Mme la présidente. Avis de « sagesse bienveillante » ?

Mme Catherine Vautrin, ministre. Tout à fait !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution invitant le gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), signée à New York le 20 novembre 1989,

Vu le Plan d’action global pour la santé mentale 2013-2020, adopté le 27 mai 2013 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS),

Vu le rapport de la Cour des comptes « Les médecins et les personnels de santé scolaires », publié le 27 mai 2020,

Vu le rapport de la Cour des comptes « La pédopsychiatrie : Un accès et une offre de soins à réorganiser », publié le 21 mars 2023,

Vu le rapport du Haut Conseil de la Famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) « Quand les enfants vont mal, comment les aider ? », publié le 13 mars 2023,

Vu la synthèse du bilan de la feuille de route des Assises « Santé mentale et psychiatrie », état d’avancement au 3 mars 2023,

Vu l’étude de Santé publique France de février 2023,

Vu le rapport du Défenseur des droits « Santé mentale des enfants : le droit au bien-être », rendu public le 20 novembre 2021,

Vu le rapport d’information n° 843 (2020-2021) de Mme Colette Mélot, fait au nom de la mission d’information « Harcèlement scolaire et cyberharcèlement : mobilisation générale pour mieux prévenir, détecter et traiter », déposé le 22 septembre 2021,

Vu la réponse du ministre chargé de la santé à la question d’actualité de Mme Nathalie Delattre, publiée au Journal officiel des débats du Sénat du 30 mars 2023,

Considérant que la santé mentale des jeunes s’est dégradée au cours de ces dernières années ;

Estimant qu’une prise en charge précoce et de qualité d’un enfant atteint de troubles psychiques est le gage d’une meilleure stabilisation ou guérison de sa maladie à l’âge adulte ;

Rappelant que le droit des enfants à être bien soignés est garanti par les conventions internationales ;

Observant que les capacités d’accueil en soins de psychiatrie et d’accès aux psychologues sont insuffisantes face aux besoins ;

Déplorant que la médication des jeunes constitue, dans certains cas, une réponse par défaut de prise en charge psychothérapeutique sur le long cours ;

Souligne la nécessité de déployer une politique globale et ambitieuse d’accompagnement des jeunes dont la santé mentale est affectée ;

Invite à renforcer les effectifs de psychologues et de psychiatres tout en veillant à ce que ces spécialistes soient financièrement abordables par les familles et accessibles sur l’ensemble du territoire ;

Suggère de repenser les missions et de renforcer les moyens du service de santé scolaire pour le rendre plus performant et plus attractif pour les médecins et les infirmiers ;

Rappelle l’importance de soutenir les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) et les centres médico-psychologiques (CMP) ;

Souligne l’intérêt de développer les campagnes de sensibilisation aux dispositifs de prévention existants et aux offres sanitaires de première ligne ;

Propose d’ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 111 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l’adoption 339

Le Sénat a adopté à l’unanimité. (Applaudissements.)

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale
 

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Violences associées au football, dans et hors des stades

Débat organisé à la demande du groupe Union Centriste

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Union Centriste, sur les violences associées au football, dans et hors des stades.

Dans le débat, la parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe Union Centriste. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à exprimer ma vive satisfaction quant à l’inscription de ce débat à l’ordre du jour du Sénat.

Le groupe Union Centriste a pris cette initiative avec une grande conviction. Aux côtés de mes collègues Laurent Lafon, Claude Kern et Jean Hingray, je combats ardemment les violences dans les stades de football et alentour. Elles constituent une préoccupation majeure qui doit nous conduire à nous interroger.

La tenue de ce débat est d’autant plus opportune qu’elle coïncide avec l’officialisation récente du sport dans le nom de notre commission, traduisant clairement la reconnaissance de la place que celui-ci occupe dans notre société.

En tant que parlementaire, mais aussi et surtout en tant que citoyen passionné par le sport, notamment par le football, je m’alarme de l’escalade de la violence qui sévit dans nos stades et à leurs abords.

