III. L'ÉTENDUE ET LES FONDEMENTS DU CONTRÔLE DE LA RECEVABILITÉ FINANCIÈRE

A. LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DE LA CONSTITUTION

1. A quels textes s'applique l'examen de la recevabilité financière ?

L'examen de la recevabilité financière des initiatives parlementaires s'applique à la plupart des textes soumis au Sénat. Il existe néanmoins des exceptions, que justifient soit le niveau du texte examiné soit son caractère non normatif.

a) Les textes entrant dans le cadre général du contrôle de recevabilité

L'élaboration de la loi constitue, bien entendu, le coeur du champ d'application de l'examen de la recevabilité financière.

Cela vaut :

- pour l'ensemble des lois « ordinaires » ;

- pour les lois organiques , l'article 40 de la Constitution étant supérieur aux dispositions débattues dans le cadre d'un texte de niveau organique au titre de la hiérarchie des normes ;

- mais aussi pour les lois d'habilitation examinées par le Parlement en vertu de l'article 38 de la Constitution. Cette question pouvait se poser en théorie puisque ces lois autorisent le Gouvernement à prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. La mesure coûteuse doit donc, in fine , être prise par le Gouvernement, sur les initiatives duquel ne pèse pas l'examen de recevabilité. Le Conseil constitutionnel a répondu à cette interrogation de manière claire dans sa décision du 5 janvier 1982 43 ( * ) , en donnant raison à la censure de trois amendements prononcée par la commission des finances de l'Assemblée nationale. Le Conseil a alors considéré que « les mesures proposées par les amendements auxquels a été opposée l'irrecevabilité [...] étaient toutes génératrices de dépenses » et qu'elles « constituaient ainsi une autorisation, indirecte mais certaine, de créer ou d'aggraver la charge publique ».

L'examen de recevabilité vaut également pour les projets de lois de financement de la sécurité sociale et pour les projets de lois de finances . Le contrôle est même particulièrement rigoureux sur ces derniers puisqu'ils sont, en outre, le champ privilégié de l'examen de la recevabilité des amendements sénatoriaux au regard de la LOLF 44 ( * ) , détaillé en troisième partie de ce rapport.

b) Les exceptions au contrôle de recevabilité
(1) Les lois constitutionnelles

En raison de la nature de la norme, le contrôle de recevabilité financière ne s'applique pas aux projets ou aux propositions de lois visant à modifier la Constitution .

Cela supposerait, en effet, de donner une prééminence qui n'a pas lieu d'être à l'article 40 par rapport aux autres dispositions de la Constitution.

(2) Les résolutions

Les propositions de résolutions ne sont pas non plus examinées pour ce qui concerne leur recevabilité financière .

Le Conseil constitutionnel s'est exprimé sur cette question dès sa décision du 24 juin 1959 45 ( * ) , considérant que l'article 40 ne vise « que les propositions de loi, qui sont les seules dont l'adoption puisse avoir pour conséquence une diminution des ressources publiques, une création ou une aggravation d'une charge publique ». Ce faisant, le Conseil a tranché un vif débat qui opposait alors le gouvernement de Michel Debré à certains parlementaires, dont nos anciens collègues Jacques Duclos et Pierre Marcilhacy 46 ( * ) .

Cette décision visait les seules résolutions qu'il était alors possible d'adopter, à savoir :

- les propositions de résolution tendant à modifier le règlement des assemblées ;

- les propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête ;

- et les propositions de résolution tendant à la suspension de la détention ou des poursuites d'un parlementaire.

Il est vrai que, depuis lors, le champ des résolutions s'est étendu sous l'effet des articles 34-1 et 88-4 de la Constitution. Pour autant, le raisonnement employé par le Conseil en 1959 s'applique à ces deux catégories de textes en raison de leur caractère non normatif.

En effet, l'article 88-4 permet l'adoption par les assemblées de résolutions européennes portant sur les « projets d'actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne ». Il s'agit de donner ainsi à l'Assemblée nationale et au Sénat le moyen de faire connaître leur position sur ces textes mais non de leur donner la faculté de modifier le droit.

De même, l'article 34-1 autorise les assemblées à voter des résolutions de caractère général, sans pouvoir mettre en cause la responsabilité du Gouvernement. Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle de 2008, à l'origine de l'insertion de cet article, ce dispositif vise à leur offrir la possibilité « à l'instar de la grande majorité des Parlements étrangers, d'adopter, en tout domaine, des résolutions n'ayant pas de valeur contraignante, mais marquant l'expression d'un souhait ou d'une préoccupation » afin que « déchargée de cette fonction tribunitienne, la loi [puisse] retrouver son caractère normatif » 47 ( * ) .

Dès lors, l'adoption de tels textes ne saurait avoir pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique, ce qui exclut l'application de l'article 40 de la Constitution.

(3) Les motions

Les motions ne sont pas davantage examinées au regard de leur recevabilité financière .

Cela tient à la nature de ces textes (ni propositions, ni amendements), à leur objet (motions de procédure, motions déposées lors d'un débat sur la politique générale du Gouvernement, motions référendaires sur un texte législatif ou sur l'organisation d'une collectivité territoriale située outre-mer, modalités d'approbation de l'élargissement de l'Union européenne, opposition à une modification des règles d'adoption d'actes de l'Union européenne) et tout simplement au fait que le Règlement du Sénat, approuvé par le Conseil constitutionnel, ne prévoit pas un tel examen.

c) Le cas particulier des lois de programmation et de leurs annexes

Les lois de programmation qui, aux termes de l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution « déterminent les objectifs de l'action de l'Etat », méritent une analyse particulière en raison de leur caractère hybride, d'autant que la pratique du Sénat diverge un peu sur ce point de celle de l'Assemblée nationale.

