Avis n° 113 (2017-2018) de M. Jean-Pierre CORBISEZ , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 23 novembre 2017

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N° 113

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VII

TRANSPORTS ROUTIERS

Par M. Jean-Pierre CORBISEZ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Claude Bérit-Débat, Patrick Chaize, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Alain Fouché, Guillaume Gontard, Didier Mandelli, Frédéric Marchand, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart , vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Pascale Bories, MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Jérôme Bignon, Joël Bigot, Jean Bizet, Jean-Marc Boyer, Mme Françoise Cartron, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marta de Cidrac, MM. Jean-Pierre Corbisez, Michel Dagbert, Michel Dennemont, Mme Martine Filleul, MM. Jordi Ginesta, Éric Gold, Mme Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Benoît Huré, Olivier Jacquin, Mmes Christine Lanfranchi Dorgal, Nadège Lefebvre, MM. Olivier Léonhardt, Jean-Claude Luche, Philippe Madrelle, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Jean-Jacques Panunzi, Philippe Pemezec, Rémy Pointereau, Mme Angèle Préville, MM.  Jean-Paul Prince, Christophe Priou, Charles Revet, Mmes Nadia Sollogoub, Michèle Vullien .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 , 108 à 112 et 114 (2017-2018)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, réunie le mercredi 8 novembre 2017, a examiné le rapport de Jean-Pierre Corbisez sur les crédits consacrés aux transports routiers figurant, d'une part, dans le budget de l'agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), d'autre part, dans le projet de loi de finances pour 2018, au sein du programme 203 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et du compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres ».

Le rapporteur a présenté l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) et rappelé l'analyse qu'en dresse la Cour des comptes dans son référé du 10 juin 2016. La Cour, tout en reprochant à l'agence de permettre à l'État de s'affranchir des principes du droit budgétaire, dénonce les risques pesant sur sa soutenabilité financière.

La loi d'orientation des mobilités , annoncée par la Ministre chargée des transports pour le début de l'année 2018, doit répondre à ces critiques, en associant le Parlement à la détermination des dépenses d'infrastructures et en établissant une programmation des projets d'infrastructures sur cinq ans, assortie des financements correspondants.

Dans ce contexte d'attente, le budget d'intervention proposé pour l'Afitf, qui augmente de 2,2 à 2,4 milliards d'euros en 2018, pourrait s'avérer suffisant , même s'il contraindra probablement l'agence à reporter certains paiements, comme elle l'a fait par le passé.

Le rapporteur a aussi salué l'augmentation de 100 millions d'euros des crédits consacrés à l'entretien et à la modernisation du réseau routier national non concédé, dont la dégradation avait conduit la commission à donner l'alerte cet été. Au total, ces crédits, partagés entre l'Afitf et le programme 203, devraient atteindre 800 millions d'euros. Le rapporteur a néanmoins rappelé qu'un audit externe était en cours sur la politique d'entretien de l'État, et qu'il pourrait le conduire à réévaluer les besoins nécessaires pour enrayer la dégradation du réseau.

Enfin, le rapporteur a présenté les évolutions du compte d'affectation spéciale concernant les aides à l'acquisition de véhicules propres. Il a salué l'extension annoncée de la prime à la conversion , qui permet d'agir sur le parc roulant en circulation, le plus émetteur de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques.

Sur proposition de son rapporteur pour avis, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés aux transports routiers.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le présent rapport pour avis analyse les crédits consacrés aux transports routiers figurant, d'une part, dans le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), d'autre part, dans le projet de loi de finances pour 2018 au sein de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » et du compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres ».

Ces crédits doivent être regardés comme ceux d'un budget de transition, dans la mesure où le Gouvernement a engagé des travaux pour refonder la stratégie de l'État dans le domaine des transports. Le Président de la République, Emmanuel Macron, a en effet annoncé, le 1 er juillet 2017, une pause dans la réalisation des grands projets d'infrastructure, et la Ministre chargée des transports, Élisabeth Borne, a lancé le 19 septembre des Assises de la mobilité, qui doivent aboutir à la présentation d'une loi d'orientation des mobilités au premier semestre 2018.

Cette loi devra s'attacher à résoudre à plusieurs difficultés : l'absence de soutenabilité et de visibilité pluriannuelle sur le financement des infrastructures de transport, l'association limitée du Parlement à la détermination des dépenses réalisées, ou encore le vieillissement des réseaux existants, qui souffrent d'un sous-investissement depuis plusieurs années. Cette loi devra aussi être un levier d'accélération de la transition écologique dans le secteur des transports, responsable de 29,5 % des émissions de gaz à effet de serre du pays, soit la plus forte proportion d'émissions, devant l'industrie manufacturière et les déchets.

Dans l'attente des résultats de ces travaux, le budget d'intervention de l'Afitf augmentera en 2018 de 2,2 à 2,4 milliards d'euros, soit une hausse insuffisante par rapport aux besoins estimés précédemment mais qui pourra peut-être s'avérer suffisante, compte tenu de la réduction des besoins résultant de la pause dans la réalisation des infrastructures de transport. Ce budget devrait néanmoins contraindre l'agence à reporter, comme elle l'a fait par le passé, certains projets ou certains paiements.

En revanche, pour les années suivantes, la loi d'orientation des mobilités devra impérativement dégager de nouvelles ressources permettant effectivement à l'Afitf d'assumer les engagements qui ont déjà été pris, et ne sauraient être remis en cause.

Dans ce contexte budgétaire contraint, l'augmentation de 100 millions d'euros des crédits affectés à l'entretien du réseau routier, qui s'élèvent à 800 millions d'euros au total, doit être saluée, même s'il n'est pas certain qu'elle soit suffisante pour inverser la tendance à la dégradation de l'état des routes. C'est ce que devra déterminer un audit externe en cours, dont les résultats sont très attendus.

Enfin, les évolutions du bonus-malus automobile, et en particulier le développement de la prime à la conversion, vont dans le bon sens, puisqu'ils permettront d'agir davantage sur le parc roulant en circulation, qui émet le plus de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques.

Lors de sa réunion du 8 novembre 2017, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés aux transports routiers.

I. LES DÉFIS DU NOUVEAU GOUVERNEMENT DANS LE DOMAINE DES TRANSPORTS

A. UNE MEILLEURE ASSOCIATION DU PARLEMENT À LA DÉTERMINATION DES DÉPENSES D'INFRASTRUCTURES

Les crédits consacrés aux transports terrestres présentent la particularité d'être répartis entre :

- le budget général de l'État (les actions du programme 203, intitulé « Infrastructures et services de transport », de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et les comptes d'affectation spéciale ) ;

- le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), abondé par des recettes spécifiques.

L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) a été mise en place à partir de janvier 2005, pour financer les grands projets d'infrastructures de transport décidés par l'État par des recettes affectées. Son objectif est de sanctuariser des recettes relativement régulières et prévisibles pour financer ces projets, qui s'échelonnent sur plusieurs années.

Dans une logique de report modal , ses recettes sont essentiellement issues du mode routier, alors que les projets qu'elle finance concernent, pour près de deux tiers d'entre eux, des modes alternatifs ou complémentaires à la route (transports ferroviaires, collectifs, fluviaux ou maritimes).

RECETTES DE L'AFITF DEPUIS 2010

Recettes (en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017 1 ( * )

2018 2 ( * )

Fraction de la taxe d'aménagement du territoire (applicable aux sociétés d'autoroutes)

539

542

535

538

571

555

560

565

472

Redevance domaniale (applicable aux sociétés d'autoroutes)

189

193

198

300

314

326

331

350

355

Fraction du produit des amendes radars

126

177

272

170

203

233

360

400

450

Fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

1139

715

735

1076

Contribution exceptionnelle des sociétés d'autoroutes négociée dans le cadre du plan de relance autoroutier

100

100

100

60

Droit d'entrée A 63

400

Produits divers

1

2

Subvention budgétaire (Programme 203)

915

974

900

560

656

Subvention budgétaire (Plan de relance)

331

Versement de la région Normandie (dans le cadre de l'accord sur les trains d'équilibre du territoire)

35

Total recettes hors avance France Trésor

2097

2287

1907

1568

1743

2354

2066

2150

2448

Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer

Son champ d'intervention a été élargi au fil du temps. Outre les grands projets d'infrastructures, elle finance aussi désormais :

- la part de l'État dans les contrats de projets État-régions (CPER) dans le domaine des transports ;

- des investissements de régénération ou de sécurisation des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux ;

- des projets de création ou de développement de transports collectifs ;

- le renouvellement des matériels roulants des trains d'équilibre du territoire.

DÉPENSES DE L'AFITF DEPUIS 2010

Dépenses (en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Routes

771

869

763

664

705

739

779

831

Ferroviaire

1031

688

643

729

668

705

820

961

Fluvial

45

73

44

66

35

64

83

102

Portuaire et littoral

53

58

59

69

30

58

55

50

Transports collectifs

187

265

315

349

268

172

213

236

Divers (PEI Corse, aires de contrôle des poids lourds)

46

26

33

32

8

17

22

20

Total - hors frais financiers et hors indemnité versée à Écomouv

2133

1979

1857

1909

1714

1755

1972

2200

Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer

L'Afitf a ainsi permis de préserver le financement des infrastructures de transport, dans un contexte budgétaire contraint . De sa création en 2005 à l'année 2016, elle a dépensé plus de 23 milliards d'euros et engagé 35,5 milliards d'euros de dépenses.

Mais la Cour des comptes a critiqué le principe de cette agence à plusieurs reprises, dénonçant un manquement au principe de l'universalité budgétaire. Dans son rapport public annuel de 2009, elle a préconisé sa suppression.

Plus récemment, dans un référé du 10 juin 2016, elle a regretté que l'Afitf ne soit qu'une « caisse de financement » entièrement dépendante de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), rendant impossible un réel pilotage pluriannuel des dépenses.

Elle a une nouvelle fois souligné le fait que l'Afitf permet à l'État de s'affranchir des principes du droit budgétaire. Par exemple, les engagements financiers pris par l'agence ne font l'objet d'aucun plafonnement dans la loi de finances et sont autorisés par le seul conseil d'administration de l'établissement, de façon déconnectée de la norme d'évolution des dépenses de l'État. En conséquence, la régulation s'effectue année après année par les crédits de paiement, ce qui conduit, selon la Cour, à une « déconnexion entre les engagements pris et les moyens réels de l'Afitf, alimentant le volume des restes à payer et les dettes de l'établissement. »

Le recours massif aux fonds de concours issus de l'Afitf permet aussi à la DGITM de disposer d'une ressource non directement soumise à l'autorisation parlementaire de la loi de finances - d'autant que le budget de l'Afitf est généralement arrêté en décembre de l'année précédant l'exercice, soit après les débats relatifs à la loi de finances. Ce dispositif permet enfin de s'affranchir des règles de plafonnement des reports de crédits d'une année sur l'autre.

B. LE RETOUR À LA SOUTENABILITÉ FINANCIÈRE

L'Afitf souffre, depuis plusieurs années, d'une inadéquation entre ses recettes et ses dépenses , liée aux reports successifs de l'entrée en vigueur de l'écotaxe, puis à son abandon, décidé à la fin de l'année 2014. L'essentiel des recettes de l'écotaxe, soit entre 700 et 800 millions d'euros, devaient en effet lui revenir. Si une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques lui a été versée à partir de 2015, le dispositif retenu n'a pas permis de compenser l'ensemble du manque à gagner résultant de l'abandon de l'écotaxe.

Aussi la Cour des comptes a-t-elle déploré, dans son référé de juin 2016, l'accumulation des restes à payer de l'agence , faisant peser « de sérieux doutes sur la capacité de l'Afitf à faire face à ses engagements. »

Plus récemment encore, dans son rapport de mai 2017 sur le budget de l'État en 2016, la Cour a dénoncé la « trajectoire financière irréaliste » de l'Afitf . Elle relève que « ses restes à payer (12,3 milliards d'euros fin 2016), qui avaient diminué entre 2013 et 2015, ont recommencé à augmenter en 2016 (+ 478 millions d'euros), alors qu'ils n'incluent pas encore, ou de façon seulement marginale, les engagements correspondant aux contrats de plan État-région 2015-2020 (6,9 milliards d'euros pour la part État du volet « mobilité multimodale ») et aux projets de construction d'une ligne ferroviaire à grande vitesse entre Lyon et Turin et du canal Seine Nord Europe. »

Dans ce contexte, l'agence a régulièrement été contrainte de reporter certains paiements et a accumulé une dette vis-à-vis de Réseau ferré de France puis SNCF Réseau, qui s'élève à 447 millions d'euros fin 2016.

En 2017, le budget de l'agence s'est élevé à 2,2 milliards d'euros, pour un besoin estimé par son ancien président, Philippe Duron, à 2,5 milliards d'euros.

C. LA REMISE EN ÉTAT DES RÉSEAUX

Au cours des trois dernières décennies, les différents gouvernements successifs ont eu tendance à privilégier le développement de nouvelles infrastructures, au détriment de l'entretien et de la régénération des réseaux existants. Ces politiques ont conduit à une détérioration du réseau ferroviaire, bien connue depuis plus d'une dizaine d'années.

Pour le réseau routier national, le phénomène est plus récent. La réduction des crédits affectés à l'entretien et à la modernisation de ce réseau, entre 2010 et 2015, commence à se traduire par une dégradation de la qualité des routes , qui oblige parfois l'État à instaurer des limitations de vitesse temporaires ou des restrictions de circulation.

ÉVOLUTION DES MONTANTS CONSACRÉS À L'EXPLOITATION ET À L'ENTRETIEN

DU RÉSEAU ROUTIER NATIONAL

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Total des crédits de paiement de l'action 12 du programme budgétaire 203 (« Entretien et exploitation du réseau routier national ») et fonds de concours associés (provenant de l'Afitf essentiellement)

760

750

667

639

614

607

663

743

695

Dont crédits de l'État

498

424

334

307

335

329

340

294

275

Dont crédits de l'Afitf

262

326

333

332

279

278

323

428

397 3 ( * )

Source : commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, à partir des rapports annuels de performance annexés aux projets de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes, et direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.

Le président de votre commission Hervé Maurey avait donné l'alerte en organisant une table ronde à ce sujet, en mars 2017, qui a fait l'objet d'un rapport d'information 4 ( * ) .

D. LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Les transports sont, depuis 1998, le secteur qui émet le plus de gaz à effet de serre en France, devant l'industrie manufacturière et les déchets, l'agriculture, le résidentiel et le tertiaire ainsi que l'industrie de l'énergie. En 2016, le secteur était responsable de 29,5 % des émissions de gaz à effet de serre, dont 95 % étaient dues au transport routier - pour l'essentiel, à la combustion des carburants 5 ( * ) . Le diesel est à l'origine de 84 % de ces émissions.

En 1990, la part des émissions de gaz à effet de serre liée aux transports était de 22 %. De fait, les émissions liées à la route ont augmenté de 11,4 % depuis 1990, alors que les émissions totales de gaz à effet de serre ont baissé de 15,3 %. Comme l'indique le Commissariat général au développement durable, « l'amélioration de la performance environnementale des véhicules ne compense pas l'accroissement des kilomètres parcourus par la route. »

Le transport routier est aussi le secteur le plus émetteur de polluants atmosphériques . D'après le Commissariat général au développement durable, en 2015, la part du transport routier dans les émissions totales, tous secteurs d'activités confondus, est majoritaire pour les oxydes d'azote (NOx), le cuivre, le zinc et le plomb, et se situe entre 48 et 68 %. Le transport routier émet également, dans des proportions plus faibles, d'autres types de polluants (monoxyde de carbone, hydrocarbures aromatiques polycycliques, dioxines et furanes, etc.). Pour les particules, le Commissariat indique que « plus ces dernières sont fines plus la part du transport routier est importante : 5 % pour les particules en suspension de toutes tailles à 16 et 17 % pour les particules de diamètre inférieur à 1 (PM 1) et inférieur à 2,5 ìM. (PM 2,5). » Elles proviennent de l'échappement, du freinage et du frottement des pneus contre les routes.

L'enjeu de la transition écologique est donc particulièrement fort pour le transport routier, que ce soit pour les voitures particulières, responsables de 56 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports, ou pour les véhicules lourds (poids lourds, bus et cars), qui représentent 21,3 % des émissions de CO 2 de la route, alors qu'ils ne représentent que 5,2 % de la circulation routière.

Plusieurs dispositifs ont été mis en oeuvre ces dernières années pour réduire ces émissions : le bonus-malus automobile et la prime à la conversion, l'obligation faite aux acteurs publics de détenir une certaine proportion de véhicules à faibles émissions dans leur parc, les appels à projets pour développer les transports collectifs en site propre, le déploiement de bornes de recharge électrique, la promotion du covoiturage, de l'autopartage et des mobilités douces (marche, vélo), etc.

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), dont votre rapporteur a rencontré un représentant, met en oeuvre un certain nombre d'actions pour améliorer les performances environnementales du transport routier. Pour cela, elle promeut des démarches volontaires à destination des transporteurs, chargeurs et commissionnaires de transport.

