Sommaire

Présidence de M. Mathieu Darnaud

Secrétaires :

M. Joël Guerriau, Mme Marie-Pierre Richer.

1. Procès-verbal

2. Hommage

3. Décès d’une ancienne sénatrice

4. Conférence des présidents

Conclusions de la conférence des présidents

5. Candidatures à des commissions

6. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

7. Communication relative à des commissions mixtes paritaires

8. Rappel au règlement

Mme Dominique Estrosi Sassone

9. Accession à la propriété. – Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Débat interactif

M. Alain Marc ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Alain Marc.

Mme Amel Gacquerre ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Amel Gacquerre.

M. Yannick Jadot ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Yannick Jadot ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée ; M. Yannick Jadot.

Mme Marianne Margaté ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Annick Girardin ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

M. Bernard Buis ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Viviane Artigalas ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Viviane Artigalas.

M. Max Brisson ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Max Brisson.

M. Guislain Cambier ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Guislain Cambier ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée ; M. Guislain Cambier.

M. Denis Bouad ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

M. Laurent Duplomb ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

M. Rémi Cardon ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Rémi Cardon.

Mme Martine Berthet ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Martine Berthet.

Mme Sylviane Noël ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; Mme Marie-Claire Carrère-Gée ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée.

M. Jean-Claude Anglars ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Conclusion du débat

M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains

Suspension et reprise de la séance

10. Rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

Mme Sophie Primas, auteur de la proposition de loi

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques, rapporteur

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

M. Pierre Médevielle

Mme Amel Gacquerre

M. Yannick Jadot

M. Fabien Gay

M. Henri Cabanel

M. Bernard Buis

Mme Viviane Artigalas

Mme Laurence Garnier

M. Joshua Hochart

M. Denis Bouad

M. Jean-Raymond Hugonet

M. André Reichardt

Clôture de la discussion générale.

Article unique

Amendement n° 9 de M. Yannick Jadot. – Rejet par scrutin public n° 1.

Amendement n° 11 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 1 de M. Bernard Buis. – Retrait.

Amendement n° 7 rectifié bis de M. Henri Cabanel. – Rejet.

Amendement n° 6 rectifié de M. Henri Cabanel. – Rejet.

Amendement n° 12 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 3 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Amendement n° 2 rectifié de M. Stéphane Fouassin. – Adoption.

Amendement n° 4 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Amendement n° 5 de M. Fabien Gay. – Rejet.

Amendement n° 13 du Gouvernement. – Rejet.

M. Pascal Savoldelli

Adoption de l’article modifié.

Après l’article unique

Amendement n° 8 de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 10 rectifié ter de Mme Sylviane Noël. – Retrait.

Amendement n° 14 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l’ensemble

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Stéphane Ravier

M. Daniel Salmon

M. Henri Cabanel

Mme Sophie Primas

M. Fabien Gay

M. Yannick Jadot

Mme Viviane Artigalas

Mme Amel Gacquerre

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

11. Sécurité des élus locaux et protection des maires. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

Mme Françoise Gatel

M. Guy Benarroche

Mme Cécile Cukierman

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile

Mme Maryse Carrère

Mme Patricia Schillinger

M. Hussein Bourgi

Mme Nadine Bellurot

M. Stéphane Ravier

Mme Laure Darcos

Mme Anne Chain-Larché

M. Cyril Pellevat

M. Jean-Marc Boyer

Clôture de la discussion générale.

Avant l’article 1er

Amendement n° 2 rectifié bis de M. Hervé Maurey. – Retrait.

Article 1er

Mme Karine Daniel

Mme Olivia Richard

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Simon Uzenat

Mme Cécile Cukierman

M. François Bonhomme

M. Olivier Paccaud

Amendement n° 4 de M. Hussein Bourgi. – Rejet.

Amendement n° 1 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 2 – Adoption.

Articles 2 bis et 2 ter (nouveaux) – Adoption.

Article 3

M. Jean-François Longeot

M. Ahmed Laouedj

Mme Cécile Cukierman

M. Hussein Bourgi

Mme Catherine Di Folco, rapporteur

Amendement n° 16 rectifié bis du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 5 rectifié de M. Hussein Bourgi. – Devenu sans objet.

Amendement n° 11 de M. Paul Toussaint Parigi. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 4

Amendement n° 15 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Articles 5 à 8 – Adoption.

Article 9

Amendement n° 19 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 10

Amendement n° 8 de M. Hussein Bourgi. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 11 – Adoption.

Article 12

M. Jean-Baptiste Lemoyne

Adoption de l’article.

Article 13

Amendement n° 9 de M. Hussein Bourgi. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Article 14

Amendement n° 20 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Vote sur l’ensemble

M. Éric Kerrouche

Mme Cécile Cukierman

M. Hussein Bourgi

Mme Maryse Carrère

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée

12. Ordre du jour

Nomination de membres de commissions

Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire

compte rendu intégral

Présidence de M. Mathieu Darnaud

vice-président

Secrétaires :

M. Joël Guerriau,

Mme Marie-Pierre Richer.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 5 octobre 2023 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Hommage

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que M. le président du Sénat rendra hommage demain, au début de notre séance de questions d’actualité au Gouvernement, aux victimes de l’attaque terroriste du Hamas sur Israël.

3

Décès d’une ancienne sénatrice

M. le président. Mes chers collègues, nous avons appris avec tristesse le décès de notre ancienne collègue Victoire Jasmin, qui siégeait encore il y a peu avec nous.

M. le président du Sénat lui rendra hommage demain.

4

Conférence des présidents

M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie le jeudi 5 octobre 2023, sont consultables sur le site du Sénat.

En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.

Conclusions de la conférence des présidents

SEMAINE DE CONTRÔLE

Mardi 10 octobre 2023

À 14 h 30 et le soir

- Débat sur l’accession à la propriété (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes, y compris la réplique

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute

• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 9 octobre à 15 heures

- Proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux, présentée par Mme Sophie Primas et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 10, 2023-2024 ; demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mercredi 4 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : jeudi 5 octobre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 9 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 10 octobre début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 9 octobre à 15 heures

- Proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, présentée par M. François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée ; texte de la commission n° 8, 2023-2024 ; demande de la commission des lois)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mercredi 4 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : jeudi 5 octobre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 9 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 10 octobre après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 9 octobre à 15 heures

Mercredi 11 octobre 2023

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 11 octobre à 11 heures

À 16 h 30

- Éventuellement, suite de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, présentée par M. François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée ; texte de la commission n° 8, 2023-2024 ; demande de la commission des lois)

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 et conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire (demande du Gouvernement)

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 10 octobre à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’industrie verte (demande du Gouvernement)

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 10 octobre à 15 heures

- Débat relatif à l’augmentation de la taxe foncière (demande du groupe CRCE-Kanaky)

• Temps attribué au groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky : 8 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute

• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes

• Conclusion par le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 10 octobre à 15 heures

Le soir

- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 octobre 2023

• Intervention liminaire du Gouvernement

• 5 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des finances et à la commission des affaires européennes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 h 30

• Réponse du Gouvernement

• Conclusion par la commission des affaires européennes : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 10 octobre à 15 heures

Jeudi 12 octobre 2023

À 10 h 30

- Questions orales

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Lundi 16 octobre 2023

À 16 heures et le soir

- Nouvelle lecture du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution, de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (texte n° 2, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 octobre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 16 octobre à 11 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 16 octobre début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 13 octobre à 15 heures

Mardi 17 octobre 2023

À 14 h 30 et le soir

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise (texte n° 816, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 9 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 11 octobre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 16 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 17 octobre début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 16 octobre à 15 heures

En outre à 16 h 30

Désignation :

- des 18 sénateurs membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

- des 36 membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

- des 46 membres de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation

- des 36 membres de la délégation sénatoriale à la prospective

- et des 42 membres de la délégation sénatoriale aux entreprises

• Les candidatures présentées par les groupes à ces instances devront être remises à la division de la séance et du droit parlementaire au plus tard le mardi 17 octobre, à 13 h 30.

- Scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République

(Ce scrutin secret se déroulera dans la salle des Conférences.)

• Les candidatures devront être remises à la division de la séance et du droit parlementaire au plus tard le mardi 17 octobre, à 13 h 30.

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 17 octobre à 14 h 30

Mercredi 18 octobre 2023

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 18 octobre à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise (texte n° 816, 2022-2023)

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Lundi 23 octobre 2023

À 16 heures et le soir

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux services express régionaux métropolitains (texte n° 749, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 16 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 18 octobre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 20 octobre à 14 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 23 octobre début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 20 octobre à 15 heures

- Proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP, présentée par M. Vincent Capo-Canellas (procédure accélérée ; texte n° 943, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 13 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 18 octobre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 23 octobre à 11 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 23 octobre début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 20 octobre à 15 heures

Mardi 24 octobre 2023

À 14 h 30 et le soir

- Éventuellement, suite de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP, présentée par M. Vincent Capo-Canellas (procédure accélérée ; texte n° 943, 2022-2023)

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (texte n° 747, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 16 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 18 octobre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 20 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 24 octobre début d’après-midi, à la suspension du soir et mercredi 25 octobre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 23 octobre à 15 heures

Mercredi 25 octobre 2023

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 25 octobre à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (texte n° 747, 2022-2023)

Jeudi 26 octobre 2023

À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir

- deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama relatif à l’exercice d’activités professionnelles rémunérées par les membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre (procédure accélérée ; texte n° 444, 2022-2023)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord portant application de l’accord du 18 septembre 2007 concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, signé à Skopje le 5 juillet 2021 (texte n° 812, 2022-2023)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : mardi 24 octobre à 15 heures

- Projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales et la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales (procédure accélérée ; texte n° 549, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 18 octobre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 25 octobre à 15 heures

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant mesures d’urgence pour adapter les dispositions du code de commerce relatives aux négociations commerciales dans la grande distribution (procédure accélérée ; texte A.N. n° 1679)

Ce texte sera envoyé à la commission des affaires économiques.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 16 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 18 octobre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 23 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 25 octobre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 25 octobre à 15 heures

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (texte n° 747, 2022-2023)

Éventuellement, vendredi 27 octobre 2023

Le matin et l’après-midi

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (texte n° 747, 2022-2023)

SEMAINE SÉNATORIALE

Lundi 30 octobre 2023

De 16 heures à 20 heures

(Ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants)

- Proposition de loi visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles françaises, présentée par Mme Vanina Paoli-Gagin (texte n° 920, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 octobre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 octobre à 11 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 30 octobre début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 27 octobre à 15 heures

À 21 h 30

- Proposition de loi visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive, présentée par Mme Pascale Gruny et plusieurs de ses collègues (texte n° 404, 2021-2022 ; demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 octobre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 octobre à 11 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 30 octobre après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 27 octobre à 15 heures

Mardi 31 octobre 2023

À 9 h 30

- Questions orales

De 14 h 30 à 18 h 30

(Ordre du jour réservé au groupe CRCE-Kanaky)

- Proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives, présenté par Mme Cathy Apourceau-Poly, Mme Éliane Assassi, Mme Laurence Cohen et plusieurs de leurs collègues (texte n° 926, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 octobre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 octobre à 11 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 31 octobre début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 30 octobre à 15 heures

- Proposition de loi constitutionnelle visant à abroger l’article 40 de la Constitution, présentée par Mme Éliane Assassi, M. Éric Bocquet, M. Pascal Savoldelli et plusieurs de leurs collègues (texte n° 732, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 23 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 25 octobre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 octobre à 11 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 31 octobre début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 30 octobre à 15 heures

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Lundi 6 novembre 2023

À 16 heures et le soir

- Projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée ; texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 30 octobre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 6 novembre début d’après-midi, éventuellement à la suspension du soir et le mardi 7 novembre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 h 30

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 3 novembre à 15 heures

Mardi 7 novembre 2023

À 14 h 30 et le soir

- Suite du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée ; texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023)

Mercredi 8 novembre 2023

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 8 novembre à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 7 novembre à 15 heures

- Suite du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée ; texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023)

Jeudi 9 novembre 2023

À 10 h 30, l’après-midi et le soir

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 8 novembre à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour le plein emploi

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 8 novembre à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour adapter les dispositions du code de commerce relatives aux négociations commerciales dans la grande distribution

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mercredi 8 novembre à 15 heures

- Suite du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée ; texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023)

Vendredi 10 novembre 2023

Le matin, l’après-midi et, éventuellement, le soir

- Suite du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée ; texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023)

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Lundi 13 novembre 2023

À 16 heures

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte A.N. n° 1682 ; discussion générale)

Ce texte sera transmis à la commission des affaires sociales avec une saisine pour avis de la commission des finances.

• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 8 novembre matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 10 novembre à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 13 novembre début d’après-midi, à la suspension du soir et mardi 14 novembre en début d’après-midi et à la suspension du soir

• Temps attribué à la rapporteure générale de la commission des affaires sociales dans la discussion générale : 10 minutes

• Temps attribué aux rapporteurs de branche et au rapporteur pour avis : 5 minutes

• Temps attribué à la présidente de la commission des affaires sociales : 5 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 h 30

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 10 novembre à 15 heures

Le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte A.N. n° 1682 ; discussion des articles)

Mardi 14 novembre 2023

À 14 h 30, le soir et la nuit

- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration (procédure accélérée ; texte de la commission n° 434 rectifié, 2022-2023)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 13 novembre à 15 heures

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 14 novembre à 12 h 30

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte A.N. n° 1682 ; discussion des articles)

Mercredi 15 novembre 2023

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 15 novembre à 11 heures

À 16 h 30, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte A.N. n° 1682 ; discussion des articles)

Jeudi 16 novembre 2023

À 10 h 30, l’après-midi, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte A.N. n° 1682 ; discussion des articles)

Vendredi 17 novembre 2023

Le matin, l’après-midi, le soir et la nuit

- Sous réserve de sa transmission, suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (texte A.N. n° 1682 ; discussion des articles)

Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :

Mardi 31 octobre 2023, à 17 heures

5

Candidatures à des commissions

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires sociales et que le groupe Union Centriste a présenté une candidature pour siéger au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

6

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que les candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

7

Communication relative à des commissions mixtes paritaires

M. le président. J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire, sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, ainsi que sur le projet de loi relatif à l’industrie verte sont chacune parvenues à l’adoption d’un texte commun.

8

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour un rappel au règlement.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, je souhaite rappeler aux membres du Gouvernement leur obligation de répondre aux questions des sénateurs, d’échanger et de débattre avec eux (M. Loïc Hervé approuve.), mais également d’être présents lors de l’examen d’un texte législatif qui relève de leur ministère et de leurs compétences.

À cet égard, je regrette, madame la ministre, que ne soit pas présent aujourd’hui dans notre hémicycle le nouveau ministre du logement, qui a accordé une interview voilà trois jours au journal Le Monde pour donner quelques lignes sur sa politique, alors que nous allons débattre tout l’après-midi du logement : d’abord, dans le cadre de ce débat sur l’accession à la propriété, organisé sur l’initiative du groupe Les Républicains ; puis, lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Sophie Primas visant à remettre les maires au cœur du dispositif d’attribution des logements sociaux.

Le ministre a préféré accompagner le Président de la République à Hambourg, où il doit rencontrer son homologue. Il aurait peut-être pu le faire à un autre moment…

Nous regrettons que le nouveau ministre, qui avait l’occasion de s’adresser durant tout l’après-midi à la représentation parlementaire, depuis l’hémicycle du Sénat, pour parler du logement, ne soit pas là aujourd’hui.

J’espère que son déplacement en Allemagne lui ouvrira un peu les yeux sur les conséquences désastreuses de la politique massive de vente de logements sociaux à des investisseurs institutionnels, face à laquelle nombre d’entre nous se sont beaucoup émus et à laquelle nous nous sommes opposés depuis 2017, soit depuis l’arrivée du Président de la République Emmanuel Macron aux commandes. J’ose espérer que ce déplacement sera salutaire, en ce qu’il lui permettra de prendre conscience qu’il faut changer de cap en matière de politique du logement, pour faire en sorte que notre pays soit enfin capable de répondre à une crise du logement sans précédent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur des travées des groupes INDEP et SER. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

9

Accession à la propriété

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur l’accession à la propriété.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que le groupe auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre groupe Les Républicains a souhaité donner un signal fort dès la reprise des travaux du Sénat, en abordant la crise du logement qui frappe les Français. Il a choisi de le faire à travers la problématique de l’accession à la propriété, qui est le rêve et l’idéal de la plupart de nos concitoyens.

Je voudrais tout d’abord souligner combien, contrairement à ce qu’affirme une certaine écologie punitive ou collectiviste, ce rêve est légitime. Chacun aspire à donner à sa famille un lieu stable et confortable, un foyer où il fait bon vivre. Comment projeter de vivre à deux, d’élever des enfants sans chercher à garantir à ces derniers un toit au-dessus de leur tête ? À ce titre, la crise du logement participe directement à la crise de la natalité que nous traversons.

Cette sécurité protectrice que l’on souhaite pour sa famille, nos concitoyens l’espèrent aussi pour leurs vieux jours. Au moment où les retraites sont incertaines et, en tout état de cause, moins élevées que les revenus d’activité, être propriétaire de son logement est normalement un atout pour maintenir son niveau de vie.

Enfin, face aux difficultés rencontrées par la jeunesse pour trouver sa place dans notre société, les Français veulent, quand cela leur est possible, transmettre un capital à leurs enfants ou à leurs petits-enfants pour les aider.

Voilà pourquoi avoir un logement à soi reste un élément central à toutes les étapes de la vie et pour tous les Français.

Mais, ces dernières années, cet horizon s’est malheureusement éloigné. Le rêve est devenu toujours plus difficile à atteindre, ce qui a des conséquences sur toute la chaîne du logement.

En 2022, le pourcentage des ménages propriétaires était de 57,7 %. Il stagne depuis 2010, alors qu’il était croissant depuis les années 1970.

Les raisons en sont les effets durables de la crise économique de 2008 et la hausse continue des prix immobiliers, qui a été en partie soutenue et compensée par une politique de taux d’intérêt bas. Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, ces difficultés latentes ont été multipliées par une inflation qui ronge le pouvoir d’achat et par la hausse brutale des taux d’intérêt, à peine atténuée par un début de baisse des prix.

À cela s’ajoutent les tensions structurelles du marché dans les grandes villes historiques, où il est de plus en plus difficile de construire ou de densifier l’existant, alors même que l’affirmation de l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) rend impossible la solution traditionnelle d’extension des métropoles et crée des rentes de situation.

Cette problématique pourrait n’être que macroéconomique, mais elle est, en réalité, sociale et profondément politique. Le blocage de l’accès à la propriété équivaut au blocage de l’ascenseur social et donne à nos compatriotes un sentiment de précarisation et de déclassement par rapport aux générations qui les ont précédés.

En effet, il rend impossible le parcours accompli par nos parents ou grands-parents. Jeune, on est traditionnellement locataire d’un petit logement du parc social ou privé, plutôt suroccupé avec l’arrivée des enfants. On réussit progressivement à agrandir la surface de son logement et à devenir propriétaire au fur et à mesure de sa vie professionnelle. Puis, avec le départ des enfants, on dispose en général d’un logement plus grand, dont on est propriétaire et dans lequel on pourra recevoir sa famille. De fait, 79 % des propriétaires occupants disposent d’une maison. Ils ont en moyenne 60 ans, leur maison fait 100 mètres carrés et compte quatre pièces ou plus.

Enfin, le blocage de l’accession a des effets en chaîne sur l’ensemble du parcours résidentiel des ménages qui se trouvent bloqués. En effet, les ménages ne pouvant plus devenir propriétaires ne quittent plus leur logement locatif, que ce soit dans le parc privé ou dans le parc social. Dans les zones tendues, la mobilité résidentielle dans le parc social a fortement baissé, diminuant d’autant le nombre de logements attribuables. La construction de nouveaux logements sociaux ne peut pas répondre à elle seule à la demande. L’accroissement sans limite du parc social ne peut pas être le seul horizon, alors que la durée de résidence dans le parc social est déjà deux fois plus longue que dans le parc locatif privé et que 17,6 % des ménages y sont déjà logés.

Rêve largement partagé, symbole d’ascenseur social, l’accession à la propriété est aujourd’hui menacée et doit être relancée.

Plusieurs voudraient masquer les difficultés d’accès à la propriété et le manque de volonté de les surmonter.

Certains expliquent que les jeunes générations seraient maintenant tournées vers l’économie du partage et de l’usage plutôt que vers celle de la propriété et qu’elles ne souhaiteraient plus devenir propriétaires. Cela me laisse dubitative. En France, la décohabitation des jeunes était jusqu’à récemment la plus précoce en Europe, marquant une saine volonté d’indépendance. Sa régression récente dénote, en réalité, de graves problèmes économiques et d’entrée dans la vie active.

Certains voudraient aussi délégitimer toute politique d’accession à la propriété, la présentant comme directement synonyme d’étalement urbain et d’artificialisation des sols. Ces idées ont conduit aux résultats plus que décevants du Conseil national (CNR) de la refondation sur le logement, qui, au lieu d’aboutir à une relance du secteur, a servi à justifier de nouvelles coupes budgétaires dans les aides au logement, sans autre finalité que de réduire le déficit. Personne n’est dupe ! Parmi ces coupes, ce qui est pudiquement appelé le « recentrage » du prêt à taux zéro (PTZ) porte un coup direct aux capacités d’accession à la propriété de nombreux ménages. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Il y a six ans maintenant, en 2017, il en avait été de même avec l’aide personnelle au logement (APL) accession, alors qu’était promue, dans le même temps, la vente des logements sociaux à leurs occupants.

Les membres de la majorité sénatoriale n’ont eu de cesse de rétablir l’APL accession, qui a malheureusement à chaque fois été supprimée par l’Assemblée nationale. Quel dommage pour tous les ménages modestes qui ne peuvent plus bénéficier de ce coup de pouce !

Notre groupe croit au contraire que l’accession à la propriété est un objectif qui mérite d’être de nouveau promu par les pouvoirs publics.

Je veux esquisser quelques pistes qui seront approfondies au cours du débat.

En cette période de taux d’intérêt élevés et de relance d’outils comme le PTZ pour l’achat comme pour les travaux de rénovation énergétique, il serait pertinent de proposer de nouveau la déductibilité au moins partielle des intérêts d’emprunt pour la première acquisition.

Alors que nous constatons également une forte différence entre les générations qui ont pu devenir propriétaires et les plus jeunes, ne serait-il pas pertinent d’encourager de nouveau la transmission précoce du patrimoine vers les enfants ou les petits-enfants en vue de l’acquisition de la résidence principale du ménage ?

Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelques pistes que nous allons développer dans le cadre du débat pour relever le défi de l’accession à la propriété aujourd’hui et, surtout, pour répondre au sentiment de frustration et de déclassement des Français.

Ne pas relever le défi de la crise du logement, c’est ne pas répondre à un besoin essentiel de nos compatriotes. C’est surtout prendre le risque d’un détricotage des solidarités concrètes que traduisent les politiques de l’habitat et, au final, de notre pacte social. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite évidemment excuser l’absence, dans ce débat sur l’accession à la propriété, de mon collègue Patrice Vergriete,…

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … qui a en effet répondu positivement à l’invitation du Président de la République à se rendre en Allemagne. Je ferai de mon mieux pour être à la hauteur des débats.

Le Gouvernement est pleinement conscient de la crise immobilière des ventes dans l’ancien et le neuf, qui bloque le parcours résidentiel de beaucoup de ménages en France.

En effet, l’accession à la propriété est devenue bien plus difficile pour de nombreux ménages, faute d’un crédit abordable, avec des taux d’intérêt multipliés par trois, voire quatre, alors que les prix, qui ont également été impactés par l’inflation consécutive au conflit ukrainien, ne diminuent pas vraiment, comme vous l’avez indiqué, madame la sénatrice.

Conséquence, l’accès à un logement locatif est également plus compliqué dans de nombreuses villes, les locataires en place peinant à quitter leur logement pour poursuivre leur parcours résidentiel, ce qui bloque les nouveaux entrants sur le marché, particulièrement les étudiants, les jeunes actifs, mais aussi les ménages en situation de mobilité ou de séparation.

Face à cela, le Gouvernement cherche à combiner plusieurs mesures, sans croire en la mesure miracle qui permettrait de résoudre toute la crise d’un coup. Il s’agit d’intervenir sur tous les segments de l’offre, dont l’accession à la propriété.

Je citerai quatre axes d’action sur le sujet.

D’abord, le Gouvernement agit pour faciliter l’accès au crédit des Françaises et des Français.

Il faut rappeler que la France reste l’un des pays de l’Union européenne où la production de crédits à l’habitat est la plus dynamique. Sur les derniers mois, plus de 70 000 ménages ont trouvé un crédit chaque mois, soit une production qui se maintient à près de 11 milliards d’euros mensuels.

Certes, c’est une division par presque deux par rapport aux années fastes que furent les années 2019 à 2022, mais c’est un niveau qui reste élevé par rapport à nos voisins européens et usuel par rapport aux périodes de taux plus élevés.

C’est aussi une chute de la production liée à une baisse de la demande. Les banques reçoivent 25 % à 40 % de dossiers en moins environ, car les acheteurs éventuels attendent une baisse des prix à laquelle les vendeurs ne sont pas encore prêts.

Toutefois, le Gouvernement continue de travailler avec les banques pour dynamiser la production de crédits à l’habitat, dans un contexte où la hausse des taux pourrait se poursuivre, mais à un rythme moins important.

Des mesures ont déjà été prises. Sous l’impulsion de Bruno Le Maire, le taux d’usure a été mensualisé par la Banque de France pour s’adapter plus rapidement à la forte remontée des taux.

Certaines marges opérationnelles ont été mises en place par le Haut Conseil de stabilité financière pour permettre aux banques de déroger aux règles en vigueur concernant la durée maximale d’endettement, soit vingt-cinq ans, ou le taux maximal d’endettement, soit 35 % des revenus. Aujourd’hui, 20 % des dossiers peuvent déroger à ces règles, et le Gouvernement cherchera avec les banques à garantir l’utilisation maximale de ces marges, tout en maintenant les principes du cadre actuel, qui permet d’éviter le surendettement des ménages.

Par ailleurs, le Gouvernement est tout à fait disposé à étudier avec le secteur bancaire tous les dispositifs innovants de financement de l’accession à la propriété susceptibles de provoquer une baisse de la charge financière pour les accédants : crédits avec remboursement in fine, modèles basés sur des formes de démembrement, accession progressive à la propriété…

Ensuite, le Gouvernement agit pour solvabiliser les Françaises et les Français par le prêt à taux zéro.

Dans les zones où les prix du logement neuf sont les plus élevés, le prêt à taux zéro sera maintenu et élargi.

Le Gouvernement soutient également l’accession sociale à la propriété, qui permet de faire diminuer le prix des logements en accession à la propriété. Le PTZ sera ainsi maintenu pour toute l’accession sociale neuve à la propriété, dans tout le pays.

Par ailleurs, la quotité du PTZ pour la vente HLM sera doublée par un amendement au projet de loi de finances pour 2024. Concrètement, les ménages de la classe moyenne ou des classes populaires qui souhaiteraient acquérir leur logement social bénéficieront d’un montant d’emprunt gratuit deux fois plus élevé à partir de 2024.

En outre, le Gouvernement souhaite dynamiser le bail réel solidaire (BRS). Ce dispositif a été inventé par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan. Il a fait ses preuves depuis : 1 000 logements sont sortis de terre, 11 500 sont en projet, 150 offices fonciers ont été créés, notamment par les collectivités, et de plus en plus de communes fixent une part de BRS dans leurs programmes neufs. Le BRS est aussi comptabilisé dans le cadre de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, ce qui encourage les élus locaux à porter ce produit dans les communes déficitaires, en complément de l’indispensable production de logements locatifs sociaux.

Pour le dynamiser, le Gouvernement va étendre, par arrêté, les ménages éligibles au BRS dans les prochaines semaines.

Il va aussi engager un plan global sur le développement du produit, pour aller encore plus loin. Ce plan prévoira une mobilisation des acteurs, une simplification de la réglementation applicable et une meilleure diffusion de l’information auprès des intervenants de terrain, pour qu’ils s’approprient au mieux ce dispositif.

Enfin, le Gouvernement agit pour donner des outils aux collectivités locales de manière à réguler leurs parcs de logements et favoriser les résidences principales quand les élus souhaitent en faire une priorité.

C’est le sens des discussions qui se tiendront dans les prochains jours à l’Assemblée nationale sur la fiscalité locative. De nombreuses propositions sont sur la table, et nous espérons que le débat parlementaire permettra de dégager un consensus intelligent prenant en compte les spécificités des territoires tout en favorisant la location longue durée.

C’est aussi le sens du travail en cours pour élaborer de nouveaux outils de régulation au profit des communes.

Aujourd’hui, dans les communes qui le souhaitent, il est déjà possible de mettre en place l’autorisation de changement d’usage pour contrôler le nombre de résidences secondaires qui peuvent accueillir de la location touristique de courte durée. Il est aussi possible de mettre en place une compensation et de demander, en contrepartie, que des locaux existants qui ne sont pas des logements soient transformés en logements de longue durée.

Mais nous souhaitons aller plus loin, avec tous les parlementaires, dans les prochaines semaines, pour concrétiser rapidement les annonces que nous avons faites devant le groupe de travail sur l’attrition des logements permanents en zones touristiques le 18 juillet dernier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces quelques axes témoignent de la variété des réponses qui sont apportées par notre gouvernement, et particulièrement par mon collègue Patrice Vergriete, pour faciliter l’accès à la propriété des Françaises et les Français et, plus largement, l’accès à une résidence principale.

Bien entendu, ces mesures sont complémentaires d’autres travaux en cours pour produire davantage de logements sociaux et de logements intermédiaires abordables, soutenir la production de logements au sens large, ou encore accompagner l’offre de logements dans les territoires en réindustrialisation ou en redynamisation. (M. Bernard Buis applaudit.)

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose, pour répondre, d’une durée équivalente. Il aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L’auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour un grand nombre de nos concitoyens, l’accès à la propriété est synonyme d’indépendance et de sécurité matérielle.

Accéder à la propriété permet non seulement de constituer un investissement rentable, notamment en prévision de la retraite, mais également de disposer d’un patrimoine réputé sûr et transmissible aux héritiers.

Or les Français ont de plus en plus de mal à acquérir un bien immobilier. Je pense notamment à tous ces jeunes actifs qui ne sont plus en mesure d’accéder à la propriété dans les territoires qui les ont vus naître.

L’augmentation du coût des matériaux, la hausse du prix des terrains et la remontée des taux d’intérêt des crédits, qui placent les Français modestes et les classes moyennes dans l’incapacité d’emprunter, freinent considérablement l’accession à la propriété.

Le mois dernier, pour tenter de contenir l’inflation, la Banque centrale européenne a de nouveau relevé ses taux directeurs, portant le taux de dépôt à 4 %, soit un niveau jamais atteint depuis le lancement de la monnaie unique en 1999.

Le prix du crédit va donc continuer à augmenter et, ainsi, restreindre le nombre de candidats à l’obtention d’un prêt immobilier.

Parallèlement, les mises en chantier dans le bâtiment neuf s’écroulent, et le zéro artificialisation nette va constituer un obstacle supplémentaire aux nouvelles constructions et participer à la hausse du prix de l’immobilier.

Madame la ministre, alors qu’elle doit être une chance offerte au plus grand nombre, l’accession à la propriété connaît actuellement une crise sans précédent.

Aussi, pouvez-vous nous indiquer les mesures de soutien que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre afin de relancer la construction et favoriser l’accès de tous nos concitoyens à la propriété ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Marc, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, nous partageons votre diagnostic et nous sommes solidaires de l’absolue nécessité de faire face à la crise de la production de logements. J’ai alors eu l’occasion de vous présenter un certain nombre de mesures qui répondent en grande partie aux problématiques que vous soulevez, et que, encore une fois, je reprends à mon compte.

Cependant, votre question me permet d’évoquer quelques mesures complémentaires qui ont été engagées et que je n’ai pas mentionnées.

Pour ce qui concerne le logement locatif social, nous avons signé, la semaine dernière, un accord avec le mouvement HLM qui prévoit la mise en place de 8 milliards d’euros de prêts bonifiés pendant trois ans pour soutenir la production de logements locatifs très sociaux.

J’en viens au secteur locatif : en entérinant la fin du dispositif Pinel, que nous considérons comme coûteux et peu efficace, nous mettons en place des dispositions pour accroître la production de logements intermédiaires. Pour cela, nous avons élargi le périmètre des communes éligibles à ce dispositif.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Nous parlons d’accession à la propriété, madame !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Oui, madame la sénatrice !

Dans la discussion générale, j’ai cité un certain nombre d’actions que nous menons. Je n’y reviendrai pas, parce que je pense que vous m’avez tous bien écoutée et que vous ne manquerez pas de réagir.

Tels sont les compléments que je voulais apporter par rapport à ce que j’ai pu déclarer tout à l’heure.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour la réplique.

M. Alain Marc. Le sujet n’est pas à proprement parler celui des logements locatifs : nous souhaitons que les gens puissent accéder à la propriété dans nos milieux ruraux.

Sur le plan social, il me semble que c’est la meilleure des choses. Toutes les actions qui pourront être engagées en ce sens me paraissent de bon aloi.

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Amel Gacquerre. Madame la ministre, j’ai attentivement écouté vos propos liminaires.

À la question de la crise du logement, c’est par un arsenal de mesures techniques que le Gouvernement nous répond systématiquement. Et pourtant, comme cela a été dit, le sujet du logement est éminemment social, économique et politique.

Aujourd’hui, c’est de l’accession à la propriété qu’il s’agit, de la possibilité pour les Français de réaliser l’un de leurs rêves : devenir propriétaire.

Mais force est de constater que ce qui est l’un des principaux moteurs de la progression sociale – devenir propriétaire – est en panne.

Je rappelle que 57 % des ménages sont propriétaires de leur résidence principale. Cette proportion de la population est figée depuis 2010, alors qu’elle n’avait cessé de croître depuis les années 1980.

Le Gouvernement déclare être favorable au développement de l’accession à la propriété. Or nous assistons au déploiement d’une politique qui provoque tout l’inverse : un accès aux prêts immobiliers de plus en plus complexe, l’extinction de dispositifs visant à faciliter la primo-accession, l’explosion du prix de la pierre, un foncier de plus en plus rare…

Face à un tel phénomène, nous nous interrogeons sur vos véritables intentions.

Madame la ministre, ma question porte sur la vision de l’accession à la propriété dans notre pays que porte le Gouvernement. Êtes-vous réellement favorable à une France de propriétaires ? Si oui, comment allez-vous soutenir l’accession à la propriété, particulièrement pour les ménages les plus modestes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice, je suis d’accord avec vous : il s’agit d’un sujet social, économique et politique absolument complexe.

J’ai bien compris que l’objet du débat de cet après-midi était l’accession à la propriété, mais j’ai tenté, lors de la discussion générale, de vous expliquer à quel point tous les sujets étaient imbriqués.

Vous exprimez des doutes sur la politique du Gouvernement. Je les respecte. Je n’ai pu noter tous les points que vous avez évoqués, mais ils sont tous purement conjoncturels. Nous les subissons, qu’il s’agisse de l’augmentation des taux d’intérêt liés à l’inflation ou de la rareté du foncier.

Nous avons mis en place une loi – je pense qu’elle ne fait plus débat – qui vise à établir une plus grande sobriété dans le domaine du foncier.

Le dispositif du PTZ, dont la base d’application a été élargie, a vocation à aider les classes moyennes à acquérir un bien neuf dans les zones tendues. Son élargissement et son amélioration en 2024 permettront de solvabiliser davantage les primo-accédants.

Les prix dans l’ancien ou le neuf dépassent parfois 6 000 euros du mètre carré ; c’est le cas en région parisienne, dans une partie de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) et dans certaines zones frontalières. Même avec un PTZ, l’accession à la propriété dans le neuf demeure difficile pour les classes moyennes.

Nous partageons votre diagnostic. Certaines collectivités imposent aux promoteurs de consacrer une partie de leurs programmes à des logements en accession à prix maîtrisé ou abordable. Vous le savez, les logements PSLA (prêt social location-accession) entrent dans les quotas de la loi SRU. Il s’agit, certes, d’accession sociale, mais bien d’accession à la propriété.

Nous avons agi, nous agissons et nous continuerons à agir ensemble pour faciliter l’accession à la propriété, malgré les contraintes que vous avez évoquées et que nous subissons.

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour la réplique.

Mme Amel Gacquerre. Madame la ministre, vous retombez toujours dans le même travers : je vous interroge sur vos orientations politiques et vous me donnez une réponse technique.

De quelle « France des propriétaires » voulez-vous ? Un pays où le taux de propriétaires sera dans dix ans de 70 % ou de 80 % ? Nous n’avons pas de réponse à cette question, et nous ne sommes toujours pas rassurés. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Yannick Jadot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est peu dire que le logement connaît une crise extrêmement grave, historique ; elle résulte du fiasco de l’action du Gouvernement depuis six ans. On constate cette année une baisse de 30 % de la construction de logements neufs, et le chiffre de 90 000 nouveaux logements sociaux ne sera probablement pas dépassé, contre 125 000 voilà six ans.

Sur ce dossier, vous faites de l’argent – 10 milliards d’euros sur Action Logement – et vous tenez des discours. Malheureusement, même le ministre concerné ne considère pas qu’il s’agit d’un débat essentiel.

Vous en appelez à la responsabilité des élus locaux ; il y a des élus locaux qui font le boulot…

M. Yannick Jadot. … et qui le font bien. Je pense notamment à l’initiative, que vous avez mentionnée, du bail réel solidaire. La ville de Lyon, par exemple (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), planifie 1 000 BRS par an.

Quelle mesure envisagez-vous de prendre pour que la Banque des Territoires, outil majeur en faveur de ce type de dispositifs, massifie et mobilise beaucoup plus de financements en vue de favoriser les investissements des offices de foncier solidaire (OFS) et de faire de l’accession à la semi-propriété une réussite ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Jadot, à votre prise de parole politique, j’apporterai une réponse non pas politique, mais la plus précise possible.

Encore une fois, vous posez un diagnostic et vous accusez le Gouvernement. Or les propositions que vous avez formulées en conclusion de votre propos sont déjà mises en œuvre !

Vous avez évoqué le BRS. Ce dispositif qui nous est si cher et dont vous vantez les mérites, c’est ce gouvernement qui l’a fait voter et qui le porte depuis 2017… (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Non, c’est un gouvernement socialiste, en 2015 !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je fais partie de ceux qui considèrent que le BRS est très utile dans les zones tendues, où le prix du mètre carré est très élevé.

Vous souhaitez aussi que la Banque des Territoires intervienne beaucoup plus massivement. Or celle-ci est actionnaire de tous les OFS ! Elle joue donc pleinement son rôle.

Il est un point sur lequel nous pourrions diverger, et c’est l’ancienne élue locale qui vous parle : peut-être attendez-vous de l’État qu’il dicte aux collectivités locales la façon de mettre en œuvre tel ou tel dispositif… Or, dans le cadre de la libre administration des collectivités, celles-ci sont teintées des politiques publiques qu’elles portent.

Nous sommes là pour poser un diagnostic, comme vous, et pour trouver des outils permettant d’accélérer l’accession – sociale ou classique – à la propriété, qui fait partie de notre socle ; nous y travaillons assidûment.

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour la réplique.

M. Yannick Jadot. Madame la ministre, vous prétendez apporter une réponse technique. Or je ne vous ai pas entendu expliquer comment la Banque des Territoires serait abondée pour que soit atteint le chiffre de 40 000 BRS, soit la contribution de ce dispositif à la construction de nouveaux logements.

En cette journée internationale de lutte contre le sans-abrisme, je rappelle que plusieurs villes ont introduit un recours contre l’État, parce que celui-ci ne remplit pas ses obligations en termes d’accueil d’urgence. Les 330 000 sans-abri qui vivent dans notre pays sont très loin de l’accession à la propriété ! Ils dépendent de la solidarité nationale et des efforts consentis par le Gouvernement.

M. le président. Il faut conclure !

M. Yannick Jadot. Paris, Grenoble, Lyon, Bordeaux et Rennes (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.) demandent que le Gouvernement fasse son travail ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Les offices de foncier solidaire sont portés par les collectivités, à leur initiative. La participation de la Caisse des dépôts et consignations n’est pas limitée ! Vous avez dit qu’il nous faudrait abonder massivement la Banque des Territoires ; c’est le cas, via la Caisse des dépôts…

Nous sommes totalement convaincus de l’efficacité de la Banque des Territoires dans le domaine du logement, au travers d’outils réglementaires existants qui nous paraissent pertinents, à condition que les collectivités s’en saisissent.

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot.

M. Yannick Jadot. À l’occasion de cette journée internationale de lutte contre le sans-abrisme, j’aurais aimé obtenir une réponse sur le sujet, qui concerne 330 000 de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a en effet un grave problème de logement en France, et je me réjouis que nous ouvrions la session parlementaire avec ce sujet. Et pour cause : 2,4 millions de personnes sont en attente d’un logement social ; 4 millions souffrent du mal-logement ; 330 000 sont sans domicile fixe.

En théorie, faciliter l’accès à la propriété, c’est permettre à celles et ceux qui le peuvent de libérer des logements en location et à de nouveaux locataires de libérer, parfois, des places d’hébergement.

C’est ainsi qu’est pensé le parcours résidentiel, mais en théorie seulement. Quand bien même il n’y aurait pas de taux d’intérêt exorbitants, multipliés par 3,5 en un an et demi, quand bien même il y aurait assez de constructions – il en faut près de 200 000 par an dans le secteur social et autant dans le privé –, l’accès à la propriété resterait pour beaucoup un rêve lointain.

Les causes des difficultés d’accès à la propriété sont multiples.

Il y a d’abord les bas salaires, bien sûr. Nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir terminer le mois. Comment voulez-vous qu’ils épargnent ou investissent ?

Vient ensuite le prix du foncier, notamment dans les métropoles, mais pas seulement – en tant que sénatrice de Seine-et-Marne, je le mesure particulièrement –, qui est le premier facteur responsable du coût exorbitant des logements.

Des solutions existent, comme le bail réel solidaire, pour réduire le coût du foncier dans les acquisitions. Mais il y a aussi un enjeu de lutte contre la spéculation. Sinon, les inégalités se creusent. L’héritage d’un patrimoine est aujourd’hui le meilleur moyen de devenir propriétaire… sans compter les multipropriétaires qui accaparent les logements disponibles pour se constituer une rente, renforçant ainsi la dynamique inégalitaire à l’œuvre.

Ma question est donc simple : madame la ministre, êtes-vous prête à prendre en main ce sujet en agissant contre la spéculation immobilière et en ouvrant plus largement l’accès à la propriété, qui contribue au respect du droit au logement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Margaté, je partage vos propos sur le parcours résidentiel, absolument nécessaire, ainsi que sur la pénurie et la crise du logement.

Je rappellerai simplement les actions que nous conduisons à cet égard, au moyen d’outils que vous connaissez. Les établissements publics fonciers locaux (EPFL) ainsi que les établissements publics fonciers d’État (EPFE) permettent ainsi aux collectivités ou à l’État de maîtriser le foncier, de lutter contre l’inflation de son prix et d’accompagner les primo-accédants vers l’accession, sociale ou non. Nous partageons donc votre constat.

Encore une fois, nous voulons absolument que les Français accèdent à la propriété.

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin. (M. Éric Gold applaudit.)

Mme Annick Girardin. Madame la ministre, la pénurie de logements est la « bombe sociale » des années à venir. Les blocages sont connus de tous sur ces travées : pas assez de logements sociaux à louer ; pas assez de logements locatifs privés à louer ; une accession à la propriété gravement en panne du fait d’un prix de l’immobilier qui a flambé et de taux d’intérêt qui montent.

Pourtant, l’habitat, comme le travail, participe – nous en sommes tous d’accord – de la dignité et de l’émancipation des individus. Pour cette raison, nous, sénateurs du groupe RDSE, croyons que le plein logement est une priorité, au même titre que le plein emploi !

Avec le droit au logement, nous sommes attachés précisément au droit à la propriété. N’est-ce pas grâce à l’alliance des travailleurs et des petits propriétaires urbains ruraux et ultramarins qu’a pu émerger une République sociale au cours des deux derniers siècles ?

Comment répondre à la demande d’accession à la propriété, socle de notre société française, face à la crise actuelle du pouvoir d’achat ?

Des solutions existent : le prêt social location-accession, créé en 2004 et étendu en 2020 ; le bail réel solidaire, créé en 2016 ; l’aide à l’accession sociale et à la sortie de l’insalubrité spécifique à l’outre-mer, créée en 2019. Pourtant, force est de constater que la situation ne s’améliore pas et qu’il est très compliqué, pour la plupart de nos concitoyens, d’accéder à la propriété.

Certes, le Gouvernement vient de décider de relever les plafonds des revenus des ménages éligibles et de maintenir le prêt à taux zéro pour ce type d’acquisition. Mais les chiffres sont loin d’être suffisants : 14 000 contrats de location-accession dans le neuf ; 12 000 ventes dans le parc existant, avec des garanties qui ne sont pas toujours satisfaisantes en termes de qualité des logements. À moyen terme et à long terme, des questions se posent.

Le BRS présente des garanties, grâce aux offices de foncier solidaire. Comment comptez-vous faciliter son déploiement, massif et urgent, dans l’ensemble de notre pays, tant dans les territoires ultramarins que dans l’Hexagone ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Girardin, vous soutenez le droit au logement et le droit à la propriété, et vous indiquez que les solutions existantes ne sont pas suffisamment efficaces du fait de la crise du logement.

J’ajouterai aux propos que j’ai déjà tenus que le mouvement HLM réalise chaque année 14 000 logements en accession sociale. Nous continuons à soutenir ces dispositifs ouverts au PTZ, partout en France.

Au sein de cette offre, le bail réel solidaire connaît un engouement réel, mais insuffisant ; vous avez raison. Ce dispositif est satisfaisant, mais il faut laisser le temps aux collectivités locales de se l’approprier. Plus de cent OFS agréés existent aujourd’hui. Certaines collectivités imposent d’ailleurs aux promoteurs de prévoir un quota de projets de logements en BRS.

Nous allons soutenir le développement de ce produit abordable et non spéculatif en augmentant les plafonds de ressources du dispositif – vous l’avez dit – et en lançant un plan de déploiement du BRS.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si les crises et les défis s’accumulent dans la période que nous vivons, force est de constater que le secteur du logement n’y échappe pas : le marché de l’accession à la propriété est en déclin, pour le neuf comme pour l’existant.

Pourtant, accéder à la propriété doit demeurer une liberté, une possibilité pour les Français. Face à un constat aussi alarmant, profitons de ce débat pour parler des solutions. J’en vois deux : d’une part, le prêt à taux zéro ; d’autre part, le bail réel solidaire. Ces deux outils sont appelés à être modifiés, comme l’a récemment annoncé dans la presse le ministre chargé du logement.

Le prêt à taux zéro, tout d’abord, est destiné à l’achat d’un logement neuf ou d’un logement à réhabiliter, sans frais de dossier, et les intérêts sont à la charge de l’État. Dans quelle mesure les conditions d’accès à ce prêt seront-elles modifiées, et dans quelles communes ?

Il convient de reconnaître, ensuite, l’importance du bail réel solidaire, un dispositif créé en 2015 qui permet à des ménages modestes de devenir propriétaires d’un logement neuf situé en zone tendue, et ce à un prix réduit, obtenu en dissociant le bâti du terrain. Mais il faut aller encore plus loin. Madame la ministre, comment accompagner les communes qui veulent développer le BRS ?

D’autres solutions pourraient-elles être envisagées pour faciliter l’accession à la propriété des Français, alors que la crise du logement est bel et bien amorcée ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Buis, vous évoquez deux sujets dont nous avons largement parlé : le PTZ et le BRS.

Je veux vous donner quelques chiffres, qui auraient pu répondre aux attentes du sénateur Jadot. Notre objectif est d’atteindre 40 000 PTZ en 2024, avec une répartition sur l’ensemble des tranches de revenus et la création d’une tranche supplémentaire de revenus.

L’élargissement de l’accès au PTZ est la conséquence de l’arrêté flash relatif au zonage, qui a permis de classer 154 communes en zone tendue et de faire passer 55 communes de la zone B1 à la zone A. Les ménages de ces communes, qui regroupent près de 5 millions d’habitants, bénéficieront donc en 2024 d’un accès au PTZ amélioré pour des opérations neuves.

Pour ce qui concerne le BRS, vous m’avez interrogée sur l’accompagnement des collectivités locales.

Je l’ai indiqué, nombre de collectivités ont commencé à prévoir des quotas de BRS dans leurs programmes de logements neufs. Il existe près de 150 organismes de foncier solidaire, et les services déconcentrés de l’État sont déjà au travail pour promouvoir ces outils. Les associations régionales de bailleurs sociaux se tiennent à la disposition des élus pour leur expliquer comment monter une opération de bail réel solidaire.

Même si de nombreuses collectivités se saisissent déjà de ces outils, le Gouvernement envisage de lancer un véritable plan pour le développement du BRS dans les prochains mois, tout en respectant le libre arbitre des collectivités locales.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accession à la propriété est particulièrement complexe dans les zones touristiques, ainsi que dans les zones où le prix du foncier a explosé ces dernières années. Les jeunes ménages, mais pas seulement eux, n’ont plus les moyens de se loger dans leur région d’origine ou près de leur lieu de travail.

Je souhaite vous interroger, moi aussi, madame la ministre, sur le bail réel solidaire, créé en 2015, et non pas en 2018, comme vous l’avez dit.

Ce dispositif d’accession à la propriété qui permet aux ménages modestes de devenir propriétaires d’un logement neuf situé en zone tendue, à un prix abordable, a plusieurs avantages.

Tout d’abord, en dissociant le foncier du bâti, l’acheteur n’acquiert que le logement et loue son terrain à un organisme de foncier solidaire, ce qui lui fait réaliser entre 20 % et 40 % d’économies, selon le secteur géographique.

