Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution visant à condamner l’offensive militaire de l’azerbaïdjan au haut-karabagh et à prévenir toute autre tentative d’agression et de violation de l’intégrité territoriale de la république d’arménie, appelant à des sanctions envers l’azerbaïdjan et demandant la garantie du droit au retour des populations arméniennes au haut-karabagh

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,

Vu le Chapitre XVI du Règlement du Sénat,

Vu la Charte des Nations unies du 26 juin 1945, le traité de l’Atlantique Nord du 4 avril 1949, l’acte final d’Helsinki du 1er août 1975 et la déclaration d’Alma-Ata du 21 décembre 1991,

Vu la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 4 janvier 1969, les Conventions de Genève et leurs protocoles ultérieurs, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et la résolution 60/1 de l’Assemblée générale des Nations unies du 16 septembre 2005 sur la responsabilité de protéger les populations contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité,

Vu la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, à laquelle l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont parties, et ses deux protocoles, la Convention de l’Unesco du 16 novembre 1972 concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, la déclaration de l’Unesco du 17 octobre 2003 concernant la destruction intentionnelle du patrimoine culturel et l’arrêt Ahmad Al Faqi Al Mahdi de la Cour pénale internationale (CPI) rendu le 27 septembre 2016,

Vu l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020 et la déclaration commune trilatérale signée le 11 janvier 2021 par la Russie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan,

Vu les ordonnances de la Cour internationale de justice (CIJ) du 22 février 2023 et du 6 juillet 2023 relatives à la demande en indication de mesures conservatoires en vue de l’application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

Vu la déclaration, signée le 13 octobre 2023 par le président de la République d’Arménie Vahagn Khachaturyan, portant sur la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998, et portant sur l’adoption d’une déclaration « Sur la reconnaissance rétroactive de la compétence de la Cour pénale internationale par la République dArménie », conformément à l’article 12, partie 3 du même Statut,

Vu les résolutions du Parlement européen du 20 mai 2021 sur les prisonniers de guerre à la suite du dernier conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan (2021/2693(RSP)), du 10 mars 2022 sur la destruction du patrimoine culturel au Haut-Karabakh (2022/2582(RSP)), et du 5 octobre 2023 sur la situation au Haut-Karabagh après l’attaque menée par l’Azerbaïdjan et la persistance des menaces contre l’Arménie (2023/2879(RSP)),

Vu les résolutions du Sénat n° 26 (2020-2021), adoptée le 25 novembre 2020, portant sur la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh, et n° 19 (2022-2023) adoptée le 15 novembre 2022, visant à appliquer des sanctions à l’encontre de l’Azerbaïdjan et exiger son retrait immédiat du territoire arménien, à faire respecter l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020, et favoriser toute initiative visant à établir une paix durable entre les deux pays,

Considérant l’agression militaire conduite par l’Azerbaïdjan les 19 et 20 septembre 2023 dans la région du Haut-Karabagh, en violation de l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020 et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ;

Considérant l’inaction et l’incapacité des forces d’interposition russes de maintien de la paix à faire respecter l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020 ;

Considérant les violations répétées de l’intégrité territoriale de l’Arménie par l’Azerbaïdjan et ses ambitions affichées de créer un couloir de transport qui traverse le massif du Zanguezour, situé au Sud de l’Arménie, pour relier l’Azerbaïdjan à la République autonome du Nakhitchevan, et d’offrir ainsi une continuité terrestre jusqu’à sa frontière avec la Turquie ;

Considérant les risques inhérents aux manœuvres militaires d’ampleur annoncées le 23 octobre 2023 et menées conjointement par l’Azerbaïdjan et la Turquie dans le Nakhitchevan ;

Considérant que le conflit du Haut-Karabagh et celui entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie se déroulent dans une région particulièrement instable, proche de l’Union européenne, et comportent un risque d’embrasement impliquant potentiellement des puissances régionales ;

Considérant l’exode forcé des populations arméniennes du Haut-Karabagh, du fait de cette agression militaire après dix mois de blocus imposé par les autorités azerbaïdjanaises, reconnu comme une opération annoncée et planifiée de nettoyage ethnique ;

