AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le présent rapport pour avis analyse les crédits consacrés aux transports routiers figurant, d'une part, dans le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), d'autre part, dans le projet de loi de finances pour 2018 au sein de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » et du compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres ».

Ces crédits doivent être regardés comme ceux d'un budget de transition, dans la mesure où le Gouvernement a engagé des travaux pour refonder la stratégie de l'État dans le domaine des transports. Le Président de la République, Emmanuel Macron, a en effet annoncé, le 1 er juillet 2017, une pause dans la réalisation des grands projets d'infrastructure, et la Ministre chargée des transports, Élisabeth Borne, a lancé le 19 septembre des Assises de la mobilité, qui doivent aboutir à la présentation d'une loi d'orientation des mobilités au premier semestre 2018.

Cette loi devra s'attacher à résoudre à plusieurs difficultés : l'absence de soutenabilité et de visibilité pluriannuelle sur le financement des infrastructures de transport, l'association limitée du Parlement à la détermination des dépenses réalisées, ou encore le vieillissement des réseaux existants, qui souffrent d'un sous-investissement depuis plusieurs années. Cette loi devra aussi être un levier d'accélération de la transition écologique dans le secteur des transports, responsable de 29,5 % des émissions de gaz à effet de serre du pays, soit la plus forte proportion d'émissions, devant l'industrie manufacturière et les déchets.

Dans l'attente des résultats de ces travaux, le budget d'intervention de l'Afitf augmentera en 2018 de 2,2 à 2,4 milliards d'euros, soit une hausse insuffisante par rapport aux besoins estimés précédemment mais qui pourra peut-être s'avérer suffisante, compte tenu de la réduction des besoins résultant de la pause dans la réalisation des infrastructures de transport. Ce budget devrait néanmoins contraindre l'agence à reporter, comme elle l'a fait par le passé, certains projets ou certains paiements.

En revanche, pour les années suivantes, la loi d'orientation des mobilités devra impérativement dégager de nouvelles ressources permettant effectivement à l'Afitf d'assumer les engagements qui ont déjà été pris, et ne sauraient être remis en cause.

Dans ce contexte budgétaire contraint, l'augmentation de 100 millions d'euros des crédits affectés à l'entretien du réseau routier, qui s'élèvent à 800 millions d'euros au total, doit être saluée, même s'il n'est pas certain qu'elle soit suffisante pour inverser la tendance à la dégradation de l'état des routes. C'est ce que devra déterminer un audit externe en cours, dont les résultats sont très attendus.

Enfin, les évolutions du bonus-malus automobile, et en particulier le développement de la prime à la conversion, vont dans le bon sens, puisqu'ils permettront d'agir davantage sur le parc roulant en circulation, qui émet le plus de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques.

Lors de sa réunion du 8 novembre 2017, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés aux transports routiers.

I. LES DÉFIS DU NOUVEAU GOUVERNEMENT DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS

A. UNE MEILLEURE ASSOCIATION DU PARLEMENT À LA DÉTERMINATION DES DÉPENSES D'INFRASTRUCTURES

Les crédits consacrés aux transports terrestres présentent la particularité d'être répartis entre :

- le budget général de l'État (les actions du programme 203, intitulé « Infrastructures et services de transport », de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et les comptes d'affectation spéciale ) ;

- le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), abondé par des recettes spécifiques.

L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) a été mise en place à partir de janvier 2005, pour financer les grands projets d'infrastructures de transport décidés par l'État par des recettes affectées. Son objectif est de sanctuariser des recettes relativement régulières et prévisibles pour financer ces projets, qui s'échelonnent sur plusieurs années.

Dans une logique de report modal , ses recettes sont essentiellement issues du mode routier, alors que les projets qu'elle finance concernent, pour près de deux tiers d'entre eux, des modes alternatifs ou complémentaires à la route (transports ferroviaires, collectifs, fluviaux ou maritimes).

