C. UNE STABILITÉ DES MONTANTS DÉDIÉS À L'ANCT ET AU SOUTIEN À L'INGÉNIERIE DES COLLECTIVITÉS

1. Une stabilité des crédits accordés à l'ANCT qui masque une baisse du fait de la fin des crédits du plan de relance

L'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été créée par la loi du 22 juillet 2019 1 ( * ) . Elle reprend une partie des missions du Commissariat général à l'égalité des territoires ( CGET ) ainsi que les missions de l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux ( Epareca ) et de l' Agence du numérique .

L'ANCT déploie les grands programmes nationaux d'intervention, d'aménagement numérique et mobile, de revitalisation des centres-villes ou encore d'accès aux services, afin de soutenir les projets portés par les collectivités. Elle intervient également en appui spécifique aux territoires à travers la mobilisation d'une ingénierie au service des projets des collectivités.

Lors de sa mise en place au premier janvier 2020, l'agence disposait d'un soutien à hauteur de 54 millions d'euros en AE comme en CP au titre de sa subvention pour charges de service public (SCSP) , portée par le programme 112. Ce montant a été porté à 61 millions d'euros en 2021 pour permettre notamment le doublement du montant de l'ingénierie destinée à appuyer des projets sur mesures portés par les territoires, passant de 10 à 20 millions d'euros.

Les crédits ont ensuite été stables en 2022 et devraient l'être de nouveau en 2023. Les crédits demandés pour 2023 au titre de la subvention pour charges de service public (SCSP) de l'ANCT, s'élèvent à 63,2 millions d'euros en AE et en CP , ce qui correspond au montant de la SCSP accordée sur le programme 112 en 2022, auxquels s'ajoutent 2,6 millions d'euros en AE et CP correspondant au rebasage de la SCSP de l'ANCT portée par le programme 147 « Politique de la ville ».

Toutefois, il s'agit en réalité d'une baisse de crédits, dans la mesure où en 2021 et 2022, l'ANCT bénéficiait également de financements complémentaires par le biais du plan de relance pour financer le dispositif des fabriques de territoires (16,5 millions d'euros en AE et CP) ainsi que les programmes portés par l'ANCT dans le cadre de l'Agenda rural (10 millions d'euros en AE et 7 millions d'euros en CP).

En 2023, le plafond d'emplois de l'ANCT devrait être stable , mise à part l'augmentation de 18 ETPT pour accompagner le transfert du secrétariat du programme de coopération territoire européen, Urbact, de l'ANRU à l'ANCT.

Évolution des emplois de l'ANCT de 2020 à 2022

Plafond ETPT voté

Exécution moyenne annualisée

Sous plafond

Hors plafond

Sous plafond

Hors plafond

2020

327

5

296,67

4,01

2021

327

8

324,84

5,28

2022

345

12

323,25

12

Source : réponses au questionnaire budgétaire

D'après les informations transmises au rapporteur spécial, la sous-consommation apparente des emplois découlerait de la crise sanitaire en 2020 et d'une augmentation des plafonds en fin de gestion en 2021 . En outre, s'agissant de certains emplois spécialisés, notamment en matière de numérique, les recrutements sont rendus plus complexes par la concurrence avec le secteur privé, en particulier du fait du différentiel de rémunérations.

La délégation aux collectivités territoriales du Sénat vient de lancer une évaluation des trois premières années de l'ANCT, intitulée « ANCT : quel bilan pour les élus locaux ? », dont les conclusions seront connues en décembre 2022. Le rapporteur spécial considère qu'une telle mission est souhaitable, et permettra de mesurer la connaissance de l'ANCT auprès des élus locaux.

2. Le rôle de l'ANCT dans la mise en place de plusieurs mesures de l'agenda rural

Le déploiement postérieur à la création de l'ANCT des mesures de l'agenda rural , qui a impliqué le renforcement des programmes, a également contribué à accroître les besoins de l'agence en ingénierie locale.

