jamais vu un médecin scolaire.

En Seine-Maritime, département dont je suis l’élue, quatre postes d’enseignants dans les CMPP de Rouen, du Havre et à Dieppe ont été supprimés l’an passé.

Tout cela a des conséquences directes sur la prise en charge de la santé mentale des jeunes et peut avoir des répercussions sur l’ensemble de la société, puisque l’état de santé psychique des enfants et des adolescents est l’un des principaux déterminants de leur santé future.

Le dispositif MonParcoursPsy était censé apporter une réponse. Mais moins de 10 % des psychologues s’y sont engagés, faute, notamment, de concertation avec l’ensemble de la profession. Nombre de praticiens nous disent que les 50 millions d’euros investis seraient plus utiles pour créer des postes de psychologues pérennes dans le service public ou pour ouvrir des structures d’accompagnement.

Au regard de la santé mentale des jeunes, et pas seulement d’ailleurs, il est indispensable de « réarmer » – c’est visiblement un terme très à la mode (Mme la ministre sourit.) – les secteurs psychiatriques et pédopsychiatriques, notamment en formant des praticiens et en rouvrant des structures et des lits d’hospitalisation.

Il est également crucial d’aborder le contexte contribuant à la progression de tels troubles mentaux et comportementaux chez les jeunes.

Le caractère inégalitaire de notre système scolaire et la compétition engendrée par Parcoursup, qui va sans doute s’accroître dès le plus jeune âge avec les classes de niveaux annoncées, sont de nature à créer un stress inutile.

La précarité – cela a été évoqué – est aussi en cause. Voilà quelques jours, Santé publique France publiait une étude montrant que les enfants vivant sous le seuil de pauvreté sont trois fois plus souvent hospitalisés pour des problèmes psychiatriques.

Les étudiants sont confrontés à la précarité, jonglant entre travail et études pour subvenir à leurs besoins, confrontés à la crise du logement, surtout pour ceux qui doivent suivre des études loin de chez eux, et parfois contraints de solliciter l’aide alimentaire. Il est regrettable que vous ayez refusé d’adopter la proposition de loi visant à créer une allocation autonomie en leur faveur, mes chers collègues.

L’anxiété s’accroît également en raison des préoccupations croissantes, telles que le dérèglement climatique ou les guerres à nos portes.

Je pourrais également évoquer les inquiétudes relatives à l’emploi et à l’avenir, au sens du travail et à ses conditions d’exercice, qui brisent souvent les aspirations de la jeunesse à une vie épanouissante, ou encore les discriminations sociales, de milieu ou de genre.

Tout cela nécessite prévention et accompagnement, mais également un environnement et une qualité de vie sains dans les différents espaces sociaux que sont l’école, le travail, la famille et, plus largement, toute la société. Il importe de donner espoir et confiance dans l’avenir et dans la société.

Nous sommes profondément convaincus que la santé mentale doit mobiliser l’ensemble de notre société. Nous voterons donc en faveur de la présente proposition de résolution, qui vise à en faire une grande cause nationale, et nous souhaitons, madame la ministre, que cela soit suivi d’un véritable plan d’action accompagné de moyens concrets visant à améliorer la santé mentale des jeunes. (Mme Nathalie Delattre applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ahmed Laouedj. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Ahmed Laouedj. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chère Nathalie Delattre, la santé mentale des jeunes est une préoccupation croissante dans la société contemporaine.

Les jeunes sont confrontés à de nombreux défis et pressions constants, qui peuvent avoir un impact dévastateur sur leur bien-être psychologique.

Un autre phénomène se développe particulièrement à l’adolescence, période propice à l’expérimentation de comportements à risques : la consommation de substances psychoactives. Aucun adolescent n’est à l’abri et tous les milieux socioéconomiques peuvent être touchés.

Les jeunes qui se tournent vers les drogues et les stupéfiants le font souvent pour échapper à leurs problèmes et fuir leur réalité. Mais, au lieu de les aider, de telles substances peuvent avoir des conséquences très graves sur leur santé mentale. Elles créent une addiction extrêmement difficile à surmonter.

L’utilisation de drogues peut entraîner des troubles anxieux, des problèmes de comportement, comme l’agressivité. Elle peut également altérer la capacité de concentration, la mémoire et les fonctions cognitives, conduisant à des difficultés scolaires et académiques, ainsi qu’à des problèmes d’apprentissage pouvant aboutir à une déscolarisation.

La consommation de stupéfiants chez les jeunes utilisateurs peut avoir des répercussions profondes sur le fonctionnement du cerveau et causer de graves problèmes de santé mentale, notamment la survenue de pathologies, comme la schizophrénie ou la dépression.

Récemment, c’est l’usage détourné du protoxyde d’azote, dit gaz hilarant, qui a fait la une de l’actualité. La recrudescence de cet usage chez les jeunes avec des consommations répétées, voire quotidiennes, peut entraîner d’importantes séquelles. Plusieurs cas graves ont d’ailleurs été rapportés au cours des deux dernières années.

Nous devons donc nous attaquer aux racines du problème en identifiant le mal-être des jeunes qui les pousse à consommer ces stupéfiants pour fuir la réalité et en leur permettant d’être accompagnés par des professionnels de santé compétents.

J’ai été alerté par le Syndicat national des psychologues : à ses yeux, le dispositif Mon soutien psy, mis en place par le Gouvernement au mois d’avril 2022, est un échec.

Mme Nathalie Delattre. Non ! Ce n’est pas vrai !

M. Ahmed Laouedj. Neuf psychologues sur dix considèrent que ce dispositif ne répond pas aux besoins grandissants du public, et notamment du jeune public. Il n’y a ni accès direct aux psychologues ni respect du rythme de chacun, et le choix de professionnels est très restreint.

