AVANT-PROPOS

Où va l'État territorial ? Telle était la question posée voilà cinq ans par votre Délégation et à laquelle nos collègues alors Éric DOLIGÉ et Marie-Françoise PEROL-DUMONT avaient apporté une réponse tirée du point de vue des collectivités territoriales 1 ( * ) . Laissant ouvertes des options et mettant en lumière des incertitudes, leur rapport invitait toutefois moins à clore définitivement la réflexion qu'à la poursuivre pour l'enrichir des orientations et des expérimentations les plus récentes. Tel est l'esprit dans lequel vos rapporteurs ont conduit la mission d'information dont le présent rapport rend compte.

Décentralisation, services déconcentrés, État territorial... autant de notions récentes en comparaison de la longue évolution de l'administration de nos territoires. Celles-ci nécessitent d'être bien comprises pour saisir les enjeux de l'organisation de proximité de l'État. La loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République (dite « loi ATR ») précise ainsi en son article 1 er que « l'administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et par les services déconcentrés de l'État » . Apparaît dès lors le lien indéfectible, au travers de l'État territorial, entre l'État et ses services déconcentrés, d'une part, et les collectivités territoriales, d'autre part.

Pour cerner la nature et le contenu de ce lien aujourd'hui, vos rapporteurs ont notamment souhaité prendre le pouls des élus locaux, au travers d'une large consultation conduite via la plateforme du Sénat, mais aussi des agents de l'État, par le biais d'un questionnaire adressé aux préfets et sous-préfets 2 ( * ) . Il est intéressant de constater que de ces enquêtes se dégagent nombre de points de convergence entre les différents acteurs de l'État territorial. Confrontés à une succession de réformes depuis une quinzaine d'années et à une accélération de leur enchainement, les collectivités territoriales, comme les services préfectoraux et déconcentrés, ont le sentiment de subir les changements plutôt que d'y être associés , sans parler de les impulser. Faut-il d'ailleurs s'en étonner, alors qu'il est à déplorer qu' aucune évaluation rigoureuse et exhaustive de la réforme précédente ne détermine la réforme suivante ?

Dans ce paysage administratif en mouvement quasi perpétuel, des points de tension ressortent cependant comme autant de points fixes. Qu'il s'agisse d'une ingénierie territoriale en berne - en dépit de la récente création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) -, d'un contrôle de légalité vécu comme trop tatillon ou d'agences étatiques perçues comme envahissantes, l'offre d'État répond de manière insatisfaisante aux besoins des collectivités territoriales .

Pour repenser l'État territorial , l'inspiration est à rechercher autour de la mise en oeuvre de quelques grands principes au coeur de l'action publique : la subsidiarité, la différenciation territoriale, la contractualisation, une meilleure représentation des élus locaux dans la gouvernance des opérateurs de l'État... Car les voies existent pour fluidifier et rendre plus efficace la relation entre un État recentré sur ses missions régaliennes et des collectivités territoriales librement administrées, dédiées au développement harmonieux de leurs territoires et au service de leurs habitants.

I. LES ADMINISTRATIONS DÉCONCENTRÉES EN CHANTIER DEPUIS QUINZE ANS

Dans son précédent rapport en 2016, votre Délégation regrettait une profusion de réformes de l'organisation territoriale de l'État ne tenant guère compte de l'avis des élus locaux, qui éprouvaient un « sentiment d'exaspération », ni de l'état d'« épuisement » des personnels. Un peu plus de cinq ans plus tard, la situation n'a pas significativement changé : le mouvement continu de réforme n'a pas fait de pause et une nouvelle initiative, dite « Action publique 2022 », est venue allonger l'empilement des réformes sans profondément corriger les travers nés des réorganisations antérieures . Les réformes s'enchaînent, sans se compléter, ni jamais être évaluées.

A. LA RÉFORME CONTINUE DES SERVICES DE L'ÉTAT TERRITORIAL

1. Les principales réformes adoptées
a) La révision générale des politiques publiques (RGPP)

On peut dater la mise en chantier , dont on connaît aujourd'hui encore les suites, de la réforme des administrations déconcentrées à la période 2007-2012 avec, dans le cadre de la politique dite de « révision générale des politiques publiques » (RGPP), la mise en oeuvre d'une réorganisation de l'administration territoriale de l'État (RéATE) 3 ( * ) .