Ces actes d’une grande violence, parfois meurtriers – ce fut le cas à Nantes voilà quelques semaines – menacent la sécurité de nos concitoyens et ternissent l’image du sport. Il est vrai que notre pays a été, ces dernières années et plus récemment encore, le théâtre d’événements dramatiques qui ont choqué notre conscience collective.

L’attaque brutale du bus de l’Olympique lyonnais à Marseille et la blessure de l’entraîneur Fabio Grosso ne sont que la partie émergée de l’iceberg.

Des incidents similaires se sont produits à Nice, à Saint-Étienne, à Lyon, à Paris, à Montpellier, à Ajaccio, ailleurs encore. Ils témoignent de l’ampleur et de la gravité du phénomène.

Ces actes de violence sont non pas de simples débordements isolés, mais les symptômes d’un malaise profond, qui ronge le cœur de notre football.

Madame la ministre, le Gouvernement doit prendre des mesures immédiates et efficaces.

Il est urgent d’assurer la sécurité lors des événements footballistiques. La seule interdiction de déplacement des supporters des clubs visiteurs lors des matchs à risques n’est pas la solution.

La collaboration renforcée entre les clubs, les forces de l’ordre et les autorités locales doit être impérative et limpide. Or nous avons vu, à de très nombreuses reprises, que les différents acteurs se renvoyaient le ballon, à défaut de la balle, quant à leurs responsabilités, personne ne voulant visiblement prendre les siennes.

Souvenons-nous de l’imbroglio entre la Ligue de football professionnel (LFP) et la préfecture lors de l’arrêt du match entre l’Olympique de Marseille et l’Olympique lyonnais.

À moyen terme, il est crucial de renforcer la collaboration entre tous les acteurs du football. La communication et la coordination entre les clubs, les associations de supporters, les forces de l’ordre et les autorités locales doivent être optimales.

Certes, il existe une Instance nationale du supportérisme (INS). Vous l’avez réunie voilà quelques semaines, madame la ministre, mais pour quel résultat ?

Mon propos ne vise pas – je le souligne – à stigmatiser les clubs de supporters qui, pour la plupart, jouent un rôle très positif dans l’animation des stades, dans la vie des clubs et, parfois, dans l’action sociale auprès de la jeunesse. Ils incarnent l’âme du football et doivent être considérés comme des partenaires clés dans la lutte contre la violence.

À long terme, nous devons envisager des réformes structurelles pour transformer radicalement la culture du football français.

Ainsi, la promotion d’un environnement sportif sûr et respectueux, débarrassé de toute forme de violence, est indispensable. Cela implique des initiatives éducatives fortes, des programmes de sensibilisation ciblés et des sanctions plus sévères pour les fauteurs de troubles.

Madame la ministre, le temps est venu d’agir avec fermeté et sans langue de bois. Le football est une source de joie et de fierté nationale. Il doit rester un sport populaire, accessible à tous, dans un environnement sécurisé.

Il est crucial de préserver l’aspect social et fédérateur du football. Les soirs de match à Marseille, à Saint-Étienne ou à Sochaux – des villes populaires – sont des moments de communion et, d’un certain côté, de défoulement essentiels pour la population, tant qu’ils restent canalisés.

Il est vital de maintenir cet esprit, tout en imposant le respect et la dignité. Je pense notamment aux insultes à caractère sexiste ou raciste. (Mme Cécile Cukierman sexclame.) Pour autant, nous ne voulons pas de ces stades aseptisés, où l’ambiance est souvent fade et l’accès limité par des barrières financières, comme c’est le cas dans certains pays.

J’espère que de ce débat et des échanges entre les sénateurs et Mme la ministre émergeront de nouvelles idées et solutions pour répondre à cette crise de violence.

Ensemble, nous devons agir pour garantir que le football français reste un symbole de fraternité, de passion et de paix. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Michel Savin et Didier Rambaud applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Claude Kern, pour le groupe Union Centriste. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ultras, hooligans ou supporters sont autant de vocables désignant autant de mouvements aux logiques propres, qui, bien que vivant leur soutien différemment, se sont retrouvés sous le feu des projecteurs à la suite de débordements dans les tribunes et en dehors des stades.

