B. DES CRÉDITS DE NOUVEAU MAJORÉS EN 2022 POUR ACCOMPAGNER LA SORTIE DE CRISE ET L'INVESTISSEMENT

Le présent projet de loi de finances prévoit 48 millions d'euros de mesures nouvelles à périmètre constant. Ces crédits sont orientés dans trois directions : le soutien à la création, l'appui aux investissements des opérateurs et le renforcement des mesures de soutien à l'emploi (cf infra ).

1. Le soutien à la création

20 millions d'euros (AE = CP) devraient être dédiés au renforcement des politiques en faveur de la création dans les territoires.

Dans le prolongement de la loi de finances pour 2021 qui prévoyait 12 millions d'euros de mesures nouvelles (AE = CP) vers ces structures, 10 millions d'euros (8 millions d'euros en faveur du spectacle vivant et 2 millions d'euros en faveur des arts visuels) devraient être orientés vers :

- les équipes artistiques indépendantes ;

- le développement des résidences d'artistes ;

- les labels et réseaux pour les arts vivants et visuels ;

- les artistes plasticiens via des aides individuelles à la création ou une allocation d'installation en atelier.

10 millions d'euros complètent cette aide en visant spécifiquement les festivals.

L'appui au spectacle vivant apparaît indispensable dans un contexte de reprise décalée de l'activité. L'étude commandée par le ministère de la culture en septembre 2021 sur les pratiques culturelles post-crise laisse en effet entendre un changement de celles-ci, qui, même s'il n'apparaît pas massif, pourrait cependant fragiliser une partie de la filière et particulièrement les structures les plus petites.

Pour mémoire, 33 % seulement des Français qui déclaraient assister à des spectacles vivants y sont retournés au cours de l'été 2021. Dans le détail seul 25 % des habitués du théâtre y sont retournés, ce ratio atteignant 27 % pour les concerts et 31 % s'agissant des spectacles de danse. Plus largement 44 % des Français amateurs de spectacle vivant déclarent avoir repris leurs habitudes à la réouverture des salles.

Un tiers des personnes (42 % pour les festivals) déclarant se rendre dans les différents lieux culturels avant la crise estiment aujourd'hui que leurs sorties vont diminuer d'ici à décembre 2021 :

- 36 % de ce panel iront moins souvent à un concert ;

- 35 % fréquenteront moins les théâtres ;

- 38 % iront moins souvent assister à un ballet ;

- 42 % limiteront leur présence dans les cirques.

La contrainte sanitaire (72 % des personnes interrogées), le recours à des biais numériques (24 %) et la perte de revenus (22 %) justifieraient ce changement de comportement. Une fois la pandémie terminée, 12 % des habitués de salle de spectacle vivant pensent toujours limiter leurs sorties. L'inquiétude sanitaire (30 %), la perte de revenus (25 %) et l'accès aux contenus numériques conditionnent cette perspective.

2. L'appui aux investissements des opérateurs et des établissements

Le projet de loi de finances prévoit de dégager 16,65 millions d'euros supplémentaires (AE = CP) aux fins d'accélération de divers chantiers.

3 millions d'euros supplémentaires devraient être dédiés au chantier de la Cité du théâtre. L'État et les établissements publics de la Comédie-Française, du Théâtre national de l'Odéon et du Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris sont désormais réunis dans un groupement d'intérêt public (GIP) mis en place fin 2019 pour assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux de construction et d'aménagement.

7 millions d'euros seraient orientés vers le projet de rénovation complète de la salle Jean Vilar du théâtre national de la danse de Chaillot qui, lancé en 2021, est censé se poursuivre jusqu'en 2025. Il vise à remettre en conformité réglementaire l'ensemble des équipements de la salle principale du théâtre de Chaillot tout en améliorant le confort des spectateurs et la performance énergétique du bâtiment.

4,65 millions d'euros sont dédiés à la poursuite du chantier de relocalisation du CNAP à Pantin.

