II. UN BUDGET STABLE ALORS MÊME QUE LES MISSIONS DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES SONT EN AUGMENTATION CONSTANTE

Le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » concerne la Cour des comptes et les dix-huit chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) 9 ( * ) . L'essentiel de l'activité de ces juridictions est constitué par le jugement des comptes publics, le contrôle des finances publiques, le contrôle de la gestion des administrations et organismes publics ainsi que l'évaluation des politiques publiques. À ces missions s'ajoutent l'assistance au Parlement et au Gouvernement, ainsi que l'information des citoyens et le suivi des recommandations formulées à l'occasion des contrôles.

Carte des chambres régionales et territoriales des comptes

Source : Cour des comptes

A. UNE PROGRESSION TRÈS LIMITÉE DES CRÉDITS QUI VISE SEULEMENT À S'APPROCHER DU PLAFOND D'EMPLOIS

1. Une hausse des crédits destinés à financer quelques recrutements à plafond d'emplois constant

Le montant des crédits alloués à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières par le projet de loi de finances pour 2019 est en légère augmentation de 1 % par rapport à l'année précédente (+ 1,9 % entre 2017 et 2018). Il s'élève à 219,85 millions d'euros en crédits de paiement.

Évolution des crédits du programme 164

« Cour des comptes et autres juridictions financières »

Titre et catégorie

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

PLF 2018

PLF 2019

Progression

Progression

PLF 2018

PLF 2019

Progression

Progression

(en millions d'euros)

(en %)

(en millions d'euros)

(en %)

TOTAL

219 131 207

232 151 105

13 019 898

+ 5,94 %

217 673 207

219 854 105

2 180 898

+ 1,00 %

Titre 2 - Dépenses de personnel

192 373 207

195 078 041

2 704 834

+ 1,41 %

192 373 207

195 078 041

2 704 834

+ 1,41 %

Autres titres

26 758 000

37 073 064

10 315 064

+ 38,55 %

25 300 000

24 776 064

-523 936

- 2,07 %

Dont titre 3 - Dépenses de fonctionnement

25 738 000

35 788 064

10 050 064

+ 39,05 %

24 280 000

23 446 064

-833 936

- 3,43 %

Dont titre 5 - Dépenses d'investissement

970 000

1 235 000

265 000

+ 27,32 %

970 000

1 280 000

310 000

+ 31,96 %

Dont titre 6 -Dépenses d'intervention

50 000

50 000

0

0

50 000

50 000

0

0

Source : commission des lois à partir des données du projet annuel de performances 2019

Cette hausse des crédits est destinée à financer la création de 15 emplois supplémentaires de catégories A et A + , à plafond d'emplois constant depuis 2010, dans le cadre de la poursuite de la politique de revalorisation des emplois et d'adaptation des compétences à l'évolution des juridictions financières.

Évolution des catégories d'emplois du programme 164
(en ETPT)

Catégorie d'emplois

Plafond autorisé
pour 2014

Plafond autorisé
pour 2015

Plafond autorisé
pour 2016

Plafond autorisé
pour 2017

Plafond autorisé
pour 2018

Plafond demandé
pour 2019

Variation

2018/2019

Catégories
A + et A

1 200

1 263

1 275

1 285

1 295

1 295

0

Catégorie B

350

317

311

305

303

303

0

Catégorie C

290

260

254

250

242

242

0

TOTAL

1 840

1 840

1 840

1 840

1 840

1 840

0

Source : commission des lois à partir des données du projet annuel de performances 2019

En 2017, alors que le plafond était fixé à 1 840 équivalents temps plein travaillé (ETPT), seuls 1 763 ETPT ont été employés. L'exécution du titre 2 a été caractérisée par la création de 49 emplois en 2017, en rattrapage des recrutements non réalisés lors des exercices précédents, en raison du gel des recrutements intervenu en 2015 , dans la perspective de la réforme de la carte des juridictions financières, afin de favoriser le reclassement des agents concernés.

