B. LES CRÉDITS DE SOUTIEN AUX COLLECTIVITÉS (ACTIONS 2 ET 6) : UN ENGAGEMENT DE L'ÉTAT RENFORCÉ

1. Les crédits destinés aux contrats de convergence et de transformation : un rythme d'exécution des contrats qui pourrait permettre d'atteindre 100 % d'engagement des AE à fin 2023

Prévus par la loi du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle Outre-mer qui avait pour but de réduire les écarts de développement persistants avec la métropole, les contrats de convergence et de transformation (CCT) succèdent aux contrats de plan État-Région (CPER). Ils ont pour objectif d'investir en faveur du développement des territoires tout en prenant en compte les spécificités et les besoins de l'outre-mer et s'inscrivent, par ailleurs, dans la « Trajectoire 5.0 » déclinée pour les territoires ultramarins, à savoir zéro carbone, zéro déchet, zéro vulnérabilité au dérèglement climatique, zéro intrant polluant, zéro exclusion.

Ces contrats ont été signés le 8 juillet 2019 pour les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, les régions Guadeloupe et La Réunion, le département de Mayotte et les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, le 22 juin 2020 pour Saint-Martin 20 ( * ) . Le contrat de développement et de transformation 2021-2023 a été signé le 14 avril 2021 pour la Polynésie. La Nouvelle-Calédonie utilise un contrat de développement (CDEV) jusqu'en 2022.

Pour l'année 2023, des avenants de reconduction seront conclus afin d'assurer la continuité de la politique contractuelle dans l'attente de nouvelles négociations.

Ainsi, les crédits de l'action 2 visent à contribuer au développement économique, social ainsi qu'à la transition écologique et énergétique des territoires ultramarins en cofinançant les projets d'investissements structurants portés par les collectivités territoriales d'outre-mer via notamment les contrats susmentionnés.

En PLF 2023, les crédits alloués à cette action s'élèvent à 211,6 millions d'euros en AE et 158,1 millions d'euros en CP soit une hausse de respectivement 1 % et 0,9 % par rapport à la LFI 2022 (+ 2,1 millions d'euros et + 1,4 million d'euros).

Au titre de la contractualisation, 175,3 millions d'euros en AE et 122,1 millions d'euros en CP ont été ouverts (soit 13 millions d'euros de moins en AE et 10 millions d'euros de moins en CP qu'en 2022). Ces crédits contractualisés concernent essentiellement les CCT, le contrat de développement et de transformation pour la Polynésie et le contrat de développement de la Nouvelle-Calédonie mais également, à la marge, des reliquats de CP pour les contrats de plan État-Régions.

Au titre des seuls CCT, le montant contractualisé avec l'État sur le programme 123 s'élève à 387,33 millions d'euros pour la période 2019-2022. À l'issue de l'avant dernière année des contrats (2022 initialement), l'exécution de ces contrats en 2019 et 2021 est en deçà des montants attendus. Cependant, le prolongement d'un an des contrats devrait permettre, si le rythme d'engagement se maintient, d'engager tous les AE à fin 2023.

Exécution des contrats en cumulé 2019-2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (rapport annuel de performance 2021)

Ainsi, le taux moyen d'engagement est de 59 % après 3 ans et le taux moyen de couverture des engagements est de 35 %. Le taux de consommation des CP est encore bien inférieur puisqu'il se situe entre 6 et 59,6 % avec une moyenne, sur l'ensemble des territoires, de 14,3 %.

Le faible taux de consommation en 2020 s'expliquait en partie par l'impact de la crise sanitaire sur la vie économique des territoires d'outre-mer, et par voie de conséquence le ralentissement des chantiers et de la programmation des opérations.

L'année 2021 ayant également été touchée par la crise sanitaire, notamment dans les territoires d'outre-mer qui ont connu des périodes de confinement et/ou de couvre-feu plus longues qu'en métropole, les rapporteurs constatent une nouvelle sous-exécution en 2021. Ils avaient d'ailleurs alerté sur ce risque lors de leur précédent rapport relatif au PLF 2022.

