TRAVAUX DE LA COMMISSION :
AUDITION POUR SUITE À DONNER

Réunie le mercredi 23 février 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à une audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, réalisée à la demande de la commission en application de l'article 58 paragraphe 2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), sur le soutien public à la filière aéronautique.

M. Claude Raynal , président . - Nous allons procéder à l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, réalisée à la demande de notre commission en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), sur le soutien public à la filière aéronautique. Ce rapport s'intitule « le soutien public à la filière aéronautique : des aides d'urgence efficaces, une transformation à accélérer ».

Si Airbus a annoncé la semaine dernière des résultats exceptionnels, qu'il domine actuellement son concurrent Boeing et qu'il prévoit une trajectoire ambitieuse de reprise des cadences de production de ses A320, nous savons que le secteur aéronautique dans son ensemble a été durement affecté par la pire crise de l'histoire aérienne et qu'il est encore convalescent. Outre cette situation conjoncturelle délicate, il est engagé dans un processus de transformation profonde dominé par le défi de la décarbonation du transport aérien. Dans un tel contexte, une étude relative aux soutiens publics apportés à la filière trouve tout son sens. Je remercie Vincent Capo-Canellas de nous l'avoir proposée.

Je salue la présence de Madame Françoise Bouygard, conseillère maître et présidente de la formation interjuridictions qui a réalisé cette enquête. Elle nous en présentera les principales conclusions.

Je souhaite également la bienvenue à Monsieur le Général Pierre Bourlot, délégué général du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), à Monsieur Marwan Lahoud, président exécutif de la société Ace capital partners et à Monsieur Pierre Moschetti, sous-directeur de la construction aéronautique à la direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Après la présentation de l'enquête par la Cour des comptes, notre collègue Vincent Capo-Canellas nous livrera son analyse, en tant que rapporteur spécial du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », et nos invités pourront ensuite réagir aux conclusions de l'enquête et à ces observations.

À l'issue de nos débats, je demanderai aux membres de la commission des finances leur accord pour publier l'enquête remise par la Cour des comptes.

Sans plus attendre, je laisse la parole à Madame Françoise Bouygard pour qu'elle nous présente les principales conclusions de l'enquête réalisée par la Cour des comptes.

Mme Françoise Bouygard, conseillère maître . - Ce rapport est composé de cinq parties. Un rapport général national et quatre cahiers territoriaux.

Je vais commencer par un rappel de la méthodologie de l'enquête et de son champ qui relève de l'industrie aéronautique dans toutes ses composantes, mais seulement de celle-ci. Aussi, dans notre enquête, nous ne traitons ni du transport aérien ni du secteur aéroportuaire, ni du spatial. Dans notre rapport nous avons retenu différentes acceptions du périmètre de l'industrie aéronautique : un périmètre dit « coeur de filière » et un autre plus large. Nous avons mobilisé des données du GIFAS mais également de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Les aides concernées par notre enquête sont à la fois celles qui ont été spécifiquement ciblées sur la filière aéronautique mais également les dispositifs transversaux qui ont été déployés pour l'ensemble des entreprises tous secteurs confondus.

Avec le concours de trois chambres régionales des comptes (Occitanie, Pays-de-la-Loire et Nouvelle-Aquitaine), nous avons fait un focus sur quatre régions : Île-de-France, Occitanie, Pays-de-la-Loire et Nouvelle Aquitaine. Ces quatre régions représentent 75 % des emplois du secteur. Elles sont donc très représentatives de la filière.

Nous avons procédé à une cinquantaine d'entretiens avec des entreprises.

Nos travaux se sont arrêtés au 31 décembre 2021. Je le précise car nous sommes conscients que beaucoup de choses se sont passées depuis.

Notre rapport est organisé en trois parties.

Nous avons d'abord fait un point sur la situation de la filière avant la crise. La filière était alors très dynamique. Elle représente le premier excédent commercial de l'économie française. Elle est le deuxième secteur de l'économie française en termes de recherche et développement après l'automobile. Elle a dégagé 19,4 milliards d'euros de valeur ajoutée en 2019. Elle représente 155 000 emplois dans une acception restrictive du périmètre, 263 000 emplois si l'on retient un champ élargi. L'industrie française est présente sur l'ensemble des segments de la filière. Mais je voudrais souligner que l'on se situe sur un marché à l'échelle mondiale et, par exemple, Boeing recourt à de nombreux sous-traitants français.

Les emplois du coeur de filière se concentrent sur les régions Occitanie, Île-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Pays-de-la-Loire et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Néanmoins il faut souligner que l'impact de l'industrie aéronautique sur ces territoires est différent. Il est beaucoup plus important pour l'Occitanie que pour l'Île-de-France dans la mesure où cette dernière peut s'appuyer sur d'autres points forts industriels.

Le secteur est très structuré autour du GIFAS. Il bénéficiait déjà d'un soutien public assez important avant la crise. Ce soutien relevait de toutes les composantes de la politique industrielle et de l'intervention publique : participation au capital des sociétés (soit par le biais de l'agence des participations de l'État soit via Bpifrance), aides à la R&D, aides au développement industriel avec les avances remboursables, soutien à l'export, commandes publiques, aides à la formation, appui aux petites et moyennes entreprises (PME), etc .

Ce secteur est un exemple de politique industrielle verticale bien intégrée. Cet aspect a je pense joué un rôle déterminant dans la période de crise.

Malgré un dynamisme global, il existait déjà des facteurs de tension avant la crise. Je vais citer les quatre principaux.

La filière demeure très fragmentée.

Son dynamisme n'était pas homogène. Les fournisseurs de Boeing rencontraient déjà des difficultés du fait des déboires de l'avionneur américain avec son 737 max. Le segment des avions de lignes monocouloirs était très dynamique mais celui des longs courriers ou le marché des hélicoptères commerciaux n'étaient pas logés à la même enseigne.

Les études de l'INSEE montraient qu'il existait déjà des difficultés de recrutement sur certains profils essentiels.

La crise s'est traduite par un effondrement du transport aérien qui a affecté le chiffre d'affaires et la production industrielle du secteur aéronautique en raison de l'arrêt des commandes d'avions mais aussi, et c'est moins connu, l'arrêt de la maintenance des aéronefs qui pèse aussi très lourdement sur l'activité du secteur.

Face à ce choc considérable, le soutien public a été massif et rapide. Différents types de dispositifs ont été mis en oeuvre.

Premièrement, des dispositifs de soutien à la trésorerie. Parmi eux, des dispositifs transversaux tels que les prêts garantis par l'État (PGE), les avances remboursables et les prêts à taux bonifiés, les reports de charges fiscales et sociales. Deux dispositifs de soutien à la trésorerie ont été spécifiquement dédiés au secteur. Il s'agit du PGE aéronautique, dit « PGE aéro », et de l'accélération du paiement des factures par la direction générale de l'armement (DGA).

Deuxièmement, des aides au maintien de l'emploi et de l'activité. Des dispositifs de droit commun comme l'activité partielle et l'activité partielle de longue durée (APLD), le fonds de solidarité, le fonds national de l'emploi et des dispositifs de soutien au recrutement des jeunes en alternance, en apprentissage et en contrats de professionnalisation.

Troisièmement, un appui aux débouchés avec un soutien à l'export renforcé, des commandes publiques anticipées, notamment dans le domaine militaire.

Quatrièmement, des dispositifs qui visent à transformer et consolider le secteur. Il est intéressant de constater qu'alors même que l'on se situe dans la réponse à l'urgence de la crise on est déjà dans la perspective de consolider et de transformer la filière à moyen-long terme. Parmi ces dispositifs on peut citer la création du fonds Ace aéro partenaires , d'un fond de modernisation ainsi qu'une majoration des aides à la R&D.

Au total, le plan de soutien au secteur aéronautique prévoyait de consacrer plus de 8 milliards d'euros à la filière. À la fin de l'année 2021, 7,2 milliards d'euros ont été engagés. Ce plan se compose d'aides directes pour environ 2 milliards d'euros, le reste étant constitué de garanties.

Les collectivités territoriales ont aussi agi. Dans trois des quatre régions que nous avons étudiées, les présidents des conseils régionaux nous ont indiqué qu'ils avaient souhaité agir dans le cadre de dispositifs transversaux ouverts à l'ensemble des entreprises de leur territoire. Ils n'ont pas souhaité mettre en place des dispositifs ciblés sur l'industrie aéronautique.

Nous nous sommes efforcés de chiffrer l'effort régional que nous estimons à environ 110 millions d'euros d'aides directes.

Dans l'ensemble, ces mesures d'urgence ont permis de stabiliser le tissu industriel et de limiter les conséquences sur l'emploi, même si les travaux du GIFAS montrent que le niveau des nouvelles embauches a été considérablement réduit en 2020 et en 2021. Ce sont d'abord les emplois précaires qui ont été supprimés. Il apparaît néanmoins que la baisse de l'emploi est sans commune mesure avec celle du chiffre d'affaires, ce qui montre que les mesures se sont bien révélées efficaces.

Certaines inquiétudes persistent s'agissant de la période de sortie de crise. La reprise d'activité semble graduelle et différenciée selon les segments. Les contraintes financières et commerciales vont s'accroître et d'abord pour les entreprises de petite taille, d'abord car elles vont se retrouver confrontées au remboursement de leurs PGE mais également car les tensions sur la compétitivité vont devenir plus fortes. On craint que les sous-traitants ne puissent absorber la hausse des cadences de production demandée par les donneurs d'ordre. Par ailleurs, les difficultés de recrutement demeurent. Tout cela plaide pour un accompagnement de la sortie des dispositifs d'urgence et de relance.

Des défis structurels qui préexistaient à la crise l'ont en quelque sorte enjambée et ils se présentent plus que jamais au secteur.

Le premier d'entre eux est le défi de la compétitivité. Assez vite, le duopole Airbus-Boeing devrait prendre fin et de nouveaux concurrents devraient émerger. Ils seront notamment chinois et portés non seulement par un soutien étatique fort mais également par la profondeur d'un vaste marché intérieur qui constitue un atout absolument considérable.

La filière doit moderniser ses modes de production et d'organisation pour s'engager dans ce que l'on appelle « l'usine du futur ». Le secteur a déjà enclenché cette dynamique qui a pu être amplifiée par le fonds de modernisation. Mais ce dernier est aujourd'hui pratiquement totalement engagé. Il s'agit donc de réfléchir aux outils qui pourraient lui succéder.

Sur le volet de la consolidation, là aussi un fonds spécifique a été créé. À la fin de l'année 2021, ce fonds avait donné lieu à peu de réalisations concrètes mais des projets étaient en instance. Monsieur Lahoud pourra nous préciser s'ils vont aboutir prochainement. Nous pensons qu'il faudra encore accentuer l'effort de consolidation même si on a conscience que la crise n'était pas le moment le plus approprié pour cela.

La question de l'attractivité des emplois et de l'adaptation des compétences reste un impératif pour le secteur. Elle se posait déjà avant la crise et l'aéronautique n'est pas le seul secteur concerné par ces problématiques. L'attractivité de la filière était forte avant la crise. Elle avait l'image d'une filière de grande réussite technologique. Aujourd'hui, cette image s'est dégradée, notamment du fait des critiques relatives à la contribution du transport aérien au dérèglement climatique. La jeunesse est particulièrement sensible à ce sujet. On observe aujourd'hui des tensions de recrutement qui peuvent conduire à ralentir les possibilités de reprise des cadences chez les sous-traitants.

L'accompagnement de l'évolution des métiers et des qualifications est nécessaire mais là aussi, la filière ne part pas de zéro. Elle a réfléchi à ces sujets, notamment avec la signature d'un engagement pour le développement de l'emploi et des compétences (Edec). Cependant, cet engagement arrive à échéance en 2022. Par ailleurs nous nous interrogeons sur les capacités du tissu des très petites entreprises (TPE) et PME à relever ces défis de développement de la formation et des compétences.

L'exigence de décarbonation n'est pas le plus mince des défis du secteur. Pour avoir un vrai impact sur les émissions de CO 2 , il est nécessaire de se lancer dans des évolutions technologiques extrêmement profondes, d'où notre recommandation d'aller plus loin dans l'analyse des conditions nécessaires pour relever ce défi.

Je conclus sur nos recommandations. La première consiste à poursuivre l'effort d'identification et de suivi des TPE et PME aéronautiques en difficultés afin, si nécessaire, de les aider à s'adapter aux enjeux de transformation de la filière. Par là, nous visons à inciter les administrations territoriales de l'État et les collectivités territoriales à poursuivre ce qui a été mis en place avec succès pendant la crise, c'est-à-dire un suivi rapproché des entreprises en difficulté. Notre crainte est que dans un contexte d'amélioration globale de la situation du secteur, ce suivi de proximité soit abandonné. J'en profite pour préciser que nous avons pu constater que les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) ont été à la manoeuvre pendant la crise et qu'elles ont su réunir autour de la table les collectivités territoriales et les représentants des entreprises.

La deuxième recommandation est de compléter le dispositif visant à faciliter la consolidation ou le rapprochement de TPE et PME de la filière. Nous pensons que les régions et leurs outils pourraient être davantage mobilisés sur cet objectif.

Notre troisième recommandation consiste à suivre la mise en oeuvre des différentes actions en faveur de la formation et du développement des compétences pour le secteur de l'industrie aéronautique. On pourrait considérer que cette recommandation est un peu « molle ». Je rappelle néanmoins une difficulté qui est celle d'une compétence de formation partagée entre les régions, l'État, Pôle emploi, les entreprises, les branches, etc . Aussi il nous semble nécessaire qu'un acteur doté d'une vision panoramique s'assure que tous les engagements soient respectés. C'est pour cette raison que nous avons adressé cette recommandation à la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).

Notre quatrième recommandation est d'élaborer des scénarios industriels, avec les coûts et financements associés, pour la décarbonation de l'aviation. Nous avons noté la feuille de route élaborée par le conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) mais il nous semble que cette question nécessite des transformations qui dépassent la seule industrie aéronautique. Aussi, il nous semble nécessaire d'adopter une feuille de route plus globale en réfléchissant aux moyens financiers associés puisque des investissements très importants devront être réalisés.

Notre dernière recommandation suppose d'impulser une stratégie européenne et internationale permettant d'accélérer le passage à une aviation décarbonée. Tous les acteurs sont conscients de cette nécessité mais nous avons souhaité le rappeler pour que ce soit érigé en priorité. Si l'on veut rester compétitif tout en ayant une aviation décarbonée, il faut que des négociations internationales soient menées sur ces sujets.

M. Claude Raynal , président . - Je vais maintenant demander à notre collègue rapporteur spécial Vincent Capo-Canellas de bien vouloir réagir à la présentation qui vient de nous être faite par la Cour.

