M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, près de 11 millions de personnes vivent dans des habitations à loyer modéré, dans les quelque 5 millions de logements de ce type que compte le territoire français. D’après l’Union sociale pour l’habitat, près d’un Français sur deux a vécu ou vit en HLM.

Pourtant, ces logements souffrent souvent d’une image négative, entachée par des problématiques de violence, d’insécurité, de tapage ou d’insalubrité. Si les offices publics d’HLM remplissent souvent leur mission de gestion, ils doivent faire face, de façon de plus en plus forte, à des locataires posant problème. Violences, trafics en tout genre, cambriolages, destructions des biens publics, incendies de véhicules et de poubelles, menaces, intimidations, nuisances nocturnes : tous ces faits détériorent le quotidien des habitants qui n’aspirent qu’à vivre tranquillement.

Localement, le maire est très souvent l’élu le plus accessible, l’autorité la plus proche. Il est directement responsable envers les habitants de sa commune, mais il est aussi le garant de la tranquillité publique au travers de son pouvoir de police.

Les élus de la commune sont les plus informés de la situation locale et les mieux à même de juger opportune, ou non, l’installation de nouveaux habitants dans des logements à loyer modéré.

Les critères d’éligibilité pour bénéficier d’un logement social sont nombreux et c’est à la commission d’attribution des logements que revient la tâche de proposer un logement adapté aux demandeurs, lesquels sont d’ailleurs toujours plus nombreux : près de 2,5 millions de dossiers sont en attente, soit une progression de plus de 7 %.

Actuellement, la commune, en la personne de son maire, est sous-représentée dans la commission d’attribution des logements. De ce fait, le maire peut se voir attribuer des habitants qui ont posé ou pourraient poser des problèmes de tranquillité publique ou de salubrité publique.

Rendre un peu de pouvoir aux élus locaux est tout l’enjeu de ce texte. C’est plus largement tout l’enjeu des textes que nous aurons à étudier et à proposer dans les années à venir.

Ce texte n’est pas une finalité en soi – cela a été dit –, mais il pose les bases d’un contrat républicain plus respectueux des élus municipaux.

Les défis de demain en matière de logements sociaux sont grands, comme intégrer les places de prison dans la prise en compte des minima définis par la loi SRU, afin d’en finir avec la double peine des communes, ou encore permettre l’expulsion de leur logement social des délinquants condamnés dans des conditions plus larges que celles qui sont prévues aujourd’hui.

Dans toutes ces réformes, vous trouverez en première ligne les sénateurs du Rassemblement national et, je l’espère, ceux d’autres formations politiques. (MM. Aymeric Durox, Christopher Szczurek et Stéphane Ravier applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Denis Bouad. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Denis Bouad. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 2,42 millions de ménages étaient en attente d’un logement social à la fin de l’année dernière. Madame la ministre, à l’opposé de cette réalité, vous avez indiqué que le nombre d’agréments de logements sociaux se situerait autour de 85 000 en 2023.

Comme vous l’avez vous-même reconnu, ce nombre est nettement insuffisant. Déjà, lors des deux exercices précédents, nous avons produit moins de 100 000 logements par an, alors que l’objectif fixé était d’en créer 250 000 en deux ans. Comme quoi, il n’existe pas non plus de pensée magique en cette matière : il ne suffit pas de fixer un objectif pour que celui-ci soit atteint !

Lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, j’interpellais votre prédécesseur pour qu’un véritable plan Marshall du logement soit mis en place. Aujourd’hui, malgré nos alertes répétées, aucune mesure d’ampleur n’a été prise et la situation est de plus en plus alarmante. C’est donc avec une grande inquiétude et de manière de plus en plus urgente que nous réitérons notre appel auprès de vous.

Aussi, mes chers collègues, j’ai bien peur qu’à travers cette proposition de loi nous ne prenions le problème à l’envers.

Nous faisons face aujourd’hui à une grave pénurie de logements sociaux. Cette pénurie et la tension qu’elle engendre sur le parc social contribuent à la perte d’influence des maires dans l’attribution des logements.

Le cœur du problème, ce sont donc non pas les modalités d’attribution des logements sociaux, mais bel et bien la production de ces logements.

Le cœur du problème, c’est la capacité d’investissement des bailleurs sociaux.

Le cœur du problème, c’est la RLS.

Le cœur du problème, ce sont les 15 milliards d’euros économisés sur les politiques du logement au cours des cinq dernières années.

