PREMIÈRE PARTIE
LA MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES »

La mission « Gestion des finances publiques » , placée sous l'autorité du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, porte l'essentiel des crédits du pôle économique et financier de l'État.

Dotée de 10,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 10,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) dans le présent projet de loi de finances, elle se compose de trois programmes :

- les programmes 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du service public local » et 302 « Facilitation et sécurisation des échanges » sont les deux programmes opérationnels de la mission. Ils portent les crédits des deux grandes directions de réseau que sont la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Ils représentent près de 91 % des crédits de la mission ;

- le programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » porte les crédits du secrétariat général du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ainsi que d'une pluralité de structures 1 ( * ) . Le secrétariat général n'interfère pas avec ces entités et n'agit pas à leur égard comme un donneur d'ordres. Il joue un rôle de fonction support et budgétaire, son objectif étant de permettre aux administrations du ministère, dans un contexte de ressources contraintes, de disposer des moyens nécessaires à leur fonctionnement.

Répartition des crédits de la mission
« Gestion des finances publiques » en 2023

(en pourcentage et en millions d'euros, en CP)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

À noter, depuis le 1 er janvier 2022, que les crédits et les emplois de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et du centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines (CISIRH) ont été transférés du programme 218 vers les programmes 368 « Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques » (titre 2, dépenses de personnel), 148 « Fonction publique » (crédits hors titre 2 du CISIRH) et 349 « Transformation publique » (crédits hors titre 2 de la DITP) de la mission « Transformation et fonction publiques ». Ce transfert avait été justifié par la volonté de regrouper sous une même mission les moyens d'action et les directions relevant du ministère éponyme .

I. I. UNE HAUSSE INÉDITE DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2023, AVANT UNE PROBABLE STABILISATION

Le premier constat dressé par les rapporteurs spéciaux pour ce projet de loi de finances est celui d'une hausse significative et inédite des crédits de la mission « Gestion des finances publiques » . Contrairement aux années précédentes, où la mission se distinguait dans le budget général de l'État par la stabilisation voire la diminution de ses crédits, l'année 2023 marque une rupture de tendance, avec une hausse des crédits de 9,1 % en autorisations d'engagement (AE) et de 5,4 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 , contre une baisse de respectivement 0,8 % et 0,3 % à périmètre constant entre le projet de loi de finances pour 2022 et la loi de finances initiale pour 2021.

Évolution des crédits de la mission
« Gestion des finances publiques »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Exécution 2021

LFI 2022

PLF 2023

Évolution 2023/2022

[156] Gestion fiscale et financière de l'État et du service public local

AE

7611,9

7 580,12

8 232,42

8,61 %

CP

7552,7

7 545,16

7 968,89

5,62 %

[218] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

AE

903,6

857,89

1085,93

26,58 %

CP

916,3

884,96

965,56

9,11 %

[302] Facilitation et sécurisation des échanges

AE

1631,2

1 578,17

1 610,78

2,07 %

CP

1636,3

1 564,93

1 602,53

2,40 %

Total

AE

10 120,30

10 016,18

10 929,13

9,11 %

CP

10 027,75

9 995,04

10 536,97

5,42 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La hausse plus marquée des AE que des CP tient à l'engagement de plusieurs projets de grande ampleur, qu'ils soient informatiques ou immobiliers . Par exemple, sur le programme 218, la hausse de plus de 26 % des dépenses d'investissement est en grande partie liée au projet immobilier « Vincent Auriol » : 113,8 millions d'euros sont ouverts en AE, mais seulement 13 millions d'euros en CP sur l'année 2023 pour couvrir le lancement des travaux. L'objectif, tout en rénovant le bâtiment, est de doubler la superficie au sol pour pouvoir relocaliser les agents de plusieurs services, dont certains occupent des bâtiments loués par l'État.

A. UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE DES CRÉDITS DE LA MISSION PRINCIPALEMENT LIÉE AUX DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT ET D'INVESTISSEMENT

1. La poursuite de la hausse des dépenses de fonctionnement et d'investissement, quasi-exclusivement pour des projets informatiques et immobiliers

La hausse des crédits de la mission s'explique très largement par la hausse des dépenses d'investissement et de fonctionnement. A contrario, les dépenses de personnel, qui représentent plus de 80 % des crédits, augmentent moins fortement que les dépenses totales de la mission (+ 2,6 %). C'est pour partie dû au fait que, à l'instar de ce qui est constaté chaque année, la mission « Gestion des finances publiques » est l'une des seules à prévoir un schéma d'emplois négatif pour son périmètre, - 680 équivalents temps plein [ETP] en 2023.