Ensuite, le bien acheté ne peut être utilisé qu’en résidence principale et ne peut pas changer de destination. Cela évite la stagnation des biens en résidence secondaire, alors que l’offre de logements est sous tension.

Il y a cependant un point négatif : le financement de ce dispositif ne concerne que les zones tendues. Certes, le décret du 26 août dernier, en révisant leur zonage, a permis de compléter la liste des communes. Mais, dans mon département des Hautes-Pyrénées, cela ne représente que 27 communes sur 469. Certaines, qui sont légitimement concernées par la pénurie de logements, ne peuvent donc pas prétendre au financement de la Banque des Territoires.

Ma question est simple : est-il envisagé d’étendre le financement de ce dispositif au-delà des zones tendues ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Artigalas, vous soulignez le fait que l’acquisition d’un bien en BRS permet de faire des économies à hauteur de 20 % à 40 %. C’est tout à fait juste. L’énorme avantage de ce dispositif est qu’il permet d’acquérir une résidence principale.

Vous avez aussi évoqué un point négatif : le financement. Or ce problème est constant, et non pas lié au BRS. Échangeons, travaillons, partageons : le sujet donnera lieu à des amendements lors de l’examen du projet de loi de finances.

Il est exact que, dans les Hautes-Pyrénées, peu de communes sont considérées comme relevant d’une zone tendue et que de nombreuses communes ne peuvent accéder à ces financements. Pour autant, nous avons fait le choix d’élargir la base d’application du dispositif. Je ne pense pas qu’il soit pertinent, alors que nous venons de conduire des évolutions significatives, de prévoir de nouveaux changements.

Cependant, le dialogue est toujours ouvert, et mon collègue Patrice Vergriete ne manquera pas de prendre contact avec vous pour discuter de votre demande.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.

Mme Viviane Artigalas. Les critères des zones tendues sont trop restrictifs face à la crise actuelle du logement. La tension dans le secteur du logement s’observe partout, notamment dans les communes touristiques et dans celles situées en périphérie de ces zones.

L’extension du BRS permettrait à un nombre plus important de ménages d’accéder à la propriété. Il existe un réel problème de logement dans notre pays : 2,42 millions de ménages sont en attente d’un logement social, dont 1,63 million pour une première attribution. Ce chiffre n’a jamais été aussi élevé. Il faut aussi relancer la production de logements sociaux. C’est très important !

M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. En zone touristique tendue, l’accession sociale à la propriété, plus particulièrement par le biais des baux réels et solidaires, est une réponse que beaucoup de municipalités souhaitent choisir. Elles y voient en effet l’occasion de rétablir de réels parcours résidentiels et ainsi de favoriser le logement des jeunes et leur accession à la propriété.

Or le développement exponentiel des résidences secondaires auquel nous assistons ces dernières années rend très difficile la maîtrise du foncier par les bailleurs sociaux ou les collectivités locales. Celles-ci assistent ainsi, impuissantes, à une importante raréfaction de leur foncier, qui se répercute directement sur l’accès à la propriété des classes moyennes et des jeunes ménages.

La cause principale de cette flambée du nombre de résidences secondaires est connue : la rentabilité. En effet, si le coût d’achat peut paraître important, il est très rapidement amorti par le recours aux locations saisonnières, grâce à l’entremise des plateformes numériques, bien plus rapidement qu’en ayant recours à la location à l’année, qui s’effondre, ou à la construction d’un réel parcours résidentiel, dont l’accession sociale à la propriété est un élément majeur.

Dans ces conditions, le Gouvernement trouve-t-il encore judicieux de maintenir les abattements fiscaux, pouvant aller jusqu’à 71 %, qui s’appliquent à la location de meublés touristiques ? Ne faudrait-il pas au contraire les supprimer, notamment pour les multipropriétaires ?

Ne faudrait-il pas aussi assujettir à la TVA le produit de ces locations saisonnières à partir d’un certain seuil ?

Enfin, ne faudrait-il pas permettre aux communes de bénéficier, au-delà de la majoration autorisée en zone tendue, de la décorrélation de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) par rapport à la taxe foncière ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Brisson, vous soulignez l’absolue nécessité d’agir pour que nos jeunes puissent accéder à la propriété plus facilement. Je souscris à vos propos.

Mme la sénatrice Artigalas me demandait pourquoi nous cantonnons l’accès du PTZ aux zones tendues ; nous le faisons parce que le prix du foncier y est de deux à trois fois plus élevé ! (Mme Dominique Estrosi Sassone proteste.)

Nous voulons rendre l’accession à la propriété plus abordable. Là où elle l’est déjà, en effet, le dispositif du PTZ ne s’applique pas.

Monsieur le sénateur, vous appelez de vos vœux une révision de la fiscalité applicable aux résidences secondaires, et vous avez raison de le faire. Ce travail, en cours depuis plusieurs mois, a notamment fait l’objet de la réunion du groupe de travail que j’ai déjà évoquée. Avec Patrice Vergriete, Christophe Béchu et les services de Bercy, nous étudions une modification de cette fiscalité, qui pourra être proposée par voie d’amendement à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances.

Vous jugez que ces abattements fiscaux sont élevés ; ils peuvent atteindre 71 % pour les meublés et les non meublés de tourisme classés. Pour autant, il convient d’encourager les propriétaires à être exemplaires en termes de préservation de l’environnement et de rénovation thermique…

Je réponds favorablement à votre demande : il faut mener un travail sur la fiscalité des trois catégories de logements suivantes : meublés et non meublés de tourisme classés, et logements nus.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.

M. Max Brisson. Madame la ministre, vous nous dites que vous êtes en phase avec nos propositions et que nous avons raison…

Le Sénat a voté l’année dernière, lors de l’examen du projet de loi de finances, trois amendements visant à apporter des réponses aux problèmes que j’ai évoqués. À l’époque, le ministre des comptes publics avait reconnu l’intérêt de telles propositions. Mais celles-ci ont disparu du texte adopté à l’Assemblée nationale à la suite du recours à l’article 49.3. Vos paroles ne sont pas en conformité avec vos actes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Guislain Cambier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on ne saurait aborder la question du logement sans traiter la question foncière. Sans foncier, il n’est tout simplement pas possible de réaliser de nouvelles constructions et donc d’accéder à la propriété en France.

Le foncier est devenu une denrée rare et prisée. Sa raréfaction doit nous inciter à penser autrement notre politique d’accession à la propriété et au logement.

Quelles sont nos options ?

Premièrement, investir massivement dans la rénovation énergétique : en 2022, ce sont ainsi plus de 660 000 dossiers qui ont été transmis à l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Mais nous ne sommes pas à la hauteur du défi pour l’instant. En effet, seuls 10 % de ces dossiers concernent des rénovations globales.

Les ambitions annoncées par le Président de la République lors du Conseil de planification écologique sont, certes, encourageantes, mais nous attendons des actes.

Deuxièmement, bâtir autrement : là encore, nous ne répondons pas « présent ». Nous sommes en plein milieu d’une crise du logement neuf d’une ampleur inédite et alarmante. Le nombre de logements neufs mis en vente a ainsi chuté de près de 30 % entre 2022 et 2023.

Enfin, nous devons mobiliser tous les leviers disponibles pour lutter contre l’explosion actuelle du prix du foncier. Les Français les plus modestes doivent pouvoir accéder à la propriété, comme les plus fortunés. C’est un enjeu majeur de justice sociale pour notre pays.

Madame la ministre, par-delà les mesures ponctuelles et fragmentées, comment allez-vous rendre de nouveau le foncier accessible à tous ? Allons-nous enfin bâtir une politique d’accession à la propriété digne de notre pays et de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Cambier, vous souhaitez que nous investissions massivement dans la rénovation des logements. Mais nous avons consacré pas moins de 5 milliards d’euros à la rénovation du parc existant !

Vous voudriez aussi que notre politique soit plus lisible et plus claire. Peut-être vous ai-je mal compris, mais tous les dispositifs que vous appelez de vos vœux existent ; il s’agit des outils que nous avons longuement évoqués : BRS, PTZ, Banque des Territoires via les offices de foncier solidaire. Et les établissements publics fonciers (EPF) aideront les collectivités à maîtriser leur foncier et à éviter l’inflation du prix du mètre carré…

Les outils sont donc là, lisibles et clairs ! Il faut investir pour encourager, à la fois, la construction de logements neufs et la rénovation, car les deux vont de pair, et le logement libre comme le logement social.

Le diagnostic est posé, et les solutions sont là. Elles ne sont pas parfaites, il faut les ajuster ; mais, face aux crises que l’on rencontre, on peut imaginer et inventer…

Vous dites qu’il faut faire autrement. Pour ma part, j’incite toujours à agir différemment, à inventer de nouveaux dispositifs. Je vous invite à exposer ceux que vous proposez de façon concise.

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.

M. Guislain Cambier. Nous avons besoin d’une vision d’ensemble, globale et à long terme, d’une véritable politique, afin de tenir un discours clair aux collectivités et aux Français. Or, à chaque fois, les réponses que l’on nous apporte sont techniques, partielles et fragmentées. Il n’y a pas de vision globale.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Cambier, je vous remercie de votre précision. Je n’avais pas repris vos choix sémantiques ; vous considérez nos réponses comme « fragmentées » et insuffisamment politiques. S’il fallait valoriser un ou deux des outils qui ont été évoqués aujourd’hui au détriment de tous les autres, nous apparaîtrions, me semble-t-il, dogmatiques, défendant seulement une politique ciblée sur le logement social ou sur le logement libre. Au contraire, notre objectif est bien de conduire des politiques en faveur du logement neuf, de la rénovation énergétique au service des primo-accédants sociaux et des acquisitions permettant une accession à la propriété libre.

Notre politique vous paraît fragmentée du fait que nos outils sont adaptés à celles qui sont conduites par les acteurs du logement que sont nos collectivités locales. Elle ne nous semble ni dogmatique ni fragmentée ; elle n’est pas d’un seul bloc au service d’une seule cause. Elle sert toutes les formes de logements.

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier.

M. Guislain Cambier. Il faut savoir lire les chiffres et regarder les réalités en face : nous sommes confrontés à une véritable crise du logement. Nous pouvons tous nous mettre d’accord sur ce constat. Il est impossible de considérer que les réponses ont chaque fois été adaptées à l’enjeu, sans quoi cette crise serait terminée ! Or cette dernière s’accroît d’année en année, avec une acuité particulière à l’heure actuelle, preuve que les réponses demeurent trop ponctuelles pour pouvoir débloquer la situation.

Précédemment, madame la ministre, nous vous interpellions au travers d’une question de ma collègue Gacquerre sur l’ambition d’une France de propriétaires. Comment comptez-vous vous y prendre ? Avec quelle vision à long terme ? Nous avons besoin de savoir où le Gouvernement place le curseur… (Mme Amel Gacquerre acquiesce.)

M. le président. La parole est à M. Denis Bouad.

M. Denis Bouad. Madame la ministre, j’ai connu une époque où la notion de « parcours résidentiel » avait un sens et offrait une perspective à la jeunesse du pays. Jeunes travailleurs, nous prenions notre indépendance en intégrant le parc locatif, qu’il soit social ou privé. Par la suite, en fonction de l’évolution de notre situation familiale et professionnelle, il était possible de déménager pour un logement plus grand et, dans certains cas, d’envisager une accession à la propriété.

À présent, cette simple idée de parcours résidentiel est beaucoup moins évidente. De trop nombreuses entrées dans le parc social sont définitives : on y entre et on y reste !

De la même manière, je connais dans mon département certaines communes dans lesquelles les jeunes qui grandissent, qui aimeraient vivre et travailler dans leur propre territoire ne peuvent même pas envisager d’y accéder à la propriété, du fait de prix trop élevés.

En quarante ans, le taux de propriétaires parmi les jeunes ménages modestes a été divisé par deux ! À terme, des questions pourraient se poser sur la mémoire et l’identité de nos villages, avec également des inquiétudes en matière d’effectifs scolaires dans certains territoires.

Face à un tel phénomène, nous devons apporter des réponses adaptées. Bien entendu, il nous faut maintenir et développer les outils d’accession sociale à la propriété : le prêt à taux zéro, qui a démontré son efficacité quand il est bien calibré ; le bail réel solidaire, mentionné par ma collègue Viviane Artigalas ; la vente de logements sociaux, qui peut également permettre aux bailleurs de financer des opérations nouvelles ; la TVA réduite sous certaines conditions ; le prêt social location-accession…

Tous ces dispositifs ont leur utilité, mais nous devons aussi regarder les chiffres. En vingt ans, les prix de l’immobilier ont été multipliés par près de 2,5, alors que les coûts de construction n’ont progressé que de 50 %. Il existe donc un enjeu de spéculation foncière, ce qui représente un frein à l’accession sociale à la propriété.

Aussi, madame la ministre, quelles mesures structurantes comptez-vous mettre en œuvre afin de contrer la spéculation foncière et ainsi de favoriser l’accession à la propriété et le parcours résidentiel des jeunes ménages ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur, sans répéter l’ensemble des précédents propos, je profiterai de l’occasion pour essayer de synthétiser la position du Gouvernement et de la rendre, pour ainsi dire, plus lisible.

Nous sommes vous et moi en phase sur la lutte contre la spéculation là où elle se trouve. Le Gouvernement estime que les outils mis en place aideront à aller en ce sens, y compris dans nos villages. J’y suis extrêmement attentive. Si d’autres outils sont à élaborer pour atteindre cet objectif, nous sommes prêts à travailler avec vous.

Je tiens à souligner que 70 000 crédits sont encore accordés chaque mois, dont 30 % pour des primo-accédants, 30 % pour des résidences principales dans le cadre de déménagements pour accession et 20 % pour des investisseurs locatifs.

Le PTZ sera maintenu tant dans les zones tendues pour les logements neufs, dispositif en outre élargi à de nouveaux ménages, que dans les zones détendues pour les logements anciens. Il s’inscrit dans le cadre de la lutte que je mène avec France Ruralité contre les logements vacants dans nos territoires. Le PTZ sera donc bien utilisable pour rénover les cœurs de village et les maisons anciennes.

En parallèle, nous souhaitons accélérer la rénovation énergétique des logements en accompagnant mieux les propriétaires. Notre ambition est de continuer à tenir la trajectoire en la matière en offrant une solution pour chaque propriétaire. Notre projet de loi de finances pour l’année 2024 prévoit ainsi un budget renforcé pour MaPrimeRénov’ (MPR) et la possibilité pour les opérateurs de logement intermédiaire d’acquérir du bâti ancien pour le rénover et le mettre en location à des loyers abordables pour les classes moyennes.

En y ajoutant ceux que je citais précédemment, les outils sont donc multiples, afin de tenir compte à la fois de l’urgence écologique, à laquelle je connais votre attachement, et de l’urgence sociale, dans un contexte de crise du logement.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, vous appartenez à un gouvernement qui n’a eu de cesse depuis quelques années de tuer l’accession à la propriété, en particulier à la campagne.

Premièrement, dans toutes les communes de campagne qui ont pu développer le gaz naturel, il a fallu détruire les routes et les trottoirs pour permettre ainsi de se chauffer plus facilement, avec un coût de chaudière moins élevé, et de favoriser dès lors l’accès à la propriété. Or vous avez interdit en 2022 les chaudières à gaz dans toutes les constructions neuves : les communes qui ont investi se sentent totalement dépourvues.

Deuxièmement, en matière d’écologie, vous n’avez eu de cesse d’augmenter le nombre de normes pesant sur les lotissements construits à la campagne. J’en veux pour preuve la commune de Saint-Paulien : sur trente-cinq lots, obligation a été faite d’en laisser un pour les grenouilles !

Troisièmement, votre gouvernement, au travers du « quoi qu’il en coûte », a entraîné l’inflation du coût des matériaux. Dès lors, l’accession à la propriété par la construction devient de plus en plus difficile.

Quatrièmement, le ministre de l’économie nous expliquait qu’emprunter à taux d’intérêt négatif revenait à gagner de l’argent. Avec l’augmentation actuelle, cette époque est terminée ! À 5 %, non seulement les gains n’existent pas, mais les jeunes, faute de moyens, ne construisent plus.

Cinquièmement, vous vous apprêtez à en rajouter une couche avec le dispositif zéro artificialisation nette. À partir de 2031, il faudra déconstruire pour construire… Seulement, ceux qui déconstruiront auront la possibilité d’exporter ce droit vers d’autres endroits en France. Autrement dit, le milieu rural sera dépouillé de ses droits à construire pour mieux les exporter !

Ma question est donc simple : ne pensez-vous pas que cette politique « bobo-écolo », plutôt parisienne, va totalement à l’encontre du développement de nos campagnes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Après avoir investi des milliards d’euros dans l’aménagement du territoire, vous faites le travail inverse : le déménagement du territoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Amel Gacquerre applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Duplomb, je qualifierai cette prise de parole d’intervention à charge contre la politique du Gouvernement.

M. Laurent Duplomb. Nous faisons de la politique !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Nous sommes ici pour débattre, mais cette prise de parole étant à sens unique, j’ai du mal à me raccrocher à des remarques constructives. Il suffit de penser à votre exemple d’un lot sur trente-cinq réservé pour des grenouilles…

Le Gouvernement assume défendre une politique dans laquelle la planification et la transition écologiques sont transversales, placées au cœur de toutes nos actions publiques.

Pour revenir sur ce dont vous faites mention, le coût de construction depuis vingt ans n’a augmenté « que » de 50 % : le chiffre est relativement modéré.

Si vous souhaitez vous livrer à un portrait à charge en nous accusant d’une politique « bobo-écolo », vous en avez le droit. À titre personnel, je suis fière d’appartenir à un gouvernement qui a mis la transition écologique au cœur de son action, sans dogmatisme. Je suis donc très étonnée d’entendre parler d’un lot réservé aux grenouilles…

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon.

M. Rémi Cardon. Madame la ministre, j’attire votre attention sur la question de l’accession à la propriété pour les jeunes ménages primo-accédants, en particulier ceux qui résident en dehors des zones tendues.

Actuellement, le PTZ joue un rôle significatif dans une première accession à la propriété. Bien que le ministre Le Maire ait annoncé l’extension du prêt à taux zéro à 6 millions de personnes supplémentaires, je crains que ce dispositif ne soit pas en mesure d’apporter le soutien nécessaire aux primo-accédants, notamment dans les territoires ruraux. Il s’agit là d’un très mauvais signal.

En raison de la flambée des prix et des taux d’emprunt, ainsi que des difficultés immobilières que nous traversons, les jeunes ménages sont de plus en plus nombreux à avoir du mal à accéder à la propriété. Ils sont déjà exclus d’office des zones tendues pour des raisons financières. Les forcer à se positionner là où la demande excède l’offre de logements disponibles ne me semble pas être une position tenable.

Vous semblez abandonner les zones « hors tension », à savoir, en grande partie, nos territoires ruraux, ce qui est dommage pour une ministre chargée de la ruralité… Pourtant, la situation y est particulièrement préoccupante. Nos villages constituent bien souvent les derniers endroits où les jeunes ont les capacités financières de s’installer. Or vous les excluez du champ du PTZ ! Cela favorise l’éviction des jeunes des villages, donc le non-renouvellement de la population et, par effet domino, la fermeture de classes, du fait des difficultés à accueillir les jeunes familles.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de mettre en place pour soutenir les jeunes ménages souhaitant accéder à la propriété dans les zones « hors tension » et notamment dans les territoires ruraux ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. En effet, monsieur le sénateur Cardon, 6 millions de personnes supplémentaires pourront bénéficier du PTZ. Je suis étonnée par votre question : je pensais y avoir répondu. Je vous répète que le PTZ est ouvert aux accédants à la propriété pour des logements anciens en zone non tendue. Il est possible d’acquérir un tel bâti pour le rénover.

Connaissez-vous le nombre de logements vacants dans nos villages ? 800 000 ! Par conséquent, j’assume que le Gouvernement veuille privilégier dans des zones non tendues, où l’acquisition du foncier ne représente pas un coût aussi élevé qu’ailleurs, la rénovation dans l’ancien pour encourager l’acquisition de maisons. Pour un village dont le nombre d’habitants est compris entre 1 200 et 1 250, il y a en moyenne 100 à 200 logements vacants.

Plutôt que de construire des lotissements, nous assumons notre politique de sobriété foncière, à laquelle je suis sûre que vous souscrivez. Dans le même temps, nous employons les grands moyens pour permettre aux jeunes d’accéder à des logements anciens à rénover. Tout cela me semble cohérent. Il est possible de regretter que le logement neuf en ruralité ne soit pas accompagné par le PTZ, mais je pense en avoir expliqué les raisons.

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour la réplique.

M. Rémi Cardon. Pour compléter mon propos, vous faites référence aux propos de M. Le Maire, qui annonçait le classement de 154 nouvelles communes en zone tendue. Dans ma circonscription de la Somme, sachez que nous comptons 772 communes… Or M. le ministre parlait pour la France ! Nous sommes donc très loin du compte. Cibler uniquement dans la ruralité les logements vacants est rabaissant, madame la ministre.

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet.

Mme Martine Berthet. Déficit naturel de foncier, pression touristique forte, obligations législatives et réglementaires spécifiques : la question de la pénurie de logements se pose avec une acuité particulière pour les territoires de montagne.

Face à ce cocktail explosif débouchant sur une élévation exponentielle des prix de l’immobilier, l’amélioration des conditions d’implantation de l’habitat permanent est devenue une priorité pour les communes supports de stations.

En effet, leurs maires, observateurs privilégiés de ce phénomène, n’ont toujours pas à leur disposition la boîte à outils adéquate pour prendre les mesures adaptées et nécessaires à leurs territoires, qui sont tous différents. À titre d’exemple, malgré un dernier arrêté en la matière, trop de stations de montagne subissent encore un zonage non pertinent au regard de leur situation et sont donc exclues des dispositifs qui pourraient concourir au maintien de leur population : PTZ, prêt social location-accession, bail réel solidaire.

C’est dans ce contexte que j’ai pris connaissance avec grand intérêt de l’interview du ministre chargé du logement samedi dernier dans Le Monde, dans laquelle il explicite un peu plus clairement la volonté présidentielle de décentralisation de la politique du logement, sachant que nos maires sont dans l’attente de cette liberté d’action.

Dans la droite ligne de cette nouvelle philosophie, et en lien avec une mesure annoncée au mois de juillet dernier, je vous interrogerai sur la nécessité d’adapter les outils d’urbanisme pour permettre aux communes supports de stations, au travers de leur plan local d’urbanisme (PLU), de favoriser le développement d’habitat permanent et l’accession à la propriété. Aussi, madame la ministre, seriez-vous favorable à la création au sein des PLU d’une sous-catégorie « habitat permanent » pour les communes touristiques ? À défaut, quels autres outils le Gouvernement pense-t-il proposer ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Berthet, je vous confirme que nous conduisons des travaux depuis déjà quelques mois sur la décentralisation de la politique du logement. Toute proposition et tous travaux en la matière sont les bienvenus, qu’ils soient adressés aux ministres Christophe Béchu et Patrice Vergriete ou à moi-même. Depuis un mois, nos réflexions connaissent une avancée rapide, permettant d’y voir clair. L’idée est de pouvoir échanger avec vous.

Vous appelez de vos vœux une adaptation des règles d’urbanisme dans les stations de montagne, en zones tendues. Je vous répondrai favorablement : cette question est au cœur de nos préoccupations. Dans le cadre du groupe de travail que je mentionnais, nous avons ouvert une réflexion sur l’absolue nécessité d’adapter nos règlements d’urbanisme à ces territoires.

Je vous confirme que nous travaillons à encourager l’investissement dans ces zones tendues en mettant davantage en adéquation la fiscalité avec les politiques publiques sur lesquelles nous nous retrouvons.

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour la réplique.

Mme Martine Berthet. Je vous remercie, madame la ministre. Le groupe de travail, c’est très bien ; encore faut-il que cela soit suivi d’applications concrètes. Pour l’instant, tout va à l’inverse de ce que nous souhaitons : nos jeunes qui ne peuvent pas rester habiter sur place doivent de plus en plus se déplacer.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Nous avons commencé depuis seulement deux mois.

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sylviane Noël. Face aux défis qui se présentent à nous, l’immense majorité des maires s’investissent pour se conformer aux différents objectifs imposés en matière de logements sociaux et d’accession sociale à la propriété, en dépit des difficultés budgétaires croissantes, des recours juridiques nombreux et des injonctions parfois contradictoires de l’État.

Alors que la crise du logement que nous vivons devrait fédérer les énergies et récompenser les efforts réalisés, force est de constater que l’attitude de l’État est parfois très décourageante, voire stigmatisante pour les élus, malgré leurs efforts. Ainsi, au mois de mars dernier, un décret est venu relever le seuil de tension sur la demande de logements sociaux mesurée à l’échelle des territoires concernés par la loi SRU, amenant certaines communes à passer de 20 % à 25 % de production d’un tel bâti et entraînant mathématiquement et immédiatement un doublement de la pénalité SRU payable sans délai.

Pour les maires de ces communes, cette pénalité constitue une sanction insupportable à plusieurs titres.

Financièrement d’abord, car elle intervient de manière rétroactive dans un contexte particulièrement délicat pour les collectivités locales, compte tenu de l’explosion de leurs charges de fonctionnement et de la chute d’une partie de leurs recettes.

Juridiquement ensuite, car cette pénalité vient comme un couperet sanctionner, sans aucun délai ni préavis, la non-atteinte d’un objectif qui ne s’imposait pas jusqu’alors aux communes, ce qui est particulièrement discutable.

Humainement enfin, car il s’agit de sanctionner des élus qui, pour l’immense majorité, sont très actifs pour tenter de résorber le retard de production de logements sociaux et ne voient pas leurs efforts récompensés, bien au contraire, qui plus est dans des départements confrontés à la rareté et à la cherté du foncier.

Aussi, dans un contexte où la France pourrait manquer de 850 000 logements en 2030, l’État entend-il enfin instaurer une véritable politique partenariale et incitative à destination des élus œuvrant activement en faveur du logement social, en location ou en accession à la propriété ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Noël, nous entendons bel et bien conduire une politique partenariale avec les collectivités locales. De fait, la loi SRU a permis de dynamiser la production de logements sociaux, dont plus de la moitié sont situés dans des communes déficitaires, mais aussi de renforcer l’investissement de ces territoires dans le logement social au travers des prélèvements imposés.

Le taux de logements sociaux dans une municipalité a été ramené ces dernières années de 25 % à 20 % ; nous revenons désormais à l’objectif de 25 % du fait de la tension.

Nous sommes aussi attachés à une application de la loi en lien étroit avec les territoires, d’où ce terme de « partenariat » que vous avez évoqué et auquel je souscris. C’est le sens des contrats de mixité sociale (CMS), créés par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS. Ils permettent d’adapter les objectifs et, surtout, de recenser tous les leviers de production de logement.

Aujourd’hui, les logements en accession sociale sont comptabilisés dans la loi SRU.

Mme Sophie Primas. Grâce à nous !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Les BRS sont pris en compte dans le calcul du déficit. Une commune peut donc à la fois respecter ses obligations SRU et produire un nombre important de logements en accession sociale.

L’accession sociale sera soutenue dans tous les territoires, tendus et détendus, de manière différenciée.

Pour favoriser l’accession sociale, le PTZ sera maintenu ; pour le BRS, le PSLA, la vente HLM et l’accession en zone Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), les plafonds de ressources des ménages éligibles seront étendus dans les prochaines semaines par voie réglementaire. Ainsi, de nombreuses familles en bénéficieront.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la ministre, en dix ans, Paris a perdu 120 000 habitants. Le logement figure au premier rang des motifs de cette saignée. L’accession à la propriété constitue un horizon inatteignable pour l’immense majorité. Les jeunes nés à Paris savent qu’ils ne pourront pas vivre chez eux, dans leur ville, quel que soit leur parcours professionnel.

Qu’une ville rejette ses propres enfants est cruel et, surtout, de très mauvais augure pour l’avenir. Elle doit savoir attirer et conserver sa jeunesse, ses talents, toutes celles et tous ceux qui étudieront, travailleront et créeront.

Tel est également le cas des enseignants, soignants, artisans, policiers : tous se trouvent relégués hors de Paris, avec un accès limité au marché locatif et aucune perspective de devenir propriétaire.

M. Ian Brossat. Par manque de logement social !

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Pour beaucoup, être locataire est bien sûr un choix, mais les inégalités de patrimoine et donc de revenu au moment de la retraite entre propriétaires et locataires sont terribles.

Face à cela, le projet, ou plutôt le choix de société de Mme Hidalgo est de compter 40 % de logements sociaux à Paris, en préemptant à tout-va, de sorte que le marché est de plus en plus étroit entre la spéculation foncière et les achats de riches non-résidents étrangers. Cette situation diminue d’autant l’étendue du marché locatif, car, sans accession à la propriété, il n’y a pas non plus assez de logements à louer. (M. Ian Brossat proteste.)

Sans doute pour amuser la galerie, la mairie de Paris invoque alors le bail réel solidaire. Cette technique, qui a du sens dans les communes disposant de foncier, est de la poudre aux yeux et une injustice supplémentaire à Pari, où il y a à peu près autant de chance de se voir attribuer un logement en BRS que de gagner au loto !

Madame la ministre, comment comptez-vous favoriser une réelle accession à la propriété à Paris et dans les autres grandes villes de France ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Carrère-Gée, vous avez cité un certain nombre de nos fonctionnaires auxquels nous sommes très attachés, qui ont du mal à se loger compte tenu du prix au mètre carré dans Paris ; j’ajouterai à cette liste les pompiers.

Vous évoquiez la politique de logement de la maire de Paris. Je ne suis pas habilitée à porter un jugement.

M. Ian Brossat. Très bien !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Un tel champ relève de la politique locale de l’habitat. Je partage toutefois votre constat : je me réjouis que la maire ait adopté le système du BRS récemment.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Je ne sais pas…

M. Ian Brossat. Nous avons été les premiers !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Comment favoriser, me demandez-vous, l’accession à la propriété ? Je n’ajouterai rien au sujet des zones tendues, parce que s’exacerbe à Paris ce qui s’exacerbe à Lyon, à Bordeaux, à Lille ou à Marseille. Nous avons des outils destinés à la mise en œuvre d’une politique de l’habitat permettant l’accession sociale et l’accession libre à la propriété. Je n’ai pas de réponse spécifique à vous apporter à ce jour concernant Paris.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour la réplique.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la ministre, puisque cela ne relève pas de votre portefeuille ministériel, ce n’est pas vous faire offense que de constater que les multiples mesures que vous avez égrenées ne me paraissent pas à la hauteur d’une crise qui frappe tout le monde, des zones de montagne à Paris, comme nous l’avons relevé au travers de nos interventions.

Il faudrait des actions spécifiques au travers d’une véritable politique : des objectifs, une stratégie et des moyens. Nous voyons votre boîte à outils – cela nous rappelle celle d’un Président de la République, M. Hollande, face au chômage –, mais pas votre politique !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Pour insister sur un point dont nous avons largement débattu, l’augmentation du plafond de ressources permet à un plus grand nombre d’accéder aux prêts. Nous espérons que ce sera suffisant. Toute proposition est bonne à prendre. Je vous ai entendue.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Jean-Claude Anglars. Madame la ministre, depuis une vingtaine d’années, l’accession à la propriété est problématique, car il existe un décalage croissant entre le souhait des Français d’être propriétaire et la difficulté à le devenir.

Ainsi, en 2023, les propriétaires représentent seulement 58 % des ménages, alors que l’accession à la propriété est un objectif principal pour les Français. Par exemple, parmi les 18-30 ans, 80 % des non-propriétaires souhaitent le devenir, selon un sondage Ifop de 2022. Cette situation est un enjeu de société tant l’accession à la propriété est facteur de promotion et d’intégration sociales.

Dans ce débat, à l’instar de mes collègues, j’attirerai surtout votre attention, madame la ministre, sur l’enjeu majeur de l’accession à la propriété dans les territoires ruraux à la suite des choix du Gouvernement relatifs à la politique du zéro artificialisation nette. Le ZAN est une politique qui s’inscrit dans une logique plutôt comptable, commode pour l’État, mais moins pour les programmes locaux d’urbanisme. Derrière les impératifs de renaturation, de sobriété foncière et de revitalisation du bâti, de fortes contraintes s’imposeront aux communes rurales.

Or, vous le savez, de nombreux ménages ne peuvent actuellement accéder à la propriété que par l’habitat individuel dans des territoires où le foncier est peu cher, c’est-à-dire dans les territoires dits périphériques, urbains comme ruraux. Bien que des améliorations aient été apportées au texte par le Sénat, l’objectif ZAN risque de remettre en cause cette possibilité malgré la garantie rurale, à savoir une capacité de développement d’un hectare pour chaque commune d’ici à 2031.

En ce sens, plusieurs travaux du Sénat ont montré que le ZAN touchera en priorité les classes moyennes modestes, habitant ou souhaitant habiter en zones rurales et périurbaines, qui verront leur projet d’accession à la propriété rendu de plus en plus difficile.

Face à ce risque majeur pour le développement de territoires déjà marqués par des inégalités au regard des communes les plus denses, quelles sont les solutions prévues par le Gouvernement pour soutenir l’accès à la propriété en milieu rural ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Anglars, vous savez de quoi vous parlez en évoquant les possibles difficultés dans l’accession à la propriété entraînées par nos objectifs de zéro artificialisation nette d’ici à 2050 et d’une diminution de 50 % de l’artificialisation des sols à horizon de 2030.

La politique du Gouvernement est claire : mettre le paquet sur la rénovation énergétique et la rénovation tout court de l’ensemble de nos 800 000 logements vacants. Nous accompagnerons au travers de France Ruralité tous les maires qui le souhaitent en leur apportant l’ingénierie nécessaire à la lutte contre les vacances de logement et à la rénovation de ces maisons de village que nos jeunes aiment beaucoup, afin de les réhabiliter et les rendre attractives pour tous ceux qui voudront s’y installer.

Selon vous – et je respecte votre opinion –, du fait de cet objectif de zéro artificialisation nette, les classes moyennes pourraient rencontrer des difficultés à s’installer en zone rurale.

Pour la mise en œuvre de cette politique publique de réduction de l’artificialisation des sols, dont nous sommes fiers, nous avons retenu l’horizon 2030, voire 2050. Il sera donc temps de retravailler ensemble dans un an, deux ans ou trois ans pour faire évoluer les choses.

Laissons à cette politique le temps de se mettre en place, notamment au travers de cette garantie rurale, voulue par la grande majorité du Sénat. Nous aurons alors l’occasion d’évaluer collectivement si, oui ou non, nos jeunes peuvent accéder à la propriété dans nos beaux villages.

Conclusion du débat

M. le président. En conclusion du débat, la parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains. Ce débat sur l’accession à la propriété, demandé par mon groupe, aura permis des échanges substantiels. Il a montré que les chantiers sont encore à venir et que nombre de mécanismes juridiques méritent d’être repensés. Il s’agit d’un véritable sujet à tiroirs.

Je voudrais en conclusion revenir sur quelques chantiers ou difficultés qui méritent d’être soulignés.

Premier chantier, la fiscalité locale doit être repensée, afin de parvenir à un équilibre entre, d’un côté, la nécessité d’accroître les ressources des collectivités et, de l’autre, l’impératif d’accession des Français à la propriété.

À ce titre, la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales a des effets néfastes tant sur les communes que sur les propriétaires. L’augmentation de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), qui pèse sur ces mêmes propriétaires, en est le corollaire inévitable.

Madame la ministre, tout l’été, nous avons assisté à un jeu extrêmement malsain entre l’État et les collectivités locales sur le relèvement de la TFPB. Il faut en sortir. À cet égard, la fiscalité du ZAN est une piste envisageable : il va bien falloir financer ce modèle et réinventer une fiscalité locale – et une vraie ! – à l’aune de ces nouveaux objectifs.

Deuxième chantier, vous ne pourrez non plus vous contenter des conclusions du CNR Logement, exposées au mois de juin dernier. Elles ont en commun l’absence d’une ambition véritablement marquée à même de ralentir cette crise accélérée et historique du logement. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, en toile de fond, cet après-midi.

Vous ne pourrez pas vous contenter de demander à Action Logement de pallier les insuffisances de l’État. Il va falloir faire preuve de davantage d’imagination.

Troisième chantier, celui du modèle pavillonnaire. Le malaise est né des propos malheureux de l’ancienne ministre déléguée au logement, en fin de discussion de la loi Climat et résilience.

Le malaise vient aussi d’un décret sur l’artificialisation que le Conseil d’État vient de censurer en partie. Certes, nous avions été associés à l’élaboration de ce décret lors de la commission mixte paritaire. Toutefois, et vous ne l’ignorez pas, en cherchant des stocks de foncier pour faire du pavillon sur le pavillon, pour faire de la ville dense, le Gouvernement a pu nous amener à penser qu’il voulait en finir avec le modèle pavillonnaire.

Dès lors, sans l’apport du Sénat lors de cette commission mixte paritaire pour sauver une certaine forme de pavillon – nous avons bien compris qu’il n’était plus possible de faire comme avant –, il n’y aurait pas eu d’avancée.

Or force est de constater que cette affaire de PTZ est venue tout remettre à plat : nous avons le sentiment que vous voulez en finir avec ce modèle, alors que l’accord auquel nous étions parvenus cherchait à concilier respect de l’environnement et maintien d’une forme de modèle pavillonnaire. À tout le moins, il s’agissait d’étudier les choses au cas par cas : dans la mesure où aucun territoire en France ne ressemble à un autre, le pavillonnaire peut parfois être la réponse, et parfois non.

Nous éprouvons une grande frustration devant la disparition d’un article de notre proposition de loi, qui offrait aux élus une forme de liberté en leur permettant d’indiquer les espaces qu’ils voulaient densifier et ceux qu’ils souhaitaient renaturer.

Dernier chantier, celui des outils. Nous avons parlé des établissements publics fonciers, qu’il est nécessaire de « muscler », car ce sont de bons outils. Mais il faut aussi évoquer les sociétés d’économie mixte (SEM), les sociétés d’économie mixte à opération unique (Sémop), les sociétés publiques locales (SPL) et peut-être les zones d’aménagement concerté (ZAC), qu’il faut faire évoluer, et les secteurs de renouvellement pavillonnaire, qu’il faut inventer.

Si nous ne menons pas ces chantiers, il n’y aura pas de déblocage réel de la crise du logement et il ne sera pas possible d’accéder à la propriété ; je pense notamment aux primo-accédants et aux zones rurales, comme l’ont souligné nombre de nos collègues.

Le débat de cet après-midi est un point d’entrée vers de nombreux autres sujets. Si la reprise de nos travaux pouvait nous inciter à travailler tous ensemble pour tout réinventer, ce serait une bonne chose. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Pillefer applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l’accession à la propriété.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux
Discussion générale (suite)

Rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux
Article unique

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux, présentée par Mme Sophie Primas et plusieurs de ses collègues (proposition n° 494 [2022-2023], texte de la commission n° 10, rapport n° 9).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sophie Primas, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP.)

Mme Sophie Primas, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer la première journée de présidence de notre collègue Mathieu Darnaud, auquel je souhaite le plus grand succès dans sa mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, INDEP, RDPI et RDSE.)

Je souhaite également remercier Bruno Retailleau, le président de notre groupe, qui a inscrit à l’ordre du jour cette proposition de loi, premier texte de cette session, ainsi que les quatre-vingt-cinq cosignataires. J’y vois la reconnaissance de l’importance du sujet que nous défendons depuis des mois, voire des années, et qui s’est révélé peut-être plus encore pendant les désordres du mois de juin dernier. Il a trait à ce que l’on appelle peu élégamment le « peuplement » de nos communes.

Je veux également remercier Dominique Estrosi Sassone, qui a accepté d’être la rapporteure de cette proposition de loi, certes sur un sujet qu’elle connaît bien, mais dans un délai vraiment très restreint.

Mes chers collègues, je voudrais commencer par vous dire ce que ce texte n’est pas.

Il n’est pas l’alpha et l’oméga d’une réforme de fond du logement que nous attendons avec une réelle impatience. La crise qui touche durablement ce secteur économique n’a rien d’un hasard : elle est la conséquence de décisions prises en silo depuis six ans en matière de fiscalité, de suppression de recettes pour les communes, de la réduction de loyer de solidarité (RLS), de la politique d’attribution, de la descente aux enfers du peuplement de certains quartiers, de la montée des normes de construction et donc du coût de construction, de la raréfaction du foncier, par nature inflationniste, de la hausse des taux d’intérêt… Sur toutes ces questions, le Sénat alerte, alerte et alerte encore depuis des années ! Oui, nous avons hâte de travailler sur ces sujets ; non, ce texte n’est pas la solution à la crise du logement !

Il n’est pas non plus une réponse aux errements de la politique de la ville, dénoncés dans plusieurs rapports transpartisans de cette assemblée, ni à ces zonages « politique de la ville » qui correspondent non à la réalité de nos territoires, mais à des impératifs budgétaires de l’État.

Année après année, vous restreignez les moyens des communes, qui ont de plus en plus de mal à accompagner les plus modestes de leurs administrés.

Ce texte n’est pas non plus – tout du moins, je l’espère – le grand acte de décentralisation de la politique du logement promis, une fois encore, par le Président de la République et qui, hypothétiquement, devrait arriver l’année prochaine, à un moment encore indéterminé…

Ce texte n’est pas, comme je l’ai entendu, le retour d’un clientélisme local, reproche parfois adressé par des personnes qui n’ont jamais présidé la moindre commission d’attribution des logements ni assumé la responsabilité locale de gérer comme un horloger les équilibres dans nos communes.

M. André Reichardt. Très bien !

Mme Sophie Primas. Ce texte n’est sûrement pas la possibilité offerte aux maires de refuser tous les dossiers difficiles. Les maires, mes chers collègues, ont le sens des responsabilités ; ils prennent chacun leur part des difficultés des Français.

Dans mon département des Yvelines, l’exemple de Montigny-le-Bretonneux le démontre parfaitement : depuis que la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines donne une voix prépondérante au maire, la commune accueille plus que sa part de familles fragiles.

J’ai même entendu qu’une sélection par le nom serait possible. Mes chers collègues, moi qui ai été maire d’une commune que j’habite depuis plus de soixante ans, laquelle compte plus de 40 % de logements sociaux, qui habite cette vallée de Seine dans laquelle la diversité d’origine est une réalité depuis des décennies, au-delà des discours, je suis outrée de ces propos et de cette défiance vis-à-vis des maires !

Alors, qu’est-ce que ce texte ?

Ce texte est un premier pas, modeste, mais urgent. Un premier pas vers une décentralisation que nous appelons de nos vœux, que les élus appellent de leurs vœux et que les bailleurs eux-mêmes, publics ou privés, appellent de leurs vœux.

Ce texte revient à redonner aux maires et à leurs adjoints la responsabilité pleine et entière de la qualité de vie et de la bonne intégration de toutes les populations, y compris et surtout des populations modestes. C’est préférer l’intelligence territoriale des élus locaux et des services sociaux des communes à celle des algorithmes ou des considérations financières des bailleurs.

Combien d’idioties voyons-nous dans nos communes, dans nos quartiers ? Des personnes à mobilité réduite auxquelles on attribue un logement au second étage sans ascenseur ; des couples, qui travaillent à deux ou trois heures de transport de leur logement et qui, déracinés de leur environnement, finiront soit par lâcher leur travail pour cause d’épuisement, soit par être dans l’incapacité de s’occuper de leurs enfants, ce qu’on leur reprochera par la suite !

Ce texte, qui fait confiance aux maires, revient à s’assurer enfin que chaque famille reçue soit bien intégrée dans un immeuble, dans un quartier, dans un environnement favorable, garant de la véritable mixité : pas la mixité théorique, pas celle de Twitter ou des plateaux de télévision, dont certains ont plein la bouche, mais la vraie mixité, celle d’âge, de niveaux sociaux, d’éducation, de structure familiale.

Il s’agit aussi de s’assurer que l’on ne met pas de la misère sur de la misère, des turbulents avec d’autres turbulents, pour garantir ainsi la structuration des quartiers et leur tranquillité.

Ce texte revient encore à aider les maires à convaincre les habitants, parfois réticents, que la construction de logement social sert à aider ceux des habitants de la commune ou des alentours qui cherchent un logement, soit parce que la famille habite là, soit parce que les personnes travaillent à proximité.

Comment faire comprendre à nos habitants que l’on construit du logement social qui ne sera pas destiné en priorité à ceux qui en ont besoin localement ?

Comme je l’ai souligné, j’ai entendu que ce texte sonnait le retour du clientélisme.

Mes chers collègues, si le clientélisme revient à attribuer un logement social à un enfant de la commune qui souhaite y rester, je l’assume ! Car nos quartiers, ce sont aussi des relations familiales, amicales, des relations de solidarité, des attachements à une commune dans laquelle on a grandi et qui signifient autre chose que simplement trouver un toit.

Si le clientélisme revient à donner un logement aux personnes qui travaillent sur le territoire, aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) de nos établissements scolaires, aux infirmières de nos hôpitaux ou aux agents de police et aux gendarmes de notre département, je l’assume !

M. Max Brisson. Très bien !

Mme Sophie Primas. Et ne me parlez pas des « priorités » de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU. Elles sont si nombreuses qu’elles n’ont plus de sens !

Mes chers collègues, que voyons-nous depuis que l’attribution n’est plus décidée par les maires ? Des quartiers qui se déstructurent, qui se déshumanisent, lentement mais sûrement, qui se déséquilibrent parfois, qui se concentrent sur ceux qui sont de plus en plus en difficulté, qui s’électrisent. Croyez-moi, c’est une réalité, y compris dans ma propre commune.

Nos compatriotes en rendent responsables les maires, et ce n’est plus possible !

Les maires veulent bien assumer la construction de logements sociaux. Ne vous arrêtez pas aux quelques contre-exemples caricaturaux ; attachez-vous aux centaines de maires de bonne volonté, qui veulent bien évidemment prendre leur part des cas les plus difficiles, mais qui veulent aussi avoir la pleine responsabilité de l’équilibre de leur commune, du peuplement de leurs quartiers, qu’ils connaissent mieux que toutes les commissions d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements (Caleol) ou tous les algorithmes.

Mes chers collègues, ce premier pas est une étape fondamentale. Ce texte n’est pas la solution unique aux événements que nous avons connus en juin, mais il en constitue un élément.

Faites confiance aux maires, à leurs adjoints, aux services des villes qui font du travail de dentelle, cage d’escalier par cage d’escalier, microquartier par microquartier, famille par famille. Répondez à l’engagement pris le 3 juillet dernier par le Président de la République auprès du président du Sénat et le 4 juillet auprès des maires qui ont connu les émeutes, sans attendre le grand soir du logement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a approuvé la proposition de loi de notre collègue Sophie Primas visant à renforcer le rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux. Elle a même décidé de renforcer les prérogatives des maires en la matière.

Avant de vous présenter les évolutions souhaitées par notre commission et de répondre à certaines critiques qui ont été formulées, je voudrais revenir sur le diagnostic largement partagé qui nécessite une intervention législative aujourd’hui.

Quel est ce constat ? Les maires ont un rôle central dans le développement du logement social au travers des permis de construire, de l’apport de terrains ou de financements et de la garantie des emprunts. Mais cette centralité ne leur est pas reconnue dans l’attribution des logements, qui leur échappe majoritairement.

Nombreux sont ceux qui déplorent désormais un véritable sentiment de dépossession des maires vis-à-vis du logement social, ce qui fragilise leur volonté d’en construire de nouveaux. Cette défiance est également palpable parmi nos concitoyens, ce qui affaiblit l’acceptation de nouveaux programmes.

Cette perception est alimentée par au moins quatre facteurs.

Premièrement, la pénurie de logements sociaux face à une demande croissante, alors que le parcours résidentiel est complètement bloqué.

Deuxièmement, la montée en puissance de politiques publiques conduisant à des relogements prioritaires, comme le renouvellement urbain, la politique du Logement d’abord ou du droit au logement opposable (Dalo), qui préemptent le peu de logements disponibles, parfois au détriment des demandeurs de la commune où ils sont situés.

Troisièmement, la très grande complexité de la gestion en flux et de la cotation des demandes, qui vont entrer en vigueur à la fin de 2023 et qui suscitent inquiétude et incompréhension.

Quatrièmement, la montée en puissance des intercommunalités, qui contribue à complexifier les modalités de la décision.

Ces constats ont été corroborés par les émeutes de l’été dernier. Le Président de la République n’a-t-il pas déclaré, madame la ministre, devant les 220 maires qu’il recevait à l’Élysée le 25 juin dernier, vouloir travailler sur les attributions de logements sociaux afin de laisser une plus grande marge de manœuvre aux maires et de leur donner une meilleure maîtrise du « peuplement » de leur commune ?

La proposition de loi que nous examinons cet après-midi, sur l’initiative de Mme Sophie Primas, que je remercie très sincèrement, et du groupe Les Républicains, qui l’a inscrite à l’ordre du jour en priorité, identifie parfaitement l’un des nœuds du problème : la marginalisation des maires dans les commissions d’attribution, isolés parmi une douzaine de membres.

Notre commission a donc travaillé à trouver la meilleure solution pour y remédier, en concertation avec les associations d’élus, avec le mouvement HLM et avec les services du ministère du logement.

La commission a retenu trois leviers pour redonner la main au maire.

Premièrement, accorder la présidence de la commission d’attribution des logements sociaux au maire de la commune ou au président de l’intercommunalité lorsque celle-ci est intercommunale. C’est logique et cohérent, puisque les intercommunalités sont les chefs de file de la politique de l’habitat comme gestionnaires du bassin de vie.

Deuxièmement, accorder au maire un droit de veto sur une attribution donnée. Ce droit de veto sera motivé et s’inscrira dans le droit existant.

Troisièmement, généraliser la délégation du contingent de l’État au maire lors de la première attribution d’un programme neuf, lui permettant ainsi d’avoir directement à sa main la moitié des logements à attribuer. Cette faculté est déjà permise par le droit actuel : mise en œuvre dans certains territoires, elle n’est toutefois pas aussi connue ni utilisée qu’elle le devrait.

Cette mesure redonnera au maire une réelle capacité de maîtrise du peuplement. Elle me paraît également de nature à soutenir la construction de nouveaux logements sociaux et l’application de la loi SRU en permettant de répondre à la demande locale et donc de légitimer ce type de construction face aux critiques récurrentes que nous connaissons.

