II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mercredi 4 novembre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a enfin procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean Chérioux sur les crédits consacrés à la solidarité dans le projet de loi de finances pour 1999 .

M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué que les crédits relatifs à la solidarité représentaient 71 milliards de francs répartis, à parts égales, entre les actions de développement social et celles relatives à l'intégration et à la lutte contre les exclusions. Après avoir rappelé que ce budget ne devait pas être jugé seulement à l'aune des augmentations de crédits, mais aussi en considérant l'effort de maîtrise des coûts dans le secteur social, il a souligné deux points de satisfaction relevés au cours de ses auditions.

Concernant les handicapés, il a rappelé l'effort engagé par le Gouvernement dans le cadre du programme présenté le 17 avril 1998, tout en s'interrogeant toutefois sur les insuffisances en matière de soutien scolaire aux jeunes handicapés, ainsi que sur l'amélioration des aides à l'emploi en milieu ordinaire. Il a évoqué le problème de la prise en compte, dans le cadre du régime de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), des situations de rémission temporaire de personnes victimes de graves maladies invalidantes.

Par ailleurs, il a relevé le caractère satisfaisant de l'effort engagé par le Gouvernement pour mettre en oeuvre la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions.

A cet égard, il a souligné la reprise de l'effort de transformation des places d'hébergement d'urgence en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), ainsi que l'augmentation de la dotation de fonctionnement aux établissements de formation des travailleurs sociaux.

En revanche, il a estimé que deux points étaient préoccupants dans le projet de budget.

D'une part, il a constaté la progression, toujours importante, des effectifs du revenu minimum d'insertion (RMI) et des crédits afférents.

D'autre part, il s'est inquiété du manque de coordination ministérielle pour faire face à l'explosion des crédits relatifs à la tutelle et à la curatelle d'Etat, qui augmenteront de 11 % en 1999.

Abordant les dépenses d'action sociale et médico-sociale prises en charge par les départements, il s'est félicité de la progression de 2,7 % constatée en 1997, qui s'inscrit dans le mouvement d'accalmie apparue depuis 1995.

Après avoir présenté l'évolution des différentes composantes des dépenses sociales des départements, il a souligné toutefois que l'avenir était lourd de menaces.

Concernant l'évolution de la demande, il a rappelé la progression prévisible du nombre de personnes âgées dépendantes, l'élargissement de fait des missions de l'aide sociale à l'enfance et enfin, le poids de l'exclusion sociale.

Puis il a mis l'accent sur les facteurs d'aggravation immédiate des coûts de fonctionnement des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Il s'est interrogé, tout d'abord, sur le devenir des emplois-jeunes embauchés, dans le secteur au-delà de la période de versement des aides de l'Etat.

Ensuite, il a noté que la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans le secteur social et médico-social aurait un coût important en raison de la faiblesse des gains de productivité susceptibles d'être dégagés dans ce domaine.

Enfin, il a souligné les effets négatifs de la jurisprudence de la Cour de cassation de 1997 sur la définition du temps de travail effectif, reprise dans la loi du 13 juin 1998, concernant la rémunération des nuits d'astreinte dans les foyers d'hébergement.

Faisant part de son accord avec le Gouvernement sur la mise en place d'un taux directeur opposable dans le secteur couvert par l'assurance maladie dès 1999, il a souligné que cette mesure devait être accompagnée d'une volonté de mise à plat des conditions de fonctionnement des établissements et des associations.

Il a rappelé que, dans son rapport sur la sécurité sociale en 1998, la Cour des comptes avait souligné le caractère intrinsèquement inflationniste du dispositif de tarification par le prix de journée actuellement en vigueur dans le secteur social et médico-social.

Toutefois, pour éviter que le taux directeur ne conduise à la fermeture de certaines associations, M. Jean Chérioux , rapporteur pour avis , a souligné qu'il conviendrait d'analyser les conséquences financières de certains dispositifs mis en place à l'initiative de l'Etat.

Il a mis l'accent, en particulier, sur l'incidence financière des normes techniques, ainsi que sur l'évolution des dépenses de personnel dans le cadre des conventions collectives.