Jusqu'en 2010 et du point de vue des élus locaux, le paysage de l'État déconcentré se composait de pas moins de 35 directions et services régionaux et départementaux. Ce « maquis » administratif se doublait d'une faible culture interministérielle, chaque direction et service se vivant essentiellement comme l'émanation d'un ministère propre et ne rendant compte qu'à l'administration centrale de ce ministère.

La RéATE ambitionnait de rompre avec cette culture trop verticale, sortir de l'organisation « en silo » et simplifier l'organisation administrative de l'État dans les territoires. D'une vingtaine, le nombre d'entités administratives régionales est ainsi passé à huit avec la création de directions dont les acronymes allaient rentrer dans l'univers familier des élus locaux au fil du temps : la direction régionale des finances publiques (DRFiP), la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), la direction régionale des affaires culturelles (DRAC), l'agence régionale de santé (ARS) et le Rectorat d'académie.

Au niveau départemental, les regroupements administratifs ont, pour leur part, débouché sur la création de deux ou trois directions départementales , selon les départements. Ainsi sont apparues la direction départementale des territoires (DDT), ou dans les départementaux littoraux la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), la direction départementale de la protection des populations (DDPP) et la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS). Dans les plus petits départements (de moins de 400 000 habitants), ces deux dernières directions ont été réunies dans une direction unique : la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP).

Avec la RéATE, le préfet a vu son rôle éminent réaffirmé au coeur de l'action de l'État déconcentré et de la conduite des politiques publiques. D'une part, le préfet de région reçoit la responsabilité de l'exécution de ces politiques dans la région. Il dispose d'un pouvoir d'instruction sur le préfet de département, ainsi que d'un pouvoir d'évocation dans le champ de compétences de celui-ci. D'autre part, le contrôle de la légalité des actes pris par les collectivités territoriales, longtemps placé au niveau du sous-préfet, s'exerce désormais au niveau du préfet et de la préfecture.

Au final, avec les restructurations administratives et l'élargissement des compétences du préfet de région, la RéATE s'est traduite par un renforcement de l'échelon régional .

b) La modernisation de l'action publique (MAP)

À partir de 2012, un objectif de stabilisation des services se substitue à celui de la réorganisation afin de « concentrer désormais les énergies sur la rénovation des modalités de pilotage et de fonctionnement de l'administration déconcentrée , plutôt que de lancer une nouvelle réorganisation alors que les précédentes se sont révélées brutales et n'ont pas été assimilées » 4 ( * ) . Cette stabilisation n'empêche pas que les réformes se poursuivent à un rythme soutenu sous l'égide de la politique dite de « modernisation de l'action publique » (MAP) de 2012 à 2017.

Une telle adaptation relève d'ailleurs d'autant plus de la nécessité que la carte des collectivités territoriales évolue au cours de la période, des conséquences devant en être tirées du côté de l'État déconcentré.

La carte des collectivités territoriales et la cartographie des services de l'État déconcentré sous la MAP

Parallèlement à la MAP, le contexte territorial évolue considérablement sous l'effet de trois lois marquantes sur la période 2012-2017. Tout d'abord, la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (dite « loi MAPTAM ») suscite une montée en puissance des métropoles. Ensuite, la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral donne naissance, par regroupements, à de grandes régions. Enfin, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite « loi NOTRe ») encourage la constitution de groupements de communes d'au moins 15 000 habitants : non seulement la carte des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) évolue, mais le nombre de ces établissements diminue de manière significative (1 254 au 1 er janvier 2022, contre 2 601 en 2009).