L'agenda rural

À la demande de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, une mission composée d'élus locaux et de parlementaires a remis en juillet 2019 un rapport comportant 200 mesures destinées à favoriser le développement des territoires ruraux et à améliorer la vie quotidienne de leurs habitants, dans les domaines de l'éducation, de l'accès aux services, de la santé, du numérique, des transports, etc. Parmi celles-ci, 181 propositions ont été sélectionnées et sont mises en oeuvre par l'ensemble des ministères sous le pilotage de l'ANCT. D'après l'ANCT, sur les 181 mesures de l'Agenda rural, 92 des mesures portées ont été réalisées et 77 sont en cours de réalisation.

Ces mesures sont d'ampleur très variable , et concernent différents champs (scolaire au travers des cordées de la réussite, accès aux services administratifs avec les maisons France service, programmes localisés, etc.). Certaines mesures préexistaient d'ailleurs à l'Agenda rural mais y ont été intégrées. Une mission d'évaluation de l'Agenda rural a donc été lancée.

L'ANCT intervient principalement sous trois formes : au travers de programmes nationaux d'appui , par des dispositifs de contractualisation , notamment les CRTE, et enfin en proposant une offre d'ingénierie « sur mesure » aux collectivités territoriales dont les besoins ne recouvrent pas exactement les programmes.

Les programmes de l'ANCT sont divisés en trois axes, qui concernent respectivement la politique de la ville, le numérique et les territoires ruraux.

Depuis le 1 er janvier 2020, 1 080 projets ont été accompagnés par l'Agence .

a) Les programmes « petites villes de demain » et « Action coeur de ville » : des financements essentiellement en dehors des crédits budgétaires du programme 112

Lancé en décembre 2017, « Action Coeur de Ville », mis en oeuvre par l'ANCT, est un programme national destiné à renforcer et développer l'attractivité des villes « moyennes », en faisant le choix d'investir prioritairement dans la revitalisation des centres-villes. Dans cette perspective, le programme prévoit la mobilisation de 5 milliards d'euros sur cinq ans (dont 409 milliards d'euros pour l'État), pour 222 territoires concernés. En 2022, 4,39 milliards d'euros ont déjà été engagés, alors que la prolongation d'Action coeur de ville jusqu'en 2026 a été annoncée.

Les conclusions de la mission de contrôle du Sénat

La mission de contrôle relative à la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs conjointe aux délégations aux entreprises et aux collectivités territoriales a présenté fin septembre 2022 ses conclusions sur les programmes « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain » dans un rapport intitulé Revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs : entre enthousiasme et frustrations 2 ( * ) .

La mission met en avant les objectifs intéressants de ces programmes, et souligne que si les élus locaux indiquent trouver un intérêt aux dispositifs, la mise en oeuvre des programmes est complexe et les financements insuffisants.

La mission formule plusieurs critiques. Premièrement, l'évaluation financière par la mission conjointe de contrôle démontre que les communes ACV n'ont pas d'accès prioritaire aux dotations de l'État (DETR, DSIL, FNADT...). Globalement la part des subventions qu'elles reçoivent sur ces dotations n'a pas progressé et a même diminué entre 2018 et 2021. Pour faire face à ce désengagement, la mission préconise de créer un fonds dédié doté de 2 milliards d'euros sur la durée restante des programmes.

Deuxièmement, les subventions pèsent trop peu dans l'enveloppe globale . En effet, les élus ont pu croire que les programmes ACV et PVD leur donnaient accès à des subventions, respectivement de 5 milliards et 3 milliards d'euros, comme pour les dispositifs ANRU. Or, la majorité des aides (de l'État et de ses partenaires) sont en réalité des prêts, des prises de participation et des aides aux bailleurs privés. Par exemple, les dotations de l'État dans le cadre d'ACV ne représentent que 600 millions d'euros sur les 5 milliards de l'enveloppe du programme. Les financements annexes (Fonds Friche, Fonds de restructuration des locaux d'activité...) ne sont qu'un apport ponctuel qu'il faudrait pérenniser.