C'est le cas du programme « Objectif CO 2 », qui se décline en deux outils : une charte de progrès et un label de valorisation des entreprises les plus performantes. Signée pour trois ans à l'issue d'une évaluation des émissions de gaz à effet de serre de l'entreprise, la charte définit un plan de réduction de ses émissions, qui fait l'objet d'un suivi annuel. D'après l'Ademe, 1 380 entreprises du secteur du transport routier ont déjà adhéré à ce dispositif depuis décembre 2008, ce qui a permis d'éviter 1,6 million de tonnes de gaz à effet de serre (à la fin de l'année 2016), soit une moyenne de près de 400 000 tonnes par an. Le label est octroyé aux seules entreprises les plus performantes, pour valoriser leur engagement dans ce domaine. Le programme « Fret 21 » formalise quant à lui les engagements des chargeurs, autour de quatre axes : le taux de chargement, la distance parcourue, les moyens de transport et les achats responsables.

L'Ademe travaille également à l'élaboration d'un cadre national pour les chartes relatives à la logistique durable, à destination des collectivités territoriales, et promeut des initiatives innovantes dans ce domaine. Elle gère aussi les appels à projets concernant le développement du GNV, lancés dans le cadre du programme d'investissements d'avenir.

Votre rapporteur salue l'ensemble de ces démarches. Il recommande également le développement des transports combinés, qui utilisent la route en complément d'autres modes (ferroviaire ou fluvial par exemple). C'est la raison pour laquelle il appelle de ses voeux l'intégration de plateformes logistiques dans le projet du Canal Seine-Nord Europe, qui faciliteront le recours au mode fluvial en complément de la route, ainsi que la relance du projet d'autoroute ferroviaire entre le Nord de la France et la frontière espagnole.

II. UN BUDGET DE TRANSITION POUR 2018

A. VERS LA DÉFINITION D'UNE NOUVELLE STRATÉGIE POUR LES TRANSPORTS

Le Gouvernement actuel a fait le choix de donner la priorité aux transports de la vie quotidienne et au maintien de la qualité et de l'efficacité des réseaux de transport existants ainsi que leur optimisation.

Au début du mois de juillet 2017, le Président de la République a annoncé une pause dans l'engagement de grands projets d'infrastructures , le temps de réévaluer les besoins et la pertinence des différentes opérations, ainsi que de redéfinir la stratégie du pays dans ce domaine, avec le Parlement. Dans cette perspective, la Ministre des transports Élisabeth Borne a lancé des Assises de la mobilité le 19 septembre 2017, dont les travaux doivent aboutir à la rédaction d'une loi d'orientation des mobilités annoncée pour le premier semestre 2018.

Cette loi d'orientation devra comporter une programmation pluriannuelle des investissements dans le domaine des transports , pour répondre aux critiques formulées par la Cour des comptes au sujet de l'Afitf, tant sur l'insuffisante association du Parlement à la détermination des dépenses d'infrastructures de transport, que sur l'inadéquation entre les recettes et les dépenses.

La Ministre des transports a également demandé la réalisation d'un audit externe de l'entretien du réseau routier national , confié à un prestataire étranger indépendant. L'objectif de cet audit n'est pas de dresser l'état du réseau routier, qui est régulièrement évalué, mais d'aider l'État à préciser sa stratégie d'entretien du réseau en fonction des ressources disponibles, en s'inspirant notamment des pratiques d'autres pays. Cette étude s'ajoute à un travail d'audit interne mené par les services du ministère depuis 2015.

Dans ce contexte, les crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés aux transports présentent nécessairement les caractéristiques d'un budget de transition.

B. L'AUGMENTATION DU BUDGET DE L'AFITF

Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une augmentation du budget opérationnel de l'Afitf de 2,2 à 2,4 milliards d'euros. S'y ajoutera une contribution de 48 millions d'euros versée à la société Ecomouv', qui avait été chargée de la collecte de l'écotaxe, au titre de l'indemnité de rupture du contrat de partenariat.

Si le besoin de financement de l'agence avait été estimé dans un premier temps à 3,2 milliards d'euros pour 2018, il a mécaniquement été réduit par la pause annoncée dans la réalisation des projets d'infrastructures de transport. Par ailleurs, l'engagement ou le paiement de certains projets pourront être retardés, comme cela a été le cas par le passé.

Dans ce contexte, votre rapporteur considère que les recettes proposées pour l'Afitf en 2018 peuvent être acceptées, dans l'attente de la loi d'orientation des mobilités. Celle-ci devra en revanche impérativement déterminer, dans un cadre pluriannuel, d'une part, les dépenses d'infrastructures prioritaires, mais aussi, d'autre part, de nouvelles ressources permettant effectivement à l'Afitf d'assumer les engagements déjà pris par le passé et qui ne sauraient être remis en cause.

En ce qui concerne les dépenses de l'Afitf, le Gouvernement a fourni un budget prévisionnel, qui sera confirmé lors de l'adoption définitive du budget en décembre. Votre rapporteur appelle de ses voeux la désignation rapide d'un nouveau président à la tête de cette agence, restée vacante depuis le départ de Philippe Duron en juin dernier.

BUDGET PRÉVISIONNEL DE L'AFITF

Source : ministère chargé des transports.

C. L'AUGMENTATION DES CRÉDITS CONSACRÉS À L'ENTRETIEN ET À LA MODERNISATION DU RÉSEAU ROUTIER

Les crédits consacrés à l'entretien et à la modernisation du réseau routier augmenteront de près de 100 millions d'euros en 2018.

En effet, les crédits de l'Afitf consacrés à la modernisation du réseau existant, qui financent les programmes de régénération des chaussées, de mise en sécurité des tunnels ou des chaussées ou d'aménagement d'aires de repos, devraient augmenter de 385 à 482 millions d'euros , soit une hausse de 97 millions d'euros .

Les crédits de l'État , inscrits dans l'action n° 04 « Routes - entretien » du programme 203, sont quant à eux fixés à 320 millions d'euros en crédits de paiement (soit trois millions d'euros de plus que dans la loi de finances pour 2017) et 321 millions d'euros en autorisations d'engagement (soit 10 millions d'euros de plus que dans la loi de finances pour 2017). Ces crédits sont destinés à l'exploitation, à l'entretien courant et préventif du réseau routier national non concédé, aux opérations de réhabilitation et de régénération, aux aménagements de sécurité (sur les tunnels routiers notamment), à la gestion du trafic et à l'information routière des usagers.

Au total, les dépenses relatives à l'entretien et la modernisation des réseaux augmenteront de 702 millions d'euros à 802 millions d'euros . Ils seront également complétés par des fonds de concours des collectivités territoriales, évalués à 5 millions d'euros.

Votre rapporteur approuve cette augmentation des crédits, tout en soulignant que seul le résultat de l'audit externe, en cours, permettra de fixer le montant des dépenses permettant effectivement d'enrayer la dégradation du réseau. L'audit interne réalisé par les services du ministère estimait pour sa part qu'il faudrait un milliard d'euros chaque année de 2018 à 2027 pour améliorer dès 2018 la situation et arriver au niveau recherché en 2027.

D. LES AUTRES CRÉDITS DU PROGRAMME 203

Les crédits consacrés aux transports routiers figurent dans le programme 203 « Infrastructures et services de transports » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dans les actions suivantes :

- l'action n° 01 « Routes - développement » ;

- l'action n° 04 « Routes - entretien » ;

- l'action n° 47 « Fonctions supports » ;

- l'action n° 50 « Transports routiers ».

Il s'agit pour 2018 d'une nouvelle maquette, qui distingue plus précisément les crédits consacrés à chaque mode de transport, auparavant répartis dans des actions plus transversales.

L'action n° 01 « Routes - développement 6 ( * ) » regroupe les crédits ayant pour objet la modernisation du réseau routier national concédé et non concédé existant et son développement. Elle est intégralement financée par des fonds de concours versés par l'Afitf et les collectivités territoriales , qui cofinancent certaines opérations dans le cadre des contrats de plan État-régions.

Depuis plusieurs années, l'objectif de l'État est de limiter strictement l'augmentation de capacité du réseau routier au traitement des points de congestion, des problèmes de sécurité ou de besoins de dessertes des territoires et des grands pôles économiques et d'amélioration de la qualité de la vie (protection contre les nuisances sonores, etc.).

Le programme des investissements à réaliser dans ce domaine doit être discuté au cours des Assises de la mobilité, et être intégré à la future loi d'orientation des mobilités.

En attendant, le montant de ces fonds est évalué pour 2018 à un total de 568 millions d'euros en crédits de paiement (CP) , 398 millions provenant de l'Afitf et 170 millions des collectivités territoriales. Il est évalué à 461 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE). Mais il s'agit encore une fois d'estimations, le budget de l'Afitf étant en général arrêté en décembre.

D'après le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances, ces crédits doivent permettre « avant tout de poursuivre le financement des opérations en cours et le cas échéant d'engager, dans la limite des crédits alloués, de nouvelles opérations de modernisation dans le domaine routier inscrites au volet mobilité des contrats de plan État - région (CPER 2015-2020) ou au programme spécifique d'aménagement de la route centre Europe Atlantique dans la région Bourgogne. Ces moyens permettront également de continuer à financer le contrat de partenariat de la rocade L2 à Marseille (L2). »

L'action n° 04 « Routes - entretien 7 ( * ) » regroupe les crédits destinés à l'exploitation, à l'entretien et à la régénération du réseau routier évoqués ci-dessus (partie C.).

L'action n° 47 « Fonctions supports 8 ( * ) » comprend les dépenses transversales au programme « Infrastructures et services de transport ». Ses crédits de paiement sont fixés à 15,6 millions d'euros, en diminution de 3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Elle regroupe, d'une part, les dépenses d'études générales et de prospective, d'autre part, les dépenses de logistique de la DGITM ou de services qui lui sont rattachés.

Enfin, l'action n° 50 « Transports routiers 9 ( * ) » recouvre :

- d'une part, les dépenses nécessaires à la définition et à l'application des réglementations dans le domaine du transport routier, en particulier les actions de contrôle (3 millions d'euros en AE et CP) ;

- d'autre part, les dépenses d'accompagnement économique et social des professions en difficulté (1,7 million d'euros en AE et CP).

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « AIDES À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES »

Le dispositif du bonus-malus automobile a été mis en place en 2008, à la suite du Grenelle de l'environnement, pour encourager l'achat de véhicules neufs peu émetteurs de dioxyde de carbone (CO 2 ). Il a fait l'objet d'ajustements au fil des ans, pour prendre en compte les progrès technologiques comme pour assurer son équilibre budgétaire.

A. LE NOUVEAU BARÈME DU MALUS AUTOMOBILE

Le compte d'affectation spéciale bénéficie des recettes du malus automobile, régi par l'article 1011 bis du code général des impôts. L'article 24 du projet de loi de finances pour 2018 modifie son barème, qui avait déjà été ajusté en 2017.

LE BARÈME DU MALUS AUTOMOBILE
BARÈME APPLICABLE EN 2017

TAUX D'ÉMISSION DE DIOXYDE

TARIF DE LA TAXE

(en euros)

TAUX D'ÉMISSION DE DIOXYDE

TARIF DE LA TAXE

de carbone

(en grammes par kilomètre)

Taux = 126

0

160

2 773

127

50

161

2 940

128

53

162

3 113

129

60

163

3 290

130

73

164

3 473

131

90

165

3 660

132

113

166

3 853

133

140

167

4 050

134

173

168

4 253

135

210

169

4 460

136

253

170

4 673

137

300

171

4 890

138

353

172

5 113

139

410

173

5 340

140

473

174

5 573

141

540

175

5 810

142

613

176

6 053

143

690

177

6 300

144

773

178

6 553

145

860

179

6 810

146

953

180

7 073

147

1 050

181

7 340

148

1 153

182

7 613

149

1 260

183

7 890

150

1 373

184

8 173

151

1 490

185

8 460

152

1 613

186

8 753

153

1 740

187

9 050

154

1 873

188

9 353

155

2 010

189

9 660

156

2 153

190

9 973

157

2 300

191 = Taux

10 000

158

2 453

159

2 610

PUISSANCE FISCALE

TARIF DE LA TAXE

(en chevaux-vapeur)

(en euros)

Puissance fiscale = 5

0

6 = puissance fiscale = 7

2 000

8 = puissance fiscale = 9

3 000

10 = puissance fiscale = 11

7 000

12 = puissance fiscale = 16

8 000

16 < puissance fiscale

10 000

NOUVEAU BARÈME PROPOSÉ À L'ARTICLE 24 DU PROJET DE LOI DE FINANCES (APPLICABLE À PARTIR DU 1 ER JANVIER 2018)

Ce nouveau barème abaisse le seuil d'application du malus à 120 grammes de CO 2 par kilomètre , au lieu de 127 grammes de CO 2 par kilomètre. Le malus devrait s'appliquer à environ 21 % des ventes en 2018, pour environ 15 % en 2017.

Les prévisions de recettes correspondantes, de 388 millions d'euros , sont en hausse de 12 % par rapport à celles retenues pour l'année 2017 (347 millions).

B. VERS UNE EXTENSION DE LA PRIME À LA CONVERSION

En ce qui concerne les dépenses, le compte d'affectation spéciale retrace les crédits consacrés aux aides à l'acquisition de véhicules propres et aux aides au retrait de véhicules polluants.

Le bonus automobile est attribué pour l'achat ou la location de longue durée d'un véhicule neuf peu émetteur de CO 2 . Depuis 2015, ce bonus a été recentré sur les véhicules les plus vertueux dans ce domaine, les véhicules électriques ou hybrides . Ce recentrage vise aussi à limiter les émissions de polluants atmosphériques , dans un objectif d'amélioration de la qualité de l'air.

La prime à la conversion , cumulable avec le bonus automobile, est accordée lorsque l'acquisition ou la location de longue durée d'un véhicule peu émetteur de CO 2 est effectuée en remplacement d'un véhicule ancien polluant (véhicule diesel immatriculé avant le 1 er janvier 2006, date d'entrée en vigueur de la norme Euro 4). Elle a été mise en place à partir de 2015 pour agir sur le parc automobile en circulation .

Pour obtenir la prime à la conversion, le véhicule ancien doit être remis, dans les six mois suivant la date de facturation du véhicule acquis ou loué, à un centre de traitement des « véhicules hors d'usage » (VHU) ou à un broyeur agréé, qui délivre à son propriétaire un certificat de destruction du véhicule.

Les conditions d'attribution de ces aides figurent aux articles D. 251-1 à D. 251-13 du code de l'énergie .

LE BARÈME DU BONUS AUTOMOBILE ET DE LA PRIME À LA CONVERSION EN 2017

Taux d'émission

Montant du bonus automobile

Montant de la prime à la conversion

Montant total des aides

de CO 2

(en grammes par kilomètre)

0 à 20 g

(véhicules électriques)

27 % du coût d'acquisition, dans la limite de 6 000 euros

4 000 euros

10 000 euros

21 à 60 g (véhicules hybrides rechargeables)

1 000 euros

2 500 euros

3 500 euros

Plusieurs nouveautés ont été apportées en 2017 :

- le bonus octroyé pour l'achat de véhicules hybrides non rechargeables (émettant de 61 à 110 grammes de CO 2 par kilomètre) a été supprimé ;

- un bonus a été créé pour les véhicules à 2 ou 3 roues et quadricycles à moteur électrique dont le moteur est doté d'une puissance maximale nette supérieure ou égale à 3 kWh et qui n'utilisent pas de batterie au plomb. Le montant de l'aide est fixé à 250 euros par kWh d'énergie de la batterie, sans être supérieur à 27 % du coût d'acquisition toutes taxes comprises (augmenté le cas échéant du coût de la batterie si celle-ci est prise en location), dans la limite de 1 000 euros ;

- un bonus a été créé pour l'achat de vélos à assistance électrique, à hauteur de 20 % du coût d'acquisition, dans la limite de 200 euros ;

- la prime à la conversion a été étendue à la mise au rebut des camionnettes.

Les ménages non imposables au titre de l'impôt sur le revenu ont continué, comme en 2016, d'être éligibles à une prime à la conversion spécifique :

- de 1 000 euros pour l'acquisition ou la location longue durée d'un véhicule neuf ou d'occasion électrique ou respectant la norme Euro 6 et émettant moins de 110 g de CO 2 par kilomètre, à condition qu'il n'utilise pas de gazole ;

- de 500 euros pour l'acquisition ou la location longue durée d'un véhicule neuf ou d'occasion respectant la norme Euro 5 et émettant moins de 110 g de CO 2 par kilomètre, à condition qu'il n'utilise pas de gazole.

Depuis sa création en 2015, 19 000 véhicules ont donné lieu au versement d'une prime à la conversion.

BILAN DES AIDES VERSÉES EN 2016

Bonus

27 131 véhicules électriques ont bénéficié d'un bonus de 6 300 euros, 3 893 véhicules hybrides rechargeables ont bénéficié d'un bonus de 1 000 euros et 35 754 véhicules hybrides (émettant entre 61 et 110 grammes de CO 2 par kilomètre) ont bénéficié d'un bonus de 750 euros.

Primes à la conversion

8 727 véhicules électriques et 100 véhicules hybrides rechargeables ont été achetés avec la mise au rebut d'un vieux diesel (primes de respectivement 3 700 euros et 2 500 euros).

La prime à la conversion réservée aux ménages non imposables a donné lieu à 242 versements.

En 2018, le Gouvernement souhaite mettre l'accent sur la prime à la conversion, afin d'élargir son nombre de bénéficiaires, relativement limité jusqu'à présent. Cette mesure figure dans le Plan Climat présenté par le Ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, au mois de juillet 2017.

