I. III. L'ADAPTATION DE L'ORGANISATION DE L'ÉTAT DANS LES TERRITOIRES

La multiplication des réformes et l'accélération de leur succession peut offrir deux lectures contradictoires. Dans une version optimiste, on pourrait y voir l'expression d'un État agile et soucieux de s'adapter au plus vite et au plus juste à un monde en mutation constante et toujours plus rapide.

Dans une vision plus réaliste, on doit davantage y discerner les symptômes d'un État à la peine pour continuer à tenir son rôle dans les territoires et hésitant sur la meilleure stratégie à suivre pour y réussir . Au coeur de ces incertitudes, l'institution préfectorale occupe une place particulière en ce qu'historiquement, il a toujours été beaucoup attendu de sa part et qu'elle demeure encore, en ce début de XXI ème siècle, l'axe principal sur lequel peut s'appuyer l'État dans les départements et les régions pour répondre aux attentes légitimes des collectivités territoriales et de leurs élus.

Aujourd'hui, l'heure n'est pas tant à un « big bang » administratif aux effets très incertains qu'à une adaptation de l'organisation de l'État dans les territoires, dans un souci de simplification, de lisibilité et d'efficacité de l'action publique .

A. L'UNICITÉ DE LA PAROLE DE L'ÉTAT

1. Le préfet, pierre angulaire de l'État
a) Les risques de la fonctionnalisation des préfets

Le décret n° 2022-491 du 6 avril 2022 relatif aux emplois de préfet et de sous-préfet tire les conséquences de la réforme de l'encadrement supérieur de l'État annoncée le 8 avril 2021 par le Premier ministre, alors Jean Castex, et notamment de la création du corps des administrateurs de l'État par l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 posant le cadre de la suppression du corps préfectoral.

Auparavant régis par les décrets n° 64-260 du 14 mars 1964 et n° 64-805 du 29 juillet 1964 modifiés, les corps de préfet et de sous-préfet s'éteignent 37 ( * ) . Le décret précité du 6 avril 2022 fixe le cadre réglementaire applicable aux emplois de préfets et de sous-préfets, en matière de nomination, de classement des emplois et de modalité de gestion sur ces emplois. Il entrera en vigueur au 1 er janvier 2023.

L'un des principaux objectifs poursuivis par la réforme de l'encadrement supérieur de l'État consiste à substituer une logique de métier à celle de corps . Il sera impossible pour un haut fonctionnaire, membre du corps des administrateurs d'État, d'exercer l'intégralité de sa carrière comme préfet ou comme sous-préfet.

La suppression du corps n'est toutefois pas synonyme de disparition des fonctions préfectorales . Ainsi est-il d'usage de parler de « fonctionnalisation » des préfets pour évoquer cette réforme. À partir du 1 er janvier 2023, la durée maximale d'exercice continu des fonctions de préfet sera de neuf ans (quel que soit le nombre d'emplois occupés pendant cette période) 38 ( * ) . Les emplois de préfet sont désormais répartis en quatre groupes :

- groupe I : emplois de préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris et préfet de police de Paris ;

- groupe II : emplois de préfet de région (à l'exception de l'Ile-de-France, Paris et l'Outre-mer) ;

- groupe III : préfets de département et préfet de région Outre-mer, hauts commissaires ;

- groupe IV : autres emplois de préfet et de préfet délégué ;

La gestion des emplois de préfets et de sous-préfets relèvera toujours du ministère de l'Intérieur, par l'intermédiaire de la délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (Diese) créée par le décret n° 2021-1775 du 24 décembre 2021 relatif à la délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État, aux délégués ministériels à l'encadrement supérieur et au comité de pilotage stratégique de l'encadrement supérieur de l'État.

Dans les textes, la réforme de l'encadrement supérieur de l'État a pour ambition que les nouveaux administrateurs de l'État soient davantage proches des réalités du terrain. De fait, le décret précité du 6 avril 2022 prend des précautions pour ne pas nommer préfet des profils hors-sol ou déconnectés des réalités. Il prévoit qu'au moins « deux tiers des emplois de préfet seront occupés par des personnes justifiant de plus de cinq années de services dans plusieurs postes territoriaux d'encadrement supérieur au sein des services déconcentrés de l'État, de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière ou d'établissements publics en relevant ». Ainsi, un tiers des préfets seront nommés à la discrétion du gouvernement (en provenance du public ou du privé).