D'un côté, ces textes sont susceptibles de contenir des dispositions normatives de valeur législative . Dès lors, l'ensemble des initiatives parlementaires se rapportant à de telles dispositions font l'objet du contrôle de recevabilité comme pour n'importe quel type de loi.

D'un autre côté, ces mêmes textes contiennent, par définition, une partie ou des articles fixant des orientations politiques et, éventuellement, une programmation de moyens financiers. Le plus souvent, ces dispositions figurent dans un rapport annexé qu'approuve l'un des articles de la loi. Je considère désormais que suffisamment d'éléments plaident pour que les amendements portant sur cette partie de la loi, y compris à sa partie chiffrée, bénéficient d'une présomption de recevabilité .

A cet égard, on peut se reporter aux propos de mon prédécesseur Marcel Pellenc, alors rapporteur général de la commission des finances, qui avait malicieusement fait observer à ses collègues lors de l'examen par le Sénat de la première loi de programme de la V e République 48 ( * ) que « ces projets, s'ils nous fournissent l'occasion d'engager le dialogue avec le Gouvernement, de présenter à la tribune quelques remarques que nous croyons justifiées, n'engageront pas beaucoup ceux d'entre vous qui les voteront. Leur responsabilité ne sera pas très grande ; en effet, du vote de ces textes ne résulte aucune décision [ni] aucun engagement d'ordre juridique. Il ne s'agit pas, comme nous en avions autrefois l'habitude lorsque nous examinions des lois de programme, d'ouvrir des crédits permettant de lancer des commandes et de prendre des engagements. Il s'agit simplement pour nous de donner notre approbation à l'intention qu'a le Gouvernement d'inscrire au moins, et sauf difficultés imprévues [...] les crédits envisagés dans ces lois-programmes, au cours de l'examen budgétaire des prochaines années », y discernant, en conclusion, une « déclaration d'intention commune ou partagée ». Il n'a alors été démenti ni par le Premier ministre, Michel Debré, qui a évoqué un « engagement moral » ni par le ministre de la santé publique et de la population, Bernard Chenot.

Depuis lors, le Conseil constitutionnel a reconnu que les dispositions d'une telle loi définissant les objectifs de l'Etat - y compris la programmation des crédits et des emplois - ne sont « pas revêtues de la portée normative qui s'attache à la loi », que celles-ci soient contenues dans une annexe dédiée 49 ( * ) ou qu'elles figurent dans le corps même de la loi 50 ( * ) . Enfin, le Conseil a sobrement conclu dans le même sens 51 ( * ) pour ce qui concerne les « lois de programmation » précitées qui, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, se sont substituées notamment aux lois de programme et aux lois d'orientation.

Il ressort donc de ce qui précède que, de même que pour les résolutions de l'article 34-1 de la Constitution, le Parlement n'agit pas dans le cadre de sa fonction de producteur de normes en votant ces parties des lois de programmation mais dans le cadre de sa fonction tribunitienne, que le juge de la recevabilité financière n'a pas à brider. En d'autres termes, l'adoption de tels amendements n'entraînant par elle-même ni une diminution de ressources publiques ni une création ou une aggravation d'une charge publique, ces amendements ne sauraient être irrecevables. En l'espèce, si l'intention des auteurs est coûteuse, l'effet de leurs amendements ne l'est pas - ce qu'illustre au demeurant assez bien la comparaison entre la trajectoire définie par de nombreuses lois de programmation et l'évolution réelle des crédits de la mission concernée.

La présomption de recevabilité découle donc de la présomption de non-normativité de ces parties de lois de programmation. Il en ressort :

- d'une part, que si, par erreur, un amendement proposait d'introduire des dispositions manifestement normatives dans la partie « programmation » de ces textes, il pourrait être déclaré irrecevable ;

- d'autre part, que des dispositions similaires qu'un sénateur entendrait introduire dans une loi « ordinaire » , au sein de laquelle prévaut une présomption de normativité, pourraient être déclarées irrecevables .

De plus, ces parties des lois de programmation ne peuvent évidemment pas constituer la base du « droit existant » à partir de laquelle sera jugée la conformité des amendements à d'autres textes, en particulier aux lois de finances qui sont, elles, tout à fait normatives.

Une telle approche me semble respecter à la fois le droit d'amendement des parlementaires et la logique développée par le Conseil constitutionnel - plus précisément son regard sur les lois de programmation ainsi que sa décision précitée du 24 juin 1959 52 ( * ) limitant l'application de l'article 40 aux seuls textes normatifs. De tels amendements aux annexes (ou à la partie « objectifs ») de lois de programmation constituent, en quelque sorte, une « soupape » 53 ( * ) face à la règle sourcilleuse du contrôle de la recevabilité financière des initiatives parlementaires.

C'est pourquoi j'ai, par exemple, admis lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 :

- un amendement au rapport annexé affirmant vouloir garantir que si les exportations ne permettent pas de réduire la cadence de livraison de Rafale à nos forces armées, le surcoût justifiera que la mission « Défense » bénéficie de crédits supplémentaires par rapport à la programmation » ;

- des amendements tendant à augmenter les crédits inscrits dans l'article de programmation des moyens financiers - toutes choses qui auraient évidemment été inconcevables dans le cadre du projet de loi de finances ou dans tout texte à portée normative réelle.

