B. UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LA POLLUTION DE L'AIR DONT LA VISION STRATÉGIQUE PEINE À SE DESSINER

Les crédits dédiés à la politique de lutte contre la pollution de l'air et contre le changement climatique , retracés par l'action 05 du programme 174, s'élèvent à 30,9 millions d'euros en 2018 , en hausse de 13 % par rapport à 2017 . Cette hausse résulte principalement d'une nouvelle ligne budgétaire temporaire de 5 millions d'euros, consacrée aux actions de contrôle des véhicules, dans le cadre de l'application du projet de règlement européen relatif à l'homologation des véhicules et de leurs remorques 23 ( * ) .

Ces crédits permettent notamment de financer la participation de l'État au budget des associations agrées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), pour un montant de 17 millions d'euros en 2018, du Laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air (LCSQA) - 4,6 millions d'euros - et du Centre interprofessionnel technique d'étude de la pollution atmosphérique (CITEPA) - 1,35 million d'euros.

1. L'absence de vision stratégique se conjugue à des financements globaux qui ne sont pas à la hauteur des enjeux

S'agissant des AASQA , associations pluripartites 24 ( * ) chargées de la surveillance réglementaire de la qualité de l'air, les subventions de l'État ont représenté 27 % de leur budget total en 2016 et en 2017 . Elles sont par ailleurs financées par des dons des entreprises émettant des substances polluantes dans l'atmosphère, qui bénéficient en compensation d'une déduction fiscale de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et, parfois, par une participation financière des collectivités territoriales.

Or les AASQA font face à un désengagement financier de certaines collectivités : d'après le réseau Atmo France, une vingtaine de départements aurait cessé de subventionner des AASQA ces dernières années compte tenu des difficultés financières auxquelles ils font face.

Alors même que la fragilité de la situation financière des AASQA appellerait une consolidation de la participation financière de l'État, le montant de la subvention de l'État prévue pour 2018 apparaît en baisse par rapport au montant fixé en loi de finances initiale pour 2017 (17 millions d'euros, contre 18,7 millions d'euros). D'après les informations transmises, le financement de l'État serait toutefois identique compte tenu de la diminution du taux de réserve de précaution prévu en 2018 par rapport à celui retenu les années précédentes (3 % au lieu de 8 %).

Au total, le financement alloué aux AASQA par l'État a diminué de 5 % entre 2012 et 2017 . Dans ce contexte, il convient que ces dernières poursuivent leurs démarches auprès des industriels afin de les sensibiliser à la possibilité de faire des dons déductibles de la TGAP.

Montant des subventions allouées aux AASQA entre 2010 et 2017 hors contribution des collectivités territoriales

(en millions d'euros)

NB : pour 2016 et 2017, les montants relatifs aux dons de TGAP sont prévisionnels.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les informations transmises par la Direction générale de l'Énergie et du climat (DGEC)

La politique de lutte contre pollution passe aussi par un ensemble de mesures de règlementation et des mesures fiscales non retracées par la mission « Écologie ». Votre rapporteur spécial a rappelé dans un récent rapport d'information l'absence de vision stratégique et de cohérence dans la politique de lutte contre la pollution de l'air menée par le précédent Gouvernement 25 ( * ) .

Ainsi, s'agissant des mesures de planification, il faut regretter le retard d'un an pour l'adoption du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) 26 ( * ) .

Ce plan est mis en oeuvre par un décret 27 ( * ) fixant des objectifs chiffrés de réduction des émissions des principaux polluants 28 ( * ) à horizon 2020, 2025 et 2030, et d'un arrêté 29 ( * ) établissant le PREPA et, pour la période de 2017 à 2021, les actions de réduction des émissions dans les quatre secteurs d'activité principalement émetteurs de polluants.

Votre rapporteur a rappelé dans le rapport précité le manque d'ambition particulièrement regrettable des mesures sectorielles proposées dans le PREPA, renvoyant à des dispositifs existants , voire à des mesures des plans de protection de l'atmosphère (PPA), eux-mêmes sous-dotés.