Il a souhaité que l'Etat accepte de neutraliser, dans le calcul du taux directeur opposable, les coûts structurels nouveaux qui sont imposés au secteur social et médico-social, du fait, notamment, de la loi relative au temps de travail.

Par ailleurs, il a insisté sur l'urgence d'une application globale du taux directeur et non pas seulement au secteur financé par l'assurance maladie.

En conclusion, estimant que ce budget ne permettait pas de préparer l'avenir et de contrecarrer les menaces qui s'annonçaient, il a proposé d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité.

M. Jean Delaneau, président, a souligné que la réglementation des établissements médicaux et médico-sociaux s'était constituée par une sorte de processus de sédimentation, et il a souhaité une véritable remise en chantier dans le cadre d'une réforme globale de la loi du 30 juin 1975.

Concernant l'amendement " Creton " adopté en réalité à l'initiative de M. Michel Gillibert relatif au maintien des handicapés adultes en établissement d'éducation spéciale, il a souligné que cette mesure avait entraîné un retard dans la création de places supplémentaires en établissements d'hébergement et qu'elle avait soulevé de nombreuses difficultés pour les personnels des établissements d'éducation spéciale, qui n'étaient pas préparés à encadrer des adultes. Il a estimé qu'un rattrapage était en effet nécessaire en ce domaine et il a souligné que les départements étaient fortement sollicités pour la mise en place de foyers à double tarification.

Concernant la prise en charge du secteur social et médico-social, il a appelé de ses voeux une diversification des modes de prise en charge des personnes accueillies, afin d'éviter de privilégier le recours à des hébergements en établissements, en soulignant qu'il convenait d'améliorer le service rendu en raisonnant à charge constante.

Mme Annick Bocandé s'est demandée, en matière d'intégration scolaire des enfants handicapés, quelle solution le Gouvernement entendait privilégier parmi l'intégration dans des classes ordinaires assortie de cours de soutien, la création de classes spécialisées au sein du système scolaire ou la création d'établissements spécifiques.

M. Louis Boyer a souligné que lorsque l'amendement " Creton " avait été adopté dans une intention généreuse, il était difficile d'appréhender les effets pervers qui allaient en résulter. Il a évoqué le problème que posait la prise en charge dans les établissements spécialisés des personnes handicapées vieillissantes.

M. Guy Fischer a souligné l'augmentation persistante du nombre de titulaires du RMI, en observant que le développement des situations de chômage de longue durée rendait à l'évidence difficile un retour rapide sur le marché du travail. Il a rappelé que la commission était, depuis deux ans, favorable à la mise en oeuvre d'un taux directeur opposable dans le secteur social et médico-social, position qu'il ne partage pas. Il s'est déclaré surpris, dans ces conditions, de la décision du rapporteur de rejeter ce budget, alors même que le Gouvernement prévoit de mettre en oeuvre le dispositif en question à l'article 27 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

M. Marcel Lesbros a rappelé que les conséquences de la mise en oeuvre des accords Durafour s'étaient répercutées dans l'ensemble de la fonction publique. Concernant le secteur social et médico-social, il a appelé de ses voeux la mise en place d'un taux directeur, en rappelant le caractère positif des expériences qui avaient été conduites en ce sens dans certains départements. Il a relevé que la mise en oeuvre des emplois-jeunes dans les associations donnait lieu souvent à des demandes de subventions auprès des collectivités locales.

M. Gilbert Chabroux a souligné que le budget de la solidarité augmentait, à structure constante, de 4,73 %, c'est-à-dire plus rapidement que le budget général et que l'ensemble des dépenses d'intervention. Il s'est félicité que ce budget apporte des réponses aux questions que soulèvent l'insertion des handicapés et la lutte contre l'exclusion, à travers notamment le soutien aux professions sociales et aux CHRS.

Mme Gisèle Printz , après avoir rappelé qu'un certain nombre de personnes handicapées étaient prises en charge par leur famille, a regretté que les grandes entreprises ne cherchent pas plus souvent à mettre en oeuvre l'obligation d'emploi prévue par la loi de 1987.

