C. PROGRAMME 123 « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER » : UNE AUGMENTATION BIENVENUE DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA CONTINUITÉ TERRITORIALE ET AU SOUTIEN AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Le projet de loi de finances pour 2023 est marqué par une augmentation sensible des autorisations d'engagement et des crédits de paiement - soient des augmentations de 12,05 % pour atteindre des montants respectifs de 948,52 et 779,04 millions d'euros - du programme n° 123 , portée par cinq mesures nouvelles inscrites dans PLF initial combinées à six mesures nouvelles d'initiative parlementaire :

- le renforcement de l'assistance technique aux collectivités territoriales pour la mise en oeuvre de projets structurants (10 millions d'euros en AE et en CP) ;

- la revalorisation de l'enveloppe dédiée au dispositif COROM (30 millions d'euros supplémentaires en AE et en CP dont 20 millions d'euros fléchés au SMAEG) ;

- le financement des recherches nécessaires à la résolution des blocages successoraux entreprises par les collectivités territoriales (0,5 millions d'euros n AE et en CP) ;

- l'abondement exceptionnel du fonds de secours (2 millions d'euros en AE et en CP) ;

- la participation du ministère des outre-mer au financement des garanties et subventions de la SOGEFOM pour la lutte contre le changement climatique (7 millions d'euros en AE et 1 million d'euros en CP) ;

- le financement de projets de diversification agricole (3 millions d'euros en AE et CP) ;

- la revalorisation des moyens alloués à la continuité territoriale dans un contexte inflationniste (5 millions d'euros en AE et en CP) ;

- la prise en charge des frais de transport et des indemnités de résidence des parents d'enfants ultramarins devant bénéficier d'un traitement médical dans l'hexagone (1 million d'euros en AE et en CP)

- le financement du « contrat social » à Wallis-et-Futuna (5,11 millions d'euros en AE et en CP augmentés par un amendement de crédit de 2,5 millions d'euros en AE et CP) ;

- le soutien exceptionnel au SMGEAG (10 millions d'euros en AE et en CP).

Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires

1. Une évolution contrastée des crédits alloués à la LBU combinée à une stabilisation des crédits en faveur de la résorption de l'habitat insalubre

Afin de déployer le second plan « logement outre-mer » (PLOM II), le Gouvernement propose une nouvelle augmentation de la ligne budgétaire unique (action n°1) de 1,81 % en autorisations d'engagement mais une forte diminution de 10,57 % en crédits de paiement - soit une diminution de 42 millions d'euros des crédits de paiements alloués à la LBU .

Si le rapporteur se félicite de cette augmentation indispensable des crédits alloués à la LBU en autorisations d'engagement, il ne peut que constater que le dispositif proposé n'est pas à la hauteur des enjeux en la matière et ce, d'autant plus que la situation spécifique de l'habitat insalubre et informel dans les territoires ultramarins impose une politique particulièrement volontariste .

En effet, selon les chiffres communiqués au rapporteur, les estimations de la proportion de logements indignes et insalubres dans les territoires ultramarins oscille, les estimations, entre 19,4 % et 27 % contre moins de 1,2 % dans l'hexagone 8 ( * ) , appelant à réunir de toute urgence les moyens nécessaires à la résorption de ce type d'habitat. C'est pourquoi la commission propose, à l'initiative du rapporteur pour avis et par un amendement identique à celui des rapporteurs spéciaux de la commission des finances, de majorer de 4 millions d'euros en AE et CP les crédits destinés à la résorption de l'habitat insalubre .

2. La progression notable des crédits de soutien aux collectivités ultramarines

L'une des priorités annoncées par le Gouvernement est le renforcement de l'accompagnement des collectivités ultramarines, dont le financement est assuré par les actions n°2 Aménagement du territoire et n°6 Collectivités territoriales de ce programme.

- La hausse des crédits dédiés à l'aménagement du territoire masque une sous-consommation chronique et inquiétante des crédits contractualisés par les collectivités avec l'État

L'action n°2 connait une augmentation de 1,03 % des autorisations d'engagement et de 0,90 % des crédits de paiement , qui devraient s'établir, respectivement à 211,52 millions et 156,26 millions d'euros pour 2023.

Elle finance, en particulier, les contrats de convergence et de transformation (CCT) (175,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 122,2 millions d'euros en crédits de paiement) conclus pour la période 2019-2022, et une mesure nouvelle destinée à amplifier le soutien financier à la diversification agricole (6 millions d'euros en AE et en CP).

Si la commission des lois salue ce renforcement du soutien de l'État aux collectivités ultramarines et l'introduction de cette mesure nouvelle appelées de leurs voeux par les élus locaux, elle ne peut que relayer les inquiétudes, partagées par la Cour des comptes et les collectivités ultramarines, quant à l'avenir des contrats de convergence et de transformation censés arriver à échéance en 2022 9 ( * ) .

Interrogés sur ce point par le rapporteur pour avis, la DGOM s'est voulu rassurante en précisant que des avenants aux actuels contrats viendraient les prolonger pour 2023 et qu'il « s'accompagnera de crédits budgétaires supplémentaires (...) avec l'objectif du maintien du niveau de l'engagement financier de l'État, sur l'ensemble des programmes contractualisés ».

Les contrats de convergence et de transformation (CCT)

Prévus par la loi de 2017 dite « EROM », les contrats de convergence et de transformations remplacent les contrats de plan État-région (CPER) sur la période 2019-2022 et visent à réduire les écarts de développement.