Autrement dit, les « voeux pieux » ne coûtent rien et, dès lors, ne peuvent être financièrement irrecevables ! Quant aux illusions que peuvent créer de telles pratiques, elles s'apparentent à celles qu'engendrent dans notre pays tant de promesses politiciennes et insolvables...

Les lois de programmation des finances publiques,
type particulier de lois de programmation

Les lois de programmation des finances publiques constituent une catégorie particulière de lois de programmation :

- en ce qu'elles sont régies par un alinéa particulier de l'article 34 de la Constitution, en vertu duquel elles définissent les orientations pluriannuelles des finances publiques et s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ;

- en ce qu'une loi organique 54 ( * ) particulière leur est consacrée ;

- et en ce qu'elles permettent d'assurer le respect par la France du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l'Union économique et monétaire, signé le 2 mars 2012, à Bruxelles.

Dans une certaine mesure, la même approche générale que celle des autres lois de programmation prévaut : un contrôle de recevabilité « normal » doit s'appliquer aux dispositions normatives de tels textes, mais pas aux objectifs et trajectoires qu'ils définissent. En effet, comme l'a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 décembre 2012 55 ( * ) , les orientations pluriannuelles définies par la loi de programmation des finances publiques « n'ont pas pour effet de porter atteinte à la liberté d'appréciation et d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation [ni] de porter atteinte aux prérogatives du Parlement lors de l'examen et du vote des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale ou de tout autre projet ou proposition de loi ».

Néanmoins, dans ce cas particulier, le texte est encadré par les dispositions de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques dont la commission des finances doit assurer le respect, notamment en matière de contenu de ces lois de programmation 56 ( * ) .

d) La règle de l'unité de vote

Une fois qu'il est acquis que la nature du texte examiné par le Sénat justifie le contrôle de recevabilité, toutes les initiatives parlementaires n'en relèvent pas pour autant.

Ainsi, les amendements dont l'adoption aurait un effet identique (ou moindre) à celui d'une décision du Sénat non soumise à ce contrôle sont, par définition, recevables .

Cela concerne en premier lieu le vote du texte soumis à l'examen du Sénat et, en second lieu, à l'intérieur d'un texte, les amendements de suppression d'article .

En effet, les articles constituant l'unité de vote ordinaire du texte, il est, dans le cours normal de la discussion, demandé au Sénat de se prononcer sur chacun d'entre eux. Dans ce cadre, il est évidemment loisible au Sénat de les rejeter. Dès lors, il serait tout à fait illogique de ne pas admettre la recevabilité d'un amendement visant à supprimer un article, quelles que soient les conséquences financières induites par son adoption. Au demeurant, la suppression d'un article a presque toujours pour effet le maintien du droit existant qui, comme cela sera développé ci-après, constitue l'une des références à partir desquelles est appréciée la recevabilité.

En revanche, les amendements qui suppriment une partie seulement d'une unité de vote , par exemple un paragraphe, un alinéa ou une phrase au sein d'un article, ne sont pas nécessairement recevables . Certes, le résultat souhaité pourrait parfois être obtenu au moyen d'un vote par division, mais il ne s'agit pas d'une procédure classique et la commission des finances n'est, de toute façon, pas qualifiée pour juger si l'amendement vise une division de droit au sens du neuvième alinéa de l'article 42 du Règlement du Sénat.

2. Les personnes entrant dans le champ de l'article 40
a) Une définition volontairement large des administrations publiques dans le champ de l'article 40

Les rédacteurs du texte constitutionnel ont très tôt identifié que, pour être effectif, l'encadrement des pouvoirs du Parlement en matière financière ne devait pas se limiter aux ressources et aux charges de l'Etat, mais devait s'étendre à l'ensemble des ressources et des charges du secteur public .

Ainsi, alors que l'article 7 du premier avant-projet de Constitution préparé à la mi-juin 1958 par le groupe de travail mis en place par le Gouvernement se limitait à une « diminution des ressources ou une aggravation des charges de l'Etat », l'article 35 de l'avant-projet gouvernemental présenté au Comité consultatif constitutionnel interdisait déjà, plus largement, les initiatives ayant pour conséquence « soit une diminution des ressources, soit une aggravation des charges publiques ».

L'acception extensive des ressources et des charges est confirmée par le renvoi, fait par le commissaire du Gouvernement Gilbert Deveaux devant la commission constitutionnelle du Conseil d'Etat, à la définition des charges et des ressources donnée par l'article 10 du décret-loi organique du 19 juin 1956 , qui comprenait celles des comptes spéciaux du Trésor mais aussi celles « des départements, des communes ou des divers régimes d'assistance et de sécurité sociale ».

Cette conception a été entérinée dès les premières décisions du Conseil constitutionnel sur l'article 40 57 ( * ) . Par la suite, ce dernier l'a étayée d'un fondement théorique en soulignant, dans sa décision du 23 juillet 1975 58 ( * ) , que l'objectif de l'article 40 est d'éviter que soit votée une initiative « sans qu'il soit tenu compte des conséquences qui pourraient en résulter pour la situation d'ensemble des finances publiques ».

b) Les administrations publiques au sens de la comptabilité nationale : le coeur de l'article 40

Au regard de la volonté du constituant et de l'interprétation qui en a été donnée par le Conseil constitutionnel, il apparaît que le champ de l'article 40 recouvre, a minima , celui des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale , dont les règles sont définies par le système européen des comptes nationaux et régionaux (SEC 95) 59 ( * ) .