RECETTES DE L'AFITF DEPUIS 2010

Recettes (en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017 1 ( * )

2018 2 ( * )

Fraction de la taxe d'aménagement du territoire (applicable aux sociétés d'autoroutes)

539

542

535

538

571

555

560

565

472

Redevance domaniale (applicable aux sociétés d'autoroutes)

189

193

198

300

314

326

331

350

355

Fraction du produit des amendes radars

126

177

272

170

203

233

360

400

450

Fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

1139

715

735

1076

Contribution exceptionnelle des sociétés d'autoroutes négociée dans le cadre du plan de relance autoroutier

100

100

100

60

Droit d'entrée A 63

400

Produits divers

1

2

Subvention budgétaire (Programme 203)

915

974

900

560

656

Subvention budgétaire (Plan de relance)

331

Versement de la région Normandie (dans le cadre de l'accord sur les trains d'équilibre du territoire)

35

Total recettes hors avance France Trésor

2097

2287

1907

1568

1743

2354

2066

2150

2448

Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer

Son champ d'intervention a été élargi au fil du temps. Outre les grands projets d'infrastructures, elle finance aussi désormais :

- la part de l'État dans les contrats de projets État-régions (CPER) dans le domaine des transports ;

- des investissements de régénération ou de sécurisation des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux ;

- des projets de création ou de développement de transports collectifs ;

- le renouvellement des matériels roulants des trains d'équilibre du territoire.

DÉPENSES DE L'AFITF DEPUIS 2010

Dépenses (en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Routes

771

869

763

664

705

739

779

831

Ferroviaire

1031

688

643

729

668

705

820

961

Fluvial

45

73

44

66

35

64

83

102

Portuaire et littoral

53

58

59

69

30

58

55

50

Transports collectifs

187

265

315

349

268

172

213

236

Divers (PEI Corse, aires de contrôle des poids lourds)

46

26

33

32

8

17

22

20

Total - hors frais financiers et hors indemnité versée à Écomouv

2133

1979

1857

1909

1714

1755

1972

2200

Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer

L'Afitf a ainsi permis de préserver le financement des infrastructures de transport, dans un contexte budgétaire contraint . De sa création en 2005 à l'année 2016, elle a dépensé plus de 23 milliards d'euros et engagé 35,5 milliards d'euros de dépenses.

Mais la Cour des comptes a critiqué le principe de cette agence à plusieurs reprises, dénonçant un manquement au principe de l'universalité budgétaire. Dans son rapport public annuel de 2009, elle a préconisé sa suppression.

Plus récemment, dans un référé du 10 juin 2016, elle a regretté que l'Afitf ne soit qu'une « caisse de financement » entièrement dépendante de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), rendant impossible un réel pilotage pluriannuel des dépenses.

Elle a une nouvelle fois souligné le fait que l'Afitf permet à l'État de s'affranchir des principes du droit budgétaire. Par exemple, les engagements financiers pris par l'agence ne font l'objet d'aucun plafonnement dans la loi de finances et sont autorisés par le seul conseil d'administration de l'établissement, de façon déconnectée de la norme d'évolution des dépenses de l'État. En conséquence, la régulation s'effectue année après année par les crédits de paiement, ce qui conduit, selon la Cour, à une « déconnexion entre les engagements pris et les moyens réels de l'Afitf, alimentant le volume des restes à payer et les dettes de l'établissement. »

Le recours massif aux fonds de concours issus de l'Afitf permet aussi à la DGITM de disposer d'une ressource non directement soumise à l'autorisation parlementaire de la loi de finances - d'autant que le budget de l'Afitf est généralement arrêté en décembre de l'année précédant l'exercice, soit après les débats relatifs à la loi de finances. Ce dispositif permet enfin de s'affranchir des règles de plafonnement des reports de crédits d'une année sur l'autre.


* 1 D'après le budget rectificatif du 15 juin 2017.

* 2 Budget prévisionnel.

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