Cela étant dit, nous ne sommes pas opposés à une meilleure prise en compte de l’avis des maires dans l’attribution des logements sociaux et de leur fine connaissance du territoire et de leur population. Cela serait d’autant plus utile que la suppression de la taxe d’habitation et l’accroissement des contraintes urbanistiques participent déjà à décourager certains maires de s’engager dans la construction de logements sociaux.

Pour autant, les principales dispositions de cette proposition de loi ne nous semblent ni réalistes quant à leur mise en œuvre sur le terrain ni souhaitables sur le fond.

Tout d’abord, confier la présidence des Caleol aux maires posera nécessairement des problèmes d’organisation. Nous savons que le patrimoine des bailleurs sociaux ne s’arrête pas à la frontière d’une seule commune. Concrètement, comment s’organiseraient les Caleol sur le terrain, en changeant de présidence pour chaque dossier ? Encore une fois, nous devons veiller à ce que notre volonté de légiférer ne complexifie pas l’organisation au quotidien sur nos territoires, comme c’est déjà parfois le cas – malheureusement !

Ensuite, notre politique de logement social doit être le fruit d’un équilibre entre écoute des élus locaux et respect des objectifs de l’État, notamment en matière de mixité sociale et de logement des personnes prioritaires.

Les maires sont déjà écoutés et soutenus. Mieux écouter les élus locaux dans la décision d’attribution des logements ne doit pas nous conduire à faire pencher totalement le balancier dans le sens inverse. Or offrir purement et simplement un droit de veto aux maires viendrait totalement rompre cet équilibre.

Une telle disposition menacerait la cohérence globale de notre action en matière de logement social. Cela poserait également la question de l’exposition juridique des maires dans le cadre des recours pour non-attribution.

La proposition de généraliser la délégation des droits de réservation de l’État à la commune lors de la première mise en location d’un programme neuf semble, quant à elle, plus équilibrée. Elle permet de renforcer l’écoute des maires sans rompre le nécessaire équilibre du système. Comme l’a dit notre rapporteure, cette pratique est déjà très répandue et les choses fonctionnent très bien, sans que le législateur ait besoin d’intervenir.

Il y a quelques jours seulement, le président du Sénat nous a demandé de « moins légiférer pour mieux légiférer ». Or cette proposition de loi ne servira pas à régler les difficultés des mal-logés et elle est malheureusement inapplicable sur le terrain.

C’est pourquoi nous nous opposons à cette proposition de loi telle qu’elle nous est présentée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, étant donné la crise immobilière brutale qui déstabilise le secteur de la construction et de la location, le logement est clairement l’un des thèmes politiques les plus scrutés du moment.

Ce n’est donc pas un hasard si le premier texte dont nous sommes appelés à débattre est celui de notre collègue Sophie Primas visant à renforcer le rôle des maires dans l’attribution des logements dits sociaux.

Il s’agit tout simplement de donner enfin aux maires un poids cohérent avec les responsabilités politiques et juridiques qui sont les leurs pour assurer le logement de leur population.

Ici, au Sénat, nous sommes convaincus depuis longtemps de cette absolue nécessité. En juillet dernier, le président Gérard Larcher, déplorant la « marginalisation des maires » dans l’attribution des logements, a lui-même rappelé que le logement devait être la première des politiques à « rendre » aux maires.

Il semble que, depuis, le Président de la République l’ait entendu, puisqu’il a indiqué dernièrement son intention de travailler sur la question de l’attribution des logements sociaux afin de laisser une plus grande marge de manœuvre aux maires et de leur donner une meilleure maîtrise du peuplement de leur commune.

En effet, la place des maires dans les commissions d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements n’est pas à la mesure de leur rôle central dans le développement du logement dit social, notamment à travers l’attribution des permis de construire et des garanties d’emprunt.

De fait, l’attribution des logements leur échappe majoritairement. Ils pèsent peu dans les commissions d’attribution à côté de l’État et des organismes d’HLM, étant seuls parmi une dizaine de membres.

À défaut d’établir l’égalité numérique entre la délégation du bailleur social et celle de la commune, la commission des affaires économiques a adopté un amendement du rapporteur visant à donner au maire un droit de veto plutôt qu’une voix prépondérante en cas de partage. Ce veto devrait être motivé et pourrait, par exemple, s’appuyer sur la qualification du parc social et de son occupation établie par le bailleur et d’ores et déjà prévue par les textes.

Par ailleurs, la commission des affaires économiques estime essentiel d’attribuer aux maires la présidence de ces commissions, tout en veillant à conserver leur caractère intercommunal, lorsque c’est le cadre de fonctionnement établi.