Elles sont définies comme « l'ensemble des unités institutionnelles dont la fonction principale est de produire des services non marchands ou d'effectuer des opérations de redistribution du revenu et des richesses nationales » 60 ( * ) . Le principal critère de définition des administrations publiques au sens du SEC 95 est qu'elles « tirent la majeure partie de leurs ressources de contributions obligatoires » 61 ( * ) .

En pratique, les administrations publiques ainsi définies recouvrent principalement trois sous-secteurs , qui forment le « coeur » de l'article 40 : les administrations publiques centrales (APUC), les administrations publiques locales (APUL) et les administrations de sécurité sociale (ASSO).

(1) L'Etat et ses opérateurs

Sont évidemment dans le champ de la recevabilité financière l'Etat et ses démembrements . Cela comprend tout d'abord l'ensemble des administrations centrales et déconcentrées , ainsi que les autorités administratives indépendantes (AAI) , qui forment une seule et même personne publique au sein de l'Etat.

Sont également concernés les différents pouvoirs publics (assemblées parlementaires, Conseil constitutionnel, etc.) ainsi que le Défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépendante.

Par ailleurs, les différents organismes divers d'administration centrale (ODAC) sont dans le champ de l'article 40 au même titre que l'Etat dont ils constituent un démembrement.

Il s'agit, en premier lieu, de l'ensemble des opérateurs de l'Etat au sens de la LOLF , qui respectent trois critères : une activité de service public , un financement assuré majoritairement par l'Etat et un contrôle direct par l'Etat . Ces opérateurs, au nombre de 550 en 2014 62 ( * ) , prennent notamment la forme d'établissements publics administratifs (EPA) ou industriels et commerciaux (EPIC). Il s'agit, par exemple, des opérateurs du domaine éducatif et universitaire (universités, grandes écoles, Centre national des oeuvres universitaires et scolaires, etc.), scientifique (Centre national de la recherche scientifique, Centre national de l'espace, Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, etc.), agricole (Office national des forêts, FranceAgriMer, etc.), sanitaire (Agences régionales de santé, Agence nationale de sécurité du médicament, Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, etc.), environnemental (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, Agence de financement des infrastructures de transport de France, etc.), économique (Agence de services et de paiement, Ubifrance, etc. ), culturel (Centre national du cinéma et de l'image animée, Centre des monuments nationaux, etc.), sportif (Centre national pour le développement du sport, Institut national du sport, de l'expertise et de la performance, etc.) ou encore du logement (Agence nationale pour la rénovation urbaine, Agence nationale de l'habitat, etc.).

De la même manière, les autorités publiques indépendantes (API) , qui, contrairement aux AAI, disposent de la personnalité morale, mais sont financées essentiellement par des subventions de l'Etat ou par des ressources affectées, sont dans le champ de la recevabilité financière (Autorité des marchés financiers, Agence française de lutte contre le dopage, Conseil supérieur de l'audiovisuel depuis 2013 63 ( * ) , etc.).

Enfin, les fonds publics comme le fonds national des solidarités actives ou le fonds national d'aide au logement, qui bénéficient l'un et l'autre de ressources propres ainsi que d'une subvention d'équilibre de l'Etat portée par le budget général, sont également dans le champ de l'article 40.

(2) Les collectivités territoriales et leurs groupements et démembrements

Les collectivités territoriales régies par le titre XII de la Constitution (région, département, commune, collectivités à statut particulier et collectivités d'outre-mer) ainsi que la Nouvelle Calédonie et ses subdivisions, qui relèvent de son titre XIII, sont depuis l'origine dans le champ de l'article 40.

Par extension, les structures de coopération locale , qu'il s'agisse des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), des syndicats de communes ou de départements, ou encore des syndicats mixtes, s'analysent comme des démembrements des collectivités qui en sont membres et sont, par conséquent, dans le périmètre de l'article 40.

Par ailleurs, l'article 40 s'applique également aux organismes divers d'administration locale (ODAL) , tels que :

- les établissements publics locaux non marchands , à l'instar des crèches, des centres communaux ou intercommunaux d'action sociale, des établissements publics locaux d'enseignement, des services départementaux d'incendie et de secours, etc. ;

- les établissements publics nationaux sous responsabilité locale , en particulier les agences de l'eau.

Par ailleurs, certains organismes locaux, qui ne font pas partie de la catégorie des ODAL, sont dans le champ de l'article 40. Il s'agit notamment de certains EPIC locaux en raison de la structure de leur financement , comme les établissements publics fonciers (EPF) , ou encore certaines régies autonomes, comme les services publics d'assainissement non collectif (SPANC) .

(3) Les administrations de sécurité sociale

L'ensemble des administrations de sécurité sociale (ASSO) figure dans le champ de l'article 40 .

Tout d'abord, les caisses et organismes situés dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale entrent dans le périmètre de la recevabilité financière . Il s'agit des quatre branches du régime général et des autres régimes obligatoires de base , dont les régimes alignés (régime des salariés agricoles et régime social des indépendants) et les régimes spéciaux subventionnés par l'Etat (SNCF, RATP, marins, etc.). De même, les caisses, les fonds ou les divers organismes qui financent ces régimes ou qui en gèrent la dette ou les réserves sont dans le champ de l'article 40. Sont notamment concernés la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), le fonds de solidarité vieillesse (FSV), le fonds de réserve des retraites (FRR), la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), etc.

