B. LES REPRÉSENTANTS DES TRAVAILLEURS PLUTÔT FAVORABLES AU PRINCIPE DE LA DIRECTIVE

1. La Confédération européenne des syndicats favorable à cette directive qu'elle veut encore renforcer

La Confédération européenne des syndicats (CES) s'est exprimée, quant à elle, en faveur de cette proposition de directive, bien qu'elle souhaite renforcer certaines de ses dispositions, dans un sens plus favorable aux travailleurs.

Parmi les propositions d'amendements de la CES figurent notamment :

- l'établissement d'une présomption générale, par la suppression des critères établis à l'article 4 pour les « transférer » à l'article 5 afin d'orienter la réfutation (pour les plateformes de travail numériques qui le souhaitent) vers les autorités administratives ou judiciaires compétentes ;

- une définition plus large « des plateformes de travail numériques» à l'article 2, afin d'éviter que certaines plateformes de travail numériques sortent du champ d'application de la directive ;

- une référence aux syndicats à la place de la mention «représentants des travailleurs », afin d'empêcher le recours à représentants « favorables » aux employeurs ;

- la modification du considérant 23 de la directive selon lequel « la protection sociale, l'assurance accidents ou d'autres formes d'assurance, les mesures de formation ou des avantages similaires aux travailleurs indépendants actifs sur cette plateforme (...) ne doi(ven)t pas être considérée(s) comme un élément déterminant indiquant l'existence d'une relation de travail ». La CES considère à l'inverse qu'il s'agit d'un indice de subordination, estimant qu'il ne faut pas ajouter la dépendance sociale à la dépendance économique. Elle estime, par ailleurs, que les prestations de protection déjà proposées par les plateformes ne couvrent quasiment aucun risque.

2. Les représentants des chauffeurs VTC et des livreurs en France divisés sur la directive mais d'accord sur la nécessité d'améliorer leurs conditions de travail

Des divergences existent parmi les représentants des travailleurs. Les deux associations « Association des VTC de France » et la Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE) - qui sont arrivées en tête des dernières élections et, que les rapporteurs ont rencontrées - se sont montrées inquiètes face à la directive s'agissant de la présomption de salariat. Elles se sont surtout exprimées en faveur d'une amélioration des droits des indépendants. Mais ce n'est pas la position de toutes les associations représentatives et notamment des syndicats traditionnels, qui défendent pour beaucoup le statut de salarié.

Il est intéressant de noter que, d'après les sondages disponibles, notamment issus des plateformes, la majorité des chauffeurs VTC ne souhaitent pas devenir salariés. D'après un sondage de l'Association des VTC de France, plus de 93% souhaiteraient rester indépendants (80% d'après une autre étude menée par Uber). Concernant les livreurs, il est plus difficile de généraliser leurs aspirations, eu égard à la diversité des profils. Mais c'est aussi chez les livreurs que la question de la précarité se pose avec le plus d'acuité. Les auteurs du rapport de la commission des affaires sociales du Sénat précité avaient ainsi reçu les membres du collectif des livreurs autonomes de Paris (CLAP), qui s'étaient montrés favorables au statut de salarié.32(*)

Outre la stricte question du statut, une chose est sûre : ces travailleurs souhaitent tous une amélioration de leurs conditions de travail.

L'Union des entreprises de proximité (U2P) en faveur de la directive

L'Union des entreprises de proximité-U2P est, avec le Medef et la CPME, l'une des trois organisations interprofessionnelles représentatives des employeurs. Elle est également la première organisation représentative des travailleurs indépendants. Logiquement, c'est un des rares, pour ne pas dire le seul représentant des employeurs favorable à la directive et à la présomption de salariat. L'U2P considère en effet que les plateformes - employant des personnels à tort sous le statut d'indépendants - bénéficient d'une distorsion de concurrence. Ces plateformes ne contribuent pas, en effet, au financement de la protection sociale, alors que les indépendants payent un niveau élevé de cotisations. Par ailleurs, elles ne donnent pas de vraies garanties d'indépendance aux travailleurs.

De même, l'U2P conteste logiquement l'approche par les droits mise en place en France, qu'elle considère comme favorisant l'apparition d'un troisième statut entre salariat et indépendance.

Source : audition des rapporteurs


* 32 Rapport d'information n° 452 (2019-2020) de Michel FORISSIER, Catherine FOURNIER et Frédérique PUISSAT, fait au nom de la commission des affaires sociales, p 48.