Avant d'être nommés pour la première fois à des fonctions de préfets, les candidats seront reçus et évalués par un comité consultatif, présidé par le président du Conseil supérieur de l'appui territorial et de l'évaluation (CSATE). Ce comité sera chargé de formuler un avis sur l'aptitude professionnelle de ces personnes. Au cours de l'exercice de leurs fonctions de préfets (ou de sous-préfets), le parcours professionnel des administrateurs d'État en préfectoral sera évalué par le CSATE.

En résumé, l'objectif affiché de cette réforme vise à instiller plus de diversité dans le recrutement , ainsi que des parcours professionnels liés à la performance des préfets et non plus à leur statut.

Les élus locaux sont majoritairement en phase avec la préoccupation d'« ouvrir les fonctions de préfet à des fonctionnaires dont ce n'est pas la fonction d'origine » puisque 55,5 % en sont « tout à fait d'accord » (19,2 %) ou « plutôt d'accord » (36,3 %), d'après leurs réponses au questionnaire de vos rapporteurs. Ils sont en revanche très partagés sur l'affirmation selon laquelle « les préfets doivent relever d'un corps de hauts fonctionnaires à part entière » : quand un sur trois (34,9 %) est « tout à fait d'accord » (9,7 %) ou « plutôt d'accord » (25,2 %) avec cette idée, un autre tiers y est hostile (13,4 % « pas du tout d'accord » et 21,8 % « plutôt pas d'accord »).

En tant que président de l'Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l'Intérieur, le préfet Christophe Mirmand a tenu à resituer cette transformation dans le temps long 39 ( * ) : « des perspectives de réforme du corps préfectoral se font jour. Cette institution est relativement récente, puisque si la fonction préfectorale est plus que bicentenaire, les corps n'existent que depuis l'immédiat après-guerre ». Il a toutefois tenu à insister sur deux priorités. La première consiste à s'assurer du « professionnalisme des préfets et des sous-préfets amenés à exercer ces fonctions sur le territoire, ce qui suppose de veiller, dans l'organisation des carrières, à garantir l'acquisition d'un savoir-faire relatif à l'entretien des relations avec l'ensemble des partenaires locaux ». La seconde concerne « la préoccupation d'une animation qui soit encore assurée par le ministère de l'Intérieur, considérant que cette dualité de mission incombant au corps préfectoral (être le représentant de l'État et du gouvernement d'une part, et être l'incarnation de l'interministérialité de l'État au niveau territorial et celui qui détient l'autorité civile sur les services chargés de la sécurité de nos concitoyens d'autre part) doit être garantie ».

Lors de son audition, Bernadette Malgorn a pour sa part exprimé de vives réserves estimant que « la fonctionnalisation emporte plusieurs risques : un excès de politisation , une perte de compétences et une mauvaise adéquation aux collectivités territoriales ». Elle a rappelé que « la création du corps [préfectoral] en 1950 s'inscrivait dans un mouvement de modernisation de l'administration dans l'après-guerre, à la suite de la création de l'ENA en 1945. La littérature nous avait dressé des portraits rarement flatteurs des préfets d'avant-guerre, mondains ou très politiques. La création du corps préfectoral est une rupture. Il s'agit d'une professionnalisation et la reconnaissance d'un métier, qui s'est accompagnée de la définition de modalités de recrutement, y compris d'éléments extérieurs. Ces recrutements extérieurs sont maintenant majoritaires chez les sous-préfets et ils représentent la moitié des préfets, l'autre moitié étant issus de l'ENA ».

Au regard de la fonctionnalisation en cours du métier préfectoral, vos rapporteurs soulignent la nécessité impérieuse de préserver les préfets d'une politisation qui nuirait à leur crédit dans leur circonscription et, partant, à l'efficacité de l'action de l'État. Tout autant sont-ils attachés à la pérennité d'une filière professionnelle préfectorale permettant de garantir le haut niveau de professionnalisme qui fait la marque du corps préfectoral et qui doit perdurer .

b) Le préfet, représentant de l'État dans les territoires

« Ne soyez jamais les hommes de la Révolution mais les hommes du gouvernement... et faîtes que la France date son bonheur de l'établissement des préfectures » recommande Bonaparte à ceux qui s'apprêtent à occuper la fonction de préfet créée par la loi du 28 pluviôse an VIII . Depuis cette date, assurément, le préfet tient une place à part dans le paysage administratif et politique local , comme dans l'imaginaire national.

Cette singularité perdure jusque dans la Constitution du 4 octobre 1958 , puisque son article 72 précise que « dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Ainsi, le préfet est-il le seul agent public à avoir droit à cette distinction et à cette reconnaissance constitutionnelle.