Je voudrais enfin répondre aux trois critiques principales formulées contre ce texte.

La première est de ne pas apporter de solution à la pénurie de logements sociaux et à la crise du logement. J’y souscris bien volontiers ! Vous le savez, j’ai toujours été en première ligne pour dénoncer les coupes claires du Gouvernement contre le logement, en particulier contre le logement social. La pénurie que nous constatons aujourd’hui est directement liée à la politique menée par Emmanuel Macron depuis 2017, dont les bailleurs sociaux ont été les premières victimes avec la RLS. Avec un peu plus d’un milliard d’euros par an en plus, beaucoup de logements sociaux seraient sortis de terre aujourd’hui sans cette politique !

Ce n’est pas l’objet du texte dont nous débattons. Je pense toutefois que celui-ci contribuera à débloquer des dossiers de construction de logements sociaux en redonnant confiance aux maires.

La deuxième critique adressée à cette proposition de loi est de ne pas constituer une réponse suffisante aux émeutes de l’été dernier. Là aussi, je reprends volontiers la critique : ce texte n’a nullement la prétention de résoudre le problème ô combien complexe et profond des quartiers prioritaires et, plus généralement, de l’intégration. C’est juste un élément qui doit permettre d’avancer dans la bonne direction.

Nous l’avions d’ailleurs indiqué dans le rapport d’information intitulé La politique de la ville, un tremplin pour les habitants, que nous avons publié à l’été 2022 avec Viviane Artigalas et Valérie Létard.

Enfin, comme l’a souligné Sophie Primas, certains reprochent à ce texte de rétablir le clientélisme, voire de permettre une discrimination des demandeurs en fonction de leur origine ou de leur nom sur des critères qui seraient non républicains.

Je trouve ce soupçon aussi insultant que blessant vis-à-vis des maires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Amel Gacquerre, Évelyne Perrot et Laure Darcos applaudissent également.) Gardons-nous des anathèmes ! Peut-on reprocher à un maire de vouloir loger ses habitants, à commencer par les ménages Dalo déjà installés sur sa commune ? Je ne le crois pas.

Je tiens à souligner qu’il n’y a absolument aucune ambiguïté dans ce texte : certes, la capacité du maire à décider est renforcée, mais celui-ci devra bien évidemment appliquer la législation en vigueur. La proposition de loi de Sophie Primas ne vient pas modifier les règles définissant les publics prioritaires, découlant de la mise en œuvre du droit au logement opposable ou encore de la future mise en œuvre de la gestion en flux et de la cotation des demandes de logement.

Si le maire utilise son droit de veto, il le fera sur une base légale. Concrètement, il le fera sur la base du travail de qualification du parc social et de son occupation réalisé par les bailleurs sociaux, en concertation avec les élus à l’échelon intercommunal, qui vise à identifier les résidences disposant de capacités d’accueil et celles, plus fragiles, ayant besoin de stabilisation.

L’Union sociale pour l’habitat (USH) a édité un document de référence et de cadrage qui identifie une cinquantaine de critères objectifs, et tout à fait républicains. Ce travail d’identification a notamment été mené dans des intercommunalités telles que Valenciennes, Limoges, Grenoble, Plaine Commune ou Boucle Nord de Seine en région parisienne, toutes parfaitement républicaines, me semble-t-il.

Nous le savons tous, nombre de difficultés s’expliquent par la concentration de publics fragiles dans les mêmes résidences. Pour réussir la mixité sociale, il faut autant accueillir des ménages fragiles que favoriser des ménages pouvant apporter de la stabilité à une résidence ou à un quartier.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est bien dans cet état d’esprit que la commission des affaires économiques a travaillé. Elle a souhaité, au travers de ce texte, non seulement redonner aux maires la main sur les attributions, mais surtout les conforter dans leur rôle central de garant et du bien vivre ensemble dans leur commune et de l’accès au logement. C’est ce que nos concitoyens attendent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le 4 juillet dernier, le Président de la République recevait les élus locaux des communes les plus touchées par les violences urbaines.

À cette occasion, il prenait huit engagements, qui font depuis l’objet d’un suivi resserré par la Première ministre et les ministres concernés. Tel était d’ailleurs l’objet du Conseil national de la refondation consacré aux suites données aux violences urbaines qui s’est tenu la semaine dernière.

L’un de ces engagements était de confier les attributions des logements sociaux aux maires, dans une logique de responsabilisation accrue.

Afin de mieux comprendre les enjeux afférents à cet engagement, il convient de rappeler que le dispositif d’attribution de logements sociaux fait l’objet d’un encadrement législatif et réglementaire particulièrement développé et détaillé. L’empilement des textes successifs sur le sujet peut d’ailleurs parfois rendre leur lecture complexe, même pour les initiés !

Toutefois, il convient de garder à l’esprit que les attributions de logements sociaux doivent concilier, conformément à la vocation généraliste du parc social en France, recherche de mixité sociale, en particulier dans les quartiers relevant de la politique de la ville et dans certaines résidences confrontées à la précarité croissante de leurs occupants, et accès au logement pour les publics prioritaires, au premier rang desquels figurent les ménages bénéficiant d’une reconnaissance du droit au logement opposable, sans oublier les sortants d’hébergement et les autres ménages définis comme prioritaires dans le code de la construction et de l’habitation, dans les accords collectifs départementaux et les conventions intercommunales d’attribution des logements.

L’État et les bailleurs sociaux sont responsables de l’atteinte des objectifs en matière d’accueil des plus défavorisés et peuvent être sanctionnés en cas de manquement en la matière.

Par ailleurs, pour avoir une bonne compréhension des possibilités offertes par les dispositifs d’attribution ainsi que leurs limites, il convient de rappeler que les attributions s’organisent à trois niveaux.

Au premier niveau s’effectuent l’inscription et la vérification des conditions d’éligibilité des demandeurs de logement.

Le deuxième niveau est celui des réservataires de logements sociaux. Il s’agit principalement des collectivités locales, de l’État et d’Action Logement. En contrepartie de leurs apports financiers ou de l’octroi de garanties de prêt, ils disposent de logements réservés et sont responsables de la désignation des candidats pour l’attribution de ces logements. En règle générale, sauf cas particulier des publics prioritaires, ils doivent présenter au moins trois candidatures pour un même logement.

Au troisième niveau est prise la décision d’attribution ou de non-attribution, voire le refus d’attribution. Ces décisions constituent les prérogatives essentielles de la commission d’attribution et d’examen de l’occupation des logements, la Caleol, qui réunit, outre des représentants du bailleur social, le maire, le préfet et le président de l’EPCI.

Dans ces conditions, vous le comprendrez aisément, aucune réforme des attributions ne peut s’envisager sans réfléchir à ses conséquences sur les deux objectifs majeurs de la politique d’attribution que je viens d’évoquer ni à sa mise en œuvre concrète par les différents maillons de la chaîne d’attribution que je viens de présenter.

L’engagement du Président de la République doit donc s’apprécier à l’aune de ces objectifs et de cette organisation.

Donner plus de pouvoir aux maires en matière d’attribution, c’est d’abord leur permettre de faciliter la mixité sociale. Qui, mieux qu’un élu local, un maire, peut connaître finement, immeuble par immeuble, les enjeux de peuplement, de logement et d’habitat, pour éviter d’aggraver les difficultés qui peuvent éventuellement exister ?

Donner plus de pouvoir aux maires en matière d’attribution, c’est également les responsabiliser s’agissant du logement des plus défavorisés, principalement en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans les résidences à enjeu de mixité sociale. Il ne peut y avoir de politique d’attribution juste et solidaire sans mobilisation pour l’accès au logement des plus modestes prioritairement dans des lieux qui ne concentrent pas déjà des ménages en situation précaire.

À cet égard, nous devons le reconnaître, les dispositifs existants en la matière, notamment ceux qui ont été créés en 2017, ne fonctionnent pas.

La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté n’a pas permis d’inverser les tendances observées. Les sanctions ne sont pas une solution et la responsabilité reste trop diluée. La responsabilisation proposée par le Président de la République, dans une logique de gagnant-gagnant, doit justement permettre, en parallèle des objectifs de mixité sociale, aux plus défavorisés d’être aussi logés en dehors des quartiers déjà fragiles.

Enfin, donner plus de pouvoir aux maires en matière d’attribution doit faciliter la production de nouveaux logements sociaux. Dès lors que les élus locaux seront davantage décisionnaires, ils pourront aussi plus facilement accepter, voire encourager, le développement de programmes de logements sociaux afin de répondre aux besoins de leurs territoires.

Le Gouvernement a donc déjà commencé à œuvrer pour concrétiser cet engagement dans le cadre des travaux engagés sur la décentralisation, à l’issue desquels nous souhaitons présenter un projet de loi au printemps 2024.

Ces travaux doivent permettre d’adopter l’approche globale nécessaire à la mise en œuvre de politiques d’attribution répondant aux différents enjeux que je viens d’expliciter. Ils doivent contribuer à simplifier les procédures et les dispositifs existants, jugés par tous trop complexes et, finalement, peu efficaces. Ils doivent surtout conduire à mieux répartir les pouvoirs et les responsabilités. Il s’agit de donner aux collectivités les moyens d’atteindre les objectifs qui leur sont imposés en matière d’attribution de logements sociaux, et ce dans le respect du principe d’égalité des droits des citoyens.

Seule cette logique globale permettra ensuite, conformément au souhait du Président de la République, une clarification concernant les lieux de prise de décision et une juste responsabilisation des acteurs publics.

C’est la raison pour laquelle la proposition de loi qu’il nous est proposé d’examiner aujourd’hui visant à renforcer le rôle des maires dans l’attribution de logements sociaux nous paraît légèrement incomplète, du fait qu’elle ne s’attaque qu’à l’un des éléments de la chaîne d’attribution et qu’elle vise essentiellement à conférer de nouveaux droits aux maires, sans les responsabilités associées. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Ils les ont, les responsabilités !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Pour autant, cette proposition de loi permet d’ouvrir la discussion. Portée par le groupe Les Républicains, elle a fait l’objet d’un travail important de la commission des affaires économiques, dont je salue et félicite la nouvelle présidente, Dominique Estrosi Sassone, qui est aussi la rapporteure du texte.

À l’issue de son examen par la commission, le texte a déjà considérablement évolué. En particulier, je note que la commission privilégie un pouvoir d’opposition du maire à l’attribution d’un logement à un ménage plutôt qu’une hausse des droits de vote au profit de la commune par l’augmentation du nombre de représentants siégeant dans les commissions d’attribution.

La commission a aussi souhaité automatiser la délégation du contingent préfectoral aux maires lors de la première mise en location des nouvelles résidences.

Nous partageons avec les sénateurs la volonté d’avancer sur le sujet des attributions, en lien avec le projet plus global du Gouvernement de décentraliser aux collectivités locales un certain nombre de leviers de la politique du logement et de l’habitat.

Au-delà de la légère réserve que j’ai exprimée concernant la nécessité d’avoir une approche globale permettant de lier ce sujet à d’autres enjeux de la décentralisation, tels que la programmation des logements sociaux, la politique de loyer des bailleurs sociaux ou les attributions de logements sociaux aux ménages prioritaires, nous souhaitons bien sûr travailler le texte présenté.

En premier lieu, permettez-moi de rappeler les droits dont disposent d’ores et déjà les maires dans les commissions d’attribution de logements sociaux.

Ils sont membres de droit de ces commissions et disposent d’une voix prépondérante en cas de partage des voix. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, ils peuvent demander la mise en place d’une commission interbailleurs et interréservataires chargée de désigner les candidats aux logements à attribuer. En outre, en cas d’échec de l’attribution d’un logement social, ils peuvent présenter un candidat. Enfin, parce qu’ils octroient des garanties aux emprunts, voire des subventions, les maires disposent de droits de réservation dans les programmes…

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Mais non !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … représentant, suivant les situations locales, de 20 % à 50 % des logements. Ils ont donc déjà un impact non négligeable sur le peuplement des résidences au travers de leur capacité à proposer des candidats pour une partie des logements.

La proposition de loi que vous portez vise à octroyer plus de pouvoirs aux maires.

Le Gouvernement est favorable à la disposition prévoyant que le maire dispose d’un pouvoir d’opposition à une proposition d’attribution et qu’il peut demander la non-attribution d’un logement social. Cette proposition nous semble préférable aux hypothèses d’accroissement du nombre de représentants de la commune au sein des Caleol, peu crédibles dans la pratique au vu des difficultés rencontrées par les bailleurs pour disposer d’un représentant dans chacune de ces commissions et des problèmes éventuels de quorum.

Néanmoins, le pouvoir d’opposition du maire, s’il n’est pas encadré, peut poser des difficultés. Il peut engendrer de la vacance locative en cas de refus répétés, ce qui aurait un effet défavorable sur la situation financière des bailleurs sociaux. En outre, sur le terrain, il existe un risque de squats dans les logements vacants. Surtout, pareilles situations susciteraient l’incompréhension de nos concitoyens, dans la mesure où la pression n’a jamais été aussi forte sur le parc locatif social. Il importe que les éventuelles oppositions puissent être justifiées, en particulier auprès du réservataire ayant présenté le candidat, qui, bien qu’il participe à la Caleol, n’y dispose pas de droit vote.

Le Gouvernement a donc déposé deux amendements visant à surmonter ces difficultés, de manière à créer un pouvoir d’opposition efficace permettant de travailler avec les réservataires de logements sociaux sur des propositions plus adaptées aux logements proposés.

Nous vous proposons ainsi de limiter l’exercice de ce droit de veto à une attribution par logement en contrepartie de l’organisation d’une concertation préalable à la mise en location des programmes entre le maire, le bailleur social et les réservataires, à même de définir, en amont des Caleol, des orientations en matière de peuplement. Le Gouvernement est en effet favorable au dialogue local dans le cadre des mises en service de nouveaux immeubles de logements sociaux. Ce sont en effet des moments de peuplement très stratégiques, qui peuvent être déterminants pour l’équilibre social de la nouvelle résidence.

Cette concertation, qui existe aujourd’hui de manière facultative et qui est d’ordre réglementaire, vous l’avez dit, sera ainsi de niveau législatif, ce qui lui conférera un caractère obligatoire.

En outre, le Gouvernement propose de motiver et de notifier la décision de non-attribution au réservataire. En cas de désaccord, celui-ci pourra, s’il le souhaite, saisir la commission de coordination prévue par la loi, qui doit permettre de régler le différend à l’amiable.

La proposition de loi prévoit par ailleurs une délégation automatique du contingent préfectoral au maire, hors part dévolue aux fonctionnaires de l’État, lors des mises en service des nouveaux programmes de logements sociaux. Or le Gouvernement ne souhaite pas que ce pouvoir de délégation de l’essentiel du contingent préfectoral au maire soit automatique.

Aussi, tout en reconnaissant l’intérêt que peut représenter cette mesure, le Gouvernement a déposé un amendement visant à faire en sorte que cette délégation reste une faculté à la main du préfet. La concertation préalable entre le maire, le bailleur social et les réservataires que le Gouvernement propose d’introduire permettra au préfet d’apprécier l’opportunité de déléguer tout ou partie de son contingent au maire.

M. André Reichardt. Et la décentralisation ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Comme Mme la rapporteure l’a précisé, cette pratique est déjà en vigueur dans certains territoires ; une telle mention législative pourra en faciliter l’extension à d’autres territoires.

Toutefois, en l’absence d’un transfert de responsabilité au maire en matière d’accès au logement des plus défavorisés, responsabilité qui pèse uniquement sur l’État et les bailleurs sociaux, il n’apparaît pas souhaitable de rendre cette délégation automatique et de maintenir la possibilité, pour le préfet, d’en apprécier l’opportunité en fonction du contexte local.

Bien entendu, dans l’hypothèse d’une refonte plus globale des compétences et des responsabilités liée à une décentralisation des politiques du logement, ce point pourra évoluer.

Enfin, d’un point de vue plus symbolique, le Gouvernement partage la préoccupation que la présidence des Caleol puisse être exercée par les élus locaux du territoire concerné.

Toutefois, les agendas des élus ne leur permettent pas toujours de se rendre dans les commissions, qui, pour certaines, ne concernent que quelques logements, ou bien qui se réunissent, pour nombre de bailleurs, toutes les semaines ou toutes les deux semaines et portent sur des logements répartis sur plusieurs communes.

Aussi, le Gouvernement a déposé un amendement visant à permettre au maire de présider la Caleol pour les dossiers le concernant. Toutefois, il est également attentif au maintien de la présidence intercommunale lorsque la Caleol est intercommunale, comme l’a d’ailleurs prévu la commission. En effet, l’échelon intercommunal sera particulièrement important dans les discussions à venir sur la décentralisation du logement.

En conclusion, le Gouvernement émettra un avis favorable sur la proposition de loi, sous réserve des légères modifications proposées, à savoir la motivation des éventuelles oppositions à une attribution, le caractère facultatif de la délégation du contingent préfectoral et un dialogue local renforcé en amont de la mise en service des opérations de logements sociaux.

Surtout, nous espérons pouvoir poursuivre les travaux sur ce sujet dans le cadre des travaux engagés sur la décentralisation de la politique du logement, pour concrétiser les annonces faites par le Président de la République, en recherchant à la fois le renforcement du pouvoir local, auquel nous croyons, l’attribution de responsabilités claires, que nous voulons, et la simplification des processus, à laquelle nous sommes très attachés. Pouvoir et responsabilités doivent être indissociables sur un sujet constituant un tel enjeu social pour nos concitoyens.

Au-delà de nos échanges d’aujourd’hui, je vous assure de la pleine mobilisation et de la pleine écoute du Gouvernement, en particulier de mon collègue Patrice Vergriete, les politiques de logement social en France constituant un enjeu majeur. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle.

M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la politique du logement se situe au carrefour d’enjeux sociaux, environnementaux, territoriaux et économiques. Il s’agit d’une politique essentielle pour notre pays, a fortiori quand il est question de logement social.

Assurer à tous nos concitoyens un logement décent, adapté à leurs moyens financiers et à leurs besoins, est un enjeu essentiel. Nous en sommes tous convaincus en ces murs.

À ce défi s’en ajoutent d’autres, non moins importants : il faut améliorer les performances énergétiques de notre parc immobilier, rénover l’existant, rendre plus facile l’accès à la propriété ou encore garantir une mixité sociale.

En ce qui concerne ce dernier objectif, l’ampleur et l’état de l’offre du logement social sont des marqueurs importants. Les collectivités doivent disposer d’un parc de logements sociaux salubres et en nombre suffisamment important pour accueillir dans de bonnes conditions les populations à faibles ressources, sans pour autant les concentrer dans un même espace. Il s’agit d’organiser de manière équilibrée l’accueil des différentes populations, en fonction de leurs besoins, dans une perspective de solidarité territoriale.

Notre pays connaît une crise du logement grave. Les élus locaux en témoignent et nous interpellent sur ce sujet dans toutes nos circonscriptions.

Pour relever ce défi d’ampleur, il faut apporter une réponse locale, adaptée à la diversité des territoires, de leurs habitants et de leurs besoins. Ce sont les maires qui bénéficient d’une connaissance fine de la réalité du terrain. Il est essentiel de leur permettre de reprendre la main sur la politique du logement social, sans pour autant les exposer à des difficultés nouvelles.

La montée en puissance récente des intercommunalités sur les thématiques du logement induit mécaniquement une diminution du poids décisionnel des maires en matière d’habitat. Pourtant, ils sont des acteurs centraux en la matière, car ils connaissent parfaitement, je le répète, le pouls et les besoins de leurs communes.

Aujourd’hui, les maires ont peu de poids au sein des Caleol, qui sont pourtant à l’origine de décisions cruciales dans la vie des communes. Le moindre changement en matière d’organisation spatiale de l’habitat, de populations installées ou d’évolution de leurs modes de vie a un impact sur l’ensemble de la commune.

Ce texte permet de revenir à une prise de décision à l’échelon le plus pertinent, à savoir l’échelon communal, en renforçant la place et le pouvoir des élus, comme nos maires l’attendent. Ce sont d’ailleurs vers eux que nos concitoyens se tournent en premier lieu pour comprendre les décisions d’attribution de logements sociaux.

Aujourd’hui, avec cette proposition de loi, le Parlement envoie un signal positif aux élus. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour saluer son auteure, Sophie Primas, ainsi que Mme la rapporteure, Dominique Estrosi Sassone.

La politique du logement social est un enjeu majeur pour nos communes. Ce texte va dans le bon sens, ce dont nous pouvons nous féliciter. Il s’agit d’une première étape, qui devra être suivie dans les prochains mois d’une réflexion d’ampleur sur la crise du logement que nous traversons. Nos concitoyens attendent une réponse à la hauteur des difficultés qu’ils rencontrent pour se loger dans de bonnes conditions. Il est urgent d’agir.

Quant aux maires, ils attendaient un signal fort dans ce domaine. Ce texte devrait constituer un premier motif de satisfaction.

Pour ces différentes raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte, que plusieurs de nos collègues ont d’ailleurs cosigné. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Amel Gacquerre. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, il est compliqué d’aborder le rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux sans évoquer brièvement la situation du logement social dans notre pays, sa place dans nos communes.

Nous assistons aujourd’hui à la déflagration de la bombe sociale annoncée de longue date par les acteurs du logement. Ainsi, alors que la France devrait produire annuellement 198 000 logements sociaux pour répondre à la demande de nos concitoyens les plus modestes, seuls 80 000 logements sociaux environ seront construits en 2023. Ces chiffres dramatiques sont les révélateurs d’une réalité alarmante, reflets de la situation critique qui est la nôtre.

Le groupe de l’Union centriste tient à saluer l’annonce par le ministre chargé du logement de la création d’un fonds dédié à la rénovation des logements sociaux et doté de 1,2 milliard d’euros pour les trois prochaines années, l’objectif étant la rénovation de 120 000 logements par an.

Cependant, nous serons attentifs aux modalités de financement du fonds, ainsi qu’à sa mise en œuvre concrète. Nous aurions aimé que cette annonce s’accompagne de nouvelles encourageantes du Gouvernement en faveur de la construction de nouveaux logements sociaux.

Le logement social est le baromètre de la capacité de notre pays à loger les plus modestes, à protéger les plus fragiles, à offrir un toit à des familles entières aux revenus plafonnés.

Nous avons cessé de faire du logement social une chance pour nos concitoyens comme pour nos collectivités. Nous en avons fait une obligation et une contrainte pour de nombreuses communes, là où l’incitation devrait être la règle.

La collaboration entre État et collectivités devrait être notre boussole, dans l’optique de bâtir une politique du logement pour les Français, qui peinent de plus à envisager l’avenir sereinement.

En effet, les maires jouent un rôle central dans le développement du logement social, au travers de l’attribution des permis de construire ou de la garantie des emprunts. La proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise vise à corriger une injustice, car ce rôle central ne leur est pas reconnu concrètement.

À cet égard, je salue le dépôt de cette proposition de loi par notre collègue Sophie Primas. Avec ce texte, nous nous faisons les porte-parole des élus locaux, qui en ont souvent assez d’être de simples exécutants en matière de logement social.

Contrairement à ce qui pourrait être dit, les élus locaux font bien souvent le choix de construire des logements sociaux dans leurs communes, au détriment de logements intermédiaires ou d’infrastructures, dans l’optique de loger au mieux les plus modestes. Pourtant, ils n’ont pas pleinement la main pour choisir les dossiers des locataires, en dépit des investissements drastiques faits par leur commune.

Aujourd’hui, au sein des commissions d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements, qui comptent une dizaine de membres, le maire ou son représentant est seul aux côtés de l’État ou des représentants des organismes d’HLM. Telle est leur réalité quotidienne.

Cette proposition de loi visant à faire des élus locaux de véritables décideurs en matière de logements sociaux est donc une étape majeure pour revaloriser le rôle des élus et des collectivités dans l’attribution des logements sociaux.

Je salue le travail de notre rapporteure, Dominique Estrosi Sassone, dont le rapport met en lumière les limites de la politique actuelle d’attribution des logements et le sentiment de dépossession des élus de leurs propres logements sociaux. Elle dresse un constat que nous ne voulons plus accepter. Les élus locaux doivent être incontournables.

Le travail réalisé en commission des affaires économiques est donc salutaire. Je salue la proposition de donner aux maires un droit de veto sur les attributions, ainsi que la délégation systématique au maire des droits de réservation de logements de l’État lors de la première attribution d’un programme neuf.

À ceux qui craignent l’usage abusif de ce droit de veto, je réponds qu’ils ne connaissent ni le quotidien ni l’engagement sincère des élus. Je préfère faire confiance aux élus responsables, qui ont à cœur de sauvegarder le bien-vivre ensemble dans leurs communes. (Mme le rapporteur acquiesce.)

Accorder au maire un droit de veto et la présidence des Caleol permettra d’envoyer un signal positif et de faciliter la construction de nouveaux logements sociaux, afin de répondre à une demande de plus en plus importante. On compte aujourd’hui 2,4 millions de demandeurs.

Cependant, une série de questions opérationnelles reste en suspens – nous en avons discuté –, notamment l’organisation des commissions aux présidences tournantes lorsqu’il s’agit de commissions intercommunales d’attribution de logements, ou la suite donnée aux demandes lorsque le maire utilise son droit de veto.

Ces difficultés opérationnelles ayant été évoquées, c’est sans hésitation que mes collègues du groupe Union Centriste et moi voterons ce texte, qui envoie un signal fort en faveur du logement social et de la nécessaire revalorisation de la place des élus locaux dans ce domaine.

Certes, ce texte ne résoudra pas la grave crise de l’offre de logements que nous traversons. Toutefois, c’est un pas significatif vers ce en quoi nous croyons ici, à savoir la nécessité de redonner aux élus le pouvoir d’agir.

Ce premier pas devra être suivi de la fameuse grande loi de décentralisation de la politique du logement que le Gouvernement s’est engagé à déposer, madame la ministre, et que nous attendons fermement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.)

M. Yannick Jadot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’Abbé Pierre disait : « Gouverner, c’est d’abord loger son peuple. » Nous commémorerons bientôt les 70 ans de l’hiver 1954 et la question du logement social reste prégnante. L’accès au logement reste souvent la première préoccupation des Françaises et des Français, ainsi que leur premier poste de dépense. Malheureusement, la situation reste dramatique.

Nous connaissons les chiffres : plus de 4 millions de personnes sont mal logées ; 2,4 millions de familles attendent un logement social ; 12 % de nos concitoyens vivent en situation de précarité énergétique. Ainsi, une part de plus en plus importante de nos concitoyens et de nos concitoyennes souffre du mal-logement, rencontre des difficultés pour accéder à la propriété, comme en témoigne le débat que nous venons d’avoir, et galère pour accéder à un logement social.

Pourtant, malgré cet enjeu majeur, malgré ce défi, malgré cette préoccupation que nous entendons tous chaque fois que nous discutons avec nos concitoyens, la politique du logement est catastrophique depuis un certain nombre d’années, cela a été dit. Je pense à la chute du nombre de constructions de logements neufs et de logements sociaux.

Au fond, pour ce qui concerne le logement social, nous sommes face à une logique de prédation fiscale, plus de 10 milliards d’euros ayant été ponctionnés à Action Logement et à l’ensemble des acteurs, alors que ces organismes devraient participer à l’accroissement du logement social.

Signe dramatique, au moment où il faudrait embaucher dans le secteur du bâtiment, près de 100 000 emplois sont menacés. Ce n’est certainement pas avec des lois « anti-squat » visant les personnes ayant des difficultés à payer leur loyer qu’on réglera les problèmes !

Je l’ai bien compris, madame la rapporteure, tout cela, c’est la faute de l’écologie !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. C’est un peu réducteur !

M. Yannick Jadot. Va-t-on, dans les mois à venir, chaque fois qu’on abordera un sujet un peu difficile, dénoncer une écologie punitive ? L’argument est un peu court ! Il y a soixante-dix ans, on ne parlait pas encore d’écologie, pourtant, l’abbé Pierre dénonçait déjà les problèmes de logement.

Comment convient-il de traiter cette crise ? Bien évidemment, il faut mobiliser l’ensemble des acteurs du secteur. En la matière, pardonnez-moi, madame la ministre, la situation est catastrophique !

Vous avez intelligemment fait travailler l’ensemble des acteurs, de la Fondation Abbé Pierre à la Fédération française du bâtiment, dans le cadre du Conseil national de la refondation Logement. Ils ont œuvré, pendant des mois, pour construire des réponses, essayer de trouver des solutions opérationnelles, pour les collectivités comme pour l’État.

Pourtant, pas un de ces acteurs n’est ressorti de ces réunions sans se sentir humilié par cet exercice. Vous avez en effet méprisé leurs conclusions. (Mme la ministre fait un signe de dénégation.) Il convient désormais de les remobiliser, mais sur quelle politique, quelles compétences, avec quel budget, quels moyens, quel discours ?

Nous connaissons les moyens, qui sont aussi ceux de la rénovation énergétique, alors que notre pays compte 6 millions de passoires thermiques. On s’est aperçu que ces logements, qui sont un problème l’hiver, en sont un aussi et de manière dramatique l’été : dans 70 % des logements situés dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville, on souffre d’étouffement. Il faut avancer sur ce sujet.

Il va aussi falloir respecter les règles. Il a beaucoup été question de la loi SRU, mais qu’attendez-vous, madame la ministre, pour exiger des préfets qu’ils imposent sa mise en œuvre dans les départements ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Madame la rapporteure, dans les Alpes-Maritimes, la quasi-totalité des communes ne sont pas dans les clous de la loi SRU. Il faudra l’appliquer si nous voulons du logement social dans notre pays !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je n’ai pas de leçon à recevoir de M. Jadot ! Ça suffit !

M. Yannick Jadot. J’en reviens pour finir à la présente proposition de loi : oui, nous soutenons que la collégialité est le moyen de résister au clientélisme ; oui, nous soutenons que l’objectivité des critères est le moyen de répondre à la discrimination. Nous nous opposerons donc à ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Stéphane Piednoir et Bruno Belin frappent sur leur pupitre.)

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’objectif annoncé de cette proposition de loi est de renforcer les pouvoirs du maire en matière d’attribution de logements sociaux. Cette thématique est en effet au cœur des préoccupations des édiles, car 80 % des audiences sollicitées en mairie portent sur la question du logement.

Cela dit, nous pensons que cette proposition de loi ne répond pas au principal problème qui se pose en ce domaine, c’est-à-dire à la pénurie de logements – seule, en tout cas, elle n’y répond pas. Pourtant, la tendance à la pénurie s’amplifie en France, touchant en premier lieu les ménages les plus précaires : on dénombre actuellement 2,4 millions de demandeurs en attente d’un logement social.

Quelque 20 % des demandes de logements sociaux sont satisfaites en France chaque année, et 10 % seulement en Île-de-France, en zone tendue ! On constate en outre que la file d’attente s’allonge chaque année ; le délai moyen nécessaire pour obtenir un logement est actuellement de trois ans minimum en Île-de-France.

Compte tenu en effet de la paupérisation de la société française, les personnes occupant un logement social le quittent moins qu’auparavant. Dans le même sens, l’accession à la propriété s’est complexifiée pour nombre de personnes et le parcours résidentiel est devenu un parcours du combattant : petits salaires et taux d’intérêt élevés conjuguant leurs effets, une majeure partie de la population est tout simplement privée d’accession à la propriété.

Surtout, on ne construit plus assez de logements sociaux, alors même que le nombre de demandeurs augmente chaque année : si l’on comptait, pour l’année 2017, environ 105 000 logements mis en chantier, on n’en recense que 85 000 pour l’année 2022, quand le besoin est estimé à 200 000, soit au moins deux fois plus.

Cette situation tient notamment au fait que les moyens alloués sont insuffisants, à commencer par ceux des bailleurs, affaiblis par la réduction de loyer de solidarité, qui n’est pas compensée par l’État.

Tel est, madame la ministre, le résultat de votre politique : en six ans, 10 milliards d’euros ont été ponctionnés aux bailleurs, ce qui signifie moins de rénovations et moins de constructions.

C’est pourquoi nous considérons que ce texte frappe à côté du principal problème : si les maires sont mis en difficulté pour répondre aux besoins de logement social, c’est non parce que les pouvoirs dont ils disposent dans le cadre des commissions d’attribution seraient insuffisants, mais parce qu’ils doivent composer avec cette pénurie.

En ce sens, l’adoption de la présente proposition de loi n’aura aucun effet sur les difficultés de fond et créera l’illusion d’un renforcement du pouvoir du maire, quand celui-ci reste en réalité tributaire d’un nombre insuffisant de places à allouer dans le parc social.

Il y a dix ans, on attribuait 500 000 logements sociaux par an en France ; ce nombre est tombé à 400 000. Les maires veulent non pas gérer la pénurie, mais répondre aux besoins de leur population !

Plus encore, nous nous opposons au droit de veto qui a été introduit en commission. Une telle mesure aurait pour effet non seulement de casser les parcours d’accès au logement de certains ménages, mais également de rendre les maires responsables de l’échec de la politique du logement menée depuis de nombreuses années par le Gouvernement, madame la ministre. Tout le monde devrait pouvoir accéder à un habitat digne, qu’il soit public ou privé !

Si nous sommes favorables à l’idée de confier davantage de pouvoirs aux maires, nous considérons que cela doit se faire en conservant une collégialité permettant notamment de se prémunir contre certaines dérives, qui sont certes marginales parmi nos élus.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Heureusement !

Mme Sophie Primas. Merci de le rappeler !

M. Fabien Gay. Nous proposons donc tout d’abord de généraliser l’obligation d’anonymiser les demandes de logements sociaux.

La commission des affaires économiques a par ailleurs décidé de confier aux maires l’intégralité des attributions des logements sociaux neufs. En agissant ainsi, mes chers collègues, vous excluez de fait toutes les personnes reconnues comme prioritaires en application du droit au logement opposable, les personnes en situation de handicap, les familles entassées dans un logement, les femmes victimes de violences ou encore les enfants souhaitant la décohabitation.

Mme Sophie Primas. C’est faux ! C’est l’inverse.

M. Fabien Gay. Voilà qui n’est pas acceptable !

Cette proposition de loi constitue donc un cadeau empoisonné fait aux maires : il s’agit d’un transfert de compétence qui ne s’accompagne d’aucun transfert de ressources budgétaires et qui n’apporte aucune solution au fond du problème.

Sous couvert d’honorer les maires et de leur marquer sa confiance, l’État est ainsi en passe de se défaire de la politique du logement, ces annonces intervenant, rappelons-le, dans un contexte médiatique très chargé autour du logement social, à la suite des révoltes liées à la mort du jeune Nahel.

Nous proposons donc ensuite, madame la ministre, qu’au lieu de vous en tenir à ce texte vous agissiez en réunissant d’urgence le comité interministériel des villes, et ce afin de répondre à l’urgence sociale dans toutes ses dimensions.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE-Kanaky s’opposera à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet après-midi, le ton est donné au Sénat sur deux priorités, maires et logement, qui ont coutume d’animer notre hémicycle.

C’est un signe fort qui est envoyé aux élus de nos collectivités locales, lesquels vivent un malaise sans précédent.

Après un débat sur l’accession à la propriété et avant l’examen de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, nous examinons la proposition de loi de notre collègue Sophie Primas.

Ce texte résume les contours du mandat du maire : son utilité, sa responsabilité et son éthique. Il marque le « top départ » d’une réflexion qui doit être globale sur le logement : il est en effet nécessaire et urgent, cela a été dit à plusieurs reprises, d’élaborer un texte général portant sur tous les enjeux.

Dans un contexte qui est celui de crises à répétition, nous ne pouvons plus gérer les problèmes en découpant les politiques publiques en silos, car celles-ci sont interconnectées.

Derrière ce texte, en filigrane de nos débats, le sujet est celui de la nécessité d’une mixité sociale. C’est là tout l’enjeu de notre politique du logement, laquelle recouvre des enjeux plus larges relatifs à la politique urbaine et à la politique sociale.

Le Président de la République avait annoncé aux 220 maires qu’il recevait le 4 juillet dernier à l’Élysée sa volonté de « remettre dans leurs mains l’attribution des logements sociaux ». Le chantier était censé avancer d’ici à la fin de l’été, l’objectif étant d’éviter une France de sociétés vivant « dos à dos ». Or point de texte gouvernemental à l’horizon !

Cette proposition de loi déposée en avril est non une réponse aux émeutes, mais une proposition de renforcement du rôle du maire dans l’attribution de logements sociaux.

Le contexte, il est vrai, semble déséquilibré : si le maire dispose d’un rôle central, tant politique que juridique, en matière de développement des logements sociaux sur son territoire, cette importance n’a pas de traduction au sein de la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements.

Le maire est en effet le garant du respect de la loi SRU : il a la responsabilité d’accorder les permis de construire et exerce le droit de préemption qui favorise l’émergence de projets garantissant l’accès à un logement abordable pour tous ainsi que la mixité sociale. Mais il est isolé et ne dispose que de peu de poids au sein de la Caleol.

Cette proposition de loi a donc pour objet de redonner du poids au maire dans la décision. Notons qu’il détient déjà, parmi les six membres de la commission, une voix prépondérante en cas d’égalité des voix.

Les auteurs du texte proposaient initialement deux évolutions : que le maire devienne président de la Caleol et que cinq membres de son conseil municipal le rejoignent afin d’équilibrer sa composition globale.

Un amendement adopté en commission est venu compléter le dispositif en octroyant au maire un droit de veto ; et c’est là, pour ce qui me concerne, que le bât blesse. En effet, ce droit de veto renforce non pas son pouvoir d’attribution, mais son droit de refus, et le rend seul décisionnaire au sein de la commission.

Dans un monde parfait, le mot « clientélisme » n’existerait pas ! Mais, vous le savez, mes chers collègues, ce monde parfait n’existe pas ; et depuis des années certains maires se servent du levier locatif comme d’un instrument – précisément – de clientélisme et de préservation de l’entre-soi.

N’oublions pas que l’héritage des inégalités sociales entre communes s’est transmis sous la responsabilité de ceux qui préfèrent, par exemple, payer des pénalités plutôt que de construire des logements sociaux…

Les chiffres sont éclairants : 1 100 communes, sur les 2 091 de plus de 3 500 habitants situées en territoires SRU, ne respectent pas leurs obligations en matière de logement social.

Si elles sont certes en majorité engagées, sous l’effet de l’application de la loi SRU, dans un rattrapage de leur retard, 631 d’entre elles sont soumises à prélèvement pour un montant total de 85,4 millions d’euros, qui sert à financer le logement locatif social.

En conséquence, si ce texte a le mérite d’ouvrir le débat plus large sur le logement, mon groupe reste assez mitigé.

Au-delà du risque créé par le droit de veto, on imagine mal une équipe municipale de six personnes se présenter en Caleol… Compte tenu des agendas chronophages des uns et des autres, l’organisation à mettre en place semble complexe et le quorum sera parfois difficilement atteint.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Vous avez raison !

M. Henri Cabanel. C’est pourquoi nous proposons une limitation du nombre de sièges dévolus aux membres du conseil municipal, qui pourrait être de trois.

Ma conviction est que pour garantir le maintien d’une impartialité et d’une éthique dans le choix des locataires il ne faut surtout pas de droit de veto.

Il faut néanmoins que les arguments du maire et de son équipe soient entendus et respectés pour que demain ceux-ci soient motivés par la perspective de construire des logements sociaux. C’est donc un contrat gagnant-gagnant qu’il faut inventer.

Le logement constituera l’une des crises majeures que nous allons traverser au cours des prochains mois. Du fait de l’inflation, de la hausse des prix de l’énergie, de la précarité grandissante, mais aussi de l’augmentation des prix de l’immobilier, qui ont été multipliés par trois depuis l’an 2000, le logement est le poste de dépenses le plus tendu pour les foyers.

La prochaine étape sera un texte d’ampleur sur le logement ; nous espérons tous qu’elle adviendra urgemment et sans tabou. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi vise à renforcer le rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux. Ce texte est le premier que le Sénat examine en séance au cours de cette nouvelle session ordinaire, ce qui démontre l’importance fondamentale du logement, et plus particulièrement du logement social.

Je salue le travail de notre collègue Sophie Primas et de notre rapporteure et nouvelle présidente de la commission des affaires économiques, Dominique Estrosi Sassone, dont nous connaissons tous l’expertise et l’engagement sur ce sujet.

Cependant, le travail effectué en commission sur cette proposition de loi a radicalement transformé le dispositif initialement prévu.

En adoptant l’amendement de réécriture de l’article unique de la rapporteure, la commission a substitué le droit de veto du maire à la volonté de mieux représenter la commune. Autrement dit, nous sommes passés d’une logique de renforcement de la représentation de la commune au sein des commissions d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements à une logique de veto du maire en matière d’attribution des logements.

Par ailleurs, et sous l’effet de l’adoption du même amendement, la présidence de cette commission d’attribution a été confiée au maire de la commune ou à son représentant, sauf lorsque l’établissement public de coopération intercommunale est à l’origine de sa constitution, auquel cas c’est son président ou son représentant qui exercera la présidence.

L’adoption de cet amendement a en outre supprimé la voix prépondérante du maire en cas d’égalité des voix et systématisé la délégation au maire des droits de réservation de l’État lors de la première location d’un programme neuf.

Bien entendu, notre groupe adhère à l’esprit initial du texte et à l’objectif d’un renforcement effectif du rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux.

Confier au maire la présidence de la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements est selon nous une bonne chose, tout comme l’était le renforcement du contingent communal et comme l’est la délégation des droits de réservation de l’État au maire.

Nous comprenons quelle difficulté relative aux quorums a motivé la solution finalement retenue par la commission. Néanmoins, la logique du veto nous pose un problème. En effet, donner au maire le pouvoir de refuser des locataires équivaut à nos yeux à un renforcement du pouvoir d’exclusion, et non d’attribution, du logement social. Pour parler simplement, il y a là un renforcement du pouvoir de non-attribution des maires.

Par conséquent, si, je le rappelle, nous adhérons à la visée initiale de cette proposition de loi, il nous semble que la solution retenue a conduit à s’en éloigner un peu.

Le groupe RDPI privilégie la voie d’un renforcement du contingent communal via l’intégration au sein de la commission de deux représentants supplémentaires de la commune, dont un issu de l’opposition.

Leurs voix, comme celle du maire, compteraient double, ce qui porterait à six voix le poids du bloc communal, soit autant que celui des organismes d’habitations à loyer modéré. Nous souhaitons de surcroît conserver au maire une voix prépondérante en cas d’égalité, puisque dans cette nouvelle structure ce cas de figure se présenterait plus souvent.

Nous partageons également l’idée qu’il est nécessaire de confier au maire la présidence de la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements.

Si nous comprenons les difficultés de quorum, nous considérons que notre position est équilibrée et permet de les contourner.

Notre groupe propose par ailleurs d’intégrer au sein de la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements un représentant du conseil départemental, avec voix consultative. Mes chers collègues, vous le savez tous, dans le monde du logement social le département est tout sauf un inconnu !

Si les situations varient d’un département à un autre, je peux citer l’exemple du Fonds unique logement et habitat, dans la Drôme, qui permet aux publics fragilisés d’obtenir une aide financière pour couvrir leurs frais d’accès au logement, comme la garantie des loyers impayés pour ceux qui entrent dans le logement social.

Dans la construction aussi les départements jouent un rôle important.

M. Bernard Buis. Je pense notamment à la délégation des aides à la pierre pour ce qui est du parc locatif social et du parc privé.

Ces aides permettent de financer la construction, l’acquisition ou la réhabilitation de logements locatifs sociaux, ou encore l’amélioration de l’habitat privé, qu’il soit question des bailleurs, des propriétaires ou des occupants.

Enfin, reconnaissons que le département, acteur essentiel de la solidarité, dispose d’une connaissance solide et complémentaire de celle des maires sur les populations fragilisées et sur les problématiques spécifiques qui sont les leurs. Il nous apparaît donc opportun de lui permettre de partager son expertise sur ce sujet au sein des commissions d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements.

Plus largement, mes chers collègues, le ministre chargé du logement a annoncé travailler sur une loi de décentralisation de la politique du logement.

Nous considérons qu’une décentralisation de la politique du logement ne peut se faire sans vérifier au préalable que les compétences qui seraient transférées aux élus locaux sont bien des compétences qu’ils ont la capacité d’exercer, du point de vue tant de leurs moyens financiers, évidemment, que de leurs ressources d’ingénierie.

Pour ce qui est de ce dernier point, force est de constater que, si l’Agence nationale de la cohésion des territoires n’est pas encore assez connue ni assez sollicitée par les maires, les résultats sont bien souvent satisfaisants lorsqu’elle l’est.

Bien sûr, tout n’est pas parfait et chacun d’entre nous reçoit des témoignages faisant état de difficultés, mais la dynamique en cours me semble positive. À mesure qu’elle sera mieux connue et mieux reconnue, l’Agence pourra mieux adapter ses méthodes de travail aux réalités concrètes de ce qu’en attendent les élus. Les choses, en la matière, vont dans les deux sens.

Nous serons donc particulièrement attentifs sur un point : pour chaque compétence déléguée, un travail préalable devra être réalisé afin de vérifier que cette compétence est bien applicable et mobilisable par les élus locaux. Face à la crise du logement et au renchérissement du prix de l’argent, nous ne pouvons pas nous permettre plusieurs années d’adaptation.

Mes chers collègues, sur un sujet comme celui-ci, nous sommes, pour beaucoup d’entre nous, d’accord sur l’essentiel, mais non sur le chemin choisi.

Notre groupe reste ouvert au compromis dans l’intérêt des Français et se prononcera sur le texte en fonction des débats et de l’examen des amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte, même s’il a été enregistré au Sénat en avril dernier, s’inscrit en définitive dans la lignée du discours du Président de la République qui, après les émeutes, avait annoncé plus de décentralisation et plus de simplification, s’engageant à redonner du pouvoir aux élus locaux dans les attributions de logements sociaux.

Emmanuel Macron avait promis des réponses : nous les attendons toujours, comme nous attendons toujours le pacte de confiance entre l’État et l’Union sociale pour l’habitat.

Son article unique ayant été réécrit en commission, cette proposition de loi introduit finalement un droit de veto motivé du maire dans les commissions d’attribution des logements, conserve le principe d’une présidence de ces mêmes commissions par le maire et permet que cette fonction puisse être déléguée au président d’un EPCI.

Le texte de la commission prévoit également que les conventions de réservation prévoient systématiquement la délégation des droits de réservation de l’État au maire lors de la première location d’un programme neuf.

Tout d’abord, le droit de veto accordé aux maires introduit un risque de pouvoir arbitraire, qui pourrait faire reculer les politiques de développement de la mixité sociale mises en œuvre ces dix dernières années.

M. Jean-Marc Boyer. Ce n’est pas vrai !

Mme Viviane Artigalas. Il risque ensuite de menacer l’indépendance des organismes d’HLM, qui collaborent, certes, avec les élus et l’État, mais doivent répondre en toute impartialité aux problématiques suivantes : mettre en œuvre la politique du « Logement d’abord » et du logement des personnes prioritaires ; procéder aux relogements rendus nécessaires par les programmes de rénovation urbaine ; assurer l’atteinte des objectifs de mixité sociale.

Par ailleurs, il existe déjà des outils ; ils sont certes perfectibles, mais ils gagneraient à être développés et améliorés. En effet, ils permettent aux maires de mieux orienter les attributions de logements sociaux sur leur territoire. Les collectivités peuvent ainsi mettre en place des plans partenariaux de gestion de la demande et d’information des demandeurs ; définir des priorités formalisées dans la cotation de la demande ; éclairer les commissions d’attribution sur l’équilibre des résidences ; définir un cadre commun d’orientation des attributions au travers des conventions intercommunales d’attribution.

Alors que les règles actuelles protègent les élus locaux des recours contre une décision de refus d’attribution – les plaintes sont intentées contre les organismes d’HLM, jamais contre la collectivité locale membre de la commission d’attribution –, le rôle central qu’il est prévu d’accorder aux maires dans cette proposition de loi risque au contraire de les exposer à ce type de poursuites.

Pour rendre aux maires leur pouvoir d’agir, il nous semble qu’il faudrait surtout chercher à développer la concertation et la coopération entre l’État et les élus. Telle était d’ailleurs l’une des propositions formulées le 6 juillet dernier par le groupe de travail du Sénat sur la décentralisation, piloté par le président Larcher : permettre aux EPCI à fiscalité propre de conclure des pactes territoriaux avec l’État ou des conventions territoriales de coopération avec l’État et des bailleurs sociaux, qui seraient annexées au programme local de l’habitat.

Dernière critique, mais non des moindres, puisqu’elle concerne le calendrier et le cadre législatifs : cette proposition de loi risque fort d’être incompatible avec la généralisation de la gestion en flux des droits de réservation des logements sociaux, qui aboutira à ce que la désignation des candidats à l’attribution soit décidée soit par le réservataire soit par le bailleur. Y ajouter un troisième intervenant, en la personne du maire, paraît être une complexification contraire à l’objectif de simplification ambitionné par les auteurs de ce texte.

Face au problème du logement, la réponse n’est pas tant à trouver dans les conditions d’attribution que dans la nécessaire hausse de la production de logements. Or, madame la ministre, c’était sur ce point que les bailleurs sociaux en particulier vous attendaient ; las, en dépit des annonces positives que vous avez formulées jeudi dernier lors du congrès de l’USH, cette demande demeure lettre morte cette année, et aucune perspective de long terme n’a été engagée.

La énième annulation du comité interministériel des villes, qui devait se tenir le 9 octobre, et la tenue à la dernière minute, jeudi dernier, d’un Conseil national de la refondation, qui n’a débouché sur aucune annonce du Gouvernement, ont accru l’exaspération des élus des quartiers populaires.

Même si nous partageons les constats qui fondent ce texte et reconnaissons que la question du peuplement est centrale, cette proposition de loi ne résoudra pas les véritables problèmes, à savoir le manque d’accompagnement social du plan Logement d’abord, la baisse de la construction et l’insuffisance de l’offre de logements sociaux. La belle affaire que d’obtenir un pouvoir d’attribution accru si les logements ne sont pas là !…

Ce que nous réclamons inlassablement, sur ces travées, c’est un véritable travail global engagé sur la question du logement. L’urgence, c’est également de rendre leurs ressources aux organismes d’HLM pour relancer la production de logements sociaux.