Par extension, les différents organismes du secteur sanitaire et social, principalement financés par les régimes de sécurité sociale, entrent dans le périmètre de l'article 40. Il s'agit notamment des hôpitaux publics (centres hospitaliers de divers statuts), mais aussi des établissements privés de santé d'intérêt collectif (ESPIC, anciennement secteur participant au service public hospitalier - PSPH).

Malgré sa gestion paritaire par les partenaires sociaux, l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) entre également dans le périmètre de l'article 40, non seulement en raison de son financement par des cotisations sociales obligatoires, mais aussi du fait de la garantie financière explicite de l'Etat en cas de difficultés financières. L'UNEDIC est d'ailleurs dans le champ des ASSO au sens de la comptabilité nationale.

De même, je considère que les régimes complémentaires obligatoires de retraite (AGIRC, ARRCO, IRCANTEC etc.) - qui font partie des ASSO - doivent être inclus dans le champ de l'article 40, dès lors que leurs éventuels déficits et dettes sont pris en compte dans le calcul du solde des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale.

En revanche, les régimes complémentaires facultatifs (par exemple les complémentaires « santé » et les régimes de retraite supplémentaire d'entreprise) ne relèvent pas de l'article 40 de la Constitution , dès lors qu'ils n'entrent pas dans le champ des ASSO.

Une présentation détaillée des administrations de sécurité sociale concernées par l'application de l'article 40 figure en annexe 64 ( * ) .

c) Les frontières de l'article 40 : une interprétation inspirée du régime des aides d'Etat

Si l'inscription dans le champ de l'article 40 de l'Etat, des collectivités territoriales, des organismes de sécurité sociale et de leurs opérateurs respectifs ne fait guère de doute, la question est plus délicate pour un ensemble d'entités très diverses, à la frontière du public et du privé, établissements publics industriels et commerciaux, entreprises publiques, agences ou fondations .

En principe, les entreprises publiques, établissements publics industriels et commerciaux, ou associations, ne sont pas dans le champ de l'article 40 dès lors qu'ils réalisent des activités de nature privée .

Cependant, ils peuvent intégrer le champ de l'article 40 lorsqu'ils effectuent des missions de service public financées par des ressources publiques .

Pour déterminer le champ d'application de ce principe, il est fait appel à un faisceau d'indices qui ont principalement trait à la nature des missions exercées , au contrôle ou à la tutelle par une personne publique et, enfin, à la qualification des ressources utilisées .

A cet égard, il est possible d'observer un cheminement proche du droit de l'Union européenne. Ainsi, seront en principe dans le champ de l'article 40 les organismes dont le financement repose majoritairement sur une intervention de l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) relatif à l'interdiction des aides d'Etat 65 ( * ) . Pour apprécier le caractère public d'une ressource, le juge européen se fonde notamment sur le contrôle exercé par l'Etat sur la ressource utilisée, le statut de l'organe assurant la gestion de cette ressource et la nature de la ressource.

Au regard de l'ensemble de ces critères, trois catégories de personnes peuvent être distinguées : celles qui appartiennent intégralement au champ de l'article 40 ; celles qui en ressortissent uniquement pour certaines de leurs activités correspondant à des missions d'intérêt général financées par des ressources publiques ; et celles qui ne relèvent pas de l'article 40.

(1) Les personnes qui relèvent de l'article 40
(a) En raison de la nature de leur mission

En raison de la nature de leurs missions, les institutions financières à statut spécial , même si elles ne sont pas essentiellement financées par l'Etat, sont dans le champ de l'article 40. Cette catégorie recouvre :

- la Banque de France , ainsi que l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui lui est adossée ;

- l' Agence Française de Développement (AFD) ;

- la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ; j'ai ainsi déclaré irrecevable un amendement au projet de loi portant création de la Banque publique d'investissement et visant à confier à la Caisse la gestion d'un nouveau fonds d'épargne.

En revanche, les filiales de la CDC ayant une activité de nature privée et concurrentielle sont hors du champ de l'article 40 . C'est le cas, par exemple, de CNP Assurances, de la Compagnie des Alpes ou de Transdev.

De même, la Banque publique d'investissement, créée par la loi du 31 décembre 2012 66 ( * ) sous la forme d'une société anonyme, codétenue par l'Etat et la Caisse des dépôts, est en dehors du champ de l'article 40 pour ses activités, essentiellement bancaires, de nature privée et concurrentielle. Cependant, elle accomplit également des missions de service public subventionnées, telles que l'accompagnement des projets d'innovation technologique et industrielle 67 ( * ) et la gestion des fonds de garantie permettant de répondre aux défaillances de marché 68 ( * ) . Des initiatives parlementaires visant à confier à la Banque publique d'investissement d'autres missions d'intérêt général non concurrentielles, dont le financement serait directement ou indirectement assuré par une personne publique, en particulier l'un de ses deux actionnaires, seraient irrecevables (cf. infra ).

(b) En raison de leur financement

Certaines entreprises publiques sont majoritairement financées par des ressources publiques et entrent, de ce fait, dans le champ de l'article 40 : c'est le cas, notamment, de l'audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, Arte France, Institution national de l'audiovisuel et Audiovisuel extérieur de la France), principalement financé par le produit de la contribution à l'audiovisuel public.

