B. UN SOUTIEN HORS BUDGET : LES TRAVAUX DE RESTAURATION DE LA CATHÉDRALE NOTRE-DAME DE PARIS ET LE LOTO DU PATRIMOINE

1. L'absence de crédits budgétaires dédiés à la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris

151 millions d'euros ont d'ores et déjà été engagés pour les travaux de sécurisation et de consolidation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et 9 millions d'euros ont déjà été fléchés vers la réalisation d'études préalables en vue de la phase de restauration. Aucun crédit budgétaire n'est venu abonder ce financement . La dépense fiscale afférente aux dons constitue de son côté un financement indirect. Le montant des dons et versements ayant bénéficié du taux de réduction d'impôt de 75 % prévu à l'article 5 de la loi du 29 juillet 2019 s'élève ainsi à 22,2 millions d'euros.

Le coût de la maîtrise d'ouvrage est, depuis le début des travaux, estimé à 6 millions d'euros. Celle-ci est assumée par l'établissement public administratif chargé de la restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris (EP RNDP), institué par la loi du 29 juillet 2019 16 ( * ) et entré en fonction le 2 décembre 2020. Cette structure fait partie de la liste des opérateurs de l'État du programme 175.

La commission des finances avait, à l'occasion des débats sur le projet de loi, exprimé ses réserves quant au coût de l'établissement public 17 ( * ) . Cette préoccupation a été rejointe par la Cour des comptes qui soulignait, dans un rapport public thématique publié en septembre 2020 18 ( * ) . Le nombre d'ETPT, établi 32 en mai 2021 devrait passer à 39 en 2022, soit le plafond retenu au sein du présent projet de loi de finances. Le montant total des rémunérations est estimé à 4 millions d'euros.

Reste que ce coût apparaît indolore pour l'État, car l'établissement ne bénéficie pas pour son financement de fonds publics et voit son financement presque intégralement assumé par les dons perçus. 271,3 millions d'euros de dons ont été collectés au 30 juin 2021, les promesses de dons atteignant au total 841,3 millions d'euros. Seul le loyer de l'établissement, évalué à 195 250 euros annuels, est pris en charge par le ministère de la Culture depuis le mois d'octobre 2020. Les locaux utilisés appartiennent aux services du Premier ministre et donnent lieu au versement d'un loyer à France Domaine.

Le ministre de la culture s'était pourtant engagé au Sénat sur une participation de l'État, lors des travaux préparatoires sur le projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale. La loi elle-même prévoit, à l'article 2, que « les fonds recueillis au titre de la souscription nationale sont exclusivement destinés au financement des travaux de restauration et de conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et de son mobilier dont l'État est propriétaire ». La maîtrise d'ouvrage devrait en conséquence, être exclue du financement par les dons. La Cour des comptes a par ailleurs noté que plus du quart des effectifs (11 employés, 7 étant affectés au pôle communication et 4 au pôle opération, en charge de la valorisation du parvis) n'ont qu'un lien ténu avec la conservation et la restauration de la cathédrale.

Cet absence de financement public n'est pas sans susciter d'interrogation au regard de l'aspect symbolique de ce chantier. Elle semble par ailleurs trahir l'intention du donateur. Il convient de rappeler à ce stade que le coût du chantier de restauration générera des recettes de TVA qui auraient pu largement financer la charge administrative.

2. L'utilisation de la réserve de précaution en faveur du Loto du Patrimoine

Le président de la République a confié à M. Stéphane Bern une mission de recensement du patrimoine local en péril et de réflexion sur des financements innovants pour le restaurer en septembre 2017. L'article 90 de la loi n°2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 est venu compléter cette annonce en prévoyant qu'un prélèvement soit affecté à la Fondation du patrimoine sur le produit du « loto du patrimoine » ainsi que sur des jeux de grattage afin de financer cette mission. La Fondation du patrimoine a ainsi perçu, aux termes des trois premières éditions, 71,8 millions d'euros.

453 sites dits de maillage (au moins 1 par département) et 56 sites emblématiques (au moins 1 par région) ont dans le même temps été sélectionnés, soit au total 509 sites. 26 millions d'euros avaient été engagés au 31 décembre 2020 par la Fondation du patrimoine en faveur de ces projets. 111 édifices ont d'ores et déjà été restaurés et 184 sont en cours de restauration. La quatrième édition (2021) a permis de sélectionner 100 sites de maillage et 18 édifices emblématiques.

Le Sénat avait souhaité, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, exonérer le produit du Loto du patrimoine d'une partie des prélèvements opérés par l'État (CSG et CRDS). Cette demande avait été réitérée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020. Le Gouvernement avait émis un avis défavorable à ce projet mais s'engage désormais à reverser la réserve de précaution au profit de la mission « Patrimoine en péril » afin de compenser ces prélèvements. Le collectif budgétaire de fin de gestion 2021 prévoit ainsi un dégel de 25 millions d'euros. 21 millions d'euros avaient été obtenus en 2018 puis 14 millions en 2019 et 2020.

Financements permis par le Loto du Patrimoine

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les rapporteurs spéciaux appuient ce financement complémentaire qui permet aux DRAC de majorer les taux des subventions versées aux propriétaires publics et privés de monuments historiques retenus dans le cadre du Loto du patrimoine et financer ainsi leurs travaux de restauration. Il n'en demeure pas moins, qu'au regard de l'ampleur du défi que représente la restauration du petit patrimoine, notamment rural, une exonération complète du produit du jeu aurait pu être décidée en amont, le dégel venant ensuite éventuellement en complément. Une telle solution est déjà retenue au Pays-Bas ou au Royaume-Uni.


* 16 Loi n° 2019-803 du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale et décret n° 2019-1250 du 28 novembre 2019 relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

* 17 Projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet, Avis n° 519 (2018-2019) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 mai 2019.

* 18 La conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris - Premier bilan, rapport public thématique de la Cour des comptes, septembre 2020.

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