Consommation des dépenses du titre 2 et du plafond d'emplois pour l'année 2017

LFI 2017

Exécution 2017

Taux de réalisation

Titre 2 en millions d'euros

188,51

187,37

99%

Plafond d'emplois en ETPT

1 840

1 763

96%

Source : services de la Cour des comptes

Pour l'exercice 2018, le taux d'exécution prévisionnel devrait dépasser 99 %. Cette prévision intègre une consommation prévisionnelle des emplois à hauteur de 1 774 ETPT, soit une augmentation de 8 ETPT par rapport à la réalisation 2017.

L'objectif, comme l'a souligné le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, lors de son audition par votre rapporteur, est d' atteindre le plafond d'emplois de 1 840 ETPT à l'horizon 2022 , comme le prévoit la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Comme l'an dernier, lors de leur audition, les représentants des magistrats de la Cour des comptes ont fait part à votre rapporteur de leurs inquiétudes concernant la démographie du corps des magistrats de la Cour, du fait de la répartition actuelle des recrutements au tour extérieur qui représentent plus de postes de conseillers maîtres que de postes de conseillers référendaires, entraînant par là même un blocage de l'avancement des conseillers référendaires et un vieillissement du corps .

La loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires a créé deux nouveaux emplois de conseiller référendaire chaque année : tout d'abord, un rapporteur extérieur en fonction à la Cour depuis plus de trois ans est désormais nommé chaque année conseiller référendaire, après examen des candidatures par une commission ; en outre, le nombre de magistrats de CRTC pouvant être nommés dans le grade de conseiller référendaire à la Cour a été porté de un à deux par an.

Ces modifications, appliquées depuis 2017, ont eu pour objet de rééquilibrer le corps des magistrats de la Cour et de renforcer ses effectifs du milieu de carrière.

Cependant, cette mesure apparaît insuffisante pour inverser la proportion, alors même qu'une réduction du nombre de conseillers maîtres permettrait, selon les représentants des magistrats de la Cour, d'atteindre le plafond d'emplois de 1 840 ETPT avec l'enveloppe budgétaire actuelle.

Pour résoudre ce problème, votre rapporteur réitère le souhait qu'il avait formulé dans son précédent avis de voir une réflexion engagée pour inverser la proportion des recrutements au tour extérieur de conseillers maîtres et de conseillers référendaires .

2. Des crédits hors titre 2 qui ne couvrent que les dépenses contraintes de fonctionnement des juridictions

Hors titre 2 , avec 24,78 millions d'euros, les crédits de paiement diminuent de 2,07 % en raison d'une mesure de périmètre liée au débasage des loyers budgétaires, représentant 523 936 euros, soit l'exacte différence entre les crédits hors titre 2 prévus en loi de finances pour 2018 et les crédits hors titre 2 prévus en loi de finances pour 2019. Mise à part cette mesure, donc, les crédits hors titre 2 sont stables en 2019 par rapport à 2018.

La hausse de plus de 10 millions d'euros en autorisations d'engagement par rapport à la loi de finances pour 2018 s'explique par le renouvellement des baux pluriannuels de plusieurs chambres régionales et territoriales des comptes (CRC de Corse, CRTC Antilles-Guyane et CRC Pays de la Loire). Ces renouvellements de baux impliquent une importante consommation d'autorisations d'engagement en 2019 mais n'ont pas d'incidence sur la consommation des crédits de paiement.

Une grande partie des dépenses hors titre 2 sont des dépenses contraintes , liées aux activités de contrôle, comme les frais de déplacement des personnels de contrôle et les marchés d'expertise dans le cadre des missions de certification des comptes de l'État, du régime général de la sécurité sociale et des comptes locaux.

Les efforts déjà réalisés et la politique d'optimisation des achats dans lesquels les juridictions financières sont engagés depuis plusieurs années afin de participer activement à la maîtrise des dépenses publiques ne permettent plus d'envisager des économies supplémentaires sans porter atteinte aux conditions d'exercice des missions de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes .

Dès lors, le caractère dynamique des dépenses liées à la mise en oeuvre des missions de contrôle des juridictions financières , qui ne peut être contenu sans remettre en cause l'exercice même de ces missions, impose un effort de maîtrise des autres composantes de dépenses afin de respecter la stabilité de l'enveloppe globale.

Ainsi, au sein du poste « informatique et télécommunications », qui représente 4,75 millions d'euros en crédits de paiement, une part significative des crédits (3,97 millions d'euros) est constituée d'un socle de dépenses incompressibles et directement liées à l'exercice des missions des juridictions financières, en particulier le maintien en condition opérationnelle des équipements informatiques.

