CHAPITRE III

MISE EN CONFORMITÉ À LA SUITE DE DÉCISIONS DE JUSTICE

Article 11
Création d'un mécanisme de régularisation
pour les opérateurs économiques sujets à une exclusion de plein droit
des procédures de passation des marchés publics
et des contrats de concession à la suite d'une infraction pénale

L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Lors de sa réunion, la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale a adopté l'amendement COM-30 de son rapporteur pour avis.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

CHAPITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES À L'ACCESSIBILITÉ DES PRODUITS ET DES SERVICES

Article 12
Habilitation du Gouvernement relative à la transposition
de la directive 2019/882 du 17 avril 2019 relative aux exigences
en matière d'accessibilité applicables aux produits et services

Cet article propose d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d'accessibilité applicables aux produits et services

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

Cet article propose d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d'accessibilité applicables aux produits et services, ainsi que les mesures de coordination et d'adaptation de la législation liées à cette transposition.

A. Le droit existant

En France, l'article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a imposé une obligation d'accessibilité aux services de communication au public en ligne. Ces dispositions ont été complétées, au niveau européen, par la directive (UE) 2016/2102 relative à l'accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public. L'objectif était de rendre plus accessibles les sites internet et les applications mobiles des organismes du secteur public et d'harmoniser les différentes normes au sein de l'Union européenne (UE).

1. Des obligations qui se sont d'abord imposées aux personnes publiques

Dans sa version initiale, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées avait imposé cette obligation d'accessibilité aux services de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent.

La directive (UE) 2016/2102 a étendu cette obligation aux organisations délégataires d'une mission de service public mais également aux organisations chargées d'une mission d'intérêt général. Cette dernière catégorie fait l'objet d'une définition exhaustive, elle vise les personnes morales de droit privé délégataires d'une mission de service public, ainsi que celles créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial et dont :

- soit l'activité est financée majoritairement par une ou plusieurs personnes publiques ;

- soit la gestion est soumise à leur contrôle ;

- soit plus de la moitié des membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance sont désignés par elles.

Elle avait également pour objectif d'harmoniser les normes et ainsi de réduire les obstacles liés à l'accessibilité pour les développeurs de produits et services.

Cette directive a été transposée en France par les textes suivants : la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel (article 80) ; le décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019 relatif à l'accessibilité aux personnes handicapées des services de communication au public en ligne ; l'arrêté du 20 septembre 2019 portant référentiel général d'amélioration de l'accessibilité.

À cette occasion, comme le rappelle l'étude d'impact associée au projet de loi : « la France avait fait le choix d'une sur-transposition » en imposant cette obligation aux entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 250 millions d'euros (sur la base de la moyenne du chiffre d'affaires annuel réalisé en France des trois derniers exercices comptables clos antérieurement à l'année considérée). Ces modalités de calcul ont été déterminées par le décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019 relatif à l'accessibilité aux personnes handicapées des services de communication au public en ligne.

Les services de communication au public en ligne visés par cette obligation d'accessibilité ont été définis comme toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée (article 1 er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique). Conformément au II de l'article 47 de la loi du 11 février 2005 précitée, ils comprennent notamment :

- les sites internet, intranet, extranet ; les progiciels, dès lors qu'ils constituent des applications utilisées au travers d'un navigateur web ou d'une application mobile ;

- les applications mobiles qui sont définies comme tout logiciel d'application conçu et développé en vue d'être utilisé sur des appareils mobiles, tels que des téléphones intelligents (smartphones) et des tablettes, hors système d'exploitation ou matériel.

Le défaut de mise en conformité d'un service de communication au public en ligne fait l'objet d'une sanction administrative dont le montant ne peut excéder 20 000 euros. Une nouvelle sanction peut être prononcée chaque année lorsque le manquement à ces dispositions perdure.

2. La définition des objectifs de l'accessibilité numérique

Ces premières obligations ont également permis de définir l'accessibilité numérique comme l'action de rendre les services de communication au public en ligne accessibles aux personnes handicapées. La directive (UE) 2016/2102 relative à l'accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public a énoncé les quatre principes de cette accessibilité qui sont :

- la perceptibilité : les informations et les composants des interfaces doivent pouvoir être présentés aux utilisateurs de manière à ce qu'ils les perçoivent ; par exemple, faciliter la perception visuelle et auditive du contenu par l'utilisateur ; proposer des équivalents textuels à tout contenu non textuel ; créer un contenu qui puisse être présenté de différentes manières sans perte d'information ni de structure (par exemple avec une mise en page simplifiée) ;

- l' opérabilité : les composants des interfaces utilisateurs et la navigation doivent pouvoir être utilisés ; par exemple, fournir à l'utilisateur des éléments d'orientation pour naviguer, trouver le contenu ; rendre toutes les fonctionnalités accessibles au clavier ; laisser à l'utilisateur suffisamment de temps pour lire et utiliser le contenu ; ne pas concevoir de contenu susceptible de provoquer des crises d'épilepsie ;

- la compréhensibilité : les informations et l'utilisation des interfaces utilisateurs doivent être compréhensibles ; par exemple, faire en sorte que les pages fonctionnent de manière prévisible ; aider l'utilisateur à corriger les erreurs de saisie ;

- la solidité : le contenu doit être suffisamment solide pour être interprété de manière fiable par une grande diversité d'agents utilisateurs, y compris des technologies d'assistance ; par exemple, optimiser la compatibilité avec les utilisations actuelles et futures, y compris avec les technologies d'assistance.

Les États membres de l'UE doivent garantir que les sites internet et les applications mobiles des organismes du secteur public respectent ces principes d'accessibilité en ayant recours à des normes harmonisées, ou à des parties de normes harmonisées, dont les références ont été publiées par la commission au Journal officiel de l'Union européenne conformément au règlement (UE) n° 1025/2012. Ils garantissent au moins un niveau d'accessibilité équivalent à celui garanti par la norme européenne EN 301 549 v3.2.1 (2021-03). En l'absence de telles normes harmonisées applicables à certains types de services de communication au public en ligne, les opérateurs (fabricants, importateurs) se réfèrent aux normes internationales ou, à défaut, aux standards internationaux applicables. La directive 2019/882 s'appuie sur les mêmes principes (considérant 47).

Cette obligation est déclinée en France (décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019 relatif à l'accessibilité aux personnes handicapées des services de communication au public en ligne) à travers le Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA) qui permet de contrôler l'accessibilité d'un site et de ses contenus suivant les normes internationales de l'accessibilité numérique. Le RGAA définit une méthode technique et propose un cadre opérationnel de vérification de la conformité aux exigences d'accessibilité. Il comporte 106 critères de contrôle.

La direction interministérielle du numérique (Dinum) a publié la quatrième version du référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA). Le document détaille ainsi les obligations auxquelles ces acteurs doivent se conformer et en facilite l'application, grâce à des critères de contrôle et des tests. La dernière version du RGAA est structurée en deux parties :

- la première présente les obligations à respecter : elle s'adresse aux juristes, aux managers et à tous les professionnels du web et de l'accessibilité ;

- la deuxième contient une liste de critères pour vérifier la conformité d'une page web.

B. Les évolutions proposées par la directive 2019/882 relative aux exigences en matière d'accessibilité

La directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d'accessibilité applicables aux produits et services rend obligatoire des exigences fonctionnelles en matière d'accessibilité, formulées en termes d'objectifs généraux, et reprend les principes d'accessibilité définis par la directive (UE) 2016/2102 relative à l'accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public.

La directive (UE) 2019/882 a pour objectif de créer « un environnement dans lequel les produits et les services sont plus accessibles [facilitant] l'autonomie des personnes handicapées » . L'action des autorités européennes est motivée par le fait que « le bon fonctionnement du marché intérieur nécessite de rapprocher des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en ce qui concerne les exigences en matière d'accessibilité applicables à certains produits et services, notamment en éliminant et en prévenant les obstacles qui entravent la libre circulation de produits et services accessibles découlant d'exigences divergentes en matière d'accessibilité dans les États membres ».

1. Une extension des obligations d'accessibilité à une large palette de produits et services gérés par des opérateurs économiques

La directive étend le périmètre des produits et services soumis à cette exigence d'accessibilité à ceux gérés par les opérateurs économiques. L'article 2 définit le champ d'application de cette directive qui s'appliquera aux produits et services mis sur le marché après le 28 juin 2025 : systèmes informatiques matériels à usage général du grand public ; terminaux en libre-service (de paiement, guichets de banque automatique, distributeurs automatiques de titres de transport, bornes d'enregistrement automatiques...) ; équipements terminaux grand public (utilisés pour les services de communication électronique ou de médias audiovisuels) ; liseuses numériques.