De même, les EPIC principalement financés par une subvention de l'Etat sont dans le champ de l'article 40 , qu'il s'agisse de Réseau ferré de France (RFF) ou des ports maritimes ou autonomes . Ainsi, mon prédécesseur Jean Arthuis a déclaré irrecevable un amendement visant à confier à RFF la gestion du personnel de la SNCF affecté à la gestion de la circulation ferroviaire.

Les établissements sociaux et médico-sociaux sont également dans le champ de l'article 40 dès lors qu'ils sont majoritairement financés par une ressource publique (assurance-maladie ou subvention de l'Etat). Il s'agit notamment des établissements et services d'aide par le travail pour personnes handicapées (ESAT), des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou encore des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).

(c) En raison d'une garantie durable de l'Etat

Certaines entités, bien que de nature privée, entrent dans le périmètre de l'article 40 en raison de la garantie de l'Etat dont ils bénéficient. C'est le cas, notamment, de la caisse centrale de réassurance (CCR) , société anonyme détenue par l'Etat ; ainsi, mon prédécesseur a déclaré irrecevable un amendement habilitant la CCR à assurer des risques de dommages liés à des attentats survenus à l'étranger.

Cependant, ce critère ne joue que si la garantie traduit un adossement durable à la sphère publique, et non lorsqu'elle bénéficie à un secteur économique auquel on cherche à apporter un soutien temporaire .

Ainsi, par exemple, les acteurs de la filière du bois qui ont bénéficié d'une garantie publique pour l'émission de leurs prêts à la suite de la tempête Klaus de 2009 69 ( * ) ne sont pas, pour cette seule raison, entrés dans le périmètre de l'article 40. De même, les établissements bancaires en difficulté auxquels l'Etat a accordé sa garantie, à l'image de Dexia, du Crédit immobilier de France ou de la Banque PSA Finance, ne sont pas dans le champ de l'article 40.

(2) Les personnes privées qui relèvent de l'article 40 pour certaines de leurs missions : les missions d'intérêt général financées par des ressources publiques

Certaines entreprises dites « publiques », telles que La Poste, la SNCF ou EDF sont, pour l'essentiel de leurs activités, hors du champ de l'article 40 , car il s'agit, en droit, de personnes privées effectuant des activités privées, financées par les recettes commerciales et désormais en grande partie ouvertes à la concurrence.

Cependant, certaines des activités de ces entreprises entrent dans le périmètre de la recevabilité financière dès lors qu'il s'agit de missions de service public qui sont financées par une ressource publique . Cette ressource publique peut prendre plusieurs formes :

• une prise en charge directe sous la forme d'une subvention d'Etat . C'est le cas de La Poste pour les activités de transport et de distribution de la presse ;

• un fonds alimenté par un abattement fiscal . A nouveau, La Poste bénéficie ainsi d'un allègement de fiscalité locale qui alimente le fonds national de péréquation territoriale, finançant la mission d'aménagement du territoire de La Poste ;

• une compensation . Les tarifs sociaux et les lignes déficitaires de la SNCF sont par exemple compensés par l'Etat à travers un compte d'affectation spéciale relatif aux « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » ;

• une garantie de l'Etat . Ainsi, au-delà des seules entreprises publiques, les établissements de crédit relèvent de l'article 40 pour les seuls placements et prêts garantis par l'Etat, en particulier le livret de développement durable ou le livret A ;

• une « taxe » ou une ressource publique affectée . En effet, une pratique tend à se développer consistant à créer de nouveaux « services publics » que l'initiative parlementaire souhaiterait faire reposer sur des opérateurs privés mais qui seraient, en fait, financés par de nouveaux prélèvements obligatoires (« contributions » de consommateurs au travers de leur facture, etc.) qui, généralement, ne transitent pas par le budget de l'Etat stricto sensu . De tels procédés pourraient constituer un contournement majeur de l'article 40 de la Constitution, d'autant que ces nouveaux droits auraient parfois un coût très important pour la collectivité.

Ainsi, j'ai estimé que la contribution pour le service public de l'électricité (CSPE), dont le tarif est arrêté par l'Etat, qui est payée par l'ensemble des consommateurs d'électricité, devait s'analyser comme une ressource d'Etat (cf. encadré infra ). C'est pourquoi j'ai considéré comme irrecevables des amendements identiques déposés par des sénateurs de la quasi-totalité des groupes politiques visant à améliorer le régime d'obligation de rachat de l'électricité en provenance d'installations de cogénération dans le cadre de l'examen d'une loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable. De même, j'ai répondu au président de la commission des affaires économiques, Daniel Raoul, qui m'avait consulté par écrit, qu'il convenait de déclarer irrecevable un amendement à la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre déposé au stade de la commission et qui aurait renchéri le dispositif de rachat d'électricité produite par des éoliennes en mer.

La « jurisprudence CSPE »

Les charges de service public de l'électricité, définies aux articles L. 121-7 et
L. 121-8 du code de l'énergie, sont compensées aux opérateurs qui les supportent (au premier rang desquels EDF) par une contribution au service public de l'électricité (CSPE) régie par les dispositions des articles L. 121-10 à L. 121-25 du même code. La CSPE est acquittée par les consommateurs au prorata de leur consommation au travers de leur facture. Elle transite ensuite par la Caisse des dépôts et consignations, laquelle en répartit le produit entre les opérateurs sur lesquels ont pesé les obligations.