En réponse, M. Jean Chérioux a tout d'abord rappelé qu'il était parfaitement cohérent avec les positions qu'il avait prises antérieurement et qu'il était favorable à la mise en place du taux directeur quel que soit le Gouvernement qui le proposait.

En revanche, il a souligné qu'il avait toujours estimé que le taux directeur devrait être appliqué dans des conditions qui ne mettent pas en difficulté de nombreuses associations.

Concernant l'hébergement des handicapés, il a souligné que le nouveau problème de l'accueil des personnes handicapées âgées était incontestablement générateur de coûts supplémentaires.

S'agissant de la mise en oeuvre de l'obligation d'emploi prévue par la loi de 1987, il a regretté que les résultats ne soient pas meilleurs, en particulier dans la fonction publique.

Concernant l'intégration des jeunes handicapés, il a indiqué que le Gouvernement prévoyait que les schémas d'équipement devraient développer des services de soutien à l'intégration scolaire et qu'une mission conjointe de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale de l'Education nationale serait chargée de porter un diagnostic et de faire des propositions pour améliorer la formation générale des enfants et adolescents handicapés faisant l'objet d'une éducation spéciale.

A l'issue de ce débat, la commission, sur proposition de son rapporteur, a émis un avis défavorable sur les crédits consacrés à la solidarité.

Abordant l'examen des articles du projet de loi de finances rattachés à la discussion des crédits de la solidarité, la commission, sur proposition de M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis , a émis un avis de sagesse sur l'article 82 relatif au versement d'une subvention par l'Etat pour la prise en charge de l'allocation de parent isolé (API).

Puis elle a adopté un amendement de suppression de l'article 83 qui vise à mettre fin au versement de l'AAH aux personnes handicapées âgées de plus de 60 ans après que M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis , eut constaté que la mesure conduisait à empêcher certaines personnes handicapées de travailler au-delà de 60 ans pour obtenir une retraite à taux plein afin d'éviter une baisse de revenu.

Enfin, sur proposition de M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis , la commission a adopté un article additionnel après l'article 83 , afin de permettre l'institution d'un objectif général de l'évolution des dépenses du secteur social et médico-social pour les dépenses relevant de l'aide sociale des départements.

Au cours d'une seconde réunion tenue, le mercredi 25 novembre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'examen d'un article additionnel nouveau inséré par l'Assemblée nationale et rattaché à la discussion des crédits de l'emploi et de la solidarité du projet de loi de finances pour 1999 .

M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, a indiqué que l'Assemblée nationale avait adopté un amendement du Gouvernement insérant un article 84 rattaché à la discussion des crédits de l'emploi et de la solidarité, afin d'instaurer le financement par enveloppes limitatives aux établissements sociaux et médico-sociaux financés par l'aide sociale de l'Etat. Il a rappelé que ce dispositif venait compléter celui de l'article 27 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour les établissements financés par l'assurance maladie.

M. Guy Fischer a fait part de son opposition à l'article 84 en soulignant que l'application des taux directeurs " étranglerait " les associations gestionnaires du secteur social et médico-social qui seraient contraintes d'accroître la participation des usagers aux dépenses du secteur.

M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis , a rappelé que la commission demandait que les taux directeurs soient appliqués en évitant que les associations ne subissent les effets des augmentations structurelles de coût dont elles ne sont pas responsables et a souligné que la participation des usagers ne devrait pas augmenter plus rapidement que les prix de journée, dont l'évolution serait dorénavant mieux maîtrisée.

Sur proposition du rapporteur, la commission a décidé d'émettre un avis favorable à l'adoption de l'article 84 .

En outre, M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, a proposé de rectifier l'amendement adopté par la commission lors de sa réunion du 4 novembre dernier, afin d'insérer un article additionnel après l'article 83 en vue d'appliquer le taux directeur au secteur social et médico-social financé par les départements. Il a proposé de supprimer la mention relative à la modulation de taux qui apparaît superflue, dans la mesure où les conseils généraux sont, en tout état de cause, habilités à effectuer une telle modulation.

La commission a adopté l'amendement ainsi rectifié.

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