Face à l'émergence de ces nouvelles dynamiques territoriales, la MAP se donne pour ambition de faire évoluer en conséquence les services régionaux de l'État et de caler au mieux son organisation administrative (la carte des circonscriptions) sur la carte des nouvelles régions . Dans les sept régions fusionnées, le nombre de services régionaux passe de 144 à 63 avec pour effet, en termes de ressources humaines, la suppression de neuf postes de préfet de région ou de directeurs généraux d'ARS ainsi que de 63 postes de directeurs régionaux. En outre, les services régionaux (zones de défense, gendarmerie, douanes, protection judiciaire de la jeunesse) et les opérateurs de l'État (Pôle emploi, agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - ADEME -, chambres consulaires) révisent leur périmètre géographique de compétence.

Dans le cadre du « Plan préfecture nouvelle génération » (PPNG) et de la « directive nationale d'orientation (DNO) des préfectures et des sous-préfectures 2016-2018 », les préfectures sont amenées à recentrer leurs activités sur des missions identifiées comme prioritaires : la lutte contre la fraude documentaire, la gestion locale des crises, l'expertise juridique et le contrôle de légalité, ainsi que la coordination des politiques publiques. En contrepartie, les modalités de délivrance des titres d'identité (passeport, carte nationale d'identité, permis de conduire) font l'objet de mesures de modernisation et de simplification des démarches, de réduction des coûts, de sécurisation des titres et de lutte contre la fraude, en clair d'une externalisation.

Un nouveau document apparaît également à l'échelle départementale en application de l'article 98 de la « loi NOTRe » : le schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité des services publics (SDAASP).

Le SDAASP : un outil censé contribuer à l'équilibre territorial

Ce schéma vise à faciliter l'accès aux services du quotidien pour la population et à optimiser l'organisation territoriale des services au public.

La « loi NOTRe » prévoit un co-pilotage État - département pour l'élaboration et la mise en oeuvre du SDAASP, en associant les EPCI à fiscalité propre. D'une durée de six ans, il permet de déployer une véritable stratégie départementale d'amélioration de l'accessibilité des services au public.

L'article 1 er du décret n° 2016-402 du 4 avril 2016 relatif à la « loi NOTRe » indique par ailleurs que le SDAASP porte sur « l'ensemble des services , qu'ils soient publics ou privés, destinés à être directement accessibles, y compris par voie électronique, au public, celui-ci pouvant être des personnes physiques ou morales ». Le périmètre du schéma couvre ainsi un large panel de services du quotidien, indispensables à la population, qu'ils soient publics ou marchands : les services de santé, les commerces de proximité, les administrations et services à destination des publics en situation de fragilité, les services enfance et jeunesse, les usages numériques, les moyens de transport...

Pour autant, le SDAASP n'a pas vocation à se substituer aux schémas thématiques et documents de planification applicables dans ces différents domaines. Sa finalité est essentiellement d'identifier des enjeux en matière d'accessibilité, en s'appuyant sur une vision partagée des priorités en matière de services , et de proposer un programme d'actions permettant de construire des réponses partagées avec les acteurs territoriaux.

Source : « SDAASP, un plan d'actions pour les services au public du Calvados » (2017)

Vos rapporteurs soulignent l'intérêt et l'utilité d'un tel schéma qui représente un outil essentiel pour garantir un objectif d'équilibre territorial. Au surplus, il permet potentiellement d'associer une grande diversité d'acteurs intéressés au développement des territoires et ainsi de dégager des orientations partagées. Parmi les représentants de l'État (préfets et sous-préfets), 48 % l'estiment « sous-exploité ».

Proposition n° 1 : repenser les schémas départementaux d'amélioration de l'accessibilité des services au public pour assurer un objectif d'équilibre territorial. Élargir le périmètre des acteurs concernés pour leur élaboration.

Délai : trois ans

Acteur(s) : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Au niveau infra-départemental, de nouvelles structures apparaissent avec le développement des maisons de l'État et des maisons de services au public (MSAP). Elles visent à permettre le maintien des services publics au plus près des usagers et des collectivités territoriales, les maisons de services au public ayant vocation à fédérer l'État, les collectivités territoriales, des opérateurs ou des entreprises de service public, ainsi que des organismes de Sécurité sociale, dans un espace commun.

2. Les transformations en cours : « Action publique 2022 »
a) Une refonte des services de l'État

À compter de 2017 s'ouvre une nouvelle page pour l'administration déconcentrée. Il s'agit de mettre en oeuvre l'un des engagements du Président de la République, Emmanuel Macron, à savoir « permettre aux acteurs de terrain de déployer l'action publique de manière différenciée , personnalisée et adaptée aux besoins du public ».