À ce titre, alors même qu'au niveau local, seul le plan de protection de l'atmosphère (PPA) est spécifiquement dédié à l'amélioration de la qualité de l'air, la ligne budgétaire consacrée à leur mise en oeuvre n'est dotée que de 900 000 euros pour 2018, alors même que des feuilles de route ambitieuses et opérationnelles sont attendues des préfectures d'ici le 31 mars 2018, à la suite de la décision du Conseil d'État du 12 juillet 2017 .

Conseil d'État, 12 juillet 2017, Association Les Amis de la Terre France, n° 394254 : le 12 juillet, le Conseil d'État a enjoint au Premier ministre et au ministre chargé de l'environnement de « prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en oeuvre (...) un plan relatif à la qualité de l'air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d'azote et en particules fines PM 10 sous les valeurs limites (...) dans le délai le plus court possible et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018 ».

En outre, plusieurs personnes privées ont engagé des actions indemnitaires contre l'État pour carence fautive. Le MTES a réuni les préfets des zones concernées le 9 octobre dernier pour leur demander d'élaborer dans les délais requis des feuilles de route ambitieuses et opérationnelles, en associant toutes les parties prenantes du territoire.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur

En ce qui concerne les transports, nulle mesure innovante ne saurait être relevée dans le PREPA, dès lors que les mesures retenues reposent sur celles engagées récemment (notamment la mise en place de zones à circulation restreinte, l'encouragement à la conversion des véhicules les plus polluants et à l'achat de véhicules plus propres, l'incitation à l'utilisation du vélo, le renouvellement des flottes de véhicules publiques, ou encore en matière fiscale, l'alignement du régime de déductibilité de la TVA entre les véhicules essence et gazole) 30 ( * ) .

Il y a lieu de mentionner la création en 2018 d'un nouveau « fonds air et transport mobilité », porté par l'ADEME et doté de 20 millions d'euros, afin d'accompagner les territoires dans la mise en oeuvre de leur plan de protection de l'atmosphère. Les actions susceptibles d'être accompagnées, notamment en matière de mobilité, demeurent à ce stade encore floues, en attente des conclusions des Assises de la mobilité.

Si la prime à la conversion automobile nouvelle formule proposée par le Gouvernement constitue une avancée positive (cf. infra ), il est à regretter que les mesures en matière de lutte contre la pollution relèvent principalement du « coup de massue fiscal » pour les ménages résultant de l'accélération de la convergence de la fiscalité sur le diesel et sur l'essence .

2. Un accompagnement financier des collectivités locales en matière de transition énergétique à la fois instable et insuffisant

Afin de soutenir financièrement des mesures relatives à la mobilité durable, aux démarches engagées dans le cadre des territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) ou des territoires « zéro gaspillage, zéro déchet », une « enveloppe spéciale transition énergétique » (ESTE) , dont les ressources sont définies en loi de finances, a été créée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte 31 ( * ) .

L'enveloppe, qui constitue un volet du fonds de transition énergétique lui-même doté de 1,5 milliard d'euros sur trois ans, géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), devait être dotée de 750 millions d'euros sur trois ans (en 2015, 2016 et 2017) par tranches annuelles de 250 millions d'euros.

Dans un premier temps, la loi de finances rectificative pour 2015 a ouvert 250 millions d'euros de CP et d'AE sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ». Dans un second temps, 500 millions d'euros d'AE et 150 millions d'euros de CP ont été ouverts par la loi de finances rectificative pour 2016 sur ce même programme 174, portant les capacités d'engagement à 750 millions d'euros et les capacités de paiement à 400 millions d'euros.

Autorisations d'engagement et crédits de paiement ouverts sur l'ESTE
entre 2015 et 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Comme le craignait votre rapporteur spécial au moment de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, cette enveloppe s'apparente in fine à une « coquille vide » 32 ( * ) , au regard de l'écart entre les engagements conclus et les crédits de paiement effectivement versés .

Aussi le ministre d'État de la transition écologique et solidaire a-t-il sans surprise annoncé, par une instruction adressée aux préfets de région le 26 septembre 2017, « une impasse de financement de 350 millions d'euros ».

Votre rapporteur spécial citait, dans son récent rapport précité, l'exemple du financement alloué à la Métropole et à la Ville de Lille au titre de l'appel à projet TEPCV 33 ( * ) : une première enveloppe de 500 000 euros devait être complétée d'un second volet d'un million d'euros. Seuls 150 000 euros ont été reçus au titre de cette seconde enveloppe - à raison de 100 000 euros pour la MEL et de 50 000 euros pour la Ville de Lille.

Le projet de loi de finances pour 2018 ne prévoit aucun crédit supplémentaire. D'ailleurs, le document budgétaire « Rapport sur le financement de la transition énergétique », annexé au projet de loi de finances pour 2018, ne fait plus mention de l'ESTE, contrairement à l'année dernière.

Compte tenu de l'inquiétude légitime exprimée par de nombreux élus locaux ayant conclu avec l'État une convention TEPCV et craignant un désengagement de ce dernier, le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2017, présenté en conseil des ministres le 15 novembre 2017, devrait ouvrir 75 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement sur l'ESTE, portant la dotation totale de l'enveloppe à 475 millions d'euros, en contrepartie de l'annulation de crédits à due concurrence sur le programme 181 « Prévention des risques ».

Également, au cours de son audition devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, le 16 novembre 2017, le secrétaire d'État auprès du Ministre d'État de la transition écologique et solidaire, Sébastien Lecornu, a annoncé la publication prochaine d'une nouvelle circulaire, alors même que l'instruction précitée prévoit la nullité des conventions signées par les autorités représentant chaque collectivité locale lorsqu'elles n'ont pas été précédées de délibération les y autorisant.

Ces rétropédalages confus inscrivent les méthodes du Gouvernement dans les pas du précédent . Au total, cette absence de visibilité quant aux financements alloués par l'État aux collectivités territoriales ralentit voire annihile les initiatives locales en matière de lutte contre la pollution atmosphérique et de financement de la transition énergétique autant qu'elle fragilise la crédibilité de l'État dans ces domaines.


* 23 À terme, ces contrôles ont en effet naturellement vocation à être financés par les constructeurs automobiles.

* 24 Rassemblant l'État, des collectivités locales, des acteurs économiques (entreprises et organisations professionnelles et chambres consulaires), des ONG et des personnalités qualifiées.

* 25 « Des paroles aux actes : continuer à agir pour relever les défis du droit européen environnemental », rapport d'information de Jean-François Husson, fait au nom de la commission des finances, n° 605 (2016-2014), 4 juillet 2017.

* 26 L'article 64 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) prévoyait son adoption au plus tard le 30 juin 2016.

* 27 Décret n° 2017-949 du 10 mai 2017 fixant les objectifs nationaux de réduction des émissions de certains polluants atmosphériques en application de l'article L. 222-9 du code de l'environnement.

* 28 SO 2 , NO x , NH 3 , COVNM, PM 2,5.

* 29 Arrêté du 10 mai 2017 établissant le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques.

* 30 La création d'une zone de réduction des émissions d'oxyde de soufre et d'azote en Méditerranée ainsi que le remplacement de la circulation alternée par la circulation différenciée avec obligation d'utilisation des certificats qualité de l'air méritent néanmoins d'être soulignés.

* 31 Article 20 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

* 32 Dans son rapport pour avis n° 491 (2014-2015) fait au nom de la commission des finances du 9 juin 2015, votre rapporteur spécial indiquait : « il conviendra de faire preuve d'une grande vigilance, notamment dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, afin que cette enveloppe spéciale ne constitue pas une « coquille vide » et que le Parlement demeure informé des conséquences budgétaires de ce dispositif ».

* 33 « Des paroles aux actes : continuer à agir pour relever les défis du droit européen environnemental », rapport d'information de M. Jean-François Husson, fait au nom de la commission des finances, n° 605 (2016-2014), 4 juillet 2017, p. 64.

Page mise à jour le

Partager cette page