Le chantier a débuté en 2019 avec des études de maîtrise d'oeuvre. Le site de Pantin doit regrouper à terme, en un lieu unique, le siège de l'établissement ainsi que les réserves abritant les 100 000 oeuvres de la collection, tout en offrant des possibilités de mutualisation plus large des réserves du ministère, notamment pour celles du Mobilier national.

2 millions d'euros sont enfin dédiés au financement des travaux inscrits dans le schéma directeur immobilier du Mobilier national : réfection du système de chauffage, des couvertures et des menuiseries sur le site de Beauvais et rénovation des bâtiments (façades) de Lodève.

Cette majoration s'inscrit dans la continuité de la loi de finances qui prévoit une majoration des crédits dédiés aux travaux de 14,6 millions d'euros (AE=CP). Deux priorités avaient alors été retenues :

- la relocalisation du Centre national des arts plastiques à Pantin. (10,6 millions d'euros) ;

- l'accélération des travaux concernant les équipements des deux cages de scènes de l'Opéra national de Paris. 4 millions d'euros supplémentaires sont dégagés pour faire face à ces travaux .

La préservation des outils des opérateurs fait figure de priorité aux yeux des rapporteurs spéciaux. Les dépenses d'investissement en ce sens doivent donc être appuyées. Reste cependant plusieurs écueils :

- un contexte propice à une montée des prix comme en témoigne la progression du taux d'infructuosité des appels d'offre (cf infra ) ;

- un risque de sous-consommation des crédits au regard des retards constatés sur un certain nombre de chantiers, comme ceux enregistrés sur le projet de Cité du théâtre ou celui de la relocalisation du Centre national des arts plastiques.

Ils notent par ailleurs que la crise semble avoir eu raison de projets plus ambitieux à l'image de la création d'une salle modulable au sein de l'Opéra Bastille, abandonnée en septembre dernier. Le coût du dispositif était estimé à 59 millions d'euros, dont 10 millions d'euros financés par le mécénat. La loi de finances pour 2020 prévoyait 16 millions d'euros en AE pour le lancement de ce projet.

Ils rappellent enfin le contre-exemple absolu qu'a pu représenter le chantier de la Philharmonie de Paris . La sous-évaluation initiale des coûts et les retards de chantier concomitants ont généré d'importants dépassements d'honoraires, sans que les responsabilités ne soient aujourd'hui clairement établies. Le coût a en effet été établi à 534,7 millions d'euros HT en mai 2016 (dont 210,98 millions d'euros pour l'État) par la chambre régionale des comptes d'Île-de-France 8 ( * ) , le devis initial tablant sur une dépense de 173,1 millions d'euros HT, supportée à 45 % par l'État. Une bataille juridique s'est engagée - la Philharmonie de Paris demandant 170,6 millions d'euros aux ateliers Jean Nouvel, maîtres d'oeuvre du projet, en raison des retards constatés, la société ayant, en retour porté plainte auprès du Parquet national financier contre l'établissement public pour favoritisme et concussion. Le collectif budgétaire de fin de gestion 2021 prévoit d'ailleurs 15 millions d'euros en AE et 10 millions d'euros en CP aux fins de financement des travaux complémentaires prévus dans le cadre de la transaction effectuée entre la Philharmonie de Paris et la société Ateliers Jean Nouvel (AJN). Cette expérience doit inspirer, en tout état de cause, la plus grande transparence en matière de choix de la maitrise d'oeuvre, de la maîtrise d'ouvrage et de la répartition des coûts entre acteurs publics. Les rapporteurs spéciaux seront, à ce titre, vigilants sur le projet de Cité du théâtre qui tend à opposer le ministère à la ville de Paris.


* 8 Construction de la « Philharmonie de Paris », exercices 2006 et suivants. Rapport d'observation définitive et ses réponses, chambre régionale des comptes d'Île-de-France, mai 2016 et La Philharmonie de Paris : une dérive préoccupante, Rapport d'information de M. Yann GAILLARD, fait au nom de la commission des finances du Sénat, n° 55 (2012-2013) - 17 octobre 2012.

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