M. Vincent Capo-Canellas , rapporteur spécial . - Je tiens d'abord à vous remercier Madame la présidente et Monsieur le rapporteur général ainsi que tous les magistrats de la Cour et des chambres régionales des comptes qui ont contribué à cette formation interjuridictions qui nous donne un regard à la fois national et ciblé sur les régions qui ont la plus forte implantation aéronautique. Je tiens à saluer la richesse de ce rapport.

Vous l'avez rappelé Madame la présidente, le secteur a sans doute vécu la crise la plus forte de son histoire. Vous avez aussi rappelé à quel point cette industrie contribuait positivement à notre balance extérieure à hauteur de 31 milliards d'euros en 2019. Cette industrie est stratégique et je rappelle que la France reste l'un des deux pays au monde, peut être trois un jour, capables de concevoir un avion de A à Z.

Vous avez rappelé dans votre rapport la baisse de 8 % de l'emploi dans le secteur ce qui témoigne de l'importance de la crise. Pour les PME la baisse a même atteint 16 % hors intérim.

C'est donc à double titre que la commission des finances avait demandé à la Cour des comptes un éclairage sur le sujet. Premièrement car nous avions conscience des difficultés rencontrées par le secteur et deuxièmement parce que nous savons, et c'est un peu une injonction contradictoire, que dans le même temps on lui demande d'accomplir un saut technologique et de réussir une transition écologique qui est attendue par tous. Aussi, l'une des premières questions que je me pose est de savoir s'il est possible de réussir une telle transformation à un moment où le trafic reste atone, particulièrement en Europe et en France. On observe une forme de décorrélation entre des commandes d'avions qui repartent, et l'on peut s'en féliciter, et un trafic qui demeure faible.

Dans son rapport, la Cour souligne la charte d'engagements destinée à améliorer les relations entre les donneurs d'ordre et la chaîne des sous-traitants. Des bénéfices concrets en ont résulté. Je serais curieux d'en connaître le bilan.

Au cours de la période, des restructurations ont quand même eu lieu, des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) ont été menés à bien. Il est permis de se demander s'il n'y a pas eu un effet d'aubaine et si la crise n'a pas permis à certaines entreprises d'anticiper leurs restructurations tout en bénéficiant d'un certain nombre d'aides. C'est une question polémique mais la commission des finances se doit de la poser. Les aides étaient toutefois nécessaires faute de quoi le secteur aurait eu le plus grand mal à traverser cette période.

Je voudrais insister sur plusieurs points. D'abord le secteur n'est pas encore sorti de la crise. Ensuite, si l'on observe une amélioration de la situation, la question qui se pose désormais est de savoir dans quelles conditions nous allons sortir des dispositifs d'urgence et de relance. Il s'agit de déterminer lesquels des dispositifs devront être maintenus, lesquels devront être réinterrogés et comment gérer cette forme d'empilement entre les mesures de droit commun, les mesures spécifiques au secteur, les aides dédiées à la R&D. Je m'interroge sur un risque d'empilement de ces dispositifs.

Sur le court terme, je m'interroge aussi sur la soutenabilité de l'échéancier de remboursement des PGE.

Concernant la forme d'injonction contradictoire que j'ai évoquée, je pense que Monsieur Pierre Moschetti pourra nous éclairer sur la mutation technologique liée à la décarbonation du transport aérien, puisqu'il est reconnu par tous comme un grand spécialiste du sujet. La Cour insiste sur la dimension de très long terme des investissements en R&D nécessaires, que cela constitue un vrai risque pour la filière et qu'il est ainsi normal que l'État soit présent pour la soutenir. On peut néanmoins se poser des questions sur le saut technologique à envisager. Est-ce que l'innovation de rupture est une perspective réaliste ? On envisage d'aller jusqu'à changer l'architecture de l'avion. Est-ce que c'est cette voie qui doit être suivie ? En parallèle il existe aussi la solution des carburants alternatifs durables.

Concernant l'enjeu des ressources humaines, qui est important à nos yeux, la Cour des comptes insiste sur le besoin de revaloriser l'image de la filière. Il est vrai que c'est un point majeur. Elle développe aussi le besoin de faire évoluer la formation pour l'adapter aux exigences de la transition écologique. J'aimerais savoir si ce constat est partagé et quels dispositifs pourraient être mis en place pour relever ce défi.

M. Claude Raynal , président . - Je vous propose de donner la parole au délégué général du GIFAS, Monsieur le Général Pierre Bourlot, pour faire part de ses observations et répondre à ces premières questions.

M. Pierre Bourlot, délégué général du GIFAS . - Je voudrais tout d'abord remercier la Cour des comptes pour ce rapport extrêmement riche et qui, je pense, reflète bien la situation de notre secteur. Vous l'avez dit, notre secteur a été frappé de plein fouet par cette crise inattendue alors qu'il était en croissance continue depuis plus de vingt ans.

La filière a traversé la crise grâce au soutien exceptionnel que l'État nous a accordé. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des dispositifs que vous avez très bien décrits. C'est vraiment grâce à ce soutien que nous pouvons aujourd'hui relever la tête et commencer à entrevoir une reprise.

En 2020, l'activité du secteur a chuté de 28 % et même de 40 % pour le segment de l'aviation commerciale. On est passé d'un chiffre d'affaires de plus de 73 milliards d'euros à moins de 53 milliards d'euros. C'est un choc sans précédent.

Je tiens à souligner que le plan de soutien mis en oeuvre par l'État français est une exception en Europe. Les plans d'urgence sectoriels pour l'aéronautique et l'automobile sont des exceptions en Europe. Nulle part ailleurs il y a eu de plans similaires. Des soutiens ont certes été apportés mais ils étaient noyés dans des dispositifs de soutiens transversaux.

Grâce à ces soutiens, les effectifs des membres du GIFAS n'ont diminué que de 4 % en 2020 et l'ordre de grandeur est à peu près le même pour 2021. L'année 2022 s'annonce déjà beaucoup plus positive, puisque l'on espère recruter 15 000 personnes. C'est certes moins qu'avant la crise mais c'est très significatif malgré tout. Nous sommes bien conscients néanmoins qu'en matière d'attractivité, nous avons devant nous un challenge très important.

Les enjeux qui se présentent à nous ont été parfaitement rappelés. Le premier de tous est de répondre à l'urgence climatique. Nous sommes à ce titre engagés au sein du Corac qui rassemble l'ensemble de l'écosystème aérien et qui a coconstruit une feuille de route sur dix ans. Celle-ci est notamment mise en oeuvre au moyen d'un triplement des aides de l'État entre 2020 et 2022. On espère poursuivre la mise en oeuvre de cette feuille de route au-delà de 2022, notamment grâce au volet aéronautique du plan France 2030 qui vise un avion décarboné à l'horizon 2035. Vincent Capo-Canellas vient d'évoquer les solutions de l'hydrogène et des carburants alternatifs durables. Nous considérons pour notre part que nous devons avancer sur les deux scénarios. Nous sommes convaincus qu'il n'y aura pas de solution unique pour résoudre l'équation de la décarbonation à horizon 2050. Nous nous y sommes engagés et à marche forcée nous nous dirigeons vers cet objectif. Les dimensions internationales et européennes ont été soulignées dans le rapport de la Cour des comptes. L'Union européenne comme l'organisation de l'aviation civile internationale (OACI) ont pris des engagements forts. Sur ce point, dans un cadre concurrentiel renforcé et pour que tous les acteurs jouent avec les mêmes cartes, je tiens à rappeler que les normes qui seront fixées doivent être mondiales. Il est évident qu'elles ne doivent pas se limiter à la France ni même à l'Union Européenne.

Le deuxième défi qui nous attend est celui de la solidité de la supply chain (la chaîne des fournisseurs) en sortie de crise. Nous avons mis en oeuvre au sein du GIFAS, avec l'aide de l'État, des dispositifs qui nous permettent de suivre avec la plus grande attention la santé financière de nos entreprises. Nous avons mis en place un observatoire qui nous permet de considérer qu'à ce stade, et je dis bien à ce stade, il n'y a pas de risques majeurs qui pourraient être de nature à freiner la reprise du secteur. Cependant, et Vincent Capo-Canellas l'a évoqué, nous craignons l'hypothèse d'un effet ciseau entre les remboursements des PGE et la nécessité pour la supply chain d'investir pour répondre à l'accélération des cadences de production annoncée par Airbus sur ses avions court et moyen courriers.

Les recrutements constituent clairement notre point d'attention majeur aujourd'hui. En janvier nous avons décidé de lancer un grand plan en faveur de l'attractivité de nos métiers et de notre industrie. Il est nécessaire de redonner l'envie aux jeunes et aux moins jeunes de se tourner vers notre filière. L'industrie aéronautique n'est pas une industrie du passé, elle innove et elle est engagée sur la voie de la décarbonation. Une fois que le transport aérien aura résolu la question des émissions de CO 2 , ce qui n'est pas une mince affaire je l'admets, le transport aérien sera à l'orée d'une nouvelle vie. Nous avons deux axes d'efforts dans notre plan d'attractivité. Premièrement redonner le goût aux jeunes de venir dans l'industrie aéronautique. Deuxièmement, pour répondre aux besoins immédiats de notre industrie, il s'agit de convaincre les demandeurs d'emploi et les personnes en reconversion professionnelle de rejoindre notre filière.

M. Claude Raynal , président . - Nous allons poursuivre avec Monsieur Pierre Moschetti, sous-directeur à la construction aéronautique à la direction générale de l'aviation civile (DGAC).

M. Pierre Moschetti, sous-directeur de la construction aéronautique à la DGAC . - Je voudrais commencer par rendre hommage au travail de la Cour des comptes, d'une immense qualité et d'une très grande justesse. Elle a très clairement pointé les enjeux de transformation qui sont devant nous et s'est livrée à une analyse là aussi très juste des forces et des faiblesses des dispositifs mis en oeuvre par l'État.

Je pense que ces dispositifs ont joué leur rôle en faveur de la préservation des emplois. De façon partielle sur les emplois de production mais plus complètement s'agissant des emplois de développement et d'ingénierie souvent plus qualifiés. Heureusement que ces derniers ont été préservés au regard des tensions de recrutements observées aujourd'hui. En effet, cela aurait été plus difficile de monter en compétence en matière d'ingénierie qu'en matière de production, même si cela demeure compliqué dans ce second cas dans la mesure où les emplois de production dans le secteur sont eux aussi très qualifiés.

La clé de la transformation sera de passer d'une logique conjoncturelle de gestion de crise à une logique plus structurelle et ce alors même que la crise n'est pas complètement derrière nous. La crise est encore très présente et les chiffres de l'embellie du segment des courts courriers masque les difficultés rencontrées par de nombreuses entreprises françaises qui dépendent des longs courriers et par exemple de l'A350 ou de Boeing. La situation reste contrastée.

Il y a deux temps dans la transformation. Celui de la transformation écologique, qui est un temps de moyen-long terme, et celui de la reprise post-crise, de la remontée des cadences et de la profitabilité de la filière dans les conditions pré-crise. Ce temps de la reprise, la Cour des comptes l'a bien signalé, doit être un temps d'extrême vigilance. On peut cependant être moins inquiet que l'on ne pouvait l'être il y a six mois encore s'agissant du risque d'effet ciseau. À ce titre, je souscris sans réserves à ce que la Cour a proposé. Il faudra des observatoires, travailler de manière très étroite avec les régions, surveiller et aider de manière très ciblée certaines entreprises. Cependant je ne pense pas aujourd'hui que l'on se dirige vers des défections massives et systémiques qui nécessiteraient que l'on remette en place des outils dédiés tels que ceux qui ont été mis en oeuvre pour la gestion de crise. Aujourd'hui, les dispositifs d'aide en fonds propres qui doivent contribuer à la consolidation du secteur n'ont pas encore complètement joué leur rôle. Il est vrai qu'ils avaient un effet antagoniste pour les chefs d'entreprise qui pouvaient s'interroger sur le fait de savoir s'il était préférable de se consolider ou bien de recourir aux PGE et à l'activité partielle de longue durée (APLD) pour voir venir. Beaucoup d'entreprises ont opté pour ce deuxième choix. Il y aura une transformation compétitive à conduire dans laquelle les dispositifs en fonds propres mis en place dans le cadre du plan de relance joueront tout leur rôle. Leur moment va arriver.

Il sera nécessaire de restaurer la confiance dans la filière à deux niveaux. Il faut d'abord restaurer la confiance du système bancaire qui a déjà été très sollicité. Nous avons eu des signaux, notamment de la part de la Banque de France, qui nous disent que l'image de l'aéronautique dans le secteur bancaire est moins bonne que ce qu'elle a pu être dans le passé. L'État n'a pas vocation à se substituer au secteur bancaire, donc il est impératif de recréer les conditions de cette confiance.

L'autre sujet majeur, la mère de toutes les batailles à court terme, c'est celui de l'attractivité, des recrutements et de l'adaptation de la formation.

Sur le plus long terme et la transition écologique, je voudrais rappeler que l'objectif poursuivi par la filière, au plus fort de la crise, a été de concevoir un plan de transformation pour, au-delà des seules mesures d'urgence, sortir plus fort de celle-ci. Ce qui témoigne d'une capacité à voir loin et à répondre à une crise de court terme, y compris avec des outils de moyen-long terme.

La question posée par Monsieur Vincent Capo-Canellas est tout à fait centrale. Il s'agit de trouver la bonne stratégie en matière de décarbonation. Dans les dix ans à venir va se jouer le renouvellement des best sellers qui font vivre la filière aéronautique en France, je veux parler de l'A320 ou encore des moteurs leap. C'est dans la décennie qui vient que tout va se jouer. Aussi, il ne faut pas se tromper.

Les questions de continuité de l'effort à long terme vers la décarbonation du transport aérien sont absolument clefs. Évidemment, les grandes entreprises auront demain un peu plus de marges de manoeuvre financière qu'elles n'ont pu en avoir au plus fort de la crise, donc le niveau d'aide publique devra être ajusté en conséquence. Ce débat me dépasse un peu mais il va se poser car les dispositifs financiers ne sont pas pérennisés sur dix ans aujourd'hui. Je pense que tous les deux ans environ, la question de l'ajustement des soutiens publics devra se poser.

Je veux souligner que le Corac fonctionne sur une logique systémique. Il ne s'agit pas de construire des briques technologiques disparates. Nous travaillons avec les grands maîtres d'oeuvre qui sont à la manoeuvre pour définir ce futur. Ce sont eux qui vont nous dire si nous faisons les bons choix. Aussi, aider les grands donneurs d'ordre tels qu'Airbus ou Safran, reste un sujet, même si ces entreprises vont mieux et tout en continuant d'aider l'ensemble de la filière. On se tromperait en considérant qu'il n'y a plus que les petites entreprises à aider. C'est très clair sur le long terme car les grands choix sur la décarbonation appartiennent aux grands systémiers.

Comment ne pas se tromper sur la stratégie poursuivie ? Je vais aborder ce sujet pour répondre à Monsieur Vincent Capo-Canellas. Nous ne nous sommes pas jetés à corps perdu dans l'avion à hydrogène car c'est un pari absolument fou. J'en profite pour souligner que nous avons la chance d'avoir en France aujourd'hui les avionneurs et les motoristes ayant la vision la plus ambitieuse au monde. Les américains n'ont rien annoncé de cette nature, en tout cas jusqu'à ce matin et la décision de Pratt & Whitney de se lancer dans le moteur à hydrogène. Cette annonce est une grande nouveauté et il semble que les américains commencent tout juste à rejoindre la tendance d'une aviation totalement décarbonée.

Ce défi n'en reste pas moins un pari fou. Au sein du Corac ce pari demeure raisonné. Nous n'avons mis que 10 % des ressources sur l'avion hydrogène car c'est un projet de très long terme et qu'il n'est pas nécessairement avisé d'investir à corps perdu trop tôt. Il faut d'abord savoir faire des choix directeurs, notamment d'architecture, avant de se lancer complètement dans cette technologie et dans des démonstrateurs. Avec les 90 % de financements restants nous avons soutenu les efforts en faveur de la sobriété des avions.

Je souligne que le meilleur carburant reste celui que l'on ne consomme pas. Que le carburant de demain soit du carburant durable ou de l'hydrogène, il sera nécessaire de réduire la consommation énergétique. Je tiens à préciser que l'objectif zéro émission ne constitue pas un droit à consommer, notamment car la ressource énergétique sera rare. Il faut se donner la capacité à travailler à deux échéances et avec deux variantes énergétiques. La technologie, la digitalisation et la modernisation des moyens de production nous permet d'être capable de faire cela. Dans un contexte où les américains et les chinois n'ont pas encore fait le choix de l'hydrogène de façon ferme, il faudra certes avancer très vite, mais tout en restant manoeuvrant. Nous devons conserver notre capacité à manoeuvrer sur ce sujet au moins encore quelques années afin de maîtriser nos risques. Il s'agit notamment d'éviter les écueils du Concorde et de l'A380 qui ont été condamnés par les américains.

Il est essentiel que l'Europe fixe les standards au niveau mondial dans le cadre de l'OACI. Ce sera des combats de très long terme. La transition énergétique passe aussi par les équipements au sol, les filières d'hydrogène et de carburants durables et l'équipement des aéroports. Or, les normes d'équipement des aéroports ne se décident pas à l'échelle européenne mais au niveau mondial. Un très grand combat réglementaire à l'échelle de la planète nous attend et il doit se nourrir de nos avancées technologiques pour convaincre nos partenaires.

M. Claude Raynal . - Nous terminons ce premier tour de table avec Monsieur Marwan Lahoud qui pourra nous faire profiter de sa longue expérience de la filière aéronautique.

M. Marwan Lahoud, président exécutif de Ace capital partners . - Je ne reviendrai pas sur l'excellent travail de la Cour des comptes.

Il y a le temps de la crise, le temps de la sortie de crise, mais également le temps du régime permanent. Chacun de ses moments a sa spécificité et requiert des mesures de natures différentes. S'agissant de la période de crise, je crois que nous avons assisté à ce que notre pays sait faire de mieux, à savoir gérer les crises. Si l'on peut se réjouir aujourd'hui d'un impact limité de la crise sur notre industrie en général et sur l'industrie aéronautique en particulier, c'est bien parce que nous avons réagi rapidement et opportunément.

En ce qui concerne la sortie de crise, je partage moi aussi l'idée qu'elle pourrait ne pas être aussi douloureuse que l'on avait pu le craindre mais une surveillance sera néanmoins nécessaire.

L'idée maîtresse lors de la mise en place du fonds ACE aéro partenaires , était de considérer qu'il était nécessaire de disposer d'instruments de gestion de crise mais également d'outils pour la sortie de crise. C'est l'objet du compartiment dit « support » du fonds, qui représente 45 % de son montant et qui doit venir au secours des acteurs de la filière qui en valent la peine. Dès le départ j'ai annoncé que l'on ne pourrait pas sauver toutes les entreprises. Le fonds est mobilisé. Au 31 décembre 2021 nous avons investi environ 75 millions d'euros, soit 10 % des levées de financements. Mais désormais nous atteignons 340 millions d'euros d'engagements et nous devrions avoir investi 600 millions d'euros à la fin de l'année 2022. Après un démarrage qui a été lent, nous sommes désormais en avance sur le calendrier d'investissement d'un fonds de cette nature. Le fonds a été mis en place pour une durée de dix ans avec deux ans en option. Je souligne que les opérations de consolidation prennent du temps. Elles supposent des efforts d'explication, de négociation et de conviction. À titre d'exemple, nous devrions conclure prochainement une opération avec l'entreprise Figeac aéro alors que je négocie de façon très étroite avec elle depuis le mois de novembre 2020.

Le temps du régime permanent est essentiel. Il s'agit de répondre à la question suivante : quelle industrie voulons-nous une fois que la crise sera derrière nous ? Ce que nous voulons c'est une industrie plus résiliente à la prochaine crise. Sans me livrer à un palmarès des crises aéronautiques, avec du recul, la crise de 1991 avait été plus violente encore, bien que plus courte. En 1992, le carnet de commandes d'Airbus était négatif, ce qui signifie que le groupe comptabilisait plus d'annulations que de commandes.

Ça a été évoqué, la fin du duopole entre Airbus et Boeing constitue un risque. Pour se prémunir de ce risque, deux obstacles devront être contournés. Le premier est ce que j'appelle « le piège du milieu de gamme ». Ce qui fait la force de l'industrie aéronautique européenne c'est qu'elle a toujours visé à être la meilleure et la plus avancée. Les commandes de vol électriques des appareils A320 en étaient un exemple.

L'autre piège est celui de la norme. Ce que les grands dirigeants de l'aéronautique en Europe sont en train de faire c'est fixer une norme pour tous les autres. À partir du moment où Airbus déclare que son prochain avion sera décarboné, plus personne ne pourra construire un avion qui ne l'est pas. Cependant, lorsque l'on cherche à fixer une nouvelle norme, on ne peut pas faire l'impasse sur la méthode scientifique qui repose sur le doute. On ne peut passer d'une certitude à une autre. Aujourd'hui je ne sais pas répondre à la question de savoir quelle sera l'énergie de l'aviation décarbonée, entre hydrogène et carburants alternatifs durables. Donc il faut explorer les deux options.

L'enjeu de l'attractivité est majeur pour le secteur. Je souligne que la question climatique n'est pas le seul déterminant de cette attractivité. Un travail doit être réalisé pour expliquer aux jeunes que l'industrie est moderne, qu'elle n'est pas sale et qu'elle est tournée vers l'avenir.

M. Gérard Longuet . - L'industrie aéronautique française est une réussite. Il faut en être fier et formuler le voeu qu'elle puisse susciter une relève, avec une nouvelle génération d'acteurs. L'hommage rendu à Clément Ader par la région Occitanie est sympathique et offre une vraie continuité ; une fois qu'on a dit cela, il reste le sujet majeur de la fin du duopole, ce qui se ressent fortement dans les relations que je qualifierai de détestables que plusieurs donneurs d'ordre - mais principalement Airbus et Safran - entretiennent avec leurs équipementiers, leurs sous-traitants et les sous-traitants de ces derniers. Je veux dire par là qu'il n'y a pas de partenariat, et plus on est loin du donneur d'ordre, moins ce partenariat existe.

Je comprends très bien que ces grandes sociétés aient un objectif de compétitivité, elles ne doivent pas le perdre de vue : elles sont menacées par la concurrence et elles doivent dégager des marges pour investir. Mais la tentation, évidemment, lorsque l'on a une pression constante sur la productivité et les coûts de production, c'est la délocalisation. Le succès du Maroc montre que cette délocalisation continue d'être une réalité.

J'aurai deux questions. Comment sortir des prêts garantis par l'État (PGE) en bon état ? Pour l'instant, lorsqu'une entreprise demande un étalement du PGE, c'est possible mais elle est inscrite en défaut à la Banque de France et les autres banques lui font alors comprendre qu'elle n'est plus bienvenue. Il faut ménager une sortie en douceur car pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), sortir avec un étalement est un risque majeur de rupture.

Ensuite, je souhaiterais avoir le point de vue des pouvoirs publics et du GIFAS sur les biocarburants. Les carburants végétaux pour l'aéronautique semblent être une réponse à très court terme, on est bien équipé en la matière, mais il existe un blocage européen : c'est le problème de la matière première. L'Union européenne a décidé que seuls les déchets et même seuls certains d'entre eux pouvaient être utilisés pour les biocarburants, ce qui est absurde. L'agriculture européenne et l'agriculture française plus particulièrement sont capables de produire des biocarburants dans des conditions attractives, qui deviennent, grâce à l'envolée du prix du baril, je ne dirais pas compétitives - n'exagérons pas - mais moins coûteux. Il faut que l'Union européenne accepte de ne pas « enfermer » ; je pense en particulier aux cultures de couverture - vous savez que dans la culture de conservation, le sol est couvert en permanence, les cultures de couverture peuvent avoir une vocation industrielle et non alimentaire en ce qui concerne les oléagineux et protéagineux.

M. Didier Rambaud . - Je poserai deux questions sur ce dossier dont je ne suis pas spécialiste. Tout d'abord, s'agissant de l'attractivité du secteur : cette enquête souligne que l'aéronautique est désormais confrontée à un enjeu d'attractivité et de réputation. Je n'aborderai pas le sujet sous l'angle de l'attractivité climatique comme cela a pu être fait. On a vu ces dernières années l'émergence de compagnies low-cost . Quel scénario prévoyez-vous s'agissant des comportements des futurs passagers compte tenu de la concurrence avec ces compagnies et comment assurer la pérennité des compagnies françaises ?

Dans la continuité de la question de Gérard Longuet en matière de décarbonation, j'ai l'impression qu'on ne parle en ce moment que de l'hydrogène. Pensez-vous que l'hydrogène va nous permettre de répondre à l'augmentation du nombre de passagers tout en décarbonant la filière ? Disposons-nous aujourd'hui d'autres pistes en matière d'innovation ?

M. Marc Laménie . - Merci pour cette analyse très complète et détaillée. J'aurai deux questions. Vous évoquez, dans le document que vous nous avez remis, les aides de l'État, qui sont particulièrement importantes, mais aussi les aides des régions. Les intercommunalités ont également une compétence économique importante : disposez-vous d'éléments sur le soutien qu'elles apportent à la filière ? Un volet du rapport est consacré à la commande publique, qu'elle soit militaire concernant le volet « défense » et les missions de sécurité intérieure exercées par la police et la gendarmerie, mais aussi civile avec les hélicoptères dont peut disposer la sécurité civile par exemple : quelles sont les perspectives pour la filière s'agissant ces aspects de la commande publique ?

M. Pascal Savoldelli . - Je vous remercie pour ces présentations, car c'est une articulation entre le diagnostic et la vision qui nous est proposée, grâce à la qualité et la diversité des intervenants. Du point de vue des remboursements de PGE, cette filière a-t-elle une pratique et un comportement différent des autres filières ? L'une de vos recommandations est de faciliter la consolidation et le rapprochement des TPE et PME de la filière, notamment par la mobilisation des collectivités régionales. N'y a-t-il pas sur ce sujet un chef de file qui doit être l'État ? Je reste interrogatif quant à l'évocation de la collectivité régionale : plus on descend dans le tissu économique, notamment le tissu des TPE, plus l'éloignement est une difficulté car il faut agir au plus près de cette structure économique.

Par ailleurs, votre vision du sujet nécessite-t-elle des modifications de l'aménagement de nos aéroports sur le territoire ? Je vis dans un département où plusieurs fois la question de la délocalisation de l'aéroport d'Orly s'est posée. Une partie du fret a été déplacée à Vatry. Cela a en effet des conséquences importantes du point de vue de l'aménagement du territoire, en matière d'emploi direct et d'emploi induit.

Enfin, il nous faut une vision stratégique sur ces sujets, en matière de biocarburants, d'hydrogène par exemple. La France ne peut-elle pas utiliser les Jeux Olympiques de 2024 comme tremplin pour consolider notre filière aéronautique ? Il s'agit en effet d'un moment d'universalité, de mondialisation, où la question de la mobilité va être posée.

M. Jean-Michel Arnaud . - Je reviens sur un point qui a finalement été le fil directeur de nombre de vos propos : la question de l'attractivité de la formation professionnelle à laquelle vous êtes confrontés pour favoriser la consolidation de vos filières mais également leur régénération. J'aimerais notamment vous entendre, Monsieur le délégué général du GIFAS, sur la manière dont vous appréhendez le marché de la formation professionnelle, qui est assez complexe. J'en veux pour preuve, dans mon département, la présence de Polyaéro qui contribue dans la région Sud/Provence-Alpes-Côte d'Azur à la formation des TPE en particulier, mais aussi à accompagner toutes les filières de l'industrie de l'armement française. La nouvelle loi relative à la formation professionnelle a un peu clarifié les choses mais il me semble néanmoins que le travail d'articulation entre les besoins des filières, l'offre universitaire ou l'offre publique, voire l'offre privée de formation et la réalité de terrain génère une déconnexion et parfois des pertes d'efficacité sur l'attractivité, le niveau de formation des collaborateurs que vous recherchez.

Ainsi, avez-vous une ou deux recommandations à formuler aujourd'hui qui nous permettraient peut-être demain d'avancer sur ce sujet particulièrement important pour cette filière d'excellence qu'est la filière aéronautique française ?

M. Christian Bilhac . - Ce soutien public était nécessaire car la France, je tiens à le rappeler, c'est le berceau de l'aviation : Clément Ader, l'aéropostale, Mermoz, Saint-Exupéry. À l'heure de l' aviation bashing il faut le rappeler car cela fait partie de notre culture. Le processus de décarbonation a déjà été entamé et de gros efforts ont été accomplis pour que l'avion soit beaucoup moins polluant. Je souhaite que les enfants continuent de rêver d'aviation.

Nous sommes par ailleurs attentifs au déficit de la balance commerciale, qui devient abyssal. Or l'aéronautique est un secteur excédentaire et il ne faut pas l'oublier.

Ma première question est la suivante. Comment se fait-il que Transavia, une filiale d'Air France, soit équipée d'une flotte de Boeing ? Ça me surprend.

Ma deuxième question tient aux dates des données retenues dans l'enquête, en septembre 2021 pour les vols et même au premier trimestre 2021 pour le chiffre d'affaires. Est-ce que des évolutions sont à noter sur ces données depuis leur intégration dans le rapport ?

Une dernière remarque. Dans le rapport je constate que les aides versées par la région Occitanie sont un peu égratignées. Or, l'Occitanie représente le quart des emplois de la filière. Aussi, dans cette situation de crise, il me paraît naturel que les collectivités locales, et en particulier la région, s'investissent pour soutenir le secteur.

M. Jean-Claude Requier . - Je suis élu du Lot et de la région Occitanie et je souhaitais simplement témoigner que dans le Lot, le bassin de Figeac représente 2 000 emplois aéronautiques avec Ratier, l'inventeur de l'hélice, et Figeac Aéro. Le département compte 70 000 emplois, donc 2 000 emplois se trouvent dans l'industrie aéronautique rien qu'à Figeac, qui compte par ailleurs 10 000 habitants. Donc cela pèse beaucoup. Vous avez évoqué le début de la fin de la domination d'Airbus et de Boeing et vous avez parlé des concurrents, notamment chinois, alors ma question est : y-a-t-il d'autres concurrents à ces deux constructeurs ?

M. Vincent Capo-Canellas , rapporteur spécial . - Je voudrais évoquer trois points très brefs.

Premièrement, sur la consolidation, parce qu'il y a un peu un non-dit sur ce sujet, jusqu'où va-t-on ? On sait que le GIFAS joue un rôle un peu d'intégrateur, si je puis dire, pour que tout le monde se parle, et qu'il existe un Comité Aéro-PME qui fonctionne, mais quel est le problème et jusqu'à quel point faut-il que la puissance publique, les fonds d'investissement, contribuent à ce que tout cela s'agglomère ou pas ?

Le deuxième point concerne la neutralité carbone en 2050. Est-ce tenable ? On a un point de rendez-vous en 2025 pour voir jusqu'où on va sur l'hydrogène ou sur les SAF ( sustainable aviation fuels ).

Dernier point, la Cour des comptes, on ne l'a peut-être pas assez souligné, donne un certain nombre d'éléments sur la Chine et elle montre qu'un soutien public fort est en vigueur dans ce pays. Marwan Lahoud nous l'a dit tout à l'heure, il s'agit maintenant d'un soutien qui s'oriente davantage vers le militaire. Mais c'est un point que je voudrais quand même relever et je salue l'effort didactique de la Cour sur ce sujet. La Cour appelle également à des règles du jeu équitables incluant la Chine en matière de soutien public et de commerce international. Est-ce un objectif qui est tenable là aussi et comment y parvenir ?

M. Claude Raynal , président . - En tant que sénateur de la Haute-Garonne, j'aurais évidemment beaucoup de questions, mais je n'en poserais qu'une seule.

J'ai lu un article cette semaine sur la question du duopole Airbus-Boeing. Brièvement, il signalait le risque que Boeing reste longtemps faible et que cela entraîne une concurrence sur les prix et, partant de là, finalement, une baisse sur la recherche, sur le développement, etc .

Pouvez-vous nous éclairer s'agissant du point de vue développé par cet article des Échos et qui met en cause la pérennité de ce duopole et souligne le danger de la situation si ce duopole venait à disparaître ?

M. Marwan Lahoud . - Je souhaite répondre principalement sur deux aspects : celui du duopole et celui des limites de la consolidation du secteur.

Sur le duopole, il y a deux dangers, à savoir d'une part, l'arrivée d'un tiers, et, d'autre part, le risque que l'un des deux membres du duopole soit en position de faiblesse. Dans le premier cas, lorsqu'un tiers arrive sur le marché grâce à une percée technologique, la répartition entre les acteurs est remise en cause et l'un des deux acteurs s'effondre.

Lorsque l'un des membres du duopôle est trop faible, cette situation revient à mettre une pression très forte sur celui-ci. Il risque d'engager des actions irraisonnées, comme une guerre des prix. Les dernières ventes de 737 Max par Boeing, réalisées à des tarifs défiants toute concurrence, en sont une illustration.

Dans ce cas, l'acteur le plus solide doit garder la tête froide et ne pas perdre conscience qu'il domine le marché. En effet, ce type de situation peut conduire à une forme de course à l'armement et à une accélération du lancement des nouveaux avions, alors même que les constructeurs ne sont pas prêts technologiquement, en particulier dans le domaine de la décarbonation.

Sur la question des limites de la logique de consolidation, je prends un exemple simple par référence à Figeac. En France, nous avons vingt-huit usineurs de pièces détachées qui ont vocation à être assemblées dans des sous-ensembles envoyés à la chaîne d'assemblage final. Au niveau européen, ils sont quarante-deux.

Vers quoi devons nous tendre ? Je ne pense pas qu'il faille regrouper tous ces acteurs en un seul, d'abord parce que ça ne serait pas compétitif et ensuite, à supposer que ce soit compétitif, il faut aussi tenir compte des choix des entreprises et les convaincre.

Dans le cas de l'usinage, sur les vingt-huit entreprises françaises, il y en a cinq principales : Figeac Aero, Nexteam, Time Mecachrome, WeAre et Lauak.

Le rapprochement entre Mecachrome et WeAre a déjà été engagé et nous sommes en train de procéder à la restructuration financière, si ce n'est au sauvetage, de Figeac Aero. Nexteam est déjà le produit d'une consolidation et a engagé une consolidation en collier de perles, c'est-à-dire que l'entreprise achète des usines et des compétences spécifiques.

À la fin de l'exercice, si l'on se retrouve avec deux ou trois grands acteurs sur les cinq que je viens d'évoquer, je pense que nous aurons trouvé un point d'équilibre entre la concurrence entre les entreprises et la dispersion.

M. Pierre Moschetti . - Je vais concentrer mon intervention sur les prêts garantis par l'État et sur les questions technologiques dans la mesure où les questions d'aménagement du territoire et de situation des compagnies aériennes ne sont pas de mon ressort.

Concernant le sujet des PGE et la question plus large de la situation financière des entreprises en sortie de crise, il y a eu un usage assez différencié des PGE suivant les entreprises. Certaines d'entre elles ont utilisé les PGE dans un objectif d'anticipation et de précaution, tandis que d'autres ont utilisé cet outil pour se transformer et que d'autres encore les ont contractés sans véritablement les utiliser. Il nous faudra rester vigilants dans la mesure où il y aura autant de situations que d'entreprises. La spécificité du secteur concerne la durée des cycles économiques : les besoins de trésorerie des entreprises du secteur se font sentir à long terme et la question qui se pose n'est pas tant celle du remboursement des PGE que celle de la capacité des entreprises à lever de nouveaux financements auprès des banques pour recréer du fonds de roulement et relancer leur activité.

Concernant la crédibilité d'une alternative comme l'hydrogène, j'insiste sur les propos que j'ai tenus tout à l'heure, l'hydrogène n'est pas la solution unique et ce serait une folie de faire ce pari aujourd'hui. C'est un pari qui est audacieux et qui doit encore convaincre au niveau mondial. Alors que nous sommes dans un marché mondialisé, on ne doit pas miser sur un marché de niche : il n'y aura pas d'avion pour le seul marché européen, il n'y aura pas d'avion uniquement pour la France.

Les acteurs comme Airbus ou Safran se placent dans une perspective mondiale, la seule qui ait vraiment un sens. Nous avons encore des doutes sur l'hydrogène, qui doivent être levés. Plus de 80 % de nos investissements restent focalisés sur l'objectif de réduction de la consommation. Alors que la ressource énergétique est rare, il nous faut travailler à diminuer la consommation de celle-ci.

Je terminerai sur la question de la neutralité carbone en 2050. Il y aura d'abord des jalons très importants en 2030-2035 qui sont en train d'être inscrits dans les trajectoires européennes. Il faudra que ces engagements, qui ont déjà été pris par les grandes filières, soient repris lors des prochaines assemblées de l'aviation civile internationale par les États. Nous sommes encore dans l'établissement de ces points intermédiaires qui aujourd'hui nous posent le plus de problèmes. La crédibilité de notre trajectoire s'établira dans le temps et nous ne pouvons pas avoir, à ce jour, de certitudes.

Un dernier point très court sur les Jeux olympiques de 2024 : je peux mentionner qu'il existe des réflexions sur les nouvelles mobilités et des partenariats qui se lient entre Aéroports de Paris (ADP) et la RATP pour tester de nouvelles mobilités.

M. Pierre Bourlot . - Je vais répondre globalement sur les ressources humaines, l'attractivité et la formation. Comme je l'ai indiqué, nous rencontrions des difficultés de recrutement déjà avant la crise. Nous avions donc lancé à l'occasion des différentes éditions récentes du salon du Bourget, que nous organisons tous les deux ans et que nous espérons organiser en 2023, un évènement que nous avions appelé « l'avion des métiers ». Lors de cet évènement, les métiers de nos entreprises étaient présentés in situ par des compagnons et des ingénieurs. Nous organisons également, avec l'aide des présidents de départements, des présidents de régions et des recteurs, l'accueil gratuit de collégiens et de lycéens au salon du Bourget. De mémoire, nous avons accueilli plus de 70 000 enfants lors de la dernière édition.

Et nous allons amplifier cet effort. Nous avons engagé un plan attractivité-emploi-formation en début d'année qui va se poursuivre jusqu'au salon du Bourget 2023. Nous réitérerons aussi l'évènement de « l'avion des métiers » à l'occasion du prochain salon. Nous soutenons également depuis plusieurs années les écoles d'ingénieurs du groupe ISAE (institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace), car nous avons la chance en France d'avoir des écoles dédiées à l'aéronautique. Ces écoles sont ISAE-SUPAREO, l'ENSMA (école nationale supérieure de mécanique et d'aérotechnique) à Poitiers, l'ESTACA (école supérieure des techniques aéronautiques et de construction automobile) et Supméca (Institut Superieur de Mecanique de Paris) en région parisienne, ainsi que l'ENAC (l'école nationale de l'aviation civile) qui vient de rejoindre le groupe ISAE. Nous soutenons financièrement ces écoles et sommes leur partenaire depuis plusieurs années. Nous veillons également au maintien de la diversification sociale des élèves ingénieurs, et avons à ce titre versé 500 000 euros de bourses en 2021. Nous soutenons aussi des formations de compagnons en finançant des projets au cas par cas, dans une perspective bottom-up . Par exemple, un proviseur ou la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) peut saisir un de nos représentants présents dans les 13 régions métropolitaines, puis les projets nous remontent, sont validés et enfin soutenus par le GIFAS.

De la même manière, nous avons engagé des partenariats avec certaines régions, et notamment la région Auvergne-Rhône-Alpes. Une convention a été signée pour construire un campus dont le coût est de plusieurs centaines de milliers d'euros. Enfin, nous travaillons avec l'association pour la formation aux métiers de l'aérien (AFMAé), le centre de formation d'apprentis (CFA) de l'aérien, que nous avons créé avec Air France. L'AFMAé a vu ses effectifs chuter à l'occasion la crise. Nos entreprises ne sont pas non plus en reste avec les lycées Airbus à Toulouse et à Méaulte (Airbus Atlantique, ex Stelia), où les effectifs ont un peu diminué. Cependant, le travail sur la formation et l'attractivité est une tâche de longue haleine. Nous avons la certitude que notre secteur est une industrie d'avenir et que les jeunes vont revenir dans la filière aéronautique. Nous sommes pleinement engagés sur le sujet, car il pourrait freiner la reprise.

Sur les commandes militaires, les anticipations de commandes prévues dans le plan de soutien de juin 2020 sont estimées à 832 millions d'euros. Il s'agit d'Airbus A330, d'hélicoptères et d'un avion léger de reconnaissance.

Mme Françoise Bouygard . - J'apporterai cinq éléments de réponse complémentaires.

Sur le remboursement des prêts garantis par l'État, la Cour des comptes devrait publier un rapport sur la question d'ici la fin de l'année. Je ne garantis pas qu'il y ait un focus sur l'industrie aéronautique, mais vous pourrez au moins voir comment se profilent les conditions générales du remboursement.

Sur les questions relatives aux aides qu'ont pu apporter les intercommunalités, je vous renvoie aux quatre cahiers régionaux. Par exemple, dans le cahier relatif à la Nouvelle-Aquitaine, nous listons les aides apportées par la métropole de Bordeaux. Il est vrai que les aides sont principalement apportées par la Région, mais il arrive qu'elles soient attribuées par d'autres collectivités et nous nous sommes efforcés d'en rendre compte.

Ma troisième remarque concerne l'observation formulée sur l'ancienneté d'un certain nombre de chiffres qui figurent dans le rapport. Nous nous sommes efforcés d'utiliser les données les plus récentes. Cependant, vous savez que nous respectons une phase de contradiction avec les acteurs concernés et c'est donc à la date de cette contradiction que nous avons retenu la plupart des chiffres, même si nous avons pu changer certains chiffres pour être au plus près de la réalité.

S'agissant des aides des collectivités territoriales, vous avez indiqué que les aides de la région Occitanie avaient été égratignées. Il ne me semble pas que le cahier régional sur l'Occitanie égratigne les aides du conseil régional. Nous avons bien évidemment à chaque fois contredit ces cahiers régionaux avec les présidents des conseils régionaux et les préfets de régions concernés. Nous essayons de rendre compte le plus fidèlement possible des actions conduites par les conseils régionaux. Nous observons que c'est souvent, mais justement pas dans le cas de la région Occitanie, dans le cadre de soutiens transversaux à l'industrie que le soutien à l'aéronautique a été mis en oeuvre. Nous avons essayé d'être justes dans notre compte rendu, et justes aussi dans la prise compte des éléments apportés en réponse dans le cadre de la procédure contradictoire. Nous avons notamment pris en compte la réponse très étayée de la présidente de la région Occitanie.

Dernier point qui me permet de faire un petit salut à l'équipe des rapporteurs qui se sont rendus sur place à Figeac. Je salue notamment le travail réalisé par le rapporteur général, Denis Tersen. Je trouve intéressant que ces cahiers régionaux présentent la localisation fine des entreprises qui concourent à cette industrie, car cette cartographie permet de voir la dimension d'aménagement du territoire et l'importance de cette industrie pour certains territoires.

M. Claude Raynal , président . - Merci à tous pour votre participation à cette audition.

À l'issue de ce débat, en application de l'article 58 paragraphe 2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la commission a autorisé la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte-rendu de la présente réunion en annexe à un rapport d'information du rapporteur spécial Vincent Capo-Canellas.

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