Les dépenses du compte d'affectation spéciale sont ainsi réparties :

- 261 millions d'euros pour le financement du bonus automobile (pour 320 millions d'euros en 2017) ;

- 127 millions d'euros pour le financement de la prime à la conversion (pour 27 millions d'euros en 2017).

Les modifications du bonus envisagées sont :

- la suppression du bonus pour les véhicules hybrides rechargeables ;

- la diminution du bonus versé pour l'achat des 2 ou 3 roues et quadricycles à moteur électrique à 900 euros ;

- la non-prolongation du bonus pour les vélos à assistance électrique, qui expire au 31 janvier 2018. La Ministre des transports a néanmoins lancé une réflexion à ce sujet dans le cadre des Assises de la mobilité, l'annonce de cette mesure ayant fait l'objet de vives réactions.

La prime à la conversion aujourd'hui réservée aux ménages non imposables sera généralisée , suivant des modalités un peu différentes. Tous les ménages pourront bénéficier d'une prime de 1 000 euros pour l'achat ou la location d'un véhicule neuf ou d'occasion électrique ou classé Crit'air 1 ou 2 (véhicules hybrides rechargeables, véhicules circulant au gaz ou à l'hydrogène, véhicules essence de la norme Euro 4, 5 ou 6 10 ( * ) , véhicules diesel de la norme Euro 5 et 6 11 ( * ) ) émettant moins de 130 grammes de CO 2 par kilomètre s'accompagnant de la mise au rebut, soit d'un véhicule diesel immatriculé avant 2001, soit d'un véhicule essence immatriculé avant 1997.

Les ménages non imposables auront droit à une prime supplémentaire de 1 000 euros, soit un total de 2 000 euros. Ils pourront par ailleurs continuer à bénéficier de la prime à la conversion si le véhicule mis au rebut est un véhicule diesel immatriculé avant 2006 et non avant 2001.

Une prime à la conversion de 100 euros est créée pour l'achat d'un véhicule à 2 ou 3 roues et quadricycles à moteur électrique s'accompagnant de la mise au rebut d'une voiture ou d'une camionnette ancienne. Cumulée avec le bonus, l'aide totale accordée pour l'achat d'un tel véhicule pourra ainsi atteindre 1 000 euros. Les ménages non imposables bénéficieront d'une prime supplémentaire de 1 000 euros.

La prime à la conversion accordée pour l'achat d'un véhicule électrique neuf diminuera quant à elle de 4 000 à 2 500 euros, et il n'y aura plus de prime spécifique pour l'achat d'un véhicule hybride, qui rentrera dans le dispositif de droit commun, permettant une aide de 1 000 euros.

Cette évolution du dispositif devrait permettre le versement de 100 000 primes à la conversion en 2018.

Votre rapporteur approuve, dans l'ensemble, ces évolutions du compte d'affectation spéciale. Le recentrage du bonus sur les véhicules électriques, entamé il y a quelques années déjà, a l'avantage de favoriser une filière d'avenir, en pleine émergence, qui est efficace à la fois pour réduire les émissions de CO 2 et les émissions de polluants atmosphériques. La suppression du bonus et de la prime à la conversion spécifique en faveur des véhicules hybrides peut être regrettée, mais elle concourt à l'équilibre budgétaire du compte.

Votre rapporteur se félicite également que ce dispositif soit maintenu pour les deux ou trois roues électriques, pour lesquels ce type d'énergie a une très forte pertinence, puisqu'ils effectuent des trajets courts, ce qui facilite les possibilités de recharge.

Enfin, l'élargissement du champ de la prime à la conversion devrait permettre d'agir plus efficacement sur le parc roulant en circulation, qui est le plus préoccupant sur le plan des émissions.

TRAVAUX EN COMMISSION

I. AUDITION DE LA MINISTRE

Réunie le mercredi 8 novembre 2017, la commission a entendu Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire, chargée des Transports.

M. Hervé Maurey , président . - Madame la Ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir, pour la deuxième fois depuis que vous êtes au gouvernement, devant notre commission. Nous vous avons invitée pour discuter des crédits du projet de loi de finances consacrés aux transports et à la mobilité, mais aussi pour évoquer les nombreux sujets d'actualité de ce secteur en pleine mutation. Je rappelle à nos nouveaux collègues que lorsque vous êtes venue devant la commission le 20 juillet dernier, c'était pour nous présenter votre feuille de route. Vous avez ainsi lancé, au mois de septembre, les Assises de la mobilité, destinées à redéfinir les priorités dans ce secteur. Elles doivent déboucher sur une loi d'orientation, qui permettra notamment la programmation des projets et des financements de l'État sur cinq ans.

S'agissant du budget pour 2018, nous nous interrogeons - comme les années précédentes - sur les ressources de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'Afitf. Certes, son budget devrait augmenter, de 2,2 à 2,4 milliards d'euros. Mais Philippe Duron, l'ancien président de l'Afitf, estimait en août dernier qu'il lui faudrait un budget de 3 milliards d'euros dès 2018 pour assumer l'ensemble des engagements de l'État... Comment l'agence va-t-elle pouvoir faire face à cette insuffisance de financements ?

Après votre propos liminaire, je laisserai la parole aux différents rapporteurs pour avis des crédits consacrés aux transports - Nicole Bonnefoy pour les transports aériens, Jean-Pierre Corbisez pour les transports routiers, Gérard Cornu pour les transports ferroviaires, collectifs et fluviaux et Charles Revet pour les transports maritimes - pour qu'ils puissent vous poser des questions précises sur ces différents aspects du budget des transports.

Je voudrais juste ouvrir quelques pistes pour lancer nos débats. Et je me contenterai des deux grands domaines de préoccupation récents de la commission. Le premier concerne le financement de l'entretien et de la régénération du réseau routier national, sur lequel la commission a donné l'alerte cet été. Nous attendons que vous nous disiez si l'augmentation des crédits prévus pour 2018 sera suffisante pour enrayer la dégradation du réseau.

Dans le domaine ferroviaire, le Premier ministre a confié à Jean-Cyril Spinetta la mission ambitieuse de réfléchir à la refondation du système ferroviaire. Nous avons entendu de nombreuses inquiétudes de la part des territoires concernant les dessertes. Par ailleurs, mes collègues Michel Dagbert, Gérard Cornu et moi-même, qui siégeons au Conseil d'orientation des infrastructures, avons été très étonnés de constater l'absence du critère de l'aménagement du territoire dans les critères d'évaluation d'un projet. Pour nous, il est incompréhensible que l'utilité d'un projet ne soit examinée qu'à l'aune de sa rentabilité financière.

Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des enjeux à traiter, mais en voici quelques-uns. Tout d'abord, la dette de SNCF Réseau va dépasser les 50 milliards d'euros à la fin de l'année et augmente de 3 milliards d'euros chaque année : c'est un sujet de préoccupation majeur pour nous, qu'envisagez-vous ?

Je souhaite également évoquer le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau, signé quelques jours avant les élections présidentielles, malgré un avis très négatif de l'Arafer et sur lequel nous avions émis de vives réserves, tant sur la forme que sur le fond. Allez-vous rouvrir ce chantier pour corriger les insuffisances du contrat et en faire un véritable outil d'amélioration de la performance de l'opérateur ?

Enfin, l'Arafer demande depuis 2011 une réforme de la tarification du réseau. En 2015, l'Arafer avait exigé que cette réforme soit effective pour l'année 2018. Mais SNCF Réseau n'a pas respecté ce délai, et vous avez signé un décret lui permettant de s'affranchir de l'avis conforme de l'Arafer pour 2018. Or, ce décret est contestable à plusieurs égards : tout d'abord, il est en contradiction avec la loi de réforme ferroviaire de 2014. Ensuite, il permet à SNCF Réseau, pour 2018, d'indexer ses péages conformément au contrat-cadre signé avec l'État, alors que l'Arafer s'est vivement opposée à cette indexation. Enfin, il n'encourage pas les opérateurs à mettre en oeuvre les réformes nécessaires dans les temps.

Cette dernière remarque me permet de passer à un autre sujet : la libéralisation du transport de voyageurs. Une proposition de loi, issue des travaux de la commission, devrait être examinée en début d'année prochaine. Je reste en effet très inquiet au sujet du calendrier de mise en oeuvre de cette réforme. Les échéances fixées à l'échelle européenne nous laissent très peu de temps pour légiférer. Ce sujet sera-t-il traité dans la loi d'orientation sur la mobilité annoncée pour le premier semestre 2018 ? Le cadre législatif de cette réforme d'envergure pourra-t-il être définitivement fixé au 1 er janvier 2019, comme les textes européens le prévoient pour les TGV ? Enfin, les régions pourront-elles ouvrir à la concurrence leurs services TER dès le 3 décembre 2019, comme l'impose le quatrième paquet ferroviaire ? L'administration a régulièrement entretenu une certaine confusion à ce sujet ces dernières années. Ainsi, la lettre de mission du Premier ministre à M. Spinetta parle d'une période de transition. Quelle en est la signification ? En effet, par définition, une période transitoire va exister, car la mise en concurrence se fera au fur et à mesure de l'arrivée à échéance des contrats actuels.

Mme Élisabeth Borne, ministre . - Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je suis très heureuse d'être devant votre commission, que je sais compétente et engagée dans le domaine des transports. Elle est également enrichie de nouveaux talents depuis mon audition du 20 juillet dernier au terme du renouvellement sénatorial de septembre.

En juillet dernier, j'avais présenté ma feuille de route, articulée autour de trois objectifs : orienter, protéger, soutenir. Orienter, c'est préparer les mobilités des prochaines décennies, avec un objectif clair, celui de la mobilité pour tous, et dans tous les territoires, adaptée aux besoins de la population et de l'économie. Protéger, ensuite, c'est dans un monde de plus en plus ouvert, définir les conditions dans lesquels les opérateurs vont agir et anticiper les risques. Mais c'est aussi donner des garanties pour que cette ouverture ne se fasse pas au détriment des salariés, des entreprises et des consommateurs, face aux distorsions qu'elle peut créer. Soutenir, enfin, c'est structurer et appuyer les filières économiques, de la logistique, de l'industrie et de la mer.

Beaucoup de travaux ont été engagés depuis juillet. Ainsi, les Assises nationales de la mobilité ont été lancées le 19 septembre dernier. Le Sénat est pleinement associé à ces travaux - c'était d'ailleurs une attente forte de votre commission. Par ailleurs, le conseil d'orientation des infrastructures, présidé par Philippe Duron et auquel vous avez bien voulu vous associer Monsieur le Président, ainsi que deux de vos collègues, MM. Cornu et Dagbert, a été mis en place. J'ai confié à Jean-Cyril Spinetta une mission sur le modèle du transport ferroviaire. En outre, Anne-Marie Idrac vient d'être désignée Haut responsable de la stratégie nationale pour le véhicule autonome, et une mission lui a également été confiée sur ce thème.

Les défis ne manquent pas et je porte une politique ambitieuse et réaliste. Je ne souhaite pas être la ministre des promesses irréalisables. Il est en effet temps de regarder la réalité des besoins, et pas seulement les projets qui ont été promis depuis des décennies. Il est également temps de mettre en adéquation nos moyens et nos ambitions. Il peut paraitre paradoxal de prévoir pour 3 milliards d'euros de dépenses sur le budget de l'Afitf, alors que les ressources ne sont que de 2,2 milliards d'euros.

Le budget pour l'année 2018 est ainsi un budget de transition, dans l'attente de l'aboutissement des chantiers ouverts. Je sais que je pourrai compter sur votre commission pour nous aider à mieux définir les priorités soutenables, comme nous y aide aussi la mobilisation de nos concitoyens et de nombreux acteurs du secteur. Ce projet de loi de finances 2018 n'est qu'une nouvelle étape de la réorientation que nous avons engagée en faveur des transports du quotidien et de la remise à niveau des réseaux existants.

Assises, budget 2018, loi d'orientation des mobilités et de programmation, conclusions de la mission Spinetta vont rythmer ces prochains mois et concrétiser ma feuille de route dont les cinq axes sont les suivants : mettre en place une stratégie des mobilités adaptée aux besoins de nos populations ; rétablir un financement réaliste de nos infrastructures ; veiller à ce que l'ouverture à la concurrence du ferroviaire soit bénéfique pour l'ensemble du secteur ; veiller à soutenir les filières logistiques et industrielles ; relever les nouveaux défis en matière de sécurité et de sureté et améliorer l'efficience de l'action publique.

En ce qui concerne la mise en place d'une stratégie des mobilités adaptée aux besoins des populations, les Assises de la mobilité qui se déroulent jusqu'à la fin de l'année déboucheront sur une loi d'orientation des mobilités qui sera présentée au Parlement début 2018. Il nous faut donner la priorité aux transports de la vie quotidienne, à l'entretien et la modernisation des réseaux existants. C'est la raison pour laquelle, les crédits consacrés à la réalisation des contrats de partenariat État-Régions (CPER), outil précieux permettant la réalisation d'ambitions partagées entre les régions, les collectivités et l'État, ne sont pas concernés par la pause que j'ai demandée. Ils pourront en outre être augmentés dans le cadre du budget de l'Afitf. De même, les crédits consacrés à la régénération et à la modernisation du réseau routier national vont connaître une hausse très significative de 25 %, soit 100 millions d'euros. Toutefois, nous ne sommes pas au bout des efforts nécessaires pour remettre en état le réseau routier, mais nous avons voulu engager une première marche. Le mouvement est également engagé sur le fluvial, où 10 millions d'euros supplémentaires sont prévus, soit une hausse de 14 %. Par ailleurs, les commandes de l'État pour les trains d'équilibre du territoire pourront être honorées en totalité, pour l'ensemble des régions, en 2018.

Deuxièmement, je souhaite un rétablissement d'un financement réaliste et sincère de nos infrastructures. Il n'est plus acceptable de promettre des projets sans assurer leur financement. Un changement complet de méthode, en la matière, s'impose.

Dans le cadre de la priorité à l'entretien et à la régénération des réseaux, j'ai lancé des audits des réseaux routiers et fluviaux afin de connaître leur état réel, à l'instar de ce qui avait dû être fait en urgence pour le ferroviaire. Je suis consciente de cette absolue nécessité de mieux connaître nos réseaux avant de décider d'une vraie politique de rénovation à la hauteur des enjeux et sans attendre leur dégradation trop avancée. En effet, une fois arrivé à un tel état de dégradation, il est ensuite très difficile et coûteux de remettre les réseaux en état. C'est ce que l'on souhaite éviter dans le domaine des réseaux routiers et fluviaux. Il fallait aussi stabiliser les deux grands projets européens que sont la ligne ferroviaire Lyon-Turin et le canal Seine-Nord Europe. Nous travaillons pour d'une part, financer sur plusieurs décennies - dans un montage en financement de projet - des infrastructures construites pour durer plus d'un siècle, d'autre part, dégager des ressources dédiées, de façon à ce que ces projets ne viennent pas obérer la capacité à financer quoi que ce soit d'autre dans le cadre de l'Afitf.

Le Conseil d'orientation des infrastructures prépare les choix soutenables qui seront soumis au Parlement début 2018 dans la loi de programmation des infrastructures.

Sans attendre les conclusions de ces travaux qui rendront possibles la sortie de la pause annoncée par le Président de la République le 1er juillet 2017, et en lien avec la première priorité aux réseaux existants que j'ai développée, il nous est apparu nécessaire d'augmenter de 200 millions d'euros les recettes de l'Afitf dès 2018.

Au-delà des financements de l'Afitf, le grand plan d'investissement et les actions combinées avec le ministère de la Transition énergétique et solidaire nous permettront d'accélérer la transition énergétique des transports, notamment dans le domaine de la motorisation, mais aussi en favorisant les mobilités collectives ou partagées pour les personnes, et les modes les plus respectueux de l'environnement pour les marchandises.

Le troisième axe est celui de la régulation et de la transformation du secteur des transports, en général, et du ferroviaire en particulier. Cela suppose de rétablir un modèle économique qui n'est plus soutenable dans le domaine ferroviaire : chacun a en tête que la dette de SNCF est de 45 milliards d'euros en 2017. Elle augmente de 3 milliards d'euros par an alors que l'État versera, en 2018, 2,4 milliards d'euros de concours ferroviaires via le programme 203.

Cette « remise en ordre » du secteur ferroviaire est indispensable à la veille d'une ouverture à la concurrence prévue dans le cadre du 4 è paquet ferroviaire dont nous devons faire une réussite pour tous les acteurs : voyageurs, cheminots, régions, autorités organisatrices. J'ai pu pointer le déséquilibre des dessertes TGV : 70 % de celles-ci sont aujourd'hui déficitaires, alors même que les voyageurs trouvent que le prix des billets est souvent élevé. J'ai aussi souligné que le mode de desserte que nous avons retenu, dans lequel les TGV ne circulent pas uniquement sur des voies à grande vitesse, mais assurent une desserte fine des territoires, a un coût. Pour autant, je pense que chacun est attaché à ce mode de desserte. Il n'est pas question de le remettre en cause. Toutefois, il nous faut avoir une stratégie d'ensemble cohérente, vis-à-vis de la SNCF, et ne pas demander tout à la fois des TGV qui assurent une desserte fine des territoires, des billets moins chers, et des péages élevés. Cela renvoie à la question des péages. Là encore, nous sommes dans une période de transition. Compte tenu de la réflexion qui est engagée, il nous fallait prendre des dispositions pour l'année 2018. Mais je vous confirme que le rôle de l'Arafer est particulièrement précieux. C'est une corde de rappel utile, par rapport à une approche qui pourrait être exclusivement comptable, alors que les péages sont pour moi un levier fondamental de la politique des transports. Je suis attachée à ce que le TGV reste un mode de transport pour tous, qui continue à assurer une desserte des territoires. Il faut en tirer les conclusions s'agissant des péages.