En matière d'évolution de l'organisation et du fonctionnement des services de l'État, la circulaire n° 6029/SG du 24 juillet 2018 relative à l'organisation territoriale des services publics vise ainsi à introduire plus de « souplesse » et de « modularité » dans l'organisation des services départementaux de l'État : elle envisage des fusions ou des rapprochements de directions départementales interministérielles (DDI) et des coopérations interdépartementales (par l'exercice de missions entre départements limitrophes, par exemple). Elle cherche également et de nouveau à rationaliser les moyens de fonctionnement des services en fixant des objectifs de mutualisation en matière d'immobilier (regroupements) et de gestion des moyens de fonctionnement (fusion des fonctions supports des DDI en charge des moyens de fonctionnement).

La même circulaire trace des pistes d'évolution du périmètre des missions de l'État , en énumérant celles pour lesquelles « le rôle de l'État doit être réaffirmé », et celles qui ne seront pas maintenues dans le giron de l'État ou qui seront allégées « compte tenu de l'intervention des collectivités territoriales ». L'un des objectifs affichés est en effet d'entreprendre un effort de clarification des compétences respectives de l'État et des collectivités territoriales.

La clarification des compétences entre l'État et les collectivités territoriales dans la circulaire n° 6029/SG du 24 juillet 2018 relative à l'organisation territoriale des services publics

La circulaire identifie les missions pour lesquelles le rôle de l'État doit être réaffirmé , en renforçant éventuellement ses moyens (y compris humains et en capacités d'expertise), et articulé avec plus d'efficience avec les collectivités territoriales et les opérateurs :

- des missions de sécurité, de prévention et de gestion des crises (sécurité publique, lutte contre la radicalisation, prévention du terrorisme, sécurité civile, sécurité sanitaire et alimentaire, prévention des risques naturels ou technologiques, gestion des sinistres industriels...) ;

- des missions de contrôle, de lutte contre les fraudes et d'inspection (y compris le contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales) ;

- des missions de gestion des flux migratoires ;

- des missions d'ingénierie territoriale ;

- des missions relatives à l'environnement ;

- des missions relatives au logement et à l'hébergement d'urgence ;

- des missions dans le domaine de l'insertion professionnelle et de la lutte contre la pauvreté (avec un effort particulier dans les territoires de la politique de la ville) ;

- des missions relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes ;

- des missions relatives à la préservation du patrimoine.

Dans d'autres secteurs d'intervention, le périmètre d'action de l'État pourra être allégé compte tenu de l'intervention des collectivités territoriales, notamment :

- en matière de développement économique, hormis les dossiers de restructuration les plus sensibles ;

- le tourisme ;

- dans les domaines du logement, de l'hébergement d'urgence, de l'accueil des migrants, de la politique de la ville et de l'égalité entre les femmes et les hommes, où l'intrication avec les compétences des collectivités territoriales (notamment le département) est forte ;

- concernant le sport, où seuls le haut niveau et les territoires carencés ont vocation à demeurer dans le giron de l'État ;

- s'agissant des demandes de permis de construire, de la liquidation des taxes relatives aux permis de construire instruits par les collectivités territoriales et de l'instruction des aides à la pierre. Ces missions pourraient être confiées, par convention, aux collectivités, en particulier les agglomérations.

Du point de vue des administrations centrales, la circulaire précitée du 24 juillet 2018 trouve son complément dans une autre circulaire du même jour. Ainsi, la circulaire n° 6030/SG relative à la déconcentration et à l'organisation des administrations centrales tire les conséquences de la précédente en ajustant le mouvement de déconcentration. Le Premier ministre, alors Édouard Philippe, y souligne que « les administrations centrales doivent seulement assurer, au niveau national, un rôle de conception, d'animation, d'appui des services déconcentrés, d'orientation, d'évaluation et de contrôle ». Il regrette toutefois que « bien souvent, tel n'est pas le cas aujourd'hui ». Aussi invite-t-il les membres du Gouvernement à lui faire des propositions concernant « toutes les décisions ou les actions à transférer à des niveaux déconcentrés ». Il précise que ces propositions devront privilégier « le niveau départemental, voire infra-départemental ».