Enfin, les collectivités n'ont généralement pas de visibilité pluriannuelle des financements et doivent donc composer au coup par coup, en tenant compte en outre de multiples appels à projets qui interfèrent dans le calendrier et le projet lui-même. Cette situation génère une grande incertitude sur une politique publique qui a besoin de perspectives. Dernier point, le volet commercial des opérations de revitalisation n'est pas suffisamment développé. Le taux de vacance commerciale a en effet progressé de 1 point depuis 2019 dans les villes ACV.

Sur la base de ces constats, la mission a proposé plusieurs recommandations, et notamment de créer un fonds dédié aux communes « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain » pour le soutien au financement des équipements et investissements dans le cadre des actions locales de revitalisation. Elle recommande également de donner aux élus locaux une vision financière pluriannuelle, nécessaire à la conduite des projets de revitalisation.

Source : rapport de la mission de contrôle

Une deuxième évaluation concomitante a été mise en oeuvre par la Cour des comptes.

L'évaluation d'Action coeur de ville par la Cour des comptes

La Cour des comptes a rendu ses conclusions sur le programme Action coeur de ville le même jour que la mission sénatoriale 3 ( * ) . Ses constats vont dans l'ensemble dans le même sens.

Elle salue dans un premier temps un programme « ambitieux et innovant , dans sa conception et son déploiement », ainsi qu'un engagement financier « substantiel » de l'État et de ses partenaires.

Elle met cependant en avant la nécessaire « clarification des modalités de financement » , dès lors qu'une partie du montant de 5 milliards d'euros annoncée initialement ne sera pas engagée à l'échéance prévue.

La Cour souligne également la « mesure difficile de la valeur ajoutée du programme » , ce qui implique une amélioration des méthodes d'évaluation et des indicateurs.

Elle formule deux recommandations. Tout d'abord, elle souhaite que soit mis en place un suivi exhaustif et régulier de l'origine, de l'affectation et de la consommation de l'ensemble des financements consacrés au programme Action coeur de ville (ANCT). Deuxièmement, afin d'analyser plus précisément l'impact du programme, elle recommande de poursuivre et développer l'effort d'évaluation en améliorant la pertinence des indicateurs et en renforçant la coordination des producteurs de données.

Source : Cour des comptes

Dans le prolongement du programme « Action coeur de ville », le programme « Petites villes de demain » lancé au 1 er octobre 2020 est une des mesures de l' Agenda rural. Sur la période 2021-2026, 3 milliards d'euros sont prévus pour le programme, au travers de crédits de droit commun et de crédits « relance ». Près de 1 600 communes de moins de 20 000 habitants sélectionnées seront accompagnées par le programme. En juin 2022, 99,6 % des communes « Petites villes de demain », soit 1 642 communes, ont signé leur convention d'adhésion.

Depuis le lancement du programme, 700 millions d'euros ont déjà été engagés, soit 23 % des financements prévus . Concernant le recrutement des chefs de projet « Petites villes de demain », cofinancé par l'État et les opérateurs partenaires, 838 ont déjà été recrutés sur les 930 prévus. La durée de recrutement de ces chefs de projet constitue un enjeu important ( cf. infra ).

Les programmes « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain » constituent des éléments indispensables de la politique en faveur de la ruralité. Les petites villes et aux centres-bourgs, constituent un échelon territorial crucial et ne doivent pas être les oubliées de la politique de l'aménagement du territoire.

Toutefois, afin d'éviter d'alimenter la déception des élus locaux à l'égard de ce type d'intervention, il est indispensable d'une part de s'assurer de l'existence de crédits de droit commun (qui devraient être situés sur la section locale du FNADT) et d'autre part de garantir aux élus la clarté et la visibilité des financements accordés à ces programmes .

b) Le programme « territoires d'industrie »

Le programme Territoires d'industrie a été lancé en 2018. Ses objectifs consistent à accompagner la reconversion des friches industrielles, l'acquisition de foncier et l'immobilier d'entreprise, les projets d'aménagement et de transition écologique ainsi que la sécurisation des chaines d'approvisionnement.

Le programme « Territoires d'industrie » mobilise 1,3 milliard d'euros sur cinq ans , dont des financements par le plan de relance au titre du fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires. Celui-ci était doté initialement de 400 millions d'euros de l'État sur 2020-2022, puis abondé en avril 2021 de 300 millions d'euros, financés à parité par l'État et les régions dans le cadre du partenariat pour la relance industrielle.