Le groupe socialiste ne votera pas cette proposition de loi. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Garnier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sous des apparences assez techniques, cette proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux est un véritable levier pour répondre au sentiment d’impuissance des maires ; pour redonner de la clarté au processus d’attribution de logements, qui est mal compris par nos concitoyens ; pour mieux prendre en compte les besoins des habitants de ces logements.

Les maires sont les premiers acteurs de la construction de logements sociaux au sein de leurs communes. Ce sont eux qui accordent les permis de construire et beaucoup de communes françaises sont concernées par la loi SRU, qui leur impose des quotas de logements sociaux.

Malgré ces missions essentielles, leur rôle dans l’attribution des logements est aujourd’hui restreint ; et nous constatons tous les jours les conséquences de cette difficulté.

Tout d’abord, pour ce qui est de l’efficacité, les maires sont ceux qui connaissent le mieux leur commune : ils sont donc les plus qualifiés pour garantir l’équilibre des attributions en faveur des nouveaux habitants qui intégreront les logements sociaux. Leur unique objectif est de permettre à chacun une arrivée réussie au sein de leur commune.

En Loire-Atlantique, le maire de Mesquer, commune littorale de 2 000 habitants, me parlait l’autre jour d’un habitant imposé par le bailleur social au sein de la commission d’attribution des logements. Le maire, quant à lui, avait défendu le dossier d’un homme qui dormait depuis plusieurs semaines dans sa voiture sur le territoire de sa commune ; ce dossier a été rejeté et l’homme est décédé quinze jours plus tard.

Mme Sophie Primas. Et voilà !

Mme Laurence Garnier. On mesure ici combien les maires doivent être remis au cœur de ce processus et à quel point leur légitimité et leur crédibilité auprès de leurs administrés sont en jeu.

Nos concitoyens ne connaissent pas le fonctionnement de ces commissions d’attribution des logements. Ils pensent – c’est bien normal – que c’est le maire qui décide et ils lui en veulent lorsqu’un habitant qu’ils connaissent et qui est en difficulté n’obtient pas de logement social. Ces situations engendrent incompréhension et colère. Une élue du vignoble nantais me parlait récemment des reproches que lui avait adressés sa population à la suite du rejet d’un dossier en commission. En d’autres circonstances, il arrive que les reproches se muent en agressions verbales, voire en agressions physiques – nous ne le savons que trop bien.

Bien sûr, rien ne doit jamais excuser de telles attitudes. En tout état de cause, redonner sa place au maire revient aussi à crédibiliser son action auprès de nos concitoyens.

En confiant au maire la présidence de ces commissions d’attribution, en renforçant la place et le nombre des élus locaux qui y siègent et en accordant au maire un droit de veto, cette proposition de loi répond à ces enjeux.

Je tiens à préciser qu’il s’agit non pas, au travers de ce droit de veto, dont l’exercice devra être argumenté et justifié, de trier les bons ou les mauvais habitants, mais de mettre à profit la connaissance que les maires ont de leur commune pour savoir quels profils d’habitants pourront être accompagnés et quels habitants pourront trouver chez eux un équilibre de vie, en fonction de la typologie de leur commune.

Les évolutions techniques auxquelles il est procédé dans ce texte vont donc permettre en réalité d’améliorer le fonctionnement de notre démocratie, d’augmenter la capacité d’action des communes, de mieux intégrer les habitants des logements sociaux à la vie des communes.

Pour conclure, je salue l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue Sophie Primas, qui a traduit dans ce texte beaucoup d’attentes et d’intentions exprimées et partagées par les élus, en particulier à la suite des émeutes que notre pays a connues au mois de juillet dernier.

Je remercie également la rapporteure du texte, la présidente Dominique Estrosi Sassone, pour le travail qu’elle a réalisé afin d’affiner encore ce texte, que le groupe Les Républicains votera avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, près de 11 millions de personnes vivent dans des habitations à loyer modéré, dans les quelque 5 millions de logements de ce type que compte le territoire français. D’après l’Union sociale pour l’habitat, près d’un Français sur deux a vécu ou vit en HLM.

Pourtant, ces logements souffrent souvent d’une image négative, entachée par des problématiques de violence, d’insécurité, de tapage ou d’insalubrité. Si les offices publics d’HLM remplissent souvent leur mission de gestion, ils doivent faire face, de façon de plus en plus forte, à des locataires posant problème. Violences, trafics en tout genre, cambriolages, destructions des biens publics, incendies de véhicules et de poubelles, menaces, intimidations, nuisances nocturnes : tous ces faits détériorent le quotidien des habitants qui n’aspirent qu’à vivre tranquillement.

Localement, le maire est très souvent l’élu le plus accessible, l’autorité la plus proche. Il est directement responsable envers les habitants de sa commune, mais il est aussi le garant de la tranquillité publique au travers de son pouvoir de police.

Les élus de la commune sont les plus informés de la situation locale et les mieux à même de juger opportune, ou non, l’installation de nouveaux habitants dans des logements à loyer modéré.

Les critères d’éligibilité pour bénéficier d’un logement social sont nombreux et c’est à la commission d’attribution des logements que revient la tâche de proposer un logement adapté aux demandeurs, lesquels sont d’ailleurs toujours plus nombreux : près de 2,5 millions de dossiers sont en attente, soit une progression de plus de 7 %.

Actuellement, la commune, en la personne de son maire, est sous-représentée dans la commission d’attribution des logements. De ce fait, le maire peut se voir attribuer des habitants qui ont posé ou pourraient poser des problèmes de tranquillité publique ou de salubrité publique.

Rendre un peu de pouvoir aux élus locaux est tout l’enjeu de ce texte. C’est plus largement tout l’enjeu des textes que nous aurons à étudier et à proposer dans les années à venir.

Ce texte n’est pas une finalité en soi – cela a été dit –, mais il pose les bases d’un contrat républicain plus respectueux des élus municipaux.

Les défis de demain en matière de logements sociaux sont grands, comme intégrer les places de prison dans la prise en compte des minima définis par la loi SRU, afin d’en finir avec la double peine des communes, ou encore permettre l’expulsion de leur logement social des délinquants condamnés dans des conditions plus larges que celles qui sont prévues aujourd’hui.

Dans toutes ces réformes, vous trouverez en première ligne les sénateurs du Rassemblement national et, je l’espère, ceux d’autres formations politiques. (MM. Aymeric Durox, Christopher Szczurek et Stéphane Ravier applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Denis Bouad. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Denis Bouad. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 2,42 millions de ménages étaient en attente d’un logement social à la fin de l’année dernière. Madame la ministre, à l’opposé de cette réalité, vous avez indiqué que le nombre d’agréments de logements sociaux se situerait autour de 85 000 en 2023.

Comme vous l’avez vous-même reconnu, ce nombre est nettement insuffisant. Déjà, lors des deux exercices précédents, nous avons produit moins de 100 000 logements par an, alors que l’objectif fixé était d’en créer 250 000 en deux ans. Comme quoi, il n’existe pas non plus de pensée magique en cette matière : il ne suffit pas de fixer un objectif pour que celui-ci soit atteint !

Lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, j’interpellais votre prédécesseur pour qu’un véritable plan Marshall du logement soit mis en place. Aujourd’hui, malgré nos alertes répétées, aucune mesure d’ampleur n’a été prise et la situation est de plus en plus alarmante. C’est donc avec une grande inquiétude et de manière de plus en plus urgente que nous réitérons notre appel auprès de vous.

Aussi, mes chers collègues, j’ai bien peur qu’à travers cette proposition de loi nous ne prenions le problème à l’envers.

Nous faisons face aujourd’hui à une grave pénurie de logements sociaux. Cette pénurie et la tension qu’elle engendre sur le parc social contribuent à la perte d’influence des maires dans l’attribution des logements.

Le cœur du problème, ce sont donc non pas les modalités d’attribution des logements sociaux, mais bel et bien la production de ces logements.

Le cœur du problème, c’est la capacité d’investissement des bailleurs sociaux.

Le cœur du problème, c’est la RLS.

Le cœur du problème, ce sont les 15 milliards d’euros économisés sur les politiques du logement au cours des cinq dernières années.

Cela étant dit, nous ne sommes pas opposés à une meilleure prise en compte de l’avis des maires dans l’attribution des logements sociaux et de leur fine connaissance du territoire et de leur population. Cela serait d’autant plus utile que la suppression de la taxe d’habitation et l’accroissement des contraintes urbanistiques participent déjà à décourager certains maires de s’engager dans la construction de logements sociaux.

Pour autant, les principales dispositions de cette proposition de loi ne nous semblent ni réalistes quant à leur mise en œuvre sur le terrain ni souhaitables sur le fond.

Tout d’abord, confier la présidence des Caleol aux maires posera nécessairement des problèmes d’organisation. Nous savons que le patrimoine des bailleurs sociaux ne s’arrête pas à la frontière d’une seule commune. Concrètement, comment s’organiseraient les Caleol sur le terrain, en changeant de présidence pour chaque dossier ? Encore une fois, nous devons veiller à ce que notre volonté de légiférer ne complexifie pas l’organisation au quotidien sur nos territoires, comme c’est déjà parfois le cas – malheureusement !

Ensuite, notre politique de logement social doit être le fruit d’un équilibre entre écoute des élus locaux et respect des objectifs de l’État, notamment en matière de mixité sociale et de logement des personnes prioritaires.

Les maires sont déjà écoutés et soutenus. Mieux écouter les élus locaux dans la décision d’attribution des logements ne doit pas nous conduire à faire pencher totalement le balancier dans le sens inverse. Or offrir purement et simplement un droit de veto aux maires viendrait totalement rompre cet équilibre.

Une telle disposition menacerait la cohérence globale de notre action en matière de logement social. Cela poserait également la question de l’exposition juridique des maires dans le cadre des recours pour non-attribution.

La proposition de généraliser la délégation des droits de réservation de l’État à la commune lors de la première mise en location d’un programme neuf semble, quant à elle, plus équilibrée. Elle permet de renforcer l’écoute des maires sans rompre le nécessaire équilibre du système. Comme l’a dit notre rapporteure, cette pratique est déjà très répandue et les choses fonctionnent très bien, sans que le législateur ait besoin d’intervenir.

Il y a quelques jours seulement, le président du Sénat nous a demandé de « moins légiférer pour mieux légiférer ». Or cette proposition de loi ne servira pas à régler les difficultés des mal-logés et elle est malheureusement inapplicable sur le terrain.

C’est pourquoi nous nous opposons à cette proposition de loi telle qu’elle nous est présentée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, étant donné la crise immobilière brutale qui déstabilise le secteur de la construction et de la location, le logement est clairement l’un des thèmes politiques les plus scrutés du moment.

Ce n’est donc pas un hasard si le premier texte dont nous sommes appelés à débattre est celui de notre collègue Sophie Primas visant à renforcer le rôle des maires dans l’attribution des logements dits sociaux.

Il s’agit tout simplement de donner enfin aux maires un poids cohérent avec les responsabilités politiques et juridiques qui sont les leurs pour assurer le logement de leur population.

Ici, au Sénat, nous sommes convaincus depuis longtemps de cette absolue nécessité. En juillet dernier, le président Gérard Larcher, déplorant la « marginalisation des maires » dans l’attribution des logements, a lui-même rappelé que le logement devait être la première des politiques à « rendre » aux maires.

Il semble que, depuis, le Président de la République l’ait entendu, puisqu’il a indiqué dernièrement son intention de travailler sur la question de l’attribution des logements sociaux afin de laisser une plus grande marge de manœuvre aux maires et de leur donner une meilleure maîtrise du peuplement de leur commune.

En effet, la place des maires dans les commissions d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements n’est pas à la mesure de leur rôle central dans le développement du logement dit social, notamment à travers l’attribution des permis de construire et des garanties d’emprunt.

De fait, l’attribution des logements leur échappe majoritairement. Ils pèsent peu dans les commissions d’attribution à côté de l’État et des organismes d’HLM, étant seuls parmi une dizaine de membres.

À défaut d’établir l’égalité numérique entre la délégation du bailleur social et celle de la commune, la commission des affaires économiques a adopté un amendement du rapporteur visant à donner au maire un droit de veto plutôt qu’une voix prépondérante en cas de partage. Ce veto devrait être motivé et pourrait, par exemple, s’appuyer sur la qualification du parc social et de son occupation établie par le bailleur et d’ores et déjà prévue par les textes.

Par ailleurs, la commission des affaires économiques estime essentiel d’attribuer aux maires la présidence de ces commissions, tout en veillant à conserver leur caractère intercommunal, lorsque c’est le cadre de fonctionnement établi.

Enfin, la commission propose de généraliser la délégation des droits de réservation de l’État au maire lors de la première mise en location d’un programme neuf, comme le rend déjà possible une lecture souple du décret de 2020, qui régit la mise en œuvre de la cotation, de la gestion en flux et des conventions de réservation.

Il s’agit donc bien de redonner une réelle capacité au maire de maîtriser le peuplement d’une résidence, en lui offrant la possibilité d’attribuer environ la moitié des nouveaux logements.

Cette disposition paraît également de nature à soutenir la construction de nouveaux logements sociaux et l’application de la loi SRU, de répondre ainsi à la demande locale et de légitimer ce type de construction face aux critiques récurrentes que nous entendons tous sur le terrain.

Madame la ministre, mes chers collègues, il serait absurde et inconcevable de vouloir réformer la France en se coupant des maires, des élus locaux, des villes et des villages, qui sont la clé du bien-vivre quotidien de leurs habitants.

Le lien de confiance entre les élus locaux et l’État a été fortement et durablement endommagé. Le temps est venu de recréer des ponts entre les collectivités territoriales et l’exécutif. À l’évidence, la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui s’inscrit parfaitement dans cette démarche et je la soutiens pleinement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. André Reichardt. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les municipalités communales restent, depuis leur création, le lieu de « l’intégration à l’État-nation et [de] la consolidation du lien politique ». Aujourd’hui, plus que jamais, l’existence même de ce lien politique ne peut se concevoir sans lien social, encore moins sans pouvoir municipal.

De toute évidence, le rôle des maires à cet égard est non seulement logique, mais aussi crucial.

Logique, tout d’abord, car c’est sur les maires que repose in fine l’exécution des politiques du logement. Qu’il s’agisse, entre autres exemples, des demandes de permis de construire, de la construction des logements sociaux, du traitement des demandes fondées sur le droit au logement opposable, des relogements prioritaires, aucune politique du logement ne peut se concevoir sans l’intervention de nos maires.

C’est d’autant plus le cas lorsque des objectifs sont assignés à leur action. Chacun connaît à cet égard les difficultés soulevées par l’article 55 de la loi SRU de 2000, imposant à certaines communes de disposer d’un nombre minimum de logements sociaux.

Chacun connaît aussi l’impact de la crise du secteur du BTP sur la réalisation des objectifs assignés aux communes.

Enfin, tout élu municipal connaît le poids des contraintes procédurales imposées par l’exercice du droit de préemption, l’apport de terrains ou les garanties d’emprunt.

Il faut souligner, à cet égard, que la simple participation des maires aux commissions d’attribution des logements est une sorte de minimum garanti par la loi – il faut donc la faire évoluer. Comment ne pas assurer aux maires, au stade de l’attribution des logements sociaux, une place d’importance égale à son action dans la construction des logements ?

La garantie apportée par l’article unique de la présente proposition de loi, qui prévoit de confier la présidence des commissions aux maires, concerne non seulement l’association des maires aux politiques du logement, mais aussi leur efficacité et leur investissement dans une action qui est avant tout celle des communes – celles-ci sont souvent bien davantage investies sur ces sujets que l’État.

Il faut évidemment repousser les critiques faciles dont toute procédure de sélection et d’attribution est passible, celles qui naissent des soupçons de favoritisme et de clientélisme. Mes collègues du groupe Les Républicains l’ont dit avant moi, accorder une place prééminente aux maires dans l’attribution des logements sociaux ne crée pas davantage de risque structurel de décision solitaire : la décision d’attribution demeure communale et collective.

Enfin, plus encore qu’un enjeu de politique publique, le rôle du maire dans l’attribution des logements est surtout une question cruciale de proximité.

Mes chers collègues, nous sommes nombreux ici à avoir eu l’honneur d’exercer les fonctions de maire. Nous savons d’expérience que ce rôle ne peut se concevoir sans la connaissance approfondie de la population communale, de ses spécificités et des circonstances locales.

C’est la raison pour laquelle nous devons conserver et développer tous les outils à disposition des maires afin de leur permettre de pleinement connaître leurs administrés. La mairie et les services municipaux constituent le centre de gravité du lien social depuis ses origines, dès l’arrivée de nouveaux administrés sur une commune.

En tant qu’élu du Bas-Rhin, donc Alsacien,…

M. André Reichardt. … je veux rappeler l’existence d’une disposition du droit local alsacien-mosellan, prévoyant l’obligation pour tout nouvel administré de se déclarer en mairie afin de mettre à jour le fichier domiciliaire communal. Le non-respect de cette obligation n’étant malheureusement plus sanctionné de nos jours du fait d’une loi scélérate, il faut compter sur des dispositifs spéciaux pour favoriser la rencontre du maire et des nouveaux habitants de la commune.

L’attribution des logements sociaux fait partie de ces chemins que les représentants municipaux doivent emprunter pour connaître leur population.

Pour ces raisons, n’attendons pas, madame la ministre, une hypothétique loi de décentralisation qui, si j’ai bien compris ce que vous avez dit, renforcera encore le rôle du préfet en la matière.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Non ! Celui du maire !

M. André Reichardt. Faisons dès aujourd’hui confiance aux maires et soyons nombreux à voter cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux
Article additionnel après l'article unique - Amendement  n° 8

Article unique

L’article L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Le II est ainsi modifié :

a) Au 1°, les mots : « , qui élisent en leur sein un président » sont supprimés ;

b) Le 2° est ainsi rédigé :

« 2° Du maire de la commune où sont implantés les logements attribués ou de son représentant. Il préside la commission, sauf lorsqu’elle est créée en application du second alinéa du I du présent article. En cas d’opposition motivée de la commune sur un candidat, la commission ne peut décider l’attribution du logement ; »

c) (nouveau) Le 4° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il préside la commission lorsqu’elle est créée en application du second alinéa du I du présent article. » ;

2° (nouveau) Le III est ainsi modifié :

a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lors de la mise en location initiale des logements, l’État délègue à la commune les réservations de logements dont il bénéficie en application de l’article L. 441-1, à l’exception des logements réservés au bénéfice des agents civils et militaires de l’État. Un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre du présent alinéa. » ;

b) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « troisième et cinquième » sont remplacés, deux fois, par les mots : « quatrième et sixième ».

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Jadot, Mme Guhl, MM. Salmon, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Yannick Jadot.

M. Yannick Jadot. Par cet amendement, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose à l’instauration d’un droit de veto du maire sur l’attribution des logements sociaux. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. C’est bien dommage !

M. Yannick Jadot. Nous ne comprenons pas comment un droit de veto du maire, qui serait de fait un droit d’exclure, pourrait renforcer son pouvoir d’attribution.

La question de la mixité sociale est au cœur de l’attribution des logements sociaux et la collégialité constitue assurément un moyen de limiter les risques de clientélisme et de détournement de pouvoir. (MM. Laurent Duplomb et Laurent Burgoa protestent.) C’est pour cela que les dispositifs actuels ont été mis en œuvre !

En plaçant ainsi le maire au cœur du dispositif pour orienter la question du peuplement dans le parc social, nous risquons de faire peser sur lui une pression encore plus forte et de le mettre en difficulté, y compris en termes de sécurité – nous débattrons tout à l’heure d’un texte sur la protection des élus.

Un droit de veto, en lieu et place de l’actuelle voix prépondérante en cas de partage des voix, ne nous semble donc pas être le bon levier. À Hénin-Beaumont comme ailleurs,… (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Pas ça !

M. Yannick Jadot. … nous craignons que cette prérogative ne présente des risques de clientélisme et de discrimination ethnique, religieuse et sociale. (Mme le rapporteur proteste vivement.)

Ce sont d’abord la transparence, l’équité et l’objectivité des critères résultant de la représentativité des bailleurs sociaux au sein des Caleol qu’il convient de garantir. Le travail du maire est bien de dégager une vision et d’avoir les informations clés qui permettent de créer une sociologie de la ville ; il n’est pas d’exclure.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article unique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Monsieur Jadot, j’espère que vous allez très rapidement apprendre comment nous travaillons dans cet hémicycle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

Il faut vous garder des anathèmes, des caricatures et des raccourcis un peu faciles. Chacun a naturellement ses propres convictions, mais nous sommes nombreux ici à partager un certain nombre de valeurs. Nous nous respectons les uns les autres et nous refusons le genre d’invective que vous venez de proférer ou les visions réductrices, comme celle que vous venez de livrer sur Hénin-Beaumont. Vous ne devriez pas utiliser ce genre de facilité dans cet hémicycle. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Sur le fond, je ne vous étonnerai pas en émettant un avis défavorable sur cet amendement, puisque vous voulez tout simplement supprimer l’article unique du texte, donc de fait l’ensemble de la proposition de loi déposée par Sophie Primas.

Plusieurs d’entre nous viennent de dire qu’ils sont attachés à ce texte qui vise à redonner la main aux maires dans les commissions d’attribution des logements sociaux.

J’ai l’impression, monsieur Jadot, que vous faites une fixation sur le droit de veto et je veux dissiper toute ambiguïté – nous aurons l’occasion d’y revenir à l’occasion de l’examen de plusieurs de vos amendements.

Dans le droit actuel, le maire dispose d’une voix prépondérante en cas d’égalité des voix au sein de la commission. Cette voix prépondérante est très peu utilisée. Par ailleurs, son utilisation n’a pas besoin d’être motivée.

En mettant en œuvre le droit de veto dont vous parlez, nous apportons simplement une base légale à la possibilité pour le maire de s’opposer à un dossier de demande de logement qui ne lui semblerait pas correspondre, au regard de critères parfaitement républicains, par exemple la qualification du parc social et de son occupation établie par le bailleur, à l’intérêt général communal. J’ajoute que, contrairement à ce que certains ont pu dire, l’Union sociale pour l’habitat n’est pas opposée à la mise en place d’un droit de veto.

Je rappelle surtout qu’un maire connaît ses responsabilités – Laurence Garnier et d’autres collègues en ont parlé –, en particulier pour loger la population. Son intérêt est évidemment de répondre au mieux aux attentes des habitants de sa commune : il ne va donc pas utiliser ce droit de veto n’importe comment, de façon arbitraire ou discrétionnaire ! D’ailleurs, il devra motiver ses décisions.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. En introduisant cette base légale, nous entendons surtout donner au maire un pouvoir de négociation avec les autres membres de la commission d’attribution. Le veto ne sera que la décision ultime d’un processus global. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le Président de la République a annoncé vouloir renforcer le contrôle des attributions de logements sociaux par les maires afin que ceux-ci puissent apporter toute leur expertise de terrain en matière de peuplement, de logement et d’habitat. C’est l’objet de cette proposition de loi : renforcer le pouvoir du maire sur les attributions effectuées dans sa commune.

Cet amendement vise à supprimer complètement l’article unique de la proposition de loi ; nous ne pouvons pas y souscrire.

Le Gouvernement estime que ce texte est pertinent, même s’il entend l’améliorer et mieux encadrer son dispositif. C’est l’objet des amendements que nous avons déposés.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Le groupe CRCE-Kanaky votera cet amendement déposé par nos collègues écologistes et défendu par Yannick Jadot.

Est-ce que ce texte porté par Mme Primas va régler la question du logement social ? On nous a déjà répondu non, mais va-t-il au moins permettre de s’attaquer au principal problème que connaît ce secteur : la pénurie de logements ?

En Seine-Saint-Denis, je connais une ville de 58 000 habitants, où le nombre de demandeurs de logements sociaux atteint aujourd’hui 8 000 et dans laquelle 200 logements sont attribués par an, dont 20 par le maire ! Même si le maire peut, demain, en attribuer 100 ou 150, il restera toujours 7 800 personnes sur le carreau ! Et c’est sans compter sur le fait que le nombre de demandeurs va continuer de croître.

La question centrale, c’est donc bien la pénurie de logements et le déficit de construction, ce qui pose évidemment la question du financement. Or, depuis six ans, les gouvernements macronistes ont ponctionné 10 milliards d’euros sur la politique du logement.

Allons-nous décider de rendre aux bailleurs les moyens de construire du logement social pour faire face à la pénurie, en particulier dans les zones tendues ? Oui ou non ? Vous devez vous engager là-dessus, mes chers collègues, et rapidement, parce que nous examinerons dans un mois le projet de loi de finances.

Nous devons aussi trouver des hébergements pour les sans-abri – ils sont entre 300 000 et 350 000 !

Profitons de cette proposition de loi pour avoir ce débat. Est-ce que la droite s’engage à redonner les 10 milliards d’euros ponctionnés ? C’est en faisant cela que nous serons vraiment utiles aux maires, bien plus qu’en adoptant la présente proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 1 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l’adoption 99
Contre 246

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 6

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

…) Le 4° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La présidence de la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements est exercée par le maire, ou, lorsque la commission est créée dans les conditions du deuxième alinéa du I, par le membre visé au 4°. Lorsque la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements examine dans une même séance des attributions dans des logements situés dans plusieurs communes sans entrer dans les cas régis par le deuxième alinéa du I, la présidence est exercée successivement par les différents maires concernés. Lorsque le maire est absent, les membres désignés dans les conditions du 1° élisent en leur sein un président. » ;

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Cet amendement traite de la présidence des Caleol. Il vise à compléter les dispositions adoptées en commission des affaires économiques pour le cas où la Caleol n’est réunie ni à l’échelle de la commune ni à l’échelle de l’EPCI.

Il tend à conserver la présidence du maire, lorsque la Caleol est réunie à l’échelle de la commune, et celle du président de l’EPCI, lorsque l’EPCI a demandé qu’elle soit réunie à son échelle. Ce fonctionnement est celui qu’a introduit la commission des affaires économiques.

Pour les autres cas non traités dans le texte de la commission, l’amendement tend à prévoir une présidence tournante entre les maires. En cas d’absence d’un maire, le président sera choisi, comme aujourd’hui, parmi les membres de la Caleol désignés par le bailleur.

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par MM. Buis, Fouassin, Buval, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« 2° Du maire de la commune où sont implantés les logements attribués ou de son représentant. Il dispose de deux voix lors des délibérations et d’une voix prépondérante en cas d’égalité des voix. Il préside la commission, sauf lorsqu’elle est créée en application du second alinéa du I du présent article ;

« …° De deux membres du conseil municipal élus en son sein, dont au moins un a déclaré ne pas appartenir à la majorité municipale. Ils disposent chacun de deux voix lors des délibérations ; »

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Par cet amendement, nous proposons une solution qui permettrait de renforcer le rôle des maires et des conseillers municipaux dans l’attribution des logements sociaux, ce qui est l’objectif de ce texte, sans instaurer pour autant un droit de veto. En effet, la rédaction actuelle de la proposition de loi ne permet pas de nous assurer que la mise en œuvre opérationnelle de ce droit de veto ne suscitera pas de nouvelles difficultés pour les maires.

Aussi, nous proposons d’instaurer, pour les trois membres de la Caleol représentant la commune, le principe de deux voix pour chaque représentant.

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Guérini, Mme Guillotin, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et MM. Roux et Daubet, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 2° Du maire, ou de son représentant, qui exerce la fonction de président et dispose d’une voix prépondérante en cas d’égalité des voix, et de deux membres représentant la commune où sont implantés les logements attribués. Les deux membres sont élus par le conseil municipal en son sein à la représentation proportionnelle au plus fort reste ; »

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 6 rectifié.

Je rappelle que les enjeux de la politique d’attribution des logements sociaux sont un meilleur accès des ménages les plus défavorisés au parc social et une meilleure mixité sociale des villes et des quartiers.

L’habitat et le logement sont au cœur d’un projet de territoire, que ce soit par la production de logements ou par le peuplement. Or, pour que la politique d’attribution des logements sociaux soit partagée et efficace, elle ne peut être définie qu’à l’échelon local, mais aussi sur le fondement d’un cadre national posé par les textes législatifs et réglementaires.

S’il nous revient de définir ces orientations, leur mise en œuvre ne peut se faire sans le partenariat de l’État, des bailleurs sociaux, des réservataires et des associations.

Par ces deux amendements, je souhaite préserver le caractère collégial, républicain et objectif de la mise en œuvre de la politique locale de l’habitat, en particulier en ce qui concerne l’attribution des logements sociaux. En effet, le droit de veto accordé aux maires lors des réunions de la Caleol n’est pas un renforcement de leur pouvoir, comme je l’ai dit lors de la discussion générale.

Ainsi, mon premier amendement vise à renforcer le rôle de la commune au sein de la Caleol et dans le processus de validation.

Le second est un amendement de repli visant à revenir sur le droit de veto tel qu’il a été introduit dans le texte en commission.

M. le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Bilhac, Mmes M. Carrère et Girardin, MM. Gold, Grosvalet et Laouedj et Mme Pantel, est ainsi libellé :

Alinéa 5

1° Deuxième phrase

Après le mot :

Il

insérer les mots :

dispose d’une voix prépondérante en cas d’égalité des voix et

2° Dernière phrase

Supprimer cette phrase.

Cet amendement a déjà été défendu.

L’amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

II. - Après l’alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Elle s’appuie sur les demandes et informations enregistrées dans le système national d’enregistrement mentionné à l’article L. 441-2-1, ainsi que, pour ce qui concerne la première mise en service d’un programme, sur le résultat de la concertation que l’organisme d’habitations à loyer modéré organise avec le maire de la commune et l’ensemble des réservataires concernés.

« En cas d’opposition motivée du membre désigné au 2° du II, la commission ne peut pas décider de l’attribution d’un logement. Cette faculté ne peut s’exercer qu’une fois par logement neuf ou libéré. » ;

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Cet amendement a pour objet de limiter à une fois par logement neuf ou libéré le recours au droit de veto du maire introduit par la commission des affaires économiques. Il tend également à préciser que la Caleol doit s’appuyer sur les demandes et les informations enregistrées dans le système national d’enregistrement (SNE) de la demande de logement social.

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par M. Gay, Mmes Corbière Naminzo, Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 5, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Nous proposons de supprimer le droit de veto, et ce pour deux raisons.

Tout d’abord, comme je l’ai déjà dit en commission, qu’adviendra-t-il d’une famille qui se verra opposer un veto par une Caleol et dont le parcours dans le logement social sera ainsi stoppé net ? Vous imaginez bien qu’il sera compliqué pour une famille ayant fait l’objet d’un veto de la part du maire dans une ville A de demander un logement social dans une ville B, C ou D. Elle sera fichée rouge, ce qui lui fermera tout accès au logement social.

Ensuite, je tiens à revenir sur un débat qui a été ouvert par Yannick Jadot. Pour ma part, je ne pense pas du tout que tous les élus fassent du clientélisme. Personne ne peut dire cela – Yannick Jadot ne l’a d’ailleurs pas dit –, mais il peut exister des dérives partout. Par exemple, dans le logement privé – je ne parle pas du logement social –, un certain nombre d’associations pratiquant le testing ont mis en évidence des pratiques discriminatoires dans 75 % des cas.

Pour nous prémunir contre de tels agissements et de potentielles dérives, même s’ils sont minoritaires, nous proposerons par l’amendement n° 4 d’anonymiser les demandes de logement, comme c’est le cas à Paris depuis 2014.

En conclusion, je le répète, nous sommes totalement opposés au droit de veto.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Les deux amendements présentés par le Gouvernement tendent à introduire des précisions utiles, mais nous regrettons, madame la ministre, qu’ils visent également à supprimer un certain nombre d’éléments adoptés en commission. C’est dommage.

Ainsi, l’amendement n° 11 vise à prévoir une présidence tournante de la commission d’attribution des logements et le cas où la commune ne serait pas représentée, ce qui peut parfaitement arriver. Il reviendrait alors au bailleur social de la présider. Cette précision est utile, mais, dans le même amendement, vous supprimez le droit de veto du maire, ce que nous ne pouvons accepter.

De même, l’amendement n° 12 vise à traiter plusieurs sujets différents.

Vous souhaitez limiter l’exercice du droit de veto à une fois par logement, ce qui reviendrait à restreindre et à dénaturer complètement ce droit. Nous prendrions alors le risque d’en faire un sabre de bois, facilement contournable. Il suffirait en effet de représenter le dossier auquel il a été opposé un veto lors de la réunion suivante de la commission d’attribution pour qu’il soit retenu, et ce contre l’avis du maire, qui ne pourrait plus utiliser son droit de veto.

Vous souhaitez ensuite que la commission s’appuie sur les demandes inscrites dans le système national d’enregistrement, ce qui me semble être une précision utile et bienvenue. Malheureusement, cette disposition figure dans un amendement auquel nous ne pouvons être favorables, puisque, je le répète, nous voulons maintenir le droit de veto du maire.

Nous sommes donc défavorables à ces deux amendements.

L’amendement n° 1 de M. Buis tend à proposer une solution de remplacement au droit de veto créé par la commission, à savoir une représentation par le maire et deux délégués du conseil municipal.

Nous sommes défavorables à cette solution parce que nous pensons qu’en sollicitant fréquemment les élus, on créerait une forme d’inégalité entre les communes, en fonction de leur taille. Il est en effet plus facile pour le maire d’une grande commune que pour celui d’une petite commune de se faire représenter.

Aussi, votre proposition n’apporterait qu’une réponse partielle et poserait le problème de la disponibilité des élus locaux et du maire, sachant qu’il arrive désormais fréquemment que des commissions d’attribution se réunissent tous les quinze jours. Elle risquerait dès lors de poser des problèmes de quorum. Vous imaginez bien le type de problèmes qui pourraient en résulter : les commissions seraient reportées et les logements ne seraient pas attribués dans les délais impartis.

L’amendement n° 7 rectifié bis de M. Cabanel se différencie de l’amendement de M. Buis : le maire ou son représentant ne disposerait pas de deux voix lors des délibérations et le troisième représentant de la commune ne serait pas nécessairement membre de l’opposition municipale. Nous y sommes défavorables.

L’amendement de repli n° 6 rectifié se distingue des deux précédents : il tend à prévoir la suppression du droit de veto et le rétablissement de la voix prépondérante du maire. Or, je l’ai déjà dit, nous souhaitons conserver le droit de veto et nous pensons que la voix prépondérante n’est pas de nature à redonner de la confiance aux maires, car elle est très peu utilisée. Quand elle l’est, elle n’est même pas justifiée, alors que le recours au droit de veto devra être dûment motivé. Avis défavorable.

Enfin, je suis également défavorable à l’amendement n° 3 de M. Gay, qui tend aussi à supprimer le droit de veto. Je ne pense pas que le demandeur qui se sera vu opposer un veto de la part du maire, sur le fondement d’un ou plusieurs critères de qualification, qui sont tout à fait républicains et qui figurent dans un vade-mecum rédigé par l’Union sociale pour l’habitat, sera disqualifié pour obtenir un autre logement social.

Je le répète, le veto porte sur un logement donné, ce qui signifie que le demandeur pourra en solliciter un autre. Le premier veto pourra être justifié par la composition de la famille du demandeur, par la stabilité de la résidence où se situe le logement ou par le quartier dans lequel il se trouve, en bref par des critères qui ne seront peut-être pas applicables pour l’attribution d’un autre logement au même demandeur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Par cohérence avec les deux amendements que j’ai présentés, je demande aux auteurs des amendements nos 1, 7 rectifié bis et 6 rectifié de bien vouloir les retirer au profit de l’amendement n° 11 du Gouvernement.

Enfin, je demande au sénateur Gay, qui a présenté l’amendement n° 3, de bien vouloir le retirer au profit de l’amendement n° 12 du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour explication de vote.

M. Lucien Stanzione. Cela fait une dizaine d’années que le législateur régule l’organisation et la gouvernance des commissions d’attribution des logements. Les acteurs de la chaîne d’attribution sont dotés d’outils, même si ceux-ci restent perfectibles, mais l’objectif est bien de favoriser la concertation en amont entre les acteurs et d’assurer l’impartialité des commissions.

Pour notre part, nous ne souhaitons pas retirer la présidence des commissions d’attribution aux organismes d’HLM. Vous l’aurez compris, nous voterons contre l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. En préambule, madame la ministre, sachez que nous ne retirerons pas notre amendement au profit du vôtre, qui n’est pas tout à fait de même nature.

Madame la rapporteure, j’ai compris que le recours au droit de veto devra être motivé. Ces critères seront-ils discrétionnaires, propres à chaque maire, ou en existera-t-il une liste ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Bien sûr !

M. Fabien Gay. J’imagine que seront pris en compte les revenus, la composition du ménage, le fait que le demandeur habite ou non déjà dans la commune. Nous n’avons pas eu le temps d’évaluer les effets concrets du dispositif introduit en commission. Soyez plus précise sur ce que vous voulez faire, madame la rapporteure : critères discrétionnaires, ce qui ouvre la porte à des abus, ou critères objectifs et motivés ?

Pouvez-vous nous éclairer ? Cela ne changera pas notre vote – nous voterons contre le droit de veto –, mais nous en saurons un peu plus sur votre projet.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Je pensais avoir été assez claire…

Un document existe aujourd’hui. (Mme le rapporteur exhibe un document en direction des travées du groupe CRCE-K.) Il est à la disposition de tous les maires et élus locaux, quel que soit leur territoire, et s’intitule La qualification du parc social et de son occupation : éléments de méthode et retours dexpérience. Les différents critères qui permettent de motiver un refus figurent à la fin de ce document : peuvent ainsi être pris en compte le niveau de revenu, la composition du foyer – famille monoparentale ou personne seule par exemple –, le montant du loyer, les données de cadrage, les activités des majeurs, le montant de l’aide au logement.

Le maire pourra s’appuyer sur ces critères et indicateurs prioritaires pour motiver le recours à son droit de veto et justifier l’inadaptation du logement concerné aux caractéristiques de la famille ou du ménage demandeur, ou encore l’inadéquation de son niveau de revenu au montant du loyer.

Tout cela est très clair et il est important que tous les élus locaux connaissent ce document établi par l’Union sociale pour l’habitat – je ne suis pas sûre que ce soit le cas –, qui est la référence pour motiver le recours au droit de veto par le maire.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour explication de vote.

M. Bernard Buis. Je retire l’amendement n° 1 au profit de celui du Gouvernement.

M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Fouassin, Buis, Buval, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« …) Un représentant du conseil départemental élu en son sein où sont implantés les logements attribués. » ;

La parole est à M. Stéphane Fouassin.

M. Stéphane Fouassin. Nous proposons d’intégrer à la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements, la fameuse Caleol, un conseiller départemental élu au sein du conseil départemental avec voix consultative.

Il s’agit ici de prendre en compte l’expertise des départements en matière d’accompagnement social, ainsi que leur connaissance pratique des difficultés que peuvent rencontrer les demandeurs au sein de la Caleol.

Il s’agit également de reconnaître le rôle de soutien des départements dans la construction des logements sociaux, par exemple au travers la délégation de compétence pour l’attribution des aides à la pierre, ainsi que leur rôle direct de soutien aux populations en difficulté dans leur logement via les fonds de solidarité pour le logement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. L’avis est favorable.

Même si les services sociaux départementaux peuvent d’ores et déjà être largement consultés aujourd’hui, la participation d’un représentant du conseil départemental à la Caleol avec voix consultative ne me paraît pas inutile.

La collectivité départementale est aussi partie prenante dans la construction de logements sociaux et dans la politique de l’habitat. Elle est notamment chargée de la définition du plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD).

Je considère que cette participation avec voix consultative ne modifie pas les équilibres décisionnels de la Caleol et n’est pas de nature à alourdir son fonctionnement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Actuellement, le président de la Caleol peut déjà appeler à siéger à titre consultatif un représentant du service chargé de l’action sanitaire et sociale du conseil départemental, en application de l’article R. 441-9 du code de la construction et de l’habitation.

Le présent amendement vise à faire de ce représentant un membre à part entière de la Caleol disposant d’un droit de vote. Cette proposition est cohérente avec le rôle de chef de file du conseil départemental en matière d’action sociale et avec son rôle en matière d’élaboration et de mise en œuvre du plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Denis Bouad, pour explication de vote.

M. Denis Bouad. Pour exercer depuis de nombreuses années et exercer encore un rôle de conseiller départemental, je serais plutôt favorable à cet amendement, mais je suis tout de même gêné à la lecture de son objet : « Il s’agit également de reconnaître au département son rôle de soutien dans la construction de logements sociaux » – c’est très bien ! –, « par exemple à travers la délégation de compétence pour l’attribution des aides à la pierre, ainsi que son rôle direct de soutien aux populations en difficulté… » On aurait pu ajouter les garanties d’emprunt, qui représentent un investissement énorme pour les départements.

Madame la rapporteure, madame la ministre, comment peut-on imaginer de demander à un conseiller départemental de siéger deux fois par semaine dans une commission – c’est le cas dans mon département –, voire une fois de plus dans d’autres organismes, tout en n’ayant qu’une voix consultative, sachant que le département qu’il représente a apporté financements, garanties d’emprunt et soutien aux plus défavorisés ?

Pour cette raison-là, et avec beaucoup de regrets, le groupe SER votera contre cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par M. Gay, Mmes Margaté, Corbière Naminzo et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Au premier alinéa, le mot : « nominativement » est remplacé par le mot : « anonymement » ;

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Nous demandons d’étendre l’expérimentation que nous avons évoquée précédemment sur l’anonymisation.

Cette anonymisation, qui n’empêchera pas de connaître la composition des ménages et leurs revenus, leurs besoins et leurs moyens, permettra d’effectuer un choix et de garantir au demandeur qu’il ne subira pas de discrimination, quelle qu’elle soit. Même si les cas sont rares, ils existent.

Cet amendement sera très vraisemblablement rejeté, mais nous y reviendrons à l’occasion d’un débat plus large sur le logement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Bien vu, monsieur Gay : la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’anonymisation existe déjà pour les demandeurs avant la réunion de la commission, les éléments personnels n’étant pas transmis. En revanche, les caractéristiques socio-économiques, les motivations de la demande et les éléments relatifs à l’identité du demandeur et à la composition familiale sont logiquement examinés par la commission.

Vous relayez des craintes de discrimination dans l’accès au logement fondée sur le nom du demandeur. J’ose penser que ces pratiques n’ont plus ou quasiment plus cours aujourd’hui.

Si une certaine anonymisation est souhaitable en amont, il est bien que les membres de la commission d’attribution disposent de l’ensemble des éléments leur permettant de prendre la décision la plus adéquate possible en fonction du logement proposé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Le Gouvernement est lui aussi très inquiet par le constat établi par SOS Racisme, qui fait état de l’existence d’une discrimination en raison de la consonance étrangère des noms pour l’attribution des logements sociaux.

Il s’agit d’un sujet très sérieux et différentes analyses sont en cours avec l’USH et le GIP-SNE, le groupement d’intérêt public qui gère le système national d’enregistrement des demandes de logements sociaux, afin de mieux le comprendre et d’essayer d’y apporter les meilleurs remèdes.

Dans l’immédiat, il nous semble que la solution que vous proposez n’atteindra pas sa cible. En effet, ce n’est pas l’attribution, d’après nous, monsieur le sénateur, qui doit être rendue anonyme. Je ne pense pas que l’on puisse attribuer un logement à quelqu’un sans le nommer. Il faut bien un dossier, qui sera proposé par le réservataire ou le bailleur, d’abord, puis examiné par la Caleol ensuite. Or le bailleur a une obligation de vérification et d’instruction du dossier après que la candidature a été présentée par le réservataire. Bien souvent, il organise même une visite des lieux pour minimiser les risques de refus.

Dans ce contexte, l’anonymisation ne peut intervenir que très tardivement dans le processus et garantir réellement l’anonymat ne peut être qu’une gageure.

À ce stade, et même si nous sommes conscients qu’il existe des expériences d’anonymisation des dossiers présentés en Caleol, nous ne sommes pas certains que la pratique puisse être généralisée sans un énorme travail en amont avec les représentants de la profession.

C’est pourquoi, malgré toute l’importance du sujet que vous soulevez et la nécessité d’un débat, je vous suggère de retirer votre amendement.

M. Pascal Savoldelli. Sagesse ? (Sourires.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Si tel n’était pas le cas, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Soit il y a un problème, soit il n’y en a pas… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Madame la ministre, vous venez d’avouer qu’il y a un problème, ce que reconnaissent les associations. Très bien ! Nous vous faisons donc une proposition.

L’anonymisation, par définition, ne concerne que le nom, pas la composition du ménage, ses revenus. Je suis en désaccord avec Mme la rapporteure : le nom n’apporte rien, à moins de connaître tous les demandeurs de logement social de sa commune… Bon courage ! Pour ma part, je ne connais pas les prénoms de mes 347 collègues sénateurs, alors s’il faut que j’apprenne les noms des 8 000 demandeurs de logement social de ma ville, je vais y passer du temps !

Le nom, nous sommes d’accord, n’est pas déterminant pour l’attribution d’un logement, puisque l’on ne connaît pas le demandeur personnellement. Qu’il s’appelle Pascal Savoldelli, Pierre Barros ou Fabien Gay, cela n’a aucune conséquence. Sauf pour Pascal, bien sûr … (Rires sur les travées du groupe CRCE-K.)

Plus sérieusement, seuls importent la composition du ménage, les revenus et d’autres éléments. Le débat mérite d’être poussé. Vous ne pouvez pas reconnaître qu’il y a un problème et l’évacuer de notre discussion, sauf à être en contradiction avec vous-même.

Examinons donc ce problème sérieusement de près. Notre proposition est inspirée de ce que fait déjà la mairie de Paris.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Absolument !

Mme Sophie Primas. Ce n’est pas notre référence !

M. Fabien Gay. Nous sommes d’accord, madame la ministre, et nous poursuivrons ce débat.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je voterai cet amendement. L’un de nos collègues, lorsqu’il est devenu sénateur, a rencontré des problèmes de racisme lorsqu’il a voulu louer un appartement près du Sénat. On a refusé de lui en louer un en raison de son nom, ce qui a provoqué des remous.

Votre solution me semble donc très bonne.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Comme je l’ai dit précédemment, je ne vois pas cette discrimination, en tout cas pas dans la Vallée de la Seine, où j’habite. La mixité y est très importante dans un certain nombre de communes. On dénombre ainsi 32 nationalités dans ma commune.

J’entends bien que des associations dénoncent ce problème. Il y a peut-être un sujet, mais je ne suis pas sûre que votre amendement apporte la bonne solution. Je voterai évidemment contre, comme nous y invitent Mme la rapporteure et Mme la ministre.

Pour finir, je rappelle à Mme Goulet que notre ami sénateur qui a connu une forme de racisme en raison de son nom cherchait un appartement dans le parc privé. L’amendement de notre collègue Fabien Gay n’aurait eu aucun effet dans ce cas malheureux.

Mme Nathalie Goulet. Mais cela montre que le problème existe bien !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Pour être un plus précise sur ce sujet, je rappelle que, aujourd’hui, le code de la construction et de l’habitation prévoit que la commission attribue « nominativement » chaque logement locatif. Votre proposition, si elle était adoptée, aboutirait à modifier ainsi ce code : « la commission attribue anonymement chaque logement locatif ».

Aujourd’hui, on peut anonymiser les dossiers en amont de la réunion de la Caleol, mais la décision en commission doit se faire nominativement. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 5, présenté par M. Gay, Mmes Margaté, Corbière Naminzo et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéas 8 et 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. J’avoue que nous ne comprenons pas très bien pourquoi ces alinéas ont été introduits dans le texte par la commission. (Mme le rapporteur sexclame.) C’est un débat que nous pouvons avoir !

Dans les logements neufs, il n’y aurait pas de bénéficiaires du Dalo, pas de personnes en situation de handicap, pas de victimes de suroccupation, d’insalubrité, ou de violences conjugales… (Mme le rapporteur proteste.) Mais si ! Si vous donnez cette autre priorité pour les logements neufs – en tout cas, c’est ainsi que nous l’avons compris, vous allez pouvoir nous expliquer votre position –, alors toutes les personnes qui se trouvent dans ces situations, qui ont déjà du mal à entrer dans un parcours résidentiel et à avoir accès au logement social, en seront plus pénalisées encore, d’autant que les logements neufs participent évidemment à la réponse apportée au manque de logement social, même si c’est de manière insuffisante. Si d’entrée on exclut de ces logements un certain type de public, ces personnes auront deux fois plus de mal à accéder à un logement social.

C’est pourquoi nous proposons de supprimer ces deux alinéas.

M. le président. L’amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lors de la mise en location initiale des logements neufs, sauf lorsqu’une telle délégation existe déjà en application du V de l’article L. 301-5-1, l’État peut déléguer à la commune tout ou partie des réservations de logements dont il bénéficie en application de l’article L. 441-1, à l’exception des logements réservés au bénéfice des agents civils et militaires de l’État. » ;

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Cet amendement vise à transformer en simple faculté l’obligation de déléguer le contingent préfectoral de réservation adoptée par la commission des affaires économiques. Je vous ai expliqué dans la discussion générale la raison pour laquelle nous défendons ce choix d’une faculté plutôt que d’une obligation.

Cet amendement tend également à corriger un problème de coordination entre différentes dispositions du code de la construction et de l’habitation en matière de délégation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Sur ces deux amendements, l’avis de la commission sera bien évidemment défavorable, puisque la délégation automatique au maire du contingent de l’État pour l’attribution des résidences neuves est l’un des trois leviers que nous avons voulu actionner dans cette proposition de loi.