Ce type de violences a toujours existé. Ont-elles empiré ? À tout le moins et à bien des égards, la situation a évolué.

Ces événements, qui actent dorénavant la délocalisation des actions violentes, entachent gravement la réputation de notre pays et menacent sa capacité à organiser de grandes manifestations. Ils s’inscrivent dans le cadre d’une recrudescence des violences, au moment où plusieurs centaines de milliers de spectateurs s’apprêtent à nous rendre visite pour assister, en 2024, aux compétitions de grande ampleur que nous organisons.

Depuis les années 1990, nous disposons d’un cadre légal étoffé, que nous avons su inscrire à la fois dans une approche répressive, par le truchement d’infractions pénales définies spécifiquement dans le code du sport, mais aussi dans une approche préventive au sens strict qui, depuis la loi du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme, reconnaît les supporters comme des acteurs responsables du sport.

Or, force est de constater que ces violences s’accroissent de manière inédite. Les tout derniers événements vous ont d’ailleurs poussée, madame la ministre, à proposer un moratoire sur les déplacements de supporters. Pour rappel, ces derniers peuvent être interdits par voie réglementaire, s’ils présentent un risque réel et sérieux d’affrontement.

Quelle est la conclusion de ces échanges ? Des mesures concrètes seront-elles mises en œuvre sans délai ? Un bilan doit être dressé, madame la ministre, une ligne directrice claire doit être envisagée !

À ce sujet, permettez-moi de souligner la nécessité de sortir de l’impasse que représentent les interdictions de déplacement. En réalité, elles constituent une solution de facilité par rapport à l’encadrement de ces derniers.

La multiplication des arrêtés, pris sans réel discernement, a abouti à des actions contre-productives engendrant des situations ubuesques. Nous aimerions connaître votre position sur ce sujet.

Qu’en est-il par ailleurs de l’individualisation des peines ? Ces dernières années, la France s’est focalisée sur les mesures d’interdiction collectives, beaucoup moins sur les interdictions individuelles. Ainsi, selon un expert du supportérisme, on ne comptait en France que 218 personnes interdites de stade en juillet 2023, contre quelque 1 600 en Angleterre et 1 300 en Allemagne.

En matière d’organisation, et dans la mesure où les débordements ont aussi lieu en dehors des stades, il est nécessaire de s’assurer des capacités des pouvoirs publics à encadrer les foules.

Sans être évidemment la cause de ces débordements, le rôle des réseaux sociaux dans la diffusion de ces actes au plus grand nombre est un autre problème sur lequel nous devons nous attarder.

Lors de la discussion au Parlement de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, dite loi JOP, nous avons proposé des mesures pragmatiques visant à lutter efficacement contre les violences qui gangrènent le sport.

Sur notre initiative – j’étais moi-même rapporteur –, l’arsenal juridique a été complété, afin de renforcer l’effet dissuasif de ces dispositions tout en respectant le principe de proportionnalité des peines.

L’objectif est de modifier l’existant pour répondre à ces nouvelles formes de violences toujours trop prégnantes, en empruntant deux directions.

Premièrement, nos propositions visent à faire suite à la recommandation n° 1 du rapport d’information de MM. François-Noël Buffet et Laurent Lafon sur les incidents survenus au Stade de France le 28 mai 2022, publié le 13 juillet dernier. Il s’agirait de rendre obligatoire le recours à une billetterie infalsifiable pour les grands événements sportifs. À cet égard, je vous remercie, madame la ministre, pour nos échanges et votre écoute, qui ont permis de pérenniser cette expérimentation.

Deuxièmement, nous avons proposé de sanctionner plus sévèrement les primo-délinquants isolés qui tentent de s’introduire dans les enceintes sportives ou sur les aires de compétition.

Ces débats ont paradoxalement mis en exergue l’absence de consensus sur ce sujet. Je le regrette d’autant plus que les violences dans le sport au sens large se multiplient et qu’il ne me semble pas envisageable de baisser la garde, à quelques mois du début des jeux Olympiques.

