III. QUEL CADRE POUR UN APPROFONDISSEMENT DES RELATIONS ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET L'ALGÉRIE ?

La relance du partenariat entre l'Algérie et l'Union européenne tient à la fois à la volonté des autorités algériennes de chercher un appui pour la transition économique du pays et à la volonté affichée par le Conseil d'appréhender de façon plus réaliste ses relations avec le voisinage. Il a ainsi approuvé, le 14 décembre 2015, les orientations de la Commission sur la révision de sa politique de voisinage 7 ( * ) . L'ambition affichée est de parvenir à constituer des partenariats plus efficaces afin de répondre notamment à plusieurs défis : crise migratoire, terrorisme, interdépendance énergétique. L'Union européenne entend ainsi faire valoir ses intérêts, en promouvant parallèlement les valeurs universelles. Elle s'appuie désormais sur le principe de différenciation, prenant acte du fait que tous les partenaires de l'Union européenne n'aspirent pas à adopter la totalité de l'acquis communautaire. Elle entend enfin mettre en oeuvre une logique d'appropriation mutuelle destinée à mieux prendre en compte la conception qu'a chaque pays de son partenariat avec l'Union européenne et l'orientation qu'il entend lui donner. La révision de la politique de voisinage débouche, par ailleurs, sur une évaluation des accords d'association et l'élaboration de priorités de partenariat entre l'Union européenne et les pays concernés.

La révision de la politique de voisinage avait donné lieu à une consultation des pays de la rive Sud. L'Algérie avait alors exprimé sa volonté de soutenir une politique orientée vers la sécurité et le développement. Les crises au Sahel, au Mali et en Libye apparaissent à cet égard prioritaires. Les autorités algériennes ont, dans ce cadre, milité pour une intégration du « voisinage du voisinage » dans les discussions entre les deux rives de la Méditerranée, principe retenu par le Conseil. Elles ont également insisté sur la question de la différenciation. La nouvelle approche européenne a depuis été approuvée par l'Algérie, qui salue son pragmatisme et la flexibilité introduite notamment en matière financière.

La relance actuelle de la relation entre l'Union européenne et l'Algérie tient également, de l'avis de nombreux observateurs, à la personnalité de la Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Mme Federica Mogherini. Celle-ci se montre plus intéressée par l'avenir de la relation euro-méditerranéenne que sa prédécesseure, Mme Catherine Ashton. Un changement de discours à l'égard de l'Algérie a notamment été observé. Il n'est donc pas étonnant d'observer une réelle relance des relations bilatérales entre l'Union européenne et l'Algérie. Les autorités algériennes ont ainsi reçu, lors de la même semaine en juillet 2017, le commissaire à l'élargissement et à la politique de voisinage et le vice-président de la Banque européenne d'investissement.

Reste la question du rôle de la France, ancienne puissance coloniale, disposant de liens privilégiés avec le pays dans la mise en oeuvre de cette coopération. Les entretiens qu'a pu mener votre rapporteur tendent à souligner que l'accord d'association est souvent envisagé comme une déclinaison de la relation entre Paris et Alger. La mise en place de l'accord d'association via les jumelages institutionnels montre l'attrait pour le modèle administratif français, notre pays étant représenté dans près de 75 % des opérations coordonnées par le P3A. Cette position particulière pourrait affaiblir la solidarité européenne indispensable à l'évaluation des progrès de la coopération entre l'Union et l'Algérie. La délégation de l'Union européenne en Algérie souligne, au contraire, l'unité de vues entre les positions européennes et celle de la France, insistant sur la fluidité des échanges entre les services diplomatiques.

A. L'ÉVALUATION DE L'ACCORD D'ASSOCIATION

Le comité d'association Union européenne-Algérie qui s'est tenu le 19 mars 2015 a été l'occasion, pour les représentants algériens, de plaider pour une reconnaissance par l'Union européenne de la « spécificité algérienne », tant sur la question des réformes qu'en matière de relations économiques.

Le Conseil d'association Union européenne-Algérie des 3 et 4 juin 2015 a permis à la Commission européenne de saluer l'ébauche des réformes engagées en 2011 (suppression de l'état d'urgence) mais aussi d'insister sur les progrès restant à accomplir : effort sur l'inclusivité du processus politique, rôle de la société civile et protection des groupes les plus vulnérables (femmes, jeunesse). L'objectif global de la création d'une zone de libre-échange Algérie-Union européenne a été réaffirmé. Elle constitue le corollaire d'une accession de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce mais aussi d'une meilleure intégration régionale. La Commission européenne souhaitait, en outre, que soit mis en oeuvre l'accord en matière de coopération scientifique, technologique et d'innovation, ainsi que le mémorandum d'entente signé en 2013 dans le domaine de l'énergie. Elle a proposé la mise en place d'un dialogue de haut niveau sur cette question, sur une base annuelle.

L'Algérie s'était, de son côté, montrée assez critique à l'égard de l'Union européenne, jugeant la relation commerciale déséquilibrée et qualifiant d'ingérence les observations européennes sur la question des droits de l'Homme. Elle a demandé une réévaluation de l'accord d'association.

La révision de la politique européenne de voisinage en novembre 2015 a constitué l'occasion d'une relance de la relation. C'est dans ce nouveau contexte que le comité d'association Union européenne-Algérie s'est réuni le 25 février 2016. Il a permis le lancement d'une réévaluation de la relation bilatérale, l'Algérie souhaitant bénéficier d'un « statut spécial ».

L'évaluation de l'accord a été menée entre février 2016 et mars 2017. Elle a porté sur quatre points :

- le soutien aux échanges commerciaux Union européenne-Algérie ;

- le soutien à la diversification et à la compétitivité de l'économie algérienne ;

- le soutien aux investissements en Algérie ;

- le renforcement de la coopération dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche, de la recherche et du développement, de l'énergie et des douanes.

Le 7 décembre 2016, le comité d'association a adopté 21 recommandations en vue de créer un partenariat économique centré sur la diversification de l'économie et la promotion des exportations hors hydrocarbures, du savoir-faire, de l'économie numérique et d'une économie inclusive à caractère social. Celui-ci doit, aux yeux des autorités algériennes, permettre au pays une zone d'investissements privilégiée. Il s'agit ainsi de contribuer au changement de paradigme économique en valorisant notamment les infrastructures dont l'Algérie dispose, à l'instar de la Transsaharienne qui relie la rive méditerranéenne au Niger et au Mali. Reste que cette ambition demeure fragilisée par les barrières tarifaires, réglementaires et administratives mises en oeuvre par les autorités algériennes depuis plusieurs années.


* 7 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : Programme de travail de la Commission pour l'année 2015 - Un nouvel élan (COM (2014) 910 final).

Page mise à jour le

Partager cette page