ANNEXE 1 LA RECEVABILITÉ FINANCIÈRE DES INITIATIVES AYANT TRAIT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La recevabilité financière des initiatives ayant trait aux collectivités territoriales obéit à la jurisprudence exposée précédemment dans le présent rapport, lequel cite d'ailleurs de nombreux exemples tirés des finances locales.

Néanmoins, au vu des spécificités qui peuvent exister dans ce secteur et du nombre important d'amendements qu'il inspire, il m'a semblé utile, dans un souci d'assistance pratique aux rédacteurs d'amendements, de réunir dans la présente annexe les questions jurisprudentielles les plus courantes concernant les collectivités territoriales .

I. LA RECEVABILITÉ AU TITRE DE L'ARTICLE 40

Les collectivités territoriales se trouvent naturellement dans le champ de l'article 40 de la Constitution , comme cela résulte des travaux préparatoires de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel 164 ( * ) .

Ainsi, dès sa décision du 20 janvier 1961 165 ( * ) , le Conseil constitutionnel retient une conception extensive des administrations publiques, en y incluant indirectement les collectivités territoriales.

Sont concernés les trois niveaux de collectivités - régions, départements et communes - mais également leurs groupements et organes de coopération, ainsi que les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, ou encore certains établissements publics locaux.

A. L'IRRECEVABILITÉ DES TRANSFERTS DE CHARGES

Le champ des collectivités territoriales est fécond en amendements prévoyant des transferts de charges, que ce soit entre l'Etat et les collectivités, ou entre collectivités.

Les auteurs justifient souvent ces initiatives par le fait qu'il n'y a pas d'aggravation des charges publiques dans leur ensemble, mais une modification de la répartition de ces charges. Cependant, du point de vue du juge de la recevabilité, les transferts de charges doivent être analysés comme la création d'une charge pour une personne publique, compensée par la diminution d'une charge pour une autre personne publique . Cette lecture est conforme à la lettre de l'article 40, qui parle bien de « charge publique » au singulier.

Dès lors, les initiatives parlementaires prévoyant de tels transferts sont en principe irrecevables , selon une jurisprudence constante à l'Assemblée nationale comme au Sénat, du fait de l'impossibilité de compenser l'augmentation d'une charge par la diminution d'une autre, sous réserve de jurisprudences développées par la commission des finances afin de respecter l'initiative parlementaire.

1. Les transferts de charges entre l'Etat et les collectivités territoriales

En application du principe énoncé ci-avant, les amendements transférant le financement d'une dépense publique de l'Etat aux collectivités territoriales sont irrecevables . Cette jurisprudence s'est par exemple appliquée à des amendements transférant aux communes des personnels de la fonction publique d'Etat qui participaient à l'exercice de compétences par ailleurs transférées par le projet de loi ayant fait l'objet de l'amendement. L'inclusion dans l'amendement d'un mécanisme de compensation des charges qui en résulteraient pour les communes ne rend pas l'amendement recevable, la création d'une charge ne pouvant être compensée par la création d'une ressource.

Symétriquement, les amendements transférant à l'Etat une charge publique incombant aux collectivités territoriales sont également irrecevables . Tel fut le cas, par exemple, d'un amendement transférant de certaines communes à l'Etat la prise en charge de cours de soutien en dehors du temps scolaire. De même, un amendement proposant que le financement du revenu de solidarité active (RSA) soit transféré des départements à l'Etat serait irrecevable.

Le transfert de charges peut également prendre la forme moins visible d'un transfert de structure coûteuse , c'est-à-dire de la création d'une telle structure « compensée » par la suppression d'une autre structure coûteuse, dont les missions seraient identiques. Ainsi ai-je opposé l'article 40 à un amendement proposant de supprimer un établissement public foncier d'Etat et créant un établissement public foncier local, doté des mêmes missions.

2. Les transferts de charges entre collectivités territoriales

Ces règles trouvent également à s'appliquer aux transferts de charges entre catégories de collectivités territoriales .

En effet, il n'existe pas de « bloc local » , au sein duquel tous les transferts seraient permis, même par exemple entre un département et une région.

Cette règle, qui a été souvent critiquée et à mon sens à juste titre, par les parlementaires, trouve son fondement dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Dans une décision de 1976 166 ( * ) , celui-ci indique que la ressource destinée à compenser la diminution d'une ressource publique doit, en particulier, « bénéficie[r] aux mêmes collectivités [...] que [celles] au profit [desquelles] est perçue la ressource qui fait l'objet d'une diminution ». Si la compensation ne peut se faire au niveau des collectivités dans leur ensemble, c'est bien que l'article 40 doit s'apprécier à un niveau inférieur.

En revanche, la jurisprudence de la commission des finances considère que la charge - ou la perte de recettes - n'a pas à être appréciée collectivité par collectivité, ce qui serait dans les faits souvent impossible, mais par catégories de collectivités : régions, départements et communes . Ce raisonnement par niveau se justifie notamment par le fait que les collectivités de même catégorie bénéficient des mêmes recettes et des mêmes charges et sont donc affectées, d'un point de vue juridique, de façon similaire.

Dès lors, en application de cette jurisprudence particulièrement favorable à l'initiative parlementaire, les transferts de charge ne sont irrecevables au regard de l'article 40 que s'ils interviennent entre des collectivités appartenant à des catégories différentes et non au sein d'une même catégorie de collectivités.

Concernant les structures de coopération locale - qu'il s'agisse des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), des syndicats de communes, des syndicats interdépartementaux ou des syndicats mixtes - elles s'analysent comme des démembrements des collectivités qui en sont membres. La commission des finances estime donc que ces structures relèvent du niveau de collectivités qui les composent. Il en découle l'existence d'un « bloc régional », d'un « bloc départemental » et d'un « bloc communal », regroupant communes et EPCI, au sein desquels les transferts de charges sont admis. À l'inverse, lorsqu'un syndicat mixte regroupe des collectivités de niveau différent, les transferts de charges entre un tel syndicat et ses membres sont irrecevables.

Ainsi, un amendement prévoyant des transferts de personnel entre une commune et son EPCI est recevable, tandis qu'un transfert de personnel d'un EPCI vers un département sera irrecevable.


* 164 Cf. page 39 .

* 165 Cf. décision du Conseil constitutionnel n° 60-11 DC du 20 janvier 1961 .

* 166 Cf. décision du Conseil constitutionnel n° 76-64 DC du 2 juin 1976 .

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