Considérant la situation humanitaire dramatique qui en résulte sur le plan de l’alimentation en eau et en nourriture, de la santé et de l’hébergement pour les plus de 100 000 Arméniens déplacés et de l’éducation pour les quelque 30 000 enfants concernés ;

Considérant que la population arménienne du Haut-Karabagh, lorsqu’elle était placée sous administration azerbaïdjanaise, a été soumise de façon répétée à des massacres organisés ; considérant que les rapports de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance du Conseil de l’Europe (ECRI) et du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU (CERD) attestent de l’impossibilité des populations arméniennes à vivre librement en Azerbaïdjan et que, par conséquent, la sécurité et la liberté des populations arméniennes du Haut-Karabagh ne sont pas garanties ;

Considérant les menaces avérées de dégradation irréversible qui pèsent sur le patrimoine culturel et religieux arménien du Haut-Karabagh, dont les occupants voudraient effacer toute trace, dans leur dessein génocidaire ; considérant que dans la lecture de la Cour pénale internationale une telle dégradation constituerait un crime contre l’humanité ;

Considérant les conditions dans lesquelles les autorités démocratiquement élues du Haut-Karabagh et ses anciens dirigeants ont été arrêtés de façon arbitraire et placés en détention ;

Considérant que la France a déployé des efforts actifs depuis 1994, dans le cadre du Groupe de Minsk, dont elle assure la co-présidence aux côtés de la Russie et des États-Unis, pour aboutir à une solution pacifique dans le conflit du Haut-Karabagh ; considérant que le conflit ukrainien affecte la faculté du Groupe de Minsk à remplir sa mission ; considérant, par ailleurs, que ce processus est durablement entravé par le recours de l’Azerbaïdjan à la solution militaire ;

Considérant que la France soutient la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Arménie, qu’elle se mobilise en faveur d’une paix juste et durable dans le Caucase ;

Considérant que les pourparlers de paix sous l’égide de l’Union européenne subissent les conséquences tant du conflit né de l’agression de la Russie contre l’Ukraine que des enjeux stratégiques liés à l’autonomie énergétique de l’Union européenne ;

Condamne avec la plus grande fermeté l’offensive militaire des 19 et 20 septembre 2023 menée par l’Azerbaïdjan, avec l’appui de ses alliés, dans le Haut-Karabagh, qui a contraint à l’exode la quasi-totalité des populations arméniennes qui y vivaient ;

Rappelle que le respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui s’applique aux populations arméniennes du Haut-Karabagh, est la seule voie possible vers une paix durable entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie et qu’il incombe aux États de respecter et de protéger ce droit et que, par conséquent, il est du devoir la communauté internationale d’exiger de l’Azerbaïdjan de tout mettre en œuvre pour garantir le droit au retour des populations arméniennes au Haut-Karabagh dans des conditions de nature à assurer leur sécurité et leur bien-être ;

Salue l’initiative du Gouvernement français de renforcer l’aide humanitaire apportée à l’Arménie pour répondre aux besoins élémentaires des populations civiles du Haut-Karabagh réfugiées sur son sol, et l’invite à appeler ses partenaires européens à faire de même ;

Réaffirme l’inviolabilité de l’intégrité territoriale de l’Arménie, et demande le retrait immédiat et inconditionnel, sur leurs positions initiales, des forces azerbaïdjanaises et de leurs alliés du territoire souverain de l’Arménie ;

Alerte le Gouvernement français, l’Union européenne et la communauté internationale sur les ambitions hégémoniques de l’Azerbaïdjan et de la Turquie ainsi que sur le danger qu’elles représentent pour la République d’Arménie, son intégrité territoriale et la paix dans le Caucase ;

Fait valoir le droit de l’Arménie à défendre son intégrité territoriale et de disposer des moyens d’assurer sa sécurité, y compris par la voie militaire ; accueille par conséquent favorablement la décision du Gouvernement français de livrer du matériel militaire à l’Arménie et soutient toute initiative visant à défendre au niveau de l’Union européenne le recours à la Facilité européenne pour la paix (FEP) en faveur de l’Arménie ;