M. Gay feint de ne pas avoir très bien compris. (M. Fabien Gay sen défend.) Je n’ose le croire, mon cher collègue : je pense que vous avez tout à fait saisi l’objet de cette disposition. Ce n’est pas parce que l’on déléguera au maire le contingent de l’État en plus de son contingent communal que ne seront pas logés, dans les résidences neuves concernées, des bénéficiaires du Dalo, des femmes victimes de violence, ou d’autres personnes en difficulté ! Simplement, ces logements iront peut-être, d’abord et avant tout, à des personnes qui habitent déjà cette commune. Le maire voudra loger en priorité ses propres administrés, ceux qui, parmi eux, sont mal logés, hébergés, ou à la rue. Ce n’est pas parce qu’on délègue le contingent de l’État que les publics, dits « prioritaires », que vous avez cités ne pourront pas être logés au titre de la première attribution par le maire, qui disposera, pour les résidences neuves, de la moitié à peu près des logements à attribuer.

L’amendement n° 13 du Gouvernement a également recueilli un avis défavorable de la commission. Madame la ministre, vous souhaitez, au travers de celui-ci, transformer l’automaticité en une faculté. Pour notre part, nous voulons faire en sorte que la délégation du contingent de l’État au maire soit obligatoire ; si c’était une simple faculté, cela se ferait à la discrétion de l’État et du préfet. Nous voulons donc absolument conserver cette automaticité.

Nous estimons en effet que, pour des résidences neuves où l’attribution de logements à des ménages en difficulté pourrait très rapidement susciter des déséquilibres, le maire doit pouvoir disposer non seulement de son propre contingent, mais également de celui de l’État. Comme nous l’avons déjà fait remarquer dans la discussion générale, cela se pratique dans de nombreux territoires, ça marche bien ! Alors, autant généraliser cette pratique, au travers de son inscription dans la loi. C’est une occasion pour nous de rappeler, encore et toujours, qu’il faut toujours plus faire confiance aux maires !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 5 ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Le Gouvernement n’est pas insensible à l’argumentaire déployé par M. Gay en faveur des bénéficiaires du Dalo et des publics prioritaires les plus défavorisés. Nous pensons que, dans certains cas, la tentation peut exister d’évincer ces publics des programmes neufs, ce qui serait un signe désastreux pour la solidarité nationale.

Pour autant, nous avons fait le choix de faire confiance aux maires, dont l’immense majorité ne reste pas insensible, bien entendu,…

M. Fabien Gay. Évidemment ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … à la question des publics prioritaires.

Je voudrais, à cette étape de la discussion, récapituler le sens des différents amendements du Gouvernement.

Nous avons proposé trois modifications qui devraient permettre de confirmer l’octroi de cette confiance aux maires, tout en sécurisant le dispositif contre des tentatives discrétionnaires qui, ici ou là, pourraient se faire jour.

Par l’amendement n° 12, qui n’a pas été adopté, nous proposions de faire figurer dans la loi l’obligation de concertation pour les logements neufs, qui ne figure actuellement que dans des textes réglementaires, tout en conférant au maire un rôle de coorganisateur de cette concertation. La faculté de refus d’une candidature introduite par votre commission aurait été limitée à une seule fois pour chaque logement neuf ou libéré.

Par le présent amendement n° 13, nous proposons de laisser le préfet analyser localement la situation, en lui permettant de ne pas déléguer le contingent de l’État s’il estime qu’il existe un risque. L’obligation de délégation issue des travaux de la commission serait ainsi transformée en faculté.

Enfin, par l’amendement n° 14, que vous allez examiner dans quelques minutes, nous entendons introduire dans le texte des obligations de motivation et de transparence qui rendront impossible tout abus ou toute décision discrétionnaire.

Si ces trois propositions étaient retenues, clairement, il ne serait jamais possible de mener une politique systématique de non-attribution de logements aux publics les plus défavorisés. Nous n’abandonnons pas pour autant l’idée selon laquelle le maire doit avoir un regard particulier et asymétrique sur les attributions de logements neufs.

Je vous invite donc une nouvelle fois, monsieur Gay, à retirer votre amendement au profit de ceux du Gouvernement – les amendements nos 13 et 14, puisque le n° 12 a déjà été rejeté par votre assemblée. À défaut de ce retrait, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. Nous sommes plutôt favorables à ces amendements. Surtout, nous nous demandons pourquoi il faudrait légiférer, puisque cette pratique existe déjà. Une telle délégation du contingent de l’État, effective au moment de la livraison de l’immeuble, est souvent prévue dans les conventions de réservation. Nous ne sommes pas opposés à cette pratique, mais nous ne souhaitons nullement qu’elle devienne automatique. Dans les communes carencées, laisser à la discrétion du maire tous les logements neufs…

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Pas tous !

Mme Viviane Artigalas. … nous paraît tout de même aller trop loin. Nous sommes favorables à la pratique existante.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote sur l’article.

M. Pascal Savoldelli. Débattre de la place des communes dans l’attribution des logements sociaux, bien sûr ; encore faut-il qu’il y ait des logements sociaux ! (Marques dapprobation sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Dans mon département du Val-de-Marne, nous avons dépassé les 100 000 demandeurs de logement ! Jamais ce chiffre n’avait été atteint ! Parmi eux, combien sont insolvables, donc inéligibles à l’attribution d’un logement ?

Nulle part dans cette proposition de loi, jamais dans ces débats, il n’a été question des demandeurs de logement ! Ce vocabulaire vous est étranger, mes chers collègues !

Mme Sophie Primas. Bien sûr…

M. Pascal Savoldelli. Pourtant, la semaine dernière se tenait le congrès HLM. Les acteurs du logement y ont lancé une alerte : il n’y a jamais eu autant de demandeurs de logement social en France ; or, dans le même temps, on n’a jamais produit aussi peu de logements sociaux. Moins de 85 000 logements ont été construits à l’échelle nationale !

Tout cela ne vient pas de nulle part : dès 2017, madame la ministre, l’État a pris 1,3 milliard d’euros des recettes des loyers des bailleurs sociaux pour les réinjecter dans le budget général de l’État.

Le Sénat a eu la possibilité de pallier cette situation, mais il ne l’a pas fait. Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir quelques années en arrière. Christian Favier, alors sénateur, membre de notre groupe, avait déposé une proposition de loi imposant une proportion minimale de 30 % de logements sociaux dans les programmes résidentiels entrepris autour des gares du Grand Paris Express – selon la Société du Grand Paris, 70 000 logements devaient y être construits chaque année. Mais la majorité sénatoriale, le 27 octobre 2016, a refusé de rendre ce progrès possible. Vous-même, madame Primas, étiez rapporteure de la commission des affaires économiques sur ce texte, et vous vous y êtes opposée !

Mme Sophie Primas. Et je le referais !

M. Pascal Savoldelli. C’est idéologiquement tout à fait logique, mais permettez-moi de questionner la véritable volonté des auteurs de la présente proposition de loi au regard de leurs votes précédents !

Comme les autres membres de mon groupe, je voterai contre cet article unique.

Cela étant dit, dans quelques semaines, nous nous retrouverons pour débattre du projet de loi de finances pour 2024. Je propose que le Sénat vote à cette occasion la TVA réduite à 5,5 % en faveur de la construction sociale. Cela favoriserait la réalisation d’un objectif, nécessaire, de 200 000 logements par an. Il me semble qu’on verra alors la vérité des votes et des intentions ; on verra qui veut rassembler tous les maires – tout le monde dit le vouloir –, mais aussi les bailleurs, en employant un vocabulaire qui vous est étranger, où figurent les demandeurs de logement !

M. le président. Je mets aux voix l’article unique, modifié.

(Larticle unique est adopté.)

Après l’article unique

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux
Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 10 rect. ter

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par Mme Aeschlimann, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 411-1 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 411-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 411-1-…. – Il est créé, dans chaque organisme d’habitations à loyer modéré, une commission de concertation chargée de suivre les programmes de constructions neuves jusqu’à leur date de livraison.

« La commission est composée d’un représentant de chaque réservataire. Elle est présidée de droit par le maire de la commune où sont implantés les logements en construction, ou par son représentant. »

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi en premier lieu de m’associer aux orateurs qui ont rappelé à quel point les dispositions dont nous débattons, visant à renforcer le rôle du maire dans l’attribution des logements sociaux dans sa commune, étaient attendues !

Cet amendement s’inscrit dans l’esprit du présent texte : renforcer le pouvoir des maires lors des premières attributions sur un programme neuf, tout en portant attention à la qualité du dialogue au sein de la Caleol. Chacun sait que la première vague de désignations sur un programme est un moment clef qui permet d’agir concrètement sur l’habitat d’une résidence et d’un quartier, sur son équilibre et sa cohésion.

En ce sens, la délégation au maire du contingent préfectoral sur les programmes neufs, prévue dans l’article unique de ce texte, est décisive, mais il est également essentiel que ces enjeux soient partagés par l’ensemble des réservataires en amont de la réunion de la Caleol.

C’est pourquoi je vous propose, par cet amendement, de créer une commission de concertation, présidée par le maire, qui réunirait obligatoirement tous les réservataires d’un programme neuf avant sa livraison, afin de formaliser ce dialogue.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Ma chère collègue, votre amendement a reçu de la commission un avis favorable. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Vous proposez de créer une commission de concertation chargée de suivre les programmes de construction de logements sociaux jusqu’à leur livraison. Cela me semble aller dans le bon sens et être utile pour la bonne insertion de ces programmes et des futures populations dans leur quartier et, plus largement, dans la commune.

Il est vrai que de telles commissions de concertation existent déjà, mais elles sont de la responsabilité du bailleur pour la première attribution. Désormais, ce serait le maire qui les présiderait ; il pourrait ainsi suivre tous les programmes de construction jusqu’à leur livraison et être à même de faire tout le nécessaire pour que les attributions se fassent dans les meilleures conditions possible au vu du contexte local.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. La création d’une commission de concertation entre maire, bailleur et réservataires figurait au sein des propositions inscrites dans l’amendement n° 12 du Gouvernement, dont nous regrettons le rejet par votre assemblée. Cependant, pour des questions de rédaction, le Gouvernement s’en remet sur cet amendement-ci à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour explication de vote.

Mme Amel Gacquerre. Je salue évidemment cette volonté de mettre en place des instances supplémentaires de présentation, d’explication, de concertation. Pour autant, je reste fidèle à ma position, à la ligne que nous nous sommes fixée : simplifier au maximum, ne pas ajouter de commissions aux commissions.

Mme Amel Gacquerre. Rappelons que la pratique qui fait l’objet de cet amendement existe déjà. Il ne s’agit pas de refuser cette initiative, que je comprends, mais la cohérence avec les messages que nous adressons aux élus locaux de nos départements nous empêche de voter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article unique - Amendement  n° 8
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux
Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 14

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article unique.

L’amendement n° 10 rectifié ter, présenté par Mme Noël, MM. Bonhomme et Houpert, Mme Belrhiti, MM. Anglars, Mandelli et Reichardt, Mmes Petrus, Berthet et Gosselin et MM. D. Laurent, Gremillet et Reynaud, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 4° du II de l’article L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Dans le cas d’une convention intercommunale d’attribution mentionnée à l’article 441-1-6 ou d’une conférence intercommunale d’attribution des logements mentionnée à l’article 441-1-5, la commission est composée :

« a) Du président de l’établissement public de coopération intercommunale ou du président du conseil de territoire de l’établissement public territorial de la métropole du Grand Paris, qui exerce la fonction de président et dispose d’une voix prépondérante ;

« b) Du maire de chaque commune ou de son représentant appartenant à l’établissement public de coopération intercommunale mentionné au a. »

La parole est à Mme Sylviane Noël.

Mme Sylviane Noël. Dans un souci de parallélisme des formes, le présent amendement vise à prévoir, dans le cadre d’une convention intercommunale d’attribution (CIA), que la commission d’attribution soit composée du président de l’EPCI et des maires de chaque commune membre ; elle serait présidée par le premier, dont la voix serait prépondérante en cas d’égalité des voix.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Certes, je peux souscrire à l’idée qui sous-tend cet amendement : confier la présidence d’une Caleol intercommunale au président de l’EPCI. Ce n’est pas du tout illogique ; au contraire, nous avons déjà prévu une telle approche pour une CIA. Néanmoins – à l’encontre de vos intentions, j’en suis sûre, ma chère collègue –, la rédaction de votre amendement empêcherait de fait tant le bailleur social que l’État et les membres à voix consultative de participer à cette commission.

Du fait de ce problème rédactionnel, je dois émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Le droit actuel impose aux EPCI d’élaborer une CIA ; ils peuvent demander la création d’une Caleol intercommunale et leur président, ou son représentant, sera membre de celle-ci. Le présent amendement vise à leur confier la présidence de cette Caleol, mais cette proposition est déjà satisfaite par le texte adopté par la commission des affaires économiques, dès lors que l’EPCI demande la création d’une Caleol réunie à son échelle. En outre, l’adoption de cet amendement supprimerait la possibilité, pour les EPCI qui disposent d’une CIA, de conserver des Caleol communales ou intercommunales dont le périmètre différerait de celui de l’EPCI.

Pour ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Madame Noël, l’amendement n° 10 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Sylviane Noël. Non, je le retire, monsieur le président.

Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 10 rect. ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux
Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. L’amendement n° 10 rectifié ter est retiré.

L’amendement n° 14, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 441-2-2 du code de la construction et de l’habitation est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Tout rejet d’une demande d’attribution suivie d’une radiation de la demande effectuée dans les conditions prévues par l’article L. 441-2-9 doit être notifié par écrit au demandeur par le président de la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements, dans un document exposant le ou les motifs du refus d’attribution.

« En cas de gestion non déléguée des réservations, la décision de ne pas donner suite à la proposition d’un réservataire ou de changer l’ordre de priorité parmi les propositions effectuées doit être motivée. Elle est notifiée au réservataire par le président de la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements. En cas de contestation, le réservataire soumet le cas à la commission de coordination prévue au douzième alinéa de l’article L. 441-1-6 qui agit comme instance de précontentieux. »

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Cet amendement vise à préciser comment la Caleol doit motiver ses décisions négatives, en distinguant le cas d’un refus d’attribution de celui d’une décision de non-attribution au candidat proposé par les réservataires.

La Caleol doit assurer la transparence de toutes ces décisions : transparence pour les demandeurs auxquels un logement est refusé et qui se voient radier de la liste des demandeurs ; transparence pour le réservataire lorsque, sans que le dossier du candidat proposé soit rejeté ni sa demande radiée, la Caleol décide de ne pas suivre sa proposition. Cette transparence permettra en outre au réservataire de mieux comprendre la politique de la Caleol et d’adapter ses propositions en conséquence. Enfin, certaines décisions de non-attribution peuvent être incomprises ou leur légitimité contestée ; les réservataires peuvent souhaiter en parler dans les instances prévues à cet effet, avec l’ensemble des bailleurs et des élus.

C’est la raison pour laquelle il est précisé dans l’amendement que la contestation des décisions peut être portée devant les commissions de coordination prévues par les CIA, en application de l’article L. 441-1-6 du code de la construction et de l’habitation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Madame la ministre, vous aurez dû attendre la fin de la discussion pour qu’un amendement du Gouvernement reçoive de la commission un avis favorable…

En effet, cet amendement tend à apporter des précisions bienvenues quant aux conséquences juridiques différentes du rejet d’une demande, qui entraîne de fait sa radiation, et d’un refus d’attribution, qui n’a pas du tout les mêmes conséquences, puisque le demandeur peut tout à fait se voir attribuer un autre logement.

Il est important d’afficher cette transparence et d’indiquer plus clairement les responsabilités en la matière du président de la Caleol, ainsi que la portée du veto du maire, qui, dûment motivé, conduira le plus souvent à un refus d’attribution et non à un rejet de la demande : le demandeur de logement social ne verra pas sa demande radiée ; elle sera toujours valide et pourra être dirigée vers un autre logement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article unique.

Vote sur l’ensemble

Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 14
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Au terme de l’examen de cette proposition de loi, qu’à titre personnel je voterai, je trouve que, par rapport au texte initial de Mme Primas, un certain nombre de correctifs ont été apportés, tant en commission que dans cet hémicycle, qui me paraissent aller dans le bon sens.

J’ai eu à porter, dans le passé, la casquette de président de bailleur social, j’ai eu à siéger dans des commissions d’attribution des logements dont l’échelle dépassait largement le niveau communal – elles regroupaient parfois trente, quarante, voire quatre-vingts communes. À ce titre, il me semble que le dispositif initial était un peu trop lourd pour la vie quotidienne de ces organismes.

Pour autant, je suis naturellement très sensible au souhait du Président de la République de renforcer le rôle des maires dans l’attribution de ces logements et je m’engage en ce sens. Je salue donc le travail mené dans notre assemblée, qui pourra sûrement être complété, parachevé et peut-être quelque peu amodié. En effet, si le veto est sans doute préférable aux dispositifs initialement proposés, les pistes d’encadrement mises sur la table par le Gouvernement méritent d’être examinées plus avant.

En tout cas, la démarche est utile et intéressante ; c’est pourquoi, je le répète, à titre personnel, je voterai en faveur de ce texte.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.

M. Stéphane Ravier. L’État impose, via la loi SRU, des quotas mathématiques brutaux de logements sociaux, quotas souvent inatteignables dans les communes qui se trouvent financièrement sanctionnées.

Dans les Bouches-du-Rhône, 50 % des communes sont carencées. Rendez-vous compte de l’absurdité : les maires ne maîtrisent donc pas la politique de logement de leur commune !

Je voudrais d’ailleurs vous mettre en garde, mes chers collègues, et à travers vous l’ensemble des maires. Deux parlementaires de la majorité présidentielle ont remis, au mois de mai dernier, un rapport au ministre de l’intérieur préconisant d’« imposer aux communes l’attribution d’un nombre de logements en faveur des demandeurs d’asile » et d’« aménager la loi SRU pour inciter les collectivités territoriales à favoriser l’implantation sur leur territoire de lieux d’accueil des demandeurs d’asile ». Outre leur caractère immigrationniste forcené, qui relève de la provocation envers ceux de nos compatriotes qui n’arrivent pas à se loger, de telles mesures seraient une nouvelle atteinte aux libertés communales.

Il faut donc cesser cet étatisme outrancier qui, de plus, instaure, une préférence, voire une exclusivité, étrangère au logement.

Le pouvoir grandissant des intercommunalités est une autre source de dépossession des maires en matière d’attribution de logements sociaux : les maires perdent toute autonomie de gestion. Or ils doivent a minima pouvoir maîtriser la politique de peuplement des logements sociaux de leur commune, car le maire est le premier responsable local élu pour garantir l’équilibre de sa commune et son avenir.

C’est pourquoi je voterai cette proposition de loi visant à faire du maire le président de la Caleol et à renforcer la représentation de la commune en son sein par la présence de six conseillers municipaux.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Bien entendu, les élus municipaux connaissent leur territoire. Ils connaissent les immeubles de leur commune, ils connaissent même parfois certaines cages d’escalier.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Parfois ?

M. Daniel Salmon. C’est une réalité, mais, pour notre part, nous préférons la décision collégiale. À notre sens, celle-ci garantit une plus grande équité et s’appuie sur des critères objectivables. La décision jupitérienne ne nous satisfait jamais.

Dans cet hémicycle, nous légiférons souvent pour éviter des dérives dans tel ou tel cas. Eh bien, j’ai l’impression qu’avec cette proposition de loi nous organisons de potentielles dérives. Je ne dis pas – on fait parfois trop de raccourcis ici – que ces dérives seront massives, mais il y en aura, c’est certain.

La crise du logement est une catastrophe annoncée, comme beaucoup d’autres catastrophes, mais le Gouvernement n’a fait que l’empirer. La vraie question est la pénurie de logements. Or je pense que cette proposition de loi n’apporte aucune solution, que ce soit en matière de sécurité publique ou pour résorber la pénurie de logements sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Jean-Claude Tissot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans la discussion générale, nous sommes favorables au fait de redonner des pouvoirs aux élus locaux au sein de la Caleol ; nous approuvons donc l’augmentation du nombre de conseillers municipaux appelés à y siéger. Toutefois, je crains que la présence effective et régulière d’un tel nombre de conseillers municipaux dans ces commissions ne suscite quelques difficultés d’organisation.

Le droit de veto a quant à lui suscité un débat au sein de notre groupe. Bien sûr, il faut se fonder sur le principe selon lequel tous les maires sont intègres. Pourtant, ce n’est pas toujours la réalité dans tous les territoires : il nous semble que certains maires risquent d’abuser de ce droit de veto.

Dans ces conditions, les membres de mon groupe s’abstiendront sur ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Je voudrais avant tout remercier d nouveau Mme la rapporteure et Mme la ministre. J’ai parfois été assez bruyante pendant vos interventions, madame la ministre ; n’y voyez qu’une expression de la fougue de ceux qui essaient de représenter nos maires et d’exprimer les difficultés auxquelles ils sont confrontés !

Je ne vais pas redire en détail ce que n’est pas cette proposition de loi. Je me suis déjà exprimée longuement sur ce sujet. Non, mes chers collègues, ce texte ne va pas résoudre le plus grave problème du logement : celui de la construction, de l’incitation à construire, qu’il s’agisse de logement en général ou de logement social.

Je veux également dire à ceux de nos collègues qui ont peur de la décision verticale du maire qu’un maire ne prend jamais une décision tout seul ! Jamais ! Avant de la prendre, il travaille avec ses services sociaux, avec son adjoint chargé de la politique sociale, avec le bailleur et avec l’État. Jamais un maire n’arrive dans un bureau et ne déclare : « C’est à lui que je vais donner ce logement. » C’est fini, ce genre de choses ! Ces pratiques ont peut-être eu cours à une autre époque, mais elles sont terminées : jamais un maire ne travaille tout seul. C’est pourquoi le poids, non pas du maire seul, mais de l’équipe municipale, me semble un élément extrêmement important.

Monsieur Savoldelli, je n’ai certes pas parlé de demandeurs de logement, mais j’ai parlé des gens, de ceux qui habitent dans ma commune, dans le Far West des Yvelines, et vont travailler à Aulnay-sous-Bois : deux heures de transport pour y aller, deux heures pour en revenir ! (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Pascal Savoldelli ironise.) Non, mes chers collègues, ce n’est pas du pipeau ! Je pourrais presque vous donner leurs noms : puisque les dossiers ne sont pas anonymisés, je les connais ; comme je les rencontre, comme ils viennent dans mon bureau pour me supplier de les aider à obtenir un logement à Aulnay-sous-Bois, je peux vous dire qui c’est ! Ces personnes dont les enfants sont perdus, parce qu’ils ont perdu leurs repères à l’école et que les parents passent quatre heures chaque jour dans les transports, j’en ai plein dans mon quartier ! Voilà ce que nous voulons éviter : nous voulons permettre l’intégration de toutes les populations, jusqu’aux plus modestes, dans nos communes.

Mme Audrey Linkenheld. L’intégration ?

Mme Sophie Primas. Je n’ai donc pas parlé de demandeurs de logement : j’ai parlé des gens, de leur réalité, de leurs difficultés !

M. Pascal Savoldelli. Pour vous, il n’y a pas de demandeurs de logement ! C’est factuel !

Mme Sophie Primas. Merci en tout cas pour ce débat intéressant, qui montre à quel point ce sujet est un sujet d’ampleur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous connaissez l’attachement de notre groupe à la commune et son engagement à donner du pouvoir aux élus, notamment aux maires. Pour autant, un pouvoir sans moyens, c’est comme une voiture sans essence : vous pouvez vous mettre au volant, vous n’avancerez pas d’un mètre ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

C’est exactement ce qui se passe avec ce texte : vous allez organiser la pénurie ou, plutôt, la gestion de la pénurie de logements.

M. Fabien Gay. La question fondamentale – Pascal Savoldelli y a insisté, tout comme nous –, c’est celle du budget. Redonnons-nous aux bailleurs les moyens de construire ou de rénover du logement ? Allons-nous, oui ou non, leur redonner les 10 milliards d’euros qui ont été volés en six ans par le pouvoir macroniste ?

Voilà la seule question qui vaille !

Une fois cette question résolue, si nous nous mettons en action et que nous construisons du logement massivement, puisque nous n’organisons pas la pénurie ou la gestion de la pénurie, nous pourrons avoir un autre débat et commencer à répondre aux besoins des demandeurs. Dans ce processus, le maire a une place, parce qu’il est acteur de la réponse à nos concitoyens et nos concitoyennes.

Vous l’aurez compris : pour nous, cette proposition tape à côté.

Par ailleurs – et c’est un débat de fond –, nous sommes fondamentalement en désaccord, non seulement sur le droit de veto, mais également sur la question du logement neuf, qui exclura de fait un certain nombre de publics, notamment les plus précaires. Certes, ce dernier point ne concerne que la première attribution, mais, comme les locataires quittent désormais leur logement social de plus en plus tard, ne pas permettre à tous les publics d’avoir accès au logement neuf les pénalisera encore plus dans leur parcours.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte.

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains, où lon fait valoir que le groupe GEST a déjà expliqué son vote par la voix de M. Daniel Salmon.)

M. Yannick Jadot. N’opposons pas la loi et les maires.

J’en suis convaincu, partout dans nos territoires, les maires travaillent à gérer au mieux les problèmes de leurs concitoyens et à faire en sorte que tout se passe pour le mieux. Pour autant, il existe aussi des maires, notamment les maires les plus actifs en matière de construction et d’attribution de logements sociaux, qui trouvent que le système de gouvernance actuel est bon, non pas parce que cela contraint leur exercice, mais parce qu’ils considèrent que détenir un droit de veto n’est pas un levier qui améliorera l’attribution des logements sociaux.

N’opposons pas les maires et le reste du monde. Notre débat n’est pas celui-là. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. Avez-vous été maire ?

M. Yannick Jadot. Notre débat porte sur la gouvernance au sein du processus d’attribution des logements sociaux. J’espère que, dans les discussions que nous aurons lors de l’examen du budget ou à d’autres occasions, nous donnerons ici, dans cette assemblée, des moyens pour la construction et de l’attribution de logements sociaux en masse. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour explication de vote.

Mme Viviane Artigalas. Comme je l’ai annoncé lors de la discussion générale, et les débats n’ont pas modifié notre position, nous ne voterons pas cette proposition de loi.

Comme l’a souligné notre collègue Fabien Gay, c’est d’abord en raison de la création d’un droit de veto, mais aussi en raison de la réservation des logements sociaux. Pour notre part, nous sommes davantage favorables à un travail en concertation en amont ; des outils existent déjà, ils peuvent être améliorés et développés. Nous devons y travailler. Les maires doivent être associées à cette concertation en amont des commissions d’attribution.

Cette proposition de loi aura au moins eu l’avantage de montrer que nous sommes tous d’accord sur ce constat. Depuis six ans, sur toutes les travées de cet hémicycle, nous disons que le logement est une bombe sociale. Nous voyons bien aujourd’hui toutes les limites de la politique de réduction des crédits, d’actions contre les bailleurs sociaux, de mise en place de la RLS, qui a entraîné la baisse des constructions de logements sociaux – toutes ces mesures prises par le Gouvernement que nous avons dénoncées.

Depuis six ans, les ponctions sur le logement social sont permanentes – pour ma part, j’évalue le montant de celles-ci à 11 milliards d’euros, plutôt qu’à 10 milliards. Cela explique que nous en soyons là aujourd’hui.

Évidemment, cette proposition de loi ne résoudra pas les problèmes. Il est donc important que nous ayons un débat de fond sur le logement. Madame la ministre, vous ferez passer ce message au ministre chargé du logement, dont, je le répète, nous regrettons aujourd’hui l’absence à l’occasion du premier débat de cette session sur ce sujet si important.

Il faudra qu’il vienne très rapidement devant notre assemblée nous exposer sa vision du logement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour explication de vote.

Mme Amel Gacquerre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voterons cette proposition de loi avec enthousiasme.

Je suis ravie que ce texte soit le premier inscrit à l’ordre du jour de nos travaux. En effet, comme beaucoup d’entre nous ici, je sors d’une campagne électorale et, s’il y a bien un message que les maires et les élus nous ont fait passer, c’est qu’on leur redonne le pouvoir d’agir.

Par conséquent, merci beaucoup et bravo ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. En guise de conclusion, je tiens à remercier très sincèrement Sophie Primas, auteur de cette proposition de loi.

Je remercie également le président du groupe Les Républicains, Bruno Retailleau, d’avoir inscrit en priorité ce texte à l’ordre du jour de nos travaux, dès l’ouverture et la reprise de nos travaux parlementaires. Cela montre l’intérêt de la droite et du centre, mais aussi de toutes les sensibilités politiques de cet hémicycle, pour la question du logement.

Depuis un certain nombre d’années, nous n’avons cessé de dire que le logement était la priorité numéro un. Malheureusement, ce n’était pas la priorité du Gouvernement. Depuis 2017, c’est-à-dire l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, cela ne l’a jamais été.

Le Sénat a le premier dénoncé la ponction faite sur les bailleurs sociaux au travers de la RLS. Bien évidemment, nous n’avons jamais pu en prévoir la suppression dans les projets de loi de finances successifs, car une telle mesure tombait sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Pour autant, nous avons à plusieurs reprises demandé que soit prévue une clause de revoyure – en vain.

Nous savions pertinemment que ce dispositif deviendrait définitif. Nos inquiétudes ont malheureusement été confirmées.

Amendement après amendement, nous avons également demandé la baisse de la TVA à 5,5 %.

Mes chers collègues, certains d’entre vous disent attendre de voir ce que fera la droite lors de l’examen du prochain projet de loi de finances. Vous avez déjà vu ce que la droite a été capable de faire au cours des discussions précédentes, à savoir dénoncer les coupes claires du Gouvernement en direction du monde du logement social et des bailleurs sociaux, lesquelles ont réduit toute capacité d’autofinancement.

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. Bien plus, nous considérons que le logement doit aujourd’hui être appréhendé dans sa globalité, toute la chaîne du logement.

Le débat qui a précédé l’examen de ce texte portait sur l’accession à la propriété, mais il faudrait également aborder un jour la question du logement privé. Comment donner aux bailleurs privés un véritable statut…

Mme Sophie Primas. Très bien !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. … afin d’assurer un rendement au logement locatif privé ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l’attribution des logements sociaux.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le rôle des maires dans l'attribution des logements sociaux
 

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Dossier législatif : proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires
Discussion générale (suite)

Sécurité des élus locaux et protection des maires

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 2 rectifié bis

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, présentée par M. François-Noël, Mme Françoise Gatel, M. Mathieu Darnaud, Mme Maryse Carrère, MM. Bruno Retailleau, Hervé Marseille, Jean-Claude Requier et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 648 [2022-2023], texte de la commission n° 8, rapport n° 7).

Dans la discussion générale, la parole est à M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François-Noël Buffet, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous penchons aujourd’hui sur un sujet malheureusement d’actualité, à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi visant à renforcer la sécurité des élus locaux et la protection des maires, texte que j’ai déposé au mois de mai dernier avec mes collègues Françoise Gatel, Mathieu Darnaud, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et Maryse Carrère et qui a été cosigné par plus de 200 de nos collègues.

Ce sujet, c’est évidemment celui des menaces et violences à l’encontre des élus locaux, plus particulièrement des maires, menaces et violences qui se sont multipliées cette année, comme en témoignent l’incendie volontaire – volontaire, je le répète ! – contre le domicile de Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, qui a démissionné depuis lors, ou encore l’attaque à la voiture bélier dirigée contre le domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun. D’autres maires ont également été victimes de violences et de menaces.

Ces violences exercées à l’encontre des élus sont insupportables, nous sommes tous d’accord sur ce point. D’ailleurs, le Sénat est, de longue date, très attentif à ce que les élus locaux, particulièrement les maires, reçoivent la protection qui leur est due dans le cadre de leur mandat.

Face à l’accroissement des violences à l’encontre des élus, la commission des lois du Sénat a engagé, à la suite du tragique décès du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel, au mois d’août 2019, plusieurs travaux afin de quantifier ces phénomènes et d’y apporter des réponses concrètes et opérationnelles. Son Plan d’action pour une plus grande sécurité des maires, présenté par Philippe Bas en 2019 et adossé à une consultation nationale des élus locaux, a permis de mettre en lumière l’ampleur des incivilités et des violences dirigées contre les élus.

De premières avancées ont été traduites dans la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite Engagement et proximité, notamment grâce au travail de Françoise Gatel et Mathieu Darnaud. D’autres initiatives sénatoriales ont suivi, notamment la proposition de loi de Nathalie Delattre visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression.

Au mois de mars dernier, j’ai proposé à la commission des lois de lancer un cycle d’auditions sur les agressions visant les élus locaux, après l’agression du maire de Saint-Brevin-les-Pins. Ces travaux nous ont permis d’objectiver le malaise ressenti par les élus municipaux, qui se manifeste par un triple effet : d’abord, une baisse des candidatures aux élections municipales, déjà observée entre 2014 et 2020, posant les ferments d’une crise de la démocratie locale sans précédent ; ensuite, la croissance depuis 2020 du nombre de démissions d’élus municipaux ; enfin, le malaise grandissant des maires, accompagné d’un sentiment d’abandon, que nous constatons tous dans nos échanges quotidiens avec eux. Nous avons tous pu le constater encore récemment à l’occasion de la campagne électorale qui vient de se dérouler ou lors des entretiens réguliers que nous avons avec ces élus.

Le constat est sans appel : si les élus locaux, singulièrement les maires, doivent bénéficier à tout moment de la protection effective de notre République, celle-ci est aujourd’hui largement perfectible.

C’est pourquoi nous avons déposé cette proposition de loi, en nous fixant un double objectif : protéger les élus locaux dans l’exercice de leurs mandats et améliorer leur accompagnement par les acteurs judiciaires et étatiques chargés des élus victimes.

Cette proposition est articulée autour de trois axes visant à renforcer la sécurité des élus locaux : premièrement, renforcer l’arsenal répressif ; deuxièmement, améliorer la prise en charge des élus victimes de violences, agressions ou injures dans le cadre de leur mandat ou d’une campagne électorale ; troisièmement, opérer un changement de culture au sein du monde judiciaire et des acteurs étatiques dans la prise en compte des violences commises sur les élus.

S’agissant du premier axe, il importe que les agressions et violences commises sur les élus locaux soient plus sévèrement sanctionnées. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé d’aligner les peines encourues en cas de violences commises sur les élus locaux sur le régime existant pour les dépositaires de l’autorité publique que sont les policiers ou les gendarmes. Nous souhaitons également créer une peine de travail d’intérêt général en cas d’injure publique proférée à l’encontre des élus locaux ou personnes dépositaires de l’autorité publique. Nous voulons aussi renforcer les sanctions encourues en cas de harcèlement, notamment en ligne, des élus locaux. L’augmentation des faits de cyberharcèlement des élus locaux est une réalité qui ne cesse malheureusement de croître, qui est difficilement réprimée et contre laquelle il faut à tout prix lutter.

Au titre du deuxième axe, nous proposons de simplifier l’octroi de la protection fonctionnelle pour les maires en rendant cette protection automatique afin d’éviter qu’un maire ou un adjoint au maire ait à en faire la demande à son conseil municipal. De surcroît, il paraît nécessaire d’imposer la prise en charge par l’État des coûts de couverture assurantielle pour la protection fonctionnelle pour les communes de moins de 10 000 habitants et de ne pas laisser cette charge à leur seul budget.

Enfin, les élus locaux bénéficiant de la protection fonctionnelle ne doivent pas avoir à s’acquitter du reste à charge ou de dépassements d’honoraires. Il convient donc d’améliorer la couverture de ces frais d’avocat en garantissant un reste à charge égal à zéro.

De la même manière, afin de garantir, dans un contexte de crise des vocations électorales, l’engagement des citoyens dans les campagnes électorales et de permettre à chacun d’être candidat aux élections sans craindre pour sa sécurité, nous avons proposé l’institution d’un droit à la protection fonctionnelle pendant la campagne électorale pour les candidats, protection qui serait prise en charge par l’État. Celle-ci serait complétée par une prise en charge des dépenses des candidats pour leur sécurité. Nous y reviendrons certainement lors de la discussion des articles.

Enfin, l’amélioration de la protection des élus locaux passe également par l’accès à une couverture assurantielle adaptée et robuste pour les risques liés à leur mandat.

J’en viens au dernier axe. Nous souhaitons provoquer un profond changement de culture au sein du monde judiciaire et des acteurs étatiques dans la prise en compte des réalités des mandats électifs locaux.

Le double caractère d’agent de l’État et de justiciable des maires les place successivement, voire simultanément, comme partenaires privilégiés du ministère public, mais aussi comme justiciables, qu’ils soient mis en cause ou victimes dans le cadre de l’exercice de leur mandat.

Au surplus, les maires signalent régulièrement des faits ou comportements au procureur de la République et se retrouvent, sans être accompagnés, responsables d’assurer la communication des décisions judiciaires auprès de leurs administrés.

En conséquence, nous proposons de créer un mécanisme de dépaysement d’office des affaires lorsqu’un élu est mis en cause, afin d’éviter qu’il ne se retrouve mis en cause et pris en charge comme victime par le même procureur de la République.

Par ailleurs, il est primordial de mieux informer les maires et de faciliter leur compréhension des décisions judiciaires. C’est pourquoi nous prévoyons qu’ils soient informés dans un délai suffisamment bref – un mois – de ce que devient leur plainte : classement sans suite ou poursuite de la procédure. Il faut qu’ils sachent ce qui se passe.

Enfin, l’idée selon laquelle le procureur de la République puisse, à la demande du maire, s’exprimer dans le bulletin municipal fait débat. Il s’agit non pas d’évoquer les sujets concernant la commune, mais d’exposer les grandes lignes d’une politique pénale afin de permettre à nos concitoyens de mieux comprendre les situations. C’est un point assez nouveau, mais qui me paraît intéressant pour l’information du grand public. Évidemment, personne ne connaît le procureur de la République en dehors de circonstances judiciaires – c’est ce que je souhaite à chacun d’entre nous. Il est donc utile que la population puisse identifier cet acteur et comprendre son travail.

Encore récemment, ce qui, moi, m’a le plus surpris dans les relations qui existent – ou qui n’existent pas, d’ailleurs – entre le monde judiciaire ou le monde préfectoral et les maires, c’est que, malgré des situations locales signalées d’actes de violence ou de menaces, que celles-ci soient cyber ou physiques, nombre d’élus n’ont pas de contact avec le procureur de la République ou le substitut, quelquefois même pas avec le préfet de leur département.

M. François-Noël Buffet. Ce n’est pas une généralité : certains préfets, certains procureurs de la République ou leurs substituts accomplissent parfaitement leur travail et sont en contact très régulier avec les élus quand une difficulté surgit ; dans ce cas, tout se passe bien.

Ce texte est fait pour ceux qui ne les voient jamais ou qui n’ont jamais de contact avec eux. Il faut donc impérativement que, dans la culture judiciaire comme dans la culture préfectorale, même si c’est un peu différent, ce contact puisse devenir naturel et simple.

Comme le dit notre président, les maires sont en permanence « à portée de baffe ». Cette réalité, nous l’avons tous vécue, puisque la plupart d’entre nous ont été maires. Parce qu’ils sont seuls, les maires ont besoin de nouer ce lien avec le procureur ou le préfet pour expliquer leur situation et, surtout, que celle-ci soit prise en compte.

C’est donc pour ceux qui sont éloignés de tout et qui ne savent pas grand-chose des plaintes qu’ils ont pu déposer qu’il faut que nous puissions renforcer cette protection.

Mon témoignage, c’est aussi le vôtre, mes chers collègues. J’ai exercé pendant vingt ans les fonctions de maire dans une commune de la banlieue de l’agglomération lyonnaise : j’ai connu des moments difficiles – costauds, pourrais-je dire – avec des citoyens, mais pas tant que cela. Je me souviens de deux ou trois situations particulièrement tendues, mais elles n’ont jamais atteint le niveau de violence que vivent aujourd’hui nos collègues maires.

Depuis cinq ans, les rapports ont changé. La violence est devenue quotidienne et elle est par ailleurs débridée. Il faut que cela cesse.

Ce texte ne résoudra pas tous les problèmes de cette nature, mais il apportera à tout le moins un soutien bien utile et bien nécessaire à l’ensemble des élus, des maires et des adjoints, qui ont en charge la responsabilité de nos communes et de nos territoires. Voilà dans quel état d’esprit j’ai rédigé ce texte avec mes collègues cosignataires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé aujourd’hui, en ce premier jour de débats en séance publique, à traiter d’un sujet particulièrement important pour la démocratie locale et que je sais cher à chacun d’entre nous : la protection des élus locaux et la sécurité des maires.

L’actualité nous rappelle régulièrement à quel point ces violences se multiplient et montent en intensité, comme en témoignent la tragique attaque à la voiture bélier dirigée contre le domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses ou l’incendie volontaire du domicile et des véhicules du maire de Saint-Brevin-les-Pins, lequel a depuis lors démissionné.

Ces événements ont mis en pleine lumière les violences auxquelles les élus locaux, en particulier les maires, sont confrontés dans l’exercice quotidien de leur mandat.

Si ces récents drames marquent le franchissement d’un cap, ils ne constituent pourtant que la partie visible d’un phénomène plus latent et en pleine expansion.

Selon les derniers chiffres publiés par le ministère de l’intérieur, près de 2 265 plaintes ou signalements pour des faits de violence verbale ou physique à l’encontre des élus ont été recensés en 2022, soit une hausse de 32 % par rapport à l’année précédente.

D’après les données qui m’ont été transmises par la direction générale de la police nationale, dans près de trois quarts des cas, ce sont les maires qui sont visés. Plus de 12 % de ces faits constituent des violences physiques, tandis que les atteintes par paroles et écrits en représentent 76 %.

Je tiens à rappeler ici que ces violences sont évidemment intolérables.

La République ne peut donc rester sans réaction face à ces actes qui mettent en danger la sécurité des élus locaux et de leurs proches et notre pacte républicain : l’agression d’un maire, c’est une attaque contre la République.

Toutefois, face aux violences et aux agressions, les maires se sentent bien souvent trop seuls et déplorent l’inaction des acteurs étatiques et judiciaires. Force est de constater que, si les élus locaux, singulièrement les maires, doivent bénéficier à tout moment de la protection effective de notre République, celle-ci est aujourd’hui largement perfectible.

Les conséquences de ces violences ne peuvent plus être négligées par le Gouvernement. Comme l’ont montré les travaux de la mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France, dont Mathieu Darnaud a été le rapporteur, les violences envers les élus constituent une véritable menace pour notre démocratie locale en ce qu’elles risquent d’alimenter la vague de plus en plus importante des démissions d’élus municipaux et de provoquer une érosion des vocations électorales.

M. François Bonhomme. Cela a commencé !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. En effet.

Face à l’urgence de la situation et pour pallier l’inaction du Gouvernement, François-Noël Buffet, Françoise Gatel, Mathieu Darnaud, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et Maryse Carrère ont déposé au mois de mai une proposition de loi, cosignée par plus de 200 de nos collègues. Elle contient de quatorze mesures concrètes et opérationnelles pour améliorer la protection des élus locaux.

En dépit de multiples travaux sénatoriaux conduits depuis 2019, notamment par la commission des lois, concluant à la nécessité d’un renforcement de la protection des élus locaux, nous ne pouvons que déplorer que le Gouvernement ait tardé à prendre toute la mesure d’un phénomène dont l’ampleur croît pourtant chaque année et, par conséquent, à agir afin de l’enrayer.

Je salue donc le travail de fond que nous, sénateurs, avons continué de mener et me réjouis qu’aujourd’hui nous puissions, ensemble, faire œuvre utile en la matière.

Sur le fond, la commission des lois ne pouvait qu’accueillir favorablement ce texte, qui répond à un constat qu’elle a elle-même dressé depuis 2019 avec le Plan d’action pour une plus grande sécurité des maires réalisé par Philippe Bas, à la suite du tragique décès du maire de Signes et, plus récemment encore, avec le cycle d’auditions lancées par François-Noël Buffet à la suite de la démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins.

Ce texte vient combler des vides existants en matière de protection des élus locaux, mais également des candidats à un mandat électif public, dénoncés unanimement par les associations représentatives d’élus que j’ai auditionnées.

C’est pourquoi la commission a approuvé, sur leur principe, l’ensemble des quatorze mesures du texte, qui visent à renforcer l’arsenal répressif en cas de violences commises sur des élus ou des candidats, à améliorer la protection dont ils disposent ou à renforcer les liens entre les maires et les procureurs. Elles ont également été unanimement saluées par les associations d’élus locaux auditionnées au cours de mes travaux.

Ces mesures apportent une première réponse aux difficultés que rencontrent les élus locaux, singulièrement les maires, dans l’exercice quotidien de leur mandat pour assurer leur sécurité et leur intégrité. La commission a ainsi adopté huit des quatorze articles du texte sans modification.

S’agissant des mesures restantes, les membres de la commission des lois se sont attachés à améliorer le texte dans quatre directions.

En premier lieu, il est apparu nécessaire d’étendre le bénéfice de plusieurs des dispositifs proposés à de nouvelles catégories d’élus ou aux candidats aux élections locales, le champ d’application initial de certaines mesures semblant inutilement restrictif.

À ce titre, nous avons souhaité permettre aux candidats déclarés aux élections locales de saisir le bureau central de tarification pour assurer les lieux dans lesquels ils organisent des réunions électorales et d’étendre les modifications apportées aux réunions des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD), lorsque les élus les ont constitués.

Par ailleurs, nous avons rendu automatique le bénéfice de la protection fonctionnelle pour l’ensemble des élus, à savoir les maires, les adjoints au maire et les conseillers municipaux ayant reçu délégation, ainsi que les exécutifs régionaux et départementaux.

En deuxième lieu, nous avons été particulièrement vigilants à l’opérationnalité des mesures proposées, tant les élus attendent des réponses efficaces et simples à leurs difficultés quotidiennes. C’est pourquoi nous avons précisé les dispositions visant à élargir le bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats pour qu’elles ne s’appliquent qu’à une période de six mois avant le scrutin et aux seuls élus dont la menace sur leur sécurité est établie.

En complément, nous avons confié la responsabilité de l’instruction desdites demandes de remboursement à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Enfin, compte tenu des délais de déploiement des mesures prévues par cet article, il nous a semblé nécessaire de reporter l’entrée en vigueur de celles-ci à un an après la promulgation de la loi, comme nous l’ont suggéré les services du ministère de l’intérieur.

Dans le même état d’esprit, tout en maintenant le principe d’un dépaysement automatique des affaires mettant en cause, comme auteur, tout élu, nous avons, rétabli la faculté offerte au procureur de la République de dépayser les affaires dans lesquelles un élu serait victime.

En troisième lieu, certains dispositifs nous ont semblé devoir être mieux encadrés pour ne pas grever de manière disproportionnée les budgets communaux.

C’est pourquoi nous avons restreint le principe du « reste à charge zéro » aux seuls dépassements d’honoraires médicaux et psychologiques.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Enfin, il nous est apparu utile de renforcer la proposition de loi sur deux points, en introduisant deux mesures complémentaires que les élus locaux appelaient de leurs vœux.

Nous avons – et c’était une volonté partagée par nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain – allongé les délais de prescription de trois mois à un an pour les délits d’injure et de diffamation publiques lorsque ces délits sont commis sur les personnes dépositaires de l’autorité publique, et singulièrement sur des élus locaux.

Les élus locaux sont encore trop souvent confrontés à l’inadaptation de ces délais aux évolutions technologiques qui non seulement permettent la persistance de la diffusion de tels contenus dans l’espace public, mais surtout en facilitent l’accessibilité.

Nous avons également introduit une nouvelle circonstance aggravante en cas d’atteinte à la vie privée et familiale d’un candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale, afin de prendre en compte la crise des vocations électorales et l’aggravation des violences commises à l’encontre des élus locaux.

Ce travail d’amélioration rédactionnelle et d’enrichissement du texte demande à être précisé sur deux points aujourd’hui ; c’est pourquoi je vous proposerai deux amendements de clarification rédactionnelle.

Cette proposition de loi ne permettra pas, à elle seule, de répondre à l’ensemble des difficultés et des violences auxquelles font face les élus locaux, et singulièrement les maires, mais elle constitue une étape importante dans l’amélioration de la protection des élus locaux.

Il nous faudra encore réfléchir à la question du statut de l’élu ainsi qu’au phénomène aujourd’hui répandu des recours abusifs, qui permettent à une minorité de miner les actions d’équipes municipales tout entières. Un autre grand chantier nous attend, mais il requiert une réforme spécifique et d’ampleur, tant il aura des conséquences sur le quotidien des élus : je veux parler des conflits d’intérêts et de la prise illégale d’intérêts, sujet soulevé par la commission des lois.

Mes chers collègues, je conclurai ce propos en remerciant les auteurs de la proposition de loi pour leur travail, qui pourra, je le crois, nous réunir par-delà nos divergences politiques pour améliorer la protection des élus locaux.

En effet, face aux grands défis de la démocratie locale, à commencer par la protection des élus locaux, le Sénat a toujours fait preuve de responsabilité et de pragmatisme. Dès 2019, à la suite du décès du maire de Signes, il a pris l’initiative de plusieurs évolutions législatives qui ont permis de renforcer considérablement la protection des élus locaux, sans pour autant bénéficier d’un plein soutien du Gouvernement.

Si celui-ci semble aujourd’hui soutenir cette initiative et si toutes ces mesures vont dans le bon sens, les évolutions législatives ne sauraient suffire en la matière. J’appelle donc le Gouvernement, madame la ministre, à assurer la pleine et juste application de celles-ci et à engager un changement profond de culture des acteurs judiciaires et étatiques, qui ne peuvent plus rester passifs face à ces phénomènes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Françoise Gatel ainsi que MM. Pierre Jean Rochette et Daniel Chasseing applaudissent également.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, cher François-Noël Buffet, madame la rapporteure, chère Catherine Di Folco, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier très sincèrement et très solennellement le Sénat pour le travail fourni sur le sujet crucial de la lutte contre la violence faite aux élus locaux.

Nous avons échangé ensemble à de multiples reprises, mais je tiens d’emblée à rompre tout suspense : non seulement le Gouvernement est très favorable à la grande majorité des mesures portées par cette proposition de loi, mais, surtout, il considère cette proposition de loi comme une pierre angulaire de la lutte contre les violences faites aux élus, au même titre que le plan national de prévention et de lutte contre les violences faites aux élus, que j’ai eu l’honneur d’annoncer au début de juillet 2023.