Évolution des crédits de la mission « Gestion
des finances publiques » par titre de dépenses

(CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'importance des crédits alloués aux projets informatiques de la mission, et en particulier pour la DGFiP et la Douane, s'explique aussi par un effet de rattrapage. Les sous-consommations observées sur les dépenses d'investissement ces dernières années ont en effet posé un problème de pilotage et de visibilité, en obligeant à des reports, et ce alors même que les dépenses d'informatique doivent parvenir à trouver un équilibre entre fonctionnement et investissement. Certes, la création de nouvelles applications permet d'améliorer les services proposés et l'efficacité de l'action publique, en dégageant des gains de productivité. Cependant, trop investir, c'est aussi prendre le risque de ne plus disposer de marges de manoeuvre pour entretenir l'existant et pour résorber la « dette technique » .

Les dépenses informatiques expliquent d'ailleurs la hausse significative des dépenses de fonctionnement de la DGFiP en 2023, de près de 22 %. Le budget informatique total de la DGFiP approcherait les 400 à 450 millions d'euros , alors qu'il était plus proche ces dernières années de 200 à 250 millions d'euros en moyenne. C'est donc un effort considérable qui est consenti sur le programme 156.

En réalité, comme l'a indiqué le directeur général des finances publiques lors de son audition, la DGFiP avait eu abondamment recours à la fongibilité asymétrique ces dernières années pour couvrir ses dépenses informatiques , en s'appuyant notamment sur la sous-exécution de ses dépenses de personnel. La direction pouvait également recourir à des financements externes, tels que ceux en provenance du Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP, cf. infra ). Le budget informatique pour 2023 témoigne donc non seulement d'une hausse nette des crédits , mais aussi d'une volonté de sincérisation de la programmation .

La DGFiP et le Fonds pour
la transformation de l'action publique (FTAP)

La DGFiP, comme la Douane, a remporté plusieurs appels à projets sur le FTAP, porté par le programme 349 « Transformation publique » de la mission « Transformation et fonction publiques », et doté de 700 millions d'euros sur cinq ans, ainsi que d'une enveloppe complémentaire de 80 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2022.

Au total, la DGFiP a été lauréate à quatorze reprises du Fonds pour la transformation de l'action publique, pour un total de financement de 111,3 millions d'euros . Parmi les plus emblématiques figurent le projet de dématérialisation des déclarations foncières des propriétés bâties, le projet Ciblage de la fraude et valorisation des requêtes pour accroître le rôle du datamining dans la programmation des contrôles fiscaux ou encore le projet de modernisation de l'outil de gestion des implantations de la DGFiP sur le territoire, dans le cadre de la mise en place de son nouveau réseau de proximité.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Ainsi, comme l'a souligné la direction du budget en audition, la hausse des crédits d'investissement cette année, avant une forte diminution en 2024 et en 2025 en prévisionnel - à l'exception du programme 218 du fait du projet « Vincent Auriol » - s'explique par une « remise à niveau à l'échelle de la mission ». Les dépenses d'investissement ont en effet été les premières affectées par la stabilisation des crédits alloués aux administrations de la mission ces dernières années, puisqu'elles constituaient l'enveloppe la plus modulable à la main des administrations.

Il y a donc eu un vrai effort mené avec les administrations pour qu'elles consomment mieux leurs crédits informatiques. Dans le cadre de la négociation du contrat d'objectifs et de moyens de la Douane pour la période 2022-2025 par exemple, la direction du budget a insisté sur le renforcement du contrôle interne et du suivi de la consommation des crédits, pour répondre aux sous-exécutions récurrentes. La Douane disposerait en effet, pour la période, d'un budget informatique d'environ 65 millions d'euros par an, un montant inédit.

2. Les dépenses de personnel augmentent en 2023 alors que le rythme de réduction des effectifs ralentit

Alors qu'une baisse des dépenses de personnel de plus de 1,6 % était envisagée entre 2021 et 2022, du fait de la suppression de 1 392 équivalents temps plein (ETP), les dépenses de titre 2 progresseraient assez nettement en 2023, de l'ordre de + 2,6 % .

Cette hausse s'explique par des mesures catégorielles et générales, qui conduisent à une augmentation de la masse salariale , en dépit d'une diminution des emplois. La principale mesure est le déploiement en année pleine de la revalorisation de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique 2 ( * ) . Sur le périmètre de la mission, cette mesure a un impact budgétaire de 161,2 millions d'euros, hors contributions au CAS « Pensions », et de 245,6 millions d'euros au total , dont 197,6 millions d'euros pour la DGFiP, 36,2 millions d'euros pour la Douane, 11,8 millions d'euros pour le programme 218 (secrétariat général et autres structures).