Il convient également de mettre en place un véritable dispositif de consultation auprès des psychologues, sans passage préalable par un médecin et sans restriction des motifs de consultation.

Les psychologues nous alertent sur l’urgence de faire de la santé mentale des Français, et notamment des jeunes, une cause nationale. Le public concerné mérite une véritable politique publique d’envergure, coconstruite en concertation avec les professionnels de terrain.

Madame la ministre, les conditions de travail dans les structures de soin sont tellement difficiles qu’il est extrêmement compliqué de recruter dans certains secteurs. Quelles sont les mesures concrètes envisagées par le Gouvernement pour renforcer les services publics dans le domaine de la santé mentale ? Une revalorisation salariale des métiers de soin dans ces structures, et notamment des psychologues, profession peu revalorisée depuis une trentaine d’années, est-elle prévue ?

Le RDSE votera évidemment à l’unanimité la proposition de résolution invitant à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Théophile. (M. Bernard Buis applaudit.)

M. Dominique Théophile. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution de Nathalie Delattre invite donc le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale.

Elle s’inscrit dans un contexte particulier, marqué à la fois par la crise de la covid-19, qui a provoqué – on le sait – une dégradation importante de la santé mentale des Français, et par la multiplication des travaux sur la question.

Après la lutte contre les violences faites aux femmes en 2018 et la promotion de l’activité physique et sportive cette année, il est donc proposé au Gouvernement d’accroître ses efforts en faveur de la santé mentale des plus jeunes par le biais d’un label dont on connaît la portée médiatique : la grande cause nationale.

Le constat que vous dressez, chère Nathalie Delattre, est en effet sans appel. Les jeunes souffrent. Et ils souffrent la plupart du temps en silence. La crise sanitaire de la covid-19, conjuguée à d’autres phénomènes, dont l’éco-anxiété, fait qu’ils n’ont jamais été aussi nombreux.

Les chiffres sont éloquents : un jeune sur cinq souffrirait de troubles dépressifs. Près de 43 % d’entre eux ont ainsi déclaré en 2021 s’être retrouvés en situation de détresse psychologique. C’est quatorze points de plus que l’année précédant la pandémie de la covid-19 et la tendance ne semble pas vouloir s’inverser.

Une étude de Santé publique France a par ailleurs révélé au mois de juin dernier que les enfants n’étaient pas épargnés, puisque 13 % des 6-11 ans présenteraient « au moins un trouble probable de santé mentale ».

Dans ce contexte, le manque de personnel médical, notamment de pédopsychiatres et de médecins scolaires, et de places en milieu médical a des conséquences directes sur la détection et la prise en charge des plus jeunes, avec les effets et les drames que l’on connaît parfois.

Face à ce constat alarmant, vous proposez plusieurs pistes pour mieux accompagner ces jeunes : augmentation du nombre de psychologues et de psychiatres disponibles sur l’ensemble du territoire ; réforme des missions et renforcement des moyens du service de santé scolaire, qui souffre – nous le savons – d’un terrible manque d’attractivité ; soutien aux centres médico-psycho-pédagogiques et médico-psychologiques, etc.

Vous suggérez également de mettre en place des campagnes de sensibilisation sur les dispositifs de prévention existants et les offres sanitaires. Car beaucoup a été fait ces dernières années, à mesure que nous prenions, collectivement, conscience de l’ampleur du phénomène et de la tâche à accomplir.

Au mois de juin 2018, en cohérence avec les objectifs de la stratégie nationale de santé, le Gouvernement a ainsi adopté sa feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie. Organisée autour des trois piliers que sont la prévention, le parcours de soins et l’insertion sociale, celle-ci fixait le cap d’une transformation structurelle et systémique du champ de la santé mentale et de la psychiatrie.

Le Ségur de la santé et les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie sont venus compléter cette feuille de route en 2020 et 2021, la crise de la covid-19 faisant office – il faut le reconnaître – de révélateur.

Parmi ces mesures figurent l’organisation d’une communication grand public, l’amplification du déploiement du secourisme en santé mentale ou la création des maisons de l’enfant et de la famille.

Citons également la création du dispositif MonParcoursPsy, qui permet à tous de bénéficier du remboursement de huit séances d’accompagnement psychologique par an, le renforcement du réseau des maisons des adolescents, l’augmentation des effectifs des centres médico-psychologiques et du nombre de psychologues dans les maisons et les centres de santé.

Ces mesures restent pourtant insuffisantes au regard de l’ampleur de la situation et méritent d’être approfondies. C’est là tout l’objet de votre proposition de résolution.

En matière de santé mentale, la question des inégalités sociales et de l’accès aux soins est omniprésente. Les territoires d’outre-mer ne font pas exception à la règle. C’est par eux que je terminerai.

Au mois de novembre dernier, l’Unicef a produit un rapport, remarqué, consacré aux droits de l’enfant dans ces territoires.

Les auteurs y constatent « une situation globalement plus défavorable en matière de respect des droits de l’enfant » et soulignent que le défi de la prise en charge de la santé mentale y est particulièrement difficile à relever alors que l’accès aux soins primaires n’est pas toujours assuré.

Je pense notamment à la Guyane et à Mayotte, mais le phénomène est évidemment vérifiable dans l’ensemble des territoires ultramarins, qui souffrent, plus que les autres, d’un déficit d’accès aux soins.

Je rappellerai pour finir tout l’intérêt que le groupe RDPI porte depuis des années à la question de la santé mentale, en particulier celle des plus jeunes. Il votera évidemment en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)