La refonte engagée se poursuit avec la création, à compter du 1 er avril 2021, de nouvelles directions à partir du regroupement de précédentes. La - direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) prend en charge, en région, l'action publique dans les champs économique et social. Ces actions étaient jusque-là confiées respectivement à la DIRECCTE et à la direction régionale de la cohésion sociale (DRCS). Au niveau départemental, de nouveaux services sont également mis en place sur ce même principe de regroupement des compétences économiques et sociales : les directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) et les directions départementales de l'emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETS-PP). L'organisation et les missions de ces directions sont fixées par le décret n° 2020-1545 du 9 décembre 2020 relatif à l'organisation et aux missions des DREETS, des DDETS et des DDETS-PP.

b) De nouveaux outils de pilotage

Parallèlement à ces réorganisations administratives, la réforme dite « Action publique 2022 » s'accompagne de la transformation de l'environnement de travail des décideurs publics par la création de nouveaux outils, qu'ils soient institutionnels, juridiques ou managériaux.

Dans le paysage de l'État territorial, deux nouvelles entités font leur apparition : l' ANCT ( Cf. infra partie III.A.2.b) ) et les Maisons France-Services .

Le maillage du territoire par les Maisons France-Services

Imaginées pour faciliter l'accompagnement de l'usager dans ses démarches administratives, les Maisons France-Services succèdent aux MSAP et regroupent un éventail de services publics : la caisse d'allocations familiales (CAF), les services des ministères de l'intérieur , de la justice , des finances publiques , la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), la mutualité sociale agricole (MSA), Pôle emploi et La Poste . Ce socle de services peut être enrichi par les collectivités territoriales et d'autres partenaires, en fonction des besoins locaux exprimés par les citoyens.

Actuellement, vingt Maisons France-Services sont implantées en sous-préfecture et trois projets supplémentaires sont en cours de contrôle qualité pour une labellisation.

En outre, 932 anciennes MSAP ont su monter en gamme et réunir l'ensemble des critères du cahier des charges pour obtenir la labellisation. Elles font désormais partie du réseau France-Services.

Enfin, 1 097 maisons sont portées - et très majoritairement financées - par des collectivités territoriales , soit 63 % du réseau. 56 % d'entre elles sont portées par un EPCI, 38 % par une commune et 4 % par le département.

Pour les élus locaux ayant répondu au questionnaire de vos rapporteurs, ces structures « rendent les services déconcentrés de l'État et plus généralement les services publics » plus accessibles (21,8 % en sont « tout à fait d'accord » et 36,2 % « plutôt d'accord ») et plus visibles (17,3 % « tout à fait d'accord » et 34,1 % « plutôt d'accord »). En revanche, le fait de savoir si ces maisons rendent les services plus efficaces ne fait pas l'unanimité : 12,5 % sont « tout à fait d'accord », 23,8 % « plutôt d'accord », 26,9 % « ni d'accord, ni pas d'accord », 10,1 % « plutôt pas d'accord », 6,8 % « pas du tout d'accord » et 19,9 % ne se prononcent pas.

Dans son rapport d'information n° 778 (2021-2022) du 13 juillet 2022 « Premier bilan du financement des Maisons France-Services » au nom de la commission des finances, notre collègue Bernard Delcros estime qu'« il importe d'améliorer et de consolider le cadre existant, au travers du développement de nouveaux services en partenariat avec les neuf opérateurs déjà présents ». Il souligne en outre que « le maillage actuel du réseau est insuffisant en milieu rural, où une Maison France - Services doit être implantée dans chaque petite centralité, si besoin allant de pair avec la mise en place de services de transport à la demande dans les territoires dépourvus de transport en commun ».