Réprouve l’arrestation arbitraire des responsables politiques de la République du Haut-Karabagh, représentants légitimes du peuple de ce territoire, et demande leur libération sans délai ;

Invite le Gouvernement à exiger de la République d’Azerbaïdjan, sous peine de sanctions, la libération sans délai des prisonniers civils et militaires qu’elle détient et la restitution immédiate des corps des soldats arméniens tués au combat ;

Appelle au respect de l’intégrité du patrimoine culturel et religieux, conformément aux obligations qui incombent à l’Azerbaïdjan et à l’Arménie en vertu de leurs engagements internationaux, et condamne vigoureusement les atteintes portées aux bâtiments, vestiges, collections et biens culturels arméniens du Haut-Karabagh ;

Fait valoir l’urgence à inscrire la protection du patrimoine du Haut-Karabagh à l’ordre du jour du Comité intergouvernemental pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et appelle à la suspension de l’Azerbaïdjan de ce Comité ;

Souligne la nécessité de constituer sans délai un groupe international d’experts auprès de l’UNESCO et de l’envoyer en mission dans le Haut-Karabagh pour établir un rapport d’information sur l’état du patrimoine culturel et religieux ;

Invite le Gouvernement à tirer toutes les conséquences diplomatiques des agressions répétées de l’Azerbaïdjan envers l’Arménie et à envisager, avec ses partenaires européens, un réexamen complet des relations de l’Union européenne avec l’Azerbaïdjan ainsi que les réponses les plus fermes appropriées – y compris la saisie des avoirs des dirigeants azerbaïdjanais et un embargo sur les importations de gaz et de pétrole d’Azerbaïdjan – pour sanctionner l’agression militaire menée par l’Azerbaïdjan ;

Invite le Gouvernement à tout mettre en œuvre pour que l’Azerbaïdjan s’engage instamment et pacifiquement dans un processus de négociation par la voie diplomatique, afin d’aboutir à l’établissement d’une paix durable dans le Caucase Sud.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 110 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l’adoption 336
Contre 1

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)

Mes chers collègues, je tiens à vous féliciter pour ce débat passionnant et digne.

Discussion générale (suite)
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Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale
Discussion générale (suite)

Ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale

Discussion d’une proposition de résolution

Discussion générale (début)
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Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen, à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, de la proposition de résolution invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par Mme Nathalie Delattre et plusieurs de ses collègues (proposition n° 602 rectifié [2022-2023]).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nathalie Delattre, auteure de la proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Nathalie Delattre, auteure de la proposition de résolution. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 29 mars dernier, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, j’ai appelé l’attention sur l’état alarmant de la santé mentale des jeunes, un sujet qui est au cœur de la proposition de résolution que j’ai déposée et que nous étudions aujourd’hui.

L’actualité nous rappelle brutalement, souvent, hélas ! à la suite du tragique suicide d’un jeune, la souffrance psychique de nombreux enfants, adolescents et étudiants. Chanel, Lindsay, Nicolas, Lucas : ces vies brisées reflètent une réalité dure ; ces décès sont insurmontables pour les familles concernées.

Oui, de plus en plus de jeunes connaissent un état dépressif. Si les causes du mal-être sont propres à chaque individu et parfois complexes à établir, les études sur la santé mentale recensent plusieurs marqueurs.

L’adolescence est bien entendu une période difficile, la puberté supposant l’acceptation plus ou moins facile des changements corporels. En outre, on est rarement indifférent au regard des autres durant cette période de la vie.

L’isolement concerne plus particulièrement les étudiants, qui sont souvent coupés de leurs proches. C’est très anxiogène, en particulier en milieu urbain. Nous l’avons mesuré durant la pandémie de la covid-19.

Les violences morales, physiques ou sexuelles au sein de la famille, ou en dehors de celle-ci, sont également à l’origine de drames et de nombreux troubles psychiques.

Concernant les violences extrafamiliales, la question du harcèlement scolaire tourmente des milliers d’enfants et hante des parents souvent impuissants face à ce phénomène, quand ils ne sont pas tout simplement ignorants de la tragédie qui s’immisce sournoisement dans leur foyer.

La semaine dernière encore, un jeune Toulousain, victime de harcèlement scolaire, s’est poignardé en plein cours.

On le constate et on le déplore, le harcèlement scolaire a pris une tournure encore plus dramatique depuis son irruption sur les réseaux sociaux. Longtemps cantonné aux cours d’école, il trouve une audience démultipliée et extrascolaire sur les réseaux, qui ne fait qu’aggraver le phénomène pour les victimes.

Parmi les autres maux contemporains susceptibles d’affecter la santé mentale, je n’oublie pas la violence visuelle à laquelle sont exposés les adolescents du fait de leur addiction aux écrans, source d’isolement et d’accès sans filtre à des informations difficiles, voire effrayantes.

Quant au changement climatique, il provoque aujourd’hui ce que l’on appelle l’éco-anxiété, un mélange de peur, de colère et de tristesse pouvant déboucher aussi sur des états dépressifs.

À ce sombre tableau, il faut ajouter les inégalités qui affectent les jeunes différemment selon leur milieu social ou même leur genre.

À l’évidence, la précarité est un facteur de dégradation de la santé mentale, les difficultés financières constituant une préoccupation qui peut tourner à l’anxiété et, en parallèle, constituer un handicap pour l’accès aux soins. En Nouvelle-Aquitaine, par exemple, un jeune sur quatre n’a pas de médecin traitant.

Concernant les inégalités de genre, les études sur les troubles psychiques soulignent que, en raison de la prévalence des violences faites aux femmes, la dépression touche davantage les jeunes filles.

Tous ces facteurs aboutissent à un constat clinique dramatique : troubles du sommeil, phobie scolaire, anorexie, troubles obsessionnels compulsifs, dépression, schizophrénie, consommation abusive d’alcool, drogue, agressivité et actes suicidaires dans les cas les plus tragiques.

Mes chers collègues, les chiffres fournis par Santé publique France sont glaçants.

En 2021, près de 43 % des étudiants ont déclaré s’être retrouvés en situation de détresse psychologique, contre 29 % l’année précédant la pandémie de covid-19. Alors que la dépression touchait déjà 11,7 % des 18-24 ans en 2017, en 2021, ce sont 21 % des jeunes, soit le double, qui sont tristement concernés.

En septembre 2023, soit près de deux ans après les difficiles périodes de confinement, les passages aux urgences pour gestes et idées suicidaires, troubles de l’humeur et anxiété ont nettement augmenté chez les enfants de moins de 18 ans, avec un corollaire inquiétant, l’augmentation de la consommation médicamenteuse : près de 5 % d’enfants ingèrent des psychotropes.

Depuis 2014, la prescription d’antipsychotiques, d’hypnotiques, de sédatifs et d’antidépresseurs ne cesse d’augmenter.

Face à cette situation, quelles réponses apporter ?

Au regard de son ampleur, ce fléau nécessite une prise de conscience collective et une action publique volontaire et ambitieuse.

Tel est d’ailleurs le sens d’une déclaration en juin 2022 de la Défenseure des droits, qui invitait le Gouvernement à mettre en place un plan d’urgence pour la santé mentale des jeunes face à la gravité de la situation. Dans cet hémicycle, en réponse à la question d’actualité que j’évoquais au début de mon propos, le ministre de la santé et de la prévention d’alors rappelait que « la santé mentale, particulièrement celle des jeunes, doit être une priorité pour ce gouvernement ».

Aujourd’hui, je souhaite voir se concrétiser cette déclaration d’intention. Tel est le sens de ma proposition de résolution, soutenue par le groupe du RDSE.

Nous savons qu’une telle action publique suppose une remobilisation des moyens. En 2021, l’ensemble de la communauté pédopsychiatrique française indiquait d’ailleurs dans une tribune : « Les besoins pour assurer la santé mentale de la jeunesse de notre pays sont criants. » Il est vrai que le secteur de la psychiatrie apparaît souvent comme le parent pauvre de la médecine.