Enfin, la commission propose de généraliser la délégation des droits de réservation de l’État au maire lors de la première mise en location d’un programme neuf, comme le rend déjà possible une lecture souple du décret de 2020, qui régit la mise en œuvre de la cotation, de la gestion en flux et des conventions de réservation.

Il s’agit donc bien de redonner une réelle capacité au maire de maîtriser le peuplement d’une résidence, en lui offrant la possibilité d’attribuer environ la moitié des nouveaux logements.

Cette disposition paraît également de nature à soutenir la construction de nouveaux logements sociaux et l’application de la loi SRU, de répondre ainsi à la demande locale et de légitimer ce type de construction face aux critiques récurrentes que nous entendons tous sur le terrain.

Madame la ministre, mes chers collègues, il serait absurde et inconcevable de vouloir réformer la France en se coupant des maires, des élus locaux, des villes et des villages, qui sont la clé du bien-vivre quotidien de leurs habitants.

Le lien de confiance entre les élus locaux et l’État a été fortement et durablement endommagé. Le temps est venu de recréer des ponts entre les collectivités territoriales et l’exécutif. À l’évidence, la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui s’inscrit parfaitement dans cette démarche et je la soutiens pleinement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. André Reichardt. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les municipalités communales restent, depuis leur création, le lieu de « l’intégration à l’État-nation et [de] la consolidation du lien politique ». Aujourd’hui, plus que jamais, l’existence même de ce lien politique ne peut se concevoir sans lien social, encore moins sans pouvoir municipal.

De toute évidence, le rôle des maires à cet égard est non seulement logique, mais aussi crucial.

Logique, tout d’abord, car c’est sur les maires que repose in fine l’exécution des politiques du logement. Qu’il s’agisse, entre autres exemples, des demandes de permis de construire, de la construction des logements sociaux, du traitement des demandes fondées sur le droit au logement opposable, des relogements prioritaires, aucune politique du logement ne peut se concevoir sans l’intervention de nos maires.

C’est d’autant plus le cas lorsque des objectifs sont assignés à leur action. Chacun connaît à cet égard les difficultés soulevées par l’article 55 de la loi SRU de 2000, imposant à certaines communes de disposer d’un nombre minimum de logements sociaux.

Chacun connaît aussi l’impact de la crise du secteur du BTP sur la réalisation des objectifs assignés aux communes.

Enfin, tout élu municipal connaît le poids des contraintes procédurales imposées par l’exercice du droit de préemption, l’apport de terrains ou les garanties d’emprunt.

Il faut souligner, à cet égard, que la simple participation des maires aux commissions d’attribution des logements est une sorte de minimum garanti par la loi – il faut donc la faire évoluer. Comment ne pas assurer aux maires, au stade de l’attribution des logements sociaux, une place d’importance égale à son action dans la construction des logements ?

La garantie apportée par l’article unique de la présente proposition de loi, qui prévoit de confier la présidence des commissions aux maires, concerne non seulement l’association des maires aux politiques du logement, mais aussi leur efficacité et leur investissement dans une action qui est avant tout celle des communes – celles-ci sont souvent bien davantage investies sur ces sujets que l’État.

Il faut évidemment repousser les critiques faciles dont toute procédure de sélection et d’attribution est passible, celles qui naissent des soupçons de favoritisme et de clientélisme. Mes collègues du groupe Les Républicains l’ont dit avant moi, accorder une place prééminente aux maires dans l’attribution des logements sociaux ne crée pas davantage de risque structurel de décision solitaire : la décision d’attribution demeure communale et collective.

Enfin, plus encore qu’un enjeu de politique publique, le rôle du maire dans l’attribution des logements est surtout une question cruciale de proximité.

Mes chers collègues, nous sommes nombreux ici à avoir eu l’honneur d’exercer les fonctions de maire. Nous savons d’expérience que ce rôle ne peut se concevoir sans la connaissance approfondie de la population communale, de ses spécificités et des circonstances locales.

C’est la raison pour laquelle nous devons conserver et développer tous les outils à disposition des maires afin de leur permettre de pleinement connaître leurs administrés. La mairie et les services municipaux constituent le centre de gravité du lien social depuis ses origines, dès l’arrivée de nouveaux administrés sur une commune.