Le régime de la CSPE a évolué depuis la loi de finances pour 2011 afin de prévenir toute carence ministérielle : alors que son montant était auparavant déterminé par arrêté du ministre chargé de l'énergie après avis de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), l'article L. 121-13 du code de l'énergie dispose que désormais, à défaut de prise de l'arrêté, le montant proposé par la CRE entre en vigueur le 1 er janvier de chaque année.

Le rapport d'information du président de la commission des finances de l'Assemblée nationale Jérôme Cahuzac a bien montré l'ambiguïté de la nature de ces charges et de la contribution. Ayant souligné que la CSPE constituait une catégorie à part, au statut juridique indécidable, il ne s'était « pas senti autorisé à attraire dans le champ de la recevabilité financière une telle imposition innommée ».

J'ai, pour ma part, pris le parti inverse, en constatant que :

- les obligations de service public sont précisément définies par l'Etat et correspondent à la mise en oeuvre d'une politique d'Etat ;

- le régime de la CSPE est déterminé par l'Etat et a même été réformé à trois reprises en loi de finances ;

- la CSPE s'applique à tous les consommateurs d'électricité sur la seule base de leur consommation, indépendamment du fait qu'ils participent à telle ou telle politique soutenue par la CSPE (par exemple qu'ils soient ou non acheteurs d'électricité « verte ») ;

- cette ressource passe par une personne qui, pour ne pas être l'Etat, n'en est pas moins publique (et dans le champ de l'article 40), en l'espèce la CDC ;

- la non compensation intégrale des charges d'un opérateur du fait de l'absence d'arrêtés ministériels pendant plusieurs années montre bien que les opérateurs n'évoluent pas dans un système fermé de répartition des charges entre eux mais dans un environnement public garanti, in fine , par l'Etat. Cette garantie implicite a d'ailleurs été formalisée dans un accord conclu entre l'Etat et le Groupe EDF concernant la compensation des déficits accumulés au titre de la CSPE, accord qu'a traduit depuis l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2013.

Ce faisceau d'indices m'a paru suffisant pour caractériser la CSPE comme une ressource publique (à gager en cas de diminution) et les charges de service public de l'électricité comme des charges publiques (que l'initiative parlementaire ne saurait aggraver) .

Depuis lors, la CJUE a dit pour droit que la compensation par la CSPE que perçoivent EDF et les entreprises locales de distribution au titre du surcoût résultant de l'obligation d'achat d'électricité d'origine éolienne à tarif déterminé qui leur incombe « constitue une intervention au moyen de ressources d'Etat » 70 ( * ) au sens de l'article 107, paragraphe 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ce qui ne peut que renforcer la jurisprudence sénatoriale. Pour parvenir à cette conclusion, la Cour a souligné, d'une part, que « les fonds alimentés par des contributions obligatoires imposées par la législation de l'Etat membre, gérés et répartis conformément à cette législation peuvent être considérés comme des ressources d'Etat » et, d'autre part, que les montants des fonds gérés par la Caisse des dépôts et consignations dans ce cadre « doivent être considérés comme demeurant sous contrôle public ».

De la même manière, le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », doit être regardé comme assurant des missions de service public financées par une ressource publique. Il est alimenté par un prélèvement de 12 % sur la prime (elle-même de 12 %) « catastrophes naturelles », acquittée par tous les assurés des contrats d'assurance habitation et automobile. En outre, le fonds peut être alimenté ponctuellement par des avances de l'Etat, ce qui fut le cas, à hauteur de 65 millions d'euros, à la suite de la tempête Xynthia. Enfin, il est géré par la caisse centrale de réassurance, garantie par l'Etat et relevant du champ de l'article 40.

(3) Les personnes qui ne relèvent pas de l'article 40

Sans prétendre à l'exhaustivité, il est utile de préciser que certains organismes ou missions, qui s'apparentent pourtant à un service public, sont hors du champ de l'article 40, car leurs modalités de financement ou de gestion les rattachent au secteur privé.


Les ordres professionnels, les organisations syndicales ou patronales, les groupements de producteurs mais aussi les fédérations sportives ou de chasse ne sont pas dans le champ de l'article 40 car les contributions volontaires obligatoires (CVO) qui les financent ne sont pas considérées comme des ressources publiques . Bien qu'obligatoires, ces dernières reposent en effet sur un principe d'adhésion, souvent volontaire, à un organisme. Cette analyse est d'ailleurs corroborée par le Conseil constitutionnel, qui a estimé dans sa décision 2011-221 QPC du 17 février 2012 qu'il ne s'agit pas d'impositions de toutes natures dans la mesure où elles sont perçues par des organismes de droit privé, qu'elles tendent au financement d'activités menées en faveur de leurs membres et dans le cadre défini par le législateur par les organisations professionnelles et qu'elles sont acquittées par les membres de ces organisations. De même le juge européen ne qualifie pas de « ressource d'Etat » les ressources qui sont en permanence gérées et contrôlées par des entités privées dans le cadre d'un système « fermé » 71 ( * ) . En conséquence, j'ai déclaré recevable un amendement visant à permettre aux fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs d'indemniser les exploitants agricoles en cas de dégâts causés par des sangliers ou toute espèce soumise à plan de chasse.


• Les organismes de la formation professionnelle elle-même , financés par une contribution des employeurs versée à des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) et au fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), ne sont pas dans le champ de l'article 40 car ils sont financés par une contribution sectorielle des employeurs qui n'assurent pas eux-mêmes des actions de formation ; en outre, le dispositif est géré de façon paritaire sans contrôle de l'Etat.