Le phénomène des violences contre les élus est un véritable fléau dans notre société moderne. S’en prendre à un élu, c’est s’en prendre à la République, et il était important que nous arrivions à un consensus transpartisan sur cette question. L’état d’esprit dans lequel nous abordons l’examen de cette proposition de loi nous montre que c’est le cas, et nous ne pouvons que nous en féliciter collectivement.

Votre proposition de loi comporte des avancées législatives majeures, qui viendront compléter les mesures que nous avons déjà prises.

À la suite des événements de Saint-Brevin-les-Pins, sous l’autorité de la Première ministre et du ministre de l’intérieur et des outre-mer, en lien également avec le garde des sceaux, j’ai annoncé le 17 mai dernier différentes mesures pour mieux protéger les élus.

Le dispositif repose notamment sur la mise en œuvre d’un « pack sécurité » s’appuyant sur la création d’un réseau de plus de 3 400 référents « atteintes aux élus » dans toutes les brigades de gendarmerie et les commissariats, afin que les élus aient un point de contact privilégié pour parler des menaces, cybermenaces, violences et cyberviolences dont ils font l’objet, que leur situation soit connue et que nous puissions agir.

Le renforcement du dispositif « alarme élu », qui permet aux élus qui se sentent menacés de se manifester auprès de leur commissariat ou de leur gendarmerie, a permis à plus de 3 500 maires de se signaler depuis le 17 mai.

Le développement de nouvelles sessions de sensibilisation à la gestion des incivilités et à la désescalade de la violence, dispensées par le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et le Raid, à l’attention des élus, en lien étroit avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), donne également satisfaction.

La mobilisation de la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos), pour mieux détecter et judiciariser les violences en ligne, nous a par exemple permis de retirer des contenus postés sur la plateforme YouTube par le militant identitaire Papacito.

Nous avons aussi amplifié la démarche « d’aller-vers » des forces de l’ordre, pour permettre aux élus locaux de déposer une plainte quand ils le souhaitent et où ils le souhaitent.

J’ai également tenu à ce que soit mis en œuvre le principe « une menace, une évaluation », pour que les forces de sécurité intérieure évaluent finement la menace et que les préfets puissent décider, le cas échéant, de mesures de protection.

Ces mesures sont mises en œuvre par les policiers et les gendarmes, mais, au niveau national, j’ai souhaité que puisse être créé un centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus, qui fonctionne grâce à un tandem constitué d’un sous-préfet et d’un gendarme, se consacrant à temps plein à la coordination des milliers de policiers et gendarmes œuvrant pour la sécurité de nos élus.

Ce centre a notamment pour objectif de mieux comprendre le phénomène et à examiner les situations individuelles sensibles afin de vérifier la mise en place, au niveau déconcentré, des mesures adaptées pour protéger les élus. Je veux que nous ne passions à côté d’aucune situation problématique, et nous devons prendre en charge chacune de ces situations avec humanité.

Nous devons surtout aller plus loin en matière de réponse pénale et judiciaire. Là encore, votre proposition de loi, en alourdissant les sanctions, permet une avancée que nous appelions très clairement de nos vœux.

Elle viendra compléter les mesures que nous avons prises récemment pour mobiliser les parquets. Dans une circulaire conjointe signée par le ministre de l’intérieur et des outre-mer, le garde des sceaux et moi-même, diffusée avant l’été, qui s’adresse en même temps aux parquets et aux préfets, nous demandons aux procureurs de mettre en place un traitement priorisé des procédures concernant les atteintes sur les élus et nous demandons une réponse pénale systématique, ferme et rapide.

Cette circulaire demande plus précisément que la voie du défèrement soit privilégiée, au regard de la nature des faits et de la personnalité du mis en cause, afin de permettre le prononcé d’une mesure de sûreté destinée notamment à prévenir toute réitération à l’encontre de la victime.

On observe déjà une amélioration de la réponse pénale au premier semestre 2023 par rapport à l’année dernière : la part des mis en cause remis en liberté est passée de 52 % en 2022 à 46 % en 2023.

Plus largement, le plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus, que j’ai annoncé au début de juillet, trouve une partie de sa matérialisation dans votre proposition de loi.

Ce plan cherche en effet à agir sur quatre axes : la protection juridique et fonctionnelle ; la sécurité physique des élus et l’accompagnement psychologique ; la réponse judiciaire ; et les relations entre les maires et les parquets.

De très nombreux points nécessitaient toutefois de modifier la loi, pour renforcer la protection fonctionnelle, améliorer sa prise en charge financière, et pour alourdir les sanctions pénales. Sur tous ces points, je le redis, votre travail a été absolument décisif.

Le Gouvernement est favorable, dans leur principe, à l’ensemble des mesures portées par cette proposition de loi en matière pénale, y compris celles que vous avez adoptées en commission. Il est également favorable à la très grande majorité des mesures visant à accompagner les élus victimes, ou à renforcer la prise en compte des réalités des mandats électifs locaux par les acteurs judiciaires et étatiques.

Sur tous ces enjeux essentiels, je ne puis que me féliciter du fait que nous arrivions à travailler de façon apaisée et consensuelle.

Je ne vous proposerai que deux amendements d’ordre technique, l’un visant à assurer l’effectivité du nouveau mécanisme de protection fonctionnelle que vous prévoyez, l’autre supprimant une disposition déjà prévue par le projet de loi finances pour 2024.

En tout cas, je vous félicite de cette démarche, qui est un exemple de coopération entre le Sénat et le Gouvernement, dont nous pouvons tous nous réjouir ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 5 août 2019, Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, mourait dans l’exercice de son mandat à cause d’un dépôt sauvage de gravats. Le 17 mai 2023, Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, démissionnait à la suite de la tentative d’incendie de sa maison. Le 2 juillet 2023, Vincent Jeanbrun, maire de L’Haÿ-les-Roses, voyait sa maison, où dormait sa famille, attaquée par une voiture bélier incendiaire.

À ces agressions extrêmes, chacun de nous ici peut ajouter les noms et les visages des élus de nos départements qui ont été, eux aussi, meurtris dans leur chair et leur cœur, si blessés et déstabilisés qu’ils jettent l’éponge.

À tous ces élus engagés pour servir, à leurs familles solidaires de leur engagement, je dis mes pensées les plus fraternelles. Le Sénat, comme l’ont rappelé François-Noël Buffet et Catherine Di Folco, n’a cessé, depuis 2019, avec conviction, constance et détermination, de rappeler l’urgence qu’il y a à sécuriser les élus dans leur engagement. Je pense à l’initiative de Philippe Bas en 2019, aux rapports sur la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, au travail de Marc-Philippe Daubresse sur la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, à la proposition de loi de Nathalie Delattre ou à la mission conduite par Maryse Carrère et Mathieu Darnaud.

Je salue à présent la proposition de loi déposée par François-Noël Buffet et ses collègues et le travail de très grande qualité de la rapporteure Catherine Di Folco.

Mes chers collègues, les violences constituent une grave menace, qui plane sur notre démocratie comme un vautour. Elles alimentent une vague impressionnante de démissions et provoquent une érosion des vocations.

Rappelons quelques chiffres : aux élections municipales de 2014, 80 communes n’avaient pas de candidat ; en 2021, ces communes étaient 106. Depuis 2020, plus de 13 000 élus ont jeté l’éponge en démissionnant, et 63 % des élus municipaux déclarent avoir été victimes d’incivilités ou d’agressions.

Nous ne pouvons simplement continuer, madame la ministre, à encenser les élus locaux, à dire qu’ils sont les essentiels de la République et de la démocratie. L’honneur, le devoir, la survie de la République et de la démocratie nous obligent – et vous obligent, madame la ministre – à agir.

Je réjouis donc de cette proposition sénatoriale, qui s’articule autour de trois axes, de manière pragmatique et très opérationnelle.

Le premier axe consiste à renforcer l’arsenal répressif en consacrant la fonction de dépositaire de l’autorité publique ; le deuxième, à améliorer, y compris financièrement, la prise en charge des élus victimes de violences dans le cadre de leur mandat ou d’une campagne électorale ; et le troisième prend en compte la réalité des mandats électifs locaux par les acteurs judiciaires et étatiques, qui sont encore, pour certains, trop distants, éloignés et, parfois encore, disons-le, méfiants. La justice ne peut rester passive face à ce phénomène d’ampleur à haut risque pour notre démocratie et la cohésion sociale.

C’est pourquoi, madame la ministre, les initiatives nouvelles d’organisation de rencontres entre les procureurs et les élus, la formation des élus par des gendarmes du GIGN à la gestion des conflits sont d’excellentes choses. Je rappelle – à tout seigneur, tout honneur ! – que ce sont des propositions sénatoriales. Nous sommes ravis qu’elles soient mises en œuvre.

Soyons clairs : ce texte vise à traiter la fièvre de l’irrespect et de la violence. Mais n’oublions pas que la fatigue, l’épuisement, le découragement des élus trouvent aussi leurs causes dans la boulimie normative qui atrophie et paralyse l’action publique, tout comme dans leur solitude des élus face à cette complexité.

Le Sénat et le Gouvernement se sont engagés au printemps, madame la ministre, pour une meilleure fabrique de la loi, avec un peu plus de simplification. Nous serons extrêmement attentifs à la mise en œuvre de ces engagements, essentielle pour garantir le pouvoir d’agir des élus.

Nous le savons, notre démocratie s’enorgueillit – avec raison – de l’engagement de centaines de milliers de citoyens dans des mandats locaux. Nous ne sauverons cet engagement que si nous le facilitons véritablement par une évolution du statut de l’élu.

Madame la ministre, je salue l’accueil de ce texte par le Gouvernement, qui est une sorte d’hommage au Sénat – à condition qu’on aille au bout de cette affaire. Pour sauver ce qu’en biodiversité on appellerait une espèce menacée, il vous appartient, madame la ministre, de confirmer ici sans faiblesse votre détermination, en levant le gage de l’article 40 de la Constitution sur l’élargissement de la protection fonctionnelle à l’ensemble des élus municipaux, car, même sans délégation, ils incarnent aussi dans la plus grande des proximités, l’autorité.

Prenons garde de décourager ceux qui s’engagent pour être conseillers municipaux, car ces élus se sentent parfois à deux vitesses, et je pense que nous risquons d’aboutir à un décalage extrêmement préoccupant.

Les élus municipaux sont, chaque jour, d’une manière très discrète, les ouvriers de la première et de la dernière heure. Au quotidien, ils participent à la préservation du lien social et à la mise en œuvre de politiques publiques. Ils sont, dans l’ombre, les artisans des valeurs de la République. Nous l’avons vu tout à l’heure encore en parlant du logement.

Je forme un vœu que, je suis sûre, nous partageons tous : puisse cette proposition de loi prospérer et contribuer à ce que, demain, des hommes et des femmes continuent à avoir envie de s’engager. C’est la conviction du groupe Union Centriste qui, vous l’avez deviné, votera ce texte sans réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons, en ce début de mandat – à tout le moins, pour certains d’entre vous – pour exercer un rôle essentiel de notre assemblée : la représentation des territoires.

De nombreux travaux de notre assemblée montrent le besoin d’un renouveau de la démocratie locale, le besoin de redonner aux élus locaux leur pouvoir d’agir dans de bonnes conditions, le besoin de conforter leur rôle essentiel de proximité auprès de nos concitoyens, et la nécessité de revitaliser l’engagement citoyen.

À ce titre, notre groupe a toujours activement soutenu les réflexions sur le sujet, et a aussi proposé des solutions permettant de désamorcer les tensions existant entre élus et citoyens qui, parfois, entraînent des dérives violentes inacceptables.

Notre groupe soutient l’action des élus locaux et s’associe à l’ensemble des propositions qui pourraient octroyer à ceux-ci une plus grande protection et un meilleur accompagnement dans leur engagement.

Ils sont souvent non indemnisés, ou peu indemnisés, et la nécessité de concilier leur mandat avec leur vie professionnelle et personnelle peut réduire le temps qu’ils peuvent consacrer à leur implication envers leur territoire.

Nous nous associons à la demande d’un réel statut de l’élu, plus protecteur, tout comme nous demandons le développement de moyens concrets d’accompagnement pour améliorer, par exemple, la parité et la diversité des profils : jeunes, femmes, parents, actifs, etc. La crise de confiance et la crise de l’engagement sont profondément liées.

La présente proposition de loi ne résoudra pas ces crises, mais nous l’accueillons avec grand intérêt, car elle a pour but de développer la protection fonctionnelle des élus. Nous sommes plus circonspects sur l’aggravation des peines encourues, qui ne saurait être une solution directe.

Vous le savez, les budgets de nos collectivités sont en souffrance : inflation, non-compensation, lisibilité pluriannuelle limitée, etc. C’est pourquoi nous saluons la volonté de permettre à l’État de compenser les coûts de couverture assurantielle liés à la protection fonctionnelle.

Les périodes de campagne électorale sont propices au déclenchement de violences. Il est donc bienvenu que ce texte permette aux candidats déclarés d’être couverts par le mécanisme de protection fonctionnelle.

Enfin, nous ne pouvons que soutenir les dispositifs liés à la facilitation des relations avec les acteurs judiciaires, et un équilibre nécessaire a été trouvé avec le dépaysement d’office des affaires dont l’élu serait le mis en cause.

Notre groupe proposera plusieurs améliorations à ce texte afin d’inclure les collaborateurs d’élus, souvent exposés aux mêmes agressions que ces derniers. Nous sommes attentifs à l’ensemble des territoires, et notre collègue Paulu Santu Parigi proposera d’adapter ces dispositions aux élus territoriaux de Corse – y compris au président du conseil exécutif de Corse et au président de l’Assemblée de Corse.

Nous saluons et soutenons de manière générale les mesures inscrites dans cette proposition de loi, d’autant qu’elles ont été améliorées en commission, grâce au travail de la rapporteure.

Pour autant, nous sommes très attentifs à ce que ce renforcement de la protection des élus ne puisse être perçu comme une mesure inéquitable, accroissant le fossé entre élus et citoyens.

Il est essentiel d’encourager et accompagner les dépôts de plainte pour violences envers les élus, car il est essentiel d’encourager et d’accompagner les dépôts de plainte pour l’ensemble des violences, qu’il s’agisse de violences au travail, de violences sexistes, sexuelles ou autres.

Nous devons continuer à nous interroger et à lutter contre le sentiment d’être perdu face au parcours du combattant qu’impose la judiciarisation des actes subis par les victimes.

Nous sommes très attentifs à ce qu’en aucun cas il ne paraisse y avoir une justice à deux vitesses, et continuerons, notamment lors des discussions budgétaires, à prôner un réel renforcement du service public qu’est la justice et une meilleure utilisation des moyens en ce sens.

Je tiens de nouveau à saluer l’action des élus locaux, si souvent « à portée de baffes », comme l’a dit François-Noël Buffet, et qui tentent d’agir au quotidien.

Mais nous ne sommes pas dupes : ces violences contre les élus, aussi inacceptables et injustifiables soient-elles, s’inscrivent dans la perception d’un fossé entre la politique et le citoyen, la fin de la croyance d’une gouvernance pour l’intérêt commun, le sentiment accru d’une déconnexion entre la volonté citoyenne et l’action du politique, entre la vie au quotidien et notre capacité à la modifier.

La montée des violences trouvera aussi une réponse au travers d’un développement plus important de la démocratie locale. Attelons-nous ensemble à imaginer et initier des référendums citoyens, des budgets citoyens, des implications citoyennes bien en amont des décisions.

Alors que s’ouvrira sous peu la discussion sur le projet de loi Immigration, comment ne pas évoquer les intimidations, menaces et violences subies par les élus de Callac et de Saint-Brevin-les-Pins à propos de l’accueil des réfugiés ?

L’arrivée de plus en plus d’élus issus du mouvement écologiste montre que ces derniers ne sont pas moins la cible de menaces et de violences que d’autres. Ainsi, un communiqué officiel d’une chambre d’agriculture comportait la phrase « Ne venez pas chez nous, ça va mal se passer », adressée à la secrétaire générale du parti Europe Écologie – Les Verts, Marine Tondelier.

Pour toutes ces raisons, et conscient des risques et limites de cette proposition de loi, notre groupe, espérant pouvoir améliorer encore plus un texte nécessaire, la votera.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout en remerciant François-Noël Buffet d’avoir déposé cette proposition de loi, je crois que nous pouvons dire qu’elle n’est pas l’alpha et l’oméga de la solution à un problème qui est conjoncturel dans notre société : la montée de la violence, la remise en cause de toute forme d’autorité et de celles et de ceux qui l’incarnent, et plus particulièrement les violences exercées envers les élus – sujet qui nous rassemble ce soir.

Permettez-moi d’avoir d’abord un mot pour les élus des communes de Rosier-Côtes-d’Aurec, de Saint-Alban-les-Eaux, de Montbrison, de Chirassimont et tant d’autres dans mon département de la Loire, où les maires, les adjoints, les élus municipaux ont été victimes ces dernières années de violences dans l’exercice de leur mandat.

Cette proposition de loi prend la suite d’un certain nombre de nos travaux, commencés ici en août 2019. Le Sénat a lancé une grande consultation nationale, sous l’égide de la commission des lois, à la suite du décès du maire de Signes, Jean-Matthieu Michel, et, plus récemment, a constitué une mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France, présidée par Maryse Carrère et dont le rapporteur était Mathieu Darnaud.

Je crois que ce texte répond surtout à une actualité, à des problèmes de plus en plus récurrents, comme le rappelait François-Noël Buffet, de menaces, d’insultes et d’agressions auxquelles sont confrontés les élus locaux.

Oui, nous devons nous montrer fermes au regard de l’enjeu. Mais je forme également un vœu : que nous ne cédions pas au catastrophisme ambiant. Le Sénat doit garder une certaine hauteur vis-à-vis de ce phénomène, qui se répète, certes, mais qui demeure réduit au regard du nombre d’élus qui font vivre au quotidien la démocratie dans notre pays.

L’Observatoire des agressions envers les élu(e)s mis en place par l’AMF a comptabilisé 1 500 agressions d’élus liés aux fonctions qu’ils exercent. On a constaté en 2022 une augmentation de près de 15 % de ces actes. Mais en France, aujourd’hui, ce sont quelque 509 000 élus locaux qui incarnent au quotidien les valeurs de la République dans l’ensemble des communes de notre pays.

Oui, il est à présent nécessaire d’avoir une réflexion sur les délais de justice, bien évidemment sans remettre en cause l’indépendance de cette dernière. Madame la ministre, il paraît aujourd’hui inconcevable que des élus doivent attendre plus de six ans pour connaître les suites qui seront données à leur agression. Il y a donc besoin d’une réponse pénale à la hauteur. Certes, selon les départements, les réalités ne sont pas les mêmes. Mais il n’en demeure pas moins que, tout de même, il y a un vrai problème d’efficacité de la réponse pénale dans notre pays.

Je me permets donc, de la tribune qui m’est ici offerte, d’ouvrir un débat plus large : je veux bien entendu parler de la crise de l’engagement qui se profile pour 2026.

Je vous le dis, mes chers collègues, la réponse, aussi indispensable soit-elle, ne peut être la seule question de la sécurité des élus. J’ai été frappée cet été de constater des démissions massives au sein des conseils municipaux liées à des changements de vie, à l’incompatibilité professionnelle, à la perte de sens dans l’exercice d’un mandat d’élu local. Partout, la même inquiétude pointe : comment composer des listes ou avoir suffisamment de candidats en 2026 ? Et cela, alors que des difficultés existaient déjà en 2020.

À ce propos, et sans prétention, je veux rappeler que je me suis toujours positionnée contre la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Maptam, et la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, plus connue sous son acronyme loi NOTRe, qui ont considérablement affaibli la place des communes et donc, de fait, le pouvoir d’action des élus municipaux et le sens de leur mandat.

Oui, mes chers collègues, l’augmentation des agressions est un fait, mais, fort heureusement, beaucoup d’élus sont aussi reconnus par leurs concitoyens pour tout ce qu’ils font au quotidien.

Madame la ministre, le Gouvernement précédent a constaté lors de la crise de la covid-19 que les élus savaient répondre présent pour pallier les manques de l’État. Sachons donc, collectivement, redonner du poids à l’engagement.

Attelons-nous également à résoudre cette crise de l’engagement en réduisant la difficulté d’être un élu local aujourd’hui, par la mise en place d’un véritable statut de l’élu. C’est bel et bien cette nécessité qui s’impose à nous. Le statut de l’élu ne se résumera pas à quelques phrases supplémentaires au sein du code général des collectivités territoriales, mais posera dans sa globalité la capacité à devenir, à être et à ne plus être élu.

En tout état de cause et pour toutes les raisons que j’ai invoquées, je voterai, comme l’ensemble de mon groupe, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Dominique Théophile.)

PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet de la sécurité des élus, et plus spécifiquement des maires, n’est, hélas ! plus une nouveauté.

Chacun se rappelle le décès du maire de Signes, en août 2019. Ce drame avait marqué un tournant dans l’idée que nous nous faisions du rapport entre les élus et leurs administrés.

Ce qui se percevait encore quelques années plus tôt comme des faits divers devait dès lors s’inscrire dans une tendance inquiétante, celle de l’augmentation des violences faites aux élus, voire, plus largement, envers toute forme d’autorité publique.

Cette année, certaines de ces violences ont soulevé une forte indignation, notamment parce qu’elles ont été commises directement au domicile des élus.

Nous pensons tous, d’une part, à l’incendie du domicile du maire de Saint-Brevin-les-Pins, déclenché, au mois de mars 2023, par un groupuscule d’extrême droite dans le contexte d’un projet d’ouverture d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile et, d’autre part, à l’attaque à la voiture-bélier du domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses, dans la nuit du 1er au 2 juillet dernier, dans le cadre des émeutes ayant suivi le décès du jeune Nahel à Nanterre.

Les statistiques montrent une hausse constante des agressions contre les élus locaux, lesquels cristallisent sur leur personne les insatisfactions générales à l’égard de la classe politique et l’augmentation de la violence dans nos sociétés.

Dans les communes, ce phénomène est bien connu des maires et des personnels municipaux, au point qu’il n’est plus rare, désormais, que les membres des familles des élus fassent, eux aussi, l’objet d’incivilités, de menaces et d’agressions du simple fait d’être le conjoint, la conjointe, le fils, la fille, le père ou la mère d’un élu.

Naturellement, le Sénat fait preuve d’une grande vigilance sur le sujet et le groupe RDSE est lui aussi mobilisé. Ainsi, la loi du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression est issue d’une proposition de loi déposée par Nathalie Delattre.

Cette dernière avait mis en lumière l’une des difficultés rencontrées dans la lutte contre ce phénomène : la faiblesse trop fréquente de la réponse judiciaire, soit parce que les élus eux-mêmes ne portent pas plainte, soit parce que les procédures aboutissent péniblement.

Je pense également à l’initiative plus ancienne qu’avait prise Éric Gold, dès 2019, au travers de sa proposition de loi visant à lutter contre les incivilités, menaces et violences envers les personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif public.

En effet, l’absence de réponse forte à ces situations augmente légitimement le sentiment d’abandon et de découragement des élus.

Je saluerai enfin le travail d’Henri Cabanel, particulièrement impliqué sur les sujets de citoyenneté et de renforcement du lien entre les élus et la population.

Son rapport d’information sur la redynamisation de la culture citoyenne montrait très bien que ces agressions étaient l’une des expressions du délitement des liens entre le citoyen et l’action publique et politique.

Naturellement, le groupe RDSE n’est pas le seul à travailler sur ce sujet. En 2019, nous avions tous été éclairés par le rapport d’information de Philippe Bas sur les menaces et les agressions auxquelles sont confrontés les maires. Sa consultation des maires de France avait permis de mettre au jour et de mieux matérialiser les risques auxquels ces derniers sont exposés dans l’exercice de leurs fonctions.

La nouvelle proposition de loi que nous examinons s’inscrit dans la continuité de ces travaux. Je tiens à saluer ses auteurs, ainsi que notre rapporteure, Catherine Di Folco, pour les améliorations qu’elle a apportées au dispositif.

Nous souscrivons à l’ensemble des mesures proposées, qu’il s’agisse du durcissement du régime pénal en cas d’agression d’élu ou de l’amélioration de la prise en charge des élus victimes de violences.

Sur ce dernier point, néanmoins, des progrès nous semblent possibles. L’amendement qu’avait déposé Ahmed Laouedj a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Il soulevait pourtant une véritable question, puisqu’il tendait à élargir à tous les élus municipaux l’automatisation de la protection fonctionnelle en cas d’agression.

Je sais, madame la rapporteure, que vous subissez, vous aussi, cette irrecevabilité… (Mme le rapporteur acquiesce.)

Enfin, nous devons également réfléchir à des solutions visant à limiter les recours abusifs, qui entravent l’action publique et parfois discréditent, sans raison, les politiques menées par les élus locaux. Voilà un autre sujet qui pourrait nous mobiliser à l’avenir.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Tout à fait !

Mme Maryse Carrère. Sans surprise, notre groupe votera unanimement en faveur de cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 19 août dernier, en Charente-Maritime, le maire de L’Houmeau, était frappé par des gens du voyage qui tentaient de s’installer sur le terrain de football.

Le 7 septembre, dans l’Isère, un conseiller municipal de Gresse-en-Vercors était agressé par une habitante lors d’une commission d’aménagement urbain et de sécurité routière.

Le 27 septembre, dans la Loire, le deuxième adjoint au maire de Rozier-Côtes-d’Aurec était blessé par le mari d’une automobiliste à laquelle il avait fait une remarque au sujet du non-respect d’un feu tricolore.

Le 29 septembre, dans la Meuse, le maire de Cléry-le-Grand était violemment frappé par l’un de ses administrés alors qu’il intervenait à la suite d’un dépôt sauvage.

Le 30 septembre, dans le Gers, le maire de Miradoux recevait deux coups de poing au visage alors qu’il essayait de s’interposer auprès d’un démarcheur sauvage.

Je m’arrête là, car la liste est longue. Ce triste inventaire montre combien les atteintes aux élus sont devenues un véritable fléau. Elles empoisonnent chacun de nos territoires.

Au nom du groupe RDPI, je tiens à adresser un message de solidarité à tous les élus victimes de violences. Ils ont tout notre soutien.

À l’instar des parlementaires, les élus locaux ont toujours été « à portée de gifle » des électeurs. Cependant, si cette expression a longtemps été utilisée au sens figuré, elle s’emploie désormais de plus en plus au sens propre.

Force est de constater que les élus locaux, malheureusement, ne sont plus épargnés par la défiance politique et le rejet. Certains de nos concitoyens – fort heureusement minoritaires – les considèrent non plus comme des adversaires politiques, mais comme des ennemis.

Nos élus sont haïs pour ce qu’ils sont et pour ce qu’ils représentent. L’une des raisons principales de la défiance vis-à-vis des élus est l’anomie, qui fait le lit de la violence.

En réaction, les élus locaux sont mieux écoutés et mieux protégés. Ils peuvent notamment compter sur le soutien de la police et de la gendarmerie, qui sont chargées de les former à la gestion des comportements agressifs et à la désescalade des conflits.

La justice est, quant à elle, plus réactive et plus sévère. Pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer les récentes condamnations prononcées par les tribunaux correctionnels de Thionville et de Toulouse.

En Moselle, une femme a été condamnée à six mois d’emprisonnement ferme pour avoir agressé un maire à la fin du mois d’août.

À Toulouse, deux personnes ont été condamnées à des peines de prison avec sursis pour des violences commises le soir de la fête de la musique envers des élus locaux, dont le maire.

Depuis 2017, beaucoup a été fait. Cependant, les événements survenus à Saint-Brevin-les-Pins et à L’Haÿ-les-Roses témoignent d’une inquiétante intensification des violences.

Au regard de ce constat, il apparaît indispensable de compléter le dispositif de protection des élus. La présente proposition de loi va dans ce sens ; c’est pourquoi nous y sommes favorables.

Nous saluons la décision du Gouvernement d’engager la procédure accélérée pour l’examen de ce texte. Nous saluons également le plan national de prévention et de lutte contre les menaces et violences faites aux élus, dont certaines mesures trouvent leur traduction législative dans la présente proposition de loi.

En sus de l’aggravation des peines encourues en cas de violences commises sur un élu, des mesures doivent être prises pour accélérer les procédures judiciaires. À cet égard, nous nous réjouissons de la mise en place de filières d’urgence dans les juridictions, afin de raccourcir les délais d’enquête et de jugement.

Il est également nécessaire de renforcer le lien entre les maires et les parquets. La justice et les collectivités territoriales sont deux mondes qui continuent de s’ignorer.

Il est regrettable de constater que certains procureurs n’entretiennent aucune relation avec les élus locaux. Aussi, nous nous félicitons que le Gouvernement souhaite mettre en place des formations croisées.

En ce qui concerne la possibilité, pour les procureurs de la République, de disposer d’un espace de communication dans les bulletins municipaux, j’entends les critiques formulées par nos collègues socialistes. Cependant, nous devons répondre à la demande formulée par les procureurs. L’information de nos concitoyens s’en trouvera renforcée.

Nous accueillons favorablement les modifications apportées par la commission au texte initial.

L’allongement du délai de prescription applicable aux délits d’injure et de diffamation publiques commis à l’endroit des élus locaux apparaît tout à fait opportun. Il permet de prendre en considération les évolutions technologiques.

Il faut également se réjouir de l’extension du dispositif d’octroi automatique de la protection fonctionnelle aux conseillers départementaux et régionaux exerçant des fonctions exécutives.

Plus largement, il nous semblerait utile d’étudier la possibilité d’étendre le dispositif de protection fonctionnelle aux conseillers municipaux n’ayant pas reçu délégation. En effet, tous les élus municipaux sont susceptibles de subir des violences. (Mme le rapporteur acquiesce.)

Les autres dispositions prévues par la proposition de loi sont également bienvenues.

Cependant, les réponses au fléau des violences contre les élus ne sont pas toutes de nature législative. C’est pourquoi nous nous félicitons que le Gouvernement ait décidé de déployer un « pack sécurité ».

Le renforcement du dispositif « alarme élu » et la mise en place de référents « atteintes aux élus » dans toutes les brigades de gendarmerie et les commissariats sont également de nature à rassurer les élus locaux.

En outre, la création du Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus permettra de mieux comprendre le phénomène des violences et d’y apporter des réponses adaptées.

Parallèlement au renforcement de la sécurité des élus locaux, nous devons impérativement traiter le problème à la racine, en répondant à la crise civique et démocratique que traverse notre pays.

Il est important de lutter contre la défiance des Français vis-à-vis des institutions politiques. Cette défiance touche désormais tous les niveaux de gouvernance, y compris les maires.

Il s’agit d’un travail de longue haleine. La tâche n’est pas simple. Fixons-nous comme objectif de ne pas atteindre un point de non-retour.

Il est d’autant plus urgent d’agir que plus d’un maire sur deux ne souhaite pas se représenter aux élections municipales de 2026.

Pour redonner confiance aux maires et, plus largement, aux élus locaux, nous devons rapidement avancer sur la question de la création d’un statut de l’élu.

À cet égard, nous attendons avec beaucoup d’impatience les annonces qui seront faites à l’occasion du prochain congrès des maires.

Pour l’heure, le groupe RDPI a décidé de voter pour la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 22 mars dernier, au terme de plusieurs semaines de violences verbales et physiques, la dégradation par le feu du domicile de Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, a poussé ce dernier à démissionner de ses fonctions.

Dépité, désabusé, découragé, cet élu engagé pour sa commune, ce médecin dévoué à sa patientèle, renonçait à l’exercice de son mandat.

Il témoignait ainsi de sa solitude face à ses agresseurs et de l’ingratitude de la charge de maire, aussi passionnante et exaltante soit la fonction.

Pour lui, le jeu n’en valait plus la chandelle. Des limites avaient été franchies, des bornes avaient été dépassées.

Des témoignages comme celui de Yannick Morez, nous en entendons souvent. Des situations comme la sienne, nous en connaissons toutes et tous, nous, sénatrices et sénateurs enracinés dans nos départements et engagés au quotidien aux côtés de nos collègues élus locaux.

En Loire-Atlantique, en Charente-Maritime, dans la Meuse, dans le Val-de-Marne, en Moselle, en Isère, dans le Var, dans le Gard, dans l’Aude, dans les Pyrénées-Orientales et dans l’Hérault, le département que je représente, les violences à l’égard des élus se multiplient.

Chaque fois, nous témoignons unanimement notre soutien et notre solidarité à l’égard des collègues victimes. Chaque fois, nous clamons toutes et tous notre indignation, mais rien n’y fait !

Les chiffres sont là ! Les chiffres sont têtus. Les chiffres sont froids, comme notre colère. Les chiffres sont graves, comme notre état d’esprit.

En 2022, le ministère de l’intérieur a recensé 2 265 faits de violences verbales et physiques contre des élus, soit une augmentation de 32 % par rapport à 2021. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg !

Dans une société où l’incivisme et la violence grandissent, plus personne n’est à l’abri : ni les enseignants, ni les forces de l’ordre, ni les sapeurs-pompiers, ni les médecins, encore moins les élus.

Or nous le savons toutes et tous : pour amortir les tensions et les crises qui traversent notre société, les maires et leurs équipes municipales sont en première ligne.

L’État, madame la ministre, les mobilise régulièrement pour relayer son action, trouver des solutions et atténuer le choc des crises, qu’elles soient sociales ou sanitaires.

Pour consolider le pacte républicain et entretenir la cohésion sociale, les élus locaux sont toujours disponibles.

Les maires répondent systématiquement présent, par sens du devoir, par goût de l’action publique, par amour de leur commune, par attachement à la République.

Si les élus municipaux aiment le contact avec leurs administrés et s’ils se mettent volontiers « à portée d’engueulade », ils ne sauraient pour autant devenir des boucs émissaires ou des exutoires pour tous les mécontents, tous les frustrés et tous les délinquants.

Notre responsabilité collective est donc de les protéger. C’est le sens des initiatives parlementaires qui se sont multipliées afin de renforcer la législation et de compléter notre arsenal juridique. C’est l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Son contenu est dans l’ensemble consensuel et nous souscrivons à nombre des propositions qui sont formulées.

Le premier volet concerne l’aggravation des sanctions encourues par les auteurs de violences à l’égard des élus. Le message ainsi envoyé aux élus est le suivant : « Chers collègues, vous n’êtes pas seuls. Nous sommes à vos côtés. La loi est avec vous. La République vous protège. »

Aussi, nous saluons la volonté des auteurs de la proposition de loi de prendre en compte les nouvelles formes de violence que subissent les élus : le cyberharcèlement, l’injure, la diffamation et la calomnie, qui s’étalent désormais sur les sites internet, les blogs et les réseaux sociaux.

Nous signifions de la même manière, solennellement, que le règne de l’impunité est fini.

Le titre II de cette proposition de loi concerne la prise en charge et l’accompagnement des élus et des candidats victimes de violences au cours de leur mandat ou en campagne.

Nous souscrivons d’autant plus à la plupart des mesures qui y figurent que nombre d’entre elles étaient déjà présentes dans la proposition de loi visant à démocratiser les fonctions électives et renforcer la protection des élus locaux, déposée le 23 juin 2023 par le groupe socialiste et notamment par Éric Kerrouche et Didier Marie.

Madame la ministre, tout le monde ici connaît votre engagement sur ce dossier. Un sujet mérite plus particulièrement cet engagement : celui de l’extension de la protection fonctionnelle à tous les élus et conseillers municipaux, qu’ils soient majoritaires ou minoritaires. (Mme le rapporteur et Mme Françoise Gatel acquiescent.)

J’ai déposé sur ce point un amendement qui a été rejeté par application de l’article 40 de la Constitution. (Mme Nathalie Goulet sexclame avec ironie.)

Or, dans leurs interventions respectives, Françoise Gatel, Maryse Carrère et Patricia Schillinger ont formulé une demande identique à la mienne.

Madame la ministre, j’envisageais de présenter ultérieurement un sous-amendement sur ce même point, mais il a également été rejeté sur le fondement de l’article 40. Dont acte !

Vous êtes la seule, ce soir, à pouvoir lever le gage. Je vous mets donc au défi, devant les collègues de tous les groupes ici présents, de lever le gage.

Nous pourrons ainsi mesurer, attester et apprécier votre engagement sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST, RDSE et UC. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Bien évidemment, toutes les réponses en la matière ne relèvent pas nécessairement du champ législatif.

Dans le département de l’Hérault, dont je suis l’élu, l’association des maires travaille depuis plusieurs années sur cette thématique, de concert avec la préfecture, les institutions judiciaires, la gendarmerie et la police nationale.

Depuis 2021, une dizaine de cas ont été portés à la connaissance de la justice. L’Association des maires de l’Hérault s’est systématiquement constituée partie civile et a obtenu gain de cause.

Ensemble, ils ont permis l’émergence de protocoles pour enregistrer et traiter les plaintes des victimes de violences.

De même, madame la ministre, une convention sera prochainement conclue entre l’association des maires et l’ordre des avocats. Chaque collègue agressé pourra ainsi trouver le soutien juridique qu’il est en droit d’attendre de ses pairs.

Avec cette proposition de loi, nous adresserons un message aux élus de l’Hexagone et des territoires ultramarins, mais aussi aux représentants des Français de l’étranger : nous sommes, toutes et tous, engagés et mobilisés à leurs côtés, qu’il s’agisse du Sénat, mais aussi de l’État et de ses services : préfets, sous-préfets, commandants de police et de gendarmerie, procureurs de la République, ambassadeurs et consuls généraux.

Partout où ils œuvrent, les élus locaux sont les artisans et les gardiens de l’intérêt général. Partout où ils s’engagent, les élus locaux sont les sentinelles du bien commun.

Chaque fois qu’ils reçoivent l’onction du suffrage universel, les élus locaux incarnent la République.

Ce rappel nous oblige à leur apporter la protection et le soutien de la Nation chaque fois qu’ils en ont besoin.

C’est ce que nous ferons à l’issue de nos débats, en votant, je l’espère unanimement, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST, RDSE et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot.

Mme Nadine Bellurot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’engagement du Sénat, l’initiative qu’ont prise les auteurs de cette proposition de loi et l’ensemble des travaux qui ont été menés dans notre hémicycle depuis 2019 sur cette question.

Je remercie également notre rapporteure pour son travail d’enrichissement et de renforcement d’un texte qui traite d’un sujet grave et préoccupant : les violences commises contre les élus.

Chaque jour, des faits divers nous rappellent que la violence touche l’ensemble de notre société. Elle est toujours condamnable et n’est jamais la réponse, mais s’attaquer aux élus, c’est remettre en cause l’autorité issue du vote démocratique et les fondements même de notre vivre ensemble, notre République.

Désormais, des réponses s’imposent et l’État doit protéger nos élus qui, au quotidien, sont confrontés aux incivilités, agressions physiques ou verbales.

En 2022, le nombre de plaintes et signalements déposés par les élus a bondi de 32 % par rapport à 2021, alors même que toutes les victimes ne portent pas plainte.

C’est l’occasion de redire à nos élus qu’il est absolument indispensable de le faire dans les plus brefs délais. En effet, les classements sans suite, la complexité ou la lenteur des procédures peuvent les décourager et certains font parfois le choix de ne pas porter plainte. Or il le faut.

Dans le département de l’Indre comme dans vos départements, beaucoup d’élus – les maires de Belâbre, de Bonneuil ou de Vatan – ont été agressés.

Les tensions croissantes entre les maires et les administrés rendent l’exercice de ce mandat de plus en plus difficile. Il est demandé aux élus de faire toujours plus avec moins.

Une véritable crise des vocations est donc à craindre pour les prochaines élections municipales.

La protection et la prise en charge des élus par l’État sont perfectibles. Ce texte vise donc à apporter des réponses concrètes et attendues par ces derniers.

Ses dispositions portent non seulement sur les sanctions, qui doivent être renforcées et prononcées, mais également sur les difficultés rencontrées par les élus auprès de leur assurance, qui leur oppose parfois des refus de souscription.

Le monde judiciaire doit accompagner les élus, en rendant compréhensibles les décisions rendues et en renforçant davantage sa présence. Pour ce faire, il faudra évidemment plus de magistrats et de greffiers.

Les élus sont les sentinelles de la République ; nous ne devons pas les abandonner.

Une réponse pénale rapide, ferme et systématique est indispensable si nous voulons endiguer ces violences.

J’appelle donc les ministères concernés à veiller à la bonne application des dispositions qui seront votées, et donc des peines.

Nos élus ont besoin de respect et de reconnaissance. Pour cela, il faut désormais faire savoir que, si agression il y a, sanction il y aura. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Françoise Gatel et Nathalie Goulet, ainsi que M. Hussein Bourgi, applaudissent également.)

M. André Reichardt. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le retour au respect de l’élu local dépend d’un contexte général favorable.

Une part de plus en plus importante de nos concitoyens n’a plus aucune raison d’estimer ni de craindre le policier, la justice ou l’élu, parce qu’ils sont affaiblis institutionnellement, juridiquement et matériellement.

Dès mon premier mandat de sénateur, j’avais déposé une proposition de loi visant à renforcer les peines encourues pour atteinte à un élu et à automatiser la protection fonctionnelle pour le maire et ses adjoints.

Vous avez attendu que 4 000 élus locaux, dont 1 300 maires, démissionnent depuis 2020 pour agir. Ce retard est regrettable, mais mieux vaut tard que jamais.

En 2022, 1 400 faits ont été recensés contre les seuls élus locaux. Selon le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), un maire sur trois se dit victime de menaces.

Violences, insultes et harcèlement se multiplient et les maires des Bouches-du-Rhône n’échappent pas à ce fléau.

Puisque la crise de l’autorité est généralisée, aligner les sanctions encourues en cas de violence sur un élu sur celles qui sont encourues en cas de violence sur les forces de l’ordre aux termes de l’article 222-14-5 du code pénal est une solution législative cohérente.

Cet article prévoit une sanction de sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende en cas d’incapacité temporaire de travail (ITT) de huit jours et de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende en cas d’ITT inférieure ou égale à huit jours.

Lorsque les faits sont accompagnés de circonstances aggravantes, les peines sont alourdies d’un tiers. Elles sont doublées dès lors que s’y ajoutent plusieurs circonstances aggravantes.

Le message est très clair. Encore faudra-t-il qu’il soit appliqué chaque fois qu’un élu sera victime de violences, quelle qu’en soit la forme.

Par ailleurs, puisque nous avançons enfin sur le volet pénal avec une certaine unanimité, notre assemblée devrait en profiter pour impulser le chantier, tout autre, visant à étendre les pouvoirs de nos polices municipales en rehaussant leur qualité judiciaire, en facilitant l’accès aux fichiers et à l’armement, en favorisant la mutualisation entre les communes ou encore par le reclassement des fonctionnaires en catégorie B.

Les policiers municipaux doivent pouvoir prévenir les agressions envers les élus. Nous ne pouvons limiter en permanence notre réponse aux mesures curatives ou à la sanction.

En tout état de cause, les policiers municipaux sont souvent les primo-intervenants. Ils incarnent, par leur présence et leur uniforme, le prolongement de l’autorité des élus.

Plus largement, les élus locaux, et particulièrement les élus communaux, doivent, pour être respectés, retrouver de l’autonomie et des compétences d’action dans un mouvement général de décentralisation.

La démocratie locale et nationale n’est pas viable si l’on accepte la hausse de l’insécurité comme une fatalité. L’insécurité n’est pas un mal sans cause. La première crise sécuritaire locale est une crise de l’autorité et de la confiance.

Le respect de l’autorité se suscite. C’est à l’État de montrer l’exemple. De ce côté-là, le chemin de la confiance est encore long.

Je ne voudrais pas moquer les efforts de proposition qui ont été faits par le Gouvernement. Cependant, proposer aux élus de porter un bouton d’alarme dans la poche pour alerter en cas d’agression relève davantage du gadget que d’une mesure sérieuse.

Prenons du recul. Cessons les solutions concoctées dans les cabinets de conseil.

Place à une vision politique. Pensons renforcement de la répression, mais aussi décentralisation, confiance, partage de l’autorité.

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les élections sénatoriales et la campagne électorale à laquelle elles ont donné lieu nous ont convaincus que l’insécurité figure parmi les premières préoccupations des élus locaux.

Les menaces verbales et les agressions physiques qu’ils subissent sont de plus en plus nombreuses. Elles ciblent aussi fréquemment leurs proches.

L’attaque inacceptable du domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun, n’est que le dernier fait divers d’une litanie sans fin de violences sans retenue, qui bousculent notre société et, en particulier, ceux qui incarnent la République au quotidien.

Souvenons-nous également de l’incendie volontaire du domicile du maire de Saint-Brevin-les-Pins, alors que ce dernier s’y trouvait avec sa famille. Lorsqu’il fut reçu au Sénat par Joël Guerriau, Yannick Morez lui a livré un témoignage glaçant, comme tant d’autres, sur les intimidations et les menaces auxquelles font face les édiles locaux.

Cette violence a parfois des conséquences tragiques. Nous n’oublions pas la mort du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel.

L’Essonne est, elle aussi, fortement touchée par ce fléau, qui n’épargne d’ailleurs aucune figure d’autorité. Je pense en particulier à mon ami Patrick Rauscher, maire de Saintry-sur-Seine, qui ne compte plus les menaces de mort proférées à son endroit ni le nombre de plaintes qu’il a déposées et qui n’aboutissent jamais.

Les violences s’ajoutent aux nombreuses difficultés d’exercice de la fonction de maire, comme la judiciarisation croissante de la vie publique locale.

Accumulées, elles expliquent en partie la vague de démission de nos élus locaux et sont très certainement à l’origine de la crise des vocations, qui n’est autre qu’une crise démocratique que nous devons traiter.

Notre législation doit être adaptée au contexte dans lequel s’exercent désormais les mandats locaux.

La proposition de loi de François-Noël Buffet m’apparaît comme une avancée importante pour les élus. Elle satisfait une attente forte et répond à un réel besoin de protection.

Les dispositions de cette proposition de loi constituent des améliorations bienvenues. Nous sommes particulièrement favorables au durcissement des peines encourues par les auteurs de violences, qu’elles soient verbales ou physiques.

De même, nous approuvons sans réserve les mesures envisagées contre les auteurs d’injures publiques ou de harcèlement en ligne. Elles permettent d’adapter la réponse pénale aux comportements injurieux et aux menaces proférées sur les réseaux sociaux.

L’article 3 prévoit que la protection fonctionnelle est accordée automatiquement aux maires et aux adjoints qui en font la demande. Celle-ci ouvre droit, comme vous le savez, au conseil juridique, à l’assistance psychologique et à la couverture des coûts résultant de l’obligation de protection à l’égard du maire et des élus.

La commission des lois a décidé, à juste titre, d’étendre le dispositif d’octroi automatique de la protection fonctionnelle aux conseillers départementaux et régionaux exerçant des fonctions exécutives, en cas de violences, de menaces ou d’outrages.

Avec la prise en charge par l’État du coût de la couverture assurantielle des élus des communes de moins de 10 000 habitants, prévue à l’article 4, et la prise en charge par la commune des dépassements d’honoraires en matière de soins médicaux et d’assistance psychologique, prévue à l’article 8, le législateur s’engage en faveur d’une protection renforcée des élus locaux.

Par ailleurs, le sujet de la protection des candidats aux élections nous paraît également important. Cette protection est l’une des réponses possibles au phénomène de désintérêt pour la vie politique locale et peut être de nature à favoriser l’engagement citoyen. Elle représente cependant un véritable défi mis à la charge de l’État.

Enfin, le texte vise à améliorer la sécurité de nos communes. Le maire en est un acteur incontournable. Nous soutenons donc les dispositions du texte qui procèdent de cette logique, notamment le renforcement de la présence du procureur de la République au sein des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.

De même, nous sommes particulièrement favorables aux dispositions permettant au maire d’être systématiquement informé des suites judiciaires données aux faits qu’il a lui-même signalés au parquet ou qui ont donné lieu à un dépôt de plainte.

Par ailleurs, il nous semble judicieux d’offrir aux procureurs de la République un espace de communication dans les magazines municipaux, afin que nos concitoyens soient mieux renseignés sur le niveau d’insécurité auquel ils sont exposés, ainsi que sur les mesures prises pour l’endiguer.

L’insécurité mine le quotidien de nos élus et de nos concitoyens. Elle porte atteinte à la cohésion de notre Nation. Pour autant, ce texte suffira-t-il à endiguer les incivilités et les violences, fruits de la montée des individualismes ? Je n’en suis pas totalement persuadée.

Nous voyons bien que la sanction, même exemplaire, reste insuffisante pour ceux qui défient les lois de la République ou qui n’acceptent pas de se soumettre aux règles de la vie en société, acceptées par chacun d’entre nous.

Réprimer plus sévèrement les comportements inciviques auxquels les élus sont confrontés est certes indispensable. Cependant, pour endiguer la crise des vocations, il faudra très certainement aller plus loin et instaurer un statut de l’élu réellement attractif.

Fort de cette conviction, le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne Chain-Larché. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat peut être fier des deux propositions de loi examinées aujourd’hui qui renforcent, pour l’une, le rôle du maire dans l’attribution des logements sociaux et, pour l’autre, la protection des élus.

Ces mesures étaient appelées de leurs vœux par tous les candidats aux élections sénatoriales et par l’ensemble des élus que nous avons rencontrés lors de l’exercice de nos mandats. Nous-mêmes, qui avons souvent déjà été maires avant que la loi n’interdise le cumul avec le mandat de parlementaire, savons de quoi nous parlons.

Car la situation a évolué et la sécurité a – malheureusement – changé de camp. Aujourd’hui, les élus souffrent : en 2022, 1 500 maires ont été agressés ; lors des émeutes du début du mois de juillet dernier, plus de 600 maires ont été victimes d’agression et 25 000 bâtiments publics ont été vandalisés, parmi lesquels 105 mairies et 243 écoles, dont 60 ont été intégralement détruites. Cela est bien évidemment inadmissible.

Ce constat n’est pas sans conséquence et nous conduit à nous inquiéter pour l’horizon 2026, car les vocations se feront rares.

Un certain nombre de lois ont été votées sans que leurs effets aient été bien mesurés. Les élus ont perdu leur autonomie financière et leur capacité d’agir. Une de nos collègues évoquait la décrédibilisation de l’action publique : les procédures sont beaucoup trop longues et n’aboutissent pas, du moins pas aux yeux des administrés. Ces derniers sont devenus, depuis l’époque du covid-19, des consommateurs. Cette situation est extrêmement difficile à vivre pour les maires.

