B. L'ADEME FAIT FACE À UNE DIMINUTION DE SES EFFECTIFS CONTRADICTOIRE AVEC L'EXTENSION DE SES MISSIONS

1. Une dotation budgétaire stable, mais une réduction des effectifs qui devient problématique

La loi de finances initiale pour 2018 a opéré une rebudgétisation totale du financement de l'ADEME, auparavant financée par l'attribution du produit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), emportant la création d'une nouvelle action (action 12 « ADEME ») sur le programme 181.

Une subvention de 594,8 millions d'euros en AE et en CP est inscrite sur l'action 12 pour l'année 2020 , soit un montant légèrement inférieur à la dotation proposée en 2019 (-9 millions d'euros), conformément aux orientations prévues en loi de programmation des finances publiques .

Pour mémoire, la trajectoire de la loi de programmation prévoyait :

- une dotation supplémentaire de 150 millions d'euros au titre du grand plan d'investissement, pour le financement d'opérations engagées dans le cadre du fonds chaleur « renforcé » ;

- une augmentation de 14 millions d'euros du budget chaque année notamment au titre d'actions nouvelles dans le cadre du fonds « Air mobilité » (soutien à l'hydrogène décarboné, plan vélo).

Toutefois, comme l'a rappelé le directeur général de l'ADEME, auditionné par le rapporteur spécial, « l'enjeu budgétaire principal réside dans le niveau d'AE autorisé à l'Agence, qui ne sont pas inscrits en loi de finances mais négociées avec l'État dans le cadre du budget de l'Agence ». Ce sujet revêt une importance particulière compte tenu du nombre plus élevé que prévu de projets abandonnés (cf. infra ).

Le principal enjeu pour l'ADEME réside dans la baisse d'effectifs , en dépit des efforts d'optimisation des processus déjà engagés, et alors même que les missions confiées à l'Agence sont de plus en plus nombreuses . 11 % des effectifs seraient ainsi supprimés sur 5 ans .

Il est ainsi prévu un schéma d'emplois de - 20 ETPT par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, pour un plafond d'emplois de 858 ETPT, contre 878 en 2019. Selon la trajectoire fixée, 21 emplois seraient rendus en 2021. Celle-ci tend à devenir problématique, dès lors que l'ADEME s'est vue confier la gestion du « plan hydrogène », qui nécessite des compétences particulières pour son pilotage, d'autant plus dans un contexte où la baisse des effectifs au niveau ministériel entraîne de nombreuses délégations à l'opérateur qu'est l'ADEME (feuille de route pour les déchets plastiques en mer, préfiguration des nouvelles filières de responsabilités élargies du producteur, etc.).

Votre rapporteur estime que l'État doit se donner les moyens de mettre en oeuvre les plans qu'il propose , et qu'une révision de la trajectoire des emplois de l'ADEME devrait être envisagée dans le cadre de l'élaboration du nouveau contrat d'objectif et de performances fixant les orientations de l'agence pour les années 2020-2023.

Évolution des effectifs sous plafond de l'ADEME entre 2010 et 2020

(en ETPT)

Source : réponse de l'ADEME au questionnaire du rapporteur spécial

2. La capacité de l'agence à adopter une gestion fongible de ses fonds est limitée

D'après les informations transmises au rapporteur spécial, le nombre de projets engagés mais abandonnés par les porteurs de projets reste plus élevé que planifié, avec « de l'ordre de 150 millions d'euros de contrats dégagés par an en 2018 et 2019 contre 60 à 70 millions prévus » .

Ces retards ont pour effet de réduire la probabilité d'atteindre les objectifs fixés en matière de transition énergétique (en matière de déploiement de la chaleur renouvelable notamment). L'atteinte des objectifs de la transition écologique nécessite donc de remplacer ces projets par des engagements nouveaux.

C'est ce que confirme le ministère lorsqu'il estime que « pour répondre aux objectifs de la PPE et dans un contexte de moratoire sur la trajectoire de taxe carbone, il faudrait une forte augmentation du niveau des engagements du fonds chaleur entre 2020 et 2023 afin d'augmenter les flux de projets (grâce à des ratios d'aide plus attractifs dans les plafonds d'aides d'État) et de soutenir plus de projets (donc de produire plus d'énergie renouvelable) » .

De même, « il est prévu d'augmenter les engagements au titre du fonds déchets dans la perspective de mise en oeuvre de la feuille de de route économie circulaire (FREC) et de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ».

Un relèvement des niveaux d'autorisations d'engagement pourrait ainsi être demandé par l'ADEME sur le fonds chaleur, l'économie circulaire ou les mobilités pour inciter à une programmation plus élevée.

Il importe de rappeler que l'ADEME dispose de peu de marge de manoeuvre quant à la fongibilité des engagements alloués (peu de possibilité de transférer des engagements sous-utilisés, par exemple du fonds déchets, vers le plan hydrogène, qui suscite pourtant beaucoup d'intérêt).

3. Une augmentation des crédits du fonds « chaleur »

Grâce au fonds « chaleur », l'ADEME soutient le développement des investissements de production et des réseaux de distribution de chaleur renouvelable, pour les besoins de l'habitat collectif, du tertiaire, de l'industrie et de l'agriculture.

Ce fonds finance deux types de projets : les installations de petite et moyenne taille, en complément d'autres aides (contrat de projets État-région par exemple, CITE) ; les installations biomasses de grande taille dans le secteur agricole et tertiaire, dans le cadre d'appels à projets nationaux annuels « Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire » (BIACT).

Entre 2009 et 2018, 2,16 milliards d'euros ont été engagés pour soutenir près de 4 800 opérations d'investissements.

Évolution des montants engagés par le fonds « chaleur » de l'ADEME

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019 (p)

Fonds « chaleur »

168

263

249

231

206

165

216

213

197

259

307

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Les aides apportées par le fonds s'inscrivent dans l'objectif fixé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de porter la part des énergies renouvelables à 38 % consommation finale de chaleur d'ici 2030 et de multiplier par cinq la quantité de chaleur renouvelable et de récupération livrée par les réseaux de chaleur. La part de chaleur renouvelable dans la consommation finale de chaleur était de 21 % en 2018, et progresse en moyenne de 0,8 % par an depuis 2010.

Le soutien à la chaleur renouvelable constitue le premier poste de dépense de l'ADEME. Le budget initial en AE pour 2020 s'établit à 350 millions d'euros , mais il n'est que prévisionnel dans un contexte de refonte du contrat d'objectif et de performances de l'opérateur en 2020.

Le rythme des projets n'est toutefois pas suffisant pour attendre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, notamment dans un contexte de concurrence du gaz dont le prix baisse depuis 2013. Pour répondre aux objectifs de la PPE, le niveau des engagements du fonds chaleur sera relevé en 2020 afin d'améliorer l'attractivité de la chaleur renouvelable (grâce à des niveaux d'aides renforcés) et de soutenir davantage de projets.

Il est à noter qu'un fonds « économie circulaire » succèderait au « fonds déchets » en 2020 , comme prévu par la loi relative à la lutte contre les gaspillages et à l'économie circulaire.

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