• Les organismes d'habitation à loyer modéré (HLM), chargés du logement locatif social , ne sont pas dans le champ de l'article 40, quel que soit leur statut (office public de l'habitat, entreprise sociale pour l'habitat, société coopérative ou société de crédit immobilier) car, même s'ils bénéficient d'aides publiques complémentaires, ils sont essentiellement financés par leurs ressources propres tirées de la location . Ainsi, j'ai considéré qu'était recevable un amendement déposé sur le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, et visant à permettre aux organismes HLM de réaliser et d'acquérir des logements destinés à des personnes au-delà des plafonds de ressources déterminés par le droit existant.


• Les associations et fondations , personnes privées, sont hors du champ de l'article 40 même lorsqu'elles effectuent des missions d'intérêt général éventuellement reconnues par la loi, à moins que leurs ressources ne soient essentiellement publiques.


* 43 Cf. décision du Conseil constitutionnel n° 81-134 DC du 5 janvier 1982 .

* 44 S'agissant des autres textes législatifs, le contrôle concerne principalement le respect du domaine exclusif des lois de finances défini par la LOLF. Par ailleurs, l'article 45 du Règlement du Sénat confie à la commission des affaires sociales la mission d'examiner la recevabilité des amendements déposés au regard de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

* 45 Cf. décision du Conseil constitutionnel n° 59-2 DC du 24 juin 1959 .

* 46 Cf., en particulier, compte rendu intégral de la séance du Sénat du mardi 2 juin 1959,
pages 146 à 150
.

* 47 Cf. projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la V e République, n° 820 (XIII e législature), enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 avril 2008 .

* 48 Cf. compte rendu intégral de la séance du Sénat du jeudi 4 juin 1959, page 174 .

* 49 Cf. décision du Conseil constitutionnel n° 2005-512 DC du 21 avril 2005 .

* 50 Cf. décision du Conseil constitutionnel n° 2005-516 DC du 7 juillet 2005 .

* 51 Cf. décision du Conseil constitutionnel n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 .

* 52 Cf. décision du Conseil constitutionnel n° 59-2 DC du 24 juin 1959 , op. cit .

* 53 Cf. Jean-Pierre Camby, « La loi et la norme », Revue du droit public et de la science politique en France et à l'Etranger , n° 4, 2005 : « Cette catégorie législative pourra fonctionner comme une sorte de soupape au regard d'une jurisprudence sur l'absence de normativité de la loi « ordinaire » : si le législateur veut incorporer à son travail un débat sur des orientations, des objectifs ou des affirmations dénuées de normativité, il pourra continuer de le faire par le biais de lois de programme, dont les annexes, pour être dépourvues de tout caractère normatif, n'en revêtiront pas moins la part d'engagement politique, de définition d'objectifs, d'affirmation et de symbole que remplissent les normes floues. Mais la loi « ordinaire » ne saurait désormais mêler de tels neutrons à des dispositions impératives ».

* 54 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques .

* 55 Cf. décision du Conseil constitutionnel n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012 .

* 56 Même si le Règlement du Sénat n'a pas encore été modifié en conséquence depuis décembre 2012, il y a là un parallélisme évident avec la LOLF, dont le respect est assuré dans les mêmes conditions que celui de l'article 40 de la Constitution, en vertu de l'alinéa 2 de l'article 45 du Règlement.

* 57 La décision du Conseil constitutionnel n° 60-11 DC du 20 janvier 1961 dispose notamment que « l'expression "charge publique" doit être entendue comme englobant, outre les charges de l'Etat, toutes celles antérieurement visées par l'article 10 du décret du 19 juin 1956 sur le mode de présentation du budget de l'Etat et, en particulier, celles des divers régimes d'assistance et de Sécurité sociale » .

* 58 Cf. décision du Conseil constitutionnel n° 75-57 DC du 23 juillet 1975 , op. cit .

* 59 Ces règles sont également utilisées pour appliquer les normes maastrichiennes en matière de dette et déficit publics.

* 60 Traduction, par l'INSEE, de la définition générale du secteur public énoncée par le Manual on Government Deficit and Debt établi par Eurostat.

* 61 En pratique, pour déterminer si une unité est marchande ou publique, le système européen des comptes recommande aux instituts statistiques nationaux, dont l'INSEE, de vérifier si les coûts de production sont à plus de 50 % financés par les revenus de l'activité. Il convient de noter que ce critère s'apprécie sur plusieurs années, de façon à neutraliser d'éventuelles années exceptionnelles ou atypiques.

* 62 Cf. annexe « Opérateurs de l'Etat » au projet de loi de finances pour 2014 .

* 63 Cf. loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public .

* 64 Cf. annexe 2 « La recevabilité financière des initiatives ayant trait aux administrations de sécurité sociale », page 145 .

* 65 Le paragraphe 1 de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que « sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».

* 66 Loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d'investissement.

* 67 Les crédits correspondant à cette mission de service public sont inscrits dans le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

* 68 Les crédits correspondant à cette mission de service public sont inscrits dans le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Economie ».

* 69 Cf. article 20 de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009 .

* 70 Cf. arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 19 décembre 2013, « Vent de colère ! » (affaire C-262/12).

* 71 Cf. arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 30 mai 2013, « Doux Elevage et Coopérative agricole UKL-AREE » (affaire C-677/11), s'agissant de cotisations obligatoires d'entreprises à des organisations interprofessionnelles.

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