Rapport général n° 115 (2022-2023) de M. Jean-Baptiste BLANC , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022

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N° 115

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 6a
COHÉSION DES TERRITOIRES - LOGEMENT ET VILLE
(Programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion
des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement »,
135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat »
et 147 « Politique de la ville »)

Rapporteur spécial : M. Jean-Baptiste BLANC

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean- Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Ce rapport porte sur les programmes de la mission « Cohésion des territoires » relatifs aux politiques d'hébergement, du logement, de l'urbanisme et de la ville, soit les programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville ».

Les crédits de la mission « Cohésion des territoires » passent de 17,2 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2022 à 17,9 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2023 en crédits de paiement. Par rapport aux crédits totaux ouverts en 2022, et compte tenu de la prévision d'inflation, toutefois, la diminution est de 1,9 % en euros constants.

Évolution des crédits de la mission « Cohésion des territoires »

(en millions d'euros et en pourcentage)

LFI 2022

Crédits totaux 2022

format 2023

PLF 2023

PLF 2023 / crédits totaux 2022 format 2023

FDC
et ADP 2023

montant

en %

corrigé inflation

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

AE

2 785,8

3 019,4

2 755,7

- 263,7

- 8,7%

- 12,5%

CP

2 677,5

2 911,1

2 780,4

- 130,6

- 4,5%

- 8,4%

109 - Aide à l'accès au logement

AE

13 079,4

13 156,2

13 371,3

+ 292,1

+ 2,2%

- 2,0%

CP

13 079,4

13 156,2

13 371,3

+ 292,1

+ 2,2%

- 2,0%

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

AE

529,5

559,3

803,1

+ 268,7

+ 50,3%

+ 44,1%

764,0

CP

529,5

541,6

780,8

+ 264,1

+ 51,1%

+ 44,9%

365,0

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

AE

244,2

295,7

329,4

+ 50,0

+ 17,9%

+ 13,0%

51,4

CP

247,0

286,3

262,4

- 7,6

- 2,8%

- 6,8%

51,4

147 - Politique de la ville

AE

558,0

591,5

597,5

+ 25,0

+ 4,4%

+ 0,1%

0,4

CP

558,0

591,5

597,5

+ 25,0

+ 4,4%

+ 0,1%

0,4

162 - Interventions territoriales de l'État

AE

98,4

104,5

85,8

- 14,4

- 14,3%

- 17,9%

72,2

CP

92,3

98,1

61,6

- 32,2

- 34,3%

- 37,0%

42,9

Total mission

AE

17 295,4

17 726,6

17 942,8

+ 357,7

+ 2,0%

- 2,2%

887,8

CP

17 183,7

17 584,6

17 854,0

+ 410,8

+ 2,4%

- 1,9%

459,6

Crédits totaux 2022 format 2023 : loi de finances initiale (LFI) + décret d'avance du 7 avril + loi de finances rectificative du 16 août + second projet de loi de finances rectificative + modifications de périmètre en PLF 2023. AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. FDC : fonds de concours. ADP : attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La mission « Cohésion des territoires » est, parmi celles du budget général, celle à laquelle est rattaché le plus important volume de dépenses fiscales (15,9 milliards d'euros). Elle se caractérise aussi par un niveau élevé de fonds de concours et attributions de produits (459,6 millions d'euros) et de ressources affectées (1,1 milliard d'euros).

Moyens globaux alloués à la mission « Cohésion des territoires »

(en milliards d'euros)

Crédits des opérateurs hors transferts

Source : commission des finances, à partir de l'état F annexé au projet de loi de finances

I. LA POLITIQUE D'HÉBERGEMENT ET D'ACCÈS AU LOGEMENT (PROGRAMME 177)

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » porte la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. Pour 2023, les crédits demandés par le projet de loi de finances sont de 2,8 milliards d'euros en autorisation d'engagement et en crédits de paiement .

Si les crédits sont en hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 (+ 102,9 millions d'euros en crédits de paiement), ils sont en diminution par rapport à ceux ouverts en cours d'année (- 131,4 millions d'euros). En euros constants, la diminution est de 8,8 % en autorisations d'engagement et de 4,5 % en crédits de paiement. Une fois de plus, le programme 177 entame l'année avec des crédits qui pourraient bien apparaître comme sous-évalués en cours d'année , compte tenu du maintien des besoins à un niveau élevé.

La politique du « Logement d'abord » , qui vise à faire passer les personnes directement de la rue à un logement, avec un accompagnement, a certes produit des résultats quantitatifs notables pour ce qui concerne le logement adapté (nombre de places ouvertes en intermédiation locative, création de pensions de famille, attribution de logement sociaux à des personnes sans abri...).

Elle n'a toutefois pas permis de réduire les besoins en hébergement d'urgence, qui n'ont jamais été aussi élevés . Le niveau de 200 000 places du parc d'hébergement, qui a augmenté en principe temporairement de 40 000 places lors de la crise sanitaire en 2020, semble désormais constituer un plateau dont il est difficile de redescendre : le Gouvernement vient une nouvelle fois de renoncer à diminuer le nombre de places, demandant l'ouverture de 40 millions d'euros de crédits supplémentaires dans le texte du projet de loi de finances considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

Crédits des actions d'hébergement et de logement adapté
entre 2016 et 2023

(en millions d'euros)

Crédits de l'hébergement d'urgence : données retraitées entre 2016 et 2019. Hébergement d'urgence : y compris ouvertures de crédits en cours d'année pour 2022, ainsi que dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale sur le PLF 2023.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

II. LES AIDES AU LOGEMENT (PROGRAMME 109)

Le programme 109 porte principalement les aides personnelles au logement (APL), soit 13,4 milliards d'euros sur le budget de l'État, en évolution de + 2,2 % en valeur et - 2,0 % en volume.

Six millions de ménages bénéficient d'une aide au logement, qui contribue à réduire leurs dépenses de logement : le taux d'effort des ménages, qui est de 20,0 % avec les aides, serait supérieur à 40 % sans ces aides.

Évolution du taux d'effort des ménages éligibles aux APL
selon le type de logement et de ménage

(en % du revenu hors aides au logement)

Taux d'effort : part du revenu des allocataires effectivement consacrée à la dépense de logement. Numérateur : somme du loyer et des charges forfaitaires ou de la mensualité d'emprunt minorées de l'aide au logement. Dénominateur : revenu hors aides au logement.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Toutefois, les prestations sociales couvrent une part de plus en plus réduite des dépenses courantes des ménages pour les logements ordinaires, hors locaux d'hébergements collectifs : elle est de 4,4 % en 2021, contre 4,7 % en 2019 et 5,3 % en 2015.

En outre, le modèle de financement des aides à la pierre, qui repose en partie sur une contribution des employeurs, devra être revu d'ici à 2025 car la loi organique relative aux lois de finances supprime à cette échéance la possibilité d'affecter une imposition à un fonds sans personnalité juridique. Or Action Logement, qui a été mis à contribution plusieurs fois au cours des années récentes, voit ses marges de plus en plus limitées.

III. LA POLITIQUE DE L'HABITAT ET DE L'URBANISME (PROGRAMME 135)

Le programme 135 , pivot des politiques du logement et de l'urbanisme, porte des actions diverses relatives à la construction, l'habitat et l'urbanisme, pour un montant de crédits budgétaires de 780,8 millions d'euros, complété par des fonds de concours d'un niveau de 365 millions d'euros et des dépenses fiscales d'un niveau prévisionnel de près de 15 milliards d'euros.

A. ALORS QUE LA SITUATION DANS LE SECTEUR DU LOGEMENT EST PARTICULIÈREMENT INCERTAINE...

Le secteur de la construction a été atteint en 2022 par les tensions sur les prix , qui ne devraient pas s'atténuer en 2023, ainsi que la difficulté à obtenir des permis de construire.

- Les mises en chantier sont au niveau le plus bas depuis 2016, hors période de fermeture des chantiers en 2020 : la reprise semble déjà marquer le pas et la remontée sensible des taux risque de freiner les dépôts de permis de construire dans les mois et années à venir.

Évolution des coûts des matériaux de construction
et du prix de l'énergie

(référence 100 en 2015)

Source : commission des finances, à partir des données de l'INSEE

Dans le même temps, l'objectif de 250 000 logements sociaux agréés en 2021 et 2022 , annoncé par le précédent Gouvernement, a été abandonné et le nombre d'agréments reste égal, voire inférieur à 100 000 logements .

La hausse du livret A, représente une charge importante à court terme pour les organismes de logements sociaux. Elle s'ajoute au maintien de la réduction de loyer de solidarité (RLS), dont l'article 41 ter du projet de loi de finances, rattaché à la mission « Cohésion des territoires », suspend une nouvelle fois l'indexation afin de limiter la charge qu'elle représente pour les bailleurs.

Or les investissements prévus dans le parc social dans les années à venir sont tout à fait considérables et représentent un effort historique pour le secteur. Aux besoins de production de logements sociaux neufs, même si ceux-ci se limitaient à 100 000 par an, s'ajoutera la nécessaire rénovation du parc existant.

B. LE NOUVEAU QUINQUENNAT N'AFFICHE AUCUNE STRATÉGIE POUR LA POLITIQUE DU LOGEMENT

L'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a vu son budget multiplié par cinq depuis 2019.

La subvention du programme 135 passe de 170 à 403 millions d'euros, montants auxquels il faut ajouter notamment la dotation sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (2,3 milliards d'euros) et l'affectation du produit de la vente des quotas carbone (700 millions d'euros).

Si MaPrimeRénov' rencontre un grand succès, les effets sur la diminution du parc de logements sont insuffisants à long terme et il est nécessaire de mettre l'accent sur la rénovation globale . Or celle-ci souffre du manque d'entreprises et de la difficulté à appréhender la complexité des travaux pour les particuliers.

Dans le même temps, un acteur majeur, Action Logement, est soumis à une double pression qui menace sa capacité à accomplir ses missions en faveur du logement.

D'une part, l'article 16 du projet de loi de finances prévoit une nouvelle ponction de 300 millions d'euros sur ses ressources, cette fois pour contribuer au financement du fonds national des aides à la pierre (FNAP).

D'autre part, le classement, par l'INSEE, d'Action Logement Services en administration publique a pour effet d'intégrer sa dette à la dette publique et, à terme, d'empêcher l'organisme d'emprunter pour plus de douze mois.

Ces décisions unilatérales pourraient affecter la participation d'Action Logement aux politiques publiques dont la mise en oeuvre dépendent de sa contribution, à commencer par le nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), dont il est de loin le principal financeur, mais aussi au financement de l'ensemble du logement social dont Action Logement est un acteur important.

Alors que l'aide aux « maires densificateurs » (aide à la relance de la construction durable, puis contrats de relance du logement) n'a plus de financement en 2023 , l'État ne définit pas non plus de modèle de financement pour la politique de sobriété foncière :

Le fonds friche, qui a suscité en 2021 et 2022 l'émergence de nombreux projets de réhabilitation de friches dans les territoires, est désormais intégré dans un « fonds vert » , ou fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, dont les modalités de financement n'ont toujours pas été définies.

Alors que l'objectif de « zéro artificialisation nette » a été gravé dans la loi à l'été 2021, ce projet de loi de finances ne contient que très peu de mesures tendant à faciliter ou rendre « désirable » l'objectif de sobriété foncière pour les communes .

Le rapporteur spécial souligne l'urgence de poursuivre les travaux , sur la base notamment du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, afin de « climatiser » réellement la fiscalité et les ressources des collectivités territoriales .

IV. LA POLITIQUE DE LA VILLE (PROGRAMME 147)

Le programme 147 porte les crédits de la politique de la ville , pour un montant de crédits de 597,5 millions d'euros en 2023, en hausse de 4,4 % en valeur et stable en euros constants.

Le dispositif « Quartiers d'été » , financé par des crédits ouverts en cours d'année depuis 2020, est enfin intégré à la budgétisation initiale.

En revanche, les moyens relatifs à l'éducation dans les quartiers de la politique de la ville sont de 169,7 millions d'euros, soit une diminution de 3,8 millions d'euros .

La question de la spécificité des crédits dédiés à la politique de la ville demeure posée : au-delà des crédits budgétaires du programme 147, les quartiers font l'objet de nombreuses lignes de crédits dont une traçabilité insuffisante permet difficilement d'évaluer l'impact.

Le nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), dont le démarrage a été lent depuis 2014, entre dans une phase active avec des dépenses estimées de 568 millions d'euros en 2022.

Il demeure toutefois financé principalement par Action Logement et les bailleurs sociaux, alors que l'État tarde à apporter le financement promis de 1,2 milliard d'euros .

Financement de l'ANRU par les crédits budgétaires du programme 147

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des lois et projets de loi de finances initiale et de règlement des comptes

Réunie le mardi 15 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur le vote des crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Elle a proposé en revanche l'adoption de l'article 41 ter , rattaché à la mission.

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions .

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues pour le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 93 % pour les programmes 109 « Aide à l'accès au logement » et 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 77 % pour le programme 147 « Politique de la ville ». Il convient de souligner le niveau élevé de ce taux, par rapport au taux plus faible de réponses observé sur certains de ces programmes il y a quelques années.

PREMIÈRE PARTIE
PRÉSENTATION GLOBALE DE LA MISSION

I. LES CRÉDITS DE LA MISSION

Les crédits de la mission « Cohésion des territoires » sont, dans le projet de loi de finances pour 2023, de 17,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement , contre 17,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement (+ 647,6 millions d'euros) et 17,2 milliards d'euros en crédits de paiement (+ 670,4 millions d'euros) dans la loi de finances initiale pour 2022.

Toutefois, le décret d'avance du 7 avril 2022 a ouvert des crédits de 100 millions d'euros en faveur du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». Sur les autres programmes, il a annulé des crédits à titre provisoire. Ces crédits ont été rétablis par la première loi de finances rectificative du 16 août, qui a également ouvert 258,8 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement et 243,8 millions d'euros en crédits de paiement 1 ( * ) .

En outre, des mesures de périmètre d'un montant limité concernent principalement les programmes 112, 147 et 162, aboutissant à une augmentation totale de périmètre de 12,3 millions d'euros, soit moins de 0,1 % de la mission.

Au total, l'augmentation des crédits est, à périmètre constant, de 357,7 millions d'euros (+ 2,0 %) en autorisations d'engagement et de 410,8 millions d'euros (+ 2,4 %) en crédits de paiement.

Toutefois, compte tenu d'une prévision d'inflation de 4,3 % en 2023 2 ( * ) , les crédits diminuent en volume de 2,2 % en autorisations d'engagement et de 1,9 % en crédits de paiement .

Évolution des crédits de la mission « Cohésion des territoires »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Exécution 2021 3 ( * )

LFI
2022

Crédits totaux 2022

format 2023

PLF 2023

PLF 2023 / crédits totaux 2022 format 2023

FDC
et ADP 2023

montant

en %

corrigé inflation

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

AE

2 876,6

2 785,8

3 019,4

2 755,7

- 263,7

- 8,7%

- 12,5%

CP

2 897,9

2 677,5

2 911,1

2 780,4

- 130,6

- 4,5%

- 8,4%

109 - Aide à l'accès au logement

AE

12 438,3

13 079,4

13 156,2

13 371,3

+ 292,1

+ 2,2%

- 2,0%

CP

12 437,4

13 079,4

13 156,2

13 371,3

+ 292,1

+ 2,2%

- 2,0%

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

AE

1 395,6

529,5

559,3

803,1

+ 268,7

+ 50,3%

+ 44,1%

764,0

CP

941,2

529,5

541,6

780,8

+ 264,1

+ 51,1%

+ 44,9%

365,0

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

AE

300,6

244,2

295,7

329,4

+ 50,0

+ 17,9%

+ 13,0%

51,4

CP

282,5

247,0

286,3

262,4

- 7,6

- 2,8%

- 6,8%

51,4

147 - Politique de la ville

AE

523,3

558,0

591,5

597,5

+ 25,0

+ 4,4%

+ 0,1%

0,4

CP

523,9

558,0

591,5

597,5

+ 25,0

+ 4,4%

+ 0,1%

0,4

162 - Interventions territoriales de l'État

AE

87,1

98,4

104,5

85,8

- 14,4

- 14,3%

- 17,9%

72,2

CP

68,0

92,3

98,1

61,6

- 32,2

- 34,3%

- 37,0%

42,9

Total mission

AE

17 621,6

17 295,4

17 726,6

17 942,8

+ 357,7

+ 2,0%

- 2,2%

887,8

CP

17 150,8

17 183,7

17 584,6

17 854,0

+ 410,8

+ 2,4%

- 1,9%

459,6

Crédits totaux 2022 format 2023 : loi de finances initiale (LFI) + décret d'avance du 7 avril + loi de finances rectificative du 16 août + second projet de loi de finances rectificative + modifications de périmètre en PLF 2023. AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. FDC : fonds de concours. ADP : attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. LES MOYENS GLOBAUX DE LA MISSION

Le nouvel état F, annexé au projet de loi de finances en application de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 4 ( * ) , récapitule les moyens globaux des missions . Aux crédits de paiement décrits supra , dans lesquels il distingue les crédits de subventions aux opérateurs et ceux finançant des dépenses d'investissement, il ajoute le montant des dépenses fiscales, des ressources affectées, et le cas échéant des prélèvements sur recettes et des crédits des comptes spéciaux qui concourent à la mise en oeuvre des politiques publiques financées par cette mission.

La mission « Cohésion des territoires » est, parmi celles du budget général, celle à laquelle est rattaché le plus important volume de dépenses fiscales (15,9 milliards d'euros). Elle se caractérise aussi par un niveau élevé de fonds de concours et attributions de produit (459,6 millions d'euros) et de ressources affectées (1,1 milliard d'euros).

Moyens globaux alloués à la mission « Cohésion des territoires »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'état F annexé au projet de loi de finances

La ligne « Crédits budgétaires revenant aux opérateurs » n'inclut toutefois qu'une partie des crédits budgétaires alloués aux opérateurs, tels qu'indiqués dans le projet annuel de performances : elle comprend les subventions pour charges de service public et pour charges d'investissement, ainsi que les dotations aux fonds propres, mais pas les transferts, qui représentent la majorité des crédits alloués aux opérateurs sur cette mission 5 ( * ) .

