B. DES RECHERCHES D'ÉCONOMIES ET DE GAINS DE PRODUCTIVITÉ QUI ONT ATTEINT LEURS LIMITES

1. Des gisements d'économies de plus en plus rares

Depuis déjà quelques années, les juridictions administratives se sont efforcées de réduire leur frais de fonctionnement par la dématérialisation des procédures.

Déployée depuis 2013 dans l'ensemble des juridictions administratives, l'application « télérecours » a permis de fluidifier le traitement des dossiers et de réduire les dépenses de frais de justice. L'utilisation de cette application, facultative dans un premier temps, a été rendue obligatoire à compter du 1 er janvier 2017 pour les avocats, les personnes publiques autres que les communes de moins de 3 500 habitants, les organismes privés chargés de la gestion permanente d'une mission de service public, en action et en défense, sous peine d'irrecevabilité des requêtes ou de mise à l'écart des écritures.

Cette application permet aux avocats et aux administrations de transmettre électroniquement leurs productions (requêtes, mémoires et pièces). Les juridictions administratives peuvent communiquer électroniquement à ces parties tous les actes de procédure (communications, mesures d'instruction, avis d'audience, notifications des décisions pour les administrations et transmissions de leurs ampliations pour les avocats).

Entre le 1 er janvier 2018 et le 30 septembre 2018, 62 % des requêtes enregistrées dans les tribunaux administratifs et 90 % des requêtes enregistrées dans les cours administratives d'appel l'ont été via « télérecours ».

La généralisation de « télérecours » a permis de réaliser des économies substantielles, en matière de frais d'affranchissement notamment, évaluées à 3,1 millions d'euros pour l'année 2017.

L'ouverture d'un « télérecours citoyens », accessible à tous, a commencé au cours de l'année 2018. Elle est susceptible de générer de nouvelles économies. En effet, les affaires actuellement non éligibles à « télérecours » (12 % des saisines des cours administratives d'appel et 38 % de celles des tribunaux administratifs) pourront faire l'objet de transmissions dématérialisées via ce nouveau portail.

Cette application permettra aux particuliers et aux personnes morales de droit privé non chargées d'une mission permanente de service public, qui ne sont pas représentés par un avocat, de déposer leurs recours devant les juridictions administratives, de recevoir communication des mémoires des parties adverses et des courriers de la juridiction, d'accéder à leur dossier et de suivre l'état de son avancement. Ces justiciables pourront toujours, s'ils le souhaitent, déposer leur recours en venant à l'accueil de la juridiction ou par voie postale.

Les modalités d'utilisation de « télérecours citoyens » ont été précisées par le décret n° 2018-251 du 6 avril 2018 relatif à l'utilisation d'un téléservice devant le Conseil d'État, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs et portant autres dispositions.

Le déploiement de cette application est progressif : il a débuté le 7 mai 2018 dans les tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise et de Melun et à la section du contentieux du Conseil d'État. Le 6 septembre 2018, l'application comptait déjà 870 inscrits et a servi au dépôt de 272 requêtes. Elle sera étendue aux cours administratives d'appel et aux autres tribunaux administratifs le 30 novembre 2018.

Toutefois, comme il n'est pas envisagé, à ce stade, de rendre obligatoire l'utilisation de cette application pour l'ensemble des justiciables, les économies attendues sont sans commune mesure avec celles qui ont été réalisées grâce à la mise en oeuvre de « télérecours ». Elles sont estimées, par les services du Conseil d'État, à près de 350 000 euros à l'horizon 2022.

Malgré les efforts entrepris, la dotation des frais de justice est à nouveau orientée à la hausse depuis 2018 pour tenir compte notamment de l'augmentation des tarifs postaux et de l'activité juridictionnelle, en particulier à la CNDA.