La perte d’autonomie et d’autorité n’est en fait que la manifestation dans nos communes de la perte d’autorité de l’État : les maires ne sont pas entendus et font souvent l’objet d’agressions et de menaces, notamment de cyberattaques.

La France compte 520 000 élus locaux, qui constituent pour notre pays une vraie richesse, car les communes sont, on le sait, le lieu de l’efficience. Or 165 000 d’entre eux, dont 6 400 maires, annoncent déjà qu’ils ne se représenteront pas. Quel sera le visage de la France en 2026, lorsque nous devrons faire face à cette situation ?

Alors, que pouvons-nous faire au Sénat ? Notre mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France a fait des propositions – et nous continuerons à en faire – pour renforcer la sécurité des élus locaux, mais aussi pour rétablir un certain nombre de leurs pouvoirs et de leurs capacités d’action.

Avec cette proposition de loi, nous nous penchons sur la sécurité de ces élus. Beaucoup de ceux que nous avons rencontrés au cours de nos campagnes électorales ou au cours de l’exercice de notre mandat souhaitent la création de peines planchers.

Monsieur le président de la commission des lois, il faudra étudier cette piste, déterminer dans quelle mesure un tel dispositif est applicable, apprécier s’il est constitutionnel ou non, et si son instauration peut faire en sorte que, tout simplement, la peur change de camp.

Disons-le, il faut beaucoup de courage lorsque l’on est élu et, comme le disait joliment Churchill, le courage est la première des qualités humaines, car c’est elle qui garantit toutes les autres. De courage, les maires n’en manquent pas et, au Sénat, nous sommes là pour les assister et pour les assurer de notre soutien. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pas un mois ne passe sans que l’agression d’un élu fasse la une et que nous soyons interrogés localement, dans les territoires, sur le rôle que nous pouvons jouer au Sénat à cet égard.

Les chiffres, nous les connaissons. En 2022, une augmentation de 15 % des violences contre les élus a été constatée par l’AMF.

Cette trajectoire se poursuit en 2023, année marquée par les agressions de nombreux élus lors des émeutes urbaines de juillet dernier. Notons que ces chiffres ne reflètent d’ailleurs pas totalement la réalité, car beaucoup d’élus renoncent à porter plainte, par souci d’apaisement ou par anticipation du manque de suites données à leur plainte.

Ces violences doivent pourtant être prises très au sérieux, car elles constituent une menace grave pour notre tissu d’élus locaux, fondement de notre démocratie. Les près de 500 000 élus français, qui œuvrent quotidiennement pour nos concitoyens, pour la plupart de manière bénévole, représentent une richesse pour la France ; il est de notre devoir de les préserver et de les protéger au mieux. Faute de réaction, nous prendrions le risque de voir se multiplier les démissions, déjà nombreuses, et d’amplifier la crise de l’engagement citoyen qui – j’en ai bien peur – commence déjà à s’installer.

Aussi, j’accueille très favorablement cette proposition de loi et je remercie, pour leur initiative, les collègues qui l’ont déposée. Il est en effet essentiel de renforcer les sanctions. Il faut faire passer le message : les actes visés sont graves, et ils le sont encore plus lorsqu’ils sont commis sur les titulaires d’un mandat électif.

Cependant, j’estime que l’aggravation des peines ne pourra être pleinement efficace en l’absence de peines planchers, en particulier pour les récidivistes.

Je pense par exemple au maire de L’Houmeau, en Charente-Maritime, qui a été agressé cet été pour s’être opposé à une installation illicite de gens du voyage. Son agresseur avait onze mentions à son casier judiciaire, dont certaines pour des violences volontaires. Il n’a pourtant été condamné qu’à une peine d’un an de prison avec sursis. Comment lutter contre le sentiment d’impunité des agresseurs lorsque les peines sont aussi légères ? Nous devons nous pencher sur la question.

En ce qui concerne la protection fonctionnelle et la prise en charge des victimes, les évolutions proposées sont elles aussi tout à fait bienvenues pour protéger les élus et les accompagner plus efficacement. Le traumatisme psychologique d’une agression ou d’un harcèlement est en effet trop souvent minimisé, alors qu’il devrait être pris en charge pour éviter de laisser des traces encore plus profondes. Il est, en outre, injuste que la victime ait à supporter les frais médicaux ou de justice.

Le renforcement des liens avec les acteurs judiciaires est aussi opportun, en particulier la création d’une obligation d’information sur les suites données aux plaintes. Les élus se plaignent en effet régulièrement de la lenteur du traitement de leurs plaintes et du fait que celles-ci donnent fréquemment lieu à des classements sans suite, sans même qu’ils en soient informés.

Je voterai donc en faveur de cette proposition de loi, qui constitue une avancée fondamentale dans la protection des élus locaux. Il nous faudra cependant poursuivre notre travail pour, cette fois, non pas renforcer le traitement a posteriori des agressions des élus, mais les prévenir en amont, notamment en nous intéressant aux causes de la hausse des violences. Voilà un vaste chantier qui est devant nous, et sur lequel nous sommes attendus ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marc Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, assurer la sécurité et la protection de chaque citoyen est l’essence même des missions de l’État. Il doit en être de même pour nos élus locaux, car ce sont des citoyens qui ont décidé de s’investir quasiment bénévolement pour l’intérêt général, le bien-être, la sécurité et la protection de tous.

Cet impératif de protection de nos élus s’impose avec d’autant plus d’acuité que les agressions contre eux ne cessent malheureusement d’augmenter et d’être de plus en plus violentes : insultes, violences verbales et physiques, intimidations, images placardées dans les lieux publics, menaces de mort. Leurs familles sont également prises pour cible.

Les réseaux sociaux sont utilisés pour démultiplier ces délits et ces crimes de manière anonyme. Les émeutes récentes l’ont encore montré : une violence effrayante, parfois mortelle, s’abat sur nos élus.

Le Puy-de-Dôme, par exemple, n’est malheureusement pas épargné par la hausse des violences : les maires de Saint-Bonnet-près-Riom et de Volvic peuvent en témoigner, à la suite des insultes et des menaces dont ils ont été victimes.

Les rapports entre les citoyens et les élus ont, comme l’a indiqué le président de la commission des lois, changé depuis quelques années. Face à cette situation, le temps est non plus au constat, mais aux solutions, car nous devons à ces derniers une réelle protection.

La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui prévoit ainsi des évolutions en ce qui concerne les sanctions, ainsi que sur la protection et l’information de nos élus.

Je remercie sincèrement les collègues qui se sont investis sur ce sujet pour leur travail performant : je pense à l’enquête menée en 2019 auprès des élus locaux et à l’établissement de quatorze mesures concrètes pour améliorer leur protection. Il est temps que l’État entende les élus, madame la ministre, et que ces mesures soient désormais adoptées par le Parlement.

Car il y va de la vocation de ceux qui veulent s’engager pour l’intérêt général, comme le montrent les démissions de nos édiles. Face à une condamnation insuffisante de leurs agresseurs, voire à une certaine impunité de ces derniers, les élus ne souhaitent plus mettre leur vie et celle de leurs proches en danger.

Il est important d’introduire une circonstance aggravante en cas d’atteinte à la vie privée et familiale. En effet, comme cela a été souligné, les suites judiciaires aux agressions d’élus sont encore peu fréquentes : un tiers des agressés saisit la justice et seul un cinquième des plaintes aboutit à une condamnation pénale. Ainsi, 6 % seulement des victimes voient leur agression reconnue et obtiennent réparation.

Il faut améliorer l’effectivité et l’efficacité de la sanction pénale. Les sanctions doivent être renforcées. Un travail d’intérêt général est-il une peine suffisante en cas d’insulte envers un élu ?

Enfin, il paraît fondamental que l’octroi de la protection fonctionnelle soit automatique et que l’information des élus soit améliorée à ce sujet.

Madame la ministre, entendez le message des élus et protégez-les ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires

TITRE Ier

CONSOLIDER L’ARSENAL RÉPRESSIF EN CAS DE VIOLENCES COMMISES À L’ENCONTRE DES ÉLUS

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires
Article 1er

Avant l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Maurey, Mme Pluchet, M. Sautarel, Mmes Morin-Desailly et N. Goulet, MM. Capo-Canellas, Cigolotti, Lafon, Longeot et Levi, Mme Noël, MM. Daubresse et H. Leroy, Mme Loisier, MM. Henno, Laugier et Menonville, Mme de La Provôté, MM. Paccaud, Chasseing, Mizzon, Canévet, Guerriau et Reichardt, Mme Muller-Bronn, MM. Milon, Rochette, J.P. Vogel, Le Rudulier, Courtial, Pointereau, Houpert et Laménie, Mme Lopez, M. Belin, Mme L. Darcos, MM. Duffourg et Kern, Mmes JOSENDE, Aeschlimann et Herzog, M. Wattebled, Mmes F. Gerbaud et Jacquemet, MM. Hingray, Pellevat et J.M. Arnaud et Mme Lermytte, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La sous-section 4 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est ainsi modifiée :

1° L’article 132-18-1 est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 132-18-1. – Pour les crimes commis contre un titulaire d’un mandat électif public dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Cinq ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;

« 2° Sept ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;

« 3° Dix ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;

« 4° Quinze ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. » ;

2° L’article 132-19-1 est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 132-19-1. – Pour les délits commis contre un titulaire d’un mandat électif public dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :

« 1° Un an, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement ;

« 2° Deux ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ;

« 3° Trois ans, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;

« 4° Quatre ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.

« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.

« Les dispositions du présent article ne sont pas exclusives d’une peine d’amende et d’une ou plusieurs peines complémentaires. »

La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Les agressions physiques et verbales à l’encontre des élus dans le cadre de l’exercice de leur mandat augmentent de manière préoccupante. Ainsi, en 2022, 2 265 atteintes envers des élus ont été enregistrées, soit une hausse de 32 % par rapport à 2021.

Mais ce chiffre est en réalité bien supérieur puisque de nombreux élus ne portent pas plainte à la suite d’une agression. Il ne reflète pas non plus les tensions croissantes entre les maires et les administrés qui, même si elles ne constituent pas des agressions, rendent l’exercice du mandat de plus en plus difficile.

Malgré plusieurs alertes ces dernières années, parfois tragiques – je pense notamment au décès du maire de Signes –, des mesures à la hauteur du problème n’ont pas été prises.

Si un renforcement des peines encourues est nécessaire, nous ne pouvons toutefois que déplorer que, lorsque les plaintes des maires aboutissent, les peines prononcées soient bien en deçà de celles prévues par la loi. Il apparaît donc indispensable de prévoir une peine plancher en cas de délit ou de crime contre un élu de la République.

Cet amendement vise ainsi à instaurer des peines minimales contre les auteurs de crimes et délits à l’encontre des titulaires d’un mandat électif, à l’instar de celles qui avaient été créées en 2007 et supprimées par la suite lors du quinquennat de François Hollande.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement vise à introduire des peines planchers pour les délits et crimes commis sur les seuls titulaires d’un mandat électif public.

En premier lieu, il paraît inconcevable juridiquement d’instaurer un tel mécanisme d’encadrement des peines pour les seuls titulaires d’un mandat électif public. Il semble difficile de justifier l’application de ce mécanisme aux seuls élus, alors que d’autres dépositaires de l’ordre public, comme les membres des forces de l’ordre, pourtant soumis à des menaces et violences de même nature, n’en bénéficieraient pas.

En second lieu, on sait que le dispositif des peines planchers, qui a été en vigueur entre 2007 et 2014, n’a pas été un grand succès : si cette réforme a bien contribué à alourdir la durée des peines, les juges ont, dans 62 % des cas, prononcé, par décision motivée, des condamnations dérogeant au principe de la peine plancher. Ce dispositif était en fait beaucoup moins automatique qu’il n’y paraissait.

Enfin, il me semble que cette disposition, si elle était adoptée, serait censurée par le Conseil constitutionnel pour rupture d’égalité. On ne peut pas proposer aux élus locaux des solutions qui ne seraient pas juridiquement robustes.

À mon sens, il serait plus efficace, si l’on veut alourdir les peines, d’adopter les articles suivants de la proposition de loi.

Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement ; sinon, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Dans la continuité des propos de Mme la rapporteure, le Gouvernement émet aussi un avis défavorable sur cet amendement.

Vous proposez, monsieur Longeot, de réintroduire le mécanisme des peines planchers en cas de crime ou de délit commis à l’encontre d’un élu dans l’exercice ou du fait de ses fonctions.

La peine a pour fonction de sanctionner l’auteur de l’infraction, de lui permettre de s’amender et de faciliter son insertion ou sa réinsertion.

Or les différentes études statistiques ont démontré que les peines planchers n’ont pas entraîné, comme l’a dit Mme la rapporteure, un recours plus important aux peines d’emprisonnement, lesquelles étaient déjà très majoritaires s’agissant des condamnations pour les crimes et délits en cas de récidive.

Ensuite, l’abrogation des peines planchers n’a pas entraîné de baisse de la sévérité des juridictions pénales : en effet, durant les années pendant lesquelles ce dispositif s’appliquait, entre 2008 et 2013, le quantum moyen ferme des peines d’emprisonnement prononcées était inférieur à celui de la période actuelle.

Enfin, le rétablissement des peines planchers serait susceptible d’aggraver les délais de traitement des dossiers en matière pénale : chaque audience pourrait prendre encore plus de temps, dans la mesure où les débats risqueraient de s’éterniser sur l’application ou non de la peine plancher et sur les motifs permettant d’y déroger.

M. le président. Monsieur Longeot, l’amendement n° 2 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-François Longeot. Non, je le retire, monsieur le président.

À la suite des explications de Mme la rapporteure et de Mme la ministre, j’ai compris que l’adoption de mon amendement conduirait à créer des différences entre les citoyens.

Néanmoins, cet amendement était important, car il m’a permis de lancer un appel fort. Aujourd’hui, les peines – nous en reparlerons à l’occasion de l’examen de l’article 3 – ne sont malheureusement pas souvent appliquées.

Je veux évoquer le cas, sur lequel je reviendrai, d’un maire qui a porté plainte après avoir été agressé : l’auteur des faits n’a pas été condamné alors qu’il avait reconnu au tribunal qu’il l’avait bien frappé, mais il a expliqué qu’il ne savait pas qu’il était élu et qu’il avait arrêté lorsqu’il l’avait appris… Or la différence entre un citoyen et un élu est importante, et il est important pour les élus qui subissent ce genre de choses que les condamnations soient appliquées et que les peines soient alourdies.

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur Longeot, le sujet est évidemment d’importance. Il n’est pas question pour la commission de rejeter d’un revers de la main cet amendement qui a été signé par un grand nombre de nos collègues.

En réalité, il convient de faire en sorte d’améliorer les échanges entre les procureurs de la République, les parquets et les élus pour que la prise de conscience du problème se généralise. Avec Philippe Bas, nous avions obtenu du garde des sceaux qu’une circulaire sensibilise les procureurs à la situation des élus. Cette initiative a pu permettre quelques avancées, mais si elles restent insuffisantes. Nous devons continuer de travailler sur ce sujet. Il faut notamment que les sanctions prononcées à l’audience soient très fermes, comme nous le souhaitons.

Je vous remercie d’avoir retiré votre amendement, car celui-ci pose un problème d’ordre constitutionnel, comme notre rapporteur l’a expliqué. N’y voyez pas une manière de nous défausser, le motif est réel : il faut respecter le principe d’égalité. D’autres personnes dépositaires de l’autorité publique pourraient demander à bénéficier du dispositif, et nous ne sommes pas en mesure – en tout cas pas ce soir – de les satisfaire.

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 2 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires
Article 2

Article 1er

Le chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° Le paragraphe 2 de la section 1 est ainsi modifié :

a) Au 4° bis des articles 222-12 et 222-13, les mots : « toute personne chargée d’une mission de service public » sont remplacés par les mots : « une personne chargée d’une mission de service public autre que celles mentionnées à l’article 222-14-5 du présent code » ;

b) Au premier alinéa du I de l’article 222-14-5, les mots : « ou un agent de l’administration pénitentiaire » sont remplacés par les mots : « , un agent de l’administration pénitentiaire ou le titulaire d’un mandat électif public » ;

2° La section 8 est ainsi modifiée :

a) Au deuxième alinéa de l’article 222-47, les mots : « et 222-14-2 » sont remplacés par les mots : « , 222-14-2 et 222-14-5 » ;

b) À l’article 222-48, après la référence : « 222-14-4 », est insérée la référence : « , 222-14-5 ».

M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, sur l’article.

Mme Karine Daniel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec gravité que je m’exprime pour la première fois dans cet hémicycle en tant que sénatrice de la Loire-Atlantique, département où les élus ont été particulièrement visés par des agressions, des insultes et des menaces.

J’interviens au lendemain d’événements graves et inadmissibles survenus dans mon département à Rezé, au sud de Nantes, lors d’une réunion publique de présentation d’un projet d’habitat solidaire pour des migrants d’Europe de l’Est. À cette occasion, des insultes et des menaces ont été proférées, des agressions commises. Je tiens à exprimer ce soir mon soutien et ma solidarité sans faille à la maire, Mme Agnès Bourgeais, et à l’ensemble des élus de Rezé. Je souhaite affirmer ma détermination à refuser et à combattre ces propos et comportements violents, racistes et extrémistes.

Ces nouvelles agressions surviennent dans un territoire encore sous le choc à la suite des faits intolérables, évoqués à plusieurs reprises ce soir, qui se sont déroulés à Saint-Brevin-les-Pins à l’encontre du maire Yannick Morez, victime d’agressions, de menaces de mort et de violences. Dorothée Pacaud, qui lui a succédé, subit, elle aussi, des intimidations.

Nous pourrions tous citer des élus d’autres communes victimes d’agressions et de violences. Je rappelle ici la mobilisation de plus de 550 élus de la Loire-Atlantique qui ont cosigné une lettre à Emmanuel Macron, en novembre dernier, pour réclamer plus de fermeté.

En 2021, l’AMF 44, l’association des maires et des présidents d’intercommunalité de Loire-Atlantique, constatait une hausse de 47 % des incivilités, des injures, des agressions et des faits de harcèlement. Il est urgent de réagir avec fermeté, de protéger les élus et de sanctionner les coupables. Tout cela doit se traduire par un renforcement concret de la protection des élus locaux : la République et les préfets doivent être plus proches d’eux et garantir leur sûreté sur le terrain.

Les élus sont, dans les faits, bien trop seuls pour faire face à ces attaques inadmissibles dans notre République. Nous devons être engagés sans faille aux côtés de celles et ceux qui sont élus actuellement, comme de celles et ceux qui s’engageront demain dans l’action publique locale et qui contribueront à faire vivre le pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, sur l’article.

Mme Olivia Richard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je prends également la parole pour la première fois dans cette enceinte.

Élue récemment sénatrice représentant les Français établis hors de France, je parlerai de leurs élus locaux : les conseillères et les conseillers des Français de l’étranger. Eux aussi peuvent être l’objet d’agressions et d’attaques. Ils ne bénéficient pas de la protection fonctionnelle et ils sont loin de la France.

Il me paraît important de souligner qu’ils ont aussi besoin de disposer de relais et de procédures efficaces, même s’ils vivent à l’autre bout du monde. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger et M. Hussein Bourgi applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tenais à prendre la parole en ce début de débat pour dire que je souscris pleinement à la volonté du Sénat de mieux protéger les élus. Je soutiens en particulier la proposition de mon groupe visant à élargir le bénéfice de la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux.

Dans ce sens, je souhaiterais que nous n’oubliions pas d’inclure, dans le débat, cette catégorie d’élus locaux que sont les conseillers des Français de l’étranger. Hussein Bourgi y a fait référence dans son propos et ma collègue vient de les évoquer aussi. Depuis 2014, ils sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de six ans afin de représenter les plus de trois millions de nos compatriotes résidant à l’étranger.

Dix ans après l’adoption de la loi du 22 juillet 2013, les conseillers des Français de l’étranger sont désormais des interlocuteurs incontournables pour nos compatriotes, comme ils le prouvent à chaque crise qui frappe leur pays.

La plupart sont installés dans leur pays de résidence depuis de nombreuses années ou y sont nés. Ils y ont fondé une famille et y travaillent. Comme tous les élus locaux, ils consacrent un temps inestimable à l’exercice de leur mandat : ils se réunissent non pas en conseils municipaux, mais en conseils consulaires, tiennent des permanences et ont une fine connaissance de leur territoire, ainsi que des familles qu’ils accompagnent au quotidien.

Ces 443 élus, présents sur les cinq continents, perçoivent une allocation forfaitaire destinée à contribuer à la souscription d’une police d’assurance afin qu’ils puissent être indemnisés en cas de dommages résultant des accidents subis dans le cadre de leur mandat.

Outre cette assurance, l’octroi d’une protection fonctionnelle semblable à celle dont bénéficient les élus locaux en France permettrait de les protéger contre les violences, les outrages et les menaces contre eux et leurs proches, dont ils ne sont malheureusement pas épargnés.

Je crois qu’il est temps d’accorder à ces vrais élus de proximité la reconnaissance qu’ils méritent, à la hauteur de leur engagement en faveur de notre pays et de nos communautés françaises.

C’est pourquoi je vous invite, madame la ministre, à ouvrir une réflexion, en lien avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, pour répondre à cette demande récurrente de nos élus de terrain, et renforcer ainsi leur sécurité et leur intégrité où qu’ils se trouvent dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, sur l’article.

M. Simon Uzenat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour ma première intervention en tant que sénateur du Morbihan, je veux relever que nous faisons toutes et tous le constat du mal-être des élus locaux.

Ces dernières semaines – Muriel Jourda ne me contredira pas –, nous avons entendu de très nombreux élus nous rapporter des propos préoccupants qui ont un impact jusque sur leur vie personnelle : des parents nous disent ainsi que leurs enfants ne voient plus la lumière briller de la même façon dans leurs yeux depuis qu’ils sont élus.

Les chiffres sont édifiants dans tous les départements. Dans le Morbihan, on compte quatre démissions par semaine ; 15 % des élus locaux ont démissionné entre mai 2020 et décembre 2022, dont plus de 700 à la fin de l’année dernière.

On entend régulièrement des témoignages sur la lenteur et la faiblesse de l’accompagnement des élus. Je pourrais ainsi citer ce témoignage d’une maire du Morbihan : après avoir été insultée à l’accueil de sa mairie, elle a rapporté les faits aux gendarmes, qui lui ont dit que la personne incriminée n’avait peut-être pas voulu dire cela et qu’en tout état de cause, ce n’était pas très grave.

Les élus ne sont pas des privilégiés – nous en convenons tous –, mais ils ne sont pas non plus des sous-citoyens sur lesquels on pourrait déverser impunément sa colère.

Nous devons donner l’exemple, y compris dans cette enceinte, en bannissant des expressions qui peuvent prêter à confusion. Je pense en particulier à celle selon laquelle les élus seraient « à portée de baffes » : nous ne pouvons plus l’employer, car les mots ont un sens.

L’alourdissement des sanctions pénales, prévu à l’article 1er, va évidemment dans le bon sens, tout comme l’allongement des délais de prescription : autant de mesures qui avaient été portées et soutenues très activement par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Enfin, dans le prolongement des propos d’Hélène Conway-Mouret et d’Hussein Bourgi, mon groupe appelle une nouvelle fois à l’extension de la protection fonctionnelle à tous les élus locaux, pour les protéger efficacement au quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Nous sommes dans une société dans laquelle la violence n’a jamais été aussi forte. Si nous ne décidons pas collectivement de nous attaquer aux causes de cette violence – et nous pouvons en débattre ici de manière démocratique, avec nos divergences –, si nous ne nous attelons pas à trouver des réponses pour endiguer fortement cette violence, alors nous nous tromperons.

Nous pouvons toujours ici rouvrir le débat sur les peines planchers ou relever telle ou telle peine, mais celles et ceux qui commettent des actes de violence aujourd’hui parce qu’ils ne reconnaissent plus et ne respectent plus l’autorité incarnée par les élus locaux se fichent des lois, si je puis le dire ainsi ! S’extraire du respect de la loi, c’est le propre même de l’acte de violence.

Nous avons donc besoin, bien évidemment, de sanctionner les actes délictueux, mais également et surtout de protéger l’ensemble des élus locaux de notre pays.

De fait, mes chers collègues, aucun des événements que nous avons évoqués dans la discussion générale – ni le drame du maire de Signes, ni la difficulté qui a poussé le maire de Saint-Brevin-les-Pins à la démission, ni l’attaque terrible qu’a connue le maire de L’Haÿ-les-Roses cet été – n’est lié à un problème de peine à laquelle sont exposés les auteurs de ces actes.

Madame la ministre, la responsabilité de l’État, du Gouvernement, du Président de la République n’est pas de promettre des annonces pour le prochain congrès de l’Association des maires de France : elle est de replacer les élus locaux comme des acteurs essentiels et indispensables pour construire la République dans laquelle nous vivrons toutes et tous demain. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.

M. François Bonhomme. Ainsi que mes collègues l’ont affirmé, l’augmentation continue des agressions envers les élus est une réalité indiscutable.

Dans le même temps, comme notre commission des lois, qui s’est emparée de la question dès 2019, chacun constate que les suites judiciaires sont insuffisantes, voire inexistantes. Il en va de même de l’accompagnement.

Les causes sont multiples : découragement des élus concernés, voire, parfois, écœurement devant le choc de l’agression ; lassitude devant des actes répétés, comme les menaces ou les pressions morales, auxquelles les maires finissent malheureusement par s’habituer.

Tout aussi grave est le manque d’effectivité de la réponse judiciaire face aux violences commises. Car trop souvent, alors que l’élu a bénéficié de la protection fonctionnelle, surmonté les lenteurs de la procédure, obtenu le déclenchement de l’action publique, la réponse traîne, se perd dans les sables, pour aboutir à une seule déploration attristée. C’est un échec judiciaire.

Disons-le nettement : pour ne pas aggraver la situation et par découragement, de nombreux élus préfèrent renoncer à déposer plainte.

Cette situation d’autocensure a été mise en exergue lors de la consultation lancée par le Sénat et la commission des lois, laquelle a révélé que, très majoritairement, les élus agressés physiquement et plus encore verbalement en restaient là, avec parfois la volonté de rendre l’écharpe au prochain renouvellement démocratique.

Cela dit, quand la justice fait son travail, je souscris pleinement aux possibilités que lui offre l’article 1er, qui consolide l’arsenal législatif et répressif envers les violences. Je m’interroge toutefois sur la nécessité d’introduire des peines planchers tant la dégradation de l’esprit public est forte et inquiétante.

Pour terminer, j’exprimerai un questionnement plus large sur la suspicion croissante à l’égard de toute autorité. Au-delà des élus, et notamment des maires, c’est à l’égard de toutes les figures d’autorité que l’on voit des contestations grandissantes : les professeurs, les juges ou encore les forces de l’ordre.

Il est troublant d’entendre, ici ou là, des mots d’ordre tels que « la police tue » ou des considérations sociologiques sur la violence structurelle de la société, qui saperait toute institution. On ne saurait déplorer vertueusement un phénomène quand on l’alimente indirectement par une suspicion contre toute autorité constituée. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.

M. Olivier Paccaud. Mon intervention s’inscrira dans la lignée de celle de mon collègue François Bonhomme.

Bien sûr, je ne suis pas persuadé que la fonte des glaces citoyenne qui ronge notre démocratie et notre République n’est liée qu’à la protection des élus. Mais cette problématique joue énormément !

Il est évident qu’il faut aggraver les peines. Mais à quoi cela sert-il quand les plaintes déposées ne sont pas suivies et semblent s’évaporer ?

M. Olivier Paccaud. Lors de ma campagne sénatoriale, j’ai eu des réunions avec plus de 600 maires et adjoints. J’ai été frappé par le nombre sidérant de maires qui n’ont jamais eu la moindre nouvelle d’une plainte qu’ils avaient déposée.

M. Laurent Burgoa. Tout à fait !

M. Olivier Paccaud. Le président Buffet a évoqué la circulaire du garde des sceaux. De fait, elle existe. Mais a-t-elle été lue ? A-t-elle été entendue ? Y a-t-il chez certains procureurs une volonté de ne pas protéger les élus ? Je n’ose le dire.

La seule chose que je peux relever, c’est que le nombre de plaintes qui n’aboutissent pas est scandaleux. (Mme Cathy Apourceau-Poly approuve.) Oui, dans beaucoup de cas, il n’y a pas de réponse judiciaire ! Cette absence de la justice derrière les élus est l’un des principaux problèmes : il faut le dire de façon claire et nette ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Laure Darcos et M. Lucien Stanzione applaudissent également.)

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par MM. Bourgi et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey, Narassiguin et Linkenheld, MM. Roiron, Chaillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Supprimer les mots :

chapitre II du

II. – Après l’alinéa 1

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 221-4 est ainsi modifié :

a) Au 4° , après le mot : « ministériel, », sont insérés les mots : « un titulaire d’un mandat électif public, » ;

b) A la seconde phrase du dernier alinéa, après le mot : « pénitentiaire » sont insérés les mots : « ,un titulaire d’un mandat électif public » ;

III. – Alinéa 3

Après le mot :

articles

insérer les références :

222-3, 222-8, 222-10,

IV. – Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Au premier alinéa de l’article 222-14-1, après le mot : « pénitentiaire », sont insérés les mots : « un titulaire d’un mandat électif public » ;

V. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° Au deuxième alinéa de l’article 433-5, après le mot : « publique, », sont insérés les mots : « au titulaire d’un mandat électif public ».

La parole est à M. Hussein Bourgi.

M. Hussein Bourgi. Par cet amendement, nous vous proposons, en plus d’étendre les circonstances aggravantes et les sanctions pour les violences commises à l’égard des élus, de les élargir à d’autres types d’infractions. Nous considérons qu’il est souhaitable d’étendre les circonstances aggravantes et d’alourdir les peines pour les meurtres, les violences ayant entraîné la mort, les violences aggravées et les outrages lorsque ces crimes et ces délits sont commis contre un élu.

Je connais bien les termes du débat qui nous a opposés en commission des lois : la jurisprudence répondrait déjà à ces situations. Or nous savons tous et toutes que la jurisprudence peut faire l’objet d’un revirement. S’agissant de ces infractions en particulier, la jurisprudence n’est pas tout à fait claire, ni vraiment stable en ce qui concerne les élus qui ne sont pas dotés d’une délégation.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, avec cet amendement, de ne pas nous en remettre uniquement à la jurisprudence et à l’appréciation du juge, mais d’inscrire dans le marbre de la loi ces circonstances aggravantes et les sanctions qui les assortissent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Nos collègues du groupe socialiste souhaitent élargir le champ des aggravations de peine prévues contre les personnes dépositaires de l’autorité publique aux titulaires d’un mandat électif.

Comme je l’ai dit en commission, je ne suis pas favorable à une telle mesure, qui reviendrait à introduire des doublons dans la définition du champ des aggravations, puisque la catégorie des personnes dépositaires de l’autorité publique inclut les responsables des exécutifs locaux, mais aussi les adjoints au maire et les conseillers municipaux délégués.

De la même manière, les autres élus locaux, lorsqu’ils n’ont pas de délégation, ont quant à eux la qualité de personnes chargées d’une mission de service public. Il en va ainsi des parlementaires, par exemple.

Ainsi, le dispositif que nos collègues présentent comme une précision juridique ne me semble ni opportun ni de nature à clarifier l’état du droit, tant les catégories de personnes dépositaires de l’autorité publique et de personnes chargées d’une mission de service public sont parfaitement appréhendées par l’ensemble des acteurs judiciaires et étatiques comme par la jurisprudence constitutionnelle.

Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Madame la sénatrice Karine Daniel, je viens d’apprendre que Mme le maire de Rezé, Agnès Bourgeais, fait l’objet de menaces de mort et de violences physiques et qu’elle a été poursuivie jusqu’à son domicile. Bien évidemment, cela est totalement inacceptable et inadmissible. Je l’appellerai dès demain. Je joindrai également M. le préfet pour m’assurer que la protection qu’elle mérite est bien mise en place.

Ensuite, je veux répondre à M. le sénateur Olivier Paccaud, qui souligne à raison notre frustration liée aux trop nombreux classements sans suite et aux jugements qui ne sont pas à la hauteur de nos attentes.

Premier élément, depuis que la circulaire a été cosignée par Gérald Darmanin, Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, et moi-même – c’était au mois de juin –, les procureurs répondent systématiquement présent, ainsi que nous le leur avions demandé.

Mme Marie Mercier. C’est faux !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Pour voir, chaque semaine, entre 50 et 200 maires, à l’occasion de deux ou trois assemblées générales de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) ou de l’Association des maires de France, je puis en témoigner.

Deuxième élément, les classements sans suite que vous avez évoqués, monsieur Paccaud, ont très largement diminué.

Dans tous les départements où je me suis rendue lors des dernières semaines du mois de septembre pour participer à ces assemblées générales, que ce soit dans le Nord ou en Haute-Garonne, nul ne m’a pas parlé de classement sans suite récent.

M. Olivier Paccaud. Venez dans l’Oise !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Par conséquent, monsieur le sénateur, si j’adhère à votre analyse et si je comprends la lassitude qui a pu naître par le passé, je forme le vœu et nourris l’espoir qu’il y ait de moins en moins, voire plus du tout, de classements sans suite, que l’on explique aux maires les raisons des éventuels classements sans suite, conformément à ce que prévoit la circulaire, et que les sanctions soient à la hauteur de ce que nous attendons tous.

Pour finir, je ne peux pas souscrire à l’absence de justice que vous dénoncez. Nous sommes fiers de l’indépendance de notre justice. Le garde des sceaux ne saurait indiquer aux juges du siège comment ils doivent juger – vous le savez comme chacun d’entre nous ici.

Monsieur le sénateur Bourgi, vous proposez de prévoir que les faits de meurtre, les violences ayant traîné la mort, les violences aggravées et les outrages soient aggravés lorsqu’ils sont commis sur le titulaire d’un mandat électif. Le code pénal prévoit déjà des peines aggravées lorsque ces crimes et délits sont commis contre toute personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. Ces deux catégories incluent notamment les parlementaires, les exécutifs régionaux, les maires et les adjoints. Ainsi, le meurtre commis contre une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, catégories dans lesquelles entrent ces élus, est puni de la réclusion criminelle à perpétuité, comme le prévoit l’article 221-4 du code pénal.

Néanmoins, comme vous l’avez indiqué, la jurisprudence est plus complexe sur la catégorie à laquelle appartient un conseiller municipal, qui plus est sans délégation.

Si la Cour de cassation a précisé que toute personne chargée d’accomplir des actes ayant pour but de satisfaire l’intérêt général, quand bien même elle ne disposerait d’aucun pouvoir de décision au nom de la puissance publique, doit être regardée comme étant chargée d’une mission de service public, elle n’a toutefois pas tranché la question du statut d’un conseiller municipal.

En l’état du droit, votre amendement est donc partiellement satisfait, raison pour laquelle je m’en remets à la sagesse de votre hémicycle.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Parigi, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

et ses collaborateurs de cabinet

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet de renforcer l’arsenal répressif contre les auteurs d’agressions, de menaces ou d’injures envers les collaborateurs d’élus et les membres de cabinet.

Les collaborateurs d’élus et membres de cabinet sont en relation directe avec les administrés. Lorsqu’ils accompagnent un élu sur le terrain ou qu’ils reçoivent en rendez-vous, ils peuvent être la cible d’agressions et de menaces commises dans l’exercice de leurs fonctions.

Récemment, le collaborateur parlementaire de la députée Aurélie Trouvé a été hospitalisé après une violente agression, alors qu’il avait été repéré par l’un de ses agresseurs.

Autre exemple, parmi d’autres : le collaborateur de la maire de Calais a également été hospitalisé en mai 2023 après avoir reçu un coup porté à la tête lors d’un déplacement professionnel.

Il nous semble qu’il convient de protéger les salariés des élus dès lors que leur identité est apparente ou connue de l’auteur et que l’infraction a été commise dans l’exercice ou du fait de leurs fonctions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Nous comprenons bien votre intention, monsieur Benarroche, mais l’adoption de votre amendement reviendrait à étendre le dispositif à une catégorie de personnes qui n’est pas dépositaire de l’autorité publique.

L’introduction de cette nouvelle catégorie remettrait en cause la cohérence du dispositif et les équilibres trouvés par la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure votée en janvier 2022, en traitant de la même manière deux types de personnes placées dans des situations qui sont différentes.

En effet, il me semble que la situation des membres des cabinets est objectivement très différente des autres personnes dépositaires de l’autorité publique qui seraient protégées par cet article.

Enfin, la mesure que vous proposez semble disproportionnée. En effet, s’il peut malheureusement arriver, comme vous venez de l’expliquer, que des membres de cabinet soient victimes de violences et de menaces, l’aggravation de peine prévue pour les personnes dépositaires de l’autorité publique se justifie au regard de l’atteinte portée à ces fonctions particulières, au-delà des seuls intérêts privés de la victime, ce qui n’est pas le cas pour les membres de cabinet.

Par conséquent, la commission demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Nous avons conscience de la relation directe qu’ont les collaborateurs et membres de cabinet avec les élus, et ne pouvons que condamner toute violence perpétrée contre ces derniers. Les récents événements auxquels vous avez fait référence, monsieur le sénateur, ne peuvent que nous faire réagir et nous alerter.

Néanmoins, cette extension nous paraît aller trop loin. Les violences contre les collaborateurs sont évidemment déjà réprimées, et il nous semble qu’il est nécessaire de conserver une gradation des peines entre ces violences et celles qui sont commises sur les élus.

Par ailleurs, les termes « collaborateurs de cabinet » sont trop vagues et pourraient être contraires aux principes de clarté et d’intelligibilité de la loi pénale, que le Conseil constitutionnel contrôle de façon extrêmement stricte.

Pour ces raisons, nous sommes défavorables à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Je prends acte de votre réponse, madame la ministre, mais je souhaite m’exprimer au nom des collaborateurs de cabinet et des collaborateurs d’élus, profession que je connais bien et qui est définie par le code général des collectivités territoriales.

L’exemple évoqué dans l’exposé des motifs de l’amendement concerne un attaché parlementaire, qui n’est pas couvert par le dispositif de l’amendement. Son auteur nous a présenté une situation, mais le dispositif en couvre d’autres… Je pense que cet amendement n’est pas rédigé de manière adéquate, raison pour laquelle il ne peut malheureusement pas être accepté.

En revanche, la situation des collaborateurs politiques, qu’ils travaillent en cabinet au sein d’une collectivité territoriale ou auprès d’élus, doit probablement être étudiée à l’aune de ce que l’on peut faire pour un certain nombre d’élus, puisque c’est souvent à l’occasion d’une mission politique d’accompagnement d’un élu qu’ils sont concernés par les faits de violence. Ce sujet mérite d’être regardé de plus près.

Je suis globalement d’accord avec l’objet de cet amendement, mais je pense que l’on ne saurait adopter celui-ci dans sa rédaction actuelle.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2 bis (nouveau)

Article 2

I. – Le premier alinéa de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par les mots : « et d’une peine de travail d’intérêt général ».

II. – Après le 4° de l’article 222-33-2-2 du code pénal, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis Lorsqu’ils ont été commis sur le titulaire d’un mandat électif ; ». – (Adopté.)

Article 2
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Article 2 ter (nouveau)

Article 2 bis (nouveau)

Le paragraphe 3 du chapitre V de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un article 65-5 ainsi rédigé :

« Art. 65-5. – Pour les délits prévus aux articles 31 et 33, le délai de prescription prévu par l’article 65 est porté à un an. » – (Adopté.)

Article 2 bis (nouveau)
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Article 3

Article 2 ter (nouveau)

Au deuxième alinéa de l’article 223-1-1 du code pénal, après la seconde occurrence du mot : « public », sont insérés les mots : « , candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale ». – (Adopté.)

TITRE II

AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES ÉLUS VICTIMES DE VIOLENCES, AGRESSIONS OU INJURES DANS LE CADRE DE LEUR MANDAT OU D’UNE CAMPAGNE ÉLECTORALE

Article 2 ter (nouveau)
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Article 4

Article 3

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L’article L. 2123-35 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La commune accorde sa protection au maire ou aux élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions, qui en font la demande. Elle répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en est résulté. Les membres du conseil municipal en sont informés dans les plus brefs délais.

« Le conseil municipal ne peut s’opposer à la protection mentionnée au deuxième alinéa ou en restreindre le champ que pour un motif d’intérêt général, par une délibération motivée prise dans un délai de trois mois à compter de la demande adressée par l’élu concerné à la collectivité. L’inscription de ce point à l’ordre du jour du conseil municipal est de droit à la demande d’un ou de plusieurs membres du conseil municipal. » ;

b) Au troisième alinéa, les mots : « deux alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « premier à troisième alinéas » ;

2° (nouveau) À l’article L. 2573-10, la référence : « n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique » est remplacée par la référence : « n° … du … renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires » ;

3° (nouveau) Le deuxième alinéa de l’article L. 3123-29 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le département accorde sa protection au président du conseil départemental, aux vice-présidents ou aux conseillers départementaux ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions, qui en font la demande. Il répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en est résulté. Les membres du conseil départemental en sont informés dans les plus brefs délais.

« Le conseil départemental ne peut s’opposer à la protection mentionnée au deuxième alinéa ou en restreindre le champ que pour un motif d’intérêt général, par une délibération motivée prise dans un délai de trois mois à compter de la demande adressée par l’élu concerné à la collectivité. L’inscription de ce point à l’ordre du jour du conseil départemental est de droit à la demande d’un ou de plusieurs membres du conseil départemental. » ;

4° (nouveau) Le deuxième alinéa de l’article L. 4135-29 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La région accorde sa protection au président du conseil régional, aux vice-présidents ou aux conseillers régionaux ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions, qui en font la demande. Il répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en est résulté. Les membres du conseil régional en sont informés dans les plus brefs délais.

« Le conseil régional ne peut s’opposer à la protection mentionnée au deuxième alinéa ou en restreindre le champ que pour un motif d’intérêt général, par une délibération motivée prise dans un délai de trois mois à compter de la demande adressée par l’élu concerné à la collectivité. L’inscription de ce point à l’ordre du jour du conseil régional est de droit à la demande d’un ou de plusieurs membres du conseil régional. »

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, sur l’article.

M. Jean-François Longeot. Madame la ministre, nos maires, ces élus de terrain, rencontrent de grandes difficultés pour mener à bien leur mission. En effet, l’intolérance à la frustration de nos concitoyens expose les élus davantage qu’auparavant.

Plus d’un maire français sur trois affirme avoir déjà été victime de menaces ou d’injures, selon une étude du Cevipof. Les atteintes aux élus ont augmenté de 30 % en 2022 et, de verbale, la violence devient parfois physique.

Dans mon département du Doubs, plusieurs élus ont été agressés cette année. C’est le cas de M. André Mesnier, maire du petit village de Vennans, frappé pour avoir apostrophé un livreur qui, selon l’élu, roulait trop vite. Hélas, comme je l’évoquais précédemment, le jugement ne lui a pas été favorable parce qu’il n’avait pas indiqué sa fonction au livreur. Si la situation n’était pas si grave, l’obligation pour un maire de faire état de son mandat à celui qui le frappe serait presque ubuesque… Tant que nous y sommes, pourquoi ne pas obliger les maires à présenter à leur agresseur leur écharpe tricolore ou leur carte d’identité ?

La gestion de l’urbanisme devient elle aussi un réel problème. Elle est source d’agressions. En effet, le maire peut se trouver confronté à des menaces ou à des intimidations dès lors que sa réponse n’est pas favorable au pétitionnaire.

C’est pourquoi il est important que l’arrêté soit signé du maire, mais que le préfet ne laisse pas ce dernier seul s’agissant de l’affichage de la décision prise. Il est prévisible que la mise en place du « zéro artificialisation nette » (ZAN) exposera encore davantage le maire aux réactions de nos concitoyens, qui ne manqueront pas d’être vives compte tenu des enjeux financiers…

Madame la ministre, comment comptez-vous soutenir et défendre nos élus afin qu’ils puissent poursuivre leur engagement au service de l’intérêt général, et ce dans de bonnes conditions ?

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj, sur l’article.

M. Ahmed Laouedj. L’article 3 de la proposition de loi vise à améliorer le mécanisme de la protection fonctionnelle par les collectivités des dommages subis par les maires ou élus municipaux, les suppléants ou ceux qui ont reçu une délégation en cas d’agression en lien avec l’exercice de leur fonction.

Si cette disposition entrait en vigueur, la protection fonctionnelle disposerait désormais d’un caractère automatique dès lors que l’élu agressé en ferait la demande.

Bien entendu, cette mesure est bienvenue et attendue. Mais elle laisse également un sentiment d’inachevé, puisqu’elle ne concerne qu’une partie des conseillers municipaux et exclut mécaniquement les élus de l’opposition.

Rien ne justifie qu’il faille opérer une telle distinction, dans la mesure où tout élu municipal, qu’il soit maire, suppléant ou simple conseiller, est susceptible d’être agressé en raison de sa fonction.

Lors de l’examen du texte en commission, j’avais déposé un amendement ayant pour objet d’élargir le dispositif à l’ensemble des élus municipaux, afin que chaque conseiller bénéficie du même régime de protection. Cependant, cet amendement n’a pas passé le stade de la recevabilité financière. Je le regrette, même si je comprends bien les contraintes constitutionnelles qui imposent un encadrement du droit d’amendement.

Aussi, je me permets de vous solliciter, madame la ministre, afin, d’une part, de connaître votre opinion sur ce sujet et, d’autre part, de savoir quelles solutions pourraient être apportées à cette inégalité de traitement entre les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Quand on sait qu’une plainte pour agression déposée voilà six ans n’a encore eu aucun retour de la justice – je ne parle même pas de classement sans suite ! –, on se dit que, oui, la protection fonctionnelle peut être renforcée, mais que la première des choses à faire serait d’accélérer la réponse judiciaire.

Madame la ministre, vous connaissez ma ténacité. Je serai donc peut-être plus claire que je ne l’ai été précédemment. J’ai entendu l’intervention de mon collègue du groupe RDPI lors de la discussion générale ; vous-même nous apprenez que de grandes annonces seront faites lors du prochain congrès de l’Association des maires de France, lequel aura lieu dans six semaines.

Excusez-moi de le dire, mais il me paraît malvenu de chercher à créer du suspense ! On se croirait à la fin du quatrième épisode de la première saison d’une série télévisée… Le sujet est pourtant sérieux, et réel.

Lors de votre audition devant la commission des lois, au mois de juin dernier, vous n’avez montré qu’assez peu d’appétence pour avancer sur un véritable statut de l’élu. Vous avez évolué sur ce sujet pendant l’été, tant mieux !

Je le dis sincèrement et sans aucune prétention de la part du Sénat, alors que nous sommes maintenant – je le répète – à six semaines du congrès de l’AMF, donc d’annonces spectaculaires, il me semble qu’il serait bien que nous échangions, notamment pour confronter vos propositions à la réalité du terrain et à la diversité des opinions qui s’expriment dans nos départements, de manière à apporter les réponses efficaces que les élus locaux attendent.

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, sur l’article.

M. Hussein Bourgi. Madame la ministre, je vais de nouveau revenir à la charge pour reprendre un point que j’ai développé lors de la discussion générale et qui vient d’être évoqué par notre collègue du groupe RDSE.

Puisque nos travaux sont dans l’ensemble consensuels, il vous appartient de répondre, avec panache, à l’appel que tous les sénateurs de cet hémicycle vous ont lancé.

Nous ne pouvons pas dire dans la proposition de loi que nous allons adopter ce soir au Sénat, vraisemblablement à l’unanimité, qu’il y a en France des élus de première zone, ceux qui appartiennent à un exécutif comme le maire et ses adjoints, et des élus de seconde zone, ceux qui n’auraient pas de délégation ou qui appartiendraient à des groupes minoritaires ou d’opposition.

C’est arithmétique : il y a, en France, beaucoup plus de conseillers municipaux que de maires et d’adjoints au maire. Il ne faudrait pas que le message que nous enverrons ce soir et dont il sera pris connaissance avec grand intérêt dans les prochaines heures soit contre-productif !

Madame la ministre, je vous le dis avec beaucoup de sympathie et de respect : soit vous répondez favorablement à notre appel, soit votre position sera intenable. Vous serez contrainte de céder dans les prochaines semaines ou dans quelques mois, sous la pression des associations d’élus, et alors personne n’aura gagné.

Ce soir, je veux que tout le monde gagne : le Sénat, le Gouvernement et surtout les élus, au nom desquels nous nous adressons à vous. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Madame la ministre, je veux soutenir la demande que mes collègues viennent de vous adresser.

J’ai moi-même, en tant que rapporteur sur ce texte, demandé aux services de la commission que l’on élargisse le dispositif à tous les élus, et j’ai aussi été victime de l’article 40 de la Constitution.

Je vous demande d’étudier cette requête avec une grande bienveillance, car elle permet de répondre à l’attente de tous les élus locaux. Si vous ne pouvez agir ce soir, j’espère que cela se fera au plus tard dans la navette. Il faut que nous ayons toutes les cartes en main pour avancer sur ce sujet lorsque nous nous retrouverons pour la commission mixte paritaire.

Nous comptons tous sur vous. Merci à mes collègues d’avoir insisté sur ce sujet ! (Applaudissements.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 3 à 5

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

a) Le deuxième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La commune accorde sa protection au maire ou aux élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions. Elle répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en est résulté.

« L’élu, autre que le maire, adresse une demande de protection à celui-ci, le maire adressant sa demande à tout élu le suppléant ou ayant reçu délégation. Il en est accusé réception. L’élu bénéficie de la protection de la commune dès qu’il a été procédé à la transmission de la demande au représentant de l’État dans le département ou à son délégué dans l’arrondissement dans les conditions prévues au II de l’article L. 2131-2 du présent code. Les membres du conseil municipal en sont informés dans les cinq jours francs suivant la date de réception par la commune. Cette information est portée à l’ordre du jour de la séance la plus proche de l’organe délibérant.

