B. LES NOUVELLES PRIORITÉS DE PARTENARIAT

L'évaluation de l'accord d'association a été doublée de négociations visant les priorités de partenariat pour l'Algérie. Le dixième conseil d'association, organisé le 13 mars 2017, a permis d'aboutir à leur adoption. Elles sont articulées autour de cinq points :

- dialogue politique, gouvernance, État de droit et promotion des droits fondamentaux ;

- coopération, développement socio-économique inclusif, échanges commerciaux et accès au marché unique européen ;

- partenariat énergétique, environnement et développement durable ;

- dialogue stratégique et sécuritaire ;

- migration et mobilité.

1. Des questions en suspens

S'agissant du domaine du commerce, l'Algérie souhaite, dans ce domaine, pouvoir conditionner l'accès à des « situations conjoncturelles » qu'elle déterminerait elle-même. L'Union européenne s'oppose à cette logique qui conduit aux licences et quotas d'importations. Elle insiste sur la nécessaire amélioration du climat des affaires et la mise en oeuvre de réformes structurelles afin d'accroître les investissements européens. Si elle rappelle son soutien à l'adhésion de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce, elle conditionne celui-ci à ce qu'un rapprochement en matière de services et d'investissements avec l'Union européenne puisse être initié d'ici à 2018. Le conseil d'association, organisé le 13 mars dernier à Bruxelles, n'a pas débouché sur de réelles avancées en la matière.

Des progrès ont cependant été relevés ces dernières années. Auparavant intégrée dans le Code des investissements, la règle 49/51 est désormais fixée dans le cadre de la loi de finances, ce qui pourrait faciliter son assouplissement à l'avenir. Un nouveau code des douanes est également entré en vigueur en janvier 2017. La loi de finances pour 2014 a, en outre, levé l'obligation d'examen des investissements directs étrangers par le Conseil national de l'investissement si leur montant est inférieur à 150 millions d'euros. D'autres avancées sont attendues sur la défiscalisation des investissements étrangers apportant un savoir-faire ou sur l'autorisation de financements entre entreprises-mères et filiales.

En ce qui concerne le volet « migration et mobilité », les autorités algériennes souhaitaient supprimer la référence à la réadmission tout en gardant celle relative à la facilitation des visas. 530 000 visas de court séjour ont, par ailleurs, été délivrés en 2015 à des ressortissants algériens (soit 75 % des demandes), plaçant l'Algérie parmi les 7 premiers pays bénéficiaires. Le taux de retour effectif de migrants algériens en situation irrégulière est cependant assez faible : 24,2 % en 2015, soit 3 900 retours effectifs sur les 16 065 décisions de renvoi. Si cinq pays de l'Union ont signé des accords bilatéraux dans ce domaine, l'Union européenne n'en dispose pas. Le dernier conseil d'association n'a pas permis d'avancer sur ce sujet. L'Union européenne propose aujourd'hui le lancement d'un dialogue formel de haut niveau sur les questions de migration et de mobilité à partir de septembre 2017. L'Algérie se montre plus réservée et propose un dialogue informel. Les autorités algériennes rejettent tout traitement sécuritaire des migrations et préconisent une action contre les causes profondes des départs, à mener dans les pays d'origine et en faveur du développement. Le nombre de migrants irréguliers présents en Algérie est estimé à 100 000, en provenance d'une quarantaine de pays africains mais aussi de Syrie et du Yémen. Les départs depuis l'Algérie vers l'Europe de migrants constituent cependant 6 % des flux observables en Méditerranée centrale.

Les questions ayant trait à la démocratie et à l'État de droit demeurent, par ailleurs, une préoccupation pour l'Union européenne. Si elle a salué au cours du conseil d'association les avancées constitutionnelles, en particulier la réforme du secteur judiciaire en cours, elle a appelé à un renforcement de la liberté d'expression et rappelé que des textes législatifs devaient encore être adaptés, à l'image du Code pénal ou du Code de l'information. Deux chaînes de télévision ont ainsi été fermées en 2015 et 2016 et des journalistes emprisonnés pour diffamation, en dépit des avancées contenues dans la réforme constitutionnelle du 7 février 2016. Certains observateurs relèvent en outre une forme d'autocensure de la part de la presse. La loi sur les associations doit également être modifiée afin de lever une forme d'insécurité juridique pour les organisations non-gouvernementales ; celles-ci doivent être obligatoirement enregistrées auprès du ministère de l'Intérieur avant de pouvoir ouvrir un compte bancaire et ainsi bénéficier de financements. Des entraves à la liberté de culte, la criminalisation de l'homosexualité et les limitations aux droits de manifestation et de rassemblement ainsi que des difficultés en matière de liberté syndicale ont, en outre, été relevées par la Commission européenne et la Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité 8 ( * ) . Saluant le renforcement des droits et libertés publiques depuis 2016, la mission d'expertise électorale de l'Union européenne, déployée à l'occasion des élections législatives du 4 mai 2017, a cependant relevé une imprécision de certains droits fondamentaux, qui n'apparaissent pas toujours clairement explicités dans la Constitution et traduits dans la loi. Elle évoque les dispositions relatives aux partis politiques, aux associations, aux réunions et manifestations publiques. Une nouvelle loi sur les partis et associations est attendue à l'automne prochain.