Cela fait des années que nous luttons contre les violences qui prolifèrent dans nos stades en général et contre le hooliganisme en particulier.

Madame la ministre, nous aimerions nous enorgueillir de résultats plus probants et constater que l’État accomplit sa tâche, celle d’identifier, interpeller et sanctionner. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de léducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord remercier M. le président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport d’avoir fait modifier l’intitulé de sa commission. Cette évolution est lourde de sens.

Je tiens ensuite à remercier le groupe Union Centriste d’avoir pris l’initiative de ce débat sur une question majeure, dans laquelle je me suis beaucoup investie depuis mon arrivée à la tête du ministère des sports.

Mon cap est double et il est clair : d’une part, ne rien éluder des enjeux ; d’autre part, rassembler les acteurs autour d’une cause commune, qu’il s’agisse de faire vivre la passion du supportérisme dans toutes les disciplines, en s’appuyant sur un dialogue franc et transparent avec les groupes de supporters, ou de lutter inlassablement contre toutes les dérives qui pénalisent les rencontres.

Il était donc important pour moi d’être présente ce soir devant vous pour débattre sans ambages des violences associées au football professionnel.

En effet, notre sport doit être en mesure d’offrir ce qu’il a de plus beau tout au long de cette année 2024. Nous n’en sommes qu’aux premiers jours et elle s’annonce belle, « impactante » et importante pour le sport dans notre pays.

Ce débat intervient – chacun le sait – après une année 2023 dont les derniers mois ont été marqués par une succession d’incidents aussi graves qu’intolérables, dans le cadre de rencontres de football, professionnel comme amateur.

Si les violences de ces deux mondes n’ont pas tout à fait les mêmes ressorts, elles présentent, évidemment, la même gravité.

Dans le monde du football professionnel, les violences ne sont plus cantonnées aux stades. Elles s’expriment désormais en dehors des enceintes, abîmant des lieux, notre réputation et – c’est encore plus problématique et dramatique – des personnes. Le point culminant de ces violences a été la mort d’un supporter à Nantes, le 2 décembre dernier, dans des circonstances que la justice doit encore éclaircir.

Gardons-nous, pour autant, de caricaturer le football et ses supporters. Évitons plusieurs écueils, dont le premier serait de faire l’amalgame entre, d’une part, le supportérisme en général, y compris la mouvance ultra, et, d’autre part, les violences commises par une minorité d’individus radicaux.

Il n’y a rien de commun – jamais ! – entre, d’un côté, l’amour des siens, de son équipe et du maillot et, de l’autre, la haine des autres, celle de délinquants, pour qui le sport n’est qu’un prétexte pour se défouler et se noyer dans la masse, en espérant la protection d’un lâche anonymat.

Je rappelle que ces phénomènes de violences ne sont pas propres à la France. Plusieurs pays européens, dont certains proches de nous – les Pays-Bas, l’Italie ou l’Allemagne – ont connu en effet également la résurgence de tels actes.

Prenons du recul et remettons en perspective les faits récents, qu’il faut bien sûr regarder en face, qu’ils relèvent de l’homophobie, du racisme ou de la délinquance.

Sur le temps long, des progrès ont été réalisés, notamment lors des dernières saisons. Rappelons-nous que, il y a trente ans, chaque week-end ou presque était ponctué de graves incidents.

Ramenons donc les violences récentes aux 12,9 millions de spectateurs cumulés en Ligue 1 et en Ligue 2 la saison dernière.

Pour ne pas caricaturer, il faut d’abord bien comprendre, sans quoi guette toujours le spectre de la relativisation, qui, à son tour, fait le lit du fatalisme et donc de l’inaction.

Il faut comprendre les enjeux, les axes d’amélioration, avant, pendant et après les rencontres. Et, pour ce faire, commencer par établir le diagnostic précis de la situation.

C’est précisément ce que nous avons fait au sein l’Instance nationale du supportérisme, où s’inscrit, depuis 2016, le dialogue avec les supporters.

Certes, ce travail a été quelque peu perturbé ces dernières années par la crise du covid-19 qui, disons-le, nous a fait du mal dans la préparation des rencontres de football comme dans la maîtrise des débordements lors des déplacements des supporters.