Le FNADT cofinance des postes de chefs de projet pour accompagner les territoires dans l'animation de leur communauté et la construction des plans d'actions. Depuis 2019, plus de 40 chefs de projets « Territoires d'industrie » ont été financés via les dotations régionales du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), représentant 3,5 millions d'euros. En outre, les crédits d'ingénierie de l'ANCT sont également mobilisés afin d'aider les collectivités territoriales à formaliser et développer des projets.

Territoires d'industrie ne devait initialement durer que trois ans. Toutefois, une réflexion est en cours afin de préparer la prolongation du programme jusqu'en 2026.

c) Un soutien à l'ingénierie qui ne peut réussir qu'en garantissant aux collectivités une pérennité des financements

Le programme Petites villes de demain incluait le recrutement des chefs de projet, dont 838 ont déjà été recrutés sur les 930 prévus . Si en 2022 19 millions d'euros ont été accordés au dispositif par le plan de relance, cela n'incluait pas le financement des chefs de projets, à hauteur de 6 millions d'euros, qui ont été abondés en puisant dans les 20 millions d'euros globaux de l'ANCT consacrés à l'ingénierie.

D'après les informations dont dispose le rapporteur spécial, ils devraient être financés sur l'ensemble de la durée du programme, pour un financement d'environ 50 % du coût du contrat, soit entre 40 000 et 60 000 euros . Toutefois, la prévisibilité de ce financement n'est pas garantie, dans la mesure où la date de fin du programme en elle-même n'est pas définie.

Dans le cadre de l'Agenda rural, le Gouvernement a annoncé la mise en place en 2021 du volontariat territorial en administration (VTA) , dispositif permettant par des contrats de mission pour de jeunes diplômés de niveau bac +2 minimum d'effectuer une mission de 12 à 18 mois au service du développement des projets de territoires ruraux. L'objectif est à terme d'atteindre 800 volontaires territoriaux en administration (VTA). Cependant, seuls 200 sont d'ores et déjà recrutés, entraînant une sous-consommation des crédits dédiés en 2022.

Le VTA n'est cependant financé que sur 12 mois, à hauteur de 15 000 euros. Le rapporteur spécial salue sur le fond cette initiative mais souligne qu'un an ne peut être suffisant pour répondre aux besoins en ingénierie d'une petite collectivité. Or la poursuite du dispositif en 2023 n'implique pas que les contrats existants seront prolongés .

De manière identique, les conseillers numériques adossés aux maisons France services n'étaient initialement financés que sur les deux années du plan de relance à hauteur de 213 millions d'euros sur deux ans. Face à l'intérêt de ce dispositif, tant pour les territoires que pour les citoyens, et aux demandes répétées de sa pérennisation, notamment exprimées par le rapporteur spécial, des crédits dédiés devaient être conservés en 2023. Ainsi, 44 millions d'euros ont été ouverts, non sur le programme 112, mais sur le programme 349, ce que déplore le rapporteur spécial car cela conduit à fractionner les financements des conseillers numériques France services et des France services elles-mêmes.

L'objectif des conseillers numériques France Services est d'accompagner les usagers en difficulté avec le « numérique du quotidien » au travers d'un accompagnement individuel ou d'ateliers collectifs d'initiation au numérique. Fin 2022, 3 600 conseillers numériques ont été recrutés, sur les 4 000 postes ouverts initialement. 35 % à 40 % des conseillers numériques France services sont intégrés à des maisons France services, les autres étant au sein d'associations ou de collectivités. 717 postes ont été affectés en quartiers de la politique de la ville (QPV) et 611 en ZRR. En moyenne, 36 conseillers sont présents par département.

Le rapporteur spécial a pu constater sur le terrain l'efficacité du dispositif, qui répond à un immense besoin d'accompagnement numérique et dont la démarche « d'aller vers » permet de toucher des publics très éloignés des services publics et de leur dématérialisation.