A. LES DÉPENSES FISCALES

Le montant total des dépenses fiscales est de 15,9 milliards d'euros 6 ( * ) , soit un niveau égal à 89 % de celui des crédits budgétaires. 93 % d'entre elles sont rattachées au programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat ».

Les principales dépenses fiscales de la mission « Cohésion des territoires »

(en millions d'euros)

Numéro et libellé

Chiffrage 2021

Estimation 2022

Prévision 2023

Taux de 10 % pour les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien (hors TVA à 5,5 % infra )

3 990

4 330

4 540

Taux de 5,5 % pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans

1 760

1 910

2 000

Déduction des dépenses de réparations et d'amélioration

1 700

nc

nc

Réductions d'impôt sur le revenu en faveur de l'investissement locatif intermédiaire (dispositifs Duflot et Pinel)

1 117

1 378

1 516

Taux de 5,5 % dans le secteur du logement social dans le cadre de la politique de renouvellement urbain

1 135

nc

nc

nc : non connu

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

B. LES OPÉRATEURS DE LA MISSION

L'opérateur le plus important de la mission en nombre de personnels est l ' Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), rattachée depuis 2020 au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d ' aménagement du territoire », avec 371 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2023.

Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l ' habitat » est chef de file pour quatre opérateurs, mais n'apporte des crédits budgétaires que pour l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), dont les crédits budgétaires comme les moyens en personnel sont en forte croissance comme indiqué lors de la présentation de ce programme infra .

Crédits et emplois des opérateurs rattachés à la mission
« Cohésion des territoires »

(en milliers d'euros et en équivalents
temps plein travaillé (ETPT))

Opérateur et programme

LFI 2022

PLF 2023

PLF 2023 / LFI 2022

Agence nationale de l ' habitat (ANAH)

135

AE

1 700,0

2 450,0

+ 750,0

CP

1 390,0

2 300,0

+ 910,0

Emplois

207

232

+ 25

Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS)

135

AE

0,0

0,0

-

CP

0,0

0,0

-

Emplois

136

136

-

Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS)

135

AE

0,0

0,0

-

CP

0,0

0,0

-

Emplois

28

29

+ 1

Fonds national des aides à la pierre (FNAP)

135

AE

0,0

0,0

-

CP

0,0

0,0

-

Emplois

0,0

0,0

-

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

112

AE

60,5

60,5

-

CP

63,2

63,2

-

Emplois

353

371

+ 18

Autorisations d ' engagement (AE) et crédits de paiement (CP) relevant du programme indiqué ; emplois rémunérés par l ' opérateur

Source : commission des finances du Sénat, à partir du projet annuel de performances

Ces crédits ne correspondent qu'à une partie des ressources de ces opérateurs.

Certains peuvent bénéficier de crédits budgétaires alloués par des programmes appartenant à d'autres missions budgétaires, de l'affectation de taxes ou de recettes diverses.

L'ANAH reçoit ainsi en 2023 des crédits budgétaires à hauteur de 2,3 milliards d'euros du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », pour le financement de la prime de transition énergétique MaPrimeRénov', et le produit de la vente des quotas carbone lui est affecté à hauteur de 700 millions d'euros.

Les autres opérateurs du programme 135 sont également financés, à titre principal, par des taxes affectées :

- un prélèvement sur les ressources de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) et une cotisation versée par les organismes de logement social pour l'ANCOLS ;

- des contributions des organismes de logement social pour la CGLLS ;

- des versements de la CGLLS, une fraction du produit des prélèvements SRU 7 ( * ) et d'autres ressources pour le FNAP.

III. LA COTATION ENVIRONNEMENTALE DE LA MISSION

Le rapport relatif à l'impact environnemental du budget 2022, dit « budget vert », considère que les crédits budgétaires, taxes affectées et dépenses fiscales de la mission « Cohésion des territoires » seraient plus favorables (3,9 milliards d'euros) que défavorables (2,6 milliards d'euros).

Toutefois, 86,2 % de ces crédits sont considérés comme neutres ou ne sont pas cotés , s'agissant en particulier des dépenses d'aide au logement et d'hébergement d'urgence.

Cotation environnementale de la mission « Cohésion des territoires »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir du rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État et du projet de loi de finances

Les dépenses considérées comme favorables à l'environnement sont en particulier celles qui contribuent à la lutte contre l'artificialisation des sols et à leur dépollution (actions des établissements publics fonciers (EPF), financées par la taxe spéciale d'équipement) et celles visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d'énergie via la rénovation thermique (crédits de l'ANAH, financés par une partie des recettes des enchères des quotas carbone).

Les seules dépenses jugées défavorables sont des dépenses fiscales, en particulier les dispositifs de type « Pinel » ou « prêt à taux zéro » , auxquels est appliquée une quote-part afin d'identifier leur part « artificialisante ».

SECONDE PARTIE
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LES PROGRAMMES « LOGEMENT ET VILLE »

I. LE PROGRAMME 177 « HÉBERGEMENT, PARCOURS VERS LE LOGEMENT ET INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES »

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » porte la politique d ' hébergement et d ' accès au logement des personnes sans abri ou mal logées . Il se compose de trois actions dont les crédits sont très inégaux.

L' action 11 « Prévention de l'exclusion » (1,1 % des crédits de paiement) finance des actions diverses , principalement de développement d'aires d'accueil des gens du voyage (allocation de logement temporaire « ALT 2 » versée à des gestionnaires locaux) et de prévention des expulsions locatives, ainsi qu'un dispositif de résorption des bidonvilles.

L' action 12 « Hébergement et logement adapté » comprend 98,6 % des crédits de paiement. Elle porte les politiques de veille sociale , d' hébergement d'urgence et de logement adapté , décrites plus en détail infra.

L' action 14 « Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale » (0,3 % des crédits de paiement) finance des actions de pilotage du secteur de l'accueil, de l'hébergement et de l'insertion , ainsi qu'un soutien aux fédérations locales des centres sociaux .

A. LES OUVERTURES DE CRÉDIT RÉALISÉES EN COURS D'ANNÉE 2022 NE SONT POUR L'INSTANT PAS PROROGÉES EN 2023

Les crédits demandés pour 2023 sur le programme 177 sont de 2,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement , soit une quasi-stabilité en autorisations d'engagement et une augmentation de 0,1 milliard d'euros en crédits de paiement. Cette évolution, si on la corrige de l'inflation prévue en 2023, correspond à une baisse de 5,2 % en autorisations d'engagement et de 0,4 % en crédits de paiement.

Évolution des crédits par action du programme 177

(en millions d'euros et en %)

2022
LFI

2022

crédits totaux

2023

PLF

Évolution PLF 2023 /
LFI 2022

montant

%

corrigé inflation

11 - Prévention de l'exclusion

AE

31,8

31,8

-

-

- 4,1%

CP

31,8

31,8

-

-

- 4,1%

12 - Hébergement et logement adapté

AE

2 744,9

2 715,5

- 29,4

- 1,1%

- 5,1%

CP

2 636,6

2 740,3

+ 103,7

+ 3,9%

- 0,4%

14 - Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale

AE

9,1

8,4

- 0,8

- 8,3%

- 12,1%

CP

9,1

8,4

- 0,8

- 8,3%

- 12,1%

Total programme 177

AE

2 785,8

3 020,1

2 755,7

- 30,1

- 1,1%

- 5,2%

CP

2 677,5

2 911,8

2 780,4

+ 102,9

+ 3,8%

- 0,4%

Crédits totaux : loi de finances initiale (LFI) + décret d'avance du 7 avril 2022 + loi de finances rectificative du 7 août 2022. Les montants par action ne sont pas disponibles pour les ouvertures de crédits réalisées en cours d'année (décret d'avance et loi de finances rectificative).

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits ont toutefois évolué de manière significative en cours d'année 2022 : en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, le décret d'avance du 7 avril a ouvert 100 millions d'euros sur le programme 177 afin de financer notamment l'impact sur le parc d'hébergement de l'afflux prévisionnel de réfugiés ukrainiens, puis la loi de finances rectificative du 16 août a ouvert 134,3 millions d'euros supplémentaires pour financer une première tranche de l'extension des accords du Ségur aux travailleurs sociaux (100 millions d'euros) ainsi que pour financer des surcoûts liés aux opérations de mise à l'abri (34,3 millions d'euros).

En conséquence, si les crédits sont en hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 (+ 102,9 millions d'euros en crédits de paiement), ils sont en diminution par rapport à ceux ouverts en cours d'année (- 131,4 millions d'euros).

En euros constants, la diminution est de 8,8 % en autorisations d'engagement et de 4,5 % en crédits de paiement 8 ( * ) . Une fois de plus, le programme 177 entame l'année avec des crédits qui pourraient bien apparaître comme sous-évalués en cours d'année , compte tenu du maintien des besoins à un niveau élevé.

Cette conclusion n'est que partiellement tempérée par une augmentation de 40 millions d'euros des crédits , en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, prévue par le texte du projet de loi de finances considéré comme adopté en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, afin de maintenir le parc d'hébergement à un niveau de 195 000 places.

Le programme 177 connaît enfin des évolutions mineures de périmètre, qui ne remettent pas en cause substantiellement ces évolutions. Le programme 177 prend la responsabilité de plusieurs applications informatiques et certaines conventions avec des associations sont transférées à la direction générale de la cohésion sociale, pour un montant net de transferts inférieur à 1 million d'euros.

B. LE GOUVERNEMENT N'A PAS ENCORE FIXÉ D'OBJECTIFS CLAIRS À LA POLITIQUE DU LOGEMENT D'ABORD, QUI DEVAIT RÉDUIRE LES BESOINS EN HÉBERGEMENT D'URGENCE...

Les personnes sans abri sont traditionnellement orientées vers un parcours progressif vers le logement qui passe, « en escalier », par différentes étapes et structures d'hébergement pour aller vers le logement autonome.

1. Le « Logement d'abord » a produit des résultats quantitatifs notables...

Dans les années 2010, cette stratégie paraissait à bout de souffle : chaque année, la « gestion au thermomètre » conduisait à ouvrir des places au fur et à mesure de l'apparition des besoins en hiver. En parallèle, les centres d'hébergements d'urgence ont dépassé vers 2016, en nombre de places, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), où les personnes sont plus proches de l'autonomie. L'engorgement de plus en plus marqué des structures se traduisait par une dérive des coûts constatée par la commission des finances lors des ouvertures de crédits en lois de finances rectificatives : l'hébergement d'urgence , autrefois conçu comme une réponse à une crise, était devenu un dispositif pérenne et l'urgence se transformait en norme d'intervention 9 ( * ) .

Face à ce constat, le « Logement d'abord », sous l'impulsion de la délégation interministérielle pour l'habitat et l'accès au logement (DIHAL), propose une solution alternative qui est de faire passer les personnes directement de la rue à un logement , avec un accompagnement. Des expérimentations menées à l'étranger, puis en France avec le dispositif « Un chez-soi d'abord », qui concerne des personnes sans abri qui souffrent de troubles psychiques, ont montré la capacité de cette stratégie à favoriser le retour à un logement normal de personnes à grandes difficultés.

Porté sur le plan politique dès 2009 par la stratégie nationale de l'hébergement et de l'accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées, le « Logement d'abord » a fait l'objet, au début du quinquennat précédent, d'objectifs chiffrés présentés par le président de la République le 11 septembre 2017 10 ( * ) : produire 40 000 logements très sociaux par an dès 2018, ouvrir sur cinq ans 10 000 places en pensions de famille, créer sur cinq ans 40 000 places supplémentaires d'intermédiation locative principalement dans le parc locatif privé, via les dispositifs d'intermédiation locative.

Les résultats sont indéniables sur le plan numérique . Le nombre de places en intermédiation locative financées par le programme 177, qui était de 33 604 places en 2017, dépassait les 70 000 places à la mi-2022, de sorte que l'objectif de 40 000 places supplémentaires pourrait être atteint d'ici à la fin de l'année. Dans le même temps, 6 221 places en pensions de famille ont été ouvertes, soit 62 % de l'objectif total du plan Logement d'abord 11 ( * ) . Les attributions de logements sociaux à des personnes sans abri ont également augmenté.

L'intermédiation locative

L'intermédiation locative est un dispositif qui fait intervenir un tiers (opérateur, organisme agréé ou association) entre le locataire et le bailleur. Des déductions fiscales peuvent atteindre jusqu'à 85 % des revenus locatifs, aux bailleurs qui acceptent de louer leur logement à des ménages en difficulté. Il existe deux formes d'intermédiation locative :

- la location/sous-location : le propriétaire loue son logement à une association agréée, qui assure le paiement des loyers et des charges, l'entretien courant et la remise en état du logement. Elle met le logement à disposition du ménage. Pour le propriétaire, le paiement du loyer est garanti même en cas de vacance ;

- le mandat de gestion : le propriétaire fait appel à une agence immobilière sociale (AIS) qui le met en relation avec le locataire ; le bail est établi entre le locataire et le propriétaire. L'AIS se charge de percevoir pour le compte du propriétaire les loyers et les charges. Elle peut également proposer une garantie de loyers ainsi qu'un accompagnement social du locataire en fonction des besoins.

Source : commission des finances, ANIL 12 ( * )

2. ... avec des moyens financiers en hausse

Dans le prolongement des années précédentes, les crédits du logement adapté connaissent une très nette augmentation dans le présent projet de loi de finances, ceux destinés à l'intermédiation locative dépassant les crédits consacrés aux pensions de famille et aux résidences d'accueil.

Crédits du logement adapté

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des projets annuels de performance

La dépense en intermédiation locative couvre la différence entre le loyer social et le prix du marché, ainsi que les charges de fonctionnement des opérateurs et l'accompagnement des ménages bénéficiaires. L'augmentation en 2023 couvre la création de 8 000 nouveaux postes, mais aussi le coût de la revalorisation salariale des professionnels de l'accompagnement, déjà pris en compte au titre de 2022 par l'ouverture de crédits en loi de finances rectificative du 16 août.

Le poste « Autres », qui porte notamment les crédits du dispositif « Un chez-soi d'abord », est également impacté par cette revalorisation ainsi que par l'augmentation du nombre de sites.

3. Le Gouvernement n'a toutefois toujours pas annoncé sa stratégie pour le Logement d'abord

Si ces crédits semblent impliquer une poursuite de la montée en puissance du dispositif, tout particulièrement de l'intermédiation locative, aucune stratégie précise n'a été annoncée, contrairement aux annonces faites en début de quinquennat précédent.

Selon les auditions réalisées par le rapporteur spécial, un nouveau plan pourrait être annoncé au début de 2023, ce qui signifie que les crédits demandés dans ce projet de loi de finances pourraient être insuffisants, ou mal ciblés, sur les priorités qui seront annoncées.

Le rapporteur spécial regrette cette absence de clarté sur les objectifs , qui risque de démobiliser les acteurs si elle se poursuit trop longtemps. L'abandon de l'objectif - pourtant fort limité - de baisse de 14 000 places du parc d'hébergement est un signe de « navigation à vue » peu propice à la réalisation d'objectifs ambitieux.

En outre et surtout, force est de constater que , malgré les résultats proclamés et les vertus intrinsèques du programme, le « Logement d'abord » n'a pas permis d'inverser la courbe ascendante des besoins en hébergement.

C. ... OR, LES BESOINS EN HÉBERGEMENT D'URGENCE N'ONT JAMAIS ÉTÉ AUSSI ÉLEVÉS

Le parc d'hébergement se situe à un niveau historiquement élevé de près de 200 000 logements, soit 40 000 places de plus que le niveau antérieur à la crise sanitaire .

1. Le parc d'hébergement a atteint un plateau dont il semble quasiment impossible de redescendre

L'augmentation du parc d'hébergement , à l'occasion de la crise sanitaire, correspondait en partie à un besoin nouveau , par exemple celui de personnes auparavant hébergées chez des tiers, ce qui devenait beaucoup plus difficile en période de confinement : la crise sanitaire a servi de révélateur et d'amplificateur à des situations de mal-logement, et parfois de mal-traitement pour des femmes victimes de violence. La création de places d'hébergement a toutefois correspondu aussi à une volonté de mettre à l'abri les populations sans abri , au moment où le reste de la population s'enfermait chez soi. Par la suite il n'a pas paru envisageable de les renvoyer à la rue.

La question des migrants se pose également. Si les réfugiés et demandeurs d'asile ont vocation à être pris en charge par le dispositif national d'accueil (DNA), qui relève du ministère de l'intérieur, ce dispositif est saturé et de nombreuses personnes se retournent vers les dispositifs d'hébergement d'urgence de droit commun du programme 177. Ceux-ci sont en effet soumis à une obligation légale d'accueil inconditionnel 13 ( * ) .

Le dispositif d'hébergement accueille aussi, pour les mêmes raisons, des personnes à « droits incomplets », malgré la circulaire « Valls » de 2012 qui visait à faciliter le traitement des dossiers 14 ( * ) . Ces personnes peuvent y rester bloquées pendant de longues périodes, car elles ne peuvent pas avoir accès à des logements sociaux traditionnels tant que leur situation n'est pas régularisée.

Or l'accompagnement dans les structures d'hébergement a une vocation essentiellement sociale , alors que ces personnes ont besoin d'un accompagnement juridique qui est plutôt du ressort du dispositif national d'accueil.

Le programme 177 a également été chargé de l'accueil des migrants ukrainiens en 2022, mission pour laquelle il a reçu une enveloppe de 100 millions d'euros ouverte par le décret d'avance du 7 avril 2022. Au mois de septembre, 5 700 logements étaient mobilisés pour environ 18 000 déplacés ukrainiens, dont près de 40 % sont logés au sein du parc social et 60 % dans le parc privé grâce à une mobilisation d'ampleur des acteurs du logement, mais aussi des citoyens. La stratégie de la DIHAL a été de les orienter vers des villes moyennes, qui ont des délais plus courts d'accès au logement social, voire des logements vacants 15 ( * ) .