Champ d'application de la directive (UE) 2019/882 (article 2)

1. La présente directive s'applique aux produits ci-après, mis sur le marché après le 28 juin 2025 :

a) systèmes informatiques matériels à usage général du grand public et systèmes d'exploitation relatifs à ces systèmes matériels ;

b) terminaux en libre-service ci-après :

i) terminaux de paiement ;

ii) terminaux en libre-service ci-après, destinés à la fourniture de services relevant de la présente directive : guichets de banque automatiques ; distributeurs automatiques de titres de transport ; bornes d'enregistrement automatiques ; terminaux en libre-service interactifs fournissant des informations, à l'exclusion des terminaux installés en tant que parties intégrantes de véhicules, d'aéronefs, de navires ou de matériel roulant ;

c) équipements terminaux grand public avec des capacités informatiques interactives, utilisés pour les services de communications électroniques ;

d) équipements terminaux grand public avec des capacités informatiques interactives, utilisés pour accéder à des services de médias audiovisuels ;

e) liseuses numériques.

2. Sans préjudice de l'article 32, la présente directive s'applique aux services ci-après, fournis aux consommateurs après le 28 juin 2025 :

a) services de communications électroniques, à l'exception des services de transmission utilisés pour la fourniture de services de machine à machine ;

b) services fournissant un accès à des services de médias audiovisuels ;

c) éléments ci-après de services de transport aérien, ferroviaire, par voie de navigation intérieure et par autobus de voyageurs et de passagers, à l'exception des services de transport urbains, suburbains et régionaux, pour lesquels seuls les éléments visés au point v) s'appliquent :

i) sites internet ;

ii) services intégrés sur appareils mobiles, y compris les applications mobiles ;

iii) billets électroniques et services de billetterie électronique ;

iv) fourniture d'informations sur les services de transport, notamment d'informations en temps réel sur le voyage. En ce qui concerne les écrans d'information, ne sont concernés que les écrans interactifs situés sur le territoire de l'Union et FR7.6.2019 Journal officiel de l'Union européenne L. 151/83 ;

v) terminaux en libre-service interactifs situés sur le territoire de l'Union, à l'exception de ceux installés en tant que parties intégrantes de véhicules, d'aéronefs, de navires et de matériel roulant utilisés pour fournir tout élément de ces services de transport de voyageurs et de passagers ;

d) services bancaires aux consommateurs ;

e) livres numériques et logiciels spécialisés ;

f) commerce électronique.

3. La présente directive s'applique à la réception des communications d'urgence dirigées vers le numéro d'urgence unique européen « 112 ».

4. La présente directive ne s'applique pas aux contenus suivants des sites internet et des applications mobiles :

a) médias temporels préenregistrés publiés avant le 28 juin 2025 ;

b) formats de fichiers bureautiques publiés avant le 28 juin 2025 ;

c) cartes et services de cartographie en ligne, si les informations essentielles sont fournies sous une forme numérique accessible pour ce qui concerne les cartes destinées à la navigation ;

d) contenus de tiers qui ne sont ni financés ni développés par l'opérateur économique concerné, et qui ne sont pas sous le contrôle de cet opérateur ;

e) contenus des sites internet et des applications mobiles qui sont considérés comme des archives, à savoir qu'ils ne présentent que des contenus qui ne sont pas actualisés ou modifiés après le 28 juin 2025.

La directive procède ainsi à un double élargissement par rapport à la réglementation existante en rendant obligatoire ces exigences d'accessibilité sur un plus grand nombre de produits, et un plus grand nombre d'acteurs (à ce jour les exigences d'accessibilité sont limitées aux services de communication au public en ligne du secteur public et des entreprises réalisant plus de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires).

Cette extension des obligations d'accessibilité est toutefois modulée par un principe de proportionnalité qui vise à protéger les petites entreprises. Les considérants 64 et 65 de la directive soulignent que « pour des raisons de proportionnalité, les exigences en matière d'accessibilité ne devraient s'appliquer que dans la mesure où elles n'imposent pas de charge disproportionnée à l'opérateur économique concerné ou dans la mesure où elles n'exigent pas que des changements significatifs soient apportées aux produits et services qui entraîneraient leur modification fondamentale ».

« La présente directive devrait suivre le principe “penser en priorité aux PME” et tenir compte des charges administratives qui pèsent sur elles ».

Ces principes sont définis à l'article 14 de la directive (chapitre V : modification fondamentale des produits ou services et charge disproportionnée pour les opérateurs économiques) qui dispose que « les exigences en matière d'accessibilité visées à l'article 4 s'appliquent uniquement dans la mesure où la conformité :

a) n'exige pas de modification significative d'un produit ou d'un service qui entraîne une modification fondamentale de la nature de celui-ci ;

b) n'entraîne pas l'imposition d'une charge disproportionnée aux opérateurs économiques concerné ».

Par ailleurs l'annexe VI de la directive (critères d'évaluation du caractère disproportionné de la charge) propose une méthodologie pour apprécier ce caractère disproportionné qui repose sur le « rapport entre les coûts nets de la conformité avec les exigences en matière d'accessibilité et les coûts totaux (dépenses opérationnelles et dépenses en capital) pour fabriquer, distribuer ou importer le produit ou fournir le service que supportent les opérateurs économiques ».

En droit interne, ce principe de prise en compte de la proportionnalité figurait déjà dans le décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019 relatif à l'accessibilité aux personnes handicapées des services de communication au public en ligne (article 4) qui indiquait :

« I. - La mise en accessibilité d'un ou plusieurs contenus ou fonctionnalités entraîne une charge disproportionnée au sens du II de l'article 47 de la loi du 11 février 2005 susvisée lorsque :

1° La taille, les ressources et la nature de l'organisme concerné ne lui permettent pas de l'assurer ;

2° L'estimation des avantages attendus pour les personnes handicapées de la mise en accessibilité est trop faible au regard de l'estimation des coûts pour l'organisme concerné, compte tenu de la fréquence et de la durée d'utilisation du service, ainsi que de l'importance du service rendu.

II. - Les contenus ou fonctionnalités qui ne sont pas rendus accessibles compte tenu du caractère disproportionné de la charge correspondante sont accompagnés, dans la mesure où cela est raisonnablement possible, d'une alternative accessible. »

2. La nécessité d'adapter de nombreuses réglementations sectorielles

Le présent article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires pour transposer en droit interne la directive (UE) 2019/882, ainsi que les mesures de coordination et d'adaptation de la législation liées à cette transposition.

Comme l'indique l'étude d'impact devront être modifiés : le code de la consommation, le code monétaire et financier, le code des postes et communications électroniques, le code des transports, la loi 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la loi 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

L'étude d'impact fournit plusieurs illustrations des évolutions législatives nécessaires et de l'ampleur des modifications attendues.

Ainsi « pour ce qui est des livres numériques et des logiciels spécialisés, considérés comme des services au sens du droit de l'Union européenne, il est envisagé d'introduire des dispositions spécifiques dans la loi du 11 février 2005, et plus précisément dans le chapitre III consacré aux nouvelles technologies du titre IV relatif à l'accessibilité, à la suite des dispositions déjà existantes sur les sites des services publics. Outre que cet emplacement dans la loi de 2005 semble naturel, il permettra d'adapter au mieux les dispositions de la directive aux spécificités du livre numérique, comme le permettent d'ailleurs certains considérants de la directive. Il n'est en effet pas envisageable d'inclure le livre numérique dans le code de la consommation dès lors qu'il ne s'agit pas seulement d'un service de consommation mais aussi d'un objet culturel qui présente des enjeux de diversité de la création ».

Le coût de la mise en conformité du fonds de livres numériques publiés avant le 28 juin 2025 est estimé entre 19 et 98 millions d'euros, tandis que l'intégration de ces obligations dans le circuit de production des livres numériques publiés à partir de juin 2025 entraînerait un surcoût annuel évalué entre 2,4 et 5,6 millions d'euros.

Les exigences prévues par la directive 2019/882 applicables aux services et produits bancaires impliquent pour les opérateurs des obligations nouvelles comme : « garantir l'accessibilité du produit utilisé dans la fourniture du service ; veiller à l'accessibilité de l'information sur le fonctionnement du service (et le cas échéant sur le produit lié) ainsi que sur l'interopérabilité existante avec les dispositifs d'assistance ; garantir l'accessibilité des sites internet et des services intégrés sur appareils mobiles ; garantir l'information du consommateur sur l'accessibilité du service fourni (les consommateurs devront être informés par les services clients de l'accessibilité des services) ». Ils devront également veiller à l'accessibilité des terminaux en libre-service comme les distributeurs automatiques de billets (DAB) ou des terminaux de paiement électronique (TPE). Fin 2021 ; près de 74 000 points de distribution d'espèces sont recensés en France dont plus de 47 000 DAB et près 1,7 million de TPE.