La régulation, c'est aussi le cadre européen pour les transports, avec notamment les discussions qui s'engagent sur le paquet « mobilité », dans la suite de celles qui ont pu être conclues au conseil des ministres du travail sur la directive « travailleurs détachés ». Ce seront des discussions qui seront très certainement soutenues.

C'est également au niveau de l'Europe que se dessinent la modernisation du contrôle aérien et les investissements qui l'accompagnent, portés en France par le budget annexe « contrôle exploitation aériens », dans un contexte de hausse des trafics. Par ailleurs le dernier protocole social de la DGAC a permis d'améliorer la flexibilité du travail pour répondre de façon efficace aux pointes.

C'est, en revanche, au niveau national que nous devrons définir un cadre législatif pour les plateformes numériques permettant tout à la fois de libérer les initiatives, de protéger les usagers et les travailleurs et d'assurer une concurrence loyale entre les acteurs.

Le quatrième axe vise à soutenir les filières logistiques et industrielles. Il se retrouve dans deux grands programmes. Tout d'abord dans les crédits de la DGAC, pour lesquels, il nous a semblé indispensable de revenir à un niveau qui se rapproche des montants de l'Allemagne ou de l'Angleterre - soit un soutien de 135 millions d'euros pour 2018, pour la recherche aéronautique civile. C'est important dans un secteur qui représente près de 200 000 emplois et aura recruté près de 8 000 nouveaux collaborateurs en 2017. Toutefois, les crédits de Recherche et Développement avaient été ramenés à zéro en 2017.

Ces enjeux se retrouvent également dans la stratégie portuaire et maritime que le Premier ministre présentera aux assises de l'économie de la mer le 21 novembre au Havre. Le Gouvernement doit encore préciser ses positions tant fiscales que budgétaires en tenant compte des décisions récentes du Conseil d'État et de la Commission européenne.

Le cinquième axe concerne les nouveaux défis en matière de sécurité et de sûreté et d'amélioration de l'efficience de l'action publique. Le premier défi, c'est d'abord de rendre plus sûrs tous les transports. La sécurité est toujours au coeur des préoccupations, notamment dans les transports publics. Depuis 2001, la sûreté est devenue tout aussi critique et nous connaissons malheureusement des menaces terroristes avérées.

En matière de sûreté, le transport aérien est en première ligne dans un cadre défini au niveau international, celui de l'OACI, ou européen. Le gouvernement dispose d'un processus national efficace de décision associant toutes les forces de sécurité s'appuyant sur un service technique, le STAC (service technique de l'aviation civile), très compétent et internationalement reconnu. Il intègre maintenant l'évaluation des aéroports étrangers d'où pourraient venir les menaces.

Les transports terrestres et maritimes vont aussi devoir intégrer ces exigences, y compris en capitalisant sur l'expérience de l'aviation civile via des comités interministériels terrestres, maritime et portuaire. Vous avez eu à vous prononcer sur la loi dite Savary. De nouveaux moyens ont été mis en place dans ce domaine. Nous avons pu avec le Premier ministre nous rendre sur le terrain, vendredi dernier, pour mesurer la mobilisation des opérateurs et l'efficacité des mesures mises en place, suite à cette loi. Nous allons devoir continuer à travailler sur ces sujets : outre la présence humaine, les enjeux de vidéo-protection sont encore très importants. Nous avons encore des marges de progrès, en mettant en oeuvre des technologies de vidéos intelligentes.

Ces exigences auront sans doute vocation à trouver une traduction budgétaire directe sur les programmes 203 et 205. Le programme 203, au-delà des subventions au ferroviaire, permet notamment des interventions dans le domaine des infrastructures routières (y compris en termes d'exploitation), dans le domaine fluvial, via VNF, ainsi que l'ensemble des régulations des transports terrestres. Il est en légère hausse de 0,4 % et recevra ensuite le rattachement des fonds de concours de l'Afitf pour l'État, en tant que maître d'ouvrage des routes nationales. Dans le domaine maritime, c'est l'ensemble du système des affaires maritimes qui est porté par le programme 205, dont le périmètre a été réduit par le départ de la pêche au Ministère de l'agriculture. Il est en baisse de 13 %.

Il s'agit donc d'un budget de transition qui traduit déjà la réorientation des priorités que j'ai souhaitée et qui, je crois, trouve un écho dans les priorités de votre commission Ainsi, la priorité à la mobilité du quotidien est déjà engagée à travers l'augmentation des ressources consacrées à la régénération des réseaux routiers, ferroviaires, fluviaux et portuaires.

Mais c'est également un budget de transition parce que les travaux engagés dans le cadre des Assises de la mobilité et avec le Conseil d'orientation des infrastructures devront trouver leur traduction dans la loi d'orientation des mobilités qui visera à définir le cadre propice au développement des mobilités de demain. La loi de programmation qui sera portée aura pour objectif de sortir de la spirale des promesses non tenues et de présenter une trajectoire plus adaptée aux réalités des besoins de notre pays. Je tiens à vous assurer, Monsieur le Président, que les enjeux d'aménagement du territoire seront bien pris en compte. Il s'agit de rétablir la confiance que les collectivités et nos concitoyens peuvent avoir dans les engagements de l'État.

M. Gérard Cornu . - Vous avez plusieurs fois rappelé que c'est un budget de transition. On peut le constater. J'approuve également votre méthodologie et le fait que vous souhaitez rompre avec la spirale des promesses non tenues. La pause demandée dans la construction des infrastructures devra se traduire, grâce au Conseil d'orientation des infrastructures et aux diverses commissions mises en place, par des effets concrets. J'espère que nous arriverons à trouver une méthode différente de celle existant auparavant.

Ma première question concerne le transfert des trains d'équilibre des territoires au TER. Vous nous avez dit qu'un accord avait été trouvé avec toutes les régions. Or, il me semblait qu'il y avait encore des problèmes dans deux régions, à savoir Les-Hauts-de-France et le Centre-Val-de-Loire, où il n'y aurait pas de formalisation de cet accord. Les montants sont importants : 480 millions d'euros pour la région Centre-Val-de-Loire et 250 millions d'euros pour Les-Hauts-de-France. Je tiens à rappeler que l'État s'est engagé à renouveler le matériel roulant. Or, des doutes subsistent. Pouvez-vous nous donner plus de précisions sur ce sujet ?

La Cour des comptes vous a envoyé, en juillet dernier, un référé sur le fret ferroviaire. À ma connaissance, vous n'y avez pas encore apporté de réponse. Le référé pointe les incohérences de l'État - à une époque où vous n'étiez pas ministre -, puisque malgré une volonté affichée de soutenir le fret ferroviaire, l'État n'a cessé de prendre des décisions le pénalisant fortement. On se souvient ainsi de l'abandon de l'écotaxe, de l'autorisation de circulation donnée aux poids lourds de 44 tonnes, ou encore de l'adoption d'un régime social très favorable pour la branche ferroviaire. Quelle est votre vision du fret ferroviaire ? Jusqu'à présent, si tout le monde est d'accord pour soutenir le fret, cela ne se traduit pas dans les faits.

M. Jean-Pierre Corbisez . - Le budget de l'Afitf va connaître une augmentation de 200 millions d'euros. Je m'en félicite, toutefois son budget reste très contraint et imposera de retarder des projets, ou d'échelonner les dépenses et les paiements. Fin 2016, l'agence avait déjà pris des engagements financiers pour un montant de 12,6 milliards d'euros, alors même que le contrat de plan 2015-2020 venait à peine d'être entamé. Ce qui est regrettable, c'est que le résultat de l'audit de nos voiries nationales ne sera connu qu'en décembre prochain. L'augmentation de 100 millions d'euros pour la rénovation du réseau routier sera-t-elle suffisante ? Par ailleurs, le nouveau président de l'Afitf sera-t-il prochainement nommé ?

Le gouvernement a récemment annoncé avoir trouvé un compromis pour le canal Seine Nord Europe. Toutefois, plusieurs points restent à préciser. Ainsi, la société du projet pourrait emprunter un milliard d'euros pour le compte de l'État. Ce dispositif envisagé sera-t-il respecté, sans instauration de nouvelles taxes touchant les populations du territoire des Hauts-de-France ? Par ailleurs, vous avez rappelé votre intention de soutenir la filière logistique. Or actuellement, lorsque l'on évoque le projet du canal Seine Nord Europe, on ne parle que du canal, mais pas des aménagements pour le développement économique, ou encore de construction de plateformes multimodales. Il serait ainsi anormal de construire dans un premier temps un canal, puis de réfléchir aux infrastructures logistiques, avant de se rendre compte qu'il faille détruire une partie du canal pour construire une plateforme multimodale.

Mme Nicole Bonnefoy . - Je salue la clarté de vos propos et votre détermination. Vous avez annoncé la tenue d'assises du transport aérien en 2018. J'y vois une volonté du gouvernement de soutenir la compétitivité de notre pavillon et de notre industrie aéronautique. Pouvez-vous d'ores et déjà nous donner des éléments sur le contenu de ces assises ? Peut-être pouvez-vous présenter des premières propositions ? Je pense notamment à l'avenir de la taxe Chirac, ou au coût de la sureté dans le transport aérien.

Vous avez parlé de la priorité que vous souhaitez accorder aux transports de la vie quotidienne. À ce sujet, je pense à la ligne Limoges-Angoulême, qui est dans un état désastreux. Or, c'est un train du quotidien pour des travailleurs, apprentis, lycéens, et des familles. Pouvez-vous non confirmer que la réhabilitation de cette ligne est une priorité ? Quel en sera le calendrier ?

Dans le cadre des Assises de la mobilité, des conférences des territoires ont été organisées. Il y en a eu une dans mon département. Ce qui remonte des territoires, et notamment des territoires ruraux, c'est la volonté de pouvoir expérimenter une taxe poids lourds. Vous le savez, mon département de la Charente est traversé par deux nationales, la nationale 10 et la nationale 141, qui sont un flot continu de poids lourds, lesquels fatiguent la chaussée, provoquent des accidents, engendrent des nuisances. Ils n'apportent ainsi pas un juste retour sur le plan économique aux territoires qu'ils traversent. Il y a une volonté des collectivités - des communautés de communes, mais aussi de la région Nouvelle-Aquitaine - d'avoir la possibilité d'expérimenter au plus tôt une taxation régionale des poids lourds.

Enfin, je vais me faire porte-parole des riverains de la LGV, en particulier ceux de la ligne Tours-Bordeaux, victimes de nuisances sonores très importantes. La semaine dernière, j'ai posé une question orale à ce sujet, et la réponse obtenue ne me satisfait qu'à moitié. J'ai bien noté que le ministère était informé de cette situation, et que des études acoustiques sont en cours. Mais la méthode utilisée pour ces dernières ne satisfait ni les riverains, ni les élus, qui souhaiteraient que soient mieux pris en compte le ressenti et les pics sonores. En outre, il a été évoqué l'utilisation du fonds de solidarité territoriale pour participer financièrement à la construction d'un mur anti-bruit. Je tiens à rappeler que ce fonds est destiné aux communes et collectivités traversées par les LGV, afin de les dédommager des préjudices subis, et non à la construction de murs anti-bruit. Les élus locaux m'ont fait part de leur mécontentement face à cette annonce.

M. Charles Revet . - J'ai été rapporteur de la réforme portuaire de 2008, créant les grands ports maritimes français. À de très nombreuses reprises, j'ai répété que la France dispose d'une place privilégiée - notamment Marseille et Le Havre qui sont les ports géographiquement les mieux placés en Europe du Sud et du Nord. Or aujourd'hui, on ne peut que constater le recul de l'activité de nos 7 grands ports maritimes. Ainsi, il y a 20-25 ans, le Havre traitait autant de conteneurs qu'Anvers. Aujourd'hui, Anvers traite plus de conteneurs que l'ensemble des ports français réunis. Nous sommes géographiquement les mieux placés, mais sommes les derniers en Europe. Comment expliquer cette situation ?

En outre, envisagez-vous de décentraliser la gouvernance des ports ? Je ne parle pas d'un transfert des ports aux régions ou aux autres collectivités, mais simplement d'une décentralisation de leur gouvernance. En effet, en Europe, il n'y a que deux États, où les ports sont des ports d'État : l'Espagne et la France. Il y a quelques années, l'Espagne a décidé d'en décentraliser la gouvernance. Depuis, le trafic maritime y a augmenté.

Le projet de loi de finances pour 2018 supprime l'exonération des charges patronales introduite par la loi pour l'économie bleue de 2016. Je ne développerai pas d'avantage - je pense que notre collègue Didier Mandelli le fera - mais je voudrais avoir votre position sur ce sujet.

Enfin, nous devons préparer nos ports à l'ouverture du canal Seine Nord Europe. L'actuel Premier ministre - qui était le maire du Havre - n'y était pas très favorable mais ce canal est souhaité par l'Union européenne et par l'ensemble des collectivités. Pour moi, le canal se fera. Il faut alors que nos ports soient prêts, notamment ceux de l'axe de la Seine, afin qu'ils ne payent pas le prix de cette ouverture. Actuellement, 85 % du post et préacheminement des marchandises vers et en provenance des ports se fait par la route ; à peine 15 % par voie fluviale ou ferroviaire. Envisagez-vous de mettre en place un équipement, afin que les ports de la Seine soient opérationnels et dans de bonnes conditions, avant l'ouverture du canal ?

M. Hervé Maurey , président . - Nous allons sans doute organiser au mois de décembre une table ronde sur la question du canal Seine Nord Europe. Les services du ministère seront naturellement étroitement associés.

Mme Fabienne Keller . - Tout comme nombre de mes collègues, je salue votre démarche, claire, structurée et courageuse. Vous proposez une grande remise à plat, en examinant tous les projets.

Sur l'écotaxe, vous avez évoqué le fait qu'il faudrait pouvoir faire payer les poids lourds en transit. Nous sommes tous d'accord sur ce point. L'idée d'une taxe régionale a été évoquée. Mais comment garantir une cohérence à l'échelle nationale ? L'augmentation de la TICPE, remplace certes cette année encore les recettes attendues de l'écotaxe, mais elle ne présente pas la même dynamique potentielle que cette dernière.

Vous nous avez dit avoir confié une mission sur les péages et le droit de passage des trains. En effet, le péage décourage parfois l'exploitant de faire des propositions de trains supplémentaires en raison du coût. Il préfère plutôt accoupler les trains, car cela revient à un péage moins cher au final. Je souhaitais vous interroger sur ce point.

Enfin, en cette période de COP 23, je me permets de rappeler une proposition que nous avions faite dans le cadre des travaux préparatoires pour la COP 21. Elle concernait les carburants des avions et les carburants maritimes, qui sont souvent des bitumes et carburants de mauvaise qualité, contribuant à une pollution importante, notamment dans les ports. Ces carburants ne sont pas fiscalisés aujourd'hui. Ne pourrait-on pas appliquer, au niveau mondial, une toute petite taxe sur ces derniers, qui alimenterait le fonds vert ?

Mme Élisabeth Borne, ministre. - Les engagements que l'État a pris concernant le renouvellement du matériel des trains d'équilibre du territoire seront bien tenus pour l'ensemble des régions. J'ai eu l'occasion de l'indiquer aux deux présidents de régions concernés. Nous réfléchissons actuellement à la façon dont l'État va lisser cette dépense. Chacun doit être conscient que l'on parle de montants considérables. Ce sont en effet 3,7 milliards d'euros supplémentaires qui doivent être trouvés dans le budget de l'Afitf, alors même qu'aucune recette supplémentaire n'a été dégagée. Mais nous honorerons nos engagements. Les deux conventions que vous avez mentionnées seront soumises au conseil d'administration de l'Afitf début 2018.

La situation n'est pas satisfaisante s'agissant du fret ferroviaire. En effet, les trafics ont chuté d'un tiers au cours des quinze dernières années. Le trafic s'est stabilisé entre 2010 et 2015, avec même une légère progression. Mais l'année 2016 a été mauvaise, pour diverses raisons, qui vont de la très mauvaise récolte céréalière, aux mouvements sociaux que la SNCF a pu connaître. L'année 2017 ne se présente pour l'instant pas très bien. Il en est de même pour Fret SNCF, qui avait amorcé un redressement significatif avec une réduction de son déficit. Toutefois, ce dernier a plafonné en 2016, et ne devrait pas être dans une situation satisfaisante en 2017. Les trafics ne repartent pas à la hausse en 2017, alors que nous l'avions espéré après le creux de 2016. Dans l'ensemble, la situation des acteurs du secteur ferroviaire de marchandises n'est pas satisfaisante. Certes, on pourrait se consoler en se disant que toutes les entreprises ferroviaires connaissent actuellement des difficultés en Europe. Mais la situation est pire chez nous.

Lors des Assises de la mobilité, il est prévu de traiter de la mobilité des personnes et de la logistique du dernier kilomètre, qui sont déjà, en soi, des sujets très vastes. C'est la raison pour laquelle, à la fin du mois, nous lancerons une autre concertation visant à tirer parti de toutes les réflexions menées sur l'amélioration de la filière fret et de la logistique. Il ne s'agit pas de refaire des rapports, mais de s'appuyer sur toutes les réflexions déjà conduites - je pense notamment à France Logistique 2025 - afin de proposer une stratégie dans le domaine du fret et de la logistique.