Nous avons néanmoins su rebondir, dès l’été 2022, en relançant les travaux de cette instance et nous l’avons d’ailleurs prouvé, à l’automne dernier, avec l’organisation de la Coupe du monde de rugby, qui, rappelons-le, est la troisième plus grande compétition sportive au monde.

M. Philippe Folliot. Très bien ! (Sourires.)

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. À la fin de l’année 2023, devant l’enchaînement de faits dramatiques et après un moratoire de courte durée destiné à envoyer un signal fort, j’ai souhaité remettre tous les acteurs autour de la table : État – ministères des sports, de l’intérieur, de la justice –, fédérations, ligue nationale de football, clubs, groupes de supporters ou encore élus.

Le 18 décembre dernier, lors de la séance plénière de l’INS, nous avons pu ainsi revenir sur les événements et les débordements récents. Nous nous sommes dit franchement les choses et sommes tombés d’accord pour avancer ensemble, pour construire cette initiative globale et collective sans laquelle rien n’est possible.

Cette démarche s’appuie sur un plan d’action ambitieux comportant plusieurs phases, que j’annoncerai prochainement avec Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti, à l’occasion d’un événement organisé avec la Ligue de football professionnel réunissant l’ensemble des acteurs impliqués, y compris la Fédération française de football (FFF).

Certaines mesures étant en cours de discussion et d’arbitrage, je ne pourrai vous en dévoiler tous les contours. Au cours de nos échanges, j’exposerai néanmoins ses grands axes et ses pistes principales.

Nous souhaitons d’abord faire jouer à plein les dispositifs existants et nous appuyer sur un arsenal juridique qui me paraît d’autant plus complet que – M. le sénateur Kern l’a rappelé –, nous l’avons encore renforcé, ensemble, en y intégrant, dans la loi du 19 mai 2023, plusieurs mesures.

Parmi elles figurent un meilleur encadrement des interdictions administratives de stade et le renforcement significatif des interdictions judiciaires de stade, rendues systématiques pour un certain nombre d’infractions.

Nous avons aussi tiré les conclusions qui s’imposaient après les incidents survenus en 2022 lors de la finale de la Ligue des Champions, en créant deux infractions nouvelles : l’entrée dans un stade par force ou par fraude et le délit d’intrusion sans motif légitime sur l’aire de jeu.

Comme le Sénat nous y invitait dans son utile et précieux rapport du 13 juillet 2022, nous avons rendu obligatoire, pour les événements sportifs les plus importants, une billetterie nominative, dématérialisée et infalsifiable.

Dans un deuxième temps, notre exigence sera de clarifier les responsabilités, rôles et compétences de chacun des acteurs, ainsi que les différentes étapes de préparation et de gestion des rencontres, y compris en préfecture.

Ensuite, nous mobiliserons tous les acteurs pour éviter les trous dans la raquette et les passagers clandestins. Nous ne pouvons pas rester au milieu du gué et nous contenter de critiquer. Chacun doit prendre part à l’effort collectif.

Par ailleurs, nous embarquerons le monde du football professionnel, plus médiatisé que le football amateur, sans négliger pour autant ce dernier, que j’évoquais précédemment et qui connaît, vous le savez, des difficultés.

Enfin, nous associerons étroitement les associations de supporters et leur donnerons – c’est attendu – une véritable représentation nationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le sport est un espace où la violence ne saurait avoir sa place, pas plus dans les stades que dans les tribunes ou les vestiaires.

Mon cap est le suivant : éradiquer les violences et les combattre, pied à pied, à vos côtés. Elles peuvent parfois, à la manière d’une hydre, donner l’impression de repousser sans cesse, mais à la fin de l’histoire, l’hydre est vaincue. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Claude Kern applaudit également.)

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bagarres, envahissements, caillassages de bus sont autant d’exemples de violences dans les stades et à leurs abords que nous ne voulons plus voir.