L'ensemble des lignes budgétaires du programme 177 demeurent ainsi à un niveau élevé , d'autant que les coûts de personnel sont impactés par les revalorisations salariales. La légère diminution prévue pour l'hébergement d'urgence (graphique infra ) ne devrait pas avoir lieu en raison de l'ouverture de crédits de 40 millions d'euros prévue par le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

Crédits des actions d'hébergement et de logement adapté
entre 2016 et 2023

(en millions d'euros)

Crédits de l'hébergement d'urgence : données retraitées entre 2016 et 2019 16 ( * ) . Hébergement d'urgence : y compris ouvertures de crédits en décret d'avance et première loi de finances rectificative pour 2022, ainsi que dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale sur le PLF 2023.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Au total, alors que les effets de la crise sanitaire s'éloignent, le Gouvernement ne semble pas trouver le moyen de réduire les besoins en hébergement d'urgence alors que les structures utilisées, notamment les hôtels, ne facilitent pas l'insertion .

2. Vers une réforme à terme du fonctionnement des CHRS

Une instruction ministérielle du 22 avril dernier a indiqué aux services de l'État que les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) pourraient être signés avec les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) jusqu'à la fin 2024, alors que le délai maximal est fixé par la loi ELAN au 31 décembre 2022 17 ( * ) . Le projet annuel de performances indique que ce décalage est justifié par la prise en compte « du retard pris du fait de la crise Covid et de gestion de l'accueil des déplacés d'Ukraine ».

Les coûts constatés étant très variables d'un CHRS à un autre, sans que les différences paraissent justifiées par des différences dans les niveaux de prestations, le système de tarification a été revu depuis 2018 afin de mettre en place un mécanisme de convergence tarifaire fondé sur la définition de tarifs-plafonds. Les économies réalisées par ce processus auraient été de 7,9 millions d'euros en 2018 et de 5,1 millions d'euros en 2019, 2021 et 2022, la convergence tarifaire a été suspendue en 2020, en raison de la crise sanitaire.

La DIHAL indique travailler sur un nouveau système de tarification, qui prendrait mieux en compte l'aspect qualitatif des services apportés, mais qui s'accompagnerait de la mise en place d'un nouveau système d'information. Cette réforme n'aboutirait pas avant 2025.

II. LE PROGRAMME 109 « AIDE À L'ACCÈS AU LOGEMENT »

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » comprend à titre principal les crédits destinés au financement des aides personnelles au logement (APL).

A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DESTINÉS AUX AIDES AU LOGEMENT DIMINUENT EN EUROS RÉELS

Les crédits demandés pour 2023 sont de 13,4 milliards d'euros , en hausse de 292,0 millions d'euros, soit + 2,2 %.

En corrigeant toutefois par l'inflation anticipée pour 2023, soit 4,3 %, les crédits seraient en diminution de 2,0 % en volume .

Évolution des crédits par action du programme 109

(en millions d'euros et en %)

LFI 2022

PLF 2023

PLF 2023 / LFI 2022

montant

en %

corrigé inflation

01 - Aides personnelles

AE

13 070,0

13 362,0

+ 292,0

+ 2,2%

- 2,0%

CP

13 070,0

13 362,0

+ 292,0

+ 2,2%

- 2,0%

02 - Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté

AE

9,4

9,3

- 0,1

- 1,1%

- 5,1%

CP

9,4

9,3

- 0,1

- 1,1%

- 5,1%

03 - Sécurisation des risques locatifs

AE

0,0

0,0

-

CP

0,0

0,0

-

Total programme 109

AE

13 079,4

13 371,3

+ 291,9

+ 2,2%

- 2,0%

CP

13 079,4

13 371,3

+ 291,9

+ 2,2%

- 2,0%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les crédits n'ont pas été modifiés de manière significative en cours d'année 2022 : si des crédits de 38,5 millions d'euros ont été annulés par le décret d'avance du 7 avril, il s'agissait uniquement d'un « rabot » appliqué sur la plupart des programmes du budget général afin de gager les augmentations de crédit réalisées sur certains d'entre eux et ces crédits ont été rétablis par la loi de finances rectificative du 16 août.

L' action 01 « Aides personnelles », qui porte 99,9 % des crédits du programme, assure le versement de la subvention d'équilibre de l'État au fonds national d'aide au logement (FNAL), présentée infra.

L' action 02 « Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté » apporte un soutien financier à l'agence nationale pour l'information sur le logement (ANIL) et au réseau des associations départementales d'information sur le logement (ADIL).

L' action 03 « Sécurisation des risques locatifs » contribuait au financement de la garantie des risques locatifs (GRL) pour les contrats en cours. Cette action ne dispose plus de crédits, étant remplacée par le dispositif Visale porté par Action Logement.

Le programme 109 ne comprend pas de fonds de concours, et une seule dépense fiscale lui est rattachée, à savoir l'exonération d'impôt sur le revenu dont font l'objet l'aide personnalisée au logement (APL) et l'allocation de logement sociale (ALS), pour un coût estimé à 56 millions d'euros.

B. LES AIDES AU LOGEMENT CONSTITUENT POURTANT UN ÉLÉMENT IMPORTANT POUR SOLVABILISER LES MÉNAGES FACE AU POIDS TOUJOURS CROISSANT DE L'INFLATION ET DES DÉPENSES DE LOGEMENT

Six millions de ménages bénéficient d'une aide au logement qui contribue à réduire leurs dépenses de logement.

Ces aides sont versées par les caisses d'allocation familiale (CAF) et par la mutualité sociale agricole (MSA). Les crédits du programme 109 contribuent à compenser à ces organismes le versement des aides. Le montant des prestations versées en 2021 a été de 15,7 milliards d'euros, dont 6,9 milliards d'euros pour l'aide personnalisée au logement (APL), 5,2 milliards d'euros pour l'allocation de logement familiale (AFL) et 3,6 milliards d'euros pour l'allocation de logement sociale (ALS).

Les aides personnelles au logement

Les aides personnelles correspondent à trois aides régies par les articles L. 811-1 à L 863-5 du code de la construction et de l'habitation, qui se distinguent par leurs publics, mais dont les modalités de calcul sont communes.

L' aide personnalisée au logement (APL), créée en 1977, est versée aux occupants de logements conventionnés. L' allocation de logement familiale (ALF), créée en 1948, bénéficie à des occupants qui n'entrent pas dans le champ de l'APL en fonction de leur situation de famille, et l' allocation de logement sociale (ALS), créée en 1971, à des personnes qui n'ont droit ni l'APL, ni à l'ALF. Ces aides sont soumises à des conditions de ressources. Elles sont versées au bailleur, sur demande de celui-ci.

Depuis 2016, ces trois aides sont financées par le fonds national des aides au logement (FNAL) et leurs fondements juridiques ont été regroupés en 2019 dans le code de la construction et de l'habitation.

Source : commission des finances

Ces aides bénéficient aux ménages modestes : 50 % des ménages locataires bénéficiaires, hors étudiants, ont des revenus inférieurs à 0,5 SMIC et 34 % entre 0,5 et 1 SMIC 18 ( * ) .

Les aides personnelles au logement ont pour objectif de réduire le taux d'effort net des ménages , c'est-à-dire la part de leur revenu qui est effectivement consacrée à la dépense de logement (loyer, charges forfaitaires, mensualité d'emprunt...) une fois prises en compte les aides au logement.

L'effet des aides est important pour des ménages modestes . La Caisse nationale d'allocations familiales, qui assure le paiement des aides personnelles au logement à 97 % des bénéficiaires, estime que le taux d'effort des ménages, qui est de 20,0 % avec les aides, serait supérieur à 40 % sans ces aides. L'effet est particulièrement important pour les familles nombreuses : un couple avec trois enfants a un taux d'effort de 32,0 % sans aide et de 12,4 % avec les aides.

Le programme 109 comprend d'ailleurs un seul indicateur, qui correspond à l'évolution de ce taux d'effort net médian pour les ménages bénéficiant des APL. Sa valeur est beaucoup moins élevée dans le parc locatif public (12,9 %) que dans le parc privé (28,8 %).

Évolution du taux d'effort des ménages éligibles aux APL
selon le type de logement et de ménage

(en % du revenu hors aides au logement)

Taux d'effort : part du revenu des allocataires effectivement consacrée à la dépense de logement. Numérateur : somme du loyer et des charges forfaitaires ou de la mensualité d'emprunt minorées de l'aide au logement. Dénominateur : revenu hors aides au logement.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les prestations sociales couvrent toutefois une part de plus en plus réduite des dépenses courantes des ménages pour les logements ordinaires, hors locaux d'hébergements collectifs : elle est de 4,4 % en 2021, contre 4,7 % en 2019 et 5,3 % en 2015 19 ( * ) .

Poids des aides dans les dépenses courantes

(en pourcentage)

Poids des aides dans les dépenses courantes pour les logements ordinaires.

Source : commission des finances, à partir du compte du logement 2021

Or les dépenses de logement augmentent . Les dépenses courantes totales , qui incluent les loyers, les charges et les redevances des locaux d'hébergement collectifs, qui avaient été presque stables entre 2019 et 2020, sont passées de 379,1 milliards d'euros en 2019 à 396,5 milliards d'euros en 2020, soit + 4,6 %.

En particulier, les ménages, notamment modestes, doivent faire face au poids croissant de l'inflation et en particulier de l'augmentation des prix de l'énergie , auxquelles les mesures de type « bouclier tarifaire » apportent une réponse indispensable, mais partielle.

Toutefois, l'impact des aides au logement peut être amoindri si une part d'entre elles est « captée » par les propriétaires qui accroissent en conséquence les prix des logements. Cet aspect inflationniste des APL est débattu depuis longtemps. Selon une étude récente de la Banque de France 20 ( * ) , les aides au logement ont en effet , sur le long terme, un impact global à la hausse sur les loyers de l'ensemble du parc , y compris par conséquence ceux des locataires ne recevant pas les aides. Cet effet est plus marqué et plus durable pour des logements de grande taille.

C. LE MODÈLE DU FINANCEMENT DES AIDES AU LOGEMENT DEVRA ÊTRE REVU DANS LES ANNÉES À VENIR

Le financement du fonds national des aides au logement (FNAL), chargé de compenser aux administrations de sécurité sociale le versement des aides au logement à leurs bénéficiaires, a en 2023, comme en 2022, trois sources :

- le produit des cotisations employeurs 21 ( * ) , au taux de 0,5 % ou 0,1 % sur les revenus d'activité selon que les entreprises emploient plus ou moins de 50 employés, pour un montant estimé à 2,9 milliards d'euros en 2023 ;

- une fraction, plafonnée à 66,2 millions d'euros, du produit de la taxe sur les bureaux (TSB) et autres locaux professionnels en Île-de-France ;

- une dotation d'équilibre de l'État, constituée par l'action 01 « Aides personnelles » du programme 109, dotée en 2023 de 13,4 milliards d'euros.

Dans les années passées, il a eu recours à d'autres ressources, telles qu'une affectation de la taxe sur les plus-values immobilières importantes, à laquelle la loi de finances initiale pour 2022 a mis fin, voire de véritables expédients tels que, en 2020 et 2021, des ponctions sur la trésorerie de la société Action Logement Services. Ces expédients ne sont pas renouvelés dans le présent projet de loi de finances, même si une ponction de même nature, d'un montant de 300 millions d'euros, est réalisée sur cette société afin d'alimenter le fonds national des aides à la pierre (FNAP) 22 ( * ) .

Le montant global des aides à la pierre a diminué significativement depuis 2017 par la mise en oeuvre de plusieurs mesures : réduction de cinq euros des aides à la pierre à la mi-2017, qui a produit son effet en année pleine à compter de 2018, sous-indexations du barème par rapport à l'évolution de l'inflation, mais aussi mise en oeuvre en 2021 du versement des aides en fonction des revenus perçus l'année même et non de ceux perçus deux années auparavant.

Financement du fonds national des aides au logement de 2017 à 2023

(en millions d'euros)

PVI : plus-values immobilières

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Ces mesures d'économies, voire de restrictions, sur les aides au logement ont probablement atteint leur limite et les besoins augmentent dès 2023, notamment en raison du retour de l'inflation. Or le modèle de financement du FNAL est soumis à de fortes incertitudes dans les années à venir : la loi organique relative aux lois de finances prévoit en effet 23 ( * ) que, à compter de 2025, une imposition de toute nature ne pourra plus être affectée à un fonds dépourvu de la personnalité morale, ce qui remettrait en cause les affectations de taxes au FNAL.

La Cour des comptes recommande de supprimer les fonds sans personnalité juridique, dont le FNAL est l'un des exemples les plus importants, au motif qu'ils pourraient être gérés sur le budget de l'État et réduisent la lisibilité du budget. Quelle que soit la solution retenue, le rapporteur spécial appelle à la définition d'un modèle de financement durable , sur le plan juridique et financier, des aides au logement alors qu'Action Logement, dont les marges sont désormais particulièrement limitées (voir infra ), ne pourra plus être appelé au secours.

III. LE PROGRAMME 135 « URBANISME, TERRITOIRES ET AMÉLIORATION DE L'HABITAT »

Le programme 135 porte des crédits consacrés à des actions diverses liées à la construction et l'habitat . Les politiques concernées passent toutefois principalement par les dépenses fiscales, les fonds de concours et l'action d'opérateurs bénéficiant du produit de taxes affectées.

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME AUGMENTENT DE MOITIÉ EN VALEUR EN 2023, À CAUSE DES CRÉDITS DE L'AGENCE NATIONALE DE L'HABITAT

Les crédits budgétaires relevant du programme 135 sont de 803,1 millions d'euros en autorisations d'engagement , soit une hausse de 273,5 millions d'euros (+ 51,7 %), et de 780,8 millions d'euros en crédits de paiement , soit une hausse de 251,5 millions d'euros (+ 47,4 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

Évolution des crédits par action du programme 135

(en millions d'euros et en %)

LFI
2022

PLF 2023

PLF 2023 / LFI 2022

FDC et ADP

en valeur

en %

corrigé inflation

01 - Construction locative et amélioration du parc

AE

17,5

43,0

+ 25,5

+ 145,7%

+ 135,5%

764,0

CP

17,5

18,0

+ 0,5

+ 2,8%

- 1,4%

365,0

02 - Soutien à l'accession à la propriété

AE

4,1

4,1

-

-

- 4,1%

CP

4,1

4,1

-

-

- 4,1%

03 - Lutte contre l'habitat indigne

AE

15,5

15,5

-

-

- 4,1%

CP

15,5

15,5

-

-

- 4,1%

04 - Réglementation, politique technique et qualité de la construction

AE

217,4

455,3

+ 237,9

+ 109,4%

+ 100,8%

CP

217,4

455,3

+ 237,9

+ 109,4%

+ 100,8%

05 - Innovation, territorialisation et services numériques

AE

28,7

35,3

+ 6,6

+ 23,1%

+ 18,0%

CP

28,7

33,0

+ 4,3

+ 15,0%

+ 10,3%

07 - Urbanisme et aménagement

AE

246,3

249,9

+ 3,5

+ 1,4%

- 2,8%

CP

246,3

254,9

+ 8,5

+ 3,5%

- 0,8%

Total programme 135

AE

529,5

803,1

+ 273,5

+ 51,7%

+ 45,4%

CP

529,5

780,8

+ 251,2

+ 47,4%

+ 41,4%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits ont toutefois été accrus en cours d'année , avec :

- l'annulation de 12,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement par le décret d'avances du 7 avril 2022, dans le cadre d'un « rabot » général à caractère provisoire ;

- le rétablissement de ces crédits et l'ouverture de 15 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement par la loi de finances initiale du 17 août, afin d'honorer des engagements complémentaires décidés au titre du renouveau du bassin minier 24 ( * ) ;

- l'annulation, proposée par le projet de loi de finances rectificative de fin d'année déposé le 2 novembre 2022, de 9,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 12,7 millions d'euros en crédits de paiement.

Par rapport aux crédits totaux ouverts ou annulés en 2022, la hausse des crédits en 2023 est de 268,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (+ 50,2 %) et 263,9 millions d'euros en crédits de paiement (+ 51,1 %).

Le périmètre du programme demeure quasiment constant, seule une mesure de transfert de 185 000 euros étant réalisée à destination du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » afin de financer le développement et la maintenance d'une application relative à la gestion des expulsions locatives, désormais assurée par ce programme.

1. Le programme 135 recouvre un grand nombre d'actions...

Les actions 04 et 07 rassemblent à elles deux plus de 90 % des crédits de paiement du programme.

L' action 04 « Réglementation, politique technique et qualité de la construction » finance principalement, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement :

- l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour la rénovation thermique des logements privés à hauteur de 368,9 millions d'euros, soit plus du double du montant des trois années précédentes (170,0 millions d'euros), ainsi que, pour la première fois, au titre de l'adaptation des logements au vieillissement (35 millions d'euros) ;

- le contentieux de l'habitat (mise en oeuvre du droit au logement opposable ou DALO, recours de bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement, application des règlementations en vigueur dans le domaine de l'habitat) à hauteur de 39 millions d'euros.

L' action 07 « Urbanisme et aménagement » finance certaines actions en lien avec l'urbanisme et l'aménagement, notamment dans le cadre des opérations d'intérêt national (OIN) et de la manière plus générale de la politique d'aménagement de l'État (50,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 55,4 millions d'euros en crédits de paiement). Depuis 2021, toutefois, ses crédits sont constitués pour une très grande part, soit 182,5 millions d'euros en 2023, par la compensation budgétaire des effets de la réforme de la fiscalité locale pour les établissements publics fonciers et autres organismes locaux assimilés.

Principaux postes du programme 135 en crédits de paiement

(en millions d'euros)

Construc. : action 01 « Construction locative et amélioration du parc ». Hab. ind. : action 03 « Lutte contre l'habitat indigne ».

Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances

Les autres actions portent sur des politiques auxquelles l'État ne contribue que de manière marginale par des crédits budgétaires :

- l' action 01 « Construction locative et amélioration du parc » porte en loi de finances initiale des crédits réduits de 42,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 18,0 millions d'euros en crédits de paiement, destinés notamment à la rénovation des cités minières 25 ( * ) et à l'accueil des gens du voyages, mais doit surtout recevoir en exécution et répartir entre les régions des fonds de concours d'un montant estimé à 764 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 365 millions d'euros en crédits de paiement, reversés au fonds national des aides à la pierre (FNAP) ;

- l' action 02 « Soutien à l'accession à la propriété » comprend des commissions de gestion versées à la société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété (SGFFAS), car cette politique passe par des dispositifs fiscaux et des crédits extra-budgétaires ;

- l' action 03 « Lutte contre l'habitat indigne » retrace certaines dépenses prises en charge directement par l'État, cette politique étant mise en oeuvre à titre principal, au niveau national, par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

Enfin, l' action 05 « Innovation, territorialisation et services numériques », précédemment intitulée « Soutien », regroupe des crédits d'étude, de médiation, de communication, ainsi que des crédits liés aux applications informatiques et à la formation des personnels.

Par ailleurs, deux actions servent de support à la gestion de certains crédits de la mission « Plan de relance » délégués en gestion au programme 135 : les actions 09 « Crédits Relance Cohésion » et 10 « Crédits Relance Écologie » . Dépourvues de crédits en loi de finances initiale, elles ont vocation à être alimentées en cours d'exercice par des transferts de crédits de la mission « Plan de relance ». Les paiements prévisionnels sur l'action 09 sont de 19,7 millions d'euros en 2023, contre 25,5 millions d'euros en 2022, et, sur l'action 10, de 224,4 millions d'euros en 2023 contre 225,2 millions d'euros en 2022.

2. ... qui ne reflètent très partiellement l'action de l'État pour les politiques conduites par le programme 135

Bien que le programme 135 ait pour objectif la construction et la rénovation de logements, il ne porte que 15,2 millions d'euros de crédits d'investissement (titre 5), correspondant à certains dispositifs de l'action de soutien 05 et non à des projets de construction ou d'aménagement.

L'action de l'État passe en réalité principalement par des voies moins directes que les crédits budgétaires :

- par des dépenses fiscales , d'un montant de 14,8 milliards d'euros en 2020 26 ( * ) , soit 16,5 % de l'ensemble des dépenses fiscales du budget de l'État ;

- par des dépenses d'intervention (682,5 millions d'euros en projet de loi de finances pour 2023, contre 423,3 millions d'euros en projet de loi de finances pour 2022) à destination des opérateurs, notamment l'ANAH et les établissements publics fonciers ;

- par l'affectation de taxes à ces mêmes opérateurs , en particulier l'ANAH (700 millions d'euros) ;

- par les fonds de concours apportés notamment par les bailleurs sociaux, qui reviennent au secteur du logement social par l'intermédiaire des aides à la pierre, pour un montant prévu en 2023 de 535 millions d'euros en autorisations d'engagement et 764 millions d'euros en crédits de paiement.

B. ALORS QUE LA SITUATION DANS LE SECTEUR DU LOGEMENT EST PARTICULIÈREMENT INCERTAINE...

1. Le secteur de la construction neuve ralentit

Le secteur de la construction a été atteint en 2022 par les tensions sur les prix, qui ne devraient pas s'atténuer en 2023.

Dans le secteur du logement neuf , les autorisations données ont connu un pic début 2022 pour une raison conjoncturelle : un grand nombre de demandes de permis de construire ont été déposées à la toute fin de 2021, avant la mise en application de la nouvelle norme RE 2020. Les mises en chantier, elles, sont au niveau le plus bas depuis 2016, hors période de fermeture des chantiers en 2020 : la reprise semble déjà marquer le pas. La FPI indique également que la proportion d'acheteurs qui se désistent après la signature a doublé au cours de la période récente, passant de 13 % à 26 %.

Autorisations et mises en chantier par trimestre
(de début 2007 au deuxième trimestre 2022)

(en nombre de logements autorisés et mis en chantier)

Source : commission des finances, à partir des séries longues Sitadel

Le nombre des logements commencés, cumulé sur un an, est de 388 000, oscillant ces dernières années entre 350 000 et 430 000. Ce niveau est insuffisant selon les professionnels : la FPI estime ainsi qu'un niveau de 500 000 constructions par an serait nécessaire, comprenant 400 000 logements par an pour satisfaire les besoins naturels tels que l'évolution démographique et le desserrement des ménages, et 100 000 logements supplémentaires afin de combler en dix ans un manque de logements estimé à 1 million.

Ce niveau ne fait pas l'objet d'un consensus. Comme l'indiquait la Cour des comptes dans un référé sur les données de la politique du logement 27 ( * ) , des études internes à l'administration évaluent plutôt les besoins annuels à 370 000 nouveaux logements . Le directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages a indiqué au rapporteur spécial que les besoins en création de logements (principalement neufs, et marginalement par la remise sur le marché de logements vacants) pourraient être de 300 000 à 400 000 logements, d'autant que les prévisions démographiques de l'INSEE réduisent les besoins à terme, mais une résorption du mal-logement nécessite de produire un nombre de logements plus élevé que ce niveau.

Il serait pourtant nécessaire , pour établir la politique du logement sur une base solide, de disposer d'un diagnostic partagé sur les besoins en logements du pays, intégrant les prévisions d'évolution démographique, faute de quoi les objectifs affichés par le Gouvernement, comme l'indique la Cour, sont particulièrement fragiles.

En outre, la remontée sensible des taux risque de freiner les dépôts de permis de construire dans les mois et années à venir. Le taux effectif des crédits nouveaux est ainsi, hors frais et assurance, de 1,68 % en septembre 2022, au plus haut depuis août 2016. Ce taux était de 1,1 % à la fin 2021 28 ( * ) .

Sur les chantiers, la filière fait face à une hausse importante des coûts des matériaux , aussi bien pour la construction que pour la rénovation, et à une hausse encore plus importante des prix de l'énergie dans les travaux publics , par rapport à la situation antérieure à la crise sanitaire.

Évolution des coûts des matériaux de construction
et du prix de l'énergie

(référence 100 en 2015)

Source : commission des finances, à partir des données de l'INSEE 29 ( * )

Il y a donc peu de raisons, au total, d'être optimiste sur la situation du secteur de la construction dans les mois à venir.

2. Alors que le logement social va devoir assumer des investissements considérables, il fait face à court terme à la montée des charges et en particulier du taux du livret A

L'objectif de 250 000 logements sociaux agréés en 2021 et 2022 , annoncé par le précédent Gouvernement, a été abandonné .

Le nombre de logements sociaux agréés en 2021 en métropole, hors zones ANRU, a été inférieur à 100 000 pour la deuxième année consécutive, malgré le rattrapage qui aurait pu être attendu après la crise sanitaire qui avait ralenti les instructions de dossiers en 2020. Selon les éléments reçus par le rapporteur spécial en audition, les perspectives ne devraient être guère plus élevées en 2022.

Logements sociaux financés et mis en service

(en nombre de logements)

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Selon l'étude annuelle « Perspectives », publiée par la Banque des territoires en septembre 2022 30 ( * ) , le secteur du logement social a montré sa solidité pendant la crise sanitaire et devrait pouvoir faire face aux défis à venir, aussi bien pour la construction neuve que pour le lancement d'importants chantiers de rénovation . Toutefois, sa situation financière serait significativement fragilisée à terme, car les investissements accroissent les annuités de la dette (le stock de dette du secteur est passé de 146 milliards d'euros en 2015 à 181 milliards d'euros en 2020) tout en mobilisant d'importants fonds propres : l'autofinancement global du secteur baisserait de moitié d'ici à 2060 et le potentiel de plus de moitié.

Il est important de noter que ces conclusions, comme l'indique la Banque des territoires, résultent d'une étude réalisée au premier semestre dans un contexte d'incertitudes particulièrement fortes et que la projection de long terme est très sensible aux hypothèses retenues. En particulier, la hausse de l'inflation et le risque de plus en plus manifeste de la persistance de prix plus élevés pourraient, selon certains organismes auditionnés par le rapporteur spécial, remettre en cause les hypothèses macroéconomiques de ce scénario.

Les représentants de la Banque des territoires ont indiqué au rapporteur spécial qu'ils ont en effet révisé leur scénario macroéconomique et que, sans remettre en cause les conclusions de long terme, l'inflation et l'augmentation du taux du livret A représenteront une charge à court terme sur les bailleurs sociaux, comme indiqué infra .

En outre, les hypothèses reposent sur une progression du nombre de ventes de logements sociaux , qui passeraient de 11 000 logements en 2021 à 15 000 logements en moyenne à partir de 2025. L'un des éléments de l'équilibre prévu par le précédent Gouvernement, lors de l'instauration de la réduction de loyer de solidarité en 2018 31 ( * ) , était que la perte de loyer subie par les bailleurs serait compensée, en partie, par des ventes accrues de logement, prévues à 40 000 par an. Cet objectif n'a pas été atteint, et sans doute n'aurait-il pas dû être fixé au départ .

Le rapporteur spécial souligne en effet sa préoccupation à l'égard d'un modèle économique reposant sur la sortie de logements du patrimoine des bailleurs : un apport immédiat de capital se « paie » à long terme par la perte des recettes liées aux loyers. En tout état de cause, la mission d'un organisme de logement social est de fournir un parc de logements adapté aux besoins, qui sont considérables et nécessitent une poursuite de l'accroissement de ce parc. Les ventes ne sauraient donc constituer qu'une ressource ponctuelle permettant de construire des logements nouveaux de caractéristiques adaptées aux demandes de logement constatées localement.

En tout état de cause, les investissements prévus dans le parc social dans les années à venir sont tout à fait considérables et représentent un effort historique pour le secteur. Aux besoins de production de logements sociaux neufs, même si ceux-ci se limitaient à 100 000 par an, s'ajoutera la nécessaire rénovation du parc existant.

Montant d'investissements prévus pour le parc social

(en milliards d'euros)

Source : Banque des territoires, Étude Perspectives, édition 2022

Dans le même temps, les charges annuelles des bailleurs augmentent .

L'inflation accroît également les annuités de dette . En effet, les emprunts des bailleurs sociaux sont, pour une part importante, indexés sur ce taux, contrairement aux emprunts des particuliers qui sont la plupart du temps conclus à taux fixe. En conséquence, une hausse de 1 point du taux du livret A représente un coût immédiat de l'ordre de 1,5 milliard d'euros sur les annuités payées par les bailleurs. Or le taux du livret A est déjà passé de 0,5 % au début de l'année à 1 % en février 2022 puis 2 % au 1 er août.

En principe, cette hausse devrait être compensée par celle des loyers , indexés sur l'indice de référence des loyers (IRL), mais cette compensation risque d'être limitée . D'une part, l'IRL, sur lequel les loyers sont indexés, ne reflète que partiellement l'inflation. L'évolution annuelle de l'IRL était de + 3,60 % au second trimestre 2022 et de + 3,49 % au troisième trimestre, contre respectivement + 6,2 % et + 6,5 % pour l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH). D'autre part les bailleurs, à la demande des pouvoirs publics ou pour prendre en compte la situation des locataires, n'appliquent pas toujours les hausses possibles de manière intégrale.

Sur une année, le montant des annuités reste supportable en raison de mécanismes inhérents aux prêts de la Caisse des dépôts : lorsque les intérêts augmentent, les remboursements en capital sont diminués d'autant. L'impact est toutefois réel en comptabilité : les intérêts sont des charges financières qui impactent le compte de résultat, ce qui pourrait alerter certains gestionnaires même si l'effet devrait être temporaire : en effet, les années ultérieures donneront lieu à un remboursement portant principalement sur le capital, donc avec un impact moindre sur le compte de résultat.

Par ailleurs, les charges non financières des bailleurs dépendent elles aussi de l'inflation . Ils sont affectés comme tous les acteurs du secteur de la construction par la hausse des coûts des matériaux (voir supra ) et l'inflation pourrait également affecter l'équilibre de certains bailleurs si elle augmente le taux d'impayés.

C. ... LE NOUVEAU QUINQUENNAT N'AFFICHE AUCUNE STRATÉGIE POUR LA POLITIQUE DU LOGEMENT

De même qu'il n'a pas affiché d'objectif nouveau pour la politique de l'hébergement et du logement adapté, le Gouvernement de présente pas non plus de stratégie pour le secteur de la construction en général et du logement social en particulier, sauf un accent marqué pour la rénovation des logements.

1. L'ANAH et les limites de la montée en puissance de la rénovation des logements

Les bâtiments sont responsables de près de 30 % des émissions mondiales de CO 2 liées à l'énergie 32 ( * ) . Les activités résidentielles sont aussi à l'origine de 44 % des émissions de particules fines (PM2.5) en moyenne dans les pays de l'OCDE, même si l'exposition à ces particules est un peu moins importante en France que dans la moyenne de ces pays 33 ( * ) .

L'effort de rénovation du parc de logements est encore largement devant nous. Sur les 30 millions de résidences principales, seules 1,5 million environ, soit 5 % du parc, seraient peu énergivores (étiquettes A et B du diagnostic de performance énergétique) 34 ( * ) . Environ 5,2 millions de logements, soit 17 % du parc, seraient des « passoires énergétiques » (étiquettes F et G du DPE) et seront donc concernés par l'interdiction de location des passoires énergétiques dès 2025 (classe G) et 2028 (classe F). La proportion des passoires énergétiques est même de 32 % pour les résidences secondaires et de 27 % pour les logements vacants.

La répartition géographique des logements à étiquette énergétique F ou G montre de fortes variations selon les territoires. Presque absentes sur le pourtour méditerranéen, elles sont très présentes dans certains départements ruraux ou de montagne.

Proportion des résidences principales
dont l'étiquette DPE est F ou G

(en poucentage)

Source : Observatoire national de la rénovation énergétique, 2022

L'État apporte différentes aides fiscales à la rénovation de logements. La hausse de la dépense fiscale relative au taux de TVA réduit de 5,5 % pour les travaux de rénovation énergétique des logements est un signe du nombre de travaux entrepris : ce coût devrait atteindre 2 000 millions d'euros en 2023 pour près de 90 000 entreprises, contre 1 910 millions d'euros en 2022 et 1 760 millions d'euros en 2021.

Les dépenses fiscales ne sont toutefois pas suffisantes pour assurer l'équilibre des opérations, et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) joue un rôle majeur en tant qu'agence dédiée à la promotion de la rénovation de l'habitat privé et opérateur du programme 135.

Or l'ANAH a connu une croissance peu commune pour une agence de l'État, puisqu'elle a vu son budget multiplié par cinq depuis 2019. Dans le même temps son plafond d'emploi est en passe de doubler, passant de 115 en 2019 à 207 en 2022 et 232 en 2023, selon le projet de loi de finances.

L'ANAH apporte traditionnellement des aides aux propriétaires bailleurs et occupants , ainsi que des aides à l' ingénierie , soit en assurant la gestion des dossiers, soit en les accordant à des collectivités qui en assurent la gestion par délégation.

Engagements de l'ANAH de 2017 à 2021

(en milliards d'euros)

Délégataires : regroupement des aides aux propriétaires bailleurs et occupants, ainsi qu'à l'ingénierie, dans les collectivités qui ont choisi d'assurer la gestion complète des dossiers.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

C'est toutefois la création de la prime de transition énergétique, dite MaPrimeRénov', succédant au crédit d'impôt transition énergétique (CITE), qui a déclenché une hausse considérable de l'activité de l'agence, qui est partiellement réalisée par le recours à un prestataire pour l'instruction des dossiers.

Les ressources sont assurées pour partie par le programme 135, mais à titre principal par le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Des ressources exceptionnelles sont provenues de la mission « Plan de relance ».

Principales ressources apportées par l'État à l'ANAH en 2022 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

MaPrimeRénov' est financée à titre principal par le programme 174.

Le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance » finance également certains aspects de MaPrimeRénov' (ouverture exceptionnelle aux propriétaires occupants de revenus supérieurs, puis aux propriétaires bailleurs, prime pour les copropriétés, actions de communication) et contribue au financement de MaPrimeRénov' Sérénité 35 ( * ) et renforce les moyens de certains dispositifs de l'ANAH (plans « Initiative copropriétés » et « Action Coeur de ville », programme « Petites Villes de demain »).

Le programme 135 finance de manière générale les aides à la rénovation de l'ANAH, pour 368,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement en 2023, qui servent également à consolider la trésorerie de l'organisme. Il prévoit aussi, de manière plus spécifique, une ligne nouvelle en 2023, consacrée à l'adaptation des logements au vieillissement à hauteur de 35 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Compte tenu de ces augmentations conséquentes de crédits, il apparaît que le problème le plus pressant n'est pas véritablement budgétaire , mais il réside aussi bien du côté de l'offre de rénovation que de la demande .

Il est nécessaire de développer un véritable écosystème de la rénovation globale des logements . La directrice générale de l'ANAH a fait part au rapporteur spécial du manque d'entreprises capables de réaliser des rénovations globales dans le secteur privé.

S'agissant des particuliers , une opération de rénovation globale entraîne des travaux lourds et longs, ainsi que des compétences de maître d'ouvrage que n'ont pas les non-professionnels. Un discours mettant en avant les seules économies réalisées sur la facture énergétique ne peut donc pas suffire à convaincre les personnes réticentes, car l'enjeu n'est pas seulement financier. La difficulté est plus grande encore dans les copropriétés, la réalisation des travaux requérant le vote en assemblée générale.

Or MaPrimeRénov' (hors dispositif MaPrimeRénov' Sérénité) n'est pas conçu dans l'optique d'un accompagnement des ménages . Si les « petits gestes » sont utiles, le nombre de rénovations globales reste très faible et insuffisants pour faire diminuer de manière suffisante les émissions du parc de logements existant.

Les prêts bancaires ne suivent pas non plus : seules deux banques proposent le prêt avance rénovation 36 ( * ) qui, depuis le 1 er janvier 2022, doit permettre à des ménages modestes de financer des travaux de rénovation énergétique de leur résidence principale. Le capital emprunté est remboursé lors de la vente du logement ou lors de la succession et le prêt est garanti par une hypothèque prise sur le bien immobilier, associé à une garantie publique apportée par l'État à hauteur de 75 %.

