3. Les espaces proches du rivage

La notion d' « espace proche du rivage » n'apparaît, encore aujourd'hui, pas très clairement définie. Beaucoup de communes déplorent l'incertitude qui entoure cette notion, M. Loïc Prieur relevant, quant à lui, que « l'analyse de la jurisprudence récente ne permet guère de déterminer de façon certaine la méthode du juge pour identifier un espace proche du rivage 20 ( * ) » . De fait, l'application par le juge de la méthode du « faisceau d'indices » n'est pas de nature à simplifier leur identification.

Dans ses conclusions sur l'arrêt « Commune de Gassin » du 12 février 1993, le commissaire du Gouvernement indiquait ainsi : « plusieurs critères pourront être combinés : celui de la visibilité appréciée aussi bien depuis le rivage que de l'intérieur des terres, celui de la distance, celui du relief et de la configuration particulière des lieux ».

Outre l'incertitude qu'elle laisse planer, la jurisprudence a retenu pendant longtemps une interprétation extensive de la notion « d'espace proche du rivage ». Ainsi, à titre d'exemple, « la circonstance que des espaces, situés à 1.200 mètres du rivage, en soient séparés par une route et une voie ferrée n'exclut pas la qualification d'espace proche du rivage » 21 ( * ) . Ce n'est que très récemment que le Conseil d'Etat a assoupli cette interprétation en considérant qu'un espace situé à 800 mètres du rivage et séparé de celui-ci par de l'urbanisation, ne pouvait être considéré comme un « espace proche » 22 ( * ) .

Or la caractérisation comme « espace proche » revêt d'autant plus d'importance que le juge administratif a considéré que l'exigence d'une extension limitée de l'urbanisation était applicable, indépendamment du caractère urbanisé ou non de l'espace proche du rivage 23 ( * ) . En d'autres termes, il a étendu aux secteurs déjà urbanisés du territoire communal l'application des contraintes propres aux espaces proches du rivage , alors que la protection de la bande des cent mètres elle-même, ne concerne pas les « espaces urbanisés ». Pourtant, le Conseil d'Etat avait implicitement admis, dans les premiers temps, que cette exception devait s'appliquer également dans les espaces proches du rivage 24 ( * ) . Cette interprétation entraîne des conséquences préjudiciables pour l'aménagement du littoral. Elle peut ainsi nuire à la nécessaire restructuration d'un milieu urbain ancien, à l'aménagement d'une « dent creuse » ou à la réhabilitation de friches industrielles.

Enfin, l'interprétation extensive des espaces proches du rivage peut entraîner de sérieux obstacles au développement des activités agricoles , particulièrement dans certains départements. A titre d'exemple, dans la Manche, qui compte plus de 330 km de côtes , la mise en place de productions animales spécifiques, telles que « l'agneau de pré-salé » peut rendre nécessaire la construction de bergeries en bordure du littoral. En effet, la mise en place d'une « AOC d'agneau de pré-salé » suppose un pâturage effectif des prés-salés, espace du domaine public maritime recouvert lors des grandes marées de manière continue ; il est alors nécessaire que les bergeries soient maintenues, renouvelées ou placées à proximité de ces pré-salés, c'est-à-dire des rivages.

* 20 Loïc Prieur, La loi Littoral, Dossier d'experts, La lettre du cadre territorial.

* 21 Conseil d'Etat, 20 juillet 2000, Fédération pour les espaces naturels et l'environnement catalan.

* 22 Conseil d'Etat, Commune de Guérande, lecture du 3 mai 2004.

* 23 Conseil d'Etat, 27 septembre 1999, Commune de Bidart.

* 24 Conseil d'Etat, 10 mai 1989, association « défense du patrimoine Sétois ».

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