Nous devrons, dans ce cadre nous pencher sur la situation du fret ferroviaire. Nous savons déjà que nous devons progresser sur la qualité des sillons pour le transport de marchandises. Aujourd'hui, on ne sait pas tracer un sillon qui traverse notre territoire de façon satisfaisante. SNCF Réseau est en train de réfléchir à une organisation de son exploitation prenant mieux en compte les grands axes de transports de marchandises. J'espère que cela permettra d'assurer la qualité que les chargeurs sont en droit d'attendre. La qualité du service est d'ailleurs l'un des sujets principaux.

Nous menons également une réflexion continue sur le transport modal. Une consultation sur l'autoroute ferroviaire alpine a été lancée avec nos voisins italiens, et prochainement, nous allons lancer un appel à manifestation d'intérêt pour l'autoroute ferroviaire entre l'Espagne et le Nord de la France. Enfin, j'attends prochainement les conclusions des réflexions en cours sur l'aide aux transports combinés. Au final, c'est un ensemble de mesures que nous devons prendre. C'est un sujet que j'aborde avec beaucoup de modestie, car cela fait quinze ans que les trafics s'effondrent, alors que chacun exprime sa volonté d'une relance du fret ferroviaire. Nous allons essayer de trouver les bons leviers. Mais il est vrai que personne ne peut comprendre qu'il y ait aussi peu de fret ferroviaire sur nos rails, et autant de camions sur les routes.

Des démarches sont en cours pour renouveler le président de l'Afitf. Toutefois, cela peut prendre un peu de temps en raison du renforcement des contraintes pesant sur la nomination de ce dernier, notamment concernant la vérification de l'absence de conflits d'intérêts. Nous avons besoin d'un certain délai pour tout vérifier. Mais il est sûr que l'agence ne peut rester durablement sans président.

L'augmentation des ressources de l'Afitf est un premier pas, mais le compte n'y est toujours pas. Aussi, le conseil d'orientation des infrastructures va devoir réfléchir à une priorisation des projets, mais aussi à de nouvelles ressources. On ne peut pas rester durablement à ce niveau de ressources pour l'Afitf.

L'année 2018 sera consacrée en priorité à la régénération des réseaux. Cependant, il est clair que l'augmentation de 100 millions d'euros ne suffira pas si on se donne l'ambition de revenir à l'état du réseau routier d'il y a dix ans. Il faut, certes, aller plus loin dans la régénération des réseaux, mais aussi honorer les contrats de plan, financer les engagements pris sur le renouvellement de matériel de trains d'équilibre du territoire. Le parlement aura à décider du niveau des recettes de l'Afitf, qui devront être plus élevées que celles disponibles pour cette année de transition.

Pour le canal Seine-Nord Europe, les discussions sont en cours avec les collectivités territoriales qui ont proposé - et le gouvernement l'a accepté - d'avoir une gouvernance régionale pour la réalisation de cette infrastructure. Que ce soit pour la ligne Lyon-Turin, ou pour le canal Seine Nord Europe, il s'agit d'infrastructures d'une ampleur exceptionnelle. On ne peut pas s'obliger à les financer en crédits budgétaires, sur la durée du chantier. Nos voisins européens ne procèdent pas ainsi. Pour le tunnel entre l'Italie et l'Autriche, ou entre l'Italie et la Suisse, ce sont des sociétés de projet qui les financent sur une période de 40 à 50 ans. Nous devons nous aussi adopter ce genre de mécanisme. Mais, pour que l'emprunt soit remboursé, fût-ce sur une période de 40 ou 50 ans, il faudra trouver des recettes. C'est le sens de la réflexion en cours avec les collectivités territoriales, afin de dégager des recettes permettant le remboursement de cet emprunt.

Nous avons beaucoup d'ambition pour la refondation de notre politique des transports. Toutefois, il faut procéder de façon séquentielle. Aussi, nous organiserons début 2018 les assises du transport aérien. Nous souhaitons avoir une approche globale et ne pas se limiter à la question de savoir si les redevances des aéroports sont trop élevées, ou si les compagnies aériennes payent trop de charges. La dimension de la performance économique sera abordée. Mais nous voulons aussi nous intéresser à la performance au service des territoires. J'étais en début de semaine à Aurillac et j'ai pu constater à quel point des petits aéroports, avec des obligations de service public, peuvent être une réponse rapide et pragmatique au désenclavement des territoires. Cette dimension de la performance du transport aérien au service des territoires est un enjeu important.

L'impact environnemental du transport aérien, à la fois sur les émissions de gaz à effet de serre, sera également à l'ordre du jour. À ce sujet, vous savez d'ailleurs que ce secteur s'est engagé à plafonner ses émissions au niveau mondial. Il faut concrétiser ces engagements, notamment par le développement de carburants adaptés. Enfin, l'enjeu des nuisances sonores pour les riverains des aéroports ne sera pas oublié. Mais nous voulons également discuter de la performance et de l'innovation au service des passagers. Dans ce domaine, comme dans les autres domaines du transport, la révolution digitale peut faciliter le voyage et donner des services supplémentaires aux usagers. En outre, la performance sociale est un sujet important.

Je suis consciente des difficultés rencontrées sur la ligne ferroviaire Limoges-Angoulême, qui est malheureusement représentative d'un certain nombre de lignes UIC 7 à 9 - c'est-à-dire des lignes qui ne supportent pas un tonnage très important - mais qui sont essentielles aux déplacements de la vie quotidienne de beaucoup de concitoyens. Il s'agit typiquement d'une ligne ayant connu un retard d'entretien et de régénération, qui est aujourd'hui menacée d'une réduction de vitesse à 40km/h. Les choix que nous avons faits ces dernières années, collectivement, d'inaugurer trois lignes TGV - une quatrième doit ouvrir d'ici la fin de l'année - se sont faits au détriment de l'entretien et de la régénération de certaines lignes du quotidien. Je souhaite que les CPER, qui portent un certain nombre de projets sur ces lignes soient honorés. Mais il y a également un certain nombre d'infrastructures dont l'état est préoccupant et qui ne figurent pas dans les CPER. C'est tout le sens de la réflexion confiée à M. Spinetta sur la place du ferroviaire, ainsi qu'au conseil d'orientation des infrastructures sur les ressources à affecter à chaque politique. Des travaux urgents ont été programmés sur la ligne Limoges-Angoulême. Mais au travers de l'état de cette ligne, c'est un sujet de fond qui est posé.

Sur la taxation des poids lourds, nous ne souhaitons pas refaire l'écotaxe, dont chacun a pu apprécier les différents rebondissements. Mais il nous faut trouver une façon de faire payer les poids lourds, spécifiquement ceux en transit. Les régions qui connaissent ces trafics sont toutes volontaires - région Nouvelle Aquitaine, Occitanie, Grand Est. Toutefois, je pense que l'on aura à réfléchir à une approche nationale. Je me réjouis d'avoir des régions souhaitant s'investir sur ce sujet, mais nous devons étudier la question de près, y compris d'un point de vue constitutionnel. En effet, est-il possible d'avoir des approches trop différenciées ? Un cadre national devra sans doute être posé, a minima pour que chacun ne réinvente pas sa solution technologique. Une des difficultés de l'écotaxe avait été les coûts importants de perception. En tout cas, il s'agit d'une piste de ressources sur laquelle le gouvernement souhaite avancer, évidemment en concertation avec les transporteurs routiers. Nous devons également nous assurer que le système retenu ne pénalisera pas un certain nombre de régions qui s'étaient fortement mobilisées au moment de l'écotaxe. Il faut en effet tenir compte des territoires plus éloignés du coeur des marchés européens.

Mon ministère a été alerté des nuisances sonores pour les riverains de la LGV Sud Europe atlantique. Nous avons d'ailleurs les mêmes difficultés sur la ligne Bretagne-Pays de la Loire. Les règles sont simples et définies dans le cadre des contrats de partenariat et des concessions. Les concessionnaires doivent respecter les normes fixées. Si elles ne le sont pas, ils doivent procéder aux travaux nécessaires. Toutefois, une fois cela dit, il est vrai que la réglementation dans le domaine du ferroviaire table sur un bruit moyen. C'est le sens des mesures en cours. Il faudra sans doute les compléter par une vérification d'une absence de pics sonores particulièrement pénalisants. Certes, la réglementation est basée sur le bruit moyen, mais cela ne veut pas dire que l'on ne va pas traiter cette situation. Nous devrons trouver un cadre adapté, si on ne peut pas s'appuyer sur les réglementations existantes et les obligations des concessionnaires.

Le gouvernement a beaucoup d'ambition pour les ports. Ce sont des outils majeurs du développement de l'économie de notre pays, que ce soit pour la compétitivité de nos exportations - nous savons qu'il est important de permettre à davantage d'entreprises de se positionner sur des marchés à l'export - mais aussi pour l'importation. Il y a, à ce sujet, une importante valeur ajoutée à capter, au travers des activités logistiques dans les zones portuaires. Le gouvernement souhaite permettre aux ports français de jouer à armes égales dans la compétition des ports européens. C'est ce à quoi nous allons nous attacher dans le cadre du comité interministériel de la mer (CIMER), et c'est le message que le Premier ministre portera à l'occasion des assises de l'économie de la mer.

En effet, compte tenu de leurs positionnements et de la situation géographique de notre pays, il est étonnant d'être dans une situation où un conteneur sur deux arrivant en France ne soit pas passé par un port français. Ce constat ouvre toute une série de sujets que l'on développera dans le cadre du CIMER qui se tiendra prochainement.

Cela pose aussi la question de la desserte de ces ports, sur laquelle nous avons à progresser, notamment en matière de desserte ferroviaire. Les parts de marchés du fret ferroviaire ne sont ni satisfaisantes, ni à la hauteur de ce que l'on peut constater dans les grands ports européens. On outre, plus le transport maritime va vers du transport massifié, avec des porte-conteneurs de plus en plus gros, plus il est important d'être capable d'acheminer ces conteneurs, avec des modes massifiés. Imaginons ce que serait la situation si la desserte des ports était uniquement réalisée par des poids lourds ! On assisterait à une congestion phénoménale. Des investissements sont déjà prévus dans le cadre du contrat de plan interrégional-État, à hauteur de 600 millions d'euros. Nous devons arriver à avoir, pour chacun des ports, des axes de fret ferroviaires performants, avec l'ambition d'un hinterland le plus large possible, connecté aux autres pays européens.

Nous devons également valoriser la desserte fluviale. J'ai en tête les inquiétudes en Normandie concernant le canal Seine-Nord. En même temps, il existe déjà une autoroute fluviale - la Seine - sur laquelle un certain nombre de travaux sont prévus. Il faut s'assurer de la performance de ce passage fluvial - il y a d'ailleurs un débat en cours au port du Havre pour s'assurer de la performance optimale de la desserte fluviale du port.

Le gouvernement et le Premier ministre sont très attachés au portage d'une ambition portuaire nationale, qui ne nous semble pas forcément compatible avec l'idée d'une gouvernance décentralisée pour nos deux principaux ports. Le gouvernement est attaché aux ports de l'axe Seine et de Marseille, qui sont d'importance nationale. Toutefois, il est nécessaire que cette ambition nationale s'accompagne d'un travail étroit avec les collectivités territoriales, qui sont, elles-mêmes, fortement mobilisées.

Le principe de l'exonération de charges patronales votées dans la loi pour l'économie bleue avait été retenu lors du précédent CIMER. Le coût prévu pour cette exonération au cours de l'année 2017 avait été provisionné. Toutefois, nous n'avons pas encore eu de retour de la Commission européenne, à laquelle nous avons notifié cette nouvelle exonération de charges. Aussi, les crédits n'ont pas encore été dépensés. Les contraintes de l'exercice de 2018 n'ont pas permis, jusqu'à présent, d'inscrire à nouveau cette prise en charge pour l'année 2018. J'ai noté la sensibilité de cette question. Nous allons être amenés à nous repencher sur le sujet, notamment à l'occasion du prochain CIMER.

Pour répondre à Madame la Sénatrice Keller, j'ai donné quelques éclairages sur la taxe poids lourd et il faudra trouver une cohérence nationale sur ces sujets en prenant bien en compte les motivations de certaines régions et en travaillant également avec les entreprises de la branche qui ne profitent guère de marges. Il faut que nous travaillions à un système ne pénalisant pas le pavillon français qui est déjà en grande difficulté.

Les péages ferroviaires représentent un vaste sujet sur lequel M. Jean-Cyril Spinetta va se pencher. Il faut sortir de la logique selon laquelle on fait semblant de penser que la dette, à l'origine de la création de RFF devenu depuis lors SNCF Réseau, peut être assumée grâce au péage. C'est ainsi qu'on atteint des situations absurdes comme l'augmentation massive des péages sur les lignes à grande vitesse qui s'est répercutée sur le prix des billets et a provoqué, en retour, la réduction du nombre de voyageurs et de la desserte. Le réseau SNCF s'étend avec moins de trains le parcourant. Remettre le système sur ses pieds implique de sortir de cette fuite en avant.

Ce qui m'amène à évoquer le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau, qui marque un engagement dans la durée sur les crédits de régénération. Cette démarche est indispensable si l'on souhaite sortir des difficultés actuelles que l'on rencontre sur de trop nombreuses lignes. Les péages sont un outil majeur de la politique des transports, au-delà de leur dimension budgétaire. Un certain nombre d'attendus du contrat devront ainsi être réexaminés à l'aune des travaux que nous conduisons actuellement. Ainsi, en termes de théorie économique, je suis quelque peu surprise que l'augmentation des prix, notamment des sillons, génère soi-disant une demande accrue. Il faudra ainsi s'assurer que l'ensemble des paramètres du contrat entre l'État et SNCF Réseau est bien cohérent.

S'agissant de la COP23 - avant laquelle M. Nicolas Hulot a présenté un plan climat ambitieux - et de ses conséquences, nous réfléchissons actuellement, dans le cadre des assises de la mobilité, sur une mobilité plus propre encore. Il est important de tracer des perspectives pour l'ensemble des acteurs du secteur.

En effet, les constructeurs sont désorientés par les changements incessants des types de véhicules qu'il s'agit de produire. Notre vision du type de motorisation à retenir, à la fois pour les véhicules particuliers et collectifs, doit être prospective. Cette réflexion est en cours.

Pour autant, les règles de taxation du kérosène sont d'origine internationale : qu'il s'agisse de celles de l'Organisation maritime internationale ou de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), il nous faut éviter de trop nous singulariser. De toute manière, il nous est impossible d'agir lors des trajets internationaux et les mesures qu'il nous faudrait déployer ne concerneraient que ceux qui se déroulent sur notre territoire. Clairement, il y a là un risque de pénalisation du pavillon français, sans pour autant faire progresser les ressources au niveau mondial. Si la France peut porter ces sujets à l'échelle internationale, il est hautement souhaitable qu'elle ne se singularise pas en prenant des mesures contraires aux intérêts de son pavillon.

M. Hervé Maurey , président . - Je vous remercie, Madame la ministre, pour vos réponses extrêmement précises aux questions des rapporteurs.

M. Rémy Pointereau . - J'ai participé aux assises décentralisées de la mobilité dans mon département où nos concitoyens ont exprimé de réelles souffrances concernant à la fois le transport de proximité et les dessertes nationales, voire européennes. J'y ai ressenti comme un sentiment d'abandon. Vous avez d'ailleurs évoqué le Cantal qui se sentait oublié des réseaux modernes. Quelle réponse allez-vous apporter aux départements ruraux qui sont confrontés à une sorte de double-peine avec, d'une part, la hausse du diésel - très présent dans les milieux ruraux - d'autre part, la mise en oeuvre de solutions pas forcément idoines, comme le covoiturage ?

Par ailleurs, vous souhaitez ne pas faire de promesse irréalisable, mais il n'est pas interdit de réfléchir à plus long terme que les cinq prochaines années, comme le faisait, en son temps, la DATAR, comme on l'a fait à un moment donné, avec l'excellent rapport de M. Philippe Duron sur l'avenir des trains, avec des projets prioritaires à l'horizon 2030, voire plus lointains, quelle est votre position sur de tels projets ? Le Lyon-Turin va-t-il se réaliser ? Le projet POCL peut-il se réaliser, malgré le souhait d'interrompre la construction de nouvelles lignes à grande vitesse ?

M. Olivier Léonhardt . - Dans le cadre de la préparation de la loi sur les mobilités annoncée pour le mois de février 2018, le Président de la République a souhaité mettre l'accent sur les transports du quotidien. Des assises sont ainsi organisées dans les préfectures avec les acteurs départementaux. Je salue cette initiative à laquelle j'ai participé dans l'Essonne lundi dernier.

La situation des transports en Ile de France est aujourd'hui catastrophique. Si la zone dense - Paris, la Petite Couronne - bénéficie d'un réseau assez qualitatif, les habitants de la Grande Couronne sont, quant à eux, confrontés à des difficultés qui s'accroissent d'année en année. La vétusté des RER A, B et C, qui desservent la grande banlieue, les problèmes répétés d'irrégularités de ces lignes, tandis que l'augmentation du flux des voyageurs est continue, avive l'urgence d'une intervention de la puissance publique. En effet, une personne, qui vit en banlieue, passe en moyenne 2h30 par jour dans les transports, lorsque tout va bien !