Le prolongement d'une année de ces CCT devrait permettre l'engagement les AE restantes. Cependant, un risque demeure que l'entièreté des crédits des CCT ne soit pas engagée à la fin de l'année 2023. Les rapporteurs spéciaux seront attentifs à ce point.

En revanche, concernant spécifiquement le contrat de développement et de transformation de la Polynésie, signé en 2021 et couvrant la période 2021-2023, le taux de consommation des AE fin 2021, à l'issu de la première année, s'élève à 36 % et le taux de couverture des engagements à 19 %. Le taux de consommation des CP est de 7 %. En maintenant ce rythme d'engagement les AE pourraient être intégralement engagées d'ici la fin du contrat.

Exécution du CCT pour la Polynésie 2021-2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (rapport annuel de performance 2021)

Enfin, le contrat de développement de la Nouvelle-Calédonie, d'un montant total de 372,2 millions d'euros à partir du programme 123 a été porté à 795,9 millions d'euros à compter de 2020. Son exécution est la suivante :

Exécution du CDEV pour la Nouvelle-Calédonie en cumulé 2017-2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (rapport annuel de performance 2021)

Avec un taux d'engagement inférieur à 40 % avant la dernière année du contrat, la question de sa prorogation pour un an se pose sérieusement. Les rapporteurs invitent la DGOM à envisager cette solution qui permettrait, par ailleurs, de renégocier tous les nouveaux contrats ensemble avec une année de commencement fixée à 2024.

Dans tous les cas, les renégociations de nouveaux contrats devront veiller à prendre en compte, encore plus que par le passé, les spécificités et besoins mais également les contraintes et difficultés de chaque territoire, condition indispensable à l'utilité et à la réussite de ces contrats.

2. L'évolution des crédits destinés à l'action 6 caractérisée par un doublement du soutien exceptionnel à la Guyane et une mesure nouvelle pour la distribution d'eau en Guadeloupe

Cette action recouvre trois types de crédits :

- les dotations aux collectivités territoriales et financements adaptés à leurs spécificités afin de favoriser l'égal accès aux services publics locaux des populations ultramarines, notamment en termes d'éducation, en prenant en compte les particularités de ces collectivités et en répondant, par des crédits spécifiques, aux handicaps structurels des outre-mer. Il s'agit donc de maintenir la capacité financière des collectivités d'outre-mer par le versement de dotations ;

- les secours d'urgence et de solidarité nationale liés aux calamités ;

- les actions de défense et de sécurité civile.

En PLF 2023, les crédits de l'action 6 s'élèvent à 238,5 millions d'euros en AE et 242,7 millions d'euros en CP soit respectivement une hausse de 16,4 % des AE (soit 33,5 millions d'euros d'AE) et une hausse de 21,6 % des CP (soit 43,2 millions d'euros) par rapport à la LFI 2022.

Cette hausse notable des crédits s'explique par l'effort de l'État dans les domaines suivants :

- le doublement du soutien exceptionnel de l'État à la collectivité territoriale de Guyane en vue de rétablir sa capacité d'autofinancement en contrepartie d'engagements relatifs à la maitrise des dépenses de fonctionnement, de fiabilité des comptes ou de respect des délais de paiement. Le montant inscrit en LFI 2022, de 20 millions d'euros, pouvait être, au besoin réajusté en fonction de la trajectoire financière. Ainsi, en 2023, le PLF prévoit un soutien de 40 millions d'euros ;

- une hausse des CP de près de 18 millions d'euros pour la construction d'établissements scolaires, de collèges et lycées en Guyane, à Mayotte et à Wallis et Futuna ;

- l'ouverture de 10 millions d'euros en AE et CP afin d'améliorer la distribution et la desserte en eau potable dans les territoires d'outre-mer. Cette enveloppe est spécifiquement destinée à accompagner les efforts du syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement en Guadeloupe sous réserve du respect d'engagements de performance à contractualiser.

Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux saluent le maintien de 10 millions d'euros de CP pour le dispositif « contrats de redressement outre-mer » (COROM), introduit par amendement à la loi de finances pour 2021, qui vise à soutenir les communes souhaitant assainir leur situation financière et réduire les délais de paiement de leurs fournisseurs locaux.

Cette action apparait plus que jamais nécessaire dans un contexte de crise économique et les soutiens supplémentaires apportés dans le PLF 2023 sont salués par les rapporteurs.

En effet, même si les situations sont très variables d'un territoire à l'autre, sur l'ensemble des DROM 21 ( * ) , l'encours de dette a augmenté de 36,6 % entre 2016 et 2021 passant de 2 376,2 à 3 246,5 millions d'euros. Sur la période 2016-2022, les charges et les produits de fonctionnement ont diminué dans les mêmes proportions alors que les ressources d'investissement ont baissé de 31,47 % pour des charges d'investissement stables.

Cependant, pour certaines collectivités la situation est bien plus détériorée encore. En effet, le conseil régional de Guadeloupe a vu ses produits de fonctionnement augmenter de 4,7 % mais ses charges de 30,6 %. Les ressources d'investissement ont également augmenté à un rythme bien inférieur aux charges (77 % contre 127 %) générant une augmentation de l'encours de dette de plus de 51 %.

Evolution des charges et produits et de l'encours de dette des départements et régions d'outre-mer entre 2016 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Cette situation a pour conséquence l'allongement des délais de paiement. Il ressort des derniers rapports IEDOM sur les délais de paiement dans les DROM 22 ( * ) que le délai du secteur public local et hospitalier s'est globalement détérioré sur les dix dernières années , passant d'un peu moins de 40 jours en 2012 à près de 65 jours en 2021, soit un niveau largement supérieur au plafond réglementaire (30 jours pour les collectivités locales et 50 jours pour les établissements publics de santé). Au cours de la même période, le délai de paiement du secteur public local et hospitalier de l'Hexagone était stable à moins de 30 jours.

La dégradation des finances publiques locales conduit, subséquemment, à des comportements de paiement accumulant des retards aux conséquences lourdes pour la trésorerie et la pérennité des entreprises ultramarines. À titre d'exemple, les délais clients 23 ( * ) enregistrés par le secteur de la construction dans les DROM s'établissent à 107 jours en 2020, notamment en raison de la dépendance au secteur public. Une situation similaire est observée en Polynésie française : en dépit de délais de paiement structurellement plus courts que dans les DROM, les délais clients de la construction sont proches des 90 jours (soit le double de la moyenne du territoire tous secteurs confondus), en raison des retards de leurs partenaires commerciaux, et notamment des donneurs d'ordre publics 24 ( * ) .

Dans ce contexte économique et de dégradation continue de la situation financière des collectivités d'outre-mer, les rapporteurs spéciaux estiment cependant que le dispositif COROM susmentionné pourrait utilement être renforcé pour s'étendre à un nombre plus important de collectivités.

Ils proposent donc un amendement II-17 visant à majorer de 20 millions d'euros en AE et CP les crédits destinés au dispositif COROM.


* 20 En raison de cette signature tardive les opérations prévues dans le cadre du CCT, et qui ont été engagées en 2019 pour un montant de 8,4 millions d'euros ont été rattachées en exécution, au précédent contrat de développement, signé le 30 juillet 2014 et modifié par avenant du 11 juin 2018.

* 21 Régions et départements.

* 22 IEDOM, Rapport annuel sur les délais de paiement pratiqués par les entreprises et les organismes publics des DCOM , édition 2021, juin 2022.

* 23 Le délai clients correspond au délai moyen d'encaissement des règlements des clients , en tenant compte des délais eux-mêmes accordés par l'entreprise.

* 24 IEOM, Les délais de paiement en Polynésie française en 2020 , juin 2022.

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