2. Action Logement est soumis à une double pression qui menace sa capacité à accomplir ses missions en faveur du logement

L'an passé, le rapporteur spécial constatait que les relations entre le groupe Action Logement et l'État s'étaient apaisées : il n'en est plus de même cette année, et Action Logement fait l'objet de deux décisions unilatérales qui pourraient remettre en cause de manière importante ses projets.

D'une part, l'article 16 du présent projet de loi de finances prévoit une participation de 300 millions d'euros d'Action Logement Services au financement du fonds national des aides à la pierre (FNAP).

Cette participation a déjà été effectuée entre 2020 et 2022, mais elle résultait d'une concertation intervenue au printemps 2019 entre l'État, Action Logement et le secteur du logement social, afin de compenser une réduction de même montant de la participation des bailleurs sociaux au financement du FNAP. Il n'en est pas de même cette année et la contribution d'Action Logement est imposée sans concertation , alors même que l'État retarde le début des négociations nécessaires pour conclure une nouvelle convention avec Action Logement, la convention 2018-2022 arrivant à son terme à la fin de l'année.

D'autre part, l'INSEE, en application de règles concertées avec Eurostat, a déclaré cet été qu' Action Logement Services (ALS) serait désormais classé parmi les organismes divers d'administration centrale (ODAC) 37 ( * ) . Cette décision, en apparence purement comptable, emporte des conséquences majeures pour le groupe Action Logement.

ALS est la filiale du groupe en charge de la collecte et de la distribution de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC, ancien 1 % logement). La décision de l'INSEE n'a donc pas d'effet à l'égard des organismes de logement social regroupés dans l'autre filiale principale du groupe, Action Logement Immobilier.

Une première conséquence de la classification en administration publique est l'intégration de la dette d'ALS dans le périmètre du déficit public et de la dette publique , le premier étant révisé à hauteur de + 4,2 milliards d'euros et la seconde de + 0,3 point en 2021. Le ministère de l'économie et des finances portera donc un regard beaucoup plus attentif à l'avenir sur la dette et la situation financière d'ALS.

En outre, ALS devrait être à terme interdite d'emprunt sur une durée supérieure à 12 mois . C'est en effet la règle imposée aux ODAC par l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 38 ( * ) , repris par l'article 22 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, actuellement en cours de discussion au Parlement. Cette règle s'applique douze mois après la prise d'un arrêté dressant la liste des organismes concernés.

Or ALS est engagé dans un plan d'investissement volontaire de 9 milliards d'euros, en grande partie financé par l'emprunt, et qui pourrait être en partie remis en cause.

Au total, le besoin de refinancement d'ALS s'élève aujourd'hui, selon les éléments apportés au rapporteur spécial, à environ 6 milliards d'euros, en plus de 5 milliards d'euros déjà levés sur les marchés obligataires.

D'une manière générale, ces décisions pourraient affecter la participation d'Action Logement aux politiques publiques dont la mise en oeuvre dépend de sa contribution, à commencer par le nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), dont il est de loin le principal financeur (voir infra , programme 147), mais aussi au financement de l'ensemble du logement social dont Action Logement est un acteur important, notamment par la bonification de prêts accordés par la Caisse des dépôts et consignations.

3. L'aide aux « maires densificateurs » paraît abandonnée

Dans le cadre du plan de relance présenté en septembre 2020, a été instaurée une aide à la relance de la construction durable , dite « aide aux maires densificateurs », dotée de 175 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement en 2021, tendant à accorder une subvention aux communes qui autorisent des opérations de logements denses dans les zones tendues. Le versement s'effectuait automatiquement en fonction du nombre de permis de construire accordés, vérifié à l'automne 2021.

La commission sur la relance de la construction durable 39 ( * ) , présidée par François Rebsamen, a pointé l'année suivante certaines limites du dispositif : le ciblage sur les zones où le besoin en logements est le plus important serait insuffisant, le caractère automatique de l'attribution de l'aide en réduirait son effet incitatif et son montant pourrait être mieux adapté au coût réel que représente l'accueil de populations nouvelles pour les collectivités.

Sur la proposition de la commission, le Gouvernement a transformé cette aide en un dispositif contractualisé de « contrats de relance du logement », auxquels ont été affectés en 2022 les crédits de 175 millions d'euros qui devaient initialement servir au renouvellement de l'aide en 2022.

Selon les éléments apportés au rapporteur spécial par le directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, 182 contrats ont été signés , pour un objectif de production de 169 000 logements . Tous les permis prévus n'ont toutefois pas été atteints : il pourrait en manquer de 20 % à 30 %.

Or ce dispositif, qui était financé par la mission « Plan de relance », perd son véhicule budgétaire avec la disparition progressive de cette mission, qui ne dispose plus d'autorisations d'engagement à compter de 2023.

Contrairement à d'autres dispositifs, il n'est pas repris par un programme budgétaire de droit commun et ne dispose plus, à l'heure actuelle, de financement pour 2023.

4. Alors que les modalités du soutien à la rénovation des friches demeurent en cours de définition, l'État n'a toujours pas défini le modèle de financement du ZAN

L'article 191 de la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 a fixé un objectif de division par deux du rythme d'artificialisation des sols d'ici 2030, première étape avant d'atteindre l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols en 2050 40 ( * ) .

Cet article constitue probablement la contrainte la plus forte en matière de politique locale d'aménagement et du logement depuis l'article 55 de la loi SRU 41 ( * ) : reposant sur la même logique quantitative, l'objectif demandera certainement, comme cela a été le cas de l'article 55, à être adapté progressivement à la diversité des situations locales.

Or le dispositif réglementaire a été mis en place - hâtivement, avec la publication de décrets d'application, au printemps 2022, dont le Gouvernement a dû suspendre l'application par une circulaire publiée le 4 août - sans que soit défini la question de son financement .

Le fonds « friches » a certes été mis en place en 2021, dans le cadre du plan de relance, et prolongé en 2021, afin de rendre possible des opérations de démolition, de dépollution ou de restructuration lourde dont les coûts ne peuvent généralement pas être compensés par des recettes de cession, particulièrement dans les territoires détendus.

Ce fonds a rencontré un succès considérable , révélant l'étendue du potentiel mobilisable dans les collectivités territoriales et dépendant de l'atteinte d'un équilibre économique. 650 millions d'euros ont été engagés pour les deux premières éditions du fonds friches afin d'accompagner le recyclage de 2 700 hectares de friches. 100 millions d'euros supplémentaires devraient être engagés d'ici à la fin de l'année 2022, pour 675 hectares de friches supplémentaires 42 ( * ) .

Dès le mois de septembre 2021, le président de la République avait donc annoncé la pérennisation de ce fonds. La définition des modalités a pourtant pris beaucoup de temps, et il a été finalement été intégré dans un « fonds vert » , ou fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires 43 ( * ) , au périmètre beaucoup plus large et imprécis puisque les documents budgétaires n'indiquent pas le montant qui serait consacré spécifiquement à la réhabilitation des friches. Il ressort de déclarations gouvernementales que cette action bénéficierait finalement, en 2023, de financements comparables à ceux des deux années précédentes, soit 300 à 350 millions d'euros d'engagements. Toutefois les enveloppes ne sont pas strictement définies, de sorte qu' on ne dispose aujourd'hui d'aucune visibilité sur les crédits budgétaires que l'État consacrera à l'objectif de sobriété foncière affirmé par la loi Climat et Résilience.

Le rapporteur spécial souligne que, face à un objectif fixé par la loi, l'État se doit d'apporter le soutien nécessaire et de définir le plus rapidement possible les modalités pratiques de mise en oeuvre.

Il sera nécessaire, en particulier, de corriger les limitations de la version « plan de relance » du fonds friches. Une enquête a ainsi montré qu'il existait un fort écart entre les communautés de communes, dont 82 % n'ont pas postulé au fond, et les métropoles qui y ont en majorité eu recours 44 ( * ) : les disparités en termes de moyens et d'ingénierie contribuent probablement à expliquer ces différences.

En tout état de cause, le fonds friches ne peut toutefois être que l'un des volets de la mise en oeuvre de l'objectif ZAN , car quelques milliers d'hectares de friches réutilisées ne seront pas suffisants pour répondre au besoin en logements et en activités nouvelles. La commission des finances s'est donc emparée de la question.

Le rapporteur spécial a lancé des pistes dans le travail de contrôle qu'il a réalisé au premier semestre de 2022 sur « les outils financiers pour soutenir l'atteinte de l'objectif ZAN » 45 ( * ) . Suite à son rapport et à son initiative, la commission des finances a également demandé au Conseil des prélèvements obligatoires de réaliser une étude relative à la prise en compte, par notre système fiscal, de l'objectif ZAN, qui a été présentée le 26 octobre 46 ( * ) .

Les recommandations du Conseil des prélèvements obligatoires

1. Supprimer le critère du nombre d'habitants (50 000 habitants), tout en conservant le critère de tension sur le marché immobilier, pour la taxe sur les logements vacants et la majoration de taxe d'habitation sur les résidences secondaires.

2. Fusionner les deux taxes sur les logements vacants en une taxe unique et la transformer en impôt local.

3. Inscrire à l'ordre du jour des assemblées municipales et communautaires, dans le cadre du rapport triennal sur l'artificialisation des sols, un débat portant sur le recours aux instruments fiscaux concourant à l'objectif ZAN.

4. Réserver les exonérations de taxes locales aux opérations sur zones déjà artificialisées, en particulier les opérations de recyclage urbain .

5. Augmenter le taux de la taxe locale sur les plus-values de cessions de terrains nus rendus constructibles et envisager la suppression de la clause « des 18 ans ».

6. Intégrer les effets du ZAN dans les mécanismes de solidarité horizontaux et verticaux à destination des collectivités.

7. Dans le cadre de la réflexion sur l'évolution du financement des collectivités, envisager l'affectation des DMTO au bloc communal et étudier la pertinence de taux variables de DMTO en fonction du caractère artificialisant des opérations immobilières.

8. Intégrer les conséquences de l'objectif ZAN dans les projections réalisées pour la réforme des valeurs locatives cadastrales et envisager des mesures de correction ou de compensation si les résultats vont dans un sens contraire à cet objectif.

9. Confier aux administrations compétentes le chiffrage de l'impact économique et financier lié à la mise en oeuvre du ZAN (y compris les incidences fiscales pour les collectivités) et identifier les pistes de financement et démutualisation envisageables.

10. Étudier l'extension de la couverture géographique des établissements publics fonciers à l'ensemble du territoire national et la taxe spéciale d'équipement affectée à leur financement.

11. Étudier la pertinence d'introduire un système de bonus-malus dans le calcul de la taxe d'aménagement pour favoriser les opérations de dépollution/réaménagement et taxer davantage les opérations artificialisantes.

Source : rapport précité du Conseil des prélèvements obligatoires

Le rapporteur spécial est également rapporteur d'une mission conjointe de contrôle sur la mise en application du « zéro artificialisation nette », lancée par quatre commissions permanentes et qui poursuit ses travaux, sous la présidence de notre collègue Valérie Létard 47 ( * ) .

Or le rapporteur spécial constate que le présent projet de loi de finances ne contient que très peu de mesures tendant à faciliter ou rendre « désirable » l'objectif de sobriété foncière pour les communes . Ces mesures - notamment une revalorisation très limitée de la taxe d'aménagement à l'article 7, une augmentation du périmètre et du taux de la taxe sur les logements vacants aux articles 9 bis et 9 ter - sont éparses et ne font pas système. Elles ne permettent pas de tracer un chemin crédible pour l'accompagnement des collectivités locales alors que, par ailleurs, les projets déjà prévus rendent, dans de nombreux territoires, quasiment impossible l'atteinte du premier objectif en 2031.

Auditionné par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable le 2 novembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, M. Christophe Béchu, a indiqué qu'il réfléchissait à une forme de fiscalité qui renchérisse le coût de l'artificialisation et puisse donner des moyens aux collectivités de financer des opérations de renaturation ou de dépollution.

Le rapporteur spécial souligne l'urgence de poursuivre les travaux , sur la base notamment du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, afin de « climatiser » réellement la fiscalité et les ressources des collectivités territoriales .

IV. LE PROGRAMME 147 « POLITIQUE DE LA VILLE »

Le programme 147 « Politique de la ville » porte des crédits relatifs en particulier aux actions menées dans le cadre des contrats de ville et du renouvellement urbain. Ils n'incluent toutefois qu'une part minoritaire du financement des opérations de renouvellement urbain, dont les crédits proviennent à titre principal d'Action Logement et des bailleurs sociaux. Ils sont par ailleurs complémentaires des crédits de droit commun consacrés par les ministères aux politiques menées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

A. LES CRÉDITS SONT EN HAUSSE DE 4,4 MILLIARDS D'EUROS À PÉRIMÈTRE CONSTANT

Les crédits du programme 147, dans le projet de loi de finances pour 2023, sont de 597,5 millions d'euros , en augmentation de 39,6 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 (+ 7,1 %, ou + 2,7 % en corrigeant les montants de l'inflation prévue en 2023, soit 4,3 %). L'augmentation n'est toutefois que de 30,1 millions d'euros par rapport aux crédits annulés par le décret d'avance du 17 avril 2022 (- 9,5 millions d'euros) et ouverts par la loi de finances rectificative du 17 août (+ 18,9 millions d'euros) afin de soutenir le dispositif des quartiers d'été (voir infra ).

En outre, le programme est affecté par certains transferts de crédit , d'un montant total de 5,1 millions d'euros, de sorte que l'évolution à périmètre constant est de + 25,0 millions d'euros, soit + 4,4 % en valeur et + 0,1 % en corrigeant les montants de l'inflation prévue en 2023.

Les crédits de ce programme sont tous égaux en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Évolution des crédits par action du programme 147 par rapport à la
loi de finances initiale pour 2022

(en millions d'euros)

LFI
2022

PLF 2023

Évolution PLF 2023 / LFI 2022

FDC et ADP

en valeur

en %

corrigé inflation

01 - Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville

AE

490,4

522,8

+ 32,4

+ 6,6%

+ 2,2%

0,4

CP

490,4

522,8

+ 32,4

+ 6,6%

+ 2,2%

02 - Revitalisation économique et emploi

AE

33,7

40,9

+ 7,2

+ 21,3%

+ 16,3%

CP

33,7

40,9

+ 7,2

+ 21,3%

+ 16,3%

03 - Stratégie, ressources et évaluation

AE

18,9

18,9

+ 0,0%

- 4,1%

CP

18,9

18,9

+ 0,0%

- 4,1%

04 - Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie

AE

15,0

15,0

+ 0,0%

- 4,1%

CP

15,0

15,0

+ 0,0%

- 4,1%

Total programme 147

AE

558,0

597,5

+ 39,6

+ 7,1%

+ 2,7%

0,4

CP

558,0

597,5

+ 39,6

+ 7,1%

+ 2,7%

FDC : fonds de concours. ADP : attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le programme 147 comprend quatre actions dont les crédits sont très inégaux.

L ' action 01 « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » regroupe les crédits à destination des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), dans le cadre des contrats de ville ou de dispositifs spécifiques tels que le programme de réussite éducative et les adultes-relais. Elle porte 87,5 % des crédits du programme.

L ' action 02 « Revitalisation économique et emploi » comprend la subvention de l ' Établissement public d ' insertion de la défense (EPIDe) et, de manière résiduelle, les crédits dédiés à la compensation auprès des régimes de sécurité sociale des exonérations de charges sociales en zones franches urbaines (ZFU).

Les crédits correspondant à la mass e salariale des délégués des préfets sont retracés dans l ' action 03 « Stratégies, ressources et évaluation ».

Enfin l' action 04 « Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie » porte la contribution de l'État au financement du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), présentée plus en détail infra .

Au-delà des crédits budgétaires inscrits au programme 147, la politique de la ville agit par certaines dépenses fiscales , d'un coût pour l'État estimé à 262 millions d'euros en 2022, dont 132 millions d'euros pour l'exonération du bénéfices réalisés par les entreprises installées dans les zones urbaines de troisième génération ou les zones franches urbaines - territoire entrepreneur (ZFU-TE) et 111 millions d'euros pour l' abattement de 30 % sur la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties en faveur des logements locatifs sociaux situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

La présentation pluriannuelle des crédits trace une trajectoire de poursuite de l'augmentation des crédits du programme , qui progresseraient de 558,0 milliards d'euros en 2022 à 640,2 milliards d'euros en 2025, soit une progression annuelle de 7,1 % en 2023, 3,1 % en 2024 et 4,0 % en 2025.

Budget triennal du programme 147

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances

B. LA QUESTION DE LA SPÉCIFICITÉ DES CRÉDITS CONSACRÉS À LA POLITIQUE DE LA VILLE DEMEURE POSÉE

L'action 01 « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » regroupe la plus grande partie des crédits budgétaires du programme 147. Elle contribue au financement d'une grande diversité de dispositifs mis en oeuvre dans le cadre des contrats de ville, ainsi que du dispositif des adultes-relais.

Dispositif financés dans le cadre de l'action 01

(en millions d'euros)

CV : contrats de ville. PDS : parentalité et droits sociaux. Discrim. : prévention et lutte contre les discriminations

Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances

1. Les moyens relatifs à l'éducation diminuent légèrement

Les moyens relatifs à l'éducation dans les quartiers de la politique de la ville sont de 169,7 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2023, contre 173,5 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2022, soit une diminution de 3,8 millions d'euros.

Cette diminution porte sur le programme de réussite éducative (66,1 millions d'euros, contre 68,2 millions d'euros) et sur les cités éducatives (77,8 millions d'euros, contre 79,5 millions d'euros), sans que les documents budgétaires expliquent précisément les raisons de la diminution.

Le programme de réussite éducative prend en compte les enfants et les jeunes en difficulté scolaire, par des actions éducatives, sociales, sanitaires, culturelles, sportives et de loisirs, préconisées par les équipes pluridisciplinaires de soutien mises en place dans le cadre du dispositif, en réponse aux besoins individuels identifiés. Les moyens sont concentrés sur les réseaux d'éducation prioritaire renforcée (REP+), qui concernent les quartiers ou les secteurs isolés connaissant les plus grandes concentrations de difficultés sociales ayant des incidences fortes sur la réussite scolaire.