Il ne reste donc que 0,78 million d'euros consacrés aux projets de transformation et d'adaptation des systèmes d'information des juridictions financières.

Or, comme l'ont souligné les personnes entendues par votre rapporteur dans le cadre de ses travaux, le développement de projets informatiques revêt un enjeu crucial pour le fonctionnement de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes . Ces projets doivent prendre en compte les évolutions liées à la dématérialisation des contrôles et des échanges, les besoins en matière de pilotage des travaux des juridictions financières et les outils d'aide au contrôle, les contraintes induites par certaines évolutions réglementaires et les impératifs de sécurisation des systèmes d'information.

3. Une inquiétude concernant l'application à la Cour des comptes de mesures de régulation budgétaire

Pour 2019, comme c'était le cas entre 2006 et 2017, votre rapporteur tient à rappeler la nécessité de préserver l'indépendance de la Cour des comptes, en garantissant qu'aucune mise en réserve de précaution en début de gestion n'affectera les crédits ouverts au titre du programme 164.

Les principes internationaux prévoient en effet que le bon fonctionnement des institutions supérieures de contrôle (ISC) suppose que les contrôleurs des finances publiques disposent « de l'indépendance fonctionnelle et organisationnelle nécessaire à l'exécution de leur mandat » 10 ( * ) .

Cette indépendance fonctionnelle s'entend comme le fait de « disposer des ressources humaines, matérielles et financières nécessaires et raisonnables ». À ce titre, « les pouvoirs exécutifs ne doivent pas contrôler ni encadrer l'accès à ces ressources. Les ISC gèrent leur propre budget et peuvent l'affecter de la manière qu'elles jugent appropriée. Le Parlement est chargé de veiller à ce que les ISC disposent des ressources nécessaires pour remplir leur mandat. Les ISC ont le droit de faire appel directement au Parlement lorsque les ressources fournies sont insuffisantes pour leur permettre de remplir leur mandat » 11 ( * ) .

Or, la dispense de mise en réserve de crédits en début d'exercice, qui s'appliquait à la Cour des comptes depuis 2005 a été mise à mal en 2017 et 2018 même si le programme 164 a finalement bénéficié de la levée de la réserve de précaution en début de gestion en 2017 comme en 2018.

S'agissant de l'exercice 2017, ces décisions de levée de la réserve sont intervenues les 10 et 25 janvier 2017, pour respectivement les crédits hors titre 2 et les crédits du titre 2. Pour l'exercice 2018, la levée de la réserve de précaution est intervenue le 9 mars 2018 à la suite d'un courrier du ministre de l'action et des comptes publics, qui confirme le principe de l'exemption dont bénéficie la Cour en raison de son indépendance et de son statut.

Par ailleurs, en application des mêmes principes internationaux, la Cour ne peut être soumise à des mesures de régulation budgétaire en cours de gestion qu'avec son accord. Au cours de l'année 2017, elle a accepté que le programme 164 fasse l'objet d'une annulation de crédits d'un montant de 5,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1,4 million d'euros en crédits de paiement (uniquement sur le hors titre 2) au titre de la contribution des juridictions financières à l'équilibre du schéma d'ouvertures et d'annulations de crédits du décret d'avance n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 et du décret d'avance n° 2017-1639 du 30 novembre 2017.

Pour l'exercice 2019, votre rapporteur invite le Gouvernement à ne pas remettre en cause ces conditions d'exécution du budget des juridictions financières .

Il estime également nécessaire qu'une réflexion soit menée pour consacrer expressément dans les règles budgétaires cette dispense de mise en réserve de précaution des crédits en début de gestion 12 ( * ) ainsi que l'obligation de recueillir l'accord de la Cour avant toute mesure d'annulation des crédits ouverts en loi de finances initiale .


* 9 13 chambres régionales des comptes et 5 chambres territoriales des comptes situées outre-mer.

* 10 Déclarations de Lima d'octobre 1977 et de Mexico de novembre 2007 de l'Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques - INTOSAI.

* 11 Déclarations précitées.

* 12 Cette dispense découlait, comme pour le Conseil d'État, d'une lettre du Premier ministre datant de 2005.

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