Sept collectivités se sont engagées dans cette démarche pour un montant contractualisé de près d'1,75 milliard d'euros : des contrats ont ainsi été signés, les 8 juillet 2019 et 22 juin 2020, entre l'État et les présidents des collectivités de la Guadeloupe, de la Guyane, La Réunion, la Martinique, Mayotte, Saint Pierre et Miquelon, Wallis et Futuna, et Saint-Martin.

Pour autant, le rapporteur pour avis constate, à regret, que les outils de contractualisation ne permettent pas de pallier aux difficultés de sous-consommation des crédits budgétaires . Ainsi qu'illustrée par le graphique ci-dessous, la faiblesse des montants engagés et consommés au 31 décembre 2021 par rapport aux montants contractualisés dans les CCT pour la période 2019-2022 est particulièrement alarmante et fait craindre une importante sous-consommation pour l'ensemble des collectivités concernées. Les dernières prévisions disponibles font état d'un taux de consommation qui s'établirait à 41 % des montants contractualisés à fin 2022 10 ( * ) .

Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires

La commission considère qu'il appartiendra au Gouvernement, lors de la conclusion des nouveaux CCT pour la période 2024-2027, d'améliorer ce dispositif et plus particulièrement de prendre en compte les pistes d'évolution remontées du terrain, tant par les représentants de l'État sur les territoires que des élus locaux eux-mêmes , notamment le manque de fongibilité des crédits au sein des contrats et la nécessité d'élargir ces contrats à de nouvelles thématiques.

- L'augmentation notable des crédits de paiement dédiés au soutien des collectivités territoriales

L'action n°6 agrège les crédits finançant, principalement, des dotations particulières à destination des collectivités ultramarines et celles des fonds de secours. Les crédits de paiement alloués à cette action connaissent une augmentation de plus de 80 millions d'euros, soit une hausse de plus de 35 % par rapport à 2022.

Le rapporteur salue cette hausse des crédits qui traduisent l'engagement de l'État à accompagner la collectivité territoriale de Guyane à rétablir sa capacité d'autofinancement, le SMGEAG à réaliser les investissements nécessaires à la distribution d'eau potable en Guadeloupe (crédits financés par plusieurs actions de la mission), les collectivités ultramarines à faire face aux crises à travers le fonds de secours outre-mer, mais également à financer le dispositif COROM .

La commission des lois a jugé cette augmentation des crédits d'autant plus nécessaire qu'elle est préoccupée par la situation financière et budgétaire fortement dégradée de certaines collectivités ultramarines . Les risques pesant sur la santé financière des collectivités ultramarines se sont accentués du fait des tensions inflationnistes et du renchérissement du coût de l'énergie et posent avec une acuité nouvelle la problématique du retard de paiement aux conséquences pourtant désastreuses pour le tissu économique local.

Dès lors, si le rehaussement par l'Assemblée nationale du montant des crédits destinés à financer le dispositif COROM doit être salué, il ne saurait, en l'état et du fait de son ciblage sur le SMGEAG, être jugé satisfaisant eu égard au contexte économique et aux risques qu'il emporte.

Les contrats de redressement outre-mer (COROM)

Créé par un amendement au PLF 2021 porté par le sénateur Georges Patient et le député Jean-René Cazeneuve, le dispositif COROM poursuit deux objectifs : i) assainir la situation financière des communes , ii) réduire leurs délais de paiement de leurs fournisseurs locaux . Des mots de l'ancien ministre des outre-mer Sébastien Lecornu : « 5 000 factures devraient ainsi être payées ».

Ce dispositif permet aux communes sélectionnées de bénéficier d'un accompagnement de l'État financé selon une programmation triennale composé de 30 millions d'euros d'autorisations d'engagement en LFI 2021 et de 10 millions d'euros de crédits de paiement chaque année.

À ce jour, six communes font partie du dispositif , à savoir : Cayenne, Saint-Benoit, Basse-Terre, Saint-Pierre et Fort de France. Des discussions, que le rapporteur appelle à poursuivre afin de permettre à l'ensemble des territoires de bénéficier de ce dispositif , sont en cours avec d'autres communes.

La commission a donc estimé, à l'initiative du rapporteur pour avis et par un amendement de crédit identique à celui de la commission des finances, que ce dispositif devrait être utilement renforcé tant pour augmenter le nombre de ses bénéficiaires que pour renforcer les montants du soutien ainsi exceptionnellement accordé aux collectivités ultramarines (+20 millions d'euros en AE et en CP) .

3. La hausse des crédits dédiés à la continuité territoriale et la stabilité des autres actions

La commission salue l'augmentation des crédits dédiés à la continuité territoriale qui progressent de 13 % grâce à l'adoption de deux amendements parlementaires, nécessaire compte tenu du fort renchérissement du coût des billets d'avion en 2022.

Enfin , l es montants alloués aux actions relatives à diverses politiques à destination de la jeunesse et à l'insertion économique, au fonds exceptionnel d'investissement et à l'appui à l'accès aux financements bancaires, ne connaissent pas d'évolution notable .

*

* *

Sous réserve de l'adoption de ses amendements, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer », inscrits au projet de loi de finances pour 2023.


* 8 Calculs réalisés par la commission des lois à l'aide des réponses de la DGOM aux questionnaires budgétaires.

* 9 Cour des comptes, rapport précité, p. 25.

* 10 Réponses de la DGOM au questionnaire budgétaire du rapporteur pour avis, p. 32.

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