Dotations de frais de justice en lois de finances initiale

Dotation

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019 (PLF)

Dotation LFI en M€

11

12,9

14,25

12,3

11,85

9,7

10,14

12,75

Évolution N/N-1 en %

10%

17,3 %

10,5%

- 13,7 %

- 3,7 %

- 18,1%

4,5%

25,7%

Source : services du Conseil d'État

2. Des tentatives pour recentrer les magistrats sur leur coeur de métier sans grands effets
a) Le renforcement des effectifs d'aide à la décision

De nouveaux modes de collaboration, qualifiés d'aide à la décision, se sont développés ces dernières années afin de permettre aux membres des juridictions administratives d'augmenter le nombre de décisions rendues et de diminuer la durée de traitement des dossiers. Ils consistent à confier à des assistants le soin de préparer, sous le contrôle des magistrats, soit des projets de décisions simples, soit des éléments d'analyse d'un dossier.

Les assistants qui apportent ainsi leur concours aux magistrats relèvent actuellement de deux catégories :

- les assistants de justice, agents contractuels exerçant à temps incomplet, recrutés pour une durée maximale de deux ans renouvelable deux fois ;

- les assistants du contentieux, qui sont des fonctionnaires titulaires de catégorie A, pour l'essentiel des attachés, affectés sur ces fonctions comme le sont les autres agents de greffe. Leurs fonctions se situent à la charnière du greffe et des magistrats. Ils sont notamment chargés de préparer les dossiers contentieux sous le contrôle d'un magistrat, d'assister les présidents de chambre par la préparation d'ordonnances, ou encore de constituer des dossiers de documentation juridique.

À côté de ces deux catégories, l'article 22 du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit que des juristes assistants pourront être nommés au Conseil d'État et auprès des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, dans les mêmes conditions que celles qui ont été prévues pour les juristes assistants nommés auprès des magistrats des juridictions judiciaires par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

Les candidats devront être titulaires d'un doctorat en droit ou d'un diplôme juridique de niveau master II. Ils devront en outre justifier de deux années d'expérience professionnelle dans le domaine juridique et être particulièrement qualifiés pour exercer ces fonctions. Ces juristes assistants seront des agents contractuels de l'État de catégorie A. Ils seront nommés, à temps complet ou incomplet, pour une durée maximale de trois années, renouvelable une fois.

Entendus par votre rapporteur, les représentants des syndicats de magistrats administratifs se sont montrés sceptiques s'agissant de la création d'un statut supplémentaire de personnel, estimant qu'elle risquait de rendre peu lisible la répartition des compétences entre les différents intervenants, les juristes assistants faisant doublon avec les assistants du contentieux et les assistants de justice.

Ils ont également estimé que les bénéfices attendus de ces recrutements seraient en réalité annulés par la nécessité pour les magistrats de passer six mois à les former alors même que ces juristes assistants ne resteront en fonction qu'un an ou un an et demi.

Pour autant, même si votre rapporteur aurait préféré que soient recrutés des magistrats, dès lors que ce nouveau statut a tout de même été créé et que les magistrats judiciaires semblent être pleinement satisfaits du concours des juristes assistants, il estime que ce renfort est bienvenu, dans un contexte budgétaire contraint. Il avait d'ailleurs lui-même proposé un tel déploiement dans son rapport de l'année dernière.

b) Le développement de la médiation devant les juridictions administratives

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, complétée par le décret n° 2017-566 du 18 avril 2017 relatif à la médiation dans les litiges relevant de la compétence du juge administratif, a étendu la possibilité de recourir à la médiation administrative, jusqu'alors réservée aux différends transfrontaliers, à tous les litiges relevant de la compétence du juge administratif, la seule limite tenant à ce que l'accord auquel parviennent les parties ne puisse porter atteinte à des droits dont elles n'ont pas la libre disposition.

Le décret n° 2018-441 du 4 juin 2018 fixe la rétribution de l'avocat assistant une partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle dans le cadre d'une médiation administrative à l'initiative du juge ou d'une médiation administrative à l'initiative des parties donnant lieu à la saisine du juge aux fins d'homologation d'un accord.

Dans le souci de favoriser au maximum le recours au règlement amiable des litiges, la procédure de médiation, y compris les garanties qu'elle offre aux parties, est désormais expressément définie dans le code de justice administrative et répond aux principes suivants :

- lorsque la médiation est initiée par les parties avant l'introduction d'un litige devant le juge administratif, elle interrompt les délais de recours contentieux et suspend les délais de prescription ;

- en dehors de tout litige introduit devant la juridiction, les parties peuvent demander aux présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel d'organiser une mission de médiation, ou simplement de désigner la personne qui sera chargée d'une mission de médiation dont elles ont déjà déterminé les modalités ;

- saisi d'un litige, le juge administratif peut organiser, avec l'accord des parties, une médiation confiée à des membres de la juridiction ou à des tiers ;

- lorsque la médiation est confiée à un tiers, le président de juridiction ou le juge saisi du litige détermine s'il y a lieu la rémunération du médiateur et en fixe les modalités ;

- saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut homologuer et donner force exécutoire à l'accord issu de la médiation.

La mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions sur la médiation administrative s'est accompagnée de la création d'un comité « justice administrative et médiation » au Conseil d'État, chargé de promouvoir le règlement alternatif des litiges, en collaboration active avec les partenaires institutionnels extérieurs et parties prenantes de la médiation. Ce comité a pour missions :

- de mettre en place un réseau de tiers pouvant contribuer au règlement alternatif des litiges administratifs (au sein de l'administration et parmi les professionnels de la médiation) ;

- d'explorer les possibilités d'orientation des litiges administratifs vers ce mode de règlement ;

- d'élaborer un guide de la médiation ;

- de définir le contenu des formations à la médiation à l'attention des magistrats et agents de greffe ;

- de contribuer à l'élaboration des outils législatifs ou réglementaires nécessaires au développement de la médiation.

Enfin des correspondants « médiation » (magistrat ou greffier en chef) ont été désignés dans chaque juridiction afin de développer les réseaux locaux de médiateurs et de promouvoir auprès des magistrats et des agents de greffe ce nouveau mode de traitement des litiges. Leur rôle est également d'identifier, au moment de leur dépôt, les affaires pour lesquelles une médiation peut être proposée.

Entre le 1 er janvier et le 31 août 2018, 77 médiations ont été enregistrées à l'initiative des parties, principalement en matière de marchés et contrats (28 %), de fonction publique (22 %) et d'urbanisme (17 %). Sur 34 médiations terminées, le taux d'accord a été de 26,5 %.

Durant cette même période, 494 médiations ont été ordonnées par le juge, principalement dans le domaine de la santé (53 %), de la fonction publique (14 %), de l'urbanisme (9 %) et des marchés et contrats (5 %). 215 médiations ont été menées à leur terme, avec un taux d'accord de 73 %.

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle a prévu par ailleurs, qu'à titre expérimental et pour une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la loi, les recours contentieux formés en matière de fonction publique ou de prestations sociales soient soumis à une médiation préalable obligatoire, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Le dispositif expérimental n'a toutefois pu entrer en vigueur qu'au 1 er avril 2018. Le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit en conséquence de reporter au 31 décembre 2021 la fin de l'expérimentation de médiation préalable obligatoire, afin de disposer d'éléments de bilan suffisamment significatifs.

Le décret n° 2018-101 du 16 février 2018 portant expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux a mis en oeuvre ces dispositions.

Dans un périmètre géographique déterminé, la saisine d'un médiateur est obligatoire avant l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre :

- certaines décisions relatives à la situation individuelle des agents publics (décisions individuelles relatives à la rémunération, aux positions statutaires, à la réintégration, au reclassement à l'issue d'un avancement de grade ou d'un changement de corps obtenu par promotion interne, à la formation professionnelle et à l'adaptation des postes de travail) ;

- certaines décisions rendues en matière de prestations sociales (revenu de solidarité active, aides de fin d'année pouvant être versées à ses allocataires, aide personnalisée au logement, prime d'activité, allocation de solidarité spécifique, radiation des listes des demandeurs d'emploi et aides de fin d'année pouvant être versées aux bénéficiaires de certaines allocations prévues par le code du travail).

L'autorité ayant pris la décision contestée est tenue d'informer l'agent ou l'administré de l'exigence d'un recours préalable à la médiation et de communiquer les coordonnées du médiateur compétent. À défaut, le délai de recours ne court pas à l'encontre de la décision litigieuse.

La saisine du médiateur interrompt les délais de recours contentieux et suspend les prescriptions, qui ne recommenceront à courir qu'à compter de la date à laquelle il aura été mis fin à la médiation, soit par le médiateur lui-même, soit par l'une des parties.

À défaut de recours préalable à la médiation, la requête sera irrecevable et rejetée par ordonnance, mais la juridiction devra elle-même transmettre le dossier au médiateur compétent.

Un bilan chiffré concernant la médiation préalable obligatoire n'est pas encore disponible mais plus de 2 500 collectivités territoriales ont d'ores et déjà adhéré au dispositif pour les litiges de la fonction publique territoriale.

Votre rapporteur estime que le recours accru à la médiation permet de développer une autre forme de résolution des conflits pour les affaires dans lesquelles une réponse en pur droit n'est pas adaptée. Ce nouvel outil de procédure devrait par ailleurs oeuvrer contre l'encombrement de la justice administrative.

Il a cependant un coût pour les justiciables. Comme l'ont indiqué à votre rapporteur les représentants du Conseil d'État, lors de leur audition, le Conseil d'État a négocié avec les barreaux une uniformisation des tarifs de la médiation, avec un forfait à 900 euros. Au-delà de ce forfait, la séance supplémentaire coûte 150 euros. Les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle sont couverts à hauteur de 256 euros.

Un premier bilan de cette expérimentation pourra être fait l'an prochain, d'autant que le Conseil d'État a évalué le nombre de recours sur les territoires concernés, au cours de trois dernières années, pour pouvoir apprécier l'impact réel de la médiation préalable obligatoire sur les contentieux de la fonction publique et sur les contentieux sociaux concernés.

3. Des réformes procédurales au-delà desquelles il est impossible d'aller sous peine de porter atteinte au droit à l'accès au juge

Au cours des dernières années, des solutions ont été recherchées dans la rationalisation des procédures applicables devant les juridictions administratives, pour permettre un traitement plus rapide des affaires les plus simples et un allégement de la charge de travail des juridictions , tout en préservant la qualité des décisions rendues .

a) Un recours au juge unique pour des affaires toujours plus nombreuses

Devant les tribunaux administratifs, les affaires jugées par un juge unique et non par une formation collégiale relèvent actuellement de quatre catégories différentes :

- les affaires au fond instruites et jugées selon la procédure de droit commun, la seule dérogation apportée tenant à la composition de la formation de jugement ;

- les affaires au fond instruites et jugées selon une procédure dérogatoire au droit commun, essentiellement en raison de l'urgence (contentieux des obligations de quitter le territoire français lorsque l'étranger fait l'objet d'une mesure de surveillance, contentieux du refus d'entrée sur le territoire au titre de l'asile, contentieux du stationnement des résidences mobiles des gens du voyage, contentieux du droit au logement opposable) ;

- les procédures de référé ;

- les ordonnances.

Au total, en 2017, la part des affaires jugées par un juge unique ou par ordonnance a représenté 61,32 % du total du contentieux et la part des affaires jugées en formation collégiale, 38,68 %.

Évolution de la part respective des affaires jugées par une formation collégiale et par un juge unique

TA

(données brutes)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Affaires jugées

en formation collégiale

70 045

71 378

78 115

79254

83570

79966

81 513

79 546

36,10%

37,15%

39,68%

42,75%

44,28%

41,4%

41,05%

38,68%

Affaires jugées

par un juge unique
(affaires au fond
et référés)

62 933

62 800

58 847

55063

57402

59986

62 846

70 392

32,44%

32,69%

29,89%

29,70%

30,42%

31,09%

31,65%

34,22%

Ordonnances

61 029

57 951

59 913

51073

47738

53014

54 205

55 746

31,46%

30,16%

30,43%

27,55%

25,30%

27,47%

27,30%

27,10%

Source : services du Conseil d'État

Devant les cours administratives d'appel, les affaires jugées par un juge unique sont beaucoup plus limitées.

Les personnes rencontrées par votre rapporteur se sont accordées pour dire que le recours au juge unique avait atteint ses limites et qu'il ne pouvait être envisagé d'aller plus loin sous peine de dégrader la qualité des décisions de justice rendues .

Elles ont également souligné la difficulté pour les magistrats administratifs nouvellement nommés de se retrouver seuls pour juger ces contentieux parfois très difficiles humainement, s'agissant par exemple des contentieux sociaux.

b) Des réformes permettant d'évacuer rapidement de nombreuses affaires

Par ailleurs, le Conseil d'État a engagé une réflexion d'ensemble sur l'évolution du rôle et des pouvoirs du juge administratif qui s'est traduite par le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative, appelé aussi décret « justice administrative pour demain » (JADE).

Ce décret prévoit notamment des évolutions procédurales destinées à permettre une instruction dynamique des dossiers, ou d'évacuer les requêtes en déshérence des stocks telles que :

- la suppression, en appel, de la dispense d'avocat pour les litiges d'excès de pouvoir en matière de fonction publique ;

- la possibilité de fixer une date au-delà de laquelle aucun moyen nouveau ne peut être invoqué lorsque l'affaire est en état d'être jugée (article R. 611-7-1 du code de justice administrative) ;

- la possibilité de demander des éléments complémentaires aux parties sans rouvrir l'instruction (article R. 613-1-1 du code de justice administrative) ;

- l'élargissement des possibilités de prononcer un désistement d'office : après demande infructueuse de produire un mémoire récapitulatif (article R. 612-5-1 du code de justice administrative), en l'absence de réponse à une invitation à confirmer expressément le maintien de la requête lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt qu'elle conserve pour son auteur (article R. 612-5-1 du même code) ;

- la possibilité pour les juridictions, lorsqu'un dossier d'une série a été attribué à une juridiction par le président de la section du contentieux du Conseil d'État, de renvoyer à cette juridiction tous les dossiers relevant de cette série, sans avoir à solliciter une nouvelle décision du président de la section du contentieux ;

- la possibilité pour les présidents de tribunal administratif de statuer par ordonnance sur les requêtes relevant d'une série qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit des questions identiques à celles tranchées par un arrêt devenu définitif de la cour administrative d'appel dont ils relèvent ;

- la possibilité pour les présidents de cour administrative d'appel et pour les présidents de formation de jugement des cours de rejeter par ordonnance les requêtes d'appel manifestement mal fondées ;

- la possibilité pour le Conseil d'État de rejeter par ordonnance les pourvois en cassation manifestement dépourvus de fondement, dirigés contre les décisions rendues en appel.

Plus récemment encore, le décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du code de justice administrative et du code de l'urbanisme a prévu :

- une cristallisation automatique des moyens en matière d'urbanisme, qui prend effet deux mois après la communication du premier mémoire en défense ;

- un désistement d'office à défaut de confirmation par la partie concernée du maintien de la requête au fond après le rejet de la requête en référé suspension pour défaut de moyen susceptible de faire douter de la légalité de la décision attaquée.

Les représentants de l'union syndicale des magistrats administratifs, entendus par votre rapporteur ont fait valoir que cette dernière mesure avait d'ores et déjà été utilisée de manière abusive, en plein été pendant les vacances judiciaires, les avocats n'ayant pas été en mesure de confirmer les requêtes au fond.

De même, les représentants du Conseil d'État, lors de leur audition, ont admis qu'avec une telle « boîte à outils » procédurale, des dérives n'étaient pas impossibles.

Pour diminuer le contentieux, il serait toujours possible de multiplier les suppressions de dispense d'avocat, en première instance notamment, mais ce serait contraire au principe de gratuité de la justice administrative.

De même, il pourrait être envisagé de permettre le rejet par ordonnance, en première instance cette fois, des demandes manifestement infondées, mais ce serait contraire au principe de collégialité.

L'ensemble des personnes entendues par votre rapporteur s'est accordé pour dire qu'il n'était pas possible d'aller plus loin dans les réformes de procédure sous peine d'« abîmer » définitivement la justice administrative en portant atteinte aux principes mêmes qui la régissent .

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