B. UNE GESTION FINANCIÈRE COMPLEXE

1. Une lisibilité du compte affectée par les reports

Rappelons à titre liminaire que la gestion budgétaire et comptable du CAS-DAR est soumise aux règles suivantes quant aux reports.

a) Règles relatives aux crédits budgétaires

Les crédits budgétaires (AE et CP) sont ouverts à hauteur des montants prévus en loi de finances initiale qui se basent sur une estimation du montant de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles.

Les AE et les CP budgétaires non consommés en fin d'année donnent lieu un arrêté de report sur l'année suivante . Les raisons en sont multiples. Un porteur de projet peut, à titre d'illustration, demander une prolongation de son projet ce qui diffère les décaissements prévus.

À titre d'illustration, un arrêté de report des crédits budgétaires de 2020 pour un montant de 4 millions d'euros en AE et 76 millions d'euros en CP, en date du 12 mars 2021, a permis d'augmenter de 17 % les crédits, ce qui représente une dotation de 11 millions d'euros par rapport à 2019.

En outre, il convient de relever qu'une partie des crédits ouverts sont en réalité gagés sur des projets déjà engagés . Le niveau élevé des reports de crédits de paiement résulte des crédits non consommés qui proviennent principalement des restes à payer. Un programme financé par le CAS-DAR fait l'objet de paiements répartis sur plusieurs années. Ces restes à payer sont identifiés dans le tableau, infra, dans la colonne « Solde ». Ces montants représentent les futures sommes qui devront être décaissées au titre de programmes engagés sur les années antérieures. Ces restes à payer viennent augmenter d'autant les montants des crédits ouverts.

b) Règles relatives aux recettes

Si la recette est supérieure au montant ouvert en LFI , cette ressource supplémentaire ne peut être engagée à moins d'une ouverture de crédits. Cette dernière prend deux formes, celle d'un arrêté conjoint d'ouverture en gestion de l'excédent de recettes constaté, entre le ministre chargé de l'agriculture et celui chargé des comptes publics ou d'une utilisation d'excédents de recettes autorisée en loi de finances rectificative, y compris pour les années antérieures. Ces ouvertures de crédits supplémentaires apportent une souplesse de gestion en dépit du plafond. Toutefois, elle n'est en rien obligatoire.

À titre d'illustration, un arrêté du 16 décembre 2020 a autorisé l'ouverture de crédits budgétaires de 2020 pour un montant de 2 millions d'euros en AE et en CP.

La loi de finances rectificative du 1 er décembre 2021 a ouvert des crédits supplémentaires à hauteur de 10 millions d'euros en AE 65 ( * ) et CP après constatations d'un surplus de recettes de 12 millions d'euros. Les 2 millions d'euros restants ont été affectés sur le solde comptable du CAS-DAR.

L'excédent de recettes non engagé demeure sur le compte et est affecté sur le solde comptable du CAS-DAR, en application du II. de l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 66 ( * ) .

Le solde du plan comptable constaté sur le CAS au 31 décembre 2021 s'établissait à 117,9 millions d'euros euros contre 93,2 millions d'euros, soit une augmentation de 24,7 % par rapport à l'an dernier, essentiellement due à la progression des restes à payer en raison de la prolongation d'un grand nombre de projets pendant la crise de la COVID.

En effet, ce solde se décomposait en deux parties, au 31 décembre 2021 :

- les restes à payer sur les engagements des années antérieures, par nature indisponibles, à hauteur de 76 % ;

- les crédits de paiement correspondant aux autorisations d'engagements non ouvertes, à hauteur de 24 % du montant du solde. Ils ne peuvent être disponibles que sur autorisation en loi de finances.

2. Une sous-consommation constatée ces dernières années

En 2020, l'exécution était en retrait par rapport à 2019, de 2,9 % en AE et de 2,6 % en CP. Cette contraction de la consommation des crédits s'est poursuivie en 2021 par rapport à 2020, respectivement de 4,7 % en AE et de 10,6 % en CP.

Comme constaté par la Cour des comptes 67 ( * ) « Ce faible taux d'exécution [en 2021] s'explique par (i) des ouvertures de crédits calculées sur le montant prévisionnel de la taxe recouvrée sans les reports des exercices précédents, inhérents au caractère pluriannuel des opérations, (ii) des prévisions de recettes particulièrement prudentes et (iii) des modalités de gestion complexes qui retardent les décaissements ».

S'agissant de l'évolution des crédits du CAS-DAR depuis 2015, le tableau ci-dessous, en lecture combinée avec le tableau supra, met en évidence, trois tendances :

- une ouverture de crédits annuelle structurellement supérieure aux montants disponibles , en raison des restes à payer ou « solde » ;

- une sous-consommation des crédits par rapport aux recettes , depuis 2009 (sauf 2010 et 2014), en combinant la lecture du tableau avec celui des recettes supra ;

- une dynamique des recettes qui dépasse le plafond depuis 2018.

Les rapporteurs précisent que les crédits en AE et CP de la première colonne correspondent aux crédits ouverts en LFI, dans la limite de la recette du CAS-DAR, majorés des reports de crédits de l'année N-1 sur l'année N et des éventuelles ouvertures de crédits en gestion 68 ( * ) .

Évolution de 2015 à 2023 des AE et CP du CAS-DAR en euros

Crédits 69 ( * )

Exécution 70 ( * )

Solde

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2015

138 958 426

180 206 929

137 346 485

131 320 500

1 611 941

48 886 429

2016

132 423 401

179 697 888

126 045 839

129 207 058

6 377 562

50 490 830

2017

139 797 774

183 911 042

131 669 045

128 949 787

8 128 729

54 961 255

2018

139 694 988

190 961 255

131 655 785

131 220 395

8 039 203

59 740 860

2019

144 411 404

195 740 860

139 475 784

130 480 516

4 935 620

65 260 344

2020

141 091 317

203 260 344

135 457 011

127 146 729

5 634 306

76 113 615

2021

139 695 593

212 113 614

126 400 574

113 716 634

13 295 019

98 396 979

2022 (1)

136 639 043

224 396 979

136 639 043

151 083 237

0

73 313 742

2023 (1)

126 000 000

199 313 742

126 000 000

126 000 000

0

73 313 742

(1) Prévisions.

Source : d'après les données recueillies dans les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

Les reports de crédits de 2021 sur 2022 d'un montant de 10 639 043 euros en AE et de 98 396 979 euros en CP, se sont ajoutés à la programmation budgétaire en AE et CP de 126 millions d'euros en AE et CP pour conduire à une prévision de crédits pour 2022 de 136 639 043 euros en AE et 224 396 979 euros en CP .

Pour 2023, la programmation budgétaire en AE et CP est de 126 millions d'euros. En revanche la recette en 2023 ne sera estimée par l'INSEE, que mi-décembre, en tenant compte des récoltes et des prix de vente 2022. Le MASA a donc prévu de consommer l'ensemble des crédits autorisés.

3. Un nécessaire renfort de la recherche en matière agricole

Force est de constater que des recettes supérieures au plafond combiné à une tendance à la sous-consommation des crédits, constatée par la Cour des comptes, conduisent à une accumulation de ressources susceptibles d'être mobilisées pour financer les dépenses du compte. Elle serait de l'ordre d'un peu plus de 28 millions d'euros 71 ( * ) , au 31 décembre 2021.

Or, les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la sous-consommation des crédits disponibles, à l'aune des défis auxquels fait face le monde agricole. Ils affirment avec force que la recherche notamment en matière de vaccins, de produits alternatifs pour une agriculture durable et saine, de développement de variétés capables de faire face au changement climatique, constitue une voie essentielle dans la résolution des problèmes tant actuels que futurs.

La recherche est la clé d'une porte qui ne peut s'ouvrir demain, que si elle est forgée dès aujourd'hui.

Ils relèvent que le programme d'investissement d'avenir PIA4 et celui de France 2030 ciblent le secteur agricole et agroalimentaire 72 ( * ) comprenant :

- des mesures de soutien à la recherche sur la robotique agricole, le numérique, la recherche variétale, le biocontrôle pour 428 millions d'euros ;

- des mesures de soutien à la recherche sur le microbiome, les systèmes alimentaires, les protéines, les ferments du futur, les emballages, pour 449 millions d'euros.

- des mesures d'industrialisation et de déploiement des innovations pour 1,5 milliard d'euros, qui portent sur trois grandes thématiques : la troisième révolution agricole, la transition des filières agricoles et agroalimentaires, et le développement de la filière forêt-bois ;

- un volet « fonds propres » doté de 500 millions d'euros qui doit notamment permettre de soutenir des projets innovants d'installation agricole.


* 65 2,7 millions d'euros ont été affectés au programme 775 et 7,3 millions d'euros pour le programme 776 afin de soutenir les actions de recherche et développement, notamment pour sortir du glyphosate, améliorer le bien-être animal ou l'autonomie protéique.

* 66 « II. - Sauf dérogation expresse prévue par une loi de finances, aucun versement au profit du budget général, d'un budget annexe ou d'un compte spécial ne peut être effectué à partir d'un compte d'affectation spéciale. [...]

Si, en cours d'année, les recettes effectives sont supérieures aux évaluations des lois de finances, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts, par arrêté du ministre chargé des finances, dans la limite de cet excédent. Au préalable, le ministre chargé des finances informe les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances des raisons de cet excédent, de l'emploi prévu pour les crédits ainsi ouverts et des perspectives d'exécution du compte jusqu'à la fin de l'année.

Les autorisations d'engagement et les crédits de paiement disponibles en fin d'année sont reportés sur l'année suivante, dans les conditions prévues aux II et IV de l'article 15, pour un montant qui ne peut excéder le solde du compte . »

* 67 Cf . page 5 de la note d'exécution budgétaire du Compte d'affectation spéciale Développement agricole et rurale de 2021.

* 68 Décret de virement, arrêté, loi de finances rectificative.

* 69 Les crédits en AE et CP correspondent aux crédits ouverts en LFI, dans la limite de la recette du CAS-DAR, majorés des reports de crédits de l'année N-1 sur l'année N et des éventuelles ouvertures de crédits en gestion (décret de virement, arrêté, LFR).

* 70 L'exécution en AE est minorée des retraits sur engagements des années antérieures (données Chorus).

* 71 Solde comptable en 2021 (117,9 millions d'euros) x proportion des crédits de paiement correspondant aux autorisations d'engagements non ouvertes (24 %).

* 72 Cf. « systèmes agricoles durables et équipements agricoles contribuant à la transition écologique » (SADEA) et « alimentation durable et favorable à la santé » (ADFS).

Page mise à jour le

Partager cette page