La DGFiP contribue également à la hausse des dépenses publiques au titre des mesures d'accompagnement des agents affectés par les transformations du réseau et des processus de l'administration fiscale . Ces primes, qui représenteraient 43,7 millions d'euros en 2023, étaient prévues dans le contrat d'objectifs et de moyens conclu entre la DGFiP et la direction du budget pour la période 2020-2022.

Le schéma d'emplois de la mission demeure négatif, même si le rythme de réduction des emplois ralentit nettement en 2023 , avec la suppression de 680 ETP au total, contre 1 392 prévus en 2022 et autour de 2 000 entre 2018 et 2020.

Évolution du schéma d'emplois de la mission
« Gestion des finances publiques »

(en équivalents temps plein)

Exécution 2018

Exécution 2019

Exécution 2020

Exécution 2021

LFI 2022

PLF 2023

Écart 2023/2022

Total 2018-2023

[156] Gestion fiscale et financière de l'État et du service public local

- 2 038

- 2 203

- 1 860

- 1 778

- 1 506

- 850

656

- 10 235

[218] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

- 65

- 99

- 22

902

81

181

100

978

[302] Facilitation et sécurisation des échanges

201

220

- 168

595

33

- 11

- 44

870

Total

- 1 902

- 2 082

- 2 050

- 281

- 1 392

- 680

712

- 8 387

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le principal effort sur les emplois demeure porté par la direction générale des finances publiques , sur un volume toutefois deux fois moins important que celui constaté ces trois dernières années en moyenne. Il ressort des auditions qu'il y a vraisemblablement eu un problème de « lissage » au cours du temps : le ralentissement de la diminution des effectifs s'explique par le fait que la direction s'est rendue compte avoir besoin de redéployer certains emplois sur des métiers en déficit de personnel (lutte contre la fraude, recouvrement des amendes, contrôle interne).

Cet effet « volume » , de baisse des effectifs, est par ailleurs plus que compensé par un effet « valeur » , lié aux mesures salariales : les effectifs de la DGFiP baisseraient de 850 ETP mais sa masse salariale augmenterait de 170 millions d'euros, hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

Le même principe de redéploiement et de lissage justifie par ailleurs la quasi-stabilisation des effectifs de la Douane , avec une prévision conforme à celle inscrite dans le contrat d'objectifs et de moyens de la Douane pour la période 2022-2025. Toutes les suppressions de postes liées au transfert des missions fiscales de la Douane vers la DGFiP ne se traduiront pas par une suppression des effectifs , certains de ces postes seront redéployés sur les métiers en tension.

En revanche, le programme 218 , placé sous la responsabilité du secrétariat général du ministère de l'économie et des finances, connaitrait un important renfort de moyens en 2023 . Selon les informations transmises en audition, cette hausse est liée à la r éforme de l'encadrement supérieur de l'État , avec le recrutement de personnels notamment chargés de l'évaluation des cadres de la fonction publique 3 ( * ) et au pilotage des projets informatiques, avec un accent sur la cybersécurité . Sur ce dernier point, ce serait en tout 60 postes qui seraient créés pour renforcer Tracfin, la direction des achats de l'État ou encore l'Agence pour l'informatique financière de l'État, et ce afin de ré-internaliser certains emplois, notamment pour l'assistance à maitrise d'ouvrage.

Au total, la mission « Gestion des finances publiques » continue de participer à la rationalisation des emplois publics. Elle présente le taux d'effort le plus élevé , calculé en ramenant le schéma d'emplois au plafond d'emplois. Il est de - 0,6 %, un taux négatif impliquant une réduction des effectifs . A contrario, le taux d'effort de la justice s'établit à 2,5 %, celui du ministère du travail à 0,8 % et celui de la santé à 1,1 %.


* 1 Il s'agit notamment des crédits de la direction du budget (DB), de la direction des achats de l'État (DAE), de la direction des affaires juridiques (DAJ), des cabinets des ministres et secrétaires d'État, de l'inspection générale des finances (IGF), du contrôle général économique et financier (CGEFI), de l'autorité nationale des jeux (ANJ), de l'agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE), de l'agence française anti-corruption (AFA), de la cellule française de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (TRACFIN), de la mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf), du service commun des laboratoires (SCL), des structures de médiation, de la commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC), de la commission de certification des comptes des organismes payeurs des dépenses financées par les fonds européens agricoles (CCOP), de la mission France Recouvrement ainsi que du secrétariat général au Plan de relance (SGPR).

* 2 Revalorisation actée dans le cadre de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 3 Aux termes de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, une évaluation des cadres supérieurs est obligatoirement prévue tous les six ans.

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