En tant qu’élu du Bas-Rhin, donc Alsacien,…

M. André Reichardt. … je veux rappeler l’existence d’une disposition du droit local alsacien-mosellan, prévoyant l’obligation pour tout nouvel administré de se déclarer en mairie afin de mettre à jour le fichier domiciliaire communal. Le non-respect de cette obligation n’étant malheureusement plus sanctionné de nos jours du fait d’une loi scélérate, il faut compter sur des dispositifs spéciaux pour favoriser la rencontre du maire et des nouveaux habitants de la commune.

L’attribution des logements sociaux fait partie de ces chemins que les représentants municipaux doivent emprunter pour connaître leur population.

Pour ces raisons, n’attendons pas, madame la ministre, une hypothétique loi de décentralisation qui, si j’ai bien compris ce que vous avez dit, renforcera encore le rôle du préfet en la matière.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Non ! Celui du maire !

M. André Reichardt. Faisons dès aujourd’hui confiance aux maires et soyons nombreux à voter cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux
Article additionnel après l'article unique - Amendement  n° 8

Article unique

L’article L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Le II est ainsi modifié :

a) Au 1°, les mots : « , qui élisent en leur sein un président » sont supprimés ;

b) Le 2° est ainsi rédigé :

« 2° Du maire de la commune où sont implantés les logements attribués ou de son représentant. Il préside la commission, sauf lorsqu’elle est créée en application du second alinéa du I du présent article. En cas d’opposition motivée de la commune sur un candidat, la commission ne peut décider l’attribution du logement ; »

c) (nouveau) Le 4° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il préside la commission lorsqu’elle est créée en application du second alinéa du I du présent article. » ;

2° (nouveau) Le III est ainsi modifié :

a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lors de la mise en location initiale des logements, l’État délègue à la commune les réservations de logements dont il bénéficie en application de l’article L. 441-1, à l’exception des logements réservés au bénéfice des agents civils et militaires de l’État. Un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre du présent alinéa. » ;

b) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « troisième et cinquième » sont remplacés, deux fois, par les mots : « quatrième et sixième ».

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Yannick Jadot.

M. Yannick Jadot. Par cet amendement, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose à l’instauration d’un droit de veto du maire sur l’attribution des logements sociaux. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. C’est bien dommage !

M. Yannick Jadot. Nous ne comprenons pas comment un droit de veto du maire, qui serait de fait un droit d’exclure, pourrait renforcer son pouvoir d’attribution.

La question de la mixité sociale est au cœur de l’attribution des logements sociaux et la collégialité constitue assurément un moyen de limiter les risques de clientélisme et de détournement de pouvoir. (MM. Laurent Duplomb et Laurent Burgoa protestent.) C’est pour cela que les dispositifs actuels ont été mis en œuvre !

En plaçant ainsi le maire au cœur du dispositif pour orienter la question du peuplement dans le parc social, nous risquons de faire peser sur lui une pression encore plus forte et de le mettre en difficulté, y compris en termes de sécurité – nous débattrons tout à l’heure d’un texte sur la protection des élus.

Un droit de veto, en lieu et place de l’actuelle voix prépondérante en cas de partage des voix, ne nous semble donc pas être le bon levier. À Hénin-Beaumont comme ailleurs,… (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Pas ça !

M. Yannick Jadot. … nous craignons que cette prérogative ne présente des risques de clientélisme et de discrimination ethnique, religieuse et sociale. (Mme le rapporteur proteste vivement.)

Ce sont d’abord la transparence, l’équité et l’objectivité des critères résultant de la représentativité des bailleurs sociaux au sein des Caleol qu’il convient de garantir. Le travail du maire est bien de dégager une vision et d’avoir les informations clés qui permettent de créer une sociologie de la ville ; il n’est pas d’exclure.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article unique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Monsieur Jadot, j’espère que vous allez très rapidement apprendre comment nous travaillons dans cet hémicycle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

Il faut vous garder des anathèmes, des caricatures et des raccourcis un peu faciles. Chacun a naturellement ses propres convictions, mais nous sommes nombreux ici à partager un certain nombre de valeurs. Nous nous respectons les uns les autres et nous refusons le genre d’invective que vous venez de proférer ou les visions réductrices, comme celle que vous venez de livrer sur Hénin-Beaumont. Vous ne devriez pas utiliser ce genre de facilité dans cet hémicycle. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Sur le fond, je ne vous étonnerai pas en émettant un avis défavorable sur cet amendement, puisque vous voulez tout simplement supprimer l’article unique du texte, donc de fait l’ensemble de la proposition de loi déposée par Sophie Primas.

Plusieurs d’entre nous viennent de dire qu’ils sont attachés à ce texte qui vise à redonner la main aux maires dans les commissions d’attribution des logements sociaux.

