II. SI DES PROGRÈS ONT ÉTÉ ACCOMPLIS EN MATIÈRE DE GESTION, ILS DEMEURENT ENCORE INSUFFISANTS AU REGARD DES AMBITIONS AFFICHÉES PAR LE GOUVERNEMENT

La forte hausse des crédits demandée pour 2023, si elle se justifie au regard du calendrier des projets engagés, apparaît toutefois pour partie décorrélée des difficultés structurelles que connait la mission depuis sa création. Si certains progrès sont à relever, notamment sur le niveau de consommation des crédits, la mission se caractérise toujours par un niveau d'exécution très inférieur aux autres missions, par un manque de lisibilité budgétaire et par des lacunes dans son dispositif de performance. Ce sont autant d'éléments qui doivent être revus, alors que les objectifs de la mission, que ce soit au titre de la transition énergétique ou de la numérisation des administrations et des démarches administratives, sont ambitieux et méritent un suivi plus approfondi. Ils donneraient plus de sens à l'examen parlementaire de cette mission.

A. LE PROGRAMME 348, UN PROGRAMME QUI DEVRAIT ENFIN MONTER EN CHARGE, APRÈS UNE EXTENSION DE SON PÉRIMÈTRE

D'après les informations communiquées par le directeur de l'immobilier de l'État, le programme 348 devrait connaitre une nette accélération en 2023 : la DIE a en effet fixé pour objectif que tous les marchés de travaux soient notifiés d'ici la fin de l'année 2022. S'il s'agit incontestablement d'une avancée, les rapporteurs spéciaux notent qu'il a fallu près de cinq ans, depuis la création du programme, pour que l'ensemble des travaux puisse débuter.

Surtout, le calendrier de livraison des travaux ne cesse d'être reporté , même si d'importants chantiers devraient se terminer d'ici la fin de l'année 2023, avec notamment la livraison des travaux pour les cités administratives de Rouen (96 millions d'euros) et de Strasbourg (54,7 millions d'euros).

Répartition des projets de rénovation
des cités administratives par date prévisionnelle de livraison

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux

Entretemps cependant, le coût des matières premières a fortement augmenté . Les crédits des deux projets de rénovation annulés, ceux de Melun et de Brest, ne seront donc pas réemployés au bénéfice de la rénovation d'autres cités administratives, mais utilisés pour couvrir la hausse des coûts. Il est certainement dommage que cette contrainte sur les coûts, aggravée par le retard de mise en oeuvre des travaux, empêche la réallocation des crédits vers une autre cité administrative , 52 dossiers avaient été déposés par les préfets lors de l'appel à candidature, pour 39 sélectionnés.

Les délais ont néanmoins eu un effet positif celui de permettre à la DIE et aux acteurs impliqués de tenir compte des évolutions des modes de travail, avec un recours accru au télétravail. Le développement du travail hybride a notamment un impact sur la gestion des surfaces des bâtiments, sur le nombre de postes à prévoir en présentiel ou encore sur l'organisation des locaux.

En revanche, et en dépit de critiques réitérées chaque année par les rapporteurs spéciaux, le dispositif de performance du programme apparaît toujours aussi incomplet. Les indicateurs de performance du programme se contentent de retranscrire le niveau des économies d'énergie et de surface attendues, ainsi que le coût du kilowatt (kWh/EP) économisé . Les trois cibles sont définies à partir des données transmises dans les dossiers présentés par les préfets de département et les résultats ne seront donc constatés qu'une fois les travaux achevés : ils n'engagent que les gestionnaires du programme. Il n'y a donc pas de mesure en cours de projets ou de processus de suivi des travaux, pour une information par conséquent quasi-nulle du Parlement.

Les indicateurs ne répondent donc que très partiellement aux exigences organiques 45 ( * ) , aux termes desquelles les indicateurs de performance doivent permettre, en sus des résultats attendus, de mesurer les coûts associés à chacune des actions ainsi que les résultats obtenus .

Les responsables du programme se défendent en arguant que les indicateurs de performance n'ont pas à rendre compte du pilotage et de l'avancement du programme. Ce raisonnement est non seulement erroné, mais témoigne également de la faible attention portée aux solutions visant à remédier aux difficultés constatées en cours d'exécution et de gestion . Sur un programme pluriannuel doté de plus de 1 milliard d'euros, il semble tout à fait raisonnable de disposer d'informations sur les avancées des projets , en particulier quand la passation des marchés a duré plusieurs années et que les délais de livraison des travaux sont eux aussi d'ores et déjà dépassés de plusieurs années. Les rapporteurs spéciaux reprennent ici la première recommandation de leurs travaux de contrôle sur cette mission 46 ( * ) , et appellent de nouveau à réviser les indicateurs de performance du programme.

Quant à l'appréciation a posteriori, le comité d'évaluation du plan France Relance, dans son rapport intermédiaire sur l'exécution du plan de relance 47 ( * ) et, plus particulièrement, des crédits alloués à la rénovation des bâtiments publics (4,3 milliards d'euros) 48 ( * ) , propose plusieurs pistes pour mieux évaluer les effets de cette action, au-delà de la prévision du montant des économies d'énergie escomptées (235 000 kwH). Les rapporteurs spéciaux considèrent que la direction de l'immobilier de l'État, responsable du programme 348, pourrait s'en inspirer. Il s'agit notamment de :

- comparer la trajectoire de consommation d'énergie après les travaux de rénovation à celle qui aurait été réalisée sans l'intervention des travaux (trajectoire contrefactuelle) ;

- inclure dans les évaluations des travaux de rénovation des cités administratives les conséquences socio-économiques sur le bien-être des agents comme des usagers ;

- mesurer l'empreinte environnementale des projets, en estimant les coûts d'abattement 49 ( * ) pour la rénovation thermique des cités administratives en les comparant d'une part à ceux obtenus sur l'action 01 du programme 302 de la mission « Plan de relance » pour l'ensemble des bâtiments publics, et d'autre part, à ceux observés dans le cadre du soutien à la rénovation des bâtiments privés.

Enfin, il serait opportun d'assortir l'action « Résilience », dotée de 150 millions d'euros, d'indicateurs de performance distincts , permettant de suivre les projets financés. Pourraient par exemple être indiqués l'état d'avancement des projets, le coût moyen et médian des actions à gains rapides financées, le coût moyen du mégawatheure économisé, etc.


* 45 Article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances .

* 46 Rapport n° 743, tome II, annexe 15, volume 1 (2020-2021) de MM. Albéric de MONTGOLFIER et Claude NOUGEIN, déposé le 7 juillet 2021 : Gestion des finances publiques et des ressources humaines - Crédits non répartis - Action et transformation publiques, dans le cadre de l'examen par la commission des finances de la loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2020. Se reporter également à la communication en commission des rapporteurs spéciaux, en date du 7 juillet 2021.

* 47 Comité d'évaluation du plan France Relance, Premier rapport , octobre 2021.

* 48 Action 01 « Rénovation énergétique » du programme 302 « Écologie » de la mission « Plan de relance ».

* 49 Le coût d'abattement désigne, dans pour les différentes solutions de décarbonation, le rapport entre le coût du projet et le volume des émissions évités grâce à ce projet.

Page mise à jour le

Partager cette page