C. ... OR, LES BESOINS EN HÉBERGEMENT D'URGENCE N'ONT JAMAIS ÉTÉ AUSSI ÉLEVÉS

Le parc d'hébergement se situe à un niveau historiquement élevé de près de 200 000 logements, soit 40 000 places de plus que le niveau antérieur à la crise sanitaire .

1. Le parc d'hébergement a atteint un plateau dont il semble quasiment impossible de redescendre

L'augmentation du parc d'hébergement , à l'occasion de la crise sanitaire, correspondait en partie à un besoin nouveau , par exemple celui de personnes auparavant hébergées chez des tiers, ce qui devenait beaucoup plus difficile en période de confinement : la crise sanitaire a servi de révélateur et d'amplificateur à des situations de mal-logement, et parfois de mal-traitement pour des femmes victimes de violence. La création de places d'hébergement a toutefois correspondu aussi à une volonté de mettre à l'abri les populations sans abri , au moment où le reste de la population s'enfermait chez soi. Par la suite il n'a pas paru envisageable de les renvoyer à la rue.

La question des migrants se pose également. Si les réfugiés et demandeurs d'asile ont vocation à être pris en charge par le dispositif national d'accueil (DNA), qui relève du ministère de l'intérieur, ce dispositif est saturé et de nombreuses personnes se retournent vers les dispositifs d'hébergement d'urgence de droit commun du programme 177. Ceux-ci sont en effet soumis à une obligation légale d'accueil inconditionnel 13 ( * ) .

Le dispositif d'hébergement accueille aussi, pour les mêmes raisons, des personnes à « droits incomplets », malgré la circulaire « Valls » de 2012 qui visait à faciliter le traitement des dossiers 14 ( * ) . Ces personnes peuvent y rester bloquées pendant de longues périodes, car elles ne peuvent pas avoir accès à des logements sociaux traditionnels tant que leur situation n'est pas régularisée.

Or l'accompagnement dans les structures d'hébergement a une vocation essentiellement sociale , alors que ces personnes ont besoin d'un accompagnement juridique qui est plutôt du ressort du dispositif national d'accueil.

Le programme 177 a également été chargé de l'accueil des migrants ukrainiens en 2022, mission pour laquelle il a reçu une enveloppe de 100 millions d'euros ouverte par le décret d'avance du 7 avril 2022. Au mois de septembre, 5 700 logements étaient mobilisés pour environ 18 000 déplacés ukrainiens, dont près de 40 % sont logés au sein du parc social et 60 % dans le parc privé grâce à une mobilisation d'ampleur des acteurs du logement, mais aussi des citoyens. La stratégie de la DIHAL a été de les orienter vers des villes moyennes, qui ont des délais plus courts d'accès au logement social, voire des logements vacants 15 ( * ) .

L'ensemble des lignes budgétaires du programme 177 demeurent ainsi à un niveau élevé , d'autant que les coûts de personnel sont impactés par les revalorisations salariales. La légère diminution prévue pour l'hébergement d'urgence (graphique infra ) ne devrait pas avoir lieu en raison de l'ouverture de crédits de 40 millions d'euros prévue par le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

Crédits des actions d'hébergement et de logement adapté
entre 2016 et 2023

(en millions d'euros)

Crédits de l'hébergement d'urgence : données retraitées entre 2016 et 2019 16 ( * ) . Hébergement d'urgence : y compris ouvertures de crédits en décret d'avance et première loi de finances rectificative pour 2022, ainsi que dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale sur le PLF 2023.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Au total, alors que les effets de la crise sanitaire s'éloignent, le Gouvernement ne semble pas trouver le moyen de réduire les besoins en hébergement d'urgence alors que les structures utilisées, notamment les hôtels, ne facilitent pas l'insertion .

2. Vers une réforme à terme du fonctionnement des CHRS

Une instruction ministérielle du 22 avril dernier a indiqué aux services de l'État que les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) pourraient être signés avec les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) jusqu'à la fin 2024, alors que le délai maximal est fixé par la loi ELAN au 31 décembre 2022 17 ( * ) . Le projet annuel de performances indique que ce décalage est justifié par la prise en compte « du retard pris du fait de la crise Covid et de gestion de l'accueil des déplacés d'Ukraine ».

Les coûts constatés étant très variables d'un CHRS à un autre, sans que les différences paraissent justifiées par des différences dans les niveaux de prestations, le système de tarification a été revu depuis 2018 afin de mettre en place un mécanisme de convergence tarifaire fondé sur la définition de tarifs-plafonds. Les économies réalisées par ce processus auraient été de 7,9 millions d'euros en 2018 et de 5,1 millions d'euros en 2019, 2021 et 2022, la convergence tarifaire a été suspendue en 2020, en raison de la crise sanitaire.

La DIHAL indique travailler sur un nouveau système de tarification, qui prendrait mieux en compte l'aspect qualitatif des services apportés, mais qui s'accompagnerait de la mise en place d'un nouveau système d'information. Cette réforme n'aboutirait pas avant 2025.


* 13 Article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles.

* 14 Circulaire relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , 28 novembre 2012.

* 15 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 16 Retraitement de - 118,7 millions d'euros, correspondant au transfert en 2019 des actions relatives aux centres d'hébergement d'urgence dédiés aux migrants et aux réfugiés en Île-de-France vers des programmes relevant du ministère de l'intérieur.

* 17 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, article 125 .

Page mise à jour le

Partager cette page