Dans le secteur des transports, ce sont plus de 8 750 bornes en libre-service qui sont recensées en 2022 (3 900 pour la SNCF, 2 350 pour la RATP et 2 500 pour les autres réseaux de transports urbains).

La gestion de ce parc d'automates représente des coûts annuels importants pour le secteur bancaire et celui des transports. Les nouvelles obligations prévues par la directive 2019/882 nécessiteront un travail de mise en conformité important. À titre d'exemple, le cycle de vie d'un automate (DAB) serait d'une quinzaine d'années, le prix des automates utilisés dans le secteur des transports est compris dans une fourchette, de 20 000 à 30 000 euros, et leur durée de vie est de 20 à 30 ans. La mise en oeuvre des mesures d'accessibilité se fera donc de manière très progressive.

La transposition de la directive 2019/882 aura également un impact sur les services administratifs puisqu'elle nécessitera la surveillance et le contrôle, par les autorités de contrôle désignées (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, autorité de régulation des communications électroniques des postes et de la distribution de la presse, autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, autorité des marchés financiers et autorité de contrôle prudentiel et de résolution), du respect des exigences relatives à l'accessibilité par les opérateurs économiques.

C. Des mesures complémentaires pour appliquer cette nouvelle réglementation dans l'espace ultra-marin

L'article 12 comporte un alinéa visant à rendre applicables les mesures d'accessibilité en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, les dispositions résultant de l'ordonnance pour celles qui relèvent de la compétence de l'État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Rappelons que les dispositions de l'ordonnance prise en application de la demande d'habilitation seront applicables de plein droit en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte.

Pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna, seules sont applicables les dispositions relevant statutairement des compétences de l'État et sur mention expresse du texte. Dans le cas présent, l'État est compétent dans toute la matière bancaire et financière de ces trois collectivités.

Les statuts de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon prévoient que la plupart des lois et règlements y sont applicables mais des dérogations sont prévues (matières relevant de la loi organique en application de l'article 74 de la Constitution).

Comme l'indique l'étude d'impact, « il convient donc de prévoir dans l'habilitation, un volet outre-mer pour les collectivités régies par le principe de spécialité législative ».

II - La position de la commission

Dans l'étude d'impact jointe au projet de loi, le Gouvernement justifie le choix de recourir à une demande d'habilitation par :

- « le caractère technique des exigences portées par la directive 2019/882 » ;

- « la nécessité d'assurer la mise en place d'un cadre juridique le plus uniforme possible. »

Le caractère technique de cette habilitation est avéré. Elle a pour objet de retranscrire dans notre droit national des dispositions qui sont définies de manière exhaustive par la directive, c'est notamment le cas des services et produits visés par cette obligation d'accessibilité (article 2).

Ces obligations d'accessibilité reposent sur des principes (critères d'accessibilité, règles de proportionnalité) ou des modalités opérationnelles qui ont déjà des traductions juridiques en droit national (décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019 relatif à l'accessibilité aux personnes handicapées des services de communication au public en ligne), notamment pour encadrer les obligations qui ont d'abord pesé sur les personnes publiques.

Au regard de la variété des secteurs concernés (banque, transports, culture pour n'en citer que quelques-uns), la nécessité d'harmoniser les règles techniques, les modalités de contrôle et de sanction peut justifier cette demande d'habilitation.

Alors que les autorités européennes ont déjà engagé une procédure à l'encontre de la France pour défaut de transposition de ladite directive dans les délais impartis, soit le 28 juin 2022, la commission des affaires sociales du Sénat considère que le point nodal de l'examen de cet article réside dans le calendrier de mise en oeuvre des dispositions de la directive par les opérateurs économiques, sujet qui dépasse la seule question de l'habilitation.

Au regard des retards constatés dans l'application de la loi de 2005 (par exemple l'allongement des délais prévus pour la mise en accessibilité des bâtiments recevant du public), la commission appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité de prévoir un régime d'incitation/sanction de nature à accompagner les opérateurs économiques dans le déploiement des évolutions techniques nécessaires à l'accessibilité des produits et services. Si cette réglementation ne sera applicable qu'à compter du 28 juin 2025, il serait incompréhensible que des services, installés avant cette date, puissent continuer à être utilisés sans adaptation jusqu'à la fin de leur durée de vie économique, soit vingt ans après leur mise en service. Les Pouvoirs publics doivent développer une politique pro-active visant à développer un environnement favorable à cette politique d'accessibilité pour aller vers une société inclusive.

La commission a adopté cet article sans modification.

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