Ce souhait relatif à de nouvelles implantations de Maisons France - Services entre en résonance avec l'avis recueilli par vos rapporteurs à l'occasion de leur enquête auprès des élus locaux. Ainsi, lorsque les répondants n'ont pas de Maison sur leur territoire, ils ne sont que 51,8 % à estimer que ce type de structure rend les services de l'État plus visibles, 59 % à considérer qu'ils sont plus accessibles, 36,2 % plus efficaces et 39,3 % jugent que ces structures apportent une plus-value. Par contre, lorsque le territoire des répondants est doté d'une telle Maison, ils sont respectivement, pour chacun de ces items, 65 %, 71,4 %, 47,7 % et 55,6 %. Il y a donc une différence d'appréciation entre les territoires dotés et ceux qui ne le sont pas.

Apparaît également la volonté de s'assurer de la mise en oeuvre « jusqu'au dernier kilomètre » des réformes considérées comme prioritaires grâce à une nouvelle méthode, dite des « feuilles de route », pour les préfets . Sous cette nouvelle approche, le Gouvernement sélectionne un certain nombre de réformes prioritaires et les préfets sont chargés de leur déclinaison territoriale en privilégiant l'échelon départemental. Ainsi que l'explicite le « Guide du préfet et des services déconcentrés » 5 ( * ) , la culture du « dernier kilomètre » consiste à « considérer qu'il n'y a pas des obligations de moyens ou de normes, mais des obligations de résultat, de transformation réelle de la vie quotidienne des Français ».

La méthode de la « feuille de route » :

donner un mandat interministériel clair au préfet

Alors que la circulaire n° 6230/SG du 18 novembre 2020 détaille le suivi de l'exécution des priorités gouvernementales, la circulaire n° 6259/SG du 19 avril 2021 précise les conditions de mise en oeuvre de la « feuille de route ».

La combinaison de l'identification de réformes prioritaires et de la « feuille de route » vise à asseoir et renforcer le rôle du préfet dans le pilotage et l'animation des services et des opérateurs de l'État , en lien avec les collectivités territoriales et les autres partenaires de l'action publique locale.

La « feuille de route » est signée par le Premier ministre et donne au préfet un mandat de trois ans .

Les objectifs des réformes prioritaires sont territorialisés à la maille départementale et actés entre le préfet et les administrations centrales, en tenant compte des enjeux propres à chaque territoire. Les « feuilles de route » interministérielles identifient les réformes prioritaires et les projets structurants locaux à fort enjeu demandant un engagement personnel et un investissement particulier du préfet.

Les résultats obtenus par le préfet sont pris en compte dans son évaluation et la détermination de la part variable de sa rémunération.

Dans la même logique poursuivie par l'« Action publique 2022 », un autre outil de pilotage est institué : le baromètre des résultats de l'action publique .

Ce baromètre correspond à un outil accessible à tous, sur le site www.gouvernement.fr. Chacun peut y suivre, pour chaque territoire, l'avancée et les résultats de l'action publique sur une sélection de 36 réformes prioritaires autour de 10 thématiques : 1. éducation - jeunesse, 2. économie - emploi, 3. transition écologique, 4. agriculture, 5. sécurité, 6. justice, 7. santé famille - handicap, 8. logement, 9. services publics et territoires, 10. culture.

Le « Guide du préfet et des services déconcentrés » présente ce baromètre comme un outil permettant le « dialogue avec les collectivités locales , les résultats publiés [pouvant] être mobilisés pour objectiver les situations avec les partenaires locaux et enclencher une action ».

Un exemple tiré du baromètre de l'action publique : le nombre d'agriculteurs engagés dans une démarche certifiée de transition agro-écologique

Source : site www.gouvernement.fr


* 1 Cf. Sénat, rapport d'information n° 181 (2016-2017), « Où va l'État territorial ? Le point de vue des collectivités ».

* 2 1426 élus locaux ont répondu à la consultation conduite via la plateforme du Sénat et 109 préfets/sous-préfets au questionnaire qui leur a été adressé.

* 3 Cf . Sénat, rapport d'information n° 77 (2013-2014), « Les préfectures à l'heure de la réorganisation de l'administration territoriale de l'État (RéATE) », de notre collègue alors Michèle André.

* 4 Cf. conclusions du Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) du 17 juillet 2013.

* 5 Edition du 23 juillet 2021.

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