J’ai l’impression, monsieur Jadot, que vous faites une fixation sur le droit de veto et je veux dissiper toute ambiguïté – nous aurons l’occasion d’y revenir à l’occasion de l’examen de plusieurs de vos amendements.

Dans le droit actuel, le maire dispose d’une voix prépondérante en cas d’égalité des voix au sein de la commission. Cette voix prépondérante est très peu utilisée. Par ailleurs, son utilisation n’a pas besoin d’être motivée.

En mettant en œuvre le droit de veto dont vous parlez, nous apportons simplement une base légale à la possibilité pour le maire de s’opposer à un dossier de demande de logement qui ne lui semblerait pas correspondre, au regard de critères parfaitement républicains, par exemple la qualification du parc social et de son occupation établie par le bailleur, à l’intérêt général communal. J’ajoute que, contrairement à ce que certains ont pu dire, l’Union sociale pour l’habitat n’est pas opposée à la mise en place d’un droit de veto.

Je rappelle surtout qu’un maire connaît ses responsabilités – Laurence Garnier et d’autres collègues en ont parlé –, en particulier pour loger la population. Son intérêt est évidemment de répondre au mieux aux attentes des habitants de sa commune : il ne va donc pas utiliser ce droit de veto n’importe comment, de façon arbitraire ou discrétionnaire ! D’ailleurs, il devra motiver ses décisions.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. En introduisant cette base légale, nous entendons surtout donner au maire un pouvoir de négociation avec les autres membres de la commission d’attribution. Le veto ne sera que la décision ultime d’un processus global. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le Président de la République a annoncé vouloir renforcer le contrôle des attributions de logements sociaux par les maires afin que ceux-ci puissent apporter toute leur expertise de terrain en matière de peuplement, de logement et d’habitat. C’est l’objet de cette proposition de loi : renforcer le pouvoir du maire sur les attributions effectuées dans sa commune.

Cet amendement vise à supprimer complètement l’article unique de la proposition de loi ; nous ne pouvons pas y souscrire.

Le Gouvernement estime que ce texte est pertinent, même s’il entend l’améliorer et mieux encadrer son dispositif. C’est l’objet des amendements que nous avons déposés.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Le groupe CRCE-Kanaky votera cet amendement déposé par nos collègues écologistes et défendu par Yannick Jadot.

Est-ce que ce texte porté par Mme Primas va régler la question du logement social ? On nous a déjà répondu non, mais va-t-il au moins permettre de s’attaquer au principal problème que connaît ce secteur : la pénurie de logements ?

En Seine-Saint-Denis, je connais une ville de 58 000 habitants, où le nombre de demandeurs de logements sociaux atteint aujourd’hui 8 000 et dans laquelle 200 logements sont attribués par an, dont 20 par le maire ! Même si le maire peut, demain, en attribuer 100 ou 150, il restera toujours 7 800 personnes sur le carreau ! Et c’est sans compter sur le fait que le nombre de demandeurs va continuer de croître.

La question centrale, c’est donc bien la pénurie de logements et le déficit de construction, ce qui pose évidemment la question du financement. Or, depuis six ans, les gouvernements macronistes ont ponctionné 10 milliards d’euros sur la politique du logement.

Allons-nous décider de rendre aux bailleurs les moyens de construire du logement social pour faire face à la pénurie, en particulier dans les zones tendues ? Oui ou non ? Vous devez vous engager là-dessus, mes chers collègues, et rapidement, parce que nous examinerons dans un mois le projet de loi de finances.

Nous devons aussi trouver des hébergements pour les sans-abri – ils sont entre 300 000 et 350 000 !

Profitons de cette proposition de loi pour avoir ce débat. Est-ce que la droite s’engage à redonner les 10 milliards d’euros ponctionnés ? C’est en faisant cela que nous serons vraiment utiles aux maires, bien plus qu’en adoptant la présente proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 1 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l’adoption 99
Contre 246

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 6

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

…) Le 4° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La présidence de la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements est exercée par le maire, ou, lorsque la commission est créée dans les conditions du deuxième alinéa du I, par le membre visé au 4°. Lorsque la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements examine dans une même séance des attributions dans des logements situés dans plusieurs communes sans entrer dans les cas régis par le deuxième alinéa du I, la présidence est exercée successivement par les différents maires concernés. Lorsque le maire est absent, les membres désignés dans les conditions du 1° élisent en leur sein un président. » ;

La parole est à Mme la ministre déléguée.