Le gouvernement algérien entend également bénéficier de la même assistance financière que la Tunisie 9 ( * ) , estimant que le pays constitue un pôle de stabilité régionale. La France a également relevé que la coopération budgétaire pouvait apparaître faible. Il convient de rappeler que les contours de la dotation initialement prévue pour l'Algérie pour la période 2014-2020 avaient été élaborés en 2013, le prix du baril de pétrole dépassant alors 100 dollars. La Commission européenne estime cependant que les capacités d'absorption de l'aide européenne par l'administration algérienne apparaissent faibles. Le montant de l'aide - 40 millions d'euros par an sur la période 2018-2020 - a, néanmoins, été relevé de 5 millions d'euros par an par rapport à la programmation précédente. Ce montant demeure cependant inférieur aux crédits octroyés annuellement au Maroc - 200 millions d'euros - ou à l'Égypte - 100 millions d'euros.

La Commission européenne rappelle cependant régulièrement que l'Algérie est également éligible au Fonds d'affectation spéciale pour l'Afrique, mis en place au sommet de La Valette en novembre 2015 . Les autorités algériennes n'ont pas présenté de projets pouvant bénéficier de financements européens. Doté de 1 800 millions d'euros, le Fonds d'affectation spéciale pour l'Afrique est destiné à faire face aux crises qui sévissent dans les régions du Sahel et du lac Tchad, ainsi que dans la Corne de l'Afrique et dans le Nord de l'Afrique. Il doit contribuer à promouvoir la stabilité dans ces régions et permettre une meilleure gestion des migrations. Les autorités algériennes jugent que l'approche de l'Union européenne en la matière est trop sécuritaire et que les efforts devraient être concentrés sur le développement économique des pays situés dans la région subsaharienne. Les financements du Fonds doivent pourtant permettre la mise en place de programmes économiques créant des possibilités d'emploi en particulier pour les jeunes et pour les femmes dans les communautés locales, en se concentrant sur la formation professionnelle et la création de micro-entreprises et de petites entreprises. Certaines actions devraient également contribuer à l'aide à la réintégration des personnes de retour dans leur communauté. La mise en oeuvre de projets en faveur de services de base pour les populations locales, comme la sécurité alimentaire et nutritionnelle, la santé, l'éducation et la protection sociale, de même que la viabilité environnementale, est également prévue. Le Fonds doit, en outre, faciliter le lancement de projets visant à améliorer la gestion de la migration, y compris en limitant et en prévenant la migration illégale et en luttant contre la traite des êtres humains, le trafic de migrants et autres crimes connexes.

2. L'ambition algérienne d'incarner un pôle de stabilité régional

Au-delà des priorités de partenariat, l'Algérie a été classée par le Service européen d'action extérieure de l'Union européenne parmi les cinq pays bénéficiant de son mécanisme d'alerte précoce 10 ( * ) . Ce dispositif a pour objectif d'anticiper, dans les quatre années à venir, les risques de conflits potentiels afin de mieux orienter l'action de l'Union européenne. Ce choix a suscité l'étonnement des autorités algériennes. L'exercice a été reporté après le conseil d'association afin qu'il ne devienne pas un problème politique. Celui-ci a consisté à dresser un état des lieux de la situation politique, sécuritaire et économique de l'Algérie, et devrait contribuer à renforcer le dialogue bilatéral sur les questions de sécurité, et en particulier le terrorisme. Il doit également faciliter une réflexion sur le rôle de médiation de l'Algérie dans la région, face aux défis auxquels sont confrontés la Libye, le Mali et le Niger. Les autorités algériennes insistent régulièrement sur la position géostratégique du pays et sur le pôle de stabilité qu'il représente. Cette position justifie, à leurs yeux, une intensification de la relation avec l'Union européenne. La lutte contre la radicalisation est, d'ailleurs, envisagée comme un objectif commun à l'Algérie et à l'Union européenne.

Cette vocation régionale reste cependant relative dans les faits au regard des difficultés constatées dans les relations avec le Maroc. La question du Sahara occidental reste, à cet égard, un sujet sensible. L'Algérie soutient l'indépendance du Sahara occidental au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et réfute régulièrement les revendications territoriales que lui prête le Maroc. Les autorités algériennes s'appuient aujourd'hui sur la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 décembre 2016 qui exclut le Sahara occidental du champ d'application des accords d'association et de libéralisation signés entre l'Union européenne et le Maroc 11 ( * ) .

Par ailleurs, si le choix d'intégrer l'Algérie au sein du mécanisme d'alerte précoce a pu susciter des réserves de la part des autorités, il est néanmoins permis de s'interroger sur l'avenir politique du pays. La question de la succession du Président Bouteflika reste ouverte, aucune alternative n'apparaissant clairement aujourd'hui. L'opacité des conditions du renvoi du Premier ministre Sellal a contribué, à ce titre, à renforcer certaines inquiétudes sur l'avenir du pays. La lenteur à mettre réellement en oeuvre une transition économique trouve un prolongement dans le domaine politique, les deux étant indubitablement liés.


* 8 Document de travail conjoint des services - Rapport sur l'état des relations UE-Algérie dans le cadre la PEV rénovée Mars 2017, SWD (2017) 109 final, 9 mars 2017.

* 9 Les crédits prévus pour la période 2014-2020 destinés à la Tunisie sont compris entre 725 et 886 millions d'euros.

* 10 La Birmanie, l'Éthiopie, le Nigéria et le Venezuela sont également concernés.

* 11 Cour de justice de l'Union européenne, C- 104/16 P, Conseil/Front populaire pour la libération de la saguia-el-hamra et du rio de oro (Front Polisario).

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