Cette situation reflète une immense inégalité : toutes les personnes qui habitent la banlieue et travaillent à Paris subissent en permanence, outre leur éloignement géographique, des retards et annulations répétés de trains, des conditions de transport déplorables, dans des wagons surchargés. On parle ici de 2 700 000 usagers quotidiens. Le RER C, que j'ai pris ce matin pour venir ici, transporte 600 000 voyageurs par jour. Ce qui aujourd'hui nous met dans des situations analogues à celle survenue à Brétigny-sur-Orge, il y a quelques années. Que comptez-vous faire pour que les investissements dans les transports soient mieux répartis et ne soient pas intégralement absorbés par Paris et sa très proche couronne ?

Mme Nelly Tocqueville . - Merci Madame la Ministre pour les précisions que vous avez apportées, s'agissant notamment de la situation du Canal Seine-Nord qu'en tant qu'élue de Seine-Maritime je suis tout particulièrement. Je souhaite rappeler que les inquiétudes sur le projet du Canal Seine-Nord, qu'a d'ailleurs rappelées mon collègue Charles Revet, n'ont pas été dissipées.

Je souhaiterais, pour ma part, vous interroger sur les plateformes multimodales qui conditionnent la desserte des ports de Rouen - premier port céréalier d'Europe - et du Havre. Vous avez affirmé - ce qui nous rassure - votre ambition pour les ports et votre projet d'investissement et d'entretien dans ces infrastructures. La question demeure quant au devenir de ces ports et du déploiement des containers. Or, le Port du Havre s'interroge puisque les containers arriveront bien plus dans les ports du nord de l'Europe de façon évidente. Je souhaiterais également revenir sur le dégagement de ressources dédiées. De quelles ressources parlez-vous ?

Enfin, concernant le Canal Seine-Nord, la région Normandie est très impliquée dans le développement de cet axe naturel de développement qu'est la Seine. Où en est la réflexion de la région Ile-de-France qui nous semble moins avancée ?

M. Alain Fouché . - J'ai siégé avec ma collègue Fabienne Keller à RFF et il m'est apparu que la dette de la SNCF est principalement le fait des politiques qui ont exigé, tous horizons politiques confondus, la construction de lignes LGV et fait conduire des études en ce sens, dont fort peu ont abouti. Les élus nationaux sont ainsi responsables de cette dette.

J'ai été l'auteur d'un rapport sur la sécurité dans les gares et les transports. L'autre jour, vous étiez avec le Premier Ministre Gare du Nord, où vous avez expliqué les mesures qui ont été déployées. Pouvez-vous nous donner des informations sur les mesures prises dans le Métro par la RATP dont vous avez été la présidente ?

Mon troisième point concernera la fraude qui représente chaque année 500 millions d'euros de pertes, dont 200 millions d'euros pour la RATP. Lors des contrôles et des verbalisations, les cartes d'identité périmées ne permettent pas de retrouver les personnes qui commettent des infractions ; ce qui, en retour, induit des pertes considérables pour la RATP et la SNCF. Dans la Loi Savary, il était prévu de fiabiliser ces adresses et un décret devait être rendu en ce sens. Où en est-on ? Il est en effet important que les adresses des contrevenants soient fiables.

M. Guillaume Gontard . - Merci Madame la Ministre pour votre exposé très précis. Vous venez de nous faire part de votre ambition pour le secteur ferroviaire français, malgré l'endettement structurel qui pénalise SNCF Réseau. À ce titre, je salue la décision du Gouvernement de mettre en pause un certain nombre de projets coûteux et souvent écologiquement controversés, comme le Lyon-Turin.

Comme vous le précisez, le réseau ferroviaire régional n'est pas un réseau secondaire. C'est effectivement le réseau du quotidien, pour l'immense majorité de nos concitoyens et la seule alternative à la voiture qui permet de limiter nos émissions de CO 2 .

Vous parliez à cet égard de mobilité plus propre. Or, depuis toujours, ce réseau souffre de la priorité des investissements accordée aux LGV. Les infrastructures sont aujourd'hui vieillissantes et nécessitent d'importants travaux de rénovation et de modernisation. L'enjeu n'est pas seulement matériel. En effet, dans nos territoires ruraux, ce sont les restrictions de personnels qui entraînent une baisse de qualité sur de nombreuses lignes, de leur fréquentation et ainsi de leur rentabilité qui entraîne leur fermeture progressive. C'est un cercle vicieux qui est insupportable alors qu'il est indispensable de renforcer nos réseaux ferroviaires régionaux, tant pour le transport des passagers que des marchandises, afin notamment de désengorger nos routes et nos agglomérations.

Pour vous donner un seul exemple situé dans mon département, la ligne Grenoble-Veyne-Gap - l'Etoile ferroviaire - représente l'unique desserte entre les Alpes du Sud et du Nord et est aujourd'hui menacée de disparition. Les investissements promis n'arrivent pas, les gares ferment les unes après les autres, les retards se multiplient. Et pourtant, le nombre de voyageurs continue de s'accroître sur cette ligne essentielle pour la vitalité de nos territoires montagneux enclavés. La mobilisation massive des élus locaux et des citoyens est là pour en témoigner.

Même si les Assises de la mobilité sont en cours, pourriez-vous, Madame la Ministre, nous préciser les intentions du Gouvernement pour renforcer et pérenniser le réseau ferroviaire régional ?

M. Patrick Chaize . - Vous avez évoqué l'augmentation des crédits des CPER pour les infrastructures routières. Des priorités ont-elles d'ores et déjà été fixées en la matière ? De quels montants parle-t-on ? S'agissant des liaisons TGV, vous nous avez indiqué qu'il n'y avait pas de remise en cause du modèle par la desserte du TGV en milieu plus rural, sur les lignes hors grande vitesse. Néanmoins, l'éventuelle fermeture des gares TGV dans ces territoires ruraux suscite de nombreuses inquiétudes. Vous avez évoqué le coût important de ces gares, en évoquant le péage, avec un risque d'augmentation du coût des transports. Est-ce le cas ? Pourquoi ne pas envisager plutôt la solidarité entre les territoires afin de pouvoir maintenir ces gares très utiles pour irriguer nos territoires ruraux.

M. Claude Bérit-Débat . - Je vous remercie pour votre langage de vérité. Vous pouvez également ajouter la Dordogne au Cantal et à la Charente. Il y a quelques mois, je vous avais interrogée sur l'avenir de la ligne Bergerac-Bordeaux et vous aviez alors évoqué votre espoir de trouver une solution. Un parlementaire local dit que la solution est toute trouvée et j'aimerais que vous nous apportiez des précisions là-dessus.

Par ailleurs, que souhaitez-vous faire pour les ateliers SNCF de Chamiers qui assurent l'entretien des trains-corails qui sont voués à disparaître prochainement. L'État peut-il intervenir pour que la SNCF arrête une stratégie industrielle dans ce domaine ? Enfin, s'agissant de la régénération des routes, que va devenir la Route nationale 21qui est un axe important pour la région Nouvelle Aquitaine ?

M. Frédéric Marchand . - Madame la Ministre, les questions d'aménagement du territoire et de fret ferroviaire étant au coeur de nos préoccupations communes, je vous interrogerai sur le site de Somain, qui est très important pour la région du Nord et l'arrondissement de Douai. Ce site était, hier encore, troisième site de triage de France et les élus se sont, avec les décideurs économiques, fortement mobilisés puisque, dans le cadre du plan de renouveau du bassin minier, des perspectives ont été tracées par l'État. Les élus sont désormais en attente, car ce site correspond à ce que vous nous avez annoncé en matière de fret ferroviaire, ne serait-ce qu'avec la perspective d'une autoroute ferroviaire Atlantique, le raccord à une immense zone industrielle ou encore un technocentre qui ne demande qu'à revivre. Bref, les perspectives sont réunies pour que ce centre connaisse une nouvelle vie. Madame la Ministre, serait-il possible que ce projet soit remis sur les rails en 2018 et réponde aux attentes des élus du territoire?

M. Michel Vaspart . - Aujourd'hui, les collectivités locales sont de plus en plus sollicitées pour contribuer à la rénovation des lignes secondaires. Leur financement est d'ailleurs majoritaire ! Cependant, nous n'arrivons pas à obtenir de transparence sur l'utilisation des fonds publics - y compris ceux issus des collectivités territoriales - pour le financement des études et des travaux conduits par la SNCF. Ces montants sont absolument considérables et il nous semble désormais nécessaire que la SNCF accepte d'être transparente sur l'utilisation de ces fonds.

Par ailleurs, la baisse de qualité de service concerne autant le fret que les voyageurs. De nombreuses lignes connaissent une baisse de la vitesse des trains qui l'empruntent, ce qui peut générer une désaffection du secteur ferroviaire ! Ce qui est un comble, puisque nous avons lancé des travaux de rénovation des lignes secondaires. C'est là une situation particulièrement difficile. Certes, tant que nous n'aurons pas réglé le problème de la dette, nous ne pourrons être exigeants vis-à-vis de la SNCF. Mais se pose également le problème du fonctionnement de cette société et de sa gestion.

Mme Angèle Préville . - La COP23 entend assurer l'articulation entre les transports et le climat. Nous voulons des transports plus propres, émetteurs de moins de pollution et consommateurs de moins d'énergie. Le ferroviaire semble être la solution idéale et imbattable. Je suis élue du Lot et vais vous parler de la ligne ferroviaire qui s'étend sur trois départements : la Corrèze, le Lot et le Cantal. Beaucoup de travaux ont été réalisés sur cette ligne pour aboutir à moins de trains et de voyageurs. Les correspondances avec certains trains, qui se rendent notamment à Paris, voire à Brive, ont disparu. Les voyageurs, notamment les jeunes qui se rendent pour leurs études à Aurillac et à Brive, se découragent. Ne faudrait-il pas, à l'inverse, mettre en oeuvre des incitations très fortes sur ce genre de transport ?

M. Didier Mandelli . - Je me réjouis que la priorité soit accordée aux lignes secondaires, comme la ligne Lyon-Bordeaux. Ma question portera cependant sur l'économie maritime.

J'ai eu la chance d'être le rapporteur de la Loi Leroy pour l'économie bleue qui a été saluée par l'ensemble des professionnels du secteur. Ses différentes dispositions me paraissent être détricotées les unes après les autres, à l'instar du taux de liquidation de la TVA. Vous n'y êtes pour rien, puisque c'est le Gouvernement précédent, avec la Loi Sapin 2, qui est revenu sur cette disposition, prise pour faciliter la liquidation de la TVA dans les ports. Vous évoquiez les 50 % de marchandises destinées au territoire français qui sont débarquées en dehors de notre territoire national. Or, le taux de liquidation devait faciliter les choses et aboutir à la création de 13 000 emplois. On a également réduit le champ à la moitié des entreprises initialement concernées, en supprimant notamment les PME du dispositif.

Comme l'a évoqué notre collègue Charles Revet, l'exonération de charges - le net wage - a fait l'objet d'une décision européenne préconisant l'extension de ce dispositif aux personnels français embarqués sur les bateaux à pavillon européen. C'est ainsi deux millions d'euros supplémentaires qui s'ajoutent aux dix-huit millions d'euros estimés pour l'application de cette disposition. Je regrette que, pour 20 millions d'euros, on ait retiré une disposition importante attendue par les professionnels, dans un secteur ultra-concurrentiel, un an et demi après le vote de la loi au Parlement. Nous y voyons bien sûr la main du ministère de l'économie et des finances. Ainsi, pour cette loi comme pour d'autres, le Parlement et le Gouvernement auront-ils priorité sur l'avis de Bercy ?

M. Jean Bizet . - Le manque de lisibilité de la stratégie de l'État dans le secteur aérien m'inquiète. J'ai plusieurs questions à vous poser. Depuis pratiquement une quinzaine d'années, la part du pavillon national est passée de 63 à 43 % et je sais que les assises du transport aérien, prévues en 2018, apporteront un certain nombre de réponses. Nous serons exigeants sur cette question.

Autre question : si le financement de la sûreté aéroportuaire représente onze euros par billet émis, l'État y participe, quant à lui, à hauteur d'un euro. Cette mission est pourtant régalienne. Quelle sera l'évolution en la matière ?

S'agissant de la concurrence avec les Pays du Golfe, je sais que le mandat confié à la Commission européenne est en cours. Certains pays comme le Qatar y souscrivent, tandis que d'autres, comme les Émirats arabes unis, le refusent. Où en êtes-vous sur cette question, ainsi que sur une éventuelle négociation sectorielle avec le Royaume-Uni dans le cadre du Brexit ?

Enfin, le projet Charles de Gaulle Express correspondra-t-il avec sa maquette financière initiale de 1,7 milliard d'euros, qui représente le coût de 1,40 euro par billet, ce qui, additionné à d'autres contributions, peut s'avérer problématique.

La situation du Paris-Granville devient caricaturale, avec, comme dernier avatar en date, la rupture unilatérale, par la SNCF, de la desserte par autocar de la partie du Mont-Saint-Michel, au profit de la voie par TGV. Est-ce vraiment en raison d'un problème de logiciel comme la SNCF me l'a annoncé ? Je vous confirme, Madame la Ministre, qu'il est difficile de dialoguer avec la SNCF au sujet de cette ligne !

M. Guillaume Chevrollier . - J'aurais également quelques questions à vous poser, en tant qu'élu des Pays de la Loire. Vous n'avez pas parlé du projet de l'aéroport de Notre Dame des Landes à l'heure de la médiation qui fait débat.

Sur la dette ferroviaire, qui a atteint 50 milliards d'euros tandis que les besoins de maintenance sont immenses, quel a été l'impact de la loi dite Macron, avec ses flottes de bus, sur le chiffre d'affaires de la SNCF ?

Par ailleurs les réseaux routiers, essentiels au développement des territoires ruraux, sont mal entretenus et des retards réels existent. Dans ce contexte, l'État ne peut tout assumer. Dans mon département, le Conseil départemental souhaite récupérer la Route nationale 62 pour la passer en deux fois deux voies ; cette démarche étant une priorité départementale et non nationale. Je vous demande votre aide dans ce domaine pour accélérer ce transfert, qui n'est nullement un cas isolé dans notre pays.

Autre point : je souhaitais vous alerter sur les problèmes induits par la mise en service de la nouvelle ligne LGV Bretagne-Pays de la Loire. Si mettre Laval à soixante-dix minutes de Paris est une bonne chose, les modifications d'horaires sur les TER ne répondent plus aux attentes de certains usagers et de nombreux problèmes de nuisance sonore ont été relayés par des riverains et des élus. L'appréciation du bruit fait ainsi débat et je vous demande de bien vouloir faire preuve de discernement sur ce sujet.

M. Michel Dagbert . - Madame la Ministre, j'ai été très attentif à la réponse que vous venez de faire à mon collègue Jean-Pierre Corbisez et je ne reviendrai pas davantage sur le projet du Canal Seine-Nord, sauf, en mon ancienne qualité de vice-président de Conseil départemental du Pas-de-Calais, pour rappeler la forte mobilisation des collectivités territoriales.

Comme notre président l'a rappelé, je participe aux travaux du Conseil d'orientation sur les infrastructures et c'est plus au sujet de votre propre vision de l'aménagement du territoire que je vous adresse ces questions, s'agissant notamment de la desserte des lignes à grande vitesse sur le territoire. J'ai bien noté la commande passée à Monsieur Jean-Cyril Spinetta, dont nous sommes impatients de lire le rapport. Notre impatience exprime notre inquiétude. Notre pays connaît actuellement une véritable fracture. Il est important de maintenir la cohésion territoriale et par conséquent, je me dois de vous alerter sur la fragilité supposée d'un certain nombre de dessertes dans mon département, à l'instar d'Arras et de Béthune qui pourraient être remises en cause. Au titre des solidarités territoriales, les départements restent très attentifs, mais, à un moment donné, la charge devient tellement lourde que d'épineux choix devront être faits, alors qu'il faut que les collectivités agissent au titre de la solidarité humaine et territoriale.

M. Jean-François Longeot . - Je vous remercie pour votre pragmatisme que j'apprécie particulièrement. Je ne reviendrai pas sur l'écotaxe et sur le nécessaire financement de nos réseaux, alors que nombre de poids-lourds, notamment étrangers, quittent l'autoroute pour prendre les routes départementales et nationales. Ma question portera sur Alstom qui a souffert, à un moment donné, de la faiblesse de la commande publique. Tel n'est plus le cas aujourd'hui. Or, la direction de ce groupe a déclaré, notamment par écrit aux organisations syndicales qui souhaitent désormais être reçues par le ministre de l'économie, M. Bruno Le Maire, nécessaire de fabriquer à bas coût et de délocaliser, pour ce faire, en Inde. C'est là un paradoxe que la commande publique soit fabriquée ailleurs que sur nos sites nationaux !

Mme Pascale Bories . - Madame la Ministre, j'ai bien noté votre discours sur les Assises de la mobilité et le transport du quotidien. A l'heure où nous devons réduire les émissions de gaz à effet de serre, votre gouvernement souhaite s'engager avec force dans ce sens et il est plus que nécessaire de développer l'accès au transport ferroviaire. La LGV permet de traverser la France, certes de manière onéreuse, mais souvent de façon moindre que si l'usager devait utiliser le transport autoroutier ou la voie aérienne.