Les familles sont désemparées lorsqu’on leur annonce qu’il leur faudra attendre deux ans pour obtenir une place dans un centre médico-psycho-pédagogique (CMPP). Pourquoi ces délais ? Parce que nous comptons seulement 600 pédopsychiatres pour près de 10 millions d’enfants et 800 médecins scolaires, soit un médecin pour 15 000 élèves.

En outre, l’offre d’équipements ambulatoires et hospitaliers du secteur infantojuvénile est répartie de façon inégalitaire sur le territoire. Ces établissements sont dépassés par les demandes, d’autant plus que les familles n’y avancent pas les frais.

Au manque de professionnels de santé spécialisés et de places en milieu médical s’ajoute le problème de l’inadaptation des soins pour les jeunes patients, faute de moyens pour une approche globale. Ce défaut de prise en charge peut conduire à des situations de surmédication pour des milliers d’enfants, qui sont traités avec des produits normalement destinés aux adultes.

Sans vouloir diaboliser le recours aux médicaments, qui, dans nombre de cas, est nécessaire pour soutenir les jeunes patients, il apparaît indispensable qu’un effort soit entrepris pour renforcer le déploiement des pratiques psychothérapeutiques et de prévention, afin de constituer une offre robuste de soins de première ligne et d’éviter la médication.

Je ne dis pas bien sûr, madame la ministre, que rien n’a été réalisé, et les quelques dispositifs qui ont fait leurs preuves au cours de ces dernières années doivent être poursuivis et renforcés.

Je pense à MonParcoursPsy pour les moins de 18 ans, aux maisons des adolescents, aux points santé dans les missions locales, au Fil Santé Jeunes d’aide à distance, aux campagnes nationales de sensibilisation, telles que « En parler, c’est déjà se soigner », ou au dispositif de recontact VigilanS, qui vise à prévenir les tentatives de suicide.

Je pense également à l’expérimentation pionnière en Gironde d’un dispositif né en Australie, qui consiste à former des étudiants sentinelles. Je pense enfin aux formations de premiers secours en santé mentale mis en œuvre au sein de la faculté de Bordeaux. Cet outil est étendu depuis 2019 aux autres campus du territoire.

Parce que les troubles mentaux apparaissent très tôt dans la vie – la moitié des pathologies s’installe avant l’âge de 18 ans –, j’attire également votre attention, madame la ministre, sur le rôle de la médecine scolaire.

En raison des objectifs de dépistage obligatoire des élèves de 6 ans qui lui sont fixés, la médecine scolaire est un outil décisif de prévention et d’orientation des enfants vers un parcours de soins adapté. Mais, pour être efficace, le secteur doit avoir les moyens de remplir ses missions. Or on observe partout sur le territoire une pénurie de médecins, de psychologues et d’infirmiers scolaires. Cette situation est regrettable.

Je n’ignore rien des problèmes de démographie médicale, mais il est urgent de repenser les missions et de renforcer les moyens du service de santé scolaire pour le rendre plus performant et plus attractif pour les médecins et les infirmiers.

Revaloriser les salaires permettrait certainement de perdre moins de personnels de santé lorsqu’ils manifestent le souhait de se reconvertir en les orientant vers la médecine scolaire.

Mes chers collègues, promouvoir dans les discours la nécessité d’une France résiliente est vaine si, dans le même temps, on ne donne pas à chaque enfant le moyen de forger sa propre résilience et de faire respecter ses droits élémentaires.

Aussi, au travers de cette proposition de résolution, nous invitons le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale, à donner de la visibilité à ce fléau et à briser ce tabou.

Nos jeunes en difficulté ont besoin d’une prise en charge précoce et de qualité, de meilleures capacités d’accueil en soins de psychiatrie et d’accès aux psychologues, d’une médecine scolaire à la hauteur des besoins et d’une prise en charge psychothérapeutique autant que cela leur est nécessaire.

Nous faisons face à un défi immense, mais nous avons surtout une lourde responsabilité : celle d’être au rendez-vous pour notre jeunesse, afin qu’elle puisse se construire et bâtir une société plus sereine. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.)

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