Les cités éducatives , issues notamment d'expérimentations dans les quartiers, ont fait partie des préconisations du rapport de Jean-Louis Borloo « Vivre ensemble, vivre en grand. Pour une réconciliation nationale », remis au gouvernement en 2018. Elles ont pour objet de renforcer la coopération des acteurs dans des grands quartiers à faible mixité sociale, pour les enfants et les jeunes de 0 à 25 ans. 208 cités éducatives recouvrent 370 quartiers de la politique de la ville (QPV), soit un quart des QPV. Les 80 premières cités éducatives, labellisées en 2019 pour une durée de trois ans, ont été prolongées d'un an, jusqu'au 31 décembre 2023.

Le récent rapport de la commission des affaires économiques du Sénat sur la politique de la ville 48 ( * ) fait état du travail partenarial approfondi qui s'est noué entre les acteurs locaux et l'administration autour des cités éducatives. Ce dispositif peut servir d'exemple à l'utilité d'un dialogue fructueux entre l'État et les collectivités pour faire réussir des projets locaux.

2. Le dispositif « Quartiers d'été » est intégré à la budgétisation initiale, alors qu'il reposait jusqu'à présent sur des crédits ouverts en cours d'année

La ligne budgétaire « Lien social et à la participation citoyenne » regroupe une variété de dispositifs, tels que des animations de quartier, des ateliers sociolinguistiques, des actions en faveur du sport ou à l'accès aux droits et aux services publics.

L'augmentation des crédits de 32,1 millions d'euros de cette ligne correspond à l'intégration dans la budgétisation initiale du dispositif « Quartiers d'été », créé en 2020 à la sortie de la première phase de confinement due à la crise sanitaire, et qui n'avait été prolongé les années suivantes que par des ouvertures de crédits réalisées en cours d'année.

Le programme « Quartiers d'été » a pris la suite de l'opération « Ville, vie, vacances », dotée de crédits de l'ordre de 7 millions d'euros.

Le dispositif est organisé par chaque préfecture, qui propose une programmation pour l'ensemble des quartiers prioritaires du territoire, en favorisant les rencontres inter-quartiers, les activités y compris en soirée et les weekends et les activités aussi bien mixtes que dédiées aux jeunes filles, aux femmes et aux familles.

Les ouvertures de crédits de l'ordre de 30 millions d'euros chaque année pour le dispositif « Quartier d'été » ont suscité un engouement certain auprès des associations et des acteurs locaux concernés.

Il est donc appréciable que les crédits soient ouverts dès la loi de finances initiale , permettant une budgétisation plus sincère et apportant une meilleure visibilité aux acteurs de terrain, qui doivent réunir les financements pour monter des projets.

3. La politique de la ville demeure toutefois une politique multiforme

Au-delà des crédits portés par le programme 147, le document de politique transversale relatif à la politique de la ville permet de dresser un panorama , certes incomplet et dont le chiffrage est incertain, des dispositifs des différents ministères en faveur de la politique de la ville et de leur impact financier.

Plusieurs dispositifs fiscaux soutiennent les QPV. Par exemple :

- les zones franches urbaines « territoires entrepreneurs » (ZFU-TE), au nombre de 100, soutiennent l'activité économique et les créations d'entreprises dans les territoires les plus fragiles. Les entreprises qui se créent ou s'implantant dans une ZFU-TE peuvent bénéficier pendant une période de 8 ans d'une exonération d'impôts sur les bénéfices sous certaines conditions ;

- des exonérations en faveur des commerces de proximité ont été mises en place. Les petites entreprises exerçant une activité commerciale dans un QPV peuvent bénéficier d'exonérations temporaires de cotisation foncière des entreprises (CFE), de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ;

- les bailleurs sociaux bénéficient d'un abattement de 30 % de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), conditionné à la signature d'une convention d'utilisation de l'abattement.

Cet abattement est un dispositif original, car son bénéfice est lié par l'article 1388 bis du code général des impôts à la signature, dans le cadre d'un contrat de ville, d'une convention relative à l'entretien et à la gestion du parc. Contrairement à la plupart des dépenses fiscales, cet abattement fait donc l'objet d'une forme de pilotage de la part des autorités publiques qui subissent la perte de recettes, c'est-à-dire les collectivités au titre de la taxe foncière et l'État qui compense partiellement cette perte de recettes.

Le rapporteur spécial a toutefois été saisi de cas où des bailleurs n'auraient pas apporté toutes les contreparties prévues au bénéfice de cet abattement. Compte tenu de l'enjeu financier que représente cet abattement pour les finances publiques, il souligne l'importance du respect de ces conventions qui permettent aux bailleurs de travailler avec les collectivités et le préfet , dans le but d'améliorer la qualité de service, de soutenir le développement local, la cohésion sociale et à l'amélioration du cadre de vie . Les actions soutenues sont très diverses, comme il ressort des bilans périodiques réalisés par l'Union sociale de l'habitat 49 ( * ) . Elles font l'objet d'un suivi par les conseils citoyens établis en application de la loi Lamy 50 ( * ) , favorisant l'implication des habitants.

Par ailleurs, les fonds structurels européens , tels que le fonds social européen (FSE) et le fonds européen de développement économique régional (FEDER), soutiennent également cette politique. La programmation 2014-2020 a par exemple introduit l'objectif de consacrer au moins 5 % des enveloppes nationales FEDER soient allouées au soutien des stratégies urbaines intégrées, objectif que les autorités françaises ont porté à 10 %.

S'agissant des moyens budgétaires, on distingue les moyens spécifiques du programme 147 et les moyens « de droit commun » des autres programmes et ministères. Leur chiffrage demeure toutefois difficile, car les actions ne sont pas systématiquement territorialisées : les ministères ne sont pas toujours en mesure d'identifier la part de crédits alloués, pour chaque ministère, aux QPV.

L'enjeu est, dans la mesure du possible, de faire converger les zonages des différentes ministères (zones d'éducation prioritaire, zones de sécurité prioritaire et quartiers de reconquête républicaine du ministère de l'intérieur...) et de mieux les identifier dans les systèmes d'information , afin de mieux apprécier et surtout de mieux orienter les moyens des politiques publiques vers les quartiers de la politique de la ville, dans un objectif final d'efficacité renforcée de chacun de ces dispositifs .

Le développement des outils de géo-référencement par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) poursuit le même objectif en apportant une meilleure connaissance des personnes bénéficiaires d'aides diverses.

4. Malgré la multiplicité des financements, les problèmes de fond ne sont pas résolus

La politique de la ville donne le sentiment d'un « puits sans fond », où les crédits comme les initiatives ne parviendraient pas à améliorer une situation jugée toujours aussi insatisfaisante.

Un travail d'évaluation approfondi mené par la Cour des comptes en décembre 2020 51 ( * ) concluait que l'attractivité des quartiers , dont l'amélioration constitue l'un des objectifs de la politique de la ville, a peu progressé sur la décennie 2008-2018.

La Cour a également, à la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale, rendu en juillet dernier une enquête sur les dispositifs en faveur de l'emploi des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville 52 ( * ) .

Il en ressort que l'augmentation des moyens ne parvient pas à réduire les écarts entre les habitants des QPV et ceux des autres quartiers. Plus de 40 % des adultes de 15 à 64 ans résidant en QPV restent à l'écart du marché de l'emploi , contre moins de 30 % dans les autres quartiers des mêmes unités urbaines : le taux d'activité n'y est que de 58,5 %, contre 72,7 % dans les autres quartiers des mêmes unités urbaines englobantes. L'écart est encore plus élevé pour les femmes. La multiplication des dispositifs, portés par des acteurs différents, peut même être contre-productive, car les usagers ne savent plus de quoi ils peuvent bénéficier ni à quelles conditions, la dématérialisation croissante constituant une difficulté supplémentaire pour certains d'entre eux.

Les indicateurs de performance du programme 147 confirment l'insuffisance des résultats.

Les habitants de QPV ont un revenu fiscal moyen (par unité de consommation) égal à moins de la moitié de celui de leur agglomération, ce qui est le signe de la persistance d'une pauvreté relative très importante dans les QPV. La situation s'est dégradée au cours des années passées, ce rapport passant de 46,4 % en 2017 à 46,1 % en 2019 et 45,7 % en 2021. Le Gouvernement a d'ailleurs renoncé à faire passer ce rapport au-dessus de 50 %, retenant une cible de 48,4 %, comme l'avait observé le rapporteur spécial en examinant le projet de loi de règlement pour 2021 53 ( * ) .

De même, le taux de chômage était, en 2019, de 22,5 % dans les QPV , contre 8,4 % dans les unités urbaines environnantes. Un écart du même ordre devrait être observé en 2023.

C. LE NOUVEAU PLAN DE RENOUVELLEMENT URBAIN (NPNRU) EST TOUJOURS EN ATTENTE DES FINANCEMENTS DE L'ÉTAT

Le nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) a été prévu dès 2014 par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite « loi Lamy » 54 ( * ) . Alors que le son prédécesseur, le programme national de rénovation urbaine (PNRU), avait connu son pic de réalisations cinq à six années après sa création en 2003, le NPNRU a connu un démarrage beaucoup plus lent.

Ces retards ont été dus en premier lieu à la définition d'une enveloppe limitée à 5 milliards d'euros , soit moins de la moitié de celle du PNRU. Des négociations ont alors été lancées entre l'État et Action Logement afin d'aboutir au doublement de l'enveloppe, par la loi de finances pour 2018 et une convention-cadre du 18 janvier 2018. Une augmentation supplémentaire d'un montant global de 2 milliards d'euros a été annoncée lors du comité interministériel des villes de janvier 2021.

En outre, la mise en oeuvre de la RLS à partir de 2018 a suscité des incertitudes sur la capacité des bailleurs à se lancer dans de nouveaux projets de renouvellement urbain.

La mise en place des conventions a été marquée par des lourdeurs procédurales et un processus de validation complexe, pouvant prendre plusieurs années, jusqu'à ce que l'Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) assouplisse les procédures en 2018.

Aujourd'hui, le NPNRU concerne 216 quartiers d'intérêt national et 264 quartiers d'intérêt régional. Il repose, comme son prédécesseur, sur un financement majoritairement apporté par Action Logement (8,032 milliards d'euros) et les bailleurs sociaux (2,768 milliards d'euros) au niveau de l'ANRU, l'État devant apporter 1,2 milliard d'euros.

Ces apports sont toutefois à plusieurs incertitudes.

En premier lieu, le financement du NPNRU par Action Logement est soumis au renouvellement de la convention quinquennale 2018-2022 pour une nouvelle période.

Or les négociations de cette nouvelle convention n'ont pas même commencé selon ce qu'ont indiqué, fin octobre, les responsables d'Action Logement au rapporteur spécial (voir supra , programme 135).

En second lieu, l'État n'a apporté qu'une partie extrêmement réduite du financement promis , n'inscrivant chaque année en loi de finances qu'un montant de crédits symbolique, comme c'est le cas en projet de loi de finances pour 2023, de sorte qu'il n'a apporté jusqu'à présent qu'une petite partie de l'enveloppe promise de 1,2 milliard d'euros.

Financement de l'ANRU par les crédits budgétaires du programme 147

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des lois et projets de loi de finances initiale et de règlement des comptes

En effet, le rythme des versements prévu sur le quinquennat précédent n'a pas été respecté à partir de 2020.

Cadencement prévisionnel des financements en 2017

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

Total

Versements prévisionnels

15

25

35

50

75

200

Versements effectifs

14,6

24,3

35

14,4

14,4

92,5

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

En conséquence, le budget de l'ANRU continue à reposer à titre principal sur Action Logement , alors que l'Agence doit assumer les dernières dépenses du PNRU et celles du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PRQAD), mené en lien avec l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), mais aussi et, désormais, surtout celles du NPNRU. Ces dépenses, dont le montant cumulé atteignait 501,5 millions d'euros en 2021, connaissent une montée en puissance en 2022 avec une estimation d'exécution de 568 millions d'euros, et vont encore progresser au cours des années à venir. Le montant des engagements cumulés à la mi-2022 était de 2,1 milliards d'euros de subventions.

Recettes et dépenses de l'ANRU en 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

L'attente est grande à l'égard du NPNRU . Au 30 juin 2022, 450 quartiers ont un projet validé pour un montant prévisionnel de 13,1 milliards d'euros de concours financiers. L'objectif est désormais de contribuer à 114 000 démolitions, 95 000 reconstructions et 158 400 réhabilitations de logements sociaux, à 162 800 opérations de résidentialisation pour des logements sociaux ou privés, ainsi qu'à la réalisation de nombreux équipements publics 55 ( * ) .

Le rapporteur spécial souligne que les financements promis devront être apportés , compte tenu de l'ambition importante du NPNRU, afin de ne pas susciter des déceptions dans les territoires .

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, comprend deux modifications relatives à la mission « Cohésion des territoires ».

D'autre part, les crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » ont été accrus de 40 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Ces modifications ont été présentées supra .

D'une part, un article 41 ter rattaché à la mission a été rajouté. Il fait l'objet d'un commentaire infra .

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 41 ter (nouveau)

Dérogation aux règles d'indexation automatique relatives à la
réduction de loyer de solidarité

. Le présent article propose, au titre de l'année 2023, de ne pas appliquer la règle d'indexation de la réduction de loyer de solidarité en fonction de l'inflation.

Cette mesure a pour objet d'éviter que cette charge sur les bailleurs sociaux dépasse les objectifs prévus.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE REVALORISATION ANNUELLE DE LA RÉDUCTION DE LOYER DE SOLIDARITÉ, EN PRATIQUE SUSPENDUE CHAQUE ANNÉE

Mise en place par l'article 126 de la loi de finances pour 2018 et définie à l' article L. 442-2-1 du code de la construction et de l'habitation , la réduction de loyer de solidarité (RLS) consiste en une diminution de loyer modulée en fonction de la composition du ménage et de la zone géographique, qui s'applique aux locataires de logements sociaux dont les ressources sont inférieures à un plafond.

Les aides au logement sont diminuées pour les ménages qui bénéficient de la RLS , ce qui signifie que la diminution du budget de l'État consacré à l'aide au logement est supportée par les bailleurs sociaux. Les ménages sont légèrement bénéficiaires, car la réduction de loyer dont ils bénéficient est un peu plus importante que la diminution des aides qu'ils subissent.

Le septième alinéa de l'article L. 442-2-1 du code de la construction et de l'habitation prévoit que les montants maxima légaux de la RLS , définis en fonction de la zone géographique et de la taille du ménage, sont indexés, chaque année au 1 er janvier, sur l'indice de référence des loyers (IRL). En application du huitième alinéa , les montants mensuels effectifs de RLS, qui sont définis par arrêté, sont eux aussi revalorisés à un niveau au moins égal à l'IRL.

Le douzième alinéa du même article prévoit pour sa part que les plafonds de ressources mensuelles ouvrant droit à la RLS, fixés par arrêté en fonction de la taille du ménage et de la zone géographique, d'une part, et la limite de fixation de ces plafonds , celle-ci étant inscrite dans la loi, d'autre part, sont indexés chaque année, au 1 er janvier, sur l'évolution en moyenne annuelle de l'indice des prix à la consommation des ménages hors tabac, constatée pour l'avant-dernière année précédant cette revalorisation.

Fixation et indexation des montants de RLS
et des plafonds de ressources

inférieure au

inférieur au

Source : commission des finances

Le montant mensuel de la RLS est fixé par le II de l'arrêté du 27 février 2018, modifié en dernier lieu le 27 septembre 2022 56 ( * ) .

Montants mensuels (arrêté) et maximaux (code de la construction
et de l'habitation) de la RLS

(en euros)

Désignation

Zone I

Zone II

Zone III

Bénéficiaire isolé

Montant mensuel

48,77

42,70

39,98

Montant maximal

50,00

44,00

41,00

Couple sans personne à charge

Montant mensuel

58,90

52,16

48,43

Montant maximal

61,00

54,00

50,00

Personne seule ou couple ayant une personne à charge

Montant mensuel

66,51

58,43

54,22

Montant maximal

69,00

60,00

56,00

Par personne à charge supplémentaire

Montant mensuel

9,57

8,50

7,69

Montant maximal

10,00

9,00

8,00

Source : commission des finances, à partir de l'article L. 442-2-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH) et du décret précité du 27 février 2018

Les plafonds de ressources sont fixés par le I du même arrêté du 27 février 2018, modifié en dernier lieu par arrêté du 27 décembre 2018.

Plafonds de ressources (arrêté) et plafonds maximums
(code de la construction et de l'habitation)

(en euros)

Désignation

Zone I

Zone II

Zone III

Bénéficiaire isolé

Plafonds de ressources

915

854

828

Montant maximal

1 294

1 209

1 171

Couple sans personne à charge

Plafonds de ressources

1 102

1 042

1 008

Montant maximal

1 559

1 474

1 426

Bénéficiaire isolé ou couple ayant une personne à charge

Plafonds de ressources

1 403

1 329

1 289

Montant maximal

1 984

1 880

1 823

Bénéficiaire isolé ou couple ayant deux personnes à charge

Plafonds de ressources

1 669

1 583

1 536

Montant maximal

2 361

2 239

2 173

Bénéficiaire isolé ou couple ayant trois personnes à charge

Plafonds de ressources

2 043

1 943

1 877

Montant maximal

2 890

2 749

2 654

Bénéficiaire isolé ou couple ayant quatre personnes à charge

Plafonds de ressources

2 357

2 243

2 169

Montant maximal

3 334

3 173

3 069

Bénéficiaire isolé ou couple ayant cinq personnes à charge

Plafonds de ressources

2 624

2 497

2 411

Montant maximal

3 712

3 532

3 410

Bénéficiaire isolé ou couple ayant six personnes à charge

Plafonds de ressources

2 905

2 764

2 671

Montant maximal

4 109

3 910

3 778

Par personne à charge supplémentaire

Plafonds de ressources

283

266

247

Montant maximal

400

375

350

Source : commission des finances, à partir de l'article L. 442-2-1 du code de la construction et de l'habitation (CCH) et du décret précité du 27 février 2018

La RLS ayant représenté un poids plus élevé que prévu pour les bailleurs sociaux, une concertation organisée au début de 2019 a conduit à un « pacte productif » qui prévoyait notamment :

- de la part des bailleurs sociaux, un niveau toujours élevé de production de logements sociaux , avec 110 000 agréments par an ;

- de la part de l'État, une augmentation limitée de la réduction de loyer de solidarité, qui représenterait un montant total de 1,3 milliard d'euros par an et non, comme il était prévu initialement, 1,5 milliard d'euros.