Concernant le Sud de la France, il nous faut évoquer la ligne avec l'Espagne, dont l'amélioration est nécessaire, notamment avec l'extension de la LGV Montpellier-Perpignan. La région est déjà porteuse de ce dossier et l'ensemble des élus d'Occitanie ont écrit au Premier ministre à ce sujet.

Concernant les transports du quotidien, j'ai bien noté votre ambition sur la régénération des réseaux et la sortie de nouveaux projets. À ce sujet, j'évoquerai la ligne Rive droite du Rhône espérée depuis plus de vingt ans. La Région a accepté le portage de ce projet qui serait au stade de projet d'études pour la SNCF. Comment comptez-vous opérer auprès de la SNCF, afin que ce projet structurant, puisse aboutir dans un délai raisonnable ?

S'agissant des déplacements en vélo, vous avez annoncé, le 19 septembre dernier, que de nouveaux axes de développement seraient présentés. Le développement des vélos électriques représente une alternative intéressante au niveau local, où j'ai pu soutenir le principe de subventions avant que l'État ne prenne le relais. J'aimerais rappeler que le vélo électrique est une alternative importante pour réduire l'autosolisme.

Au-delà du vélo électrique, il est important d'aider les collectivités à accélérer la mise en oeuvre de leur schéma de circulation douce, notamment sur les routes départementales. Que comptez-vous faire pour améliorer la sécurité des voies douces sur les routes nationales ?

M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - J'aurais deux remarques et une question. Madame la Ministre, les élus ne comprennent pas que les pics de nuisance de la ligne LGV ne soient pas pris en compte. Mon deuxième point concerne le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui, je l'espère, sera réglé pour l'échéance des assises du transport aérien et qu'il contribuera enfin au développement économique du territoire de l'Ouest. Enfin, la SNCF est-elle prête à revendre des lignes désaffectées pour les transformer en voies vertes ou en pistes cyclables ?

Mme Élisabeth Borne. - Je vous remercie pour les très nombreuses questions, qui montrent que le sujet intéresse. Je ne vais pas forcément être en mesure d'apporter des réponses précises à chacun, mais je m'engage à vous faire transmettre les éléments complémentaires dans les prochains jours.

Monsieur le Sénateur Pointereau, je vous confirme que les différentes assises, qui se déroulent dans des territoires enclavés, périurbains, dans les quartiers relevant de la politique de la ville ou des territoires ruraux, font remonter les grandes difficultés auxquelles nombre de nos concitoyens sont confrontés. Un Français sur quatre a dû renoncer à une offre d'emploi ou à une formation, faute de transport pour s'y rendre. Un tel exemple illustre l'importance des enjeux des transports de la vie quotidienne.

Il va nous falloir faire des choix : nous ne pourrons pas assurer la régénération des réseaux, tout en continuant à réaliser quatre lignes TGV concomitamment, à moins que le Parlement ne décide d'augmenter massivement les ressources allouées au secteur !

Les enjeux sont de deux ordres : l'enclavement, d'une part, - comment sort-on ou rentre-t-on dans le territoire - qui implique, à terme, l'usage de la voiture, dont la technologie continuera d'évoluer, et le développement de nouveaux services.

Il nous faudra ainsi réfléchir à une nouvelle gouvernance : 40 % des Français habitent dans des territoires situés en dehors des périmètres couverts par les transports urbains. Certes, les régions ont une compétence générale en termes d'intermodalité, mais comment s'organise-t-on pour coordonner les différentes offres qui peuvent être mises en oeuvre dans ces territoires ? Certes, de nombreuses innovations se font jour dans ces secteurs, à l'instar du covoiturage dont les marges de progression, s'agissant notamment du covoiturage domicile-travail, me semblent réelles, à la condition de se doter des bons outils.

Hier, j'assistais au lancement d'un robot-taxi dont je souhaite qu'il soit expérimenté dans le monde rural. Nous avons devant nous un chantier important pour mieux répondre aux attentes de nos concitoyens et nous allons nous y atteler dans le cadre des prochaines Assises de la mobilité.

Vous avez raison de le souligner : il faut avoir une vision réaliste sur les prochaines années et promettre les choses que l'on peut tenir. Notre vision peut porter sur les grandes infrastructures que vous avez mentionnées, mais mon ambition concerne aussi le secteur ferroviaire dont je souhaite qu'il joue davantage son rôle dans la périphérie des agglomérations. Au moins, nous avons des RER, certes perfectibles, mais qui sont en mesure de transporter chaque jour jusqu'à un million de voyageurs. Or, dans la périphérie de nos autres métropoles, nous sommes loin d'avoir des infrastructures modernisées susceptibles d'éviter, à nombre de nos concitoyens, de perdre quotidiennement des heures dans la congestion autoroutière. Il faut se donner des ambitions de long terme comme la dotation de RER dans un certain nombre de nos grandes métropoles.

En réponse à Monsieur le Sénateur Léonhardt, je suis consciente des difficultés des voyageurs en Ile de France. Nous sommes sur des ordres de grandeur très différents de ceux que l'on rencontre ailleurs sur notre territoire, avec quinze millions de voyageurs dans les transports publics chaque jour. Les ressources mobilisées sont toutefois à la hauteur de ces enjeux, avec un contrat de plan qui représente 7,5 milliards d'euros. Chaque année, la RATP, gestionnaire d'infrastructures, et SNCF Réseau mobilisent un milliard d'euros pour la régénération des réseaux. En outre, nous réalisons deux cents kilomètres de nouvelles lignes de métro autour de Paris. Certes, ce métro est plutôt sur la limite de la petite Couronne. Ile-de-France Mobilités devra réfléchir à l'évolution des transports de banlieue à banlieue, qui sont structurants pour l'Ile-de-France, afin qu'ils bénéficient à l'ensemble des territoires et ne soient pas assimilables à une nouvelle frontière, comme le périphérique a pu l'être à un moment donné.

Madame la Sénatrice Tocqueville, nous nous préoccupons de l'Axe Seine. L'ambition est portée par le Gouvernement. Le Premier ministre a confié une mission au préfet François Philizot sur la méthode pour tirer parti des synergies, dans le prolongement d'AROPA pour soutenir le développement de l'ensemble des ports de l'Axe Seine. C'est bien à cette échelle qu'il nous faut réfléchir et agir, notamment en termes de zones logistiques, riches en créations d'emplois qui devront accompagner le développement de nos ports.

Sur les ressources dédiées, notre réflexion est particulière s'agissant du Lyon-Turin et du Canal Seine-Nord. En effet, le Lyon-Turin se trouve dans une zone de montagne et le texte européen permet des sur-péages. Un fonds spécifique récupère également les dividendes des sociétés tunnelières. Il est tout à fait possible de réfléchir, ailleurs, à d'éventuels sur-péages en s'inspirant notamment des dispositifs mis en oeuvre par la Société du Grand Paris. Certaines régions aspirent, à mon sens légitimement, à des mesures comme des taxes spéciales d'équipement ou des redevances assises sur des surfaces de bureaux ou d'activités. Je compte sur le conseil d'orientation des infrastructures et sur le groupe qui travaille sur la soutenabilité et le financement de nos projets pour faire preuve d'imagination, tant les besoins de financement sont importants.

Monsieur le Sénateur Fouché, je partage votre analyse : les cheminots ne sont pas responsables du montant de leur dette. Celle-ci a d'abord été constatée en 1997 et résultait du financement, par la SNCF, des lignes à grande vitesse. Ce point est important et c'est la raison pour laquelle cette réflexion globale a été confiée à M. Jean-Cyril Spinetta. Il faut que l'État se dote enfin d'une stratégie d'ensemble cohérente sur le ferroviaire. Il nous faut sortir des injonctions contradictoires données à la SNCF, à la fois sur le fait qu'elle devrait baisser ses coûts tout en augmentant ses dessertes et qu'elle devrait, par ailleurs, commander des trains.

La sécurité des gares et des transports est un enjeu majeur et la loi de mars 2016 atteste de notre mobilisation. Les décrets d'application ont bien été mis en oeuvre, y compris ceux qui renforcent la vigilance lors du recrutement dans les entreprises de transport et qui accordent de nouvelles prérogatives aux agents de sécurité de la SNCF et de la RATP. Tous ces sujets ont avancé.

Le volet fraude, également porté la loi de mars 2016, a avancé. On s'est toutefois heurté à une difficulté, quant à la consultation du fichier qui visait à obtenir un meilleur taux de recouvrement des amendes. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a donné un avis négatif sur la première version du décret qui lui a été soumis. Nous allons donc soumettre une seconde version du décret permettant de retrouver les fraudeurs, tout en respectant le cadre fixé par la CNIL.

Monsieur le Sénateur Gontard, nous essayons de conduire une stratégie équilibrée dans le domaine ferroviaire. Je pense que le Parlement aura à se prononcer sur la part des lignes à grande vitesse, dont je pense qu'elle pourrait ne pas rester au niveau actuel. 1 % des déplacements sont de longue distance et on a consacré 16 % de l'ensemble des ressources - tous financeurs confondus - au financement des TGV au cours des dernières années. Pour autant, il va nous falloir investir davantage sur les réseaux existants et investir davantage où le ferroviaire peut avoir toute sa pertinence, c'est-à-dire dans le transport de masse en dehors de l'Ile-de-France.

Monsieur le Sénateur Chaize, les priorités du CPER route ne sont pas décidées depuis Paris. Elles ont été décidées en lien avec les collectivités. Tout ne pourra pas être fait l'année prochaine, mais je me suis attachée à préserver des ressources pour les contrats de plan, dont les discussions seront conduites au niveau local.

Par ailleurs, il n'y a pas de stratégie de réduction des dessertes de TGV qui ne doivent pas se limiter aux métropoles. La solidarité existe : 70 % des dessertes de TGV sont aujourd'hui déficitaires et sont financées par les dessertes rentables. Toutefois, comme le Président l'a fait remarquer sur le quatrième paquet ferroviaire, les perspectives d'ouverture à la concurrence vont nous amener à nous interroger sur les modalités du maintien de cet équilibre, après l'ouverture à la concurrence. La solidarité joue à plein et devrait être plus prégnante encore, s'agissant du niveau des péages, dans les comptes de SNCF Mobilités, comme c'est le cas aujourd'hui.

Monsieur le Sénateur Marchand, je vous confirme que le site de Somain reste important pour le transport de marchandises en France et qu'en complément des perspectives portées par le projet de redynamisation du site, animé localement par le sous-préfet avec des fonctionnalités intermodales rail-route, un projet est bel bien porté par SNCF Logistique pour conforter ce site comme plateforme de relais national et international, avec la constitution de trains longs et lourds. Par ailleurs, le site de Somain fait partie des sites considérés dans le cadre de la desserte entre l'Espagne et la France, au travers des autoroutes ferroviaires.

Monsieur le Sénateur Vaspart, il va falloir, en effet, qu'on réfléchisse à la transparence des coûts des études et des travaux. Je m'engage à regarder ce point avec SNCF Réseau. On est, il est vrai, assez souvent surpris par le coût des travaux et une telle réflexion pourrait être conduite avantageusement par SNCF Réseau. Ce constat vaut de manière générale. Ce moment de pause peut nous amener à réfléchir sur le caractère pragmatique des réponses apportées. Il nous faut progresser sur ce point et ne pas reproduire les mêmes schémas, que ce soit en matière d'infrastructures routières ou ferroviaires. Un peu de pragmatisme ne nuirait pas et, par ailleurs, coûterait moins cher. Mais il est vrai que la multiplication des travaux de rénovation peut impliquer une phase de dégradation de la qualité du service rendu aux voyageurs. C'est d'ailleurs ce que vivent les voyageurs en Ile-de-France lors des opérations de rénovation. Sans doute faudrait-il concentrer les travaux sur une période plus courte plutôt que de les effectuer, sur la durée, petit à petit. Sans doute devrons-nous creuser cette question avec SNCF Réseau.

Sur la ligne Brive-Aurillac, si nous avons déjà financé des travaux, d'autres sont encore à effectuer. Le niveau de fréquentation n'y est manifestement pas très élevé. Cette situation est analogue à celle des Alpes : dans des secteurs où les infrastructures routières ne répondent pas aux besoins en toutes saisons, comment faire pour que l'infrastructure ferroviaire accueille plus de voyageurs qu'aujourd'hui ? Le service public a un coût et peut se répercuter sur celui acquitté par le voyageur.

Monsieur le Sénateur Mandelli, le Gouvernement n'a pas l'intention de détricoter les apports de la Loi Leroy. Je regarderai attentivement s'il est possible d'améliorer cette situation, mais des règles ont été introduites pour éviter les fraudes, s'agissant notamment des enjeux d'honorabilité. Le principe de l'auto-liquidation de la TVA n'a pas été remis en cause. La réflexion sur le net wage se poursuit.

Monsieur le Sénateur Bizet, la stratégie du pavillon national est en effet importante. En même temps, l'évolution de la part de marché que vous avez mentionnée se place dans un environnement marqué par le développement du transport aérien et l'exacerbation de la concurrence. La concurrence est rude, avec l'émergence notamment des compagnies low cost et des compagnies du Golfe. La Commission, avec le soutien de la France, a posé un nouveau cadre pour la régulation et la lutte contre la concurrence déloyale. Nous avons évité que ce dossier soit occulté. Les travaux vont s'engager sur cette lutte avec des pavillons dont on sait très bien qu'ils sont fortement subventionnés, d'une manière ou d'une autre. En attendant, la Commission assume le mandat de l'ensemble des pays européens pour conduire les négociations avec les Pays du Golfe. Je ne suis toutefois pas certaine que le traitement de ce dossier connaisse une rapide accélération, l'un conditionnant tout de même l'autre : s'assurer que nous sommes dans une situation de concurrence loyale est tout de même un préalable à la négociation de droits de trafic. Je pense que la Commission le voit aussi de cette façon.

Si certaines compagnies se préparent au Brexit en devenant des compagnies européennes, les discussions avec nos partenaires britanniques n'ont pas été engagées, pour l'heure ; les préalables n'étant pas remplis. Je suis enfin consciente que la situation de la ligne Paris-Granville n'est pas satisfaisante et qu'il va falloir qu'on se saisisse, sur cette question, de réelles marges de progrès.

Monsieur le Sénateur Chevrollier, je ne vous surprendrai pas en vous rappelant que la mission sur l'aéroport Notre-Dame-des-Landes est en cours et que nous en attendons les conclusions.

Sur l'impact des dessertes en autocar librement organisées, la fréquentation de ces cars provient, pour un tiers, de la route, d'un autre tiers, du rail et enfin, de déplacements rendus possibles par cette nouvelle possibilité. Il est important que ces cars aient permis, à un certain nombre de nos concitoyens qui ne pouvaient jusque-là se déplacer, de trouver une réponse à leurs besoins.

Je n'ai pas d'information immédiate sur la RN62, mais dans le cadre des Assises de la mobilité, nous allons ouvrir des réflexions sur des gouvernances évolutives, comme la possibilité de mettre en place des péages au-delà de ce qui existe actuellement dans le réseau routier. On pourra, sur ce point, vous répondre ultérieurement de façon plus précise. Sur la LGV BPL, j'ai bien noté un certain nombre d'insatisfactions, mais, tout de même, j'espère que celles-ci n'éclipsent pas totalement les satisfactions exprimées, puisque cette ligne a mobilisé d'importants financements.

Monsieur le Sénateur Dagbert, les dessertes ferroviaires devront continuer à faire l'objet d'une solidarité nationale. Je suis consciente que les collectivités territoriales sont sollicitées de manière importante pour le financement du ferroviaire. Je crois qu'il est essentiel de s'emparer de ce sujet avec lucidité. La remise en état du réseau représente des sommes colossales. Il nous faudra prioriser et nous ne pourrons remettre en état l'ensemble des infrastructures. Autant dans certains secteurs la solution ferroviaire est irremplaçable comme transport de masse, autant dans d'autres secteurs où les infrastructures routières sont de qualité, les régions, en leur qualité d'autorité organisatrice, doivent regarder le coût par voyageur et la qualité du service rendu, certaines dessertes pouvant avantageusement être assurées par la route, que ce soit par autocars ou minibus. Je le dis d'autant plus que je pense, a contrario, que le ferroviaire n'est pas assez utilisé pour le transport de marchandises et dans la périphérie de nos agglomérations. Pourtant, on peut constater en Ile de France qu'avec une voie dans chaque sens, on sait transporter plus d'un million de voyageurs par jour. Assurer, de la sorte, le transport de plusieurs dizaines de milliers de nos concitoyens dans nos agglomérations ne manquerait pas de bénéficier au fonctionnement de nos villes, ne serait-ce que par la réduction des taux de pollution que chacun peut connaître.

Monsieur le Sénateur Longeot, j'espère également que le milliard d'euros de commandes publiques, que nous allons passer pour soutenir le site d'Alstom-Belfort, conduira bien à des emplois en France.

Madame la Sénatrice Bories, avec l'émergence des compagnies low cost , le TGV est plus cher que l'avion. En effet, lorsqu'une infrastructure comme Sud-Europe-Atlantique coûte plus de neuf milliards d'euros, les collectivités peuvent la financer à 100 % ou alors une partie est portée par le prix du billet. Chacun peut constater que se rendre depuis Paris à Bordeaux, par la ligne SEA, en deux heures, est une expérience très agréable, mais qu'il est moins onéreux de le faire par l'avion. On pourrait ouvrir le débat des émissions de gaz à effet de serre. J'ai demandé à mes services de dresser le bilan carbone de la construction de cette ligne. En effet, construire ce genre d'infrastructure, à coups de béton et d'acier, doit s'amortir dans la durée pour atteindre un bilan carbone satisfaisant.