Nous devons envoyer un signal de fermeté : ceux qui assistent aux matchs doivent pouvoir s’y rendre en famille, en toute tranquillité, avec comme seul objectif la volonté de soutenir et de pousser leur équipe afin de l’emmener vers la victoire.

Je suis donc favorable à des mesures visant à apaiser ce climat et à éradiquer ces violences. En tant que Stéphanois (Sourires.), j’essaierai néanmoins de porter une voix différente dans ce débat.

Il ne s’agit pas de durcir les règles au détriment des festivités.

M. Pierre-Antoine Levi. Allez les Verts !

Mme Cécile Cukierman. Ce sont les meilleurs ! (Nouveaux sourires.)

M. Pierre Jean Rochette. Les supporters le savent : ils sont le douzième homme. Ils se vouent bruyamment au soutien de leur club. C’est aussi cela les valeurs du sport.

Interdire radicalement les fumigènes, par exemple, n’est pas forcément la bonne solution, non plus que sanctionner les clubs pour leur utilisation, les fumigènes faisant, aussi, partie du spectacle.

À Saint-Étienne, pour ne citer que mon club de cœur – je dirai même, avec Cécile Cukierman, « notre » club de cœur –, le spectacle n’est pas que sur la pelouse : il est assuré également par deux groupes de supporters principaux, les Magic Fans et les Green Angels.

Le mythe d’un club se construit aussi grâce à son public. C’est le cas à Saint-Étienne, où l’on trouve, vous le savez tous, le meilleur public de France… (On feint den douter sur quelques travées.)

Mme Cécile Cukierman. Cela ne se discute pas !

M. Pierre Jean Rochette. Nous vous invitons d’ailleurs, madame la ministre, à venir goûter à la ferveur du chaudron stéphanois. Vous êtes venue pour la Coupe du monde de rugby, mais pas encore pour un match de football ; nous vous y attendons.

Quand les clubs traversent une mauvaise passe sportive – malheureusement, cela arrive à tout le monde, même à Saint-Étienne –, seuls les ultras savent rester fidèles à leur équipe et à son histoire.

Sur ce point précis – c’est important –, nous devons au contraire encourager le spectacle offert par les supporters et les laisser librement exprimer leur attachement à leur identité locale. C’est aussi cela le piment du sport.

Dès lors, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer la feuille de route de votre ministère pour empêcher ces violences et ces débordements intolérables sans nuire à l’esprit festif et sportif du football ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de léducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Rochette, vous qui venez de ce territoire de passion et connaissez bien ce chaudron d’ambiance où le football se vit à plein, vous savez combien il est important de ne pas faire d’amalgame entre, d’un côté, ce supportérisme passionnel et exacerbé et, de l’autre, les actes de violence que rien ne justifie.

Pour autant, j’y insiste, je suis convaincue que les auteurs de violences n’ont rien de supporters. Ils ne font que profiter des matchs pour exprimer leur haine.

Les agressions physiques sur fond de rivalité entre clubs, les chants homophobes, les cris de singes, ce n’est pas cela, être supporter.

Dès lors, nous agissons. Nous avons fait en sorte de donner au supportérisme la place qu’il mérite, dans le respect des lois de la République. Nous avons construit cette réponse dans le cadre d’un dialogue, au sein de l’INS, avec les associations de supporters.

Plusieurs initiatives concrètes ont été prises : l’expérimentation des tribunes debout, la généralisation des référents supporters, la mise en place de policiers référents auprès des supporters visiteurs pour améliorer l’organisation des déplacements, ou encore l’instauration d’un usage encadré de la pyrotechnie.

À cet égard, Gérald Darmanin et moi-même avons publié le décret d’application relatif à la pyrotechnie et demandé aux préfets, dans une instruction datée du mois d’octobre 2023, de s’emparer de ce dispositif expérimental.

Oui, monsieur le sénateur, nous voulons un supportérisme total, y compris pendant les jeux Olympiques et Paralympiques – nous préparons d’ailleurs un dispositif dédié avec le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) –, mais nous voulons un supportérisme respectueux de l’autre et des valeurs du sport. (MM. Didier Rambaud et Claude Kern applaudissent.)