L'État s'engageait également à supprimer les règles de l'indexation annuelle automatique des forfaits de RLS.

En application de cet accord, l'article 200 de la loi de finances initiale pour 2020 a prévu que, par dérogation au douzième alinéa précité de l'article L. 442-2-1 du code de la construction et de l'habitation, le montant des plafonds de ressources mensuelles ouvrant droit à la réduction de loyer de solidarité ne serait pas indexé en 2020 .

Cette indexation a été suspendue au cours des deux années suivantes par l'article 197 de la loi de finances initiale pour 2021 et par l'article 94 de la loi de finances initiale pour 2022.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : RECONDUIRE LA NON-INDEXATION EN 2023

Le présent article a été retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Il résulte d'une initiative du Gouvernement lui-même.

Le I prévoit que, par dérogation au douzième alinéa de l'article L. 442-2-1 du code de la construction et de l'habitation, le montant des ressources mensuelles maximales ouvrant droit à la RLS ne serait pas indexé en 2023 sur l'évolution en moyenne annuelle de l'indice des prix à la consommation des ménages hors tabac. Ce montant des ressources mensuelles maximales correspond en fait aux plafonds de ressources maximales, fixés par arrêté, mentionnés à l'article L. 442-2-1 précité.

Le II prévoit que, par dérogation au huitième alinéa du même article, l'évolution du montant mensuel de la RLS peut être inférieure à celle de l'indice de référence des loyers .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ADOPTER L'ARTICLE SANS MODIFICATION

La non-indexation permet de limiter le coût , pour les bailleurs sociaux, de la réduction de loyer de solidarité . Elle contribue à préserver sur le long terme le niveau des ressources des bailleurs sociaux et donc leur capacité à financer les projets de construction de logements sociaux.

En l'occurrence, la suspension de l'indexation pour une année supplémentaire paraît nécessaire en raison du niveau élevé de l'inflation, qui entraînerait mécaniquement une hausse importante de la réduction de loyer de solidarité. Une indexation aboutirait probablement à un coût global plus important que prévu pour les organismes de logement social, ce coût étant actuellement de 1,3 milliard d'euros.

Il convient donc de l'approuver , tout en rappelant que les dispositions prises lors des trois précédentes lois de finances prenaient place dans le cadre d'un accord global conclu en 2019 avec le secteur du logement social, contrairement à celle-ci qui est un acte unilatéral. Alors que le Gouvernement commence à peine à évoquer un futur « pacte de confiance », il est nécessaire qu'il parvienne rapidement à donner plus de visibilité au secteur du logement social dans les années à venir.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 15 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial, sur la mission « Cohésion des territoires » (et article 41 ter ) - Programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville.

M. Claude Raynal , président . - Nous débutons nos travaux par l'examen de la mission « Cohésion des territoires ». Je salue la présence de trois rapporteurs pour avis : Mme Viviane Artigalas sur le programme « Politique de la ville » et Mme Dominique Estrosi Sassone sur les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement » et « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » pour la commission des affaires économiques ; et M. Alain Duffourg sur le programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » pour la commission des affaires sociales.

M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur spécial de la mission « Cohésion des territoires » sur les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville » - Les crédits de la mission « Cohésion des territoires » s'élèvent à 17,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). À périmètre constant, l'augmentation des crédits est de l'ordre de 410,8 millions d'euros, soit une hausse de 2,4 % en CP. Toutefois, compte tenu d'une prévision d'inflation élevée en 2023, les crédits diminuent en volume de 1,9 % en CP.

Bernard Delcros nous ayant déjà présenté, le 25 octobre dernier, les crédits des programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l'État », j'évoquerai les quatre autres programmes, avec les crédits destinés aux politiques d'hébergement, d'aides au logement, d'urbanisme et de l'habitat, ainsi qu'à la politique de la ville.

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » est dédié à la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. Les crédits sur ce programme s'élèvent à 2,8 milliards d'euros. Des crédits importants ont été ouverts en cours d'année 2022, de sorte que ceux qui sont prévus par le projet de loi de finances (PLF) sont en diminution de 131 millions d'euros par rapport à l'exécution 2022, soit une baisse de 4,5 % en euros constants. Une fois de plus, ce programme entame l'année avec des crédits qui pourraient bien apparaître comme sous-évalués en cours d'année, au regard du maintien des besoins à un niveau élevé.

Le plan Logement d'abord, qui visait à faire passer les personnes directement de la rue à un logement, en évitant le passage par un hébergement d'urgence, n'a pas obtenu les résultats espérés. Le nombre de places en intermédiation locative financées par le programme 177, qui était de 33 604 places en 2017, dépassait les 70 000 places à la mi-2022. Les crédits poursuivent leur augmentation cette année, mais, contrairement au quinquennat précédent, le Gouvernement tarde à afficher des objectifs clairs.

Cette navigation à vue est encore plus évidente concernant la politique d'hébergement d'urgence. Le plan précité, malgré ses vertus, n'a pas permis de réduire les besoins en hébergement. Le parc d'hébergement se situe à un niveau historiquement élevé de près de 200 000 logements, soit 40 000 places de plus que le niveau antérieur à la crise sanitaire. Le Gouvernement avait affiché l'objectif de réduire de 14 000 places ce parc en 2023, puisque les effets de la crise sanitaire se sont estompés ; il vient d'y renoncer et de demander l'ouverture de 40 millions d'euros supplémentaires à l'Assemblée nationale.

La crise sanitaire a ainsi révélé des problèmes de mal-logement masqués par l'hébergement chez des tiers, et il est difficilement envisageable de remettre à la rue les personnes qui ont été hébergées. La question des migrants se pose également ; le dispositif national d'accueil géré par le ministère de l'intérieur est saturé ; il engorge le dispositif d'hébergement du programme 177. Pour toutes ces raisons, les besoins en crédits du programme 177 restent importants.

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » comprend, à titre principal, les crédits destinés au financement des aides personnelles au logement (APL). Les crédits demandés pour 2023 s'élèvent à 13,4 milliards d'euros, soit une hausse de 292 millions d'euros en euros courants, mais une diminution de 2 % en volume.

Les APL contribuent de manière importante à réduire le taux d'effort des ménages modestes, c'est-à-dire la part de leurs revenus qui est effectivement consacrée à la dépense de logement. Ce taux d'effort, de l'ordre de 20 % en moyenne avec les aides, serait supérieur à 40 % sans elles. Toutefois, sur le long terme, les prestations sociales couvrent une part de plus en plus réduite des dépenses courantes des ménages, et les dépenses de logement augmentent. Les ménages doivent faire face au poids croissant de l'inflation, malgré les mesures du type « bouclier tarifaire ».

Le Fonds national d'aide au logement (Fnal), qui centralise les crédits des aides au logement, devra certainement être réformé dans les années à venir. Il s'agit d'un fonds dépourvu de personnalité juridique ; en application de la réforme de la loi organique du 28 décembre dernier relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, il ne pourra donc plus recevoir le produit des cotisations employeurs, qui représentent près de 3 milliards d'euros par an. Un nouveau schéma de financement devra être mis en place.

Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » porte les crédits consacrés à des actions diverses, liées à la construction et l'habitat. Les politiques concernées passent principalement par les dépenses fiscales d'un montant de 15 milliards d'euros, par les fonds de concours et par l'action des opérateurs, en particulier l'Agence nationale de l'habitat (Anah), qui bénéficient du produit de taxes affectées. Les crédits budgétaires relevant de ce programme s'élèvent à 780,8 millions d'euros en CP, soit une hausse de près de 50 % par rapport à 2022.

J'évoquerai d'abord le secteur de la construction, pour lequel il est difficile d'être optimiste. Les tensions sur les approvisionnements consécutives à la crise sanitaire ne constituent plus le problème principal, mais celles sur les prix ne devraient pas s'atténuer en 2023. Les professionnels indiquent leur inquiétude au sujet des permis de construire, de plus en plus difficiles à obtenir ; plus personne ne veut de constructions nouvelles dans sa commune. En outre, la remontée sensible des taux risque de freiner les dépôts de permis de construire dans les mois et années à venir.

Outre la construction neuve, la rénovation du parc existant est le grand défi du secteur du logement. C'est le principal point du budget du programme 135 : la subvention versée à l'Anah passe de 170 millions à plus de 400 millions d'euros ; dans le même temps, le produit des ventes de quotas carbone rapportera 700 millions d'euros, contre 481 millions cette année. L'Anah dispose par ailleurs de 2,3 milliards d'euros sur le programme 174 de la mission « Écologie » pour financer le dispositif MaPrimeRénov'.

Ces crédits sont considérables, mais nécessaires. Il apparaît toutefois que le problème le plus pressant n'est pas budgétaire ; il réside davantage du côté de l'offre de rénovation que de la demande. Il est nécessaire de développer un véritable écosystème de la rénovation globale des logements, nous manquons d'entreprises sur le marché de la rénovation des logements privés. C'est aussi une difficulté pour les particuliers, car la rénovation globale demande des compétences en maîtrise d'ouvrage. Il conviendrait de développer l'aide MaPrimeRénov' Sérénité, qui accompagne de manière plus importante les ménages, sous conditions de ressources. Les banques doivent aussi mieux jouer le jeu ; seules deux banques proposent le prêt avance rénovation (PAR) qui, depuis le 1 er janvier 2022, doit permettre à des ménages modestes de financer les travaux de rénovation énergétique de leur résidence principale.

Concernant les logements sociaux, l'objectif de 250 000 logements agréés en 2021 et 2022, annoncé par le précédent gouvernement, a été abandonné. Environ 95 000 logements ont été agréés en 2021, et la réalisation devrait être du même ordre, ou peut-être un peu plus, en 2022. Le secteur est atteint, comme tous les acteurs de la construction, par la hausse des prix à la construction, ainsi que par l'augmentation du taux du livret A, passé en quelques mois de 0,5 à 2 %. Cette hausse entraîne un accroissement des charges financières d'intérêt, car les emprunts sont à taux variable.

Afin d'assurer l'équilibre financier des organismes de logement social à long terme, le précédent gouvernement a proposé de développer les ventes ; celles-ci devaient passer de moins de 10 000 à 40 000 par an ; l'objectif n'a pas été atteint, avec un résultat de 11 000 ventes par an environ. Ce résultat me semble heureux : la mission d'un organisme de logement social est de fournir un parc de logements adapté aux besoins ; et un modèle économique reposant sur la vente se paie à long terme par la perte des recettes liées aux loyers.

Le modèle de financement du logement social devra parvenir à conjuguer deux objectifs : l'accroissement du parc, afin de satisfaire les demandes toujours insatisfaites ; et la rénovation du parc existant. En conséquence, malgré le poids de la réduction de loyer de solidarité (RLS), qui reste de 1,3 milliard d'euros par an, les bailleurs sociaux devront procéder à des investissements massifs.

Un des organismes du secteur, qui joue un rôle essentiel dans son financement, est soumis à une pression particulière ; il s'agit d'Action Logement. D'une part, l'article 16 du PLF le soumet à une contribution de 300 millions d'euros pour financer les aides à la pierre ; et, d'autre part, chose plus importante encore, sa filiale financière, Action Logement Services (ALS), a été classée par l'Insee en administration publique.

Première conséquence : sa dette a été intégrée à la dette publique, augmentant celle-ci de 0,3 point. Nul doute que le ministère de l'économie va désormais porter un regard particulièrement attentif sur la situation d'ALS.

Deuxième conséquence : ALS devrait être bientôt interdite d'emprunt sur plus de douze mois, ce qui remettra en cause partiellement ses plans d'investissement. Cette décision comptable risque d'affecter la participation d'Action Logement aux politiques publiques dont la mise en oeuvre dépend de sa contribution, à commencer par le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).

Les enjeux de construction et de la rénovation ne peuvent être dissociés du nouvel impératif assigné aux collectivités territoriales, celui de la sobriété foncière et du « zéro artificialisation nette » (ZAN).

Le fonds friches, très apprécié en 2021 et 2022, a apporté environ 750 millions d'euros de crédits et a révélé l'étendue des besoins ; mais cela était insuffisant pour atteindre tout le potentiel. Le Gouvernement précise que la réhabilitation des friches sera portée par le fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires. Les modalités et les montants ne sont pas indiqués dans les documents budgétaires et l'on ignore ce qui sera fait concrètement pour la réhabilitation des friches l'an prochain. Ce flou est regrettable, car il entraîne un risque de démobilisation dans un domaine où la vision de long terme est essentielle.

Il en est de même pour la définition d'un modèle de financement du ZAN. J'ai fait des propositions ici même en juin, et le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) nous a présenté, il y a trois semaines, un rapport du plus haut intérêt. Notre mission conjointe de contrôle sur le ZAN a déjà consulté de nombreux acteurs, notamment sur les aspects réglementaires, et formulera bientôt ses conclusions. La question est sensible, il est essentiel que le Gouvernement s'en empare afin de « climatiser » réellement la fiscalité et les ressources des collectivités.

Enfin, dans le cadre du programme 147, les crédits de la politique de la ville s'élèvent à 597,5 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 39,6 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2022. Ces crédits sont principalement consacrés à une diversité d'actions engagées dans le cadre des contrats de ville. On peut noter une diminution de 3,8 millions d'euros des crédits destinés à l'éducation, au travers du programme de réussite éducative (PRE) et des cités éducatives. Il convient toutefois d'approuver l'intégration à la budgétisation initiale du dispositif « Quartiers d'été », à hauteur de 32,1 millions d'euros ; ce dispositif, depuis trois ans, était financé en cours d'année par des ouvertures de crédits en loi de finances rectificative (LFR).

Ces crédits ne correspondent qu'à une partie de l'action de l'État, qui passe aussi par les crédits de nombreux ministères, dont la traçabilité vers les quartiers n'est pas toujours assurée. Les résultats sont toujours aussi difficiles à percevoir, comme l'avait observé Jean-Louis Borloo lui-même en 2018. Plus de 40 % des adultes de 15 à 64 ans résidant dans les quartiers ciblés par la politique de la ville restent à l'écart du marché de l'emploi, contre moins de 30 % dans les autres quartiers des mêmes unités urbaines ; et les habitants de ces quartiers ont un revenu fiscal moyen égal à moins de la moitié de celui de leur agglomération, ce qui est le signe de la persistance d'une pauvreté relative très importante.

Le programme 147 devrait normalement bénéficier d'une autre ligne budgétaire importante pour la rénovation urbaine, puisque le NPNRU de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) entre dans une phase active, avec des dépenses de l'ordre de 568 millions d'euros dès 2022, qui ont vocation à s'accroître à l'avenir. Cette ligne budgétaire est réduite à un montant symbolique de 15 millions d'euros ; l'État repousse toujours la mise en oeuvre de sa promesse d'apporter 1,2 milliard d'euros au total à ce programme, qui repose donc toujours autant sur les contributions d'Action Logement et des bailleurs sociaux. Sachant les incertitudes qui pèsent sur ces acteurs, cela n'est pas fait pour rassurer.

Compte tenu des considérations précédentes, je propose de nous en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » pour les programmes 177, 109, 135 et 147.

Par ailleurs, je dois vous présenter un article rattaché à la mission. L'article 41 ter , introduit sur l'initiative du Gouvernement dans le texte soumis à l'engagement de sa responsabilité devant l'Assemblée nationale, prévoit, au titre de l'année 2023, de ne pas appliquer la règle d'indexation de la réduction de loyer de solidarité en fonction de l'inflation. Cette mesure, déjà mise en oeuvre les années précédentes, a pour objet d'éviter que cette charge sur les bailleurs sociaux ne dépasse les objectifs prévus. Je propose de donner un avis favorable à l'adoption de cet article.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement » et « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission « Cohésion des territoires ». - Il s'agit d'un budget de transition, tant en matière de rénovation énergétique que de financement de logement social. Il manque une stratégie, une hiérarchisation des objectifs et des orientations pluriannuelles.

Nous n'avons toujours aucune visibilité sur la RLS. Le dispositif est prorogé pour cette année, mais le Gouvernement n'a pas précisé s'il devenait pérenne.

L'organisme Action Logement a de nouveau été mis fortement à contribution, et contre sa volonté. Il y a toujours cette crainte d'un possible démembrement et d'une prise de contrôle de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) par les services de Bercy, qui auraient ainsi un droit de regard sur son usage. Il s'agit de rester vigilant, comme nous avions pu l'être avec Viviane Artigalas, Valérie Létard et Marie-Noëlle Lienemann dans le cadre de la mission flash, pour alerter sur ce risque de budgétisation de l'organisme. Action Logement doit, plus que jamais, rester autonome et continuer de financer dans la durée la politique du logement.

Sur la rénovation des logements, nous avions indiqué dans la loi Climat et résilience que le calendrier serait difficile à tenir, et cela s'est révélé exact. Les conséquences sont déjà là : des propriétaires retirent leurs biens du marché du logement pour les vendre, faute de disposer des moyens financiers et techniques pour mener à bien la rénovation énergétique des logements, et plus particulièrement les passoires thermiques pour les logements classés F et G. Par ailleurs, le calendrier est également trop contraint pour les logements sous étiquette E.

Concernant le logement social, les bailleurs sociaux n'ont toujours pas de marges de manoeuvre. Leur capacité d'autofinancement est considérablement amoindrie par la RLS, par la hausse du taux du livret A et des taux d'intérêt, et cela est tout à fait préjudiciable à la construction dont nous avons besoin. Comme cela fut signalé à maintes reprises, la crise du logement risque de s'aggraver dans les prochains mois.

C'est la raison pour laquelle, en ma qualité de rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, je donne un avis d'abstention pour ce budget.

Mme Viviane Artigalas , rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur le programme « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires ». - Concernant le programme « Politique de la ville », il s'agit, là encore, d'un budget de transition en attendant les nouveaux contrats de ville.