Le vélo est au coeur de nos réflexions et des assises de la mobilité. Nous allons réfléchir à un nouveau dispositif destiné à soutenir les vélos à assistance électrique, mais plutôt en synergie qu'en alternative aux aides apportées par les collectivités. Il faudra continuer à soutenir les circulations douces et l'État à accompagner les collectivités territoriales.

Monsieur le Sénateur de Nicolaÿ, je ne vois pas pourquoi la politique de cession, par la SNCF, des lignes désaffectées s'arrêterait. Nous pouvons ainsi obtenir des voies vertes d'une très grande qualité, en reprenant des infrastructures qui ne sont plus utilisées par le ferroviaire.

M. Hervé Maurey , président . - Merci beaucoup, Madame la Ministre, pour le temps que vous nous avez accordé, pour votre écoute et la qualité de votre réponse. Vos propos ont été appréciés, comme en témoignent les applaudissements qui viennent de ponctuer votre intervention, et nous attendons qu'ils soient désormais suivis d'effets. Vous pouvez compter, à cet égard, sur notre soutien.

II. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 8 novembre 2017, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits « Transports routiers » de la mission « Ecologie, développement et mobilité durables ».

M. Hervé Maurey , président . - M. Jean-Pierre Corbisez, dont c'est le premier rapport, nous présente maintenant son avis sur les crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés aux transports routiers.

M. Jean-Pierre Corbisez , rapporteur . - Les crédits consacrés aux transports routiers sont répartis entre, d'une part, les crédits gérés par l'État, inscrits dans le projet de loi de finances, plus précisément au programme 203 intitulé « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », auquel il faut ajouter le compte d'affectation spéciale qui finance le bonus-malus automobile, d'autre part, les crédits de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'Afitf.

Cette agence a été mise en place en 2005, initialement pour financer les grands projets d'infrastructures de transport décidés par l'État au moyen de recettes affectées. C'est un établissement public administratif sous la tutelle du ministère en charge des transports. Son champ d'intervention a été élargi au fil du temps, puisqu'elle finance aussi désormais la part de l'État dans les contrats de projets État-régions (CPER) dans le domaine des transports, des investissements de régénération ou de sécurisation des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux, des projets de création ou de développement de transports collectifs, le renouvellement des matériels roulants pour les trains d'équilibre du territoire.

Ses recettes sont issues de la route : elles se composent d'une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques - la TICPE -, de deux taxes sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes, et d'une partie du produit des amendes radars. Mais près de deux tiers des projets qu'elle finance concernent des modes alternatifs ou complémentaires à la route : ferroviaires, collectifs, fluviaux ou maritimes.

L'Afitf permet ainsi de sanctuariser des recettes régulières et prévisibles en les affectant à des projets qui s'échelonnent sur plusieurs années, dans un objectif de report modal, puisque c'est la route qui finance les autres infrastructures de transport.

Le principe de cette agence est régulièrement critiqué par la Cour des comptes, dans la mesure où elle permet à l'État de s'affranchir de plusieurs règles budgétaires - en premier lieu, le principe d'universalité budgétaire et de non-affectation des recettes à des dépenses particulières.

En deuxième lieu, le contrôle du Parlement sur son budget est limité, puisque ce budget est en général arrêté en fin d'année, après l'examen de la loi de finances. Enfin, les engagements financiers pris par l'agence ne sont soumis à aucun plafonnement dans la loi de finances et sont autorisés par le seul conseil d'administration de l'établissement. Il faut ajouter que sa présidence est aujourd'hui vacante.

La Cour des comptes s'est aussi vivement inquiétée de la soutenabilité financière de l'agence, qui a accumulé des restes à payer importants : 12,3 milliards d'euros à la fin de l'année 2016, qui ne prennent pas en compte, ou alors de façon marginale, les engagements conclus au titre des CPER 2015-2020. De fait, l'agence a été mise en difficulté par l'abandon de l'écotaxe, dont les recettes devaient lui revenir. C'est pour remplacer cette recette qu'elle touche une part de la TICPE.

Où en est-on aujourd'hui ? En 2017, le budget de l'agence était de 2,2 milliards d'euros, pour un besoin estimé par son ancien président, Philippe Duron, à 2,5 milliards d'euros. Ce budget devrait augmenter en 2018, pour atteindre 2,4 milliards d'euros. C'est positif, mais si l'on écoute encore Philippe Duron, il aurait fallu un budget de 3 milliards d'euros, car, en raison des engagements pris par le passé, l'agence va se retrouver confrontée à un pic de dépenses à partir de l'année prochaine.

La Ministre estime que ce budget peut suffire, si l'on gèle ou l'on retarde certains engagements. Effectivement, la « pause » décidée en juillet par le Président de la République pour les grands projets d'infrastructures a déjà permis de réduire en partie les besoins de financement de l'Afitf. Étant pour ma part un fervent défenseur du canal Seine-Nord Europe, je me félicite que le président de notre commission ait prévu d'organiser une table ronde consacrée à ce sujet au mois de décembre. Il faudra néanmoins impérativement trouver des recettes pour l'année prochaine. C'est aussi l'un des chantiers des Assises de la mobilité lancées par la Ministre.

En ce qui concerne les dépenses de l'Afitf dans le domaine routier, on peut relever une bonne nouvelle : les crédits consacrés à la régénération du réseau routier existant devraient augmenter de 100 millions d'euros en 2018, passant de 385 à 482 millions d'euros. Nous pouvons nous en féliciter, dans la mesure où la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable avait donné l'alerte à ce sujet cet été.

L'Afitf devrait également dépenser près de 400 millions d'euros pour le développement de nouvelles infrastructures routières. Il s'agit de poursuivre le financement des opérations en cours et de financer, dans la limite des crédits alloués, de nouvelles opérations inscrites dans les CPER.

J'en viens aux crédits budgétaires du programme 203 « Infrastructures et services de transport », rattaché à la mission « Écologie, développement et mobilité durable ». Pour le développement de nouvelles infrastructures routières, toutes les dépenses sont prises en charge par l'Afitf. Pour l'entretien du réseau existant, 320 millions d'euros sont prévus, qui s'ajoutent à l'enveloppe de l'Afitf de 482 millions d'euros que j'évoquais tout à l'heure. Ce montant est en très légère augmentation par rapport à celui adopté en loi de finances pour 2017.

Les transports routiers seront également dotés de 3 millions d'euros pour la définition et l'application des réglementations dans ce domaine, notamment les actions de contrôle, et de 1,7 million d'euros pour l'accompagnement économique et social des professions en difficulté.

Je termine cette présentation des crédits par le compte d'affectation spéciale qui finance les « aides à l'acquisition de véhicules propres ». Ce compte est alimenté par les recettes du malus automobile. Il finance le bonus automobile, versé à l'achat d'un véhicule neuf peu émetteur de CO 2 , et la prime à la conversion, parfois aussi appelée « prime à la casse », versée lorsque l'achat d'un véhicule peu émetteur de CO 2 s'accompagne de la mise au rebut d'un véhicule ancien polluant.

Ce compte fait l'objet d'ajustements réguliers, destinés à assurer son équilibre, et à prendre en compte les évolutions technologiques et l'amélioration des performances des véhicules. Ce dispositif a pour but premier la réduction des émissions de CO 2 , et donc la lutte contre le réchauffement climatique. Mais le recentrage récent des aides versées sur les véhicules électriques ou hybrides lui permet aussi de contribuer à la réduction des émissions de polluants atmosphériques - les oxydes d'azote par exemple - et donc d'agir sur la qualité de l'air.

Le barème du malus est fixé dans la première partie de la loi de finances. En 2018, il s'appliquera aux véhicules qui émettent 120 grammes de CO 2 par kilomètre, au lieu de 127 aujourd'hui. Le malus devrait en conséquence s'appliquer à environ 21 % des ventes en 2018, pour 15 % en 2017.

Les barèmes du bonus et de la prime à la conversion seront quant à eux fixés par la voie réglementaire. Mais nous en connaissons déjà les grandes lignes.

L'objectif du Gouvernement est, en 2018, de donner plus d'ampleur à la prime à la conversion. C'est une évolution positive, car cette aide agit sur le parc roulant en circulation, qui est le plus polluant. Or, jusqu'à présent, cette prime a eu un succès limité : en 2016, elle a concerné moins de 10 000 véhicules, quand le bonus a concerné plus de 65 000 véhicules.

Elle était jusqu'à présent octroyée lorsque deux conditions étaient réunies : premièrement, la mise au rebut d'un véhicule diesel immatriculé avant 2006 ; deuxièmement, l'achat d'un véhicule électrique ou hybride rechargeable. La prime était de 4 000 euros dans le premier cas, et de 2 500 euros dans le second.

Les ménages non imposables pouvaient en outre bénéficier d'une prime à la conversion pour l'achat d'un véhicule neuf ou d'occasion électrique ou à moteur essence, respectant la norme Euro 5 ou 6 et émettant moins de 110 g de CO 2 par kilomètre. Cette aide s'élevait à 1 000 ou 500 euros, en fonction de la norme Euro du véhicule acheté.

En 2018, conformément au Plan Climat présenté par Nicolas Hulot au mois de juillet, la prime réservée aux ménages non imposables va être généralisée, suivant le schéma suivant. Tous les ménages pourront bénéficier d'une prime de 1 000 euros lorsque ces deux conditions seront réunies : premièrement, la mise au rebut d'un véhicule diesel immatriculé avant 2001 ou d'un véhicule essence immatriculé avant 1997 ; deuxièmement, l'achat d'un véhicule neuf ou d'occasion électrique ou classé Crit'air 1 ou 2 émettant moins de 130 grammes de CO 2 par kilomètre. Il s'agit des véhicules hybrides rechargeables, des véhicules circulant au gaz ou à l'hydrogène, des véhicules essence de la norme Euro 4, 5 ou 6, et des véhicules diesel de la norme Euro 5 et 6. Les ménages non imposables continueront à bénéficier de conditions assouplies et auront droit à une prime supplémentaire de 1 000 euros.

La prime à la conversion sera aussi ouverte lorsque la mise au rebut du véhicule ancien accompagnera l'achat d'un véhicule à deux ou trois roues électrique, à hauteur de 100 euros, avec une prime supplémentaire de 1 000 euros pour les ménages non imposables.

En revanche, le montant des primes accordées pour l'achat des véhicules électriques ou hybrides va diminuer, de 4 000 à 2 500 euros pour les véhicules électriques, et de 2 500 euros à 1 000 euros pour les hybrides rechargeables, qui entreront dans le droit commun. On peut le regretter, mais cela est nécessaire pour assurer l'équilibre du compte.

Toutes ces évolutions devraient conduire au versement de 100 000 primes à la conversion en 2018, pour un montant de 127 millions d'euros. On mesure la montée en puissance de cette prime lorsqu'on compare ce montant avec celui prévu en 2017, soit 27 millions d'euros. C'est presque cinq fois plus.

En ce qui concerne le bonus automobile, il est encore recentré cette année, sur les seuls véhicules électriques. Les véhicules hybrides rechargeables ne pourront donc plus en bénéficier. Le montant de l'aide reste plafonné à 6 000 euros. C'est peut-être regrettable, mais c'est le choix fait par le Gouvernement.

Le bonus instauré en 2017 pour l'achat des deux ou trois roues électriques est maintenu. Il passera de 1 000 à 900 euros.

Enfin, le Gouvernement a dans un premier temps annoncé la suppression du bonus de 200 euros créé en 2017 pour l'achat des vélos à assistance électrique. Cette mesure a néanmoins suscité de vives réactions. Des réflexions doivent avoir lieu à ce sujet dans le cadre des Assises de la mobilité.

Les aides versées au titre du bonus devraient atteindre au total 261 millions d'euros en 2018.

L'ensemble de ces évolutions du compte d'affectation spéciale me semblent aller dans le bon sens. Le recentrage du bonus sur les véhicules électriques, entamé il y a quelques années déjà, a l'avantage de favoriser une filière d'avenir, en pleine émergence, qui est efficace à la fois pour réduire les émissions de CO2 et les émissions de polluants atmosphériques.

Nous pouvons aussi nous réjouir que ce dispositif soit maintenu pour les deux ou trois roues électriques, pour lesquels ce type d'énergie a une forte pertinence. Il s'agit en effet de véhicules qui effectuent des trajets courts, ce qui facilite les possibilités de recharge.

Enfin, l'élargissement du champ de la prime à la conversion devrait permettre d'agir plus efficacement sur le parc roulant en circulation, qui est le plus préoccupant sur le plan des émissions.

Au regard de l'ensemble des éléments que je vous ai présentés - les nouvelles orientations du bonus-malus, mais aussi l'augmentation des crédits consacrés à l'entretien du réseau routier -, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés aux transports routiers, qui est un budget de transition, en attendant les évolutions que proposera le Gouvernement pour répondre aux inquiétudes sur la soutenabilité de l'Afitf, et que l'agence retrouve un président.

Il nous reviendra de rester vigilants lors des débats relatifs à la loi d'orientation sur les mobilités annoncée par la Ministre pour 2018. C'est à cette occasion que nous pourrons - je l'espère en tout cas -, avoir une vision pluriannuelle sur la stratégie de l'État dans le domaine des transports.

M. Ronan Dantec . - Je félicite le rapporteur car l'exercice, dans un temps aussi court et avec des sujets aussi techniques où l'État n'est pas forcément clair dans ses propres explications, est toujours un tour de force. J'ai rédigé ce rapport deux années consécutives et je sais à quel point l'État ne facilite pas toujours la tâche.

Il y a beaucoup d'annonces sur le bonus-malus, et la manière dont l'État le met en oeuvre ne me semble pas extrêmement claire. Il faudra donc que nous soyons extrêmement attentifs. À partir du moment où l'on facilite la mise au rebut d'un certain nombre de véhicules, que fait-on de ces véhicules ? Je crains que les véhicules partent à l'exportation et que l'on retrouve, demain, leurs émissions de CO 2 ailleurs. Il y a un enjeu en matière de développement pour les pays où on les exporte, car ces véhicules permettent plus de mobilité, par exemple dans les pays africains. Mais par rapport aux engagements pris sur le climat, cette mesure n'a de sens que si ces véhicules sont détruits. Je souhaiterais donc que le rapporteur puisse poser à l'État cette question : les véhicules mis au rebut sont-ils effectivement mis au rebut ou exportés ?

M. Alain Fouché . - Je remercie le rapporteur pour cet exposé rapide et clair. Il existe aussi des aides financées par les régions pour l'acquisition de véhicules électriques ou hybrides, avez-vous des éléments là-dessus ?

M. Jean-Pierre Corbisez , rapporteur . - Je n'ai pas d'éléments sur les aides des régions. Certaines collectivités peuvent elles-mêmes se doter de véhicules hybrides, ou fonctionnant par exemple au GNV pour le ramassage de déchets ménagers, car ils sont moins bruyants. Lorsqu'on ramasse les ordures à 5h du matin dans la rue, l'écart de 8 décibels est notable. Aujourd'hui, on se demande pourquoi le Gouvernement abandonne son engagement financier sur l'hybride rechargeable et se concentre uniquement sur les véhicules électriques. C'est regrettable, car certaines collectivités, comme les acteurs privés, s'engagent sur le long terme en installant une station GNV.

Pour répondre à Ronan Dantec, je vais effectivement interroger la Ministre en demandant la présentation d'un certificat de destruction en contrepartie des aides apportées par l'État.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Transports routiers » de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » du projet de loi de finances pour 2018.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 25 octobre 2017

Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer : M. François Poupard , directeur, et Mme Isabelle Andrivon , cheffe de service de l'administration générale et de la stratégie.

Mercredi 8 novembre 2017

Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie : M. Yann Tréméac , chef de service adjoint au service des transports.


* 1 D'après le budget rectificatif du 15 juin 2017.

* 2 Budget prévisionnel.

* 3 Ce montant intègre 12 millions d'euros de fonds de concours que devait verser l'Afitf en 2016 et qui ont été reportés en 2017.

* 4 Infrastructures routières et autoroutières : un réseau en danger, rapport d'information fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable par M. Hervé Maurey, n° 458 (Sénat, 2016-2017).

* 5 Données pour 2016. Source des données du paragraphe : Commissariat général au développement durable, Comptes des transports en 2016, 54 ème rapport de la Commission des comptes des transports de la Nation, juillet 2017.

* 6 Qui correspond à l'action n° 01 « Développement des infrastructures routières » de la maquette du projet de loi de finances pour 2017.

* 7 Qui correspond à l'action n° 12 « Entretien et exploitation du réseau routier national » de la maquette du projet de loi de finances pour 2017.

* 8 Qui correspond à l'action n° 15 « Stratégie et soutien » de la maquette du projet de loi de finances pour 2017.

* 9 Qui correspond à une partie de l'action n° 13 « Soutien, régulation, contrôle et sécurité des services de transport terrestres » de la maquette du projet de loi de finances pour 2017.

* 10 Immatriculés à partir du 1 er janvier 2006.

* 11 Immatriculés à partir du 1 er janvier 2011.

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