Là encore, si la reconduction du financement est une nouvelle que salue le rapporteur spécial, elle ne garantit pas pour autant aux collectivités que le conseiller numérique sur leur territoire continuera à être financé par l'État. Celui-ci prend en charge le salaire des conseillers numériques pendant 18 à 24 mois sur la base d'un SMIC et finance également la formation de prise de poste. Or la reconduction du dispositif ne signifie pas reconduction du financement des contrats existants, dans la mesure où les crédits ouverts en PLF 2023 serviraient également à ouvrir de nouveaux postes de conseillers numériques. À l'heure actuelle, seuls 10 % des contrats de conseillers numériques sont des CDI : il est donc indispensable de s'assurer que les 90 % restants ne soient pas suspendus en même temps que les financements.

Dans les trois cas, le manque de visibilité des différents dispositifs ne peut qu'entraîner un défaut d'appropriation par les élus locaux . Leur inscription dans la durée est la condition du succès de ce type de dispositif, en garantissant aux élus locaux une prévisibilité des financements. Dans le cas contraire, cela peut constituer un véritable frein à l'embauche qui ne peut que réduire l'ambition du dispositif .

3. Consolider le financement du réseau France services

Inscrit comme une priorité de l'Agenda rural avec pour ambition de faciliter l'accès aux services publics pour tous les usagers, le réseau France Services créé en 2019 résulte en partie du dispositif des 1 300 maisons de services au public (MSAP), lui-même né de la structuration au niveau national d'initiatives locales antérieures. Il s'agit d'un réseau de services publics mutualisés devant permettre aux usagers d'effectuer différentes démarches administratives dans un lieu unique.

L'évolution des MSAP vers les France services a permis une réelle montée en gamme des maisons grâce à un cadre plus clair, un cahier des charges exigeant et des partenariats conclus avec des opérateurs nationaux, permettant ainsi de répondre partiellement aux insuffisances de certaines MSAP.

Les services proposés dans les France Services couvraient initialement ceux de neuf partenaires : La Poste, Pôle emploi, les caisses nationales d'assurance maladie, d'assurance familiale et d'assurance vieillesse, les ministères de l'Intérieur et de la Justice, et la direction générale des finances publiques (DGFiP). Un dixième opérateur a été ajouté en septembre 2020, l'Association générale des institutions de retraite des cadres-Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (AGIRC-ARRCO).

Le nombre de maisons France services a presque doublé en deux ans pour atteindre 2 375 structures fin juillet 2022.

Le rapporteur spécial a présenté en juin 2022 les conclusions de ses travaux de contrôle portant sur le réseau France services 4 ( * ) . Il déployait 5 axes de recommandations pour la réussite du programme France services, traduisant l'ambition de construire une nouvelle génération de maisons de services publics.

a) Une stabilité des crédits en 2023 qui reflète la stabilisation du nombre de maisons

On constate depuis 2018 une augmentation continue des crédits programmés pour les MSAP et le programme France Services. Cette augmentation s'explique en grande partie par le développement du réseau sur la période.

Les crédits demandés pour France services en 2023 s'élèvent à 36,3 millions en AE et CP, soit un montant strictement identique à celui accordé pour 2022 . Cette stabilité met fin à plusieurs années d'augmentation, liée à la hausse du nombre de maisons. En 2022, les crédits dédiés aux maisons France Services avaient par exemple augmenté de 8 millions d'euros. Les crédits dédiés à France services recouvrent 85 % de la section générale du FNADT.

Évolution du montant de la participation financière de l'État et des opérateurs (MSAP et maisons France Services)

(en euros)

Source : commission des finances

Le financement des maisons France services a été forfaitisé à hauteur de 30 000 euros par an et par structure . Ce forfait se décompose comme suit :

- pour les structures postales, le fonds postal national de péréquation territoriale finance les deux-tiers du forfait, soit 26 000 euros ;

- le fonds national France Services (FNFS) finance à hauteur de 4 000 euros les structures postales ; pour les structures non postales, il les finance à hauteur de 15 000 euros ;

- le FNADT apporte également un financement de 15 000 euros par an et par maison pour les structures non postales .

Schéma de financement du forfait accordé aux maisons France services

(en euros)

Source : commission des finances

La contribution de chaque partenaire (opérateur ou ministère) au fonds national France Services (FNFS) a été calculée à partir des visites annuelles constatées et de leurs usagers potentiels au niveau national.

b) Revoir la participation financière de l'État qui doit être à la hauteur des ambitions affichées du programme France services

Le financement forfaitaire de l'État par maison reste stable malgré l'extension des services offerts, faisant reposer l'essentiel du fonctionnement des maisons France services sur les collectivités.

En effet, le coût de fonctionnement annuel moyen d'une maison France services est d'environ 110 000 euros et 150 000 euros pour les France services postales. Le reste à charge moyen pour les porteurs de projet, une fois décompté le forfait de 30 000 euros, est donc de 80 000 euros par an et par maison. En d'autres termes, le forfait finance actuellement à peine plus du quart du coût de fonctionnement réel d'une maison France services . Il n'a pas évolué depuis les MSAP, alors même que le coût de fonctionnement des maisons est nettement supérieur en raison d'un cahier des charges beaucoup plus exigeant.

Ce modèle financier n'est plus soutenable pour les porteurs de projet , notamment pour les collectivités rurales qui assurent parfois le fonctionnement et le financement de plusieurs maisons en raison de la faible densité de population et de l'étendue de leur territoire, alors même que leurs capacités financières sont souvent les plus faibles.

Coût moyen d'une maison France services en 2020 selon son implantation

Implantation de la maison France services

Nombre moyen d'agents par maison

Coût moyen (en euros)

Zone rurale

2,2

93 843

Péri-urbain

2,5

101 479

Quartier prioritaire de la politique de la ville

4,5

200 131

Outre-mer

4,2

77 444

Source : commission des finances d'après la DGCL et d'après l'inspection générale de l'administration

Pour tenir compte de ces réalités, le rapporteur spécial avait recommandé que la participation cumulée de l'État et des opérateurs nationaux soit portée à 50 % du coût minimum d'une maison France services, soit 50 000 euros par maison , pour un reste à charge compris entre 50 000 et 70 000 euros en moyenne.

Cela représenterait une hausse de 20 000 euros par maison, soit, sur la base de 2 500 France services, 25 millions d'euros supplémentaires pour l'État et 25 millions d'euros pour les opérateurs. L'arrivée des nouveaux opérateurs pourrait permettre d'absorber la hausse du niveau de financement, qui ne serait pas supportée par les partenaires actuels.

Dans la mesure où France services est aujourd'hui l'une des actions phares de l'État pour maintenir des services publics dans tous les territoires, celui-ci doit impérativement accompagner financièrement les porteurs des maisons France services à la hauteur de l'ambition du programme.

Comme il l'a indiqué lors de la présentation de son rapport, le rapporteur spécial est conscient de l'importance des montants en jeu. Mais les arguments en faveur de cette hausse sont triples :

- d'une part, il est certain que, dans la mesure où France services représente aujourd'hui un des programmes phares du Gouvernement, celui-ci doit pouvoir mettre les moyens qui correspondent à ses ambitions ;

- d'autre part, le modèle financier actuel des maisons France services n'est pas soutenable à moyen terme pour les porteurs de projet , en particulier pour les collectivités en milieu rural ;

- enfin, les enjeux d'accessibilité et de facilité des services publics méritent selon le rapporteur spécial que l'État y consacre 61 millions, ce qui reste comparativement peu pour une politique qui fonctionne et qui répond aux besoins de la population .


* 1 Loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires.

* 2 Revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs : entre enthousiasme et frustrations, rapport d'information numéro 910, fait au nom de la délégation aux entreprises et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, M. Serge Babary, Mme Sonia de la Provôté, M. Gilbert-Luc Devinaz, septembre 2022.

* 3 Le programme Action coeur de ville, exercices 2018-2021, Cour des comptes, septembre 2022.

* 4 Premier bilan du financement des maisons France services, rapport d'information n° 778 de M. Bernard DELCROS, fait au nom de la commission des finances, juillet 2022.

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