On peut quand même se féliciter du budget dédié au dispositif « Quartiers d'été » ; les associations, qui engageaient des actions sans savoir si elles seraient financées, attendaient cela depuis plusieurs années. Autre bonne nouvelle : la pérennité des cités éducatives, avec des financements prévus jusqu'en 2027.

Je me pose la question du financement du renouvellement urbain. Toutes les actions démarrent, et les CP ne sont pas au rendez-vous. L'Anru a suffisamment de trésorerie pour assumer les paiements de cette année et peut-être ceux de l'an prochain. Il faudrait 110 millions d'euros par an de CP pour assurer les 1,2 milliard que l'État doit engager. Nous serons très vigilants sur le sujet.

Cependant, je donne un avis favorable à ce budget de transition.

M. Alain Duffourg , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur le programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ». - Concernant le programme 177, 203 000 places ont été pourvues en 2021 dans le cadre du logement des personnes sans abri. Le PLF pour 2023 prévoyait une baisse des crédits, mais le Gouvernement, à la suite de pressions des associations, a fait machine arrière et propose une somme de 40 millions d'euros. Le budget s'élève à 2,8 milliards d'euros.

Le principal problème concerne le nombre de places disponibles. Si j'en crois les associations, entre 15 000 et 30 000 personnes seraient encore dans la rue ; mais si l'on mettait à disposition ces 15 000 ou 30 000 places, il m'a été répondu que cela créerait un appel d'air, avec davantage de demandes encore. Cette année, 100 000 Ukrainiens sont venus sur notre territoire. Ces chiffres s'inscrivent dans le cadre d'une problématique migratoire qui n'a été gérée ni au niveau national ni au niveau européen. Sur les 230 000 places à créer, on distingue 20 % de personnes ayant la nationalité française et 80 % de personnes sans papiers, sans titre de séjour, en situation irrégulière.

J'émets un avis favorable sur ce programme.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - La politique du logement navigue entre deux eaux : elle ne trouve de satisfaction ni avec le logement d'urgence, ni avec le neuf, ni avec la rénovation ou la réhabilitation. Néanmoins, il est difficile de s'y opposer, car elle nourrit des espoirs.

En outre, avec la lutte contre la vacance des logements et les tensions liées à la réforme de la taxe d'habitation et à l'objectif ZAN, nous avons besoin d'une conjonction des bonnes volontés et des efforts. Il s'agit d'inciter le Gouvernement à définir des priorités, et ce avec tous les opérateurs - l'Anah, l'Anru et d'autres encore. On constate un appétit d'habiter dans des zones excentrées par rapport aux villes, qu'il s'agisse de petites villes ou de territoires ruraux dès lors que ceux-ci sont bien desservis.

M. Michel Canévet . - L'accroissement des crédits pourrait laisser croire que l'effort en faveur du logement est important ; or, sur le terrain, on s'aperçoit qu'il n'en est rien. Lorsque nous avons voté la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan), certains pensaient que le regroupement des opérateurs d'HLM conduirait à améliorer l'efficience de la construction dans notre pays ; si l'on suit les données du rapporteur spécial, c'est l'inverse que l'on observe. Cette approche n'est pas la plus efficace pour répondre aux besoins de logements sur notre territoire.

Pour chacun, il est naturellement essentiel de pouvoir se loger. À défaut, se posent des problèmes sociaux et de désinsertion professionnelle. Quels sont les moyens nécessaires pour relancer la politique du logement ?

Concernant Action Logement, plutôt que d'opérer des ponctions sur le budget, ne vaudrait-il pas mieux demander à l'organisme d'accompagner les opérations directement sur les territoires ?

Nos inquiétudes concernent également l'objectif ZAN et son impact sur la construction. Je doute que l'on puisse répondre à tous les besoins en matière de logement, d'autant qu'un certain nombre de locataires, d'ici peu, seront contraints de quitter les logements ne répondant pas aux prescriptions thermiques. Où vont-ils aller si nous n'avons pas la possibilité de les héberger ?

M. Marc Laménie . - Les artisans nourrissent des inquiétudes concernant la rénovation des logements et MaPrimeRénov'. Avec les économies d'énergie à 1 euro par exemple, certaines personnes se font arnaquer. La concurrence est déloyale par rapport aux artisans et aux entreprises du bâtiment.

Des actions intéressantes sont menées dans le cadre de la politique de la ville ; je pense notamment aux cités éducatives. J'observe toutefois que certains programmes ont été plus ou moins abandonnés. Localement, c'est une préoccupation importante.

M. Dominique de Legge . - Concernant le programme 135, je m'inquiète que l'objectif de 250 000 logements sociaux agréés en 2021 et 2022 soit ramené à 100 000 logements. Pouvez-vous nous en dire davantage à la fois sur la manière dont le Gouvernement justifie cette révision à la baisse et sur les besoins nécessaires ? Dans la gestion de cette pénurie, certains secteurs géographiques sont-ils plus particulièrement touchés ?

M. Daniel Breuiller . - Je n'ai pas bien compris, je l'avoue, la politique du Gouvernement en matière de logement.

Dans toutes les zones touristiques et dans beaucoup de métropoles, l'accès au logement pour les primo-accédants, les étudiants et les jeunes couples est de plus en plus retardé, en raison du faible nombre de logements sociaux et aussi d'Airbnb. A-t-on les chiffres du nombre de logements soustraits à la location familiale, au bénéfice de ces locations saisonnières ?

M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur spécial. - Concernant le dispositif ZAN, nous aurons le temps de revenir sur les conséquences financières et fiscales du rapport du CPO. Le ZAN s'entrechoque avec les besoins en logements sociaux de notre pays. Comment construire davantage avec 50 % de foncier en moins dans les dix années à venir ? C'est une question à laquelle nous essaierons de répondre prochainement dans le cadre de la mission conjointe de contrôle présidée par Valérie Létard.

Pour répondre à Michel Canévet, il faut, en effet, commencer à tirer des bilans de la loi Élan. On ne sait pas, par exemple, si les fusions ont bien fonctionné. Nous sommes encore, me semble-t-il, au stade de subir les effets de ces fusions. Il conviendra de procéder à une évaluation.

Quels moyens pour relancer la politique du logement en France ? Dans le rapport, je me suis permis d'insister sur les permis de construire. Il n'y a jamais eu aussi peu de demandes de permis et aussi peu de permis délivrés. C'est un levier intéressant ; il faudrait notamment réfléchir à une simplification des demandes d'autorisation d'urbanisme.

Avec cette nouvelle ponction, il s'agit du énième démembrement d'Action Logement. Par ailleurs, l'Insee demande à ce qu'une partie d'Action Logement soit considérée comme une administration publique, ce qui soumettrait l'organisme aux critères de Maastricht concernant la dette publique et compliquerait beaucoup de choses, ne serait-ce que sa capacité à emprunter.

Le Gouvernement croit beaucoup dans les vertus de la discussion qui va s'ouvrir pour signer une nouvelle convention avec Action Logement, qui a au contraire beaucoup d'inquiétudes. Il serait peut-être temps de crever l'abcès et de sortir de l'ambiguïté. Il serait utile de respecter le paritarisme datant de l'après-guerre, et l'on pourrait demander à Action Logement d'accompagner la politique de logement plutôt que de subir un démembrement.

La montée en puissance de l'Anah doit permettre de porter la rénovation énergétique de manière plus ambitieuse ; mais le contrôle des aides reste un sujet.

Pour répondre à Dominique de Legge, l'objectif était de 250 000 logements sociaux sur deux ans. Le Gouvernement a annoncé 100 000 logements pour chaque année ; en réalité, ce sera moins que cela en logements agréés, sachant que l'agrément ne vaut pas logement réel. La situation est très préoccupante, pour ne pas dire dramatique. En raison de la complexité des procédures, des difficultés pour obtenir des autorisations d'urbanisme, des suites de la crise sanitaire, du coût des matériaux et d'autres freins encore, nous ne répondons pas à la demande de logements sociaux dans notre pays.

Quelle est la politique du Gouvernement en matière de politique de la ville ? Chacun en déduira ce qu'il veut, d'où ma proposition de nous en remettre à la sagesse du Sénat.

La question de la soustraction des logements en zones touristiques est très importante. Concernant Airbnb, nous allons mettre l'accent sur le contrôle. Trop de logements sont dévoyés dans notre pays. Il est grand temps que le législateur se penche sur le sujet. Nous ne savons pas combien de logements sont soustraits à la location familiale - cette question pourrait faire l'objet d'un contrôle.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis . - Il faut noter que, dans le cadre de la loi Climat et résilience, les résidences touristiques classées F et G thermiquement ne sont pas concernées par l'obligation de rénovation, contrairement aux logements. Certains préféreront donc continuer à louer leur bien par l'intermédiaire d'Airbnb. Il y a là un trou dans la raquette.

M. Claude Raynal , président . - Je ne perçois malheureusement aucun progrès au fil des années. La situation ne s'améliore dans aucun des domaines visés. Les espoirs que nous nourrissons chaque année restent vains.

Par ailleurs, Jean-Baptiste Blanc nous ayant présenté une partie de la mission, après la présentation du rapporteur spécial sur les programmes consacrés à la politique des territoires il y a quelques jours, je cède la parole à Bernard Delcros pour nous rappeler sa proposition.

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial de la mission « Cohésion des territoires » sur les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État ». - Pour ma part, je proposais un vote favorable sur les crédits que je rapporte.

La commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » .

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

Article 41 ter

M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur spécial . - Je suis favorable à l'adoption de cet article.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 41 ter .

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet du ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement

- M. Stéphane CREMEL, conseiller budget, fiscalité et rénovation énergétique ;

- Mme Marie PERDOUX, conseillère parlementaire.

Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal)

- M. Sylvain MATHIEU, délégué interministériel ;

- M. Sylvain BUDILLON, chargé de mission budgétaire ;

- Mme Audrey DUBUC, cheffe de cabinet.

Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP)

- M. François ADAM, directeur.

Caisse des Dépôts et Consignations (CDC)

- M. Kosta KASTRINIDIS, directeur des prêts, Banque des Territoires ;

- Mme Sophie VAISSIÈRE, directrice des relations institutionnelles et des affaires stratégiques à la direction des prêts ;

- Mme Selda GLOANEC, conseillère relations institutionnelles, Caisse des Dépôts.

Agence nationale de l'habitat (ANAH)

- Mme Valérie MANCRET-TAYLOR, directrice générale.

Union sociale pour l'habitat (USH)

- Mme Marianne LOUIS, directrice générale ;

- M. Christophe CANU, responsable du pôle des études économiques et financières ;

- Mme Francine ALBERT, conseillère chargée des relations avec le Parlement.

Action Logement Groupe

- M. Bruno ARCADIPANE, président ;

- M. Philippe LENGRAND, vice-président ;

- Mme Nadia BOUYER, directrice générale ;

- Mme Akila MAT, responsable des relations institutionnelles.

Fondation Abbé Pierre

- M. Manuel DOMERGUE, directeur des études ;

- Mme Noria DERDEK, chargée d'études.

Fédération des promoteurs immobiliers de France (FPI)

- M. Pascal BOULANGER, président ;

- M. Didier BELLIER-GANIÈRE délégué général ;

- Mme Anne PEYRICOT, directrice de cabinet et des relations institutionnelles.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2023.html


* 1 Dont, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, 234,3 millions d'euros sur le programme 109 « Aide à l'accès au logement » et 9,5 millions d'euros sur le programme 147 « Politique de la ville », ainsi que, en autorisations d'engagement uniquement, 15 millions d'euros sur le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat ».

* 2 Prévision d'inflation (indice des prix à la consommation hors tabac) du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2023.

* 3 L'exécution inclut les fonds de concours consommés, ce qui explique le niveau très élevé pour le programme 135 par rapport aux crédits ouverts en lois de finances.

* 4 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, 4° ter du II de l' article 34 , modifié par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 5 Le programme 135 alloue par exemple 403,9 millions d'euros de crédits budgétaires, par transfert, à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

* 6 L'estimation reprend celle proposée par le tome 1 de l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances, en retenant celle pour 2023 lorsqu'elle est proposée, ou sinon celle pour 2022 ou 2021.

* 7 Sommes versées par des communes qui ne remplissent pas les obligations imposées par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

* 8 La différence entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement s'explique par un niveau élevé d'autorisations d'engagement sur l'hébergement d'urgence (action 12) en 2022.

* 9 Nicolas Henckes, Logement d'abord : agenda et conditions d'une politique publique , dans La politique du Logement d'abord en pratique , sous la direction de Nicolas Chambon, Pascale Estecahandy, Élodie Gilliot et Manuel Hennin, Les Presses de Rhizome, septembre 2022.

* 10 Plan quinquennal pour le logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme 2018-2022 , dossier de presse.

* 11 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 12 Agence nationale d'information sur le logement, L'intermédiation locative .

* 13 Article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles.

* 14 Circulaire relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , 28 novembre 2012.

* 15 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 16 Retraitement de - 118,7 millions d'euros, correspondant au transfert en 2019 des actions relatives aux centres d'hébergement d'urgence dédiés aux migrants et aux réfugiés en Île-de-France vers des programmes relevant du ministère de l'intérieur.

* 17 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, article 125 .

* 18 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 19 Ministère de la transition écologie et de la cohésion des territoires / Datalab, Compte du logement 2021 , publié le 19 septembre 2022. Ces aides correspondent principalement aux APL, ALS et ALF, mais aussi aux aides fiscales et autres aides hors locaux d'hébergement collectif.

* 20 Céline Grislain-Letrémy et Corentin Trevien, L'impact à long terme des aides au logement sur le secteur locatif : l'exemple français , document de travail n° 688 de la Banque de France, 23 septembre 2022.

* 21 Articles L. 813-4 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

* 22 Article 16 du présent projet de loi de finances.

* 23 Article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, version en vigueur à compter du dépôt du projet de loi de finances pour 2024 en application de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 24 Le programme 135 contenait déjà une dotation de 10 millions d'euros en faveur de la rénovation des cités minières du Nord et du Pas-de-Calais, attribuée en loi de finances initiale.

* 25 Pour un montant de 35 millions d'euros en autorisations d'engagement pour 10 millions d'euros en crédits de paiement, en application d'un engagement du président de la République de février 2022.

* 26 Calcul commission des finances, en retenant, pour chaque dépense fiscale, l'estimation la plus récente donnée par l'annexe « Voies et moyens » parmi les années 2021, 2022 et 2023.

* 27 Cour des comptes, La production et l'utilisation des données utiles à la politique du logement , référé rendu public le 18 juillet 2022.

* 28 Banque de France, Crédits aux particuliers , septembre 2022.

* 29 Indices ICE TP (coûts de l'énergie dans les travaux publics), ICM 412 (coûts des matériaux dans la construction de bâtiments) et ICM 43R (coûts des matériaux dans la rénovation de bâtiments).

* 30 Banque des territoires, Perspectives - l'étude sur le logement social , édition 2022.

* 31 La réduction de loyer de solidarité (RLS) consiste en une diminution de loyer perçu par les bailleurs sociaux, presque entièrement compensée pour les locataires par une réduction du montant des aides personnelles au logement (APL). En conséquence, le montant total, de l'ordre de 1,3 milliards d'euros par an, représente un coût pour les bailleurs et une économie pour l'État.

* 32 En tenant compte des émissions indirectes attribuables à la production d'électricité. OCDE, Pierre par pierre : Bâtir de meilleures politiques du logement , 2021.

* 33 Le niveau de concentration de particules fines auquel est exposé un résident type tout au long de l'année, est en 2019 de 11,4 mg/m 3 en France, contre 13,9 mg/m 3 dans l'OCDE (source : OCDE).

* 34 Observation national de la rénovation énergétique, Le parc de logements par classe de performance énergétique au 1 er janvier 2022.

* 35 Nouvelle appellation de l'ancien dispositif Habiter mieux Sérénité, qui prévoit un accompagnement renforcé permettant, contrairement à MaPrimeRénov', de garantir le niveau de performance énergétique atteint.

* 36 Agence nationale d'information sur le logement (ANIL), Le prêt avance-rénovation .

* 37 INSEE, Les comptes de la Nation en 2021 , 31 août 2022.

* 38 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 39 Rapport de la commission pour la relance durable de la construction de logements , septembre 2021.

* 40 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, article 191 .

* 41 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

* 42 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 43 Ce dispositif est porté par le nouveau programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

* 44 CEREMA / Intercommunalités de France, Le foncier économique à l'heure de la sobriété foncière , septembre 2022.

* 45 Les outils financiers pour soutenir l'atteinte de l'objectif de zéro artificialisation nette , rapport d'information n° 743 (2021-2022) de Jean-Baptiste Blanc, fait au nom de la commission des finances, déposé le 29 juin 2022 ?

* 46 Conseil des prélèvements obligatoires, La fiscalité locale dans la perspective du ZAN , 26 octobre 2022.

* 47 Mission conjointe de contrôle relative à la mise en application du « Zéro artificialisation nette » , créée par les commissions des affaires économiques, de l'aménagement du territoire et du développement durable, des finances et des lois.

* 48 La politique de la ville, un tremplin pour les habitants , rapport d'information n° 800 (2021-2022) de Viviane Artigalas, Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 19 juillet 2022.

* 49 Union sociale de l'habitat, Bilan triennal de l'utilisation de l'abattement de la TFPB dans les QPV (2017-2019) , 21 mai 2021.

* 50 Article 7 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 51 Cour des comptes, L'évaluation de l'attractivité des quartiers prioritaires , rapport public thématique, décembre 2020.

* 52 Cour des comptes, Les dispositifs en faveur de l'emploi des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville , juillet 2022, enquête réalisée en application de l'article 58, alinéa 2, de la Constitution, à la demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

* 53 Rapport n° 792, tome II, annexe 6, volume 1 (2021-2022) de Jean-Baptiste Blanc, déposé le 19 juillet 2022 : Cohésion des territoires - Logement et ville.

* 54 Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 55 Objectifs mis à jour par le projet annuel de performances.

* 56 Arrêté du 27 février 2018 relatif à la réduction de loyer de solidarité, modifié par arrêté du 27 septembre 2022.

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