« Le conseil municipal peut retirer ou abroger la décision de protection accordée à l’élu par une délibération motivée prise dans le délai de quatre mois à compter de la date à laquelle il a été informé, dans les conditions prévues aux articles L. 242-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration.

« Par dérogation à l’article L. 2121-9 du présent code, à la demande d’un ou de plusieurs de ses membres, le maire est tenu de convoquer le conseil municipal dans ce même délai. La convocation est accompagnée d’une note de synthèse. » ;

II. – Alinéas 8 à 10

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

3° Le deuxième alinéa de l’article L. 3123-29 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le département accorde sa protection au président du conseil départemental, aux vice-présidents ou aux conseillers départementaux ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions. Il répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en est résulté.

« L’élu, autre que le président du conseil départemental, adresse une demande de protection à celui-ci, le président du conseil départemental adressant sa demande à un vice-président ou à un conseiller ayant reçu délégation. Il en est accusé réception. L’élu bénéficie de la protection du département dès qu’il a été procédé à la transmission de la demande au représentant de l’État dans le département dans les conditions prévues au II de l’article L. 3131-2 du présent code. Les membres du conseil départemental en sont informés dans les cinq jours francs suivant la date de réception par le département. Cette information est portée à l’ordre du jour de la séance la plus proche de l’organe délibérant.

« Le conseil départemental peut retirer ou abroger la décision de protection accordée à l’élu par une délibération motivée prise dans le délai de quatre mois à compter de la date à laquelle il a été informé, dans les conditions prévues aux articles L. 242-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration.

« Par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10 du présent code, à la demande d’un ou de plusieurs de ses membres, le président est tenu de convoquer le conseil départemental dans ce même délai. La convocation est accompagnée d’une note de synthèse. »

III. – Alinéas 11 à 13

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

4° Le deuxième alinéa de l’article L. 4135-29 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La région accorde sa protection au président du conseil régional, aux vice-présidents ou aux conseillers régionaux ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions. Elle répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en est résulté.

« L’élu, autre que le président du conseil régional, adresse une demande de protection à celui-ci, le président du conseil régional adressant sa demande à un vice-président ou à un conseiller ayant reçu délégation. Il en est accusé réception. L’élu bénéficie de la protection de la région dès qu’il a été procédé à la transmission de la demande au représentant de l’État dans la région dans les conditions prévues au II de l’article L. 4141-2 du présent code. Les membres du conseil régional en sont informés dans les cinq jours francs suivant la date de réception par la région. Cette information est portée à l’ordre du jour de la séance la plus proche de l’organe délibérant.

« Le conseil régional peut retirer ou abroger la décision de protection accordée à l’élu par une délibération motivée prise dans le délai de quatre mois à compter de la date à laquelle il a été informé, dans les conditions prévues aux articles L. 242-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration.

« Par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9 du présent code, à la demande d’un ou de plusieurs de ses membres, le président est tenu de convoquer le conseil régional dans ce même délai. La convocation est accompagnée d’une note de synthèse. »

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous m’avez interpellée sur deux sujets qui ne figurent pas aujourd’hui dans la proposition de loi.

D’abord, le statut de l’élu. Nous sommes complètement mobilisés sur cette question. Je n’ai rien annoncé à ce propos aujourd’hui, mais j’ai effectivement indiqué, par le passé, que je travaillais avec des parlementaires et des associations d’élus, avec l’espoir de proposer un statut de l’élu pour la fin du mois de novembre prochain. C’est bien le cas !

Le statut de l’élu ne fait pas l’objet, je le redis, de nos travaux de ce soir, mais je me tiens à la disposition des différents groupes qui souhaiteraient me rencontrer. Cette question, qui est de première importance pour moi, est complémentaire des sujets qui nous occupent aujourd’hui.

Ensuite, l’extension de la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux sans délégation. J’ai eu la même réaction que vous, monsieur le sénateur Bourgi, en travaillant sur cette proposition de loi.

Cependant, il m’est difficile de lever un gage sur un amendement qui n’existe pas encore ! Les services qui sont sous mon autorité travaillent sur un texte. Je prends l’engagement d’étudier le sujet sérieusement, avec détermination, et de porter un amendement, au cours de la navette. Vous pouvez compter sur moi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.)

J’en viens à la présentation de l’amendement n° 16 rectifié bis du Gouvernement.

La décision d’octroi de la protection fonctionnelle constitue une décision créatrice de droit pour l’élu qui engage les crédits de la collectivité. Elle est également un acte faisant grief pour d’autres, par exemple un contribuable local. Il est donc nécessaire de préciser le régime de cette décision.

La nouvelle rédaction de l’article 3 que nous proposons conserve le mécanisme selon lequel la seule demande de l’élu fait naître une décision d’octroi de la protection fonctionnelle, sauf délibération contraire adoptée ultérieurement par l’organe délibérant de la collectivité. Elle en précise plusieurs aspects afin d’apporter les garanties nécessaires à la mise en œuvre de ce dispositif.

Il est indiqué explicitement que la décision d’octroi naît à compter de la transmission de la demande de l’élu au préfet ou à son délégué, le cas échéant.

Cette rédaction précise également à quelles autorités cette demande doit être adressée, et qu’il en est accusé réception.

Elle clarifie les modalités d’opposition de l’organe délibérant déjà prévues par la proposition de loi en rappelant le régime de retrait et d’abrogation de droit commun applicable à tout acte administratif créateur de droit. Elle garantit la possibilité pour le conseil de se prononcer formellement sur l’octroi de la protection fonctionnelle à la demande de l’un de ses membres, en rendant obligatoire sa convocation par le maire ou le président après une demande en ce sens dans un délai de quatre mois et en prévoyant la transmission d’une note explicative.

Elle renforce le droit d’information des élus en ajoutant un délai pour la réalisation.

Elle garantit enfin le droit des tiers en prévoyant leur information lors de la prochaine séance de l’organe délibérant.

M. le président. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Bourgi et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey, Narassiguin et Linkenheld, MM. Roiron, Chaillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 4, 9 et 12

Remplacer les mots :

violences, de menaces ou d’outrages

par les mots :

toutes atteintes à la personne humaine, tous crimes et délits contre les biens ainsi que tous délits d’outrages ou de diffamation

La parole est à M. Hussein Bourgi.

M. Hussein Bourgi. Cet amendement s’inscrit dans la suite de celui que vous venez de présenter, madame la ministre, auquel nous souscrivons.

Le droit prévoit que la protection fonctionnelle est accordée en cas de violences verbales ou physiques. Nous proposons que cette protection soit accordée automatiquement pour les infractions suivantes : harcèlement, atteintes à la vie privée, destruction des biens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. L’avis est favorable sur l’amendement n° 16 rectifié bis du Gouvernement.

Je vous remercie pour votre engagement, madame la ministre. Si j’en crois vos propos, vous le mettrez en œuvre à l’Assemblée nationale. Je compte sur vous pour dire à nos collègues députés que l’initiative est d’origine sénatoriale ! (Sourires. – Mme la ministre déléguée opine.)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. J’en viens à l’amendement n° 5 rectifié.

Je comprends évidemment l’intention de notre collègue Bourgi, et je vais essayer de le convaincre que son amendement est satisfait.

La formulation actuelle, qui prévoit l’octroi de la protection fonctionnelle aux élus victimes de violences, de menaces ou d’outrages, est très large. Elle fait l’objet d’une interprétation extensive de la part du juge, qui a reconnu que cette formule permettait, par exemple, d’octroyer la protection fonctionnelle aux victimes de voies de fait, de diffamations ou d’injures. La notion de « violences, de menaces ou d’outrages » recouvre en fait la totalité des crimes et délits mentionnés dans l’amendement.

La rectification apportée par l’amendement n’élargit donc en rien le périmètre actuel de la protection fonctionnelle. Garder une formulation volontairement large, comme nous l’avons fait, laissera de la souplesse au juge, et lui permettra de s’adapter aux évolutions de la société et aux nouvelles formes de violence qui peuvent apparaître.

Par ailleurs, l’élargissement proposé ne concerne que les maires et leurs adjoints ; il ferait donc naître un régime différencié entre les élus municipaux et les autres élus locaux.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 5 rectifié ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. En énonçant une liste d’infractions au titre desquelles la protection fonctionnelle peut être accordée par la collectivité, l’amendement n° 5 rectifié risque, à rebours de l’intention de ses auteurs, de réduire sensiblement le champ d’application de l’article, qui couvre aujourd’hui l’ensemble des crimes et délits visés par le code pénal.

Je demande donc également le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, j’espère que vous n’y verrez pas une forme de harcèlement sénatorial, (Sourires.), car il sert une bonne cause, mais je souhaite revenir sur la position, unanime et profondément sincère, favorable à l’élargissement de la protection fonctionnelle à l’ensemble des conseillers municipaux.

On évoque à juste titre les démissions d’élus. Parmi les quelque 30 000 élus qui ont démissionné depuis 2020 figurent de nombreux conseillers municipaux. L’un des motifs qui expliquent leur décision est – vous le savez, madame la ministre – le fait qu’ils se détachent du gruppetto municipal.

Les conseillers municipaux sont parfois très éloignés de la prise de décision. Certains, qui ne sont pas conseillers communautaires, ont ainsi l’impression qu’un certain nombre de décisions leur échappent. Qui voudra s’engager dans un mandat de conseiller municipal, alors que l’on peut être à ce titre interpellé dans la rue, voire agressé ou vilipendé, et alors même que cette qualité n’est même pas tout à fait reconnue par ailleurs ?

Si vous voulez qu’il y ait des candidats et que les listes soient complètes, il vous faut entendre ce message. Je ne doute pas que vous l’ayez compris. Nous suivrons de près la suite…

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 5 rectifié n’a plus d’objet.

L’amendement n° 11, présenté par MM. Parigi, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article L. 4422-10, il est inséré un article L. 4422-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4422-…. – La collectivité de Corse accorde sa protection au président de l’Assemblée de Corse, au président du conseil exécutif de Corse, aux vice-présidents, aux conseillers exécutifs et territoriaux ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions, qui en font la demande. Elle répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en est résulté. Les membres de la collectivité de Corse en sont informés dans les plus brefs délais.

« La collectivité de Corse ne peut s’opposer à la protection mentionnée au deuxième alinéa ou en restreindre le champ que pour un motif d’intérêt général, par une délibération motivée prise dans un délai de trois mois à compter de la demande adressée par l’élu concerné à la collectivité. L’inscription de ce point à l’ordre du jour de l’Assemblée de Corse est de droit à la demande d’un ou de plusieurs membres. »

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement, proposé par mon collègue Paulu Santu Parigi, vise à rendre conformes et applicables les dispositions de la présente proposition de loi aux spécificités de l’organisation territoriale de la collectivité de Corse.

On nous a répondu en commission que l’application à cette collectivité était automatique au titre de l’article L. 4421-1 du code général des collectivités territoriales. Mais M. Parigi m’a fait part de son doute à l’endroit du président de la collectivité de Corse.

Je souhaite connaître l’avis de Mme la rapporteure et de Mme la ministre sur ce sujet, afin de savoir si je peux retirer ou non cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Monsieur Benarroche, je ne savais pas que le Marseillais que vous êtes parlait le corse… (Sourires.)

M. Guy Benarroche. Couramment !

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. M. Parigi m’avait fait part de son inquiétude au sortir de notre première réunion de commission sur ce texte et j’avais essayé de le rassurer. Je comprends qu’il ait souhaité obtenir un avis très officiel en déposant un amendement : celui-ci est effectivement satisfait par l’article L. 4421-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), lequel prévoit que la collectivité de Corse s’administre librement, dans les conditions fixées par l’ensemble des autres dispositions législatives relatives aux départements et aux régions.

En commission, nous avons complété l’article 3 de la proposition de loi afin que les conseillers régionaux et départementaux exerçant des fonctions exécutives puissent se voir octroyer automatiquement la protection fonctionnelle en cas de violences, de menaces ou d’outrages. Par conséquent, tous les élus de la collectivité de Corse qui exercent de telles fonctions bénéficient de ce dispositif.

Je demande donc le retrait de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 11 est-il maintenu ?

M. Guy Benarroche. Mme la rapporteure m’ayant assuré que l’amendement était satisfait, ce que Mme la ministre n’a pas démenti, et compte tenu du fait que la plus grande communauté corse habite à Marseille (Sourires.), je retire cet amendement avec l’accord tacite de Paulu Santu Parigi.

M. le président. L’amendement n° 11 est retiré.

Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales, le nombre : « 3 500 » est remplacé par le nombre : « 10 000 ».

M. le président. L’amendement n° 15, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Les dispositions de l’article 4 modifient l’article L. 2123-35 du CGCT afin d’étendre la compensation par l’État des contrats d’assurance de protection fonctionnelle aux communes de moins de 10 000 habitants. Cette compensation prend la forme d’une majoration de la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, dite dotation particulière « élu local » (DPEL), versée aux communes concernées.

Il convient de modifier les critères d’attribution de cette dotation et d’en augmenter le montant afin de couvrir les nouvelles collectivités qui y ont droit. Cette mesure, qui engage les finances de l’État et relève d’une loi de finances, est introduite dans le projet de loi de finances initial pour 2024, qui est en cours d’examen. Les grands esprits se sont rencontrés, madame la rapporteure !

Le présent amendement vise donc à supprimer l’article 4.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. N’y voyez aucune défiance de notre part, madame la ministre : je vous crois lorsque vous dites que cette disposition figure le projet de loi de finances initial, mais vous devez comprendre que nous sommes attachés aux mesures proposées par notre assemblée. Nous admettrions difficilement qu’un texte privé de cette mesure quitte le Sénat. Nous verrons ce qui se passera par la suite…

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

L’article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation agit en qualité d’agent de l’État, il bénéficie, de la part de l’État, de la protection prévue aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique. » – (Adopté.)

Article 5
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Article 7

Article 6

La cinquième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l’article L. 5214-8 est ainsi modifié :

a) Le mot : « et » est remplacé par le signe : « , » ;

b) Les mots : « ainsi que l’article » sont supprimés ;

c) Après la référence : « L. 2123-24-1 », sont insérés les mots : « , L. 2123-34 et L. 2123-35 » ;

2° La dernière ligne du tableau constituant le second alinéa du I de l’article L. 5842-21 est ainsi rédigée :

 

«

L. 5214-8

la loi n° … du … renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires

»

 – (Adopté.)

Article 6
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Article 8

Article 7

À la fin du dernier alinéa de l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, les mots : « par l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique ». – (Adopté.)

Article 7
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Article 9

Article 8

Avant le dernier alinéa de l’article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La protection mentionnée aux mêmes premier à troisième alinéas implique la prise en charge, en fonction d’un barème fixé par décret, par la commune des restes à charge ou des dépassements d’honoraires résultant des dépenses liées aux soins médicaux et à l’assistance psychologique engagées par les bénéficiaires de cette protection pour les faits mentionnés auxdits premier à troisième alinéas. » – (Adopté.)

Article 8
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Article 10

Article 9

Après le titre V du livre II du code des assurances, il est inséré un titre V bis ainsi rédigé :

« TITRE V BIS

« LASSURANCE DES RISQUES LIÉS À LEXERCICE DUN MANDAT ÉLECTIF

« Art. L. 252-3. – Tout titulaire d’un mandat électif ou tout candidat déclaré publiquement, qui n’a pu obtenir la souscription d’un contrat auprès d’au moins deux entreprises d’assurance couvrant en France les risques de dommages des biens meubles et immeubles tenant lieu de permanence électorale ou accueillant des réunions électorales, peut saisir un bureau central de tarification prévu à l’article L. 212-1.

« Le bureau central de tarification fixe le montant de la prime moyennant laquelle l’entreprise d’assurance intéressée est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé. Il peut, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, déterminer le montant d’une franchise qui reste à la charge de l’assuré.

« Toute entreprise d’assurance qui maintient son refus de garantir le risque dont la prime a été fixée par le bureau central de tarification est considérée comme ne fonctionnant plus conformément à la réglementation en vigueur. Elle encourt, selon le cas, soit le retrait des agréments prévus aux articles L. 321-1, L. 321-7, L. 321-8 ou L. 321-9, soit les sanctions prévues à l’article L. 363-4. »

M. le président. L’amendement n° 19, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment les critères permettant, en fonction de chaque scrutin, de définir les modalités d’accès au bureau central de tarification applicables aux candidats à un mandat électif public. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Le présent amendement vise à ce que soient définies par un décret en Conseil d’État, en fonction de chaque scrutin et avec l’appui des directions d’administration centrale concernées, les modalités d’accès au bureau central de tarification applicables aux candidats à un mandat électif public. Il s’agit de préciser la mesure que nous avons introduite.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.

(Larticle 9 est adopté.)

Article 9
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Article 11

Article 10

I. – Après le chapitre V bis du titre Ier du livre Ier du code électoral, il est inséré un chapitre V ter ainsi rédigé :

« CHAPITRE V TER

« Protection des candidats

« Art. L. 52-18-1. – Chaque candidat bénéficie, pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’à la date du dépôt du compte de campagne, de la protection prévue aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique. Cette protection est assurée par l’État.

« Art. L. 52-18-2. – Pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’à la date du dépôt du compte de campagne, l’État prend à sa charge les dépenses engagées par un candidat provenant des activités, lorsqu’elles ne sont pas exercées par un service public administratif et qu’une menace envers un candidat est avérée, qui consistent :

« 1° Dans la fourniture des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles tenant lieu de permanence électorale ou accueillant des réunions électorales, ainsi que la sécurité du candidat se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes ;

« 2° Dans la protection de l’intégrité physique du candidat.

« Art. L. 52-18-3 (nouveau). – La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les demandes de remboursement formulées en application de l’article L. 52-18-2. Elle arrête le montant du remboursement.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent chapitre, notamment les critères permettant, en fonction de chaque scrutin, d’évaluer le caractère avéré de la menace encourue par un candidat. »

II (nouveau). – Le présent article entre en vigueur un an après la promulgation de la présente loi.

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Bourgi et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey, Narassiguin et Linkenheld, MM. Roiron, Chaillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 5 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Lucien Stanzione.

M. Lucien Stanzione. Cet amendement vise à supprimer les dispositions de l’article 10 qui prévoient la prise en charge par l’État des frais engagés par les candidats pour leur sécurité personnelle à l’occasion de leur campagne.

Cette disposition, qui nous paraît tout à fait déraisonnable et inopportune dans son principe même, pourrait être instrumentalisée par des candidats dans le cadre de leur campagne.

Par ailleurs, elle aboutirait à octroyer aux candidats des droits supérieurs à ceux des élus puisque, pour ces derniers, l’État ne prend pas en charge les frais qu’ils décideraient d’engager pour leur sécurité personnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je remercie nos collègues socialistes d’avoir compris en partie mes arguments en faveur du maintien de l’article 10, qu’ils voulaient supprimer en totalité… Il y a eu du progrès dans le cheminement de leur pensée !

Je suis évidemment défavorable à la suppression des alinéas 5 à 9, lesquels représentent une avancée salutaire en termes de protection des candidats aux élections dans le contexte actuel de crise des vocations électorales – je l’ai dit dans mon propos introductif.

Il me semble indispensable que l’État joue son rôle de garant du pluralisme des courants d’opinion et politiques ; cela passe assurément par la protection des candidats aux élections.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Stanzione, en créant un nouveau chapitre V ter, intitulé « Protection des candidats », la proposition de loi semble introduire un nouveau dispositif de remboursement, qui s’ajoute aux deux principaux déjà existants, à savoir, d’une part, le remboursement de la propagande électorale instituée au titre du principe d’égal accès à l’information électorale, et, d’autre part, le remboursement forfaitaire des comptes de campagne prévu à l’article L. 52-11-1 du code électoral, au titre du principe de liberté de campagne électorale.

S’il est louable de vouloir protéger les candidats lors de la campagne électorale précédant les scrutins, la mise en œuvre d’une telle protection reste sujette à beaucoup d’interrogations. En effet, il conviendra de bien identifier le concept de menace avérée, afin d’éviter tout abus.

Par ailleurs, la multiplicité du nombre de candidats lors de certaines élections pourrait conduire à une saturation du dispositif ; je rappelle qu’en 2020 le nombre de candidats aux élections municipales avoisinait les 900 000…

Ce nouveau dispositif présenterait en outre une certaine complexité sur le plan financier et pourrait entraîner des retards dans la prise en charge des dépenses. Or l’intention du législateur est de raccourcir les délais de remboursement, conformément au nouvel objectif de performance introduit en 2023 dans le programme 232.

Enfin, comme l’a dit Mme la rapporteure, il est nécessaire de s’interroger sur la pertinence d’un dispositif qui serait plus protecteur pour les candidats à une élection que ne le sont les dispositifs dont bénéficient les élus.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. J’entends ce que disent mes collègues du groupe socialiste, mais, pour notre part, nous ne voterons pas cet amendement.

Tout d’abord, lorsque nous écrivons la loi, nous devons l’inscrire dans le temps long, ce que nous avons tous de plus en plus de mal à faire.

Ensuite, dans une société où la violence s’accroît – nous l’avons dit les uns et les autres –, la problématique de la protection réelle de l’ensemble des candidats doit être prise en compte. Pour autant, il faut se garder du risque de tuer la démocratie en aseptisant les campagnes électorales à venir.

Je ne pense pas que l’article 10, dans sa rédaction actuelle, confère aux candidats aux différentes élections un quelconque droit à l’excès et à l’outrance. Il vise plutôt à prendre une précaution en vue de prochaines échéances.

En 2015, alors que j’étais tête de liste pour les élections régionales, des attentats se produisaient dans notre pays à quelques jours du scrutin. La société est certes différente aujourd’hui, mais on ne sait jamais…

Ce qui m’intéresse davantage que l’objectif de performance du programme 132 du projet de loi de finances, madame la ministre, c’est la protection du débat démocratique. Je ne suis pas certaine qu’il y ait de sursollicitation en la matière…

Il faut sécuriser la situation. Aujourd’hui, les élus sont attaqués ; demain, on le sait tous, ce sera le tour des candidats. J’entends dire que tout cela n’a rien à voir avec un statut de l’élu : un peu, tout de même ! Tant que l’on ne redonnera pas toute leur légitimité aux élus, ce risque perdurera.

Je souhaite donc que l’on s’en tienne au texte de la commission.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Nous avons une lecture tout à fait différente de la disposition qui nous est proposée.

J’entends bien qu’il faut faire en sorte – et c’est ce que nous faisons – que l’ensemble des débordements contre les élus puissent être sanctionnés, afin que ceux-ci ne servent pas de « sas de décompression » à des concitoyens agressifs.

Pour autant, cet article va beaucoup trop loin en donnant davantage de droits aux candidats qu’aux élus. De ce fait, certains candidats pourraient chercher systématiquement à faire preuve d’outrance.

Je ne suis pas certain que le mécanisme de défense prévu serve à quoi que ce soit, sachant que les candidats sont d’ores et déjà protégés. Je ne crois pas qu’il y ait en France une menace réelle pesant sur l’ensemble des campagnes électorales.

Si des efforts devaient être consentis et des gages donnés en matière de campagne électorale, ils devraient plutôt concerner le financement de la vie publique. Les mesures prévues nous semblent, à la fois, disproportionnées et de nature à encourager les débordements volontaires de certains candidats.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je soutiens, au nom de mon groupe, l’amendement présenté par Hussein Bourgi, que vient de défendre parfaitement Éric Kerrouche.

Il s’agit de trouver un équilibre entre la protection des élus locaux et des maires, d’un côté, et celle de l’expression citoyenne, de l’autre. Il ne faut pas pour autant créer d’opportunités, que l’on pourra appeler « effets d’aubaine » dans certains cas, au bénéfice de candidats, isolés parmi des milliers d’autres, qui chercheraient à obtenir des financements liés à des violences provoquées – pour ne pas dire plus.

Les alinéas concernés de l’article 10 me semblent tout à fait disproportionnés par rapport à la réalité d’aujourd’hui, et même en considérant la prospective sur les années à venir évoquée par Cécile Cukierman. Comme elle, je pense que les solutions sont aussi devant nous. Au-delà de celles proposées dans cette proposition de loi, ces solutions doivent concerner le statut de l’élu et, plus globalement, la revitalisation de la vie citoyenne, comme je l’ai expliqué au nom de mon groupe lors de la discussion générale.

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

M. Hussein Bourgi. Si l’article 10 était voté et entrait en vigueur, il faudrait s’attendre à ce que les gendarmeries et les commissariats de police croulent sous les demandes lors des différentes élections, singulièrement lors des élections municipales.

Mobiliser des milliers, voire des dizaines de milliers, de gendarmes et de policiers pour accompagner les candidats en campagne sur les marchés et pour sécuriser leurs réunions publiques me semble particulièrement disproportionné et exorbitant.

Je serai très politiquement incorrect : voter cette disposition susciterait un effet d’aubaine. Certaines formations politiques seraient en effet incitées à créer leur boîte de sécurité « maison » et à demander le remboursement de la prise en charge des frais liés à la sécurité de leurs candidats engagés dans des campagnes électorales. C’est comme cela que l’on dévoie et détourne l’argent public, lequel devrait être utilisé à des fins beaucoup plus morales, réglementaires et conformes à l’esprit de la loi !

Si la police et la gendarmerie ne sont pas en mesure de fournir des effectifs pour assurer la protection des candidats, ceux-ci, j’y insiste, voudront créer leur propre boîte de sécurité. Encore une fois, c’est ainsi qu’apparaissent les dérives et les détournements d’argent public. Cela s’est déjà produit par le passé avec les entreprises de formation…

M. Lucien Stanzione. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je souhaite rappeler les dispositions de l’article 10, afin de mâtiner quelque peu les réticences des uns et des autres au vu d’éventuels débordements.

Tout d’abord, la protection dont il est question ne serait pas assurée par un service public : on ne mobiliserait pas de gendarmes, contrairement à ce que vous avez dit…

Ensuite, comme pour l’article précédent, un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application de ces dispositions. Des critères seront ainsi fixés pour permettre, en fonction de chaque scrutin, d’évaluer le caractère avéré de la menace encourue par un candidat. Les mesures prises seront donc précises.

Vous dites, monsieur Bourgi, que des boîtes de sécurité seront créées. Or on ne parle pas ici seulement de protection physique ; il peut aussi s’agir de vidéosurveillance, par exemple.

Enfin, nous avons prévu que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques se pencherait sur la question pour accorder, ou non, le remboursement de ces frais.

Nous avons donc introduit plusieurs dispositifs permettant d’éviter les débordements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 10.

(Larticle 10 est adopté.)

TITRE III

RENFORCER LA PRISE EN COMPTE DES RÉALITÉS DES MANDATS ÉLECTIFS LOCAUX PAR LES ACTEURS JUDICIAIRES ET ÉTATIQUES

Article 10
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Article 12

Article 11

L’article 43 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le procureur de la République est saisi de faits mettant en cause, comme auteur dans l’exercice de son mandat, un maire ou un adjoint au maire, le deuxième alinéa du présent article est applicable. » – (Adopté.)

Article 11
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Article 13

Article 12

L’article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Aux deuxième et troisième alinéas, les mots : « , à sa demande, » sont supprimés ;

2° Au quatrième alinéa, après le mot : « informé », sont insérés les mots : « , dans un délai d’un mois, ».

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, sur l’article.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je souhaite, tout d’abord, me féliciter de la présentation de ce texte. Les dispositions qui ont d’ores et déjà été adoptées renforcent les peines encourues et améliorent la prise en charge des élus victimes de violence. Je me réjouis aussi des évolutions à venir : Mme la ministre a en effet donné son accord sur le fond en vue de l’élargissement de la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux.

Nous évoquons maintenant l’article 12, qui vise à améliorer l’information des élus – nous en avons grandement besoin.

L’article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure, modifié par cet article, prévoit que le maire n’est informé que « des classements sans suite, des mesures alternatives aux poursuites, des poursuites engagées, des jugements devenus définitifs ou des appels interjetés ». J’identifie un manque, dont je tenais à faire part à notre assemblée et auquel nous pourrons peut-être remédier dans la suite de nos travaux, madame la rapporteure. En effet, il me semble important de prévoir une information sur l’exécution de la peine par la personne condamnée pour de tels faits.

J’évoquais ce sujet hier soir avec le maire de Thorigny-sur-Oreuse, Pierrick Bardeau, et son adjoint Jean-Marc Seeten. Dans cette commune, un individu s’étant rendu coupable d’un « dérapage » a été condamné à six mois de prison ferme. Quelle n’a pas été la surprise de ces élus en tombant nez à nez sur lui dans la rue, un mois et demi plus tard ! Ils n’avaient eu aucune information quant à l’exécution de la peine. Or celle-ci avait été raccourcie – en tout cas, l’intéressé avait été précocement remis en liberté. Je souhaitais signaler ce point, car il y a matière à améliorer l’information des élus, et notamment des maires.

Enfin, même si ce n’est pas l’objet du texte, je souhaite avoir une pensée pour les collaborateurs des élus, les secrétaires de mairie et tous les personnels qui travaillent dans cet environnement. Ils sont bien souvent en première ligne, car ce sont les premières personnes avec lesquelles les administrés entrent en contact, par exemple à l’accueil des mairies. Eux aussi peuvent faire l’objet de menaces ou d’injonctions. Céline Brulin et Cédric Vial, qui sont ici présents, ont d’ailleurs lancé des travaux sur la situation des secrétaires de mairie. Leur sort nous tient à cœur, tout autant que la protection des élus !

M. le président. Je mets aux voix l’article 12.

(Larticle 12 est adopté.)

Article 12
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Article 14

Article 13

Après le premier alinéa de l’article L. 2121-27- 1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le procureur de la République du ressort de la cour d’appel compétent sur le territoire municipal peut, dans les mêmes conditions qu’au premier alinéa du présent article et dans le respect de l’article 11 du code de procédure pénale, diffuser dans un espace réservé toute communication en lien avec les affaires de la commune. »

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par MM. Bourgi et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey, Narassiguin et Linkenheld, MM. Roiron, Chaillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre-Alain Roiron.

M. Pierre-Alain Roiron. Cet amendement vise à supprimer l’article 13 de la proposition de loi aux termes duquel le procureur de la République disposerait d’un espace de communication dédié dans les bulletins municipaux pour diffuser toute information en lien avec les affaires communales.

Cette mesure nous semble ne répondre à aucune nécessité dans la mesure où les procureurs peuvent déjà s’exprimer librement dans la presse locale, d’autant que les journaux communaux sont souvent mensuels, voire annuels.

De plus, il me semble que les juges ont mieux à faire que de publier des articles dans les journaux communaux. Il nous semble donc important de ne pas retenir cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. J’entends votre propos, mon cher collègue, mais nous avons introduit cette mesure en raison d’une demande émanant des procureurs eux-mêmes. Un rapport a été rédigé en ce sens par le procureur de la République de Reims, en association avec les associations d’élus, lesquelles soutiennent cette initiative.

En outre, l’espace de communication qui serait réservé dans les bulletins municipaux aux procureurs bénéficierait des mêmes garanties que celui réservé aux élus municipaux d’opposition. Le maire n’interférera donc absolument pas dans les communications du procureur.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Le procureur de la République peut déjà s’exprimer librement dans la presse locale « afin d’éviter la propagation d’informations […] inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public », conformément à l’article 11 du code de procédure pénale.

Par ailleurs, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a élargi les cas dans lesquels cette communication peut être réalisée : le procureur peut communiquer sur les procédures lorsque tout autre impératif d’intérêt public le justifie et autoriser un officier de police judiciaire à rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure sans porter d’appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.

Enfin, cette mesure nous paraît relever du niveau réglementaire.

Sur cet amendement de suppression de l’article 13, je m’en remets néanmoins à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. La mesure instituée par cet article est sans doute la plus incompréhensible du texte. Puisque vous nous avez indiqué qu’il s’agissait d’une demande des procureurs et des associations d’élus, penchons-nous donc, madame la rapporteure, sur un cas pratique.

Comme vous l’avez expliqué, à juste titre, pendant la réunion de la commission des lois, le procureur disposerait d’une simple faculté : il « pourrait » procéder à une telle publication. Néanmoins, lorsqu’il « voudrait » le faire, quelle latitude resterait-il au maire, qui est – je le rappelle – le directeur de la publication du journal municipal ?

Face à une telle demande, l’élu, même s’il n’était pas favorable à cette publication, devrait la publier quoi qu’il arrive. En outre, comme je l’ai indiqué en commission des lois, pourquoi le procureur seul bénéficierait-il de cette faculté, et non le recteur ou toute autre autorité administrative ? Il me semble qu’une telle disposition contrevient à la libre administration des collectivités territoriales, le maire étant contraint de publier cette communication du procureur.

Nous savons tous qu’il est parfois difficile d’arbitrer dans les journaux municipaux entre plusieurs textes qui sont proposés. Malgré la bonne volonté de ceux qui la proposent, cette mesure aura des effets pervers extrêmement importants. Surtout, elle n’apportera rien au vu des marges de manœuvre dont dispose déjà le procureur.

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

M. Hussein Bourgi. Je m’inscrirai dans le droit fil des propos de mes collègues. Mme le rapporteur nous a fait état d’un rapport rendu par le procureur de la République de Reims. Il se trouve que, ces derniers jours, de nombreux conseils de juridiction se sont réunis dans notre pays. Plusieurs membres de notre groupe y ont été invités et ont interrogé les procureurs sur cette disposition : ceux-ci ont répondu avoir déjà assez de travail pour ne pas passer leurs journées à rédiger des articles pour les bulletins municipaux.

Dans certaines communes, le bulletin municipal ne paraît qu’une fois par an, ou par semestre ou par trimestre. Lorsqu’une affaire concerne une commune, par exemple une bagarre pendant une fête votive ou une occupation illégale de terrain par les gens du voyage, dès le lendemain ou le surlendemain du jugement la décision est rapportée dans la presse quotidienne régionale. Revenir là-dessus six mois ou un an plus tard risque de sentir quelque peu le réchauffé…

Pour cette raison, il ne nous semble pas pertinent de suivre la commission sur cet article. Je comprends bien qu’il s’agit d’une simple faculté, mais si à l’avenir les procureurs de la République en faisaient abstraction, il ne faudrait pas les accuser de ne pas communiquer avec les maires.

Ma crainte est également que les procureurs, pour se débarrasser de cette faculté, ne finissent par rédiger un texte générique qu’ils enverront à tous les maires pour publication dans l’ensemble des bulletins municipaux du département, texte dans lequel ils rendraient compte de statistiques ou de mouvements de personnel. Nous nous éloignerions alors largement de l’esprit des travaux qui nous réunissent aujourd’hui. Je ne voudrais pas que les bulletins municipaux se transforment en support promotionnel de l’action du Gouvernement ou de tel ministre.

Laissons les communes vivre comme elles l’entendent et communiquer sur l’action publique menée par les équipes municipales. Laissons les bulletins municipaux à la disposition de la vie associative, culturelle et sportive. De grâce, ne les encombrons pas avec de la communication institutionnelle ! Le procureur de la République comme le recteur, le commandant de la gendarmerie, le préfet ou le sous-préfet ont accès quotidiennement à la presse et aux médias. Ne les laissons pas saturer les bulletins municipaux !

M. Olivier Paccaud. C’est vrai !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Comme vous l’avez vous-même souligné, mon cher collègue, il s’agit d’une faculté et non d’une obligation. Par conséquent, si les procureurs, estimant avoir trop de travail, ne veulent pas rédiger d’article, qu’ils n’en fassent rien !

Vous avez raison : les procureurs ont la faculté de communiquer dans la presse. Mais tout le monde ne lit pas le journal ou n’écoute pas la radio, tandis qu’un bulletin municipal est en principe distribué dans tous les foyers, voire disponible sur internet. Ainsi, il pourrait toucher plus de monde. Puisque sont concernées les actualités relatives aux communes, il est possible d’imaginer que les citoyens trouveraient de l’intérêt à disposer d’une telle communication.

Je le redis, c’est une faculté, nous n’imposons rien. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Je suis cosignataire de cette proposition de loi, mais je reconnais que je suis gêné par cet article. (Exclamations sur des travées du groupe SER.) Je n’avais pas forcément perçu toutes ses implications et j’avoue me rallier aux arguments provenant des travées d’en face.

Nous nous battons pour que l’État n’intervienne pas pour dicter aux maires ce qu’ils ont à faire dans leur commune. Laissons le maire négocier avec le procureur ou toute autre institution s’il le souhaite, sans mettre en place d’obligation.

M. Cédric Vial. Madame la rapporteure, vos arguments ne m’ont pas convaincu de la pertinence ou de la nécessité de cet article, contrairement à ce qui a été le cas pour le reste du texte. La suppression de l’article 13 ne me semble pas de nature à remettre en cause l’équilibre général de la proposition de loi. Ma position ne sera donc pas celle de la commission, ce dont je vous prie par avance de m’excuser.

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. Je suis tout à fait d’accord avec mon collègue Cédric Vial.

Madame le rapporteur, y a-t-il une demande des procureurs à ce sujet ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Oui !

M. Olivier Paccaud. Pour ma part, je préférerais qu’ils s’expriment plus régulièrement et qu’ils réunissent les maires plus souvent.

Mme Cécile Cukierman. Il y a de la révolte !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 13 est supprimé.

Article 13
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 14

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l’article L. 132-4, sont insérés dix alinéas ainsi rédigés :

« Sont membres de droit du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance :

« 1° Le représentant de l’État territorialement compétent, ou son représentant ;

« 2° Le procureur de la République territorialement compétent, ou son représentant ;

« 3° Le cas échéant, le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance et auquel la commune appartient, ou son représentant.

« Peuvent être désignés membres dudit conseil :

« a) Des représentants des services de l’État désignés par le représentant de l’État dans le département ;

« b) Des représentants d’associations, d’établissements ou d’organismes œuvrant notamment dans les domaines de la prévention, de la sécurité, de l’aide aux victimes, du logement, des transports collectifs, de l’action sociale ou des activités économiques, désignés par le président du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance après accord des responsables des organismes dont ils relèvent.

« En tant que de besoin et selon les particularités locales, des maires des communes et des présidents des établissements publics de coopération intercommunale intéressés ainsi que des personnes qualifiées peuvent être associés aux travaux du conseil.

« La composition du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance est fixée par arrêté du maire.

« Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance se réunit au moins une fois par an en présence des membres de droit ou de leurs représentants, spécialement désignés à cet effet. » ;

2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 132-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À la demande du maire, du représentant de l’État dans le département ou de l’autorité judiciaire, un groupe thématique chargé des violences commises à l’encontre des élus peut être constitué au sein du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Il peut traiter de l’organisation d’une réponse aux violences et d’une stratégie d’accompagnement des élus victimes. » ;

3° (nouveau) L’article L. 132-13 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Après le premier alinéa, sont insérés dix alinéas ainsi rédigés :

« II. – Sont membres de droit du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance :

« 1° Le représentant de l’État territorialement compétent, ou son représentant ;

« 2° Le procureur de la République territorialement compétent, ou son représentant ;

« Peuvent être désignés membres dudit conseil :

« a) Les maires des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale, ou leurs représentants ;

« b) Des représentants des services de l’État désignés par le préfet de département ;

« c) Des représentants d’associations, établissements ou organismes œuvrant notamment dans les domaines de la prévention, de la sécurité, de l’aide aux victimes, du logement, des transports collectifs, de l’action sociale ou des activités économiques désignés par le président du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, après accord des responsables des associations, établissements ou organismes dont ils relèvent.

« En tant que de besoin et selon les particularités locales, des présidents des établissements publics de coopération intercommunale intéressés ainsi que des personnes qualifiées peuvent être associés aux travaux du conseil intercommunal.

« La composition du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance est fixée par arrêté du président de l’établissement public de coopération intercommunale.

« Le conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance se réunit au moins une fois par an en présence des membres de droit ou de leurs représentants, spécialement désignés à cet effet. » ;

c) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

– au début, est ajoutée la mention : « III. – » ;

– après la deuxième phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « À la demande du président ou des maires des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale, du représentant de l’État dans le département ou de l’autorité judiciaire, un groupe thématique chargé des violences commises à l’encontre des élus peut être constitué au sein du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance. Il peut traiter de l’organisation d’une réponse aux violences et d’une stratégie d’accompagnement des élus victimes. »

M. le président. L’amendement n° 20, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

Après le premier alinéa de l’article L. 132-4, sont insérés

par les mots :

L’article L. 132-4 est complété par

II. – Alinéa 9

Après les mots :

responsables des

sont insérés les mots :

associations, établissements ou

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 14, modifié.

(Larticle 14 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 14
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. En France, nous nous réjouissons du nombre important d’élus locaux : quelque 500 000 personnes siègent dans nos conseils municipaux. Plus de 902 000 candidats se sont présentés en 2020. Même si ce chiffre est un peu moins élevé qu’en 2014, cela représente tout de même un Français sur cinquante !

Reste à déterminer l’influence qu’aura le contexte actuel sur les futures vocations. Avant un cycle électoral, les élus assurent en général qu’ils ne seront pas de nouveau candidats, avant de finir par se représenter. Néanmoins, le contexte est aujourd’hui tout à fait différent du fait de la montée des violences que nous avons mentionnée et qui est avérée. Les enquêtes dont nous disposons montrent par exemple que les maires de France ont constaté une progression inédite de 10 % des incivilités entre 2020 et 2022.

Vous avez indiqué, madame la ministre, que le Gouvernement souhaitait réagir. C’est un peu tardif ! Les promesses sont nombreuses, encore faudrait-il qu’elles se concrétisent. Vous avez lancé en mai dernier le centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus puis annoncé une série de mesures qui, pour autant, restent à déployer.

Cette proposition de loi sénatoriale vise déjà à aller plus loin, même si, d’une certaine façon, elle ne traite que d’un aspect des choses. S’il est important que les élus disposent d’un glaive et qu’ils soient protégés, ce qui est l’objet de cette proposition de loi, il leur faut aussi un bouclier, à savoir un statut de l’élu. Et je ne parle pas d’un « bouclier à rustines », madame la ministre, mais d’un bouclier véritablement efficace ! Il s’agit de ne pas se contenter de mesures correctives, à l’image de ce qui a été fait les années précédentes.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Nous voterons cette proposition de loi, malgré un regret, madame la ministre, quant au profond désaccord que nous avons avec vous.

Cette proposition de loi contribue à poser les premiers jalons d’un statut de l’élu. Nous renforçons la sécurité des élus locaux et la protection des maires puisque nous actons le principe selon lequel la violence à l’égard des élus, quelle qu’en soit la forme, n’est pas de même nature que celle qui vise n’importe quel autre citoyen. Les réalités sont différentes, et il faut en tenir compte.

Je suis convaincue, pour le défendre depuis plus de dix ans sur ces travées, que nous parviendrons progressivement à la création d’un statut de l’élu. Mais celui-ci ne devra pas se résumer, comme je l’indiquais dans la discussion générale, à une réécriture de certains articles du code général des collectivités territoriales ou à l’ajout de quelques autres articles.

Je le redis, il faudra prendre en compte la diversité et la globalité des situations, en commençant par « l’avant », c’est-à-dire le temps de la campagne électorale. Certes, nous devrons faire attention. Les comptes de campagne offrent une garantie démocratique : si des excès sont constatés, en quelque sens que ce soit, la justice tranche. Je pars toutefois du principe que tous les candidats sont sincères.

Puis « le pendant », qui est celui du mandat de l’élu. Sans oublier de réfléchir à « l’après » : que faire et comment reprendre sa vie après une élection ?

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.

M. Hussein Bourgi. Je remercie mes collègues présents ce soir pour le travail que nous avons mené ensemble ce soir. Nous avons fait œuvre utile.

Qu’il me soit permis de saluer le président de la commission, qui est le premier signataire de cette proposition de loi, ainsi que notre rapporteure, Catherine Di Folco, résolument engagée aux côtés des élus locaux et des collectivités, et Mme la ministre, qui a témoigné d’un véritable pragmatisme et d’ouverture sur la proposition de loi que nous avons examinée ce soir.

Cet état d’esprit œcuménique qui nous réunit tous et toutes ce soir nous conduira vraisemblablement à voter à l’unanimité cette proposition de loi.

Dans le même état d’esprit, madame la ministre, j’attire votre attention sur deux propositions de loi qui ont été examinées au Sénat – l’une sur l’initiative du groupe CRCE-Kanaky, l’autre du groupe RDPI – relatives aux secrétaires de mairie. Nous avons voté unanimement en leur faveur avant la trêve estivale, en nous inspirant des travaux qui ont été réalisés sous l’autorité bienveillante de Mme la présidente Françoise Gatel par nos collègues Cédric Vial, Jérôme Durain et Catherine Di Folco.

En ce qui concerne la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, votre collègue Stanislas Guerini, qui était au banc des ministres, s’était engagé à ce que ce texte revienne dans les meilleurs délais devant notre assemblée. Dans quelques semaines se tiendra le congrès des maires ; aussi serait-il souhaitable, que Stanislas Guerini, M. le ministre chargé des relations avec le Parlement et vous-même vous donniez les moyens d’inscrire ce texte à l’ordre du jour afin qu’il soit adopté avant ce rendez-vous important pour les élus de notre pays. Je sais pouvoir compter sur votre bienveillance et sur l’engagement de mes collègues ici présents.

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.

Mme Maryse Carrère. Je remercie Mme la ministre, M. le président de la commission des lois et Mme la rapporteure pour le travail effectué, aussi minutieux que pragmatique. Avec cette proposition de loi, nous gravons dans le marbre des dispositions exemplaires qui étaient attendues. Ce geste concret permettra aux maires – je l’espère – de se sentir protégés et pour le moins entendus.

Au travers de ce texte, nous ouvrons la possibilité de rendre les réponses pénales plus fermes, ce qui était également demandé, et d’offrir un accompagnement plus important et adapté.

Nous reviendrons sur la question de la protection fonctionnelle pour tous, sans distinction entre opposition et majorité. Sur ce sujet, nous comptons sur vous, madame la ministre. Je vous remercie pour votre ouverture ce soir.

Il nous faudra ensuite revenir sur le sujet des recours abusifs, qui est cher à ma collègue Nathalie Delattre, puis sur le statut de l’élu, sur lequel le groupe RDSE travaille.

Par avance, je vous remercie tous, mes chers collègues, pour cette belle unanimité qui semble poindre dans cet hémicycle. Pour sa part, en tout cas, l’ensemble du groupe RDSE votera ce texte.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Je remercie l’ensemble des collègues qui s’apprêtent à voter, peut-être à l’unanimité, pour ce texte, même si la rédaction de la commission ne l’emporte pas à 100 %, puisque nous venons de subir un échec. (Sourires.)

Certes, comme tout échec, il faut le relativiser, mais tout de même : un certain nombre de maires pourrait trouver un intérêt, tant pour eux-mêmes que pour leur territoire, à disposer d’une information dont ils ne disposent jamais, pour la communiquer à leur population.

S’il ne faut pas rendre la mesure obligatoire, il serait utile de permettre au maire d’autoriser le procureur de la République à s’exprimer dans le bulletin municipal. En effet, l’élu peut avoir intérêt à ce que le procureur, en tant qu’autorité, donne une information à ses administrés. Il me semble que la mesure aurait été utile : elle n’a pas été jugée telle, peut-être le sera-t-elle plus tard – je ne désespère pas !

Je remercie Mme la rapporteure pour le travail qui a été effectué. Madame la ministre, je vous sais gré de votre appui sur le texte. Nous avons réussi à obtenir son examen en procédure accélérée grâce à vous, ce qui devrait permettre qu’il soit rapidement discuté à l’Assemblée nationale avant, si possible, son adoption d’ici à la fin de l’année, comme nous l’espérons. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. J’ai indiqué à plusieurs reprises au cours de la discussion générale à quel point je tenais à féliciter M. le président de la commission et Mme la rapporteure de ce texte, qui correspond – à quelques détails près – à ce que le Gouvernement aurait rédigé s’il avait présenté un projet de loi à ce propos. Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, pour l’état d’esprit qui a présidé à cette soirée.

Je souhaite vous rassurer quant aux points que vient d’aborder M. le président de la commission. Le texte sera bien examiné rapidement à l’Assemblée nationale ; nous mettons tout en œuvre pour que cela se fasse en décembre prochain – cela ne pourra se faire avant. Il en va de même pour les deux propositions de loi relatives aux secrétaires de mairie portées par les groupes CRCE et RDPI. Même si Stanislas Guerini était le ministre au banc lors de leur examen en cet hémicycle, je surveille ces textes comme le lait sur le feu, car ce sujet m’intéresse au plus haut point. Nous faisons tout pour qu’ils soient aussi examinés en décembre prochain.

Pour faire miens les termes de Mme Carrère, les dispositions contenues dans ce texte étaient attendues et sont exemplaires. Je souhaite que nous continuions à travailler ensemble comme nous l’avons fait ce soir. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires
 

12

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée demain, mercredi 11 octobre 2023 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente :

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (texte de la commission, n° 14, 2023-2024) et conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire (texte de la commission n° 13, 2023-2024).

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’industrie verte (texte de la commission n° 19, 2023-2024) ;

Débat relatif à l’augmentation de la taxe foncière.

À vingt et une heures trente :

Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 octobre 2023

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.)

nomination de membres de commissions

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Anne-Marie Nédélec est proclamée membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Alain Duffourg, démissionnaire.

Le groupe Union Centriste a présenté une candidature pour la commission de laménagement du territoire et du développement durable.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Alain Duffourg est proclamé membre de la commission de laménagement du territoire et du développement durable, en remplacement de Mme Anne-Marie Nédélec, démissionnaire.

nomination de membres dune éventuelle commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission spéciale sur le projet de loi visant à sécuriser et à réguler lespace numérique pour faire partie de léventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi visant à sécuriser et à réguler lespace numérique a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :

Titulaires : Mme Catherine Morin-Desailly, M. Patrick Chaize, Mmes Nadine Bellurot, Marie Mercier, Florence Blatrix Contat, Laurence Rossignol et M. Ludovic Haye.

Suppléants : M. Laurent Somon, Mmes Elsa Schalck, MM. Loïc Hervé, Jérôme Durain, Pierre Ouzoulias, Pierre-Jean Verzelen et Thomas Dossus.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER