II. DES DÉFIS STRUCTURANTS QUI SUPPOSENT D'INSCRIRE LES SOUTIENS PUBLICS DANS LE TEMPS LONG

A. LA MODERNISATION ET LA CONSOLIDATION DE LA FILIÈRE DOIVENT CONTINUER D'ÊTRE ENCOURAGÉES

1. Le fonds de modernisation a rempli son office mais doit être remplacé par des dispositifs structurels

Le rapporteur spécial rejoint la Cour des comptes sur la nécessité de promouvoir la compétitivité d'un secteur qui , dans les années à venir, fera l'objet d'une pression concurrentielle accrue , notamment en raison de l'émergence de l'industrie aéronautique chinoise. Avant même le déclenchement de la crise, la compétitivité coût de certaines entreprises du secteur souffrait d'un retard d'investissements en matière de numérisation de leurs activités de production.

Piloté par la DGE avec Bpifrance et doté de 300 millions d'euros , le fonds de modernisation, de diversification et de transition environnementale, a permis de faire progresser la modernisation de la filière, et notamment la numérisation du processus de production . Mis en oeuvre avec réactivité par les services économiques de l'État en région (SEER) et principalement orienté vers les PME et les ETI (90 % des projets retenus), il devait lancer la filière sur la voie des technologies dites de « l'usine du futur » , susceptibles de réduire les coûts d'exploitation de 5 % à 10 %. Grâce à un bon effet de levier sur les fonds privés, les projets financés devraient dépasser les 700 millions d'euros .

Néanmoins, dès septembre 2021, pratiquement l'intégralité de l'enveloppe a été consommée . Aussi, pour poursuivre l'indispensable modernisation du secteur , le rapporteur spécial considère-t-il qu' il convient de concevoir un dispositif susceptible de promouvoir celle-ci avec autant d'efficacité.

2. La consolidation du secteur demeure une question ouverte

Dès avant la crise, la question de l'éventuel besoin de consolidation de la filière était débattue, notamment s'agissant des fournisseurs de rang 2 et 3. Pendant la gestion de crise et désormais en phase de sortie de crise, celle-ci est demeurée un sujet de réflexion. L'incorporation des nouvelles technologies de « l'usine du futur » pourrait parfois se trouver contrainte par la taille trop faible de nombreuses PME tandis que certaines ETI présentent des signes de fragilité financière.

Le plan de relance pour le secteur aérien annoncé en juin 2020 comprenait la création d'un fonds de consolidation du secteur destiné à permettre le rapprochement d'entreprises pour qu'elles atteignent une taille critique. Doté de 630 millions d'euros à son origine et avec une ambition d'atteindre 1 milliard d'euros en 2022 , ce fonds est géré par la société Ace capital partners . L'État , via l'APE et Bpifrance, y a investi 200 millions d'euros . Les quatre grands donneurs d'ordre du secteur (Airbus, Dassault aviation, Safran et Thalès) ont également investi 200 millions d'euros dans le fonds qui pouvait mobiliser plus de 740 millions d'euros en septembre 2021. Du fait des enjeux structurels dont il est porteur, le calendrier d'intervention du fonds s'inscrit sur le temps long . Il doit s'étendre sur plus de dix ans. Passée une phase d'entrée en matière progressive, le fonds monte actuellement rapidement en puissance et ses perspectives sont prometteuses. Il convient de souligner que les opérations de consolidation ne se décrètent pas et qu'elles constituent généralement l'aboutissement de très longs mois de négociations. Ainsi, il avait investi 75 millions d'euros, soit plus de 10 % des financements levés, à la fin de l'année 2021. Actuellement, après la concrétisation de nouvelles opérations, le fonds affiche 340 millions d'euros d'engagements et pourraient avoir investi 600 millions d'euros à la fin de l'année 2022, ce qui correspond à un rythme de consommation rapide pour un fonds de ce type. La reprise économique et la montée des cadences de production stimulent ses interventions.

Néanmoins, plusieurs freins , dont certains s'expliquent par la crise, entravent encore le processus de consolidation. Certaines entreprises ne souhaitent pas remettre en cause une gouvernance parfois « familiale ». Par ailleurs la dégradation bilancielle consécutive à la crise s'est traduite par une dévalorisation financière de certaines entreprises pouvant atteindre jusqu'à 80 %, limitant ainsi de façon significative l'incitation à envisager des opérations de consolidation.

La Cour des comptes considère que la consolidation de la filière pourrait être soutenue par des dispositifs complémentaires , notamment au niveau régional et plus ciblés sur les entreprises de petite taille . À titre d'exemple, la région Occitanie participe aujourd'hui, avec Bpifrance à un fonds de capital investissement rebond baptisé « impulsion » doté de 40 millions d'euros. Elle s'est également associée à l'agence régionale des investissements stratégiques (Aris).

3. Une diversification source de résilience

La dualité de la filière entre ses dimensions aviation civile et militaire a été source de résilience . Ainsi, il ressort des analyses que les entreprises dont une part au moins des activités porte sur le segment militaire ont été moins touchées par la crise que leurs homologues exclusivement tournées vers l'aviation civile.

Toutefois, la dépendance à un donneur d'ordre unique (Airbus, Boeing, etc .) ou au seul secteur aéronautique est source de fragilité .

Aussi, la diversification des entreprises qui composent la chaîne des fournisseurs doit continuer d'être encouragée . Là encore, il conviendra de répondre à l'enjeu de l'épuisement du fonds de modernisation de diversification et de transition environnementale qui avait entre autres vocation à la promouvoir.

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