B. LES MODIFICATIONS DES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS

Les compétences sont analysées comme des charges pour les personnes publiques - Etat comme collectivités - auxquelles elles sont attribuées. Dès lors, les règles relatives aux créations et transferts de charges sont applicables aux créations et transferts de compétences.

1. La création de compétences

De manière récurrente, les amendements étendant les compétences des collectivités territoriales sont considérés comme irrecevables car entraînant pour elles des charges supplémentaires.

Est ainsi irrecevable un amendement permettant aux collectivités territoriales, dans leur ensemble, de participer au financement des établissements publics et privés d'enseignement du premier et du second degré pratiquant l'enseignement par immersion des langues régionales, étant entendu que le financement de ces établissements appartient aujourd'hui à des collectivités de niveau différent.

L'existence d'une pratique, si elle est contraire au droit, ne peut justifier la recevabilité d'un amendement : j'ai ainsi déclaré irrecevable un amendement ouvrant la possibilité au conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon de prendre en charge les dépenses de fonctionnement des écoles du premier degré, malgré l'existence d'une pratique allant dans ce sens, dans la mesure où seules les communes ont cette possibilité, en application du code de l'éducation. En élargissant les compétences du conseil territorial, l'amendement aurait créé à son encontre une charge nouvelle.

A l'inverse, j'ai déclaré recevable un amendement prévoyant que les EPCI étaient compétents en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. En effet, considérant que cette compétence n'était attribuée à aucune catégorie de collectivité, que les communes disposent de la compétence générale et que dans les faits les ouvrages étaient entretenus principalement par le bloc communal, j'ai estimé que cet amendement ne constituait pas la création d'une compétence.

2. Les transferts de compétences

Par analogie avec les règles évoquées précédemment sur les transferts de charges, les transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales, quel qu'en soit le sens, sont irrecevables .

Ainsi, un amendement redonnant à l'Etat la responsabilité de l'organisation et du fonctionnement des transports scolaires, compétence aujourd'hui exercée par les départements, serait irrecevable. Symétriquement, une proposition de loi prévoyant le transfert aux communes de compétences actuellement dévolues à l'Etat serait irrecevable. J'ai ainsi dû déclarer irrecevable un amendement proposant de transférer la compétence en matière de pouvoirs de police, aujourd'hui exercés par l'Etat, à la commune de Paris.

De même, les transferts de compétences entre collectivités sont irrecevables. Comme on l'a vu précédemment, pour l'application de cette règle, les collectivités sont regroupées par blocs (régional, départemental et communal).

C'est pourquoi j'ai déclaré recevables des amendements prévoyant des transferts de compétences entre une métropole, c'est-à-dire un EPCI, et ses communes membres, quand j'ai dû déclarer irrecevable un amendement prévoyant que les métropoles exercent de plein droit, en lieu et place du département, la compétence de services non urbains réguliers de transports et de transports à la demande.

Les transferts de compétences entre collectivités peuvent parfois être moins visibles, lorsqu'ils interviennent à travers une structure commune ou par la fusion de plusieurs collectivités de différents niveaux.

Ainsi, un amendement prévoyant qu'une région et des départements peuvent intégrer une métropole, c'est-à-dire un EPCI, alors même que le texte ouvre la possibilité de transferts de compétences entre les collectivités membres de la métropole, est irrecevable, car il pourrait aboutir à des transferts de compétences des départements ou régions vers le bloc communal. Il en est de même lorsqu'il s'agit de prévoir des transferts de compétences au sein d'un syndicat mixte, qui réunit des collectivités de niveau différent.

Pour les mêmes raisons, prévoir la fusion entre une métropole et des départements est irrecevable. A l'inverse, proposer la fusion de plusieurs départements est recevable, car les transferts de charges demeurent au sein du même bloc et il n'y a pas de transfert de compétence.

Une évolution est toutefois intervenue lors de la discussion du projet de loi d'affirmation des métropoles, qui prévoyait que la nouvelle métropole de Lyon soit dotée d'un statut hybride, à la fois EPCI et département. Dès lors, afin de respecter dans la mesure du possible l'initiative parlementaire, j'ai déclaré recevables les amendements proposant de lui transférer des compétences communales ou départementales.

Enfin, il est impossible de proposer que tout territoire de la République puisse acquérir le statut de collectivité territoriale à statut particulier pour gérer l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à son échelon, l'objet de cet amendement étant bien de prévoir des transferts de compétences sur le territoire considéré, entre diverses catégories de collectivités. La précision selon laquelle « la création de cette collectivité ne peut avoir pour effet d'alourdir les charges publiques » ne le rend pas recevables, puisqu'elle suggère un raisonnement au niveau des charges publiques dans leur ensemble, quand l'article 40 s'apprécie au niveau de la charge publique, au singulier.

3. Les délégations de compétences

La délégation de compétence se distingue du transfert de compétence dans la mesure où la compétence demeure, juridiquement, à la collectivité délégante. De plus, la collectivité qui reçoit la délégation n'engage pas ses propres deniers, mais agit pour le compte du délégant. Il convient alors de se demander si elle pourra raisonnablement exercer cette charge sans moyens supplémentaires, ce qui revient à apprécier la délégation de compétence comme une « charge de gestion » 167 ( * ) .


* 167 Cf. page 74 .

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