Comme l'a souligné le professeur Gildas Tanguy lors de son audition 40 ( * ) , « la figure préfectorale combine une dimension verticale , dans sa fonction régalienne, et une dimension horizontale , dans sa capacité à tisser des liens et à accompagner les projets ». C'est bien dans cette dualité que se trouve l'un des principaux ressorts de la fonction préfectorale.

Les résultats de la consultation nationale des élus via la plateforme internet du Sénat, en mars 2021, à propos du renforcement de l'autorité du préfet de département sont édifiants : les élus se montrent favorables à cette proposition à 69 %. Dans le même esprit, 55 % des élus municipaux considèrent que l'échelon de la préfecture de département est celui à privilégier pour la déconcentration 41 ( * ) . L'échelle de l'État territorial est d'abord départementale et elle passe notamment par le préfet.

Proposition n° 13 : rendre effectif l'échelon départemental comme périmètre effectif de mise en oeuvre des politiques publiques.

Délai : immédiatement

Acteur(s) : le Premier ministre, chef du gouvernement

L'incarnation de l'institution préfectorale dans les territoires est double, avec le préfet de région et celui de département, voir triple, si on leur associe le sous-préfet. Au gré des différentes réformes de l'administration déconcentrée, le curseur a varié entre les deux premiers pour déterminer celui dont le rôle serait prééminent sur l'autre. Selon vos rapporteurs, assurer une représentation efficace de l'État dans les territoires passe par l'affirmation du rôle d'impulsion dévolu au préfet de région, tandis que le préfet de département correspond au niveau de l'action et de la mise en oeuvre, avec l'équipe de sous-préfets, des politiques publiques .

Dans cette perspective, le cumul actuel des fonctions de préfet de région et de préfet de département n'est pas optimal . Ce cumul représente au contraire une entrave dans le bon exercice de la fonction au niveau du département, ne serait-ce que par le caractère chronophage des enjeux régionaux (pilotage des politiques publiques, coordination des acteurs...) au détriment des affaires du département. Parmi les préfets et sous-préfets, 65 % s'accordent sur l'utilité de distinguer ces deux fonctions.

De même, le cumul en vigueur des fonctions de secrétaire général de préfecture et de sous-préfet d'arrondissement répond mal au besoin de proximité et d'équité dans le traitement des élus et de leurs territoires. Dans les faits, elle incline en effet parfois à un traitement privilégié de l'arrondissement placé sous l'autorité du secrétaire général.

Proposition n° 14 : transformer l'organisation du corps préfectoral sur certains postes en expérimentant :

a) le dédoublement des fonctions de préfet de région et de département ou, alternativement, expérimenter la transformation du secrétaire général de la préfecture de région en préfet du département chef-lieu avec ajout d'un sous-préfet chargé de l'arrondissement centre ;

b) le dédoublement des fonctions de secrétaire général de préfecture et de sous-préfet d'arrondissement.

Instaurer un numéro d'appel spécialement dédié permettant aux maires d'accéder au sous-préfet de leur arrondissement.

Délai : 3 ans

Acteur(s) : ministère de l'Intérieur, DMAT

Asseoir le préfet dans son rôle requière de l'installer sur une période de temps suffisante. Or, de façon générale, les élus locaux regrettent un trop fort turn over chez leurs interlocuteurs au sein des administrations déconcentrées. Dans leurs réponses au questionnaire de vos rapporteurs, ils estiment à 24 % que leurs interlocuteurs ne restent « pas du tout » « assez longtemps en fonction pour bien connaître [leur] territoire » et 46,6 % estiment qu'ils ne restent « plutôt pas » assez longtemps .

On constate sur ce point une vraie césure entre l'avis des élus locaux et de celui des préfets et des sous-préfets , dont la moitié (48 %) estime qu'ils restent en poste suffisamment longtemps. Pour 73 % d'entre eux, la durée optimale dans un poste est de trois ans. Se marque ici une différence entre la vision territoriale des élus et la vision des préfets et sous-préfets, reflétant une logique de trajectoire de postes.

Plus précisément, quand les élus locaux sont interrogés sur la durée idéale, selon eux, des fonctions des membres du corps préfectoral pour un poste donné, la durée de « 5 ans » recueille le plus de suffrages (39,8 %) devant « 6 ans et plus » (29,3 %), tandis que « 4 ans » ne reçoit que 15,7 % des votes. Du point de vue des élus locaux, le temps est un gage de solidité pour la relation qu'ils construisent avec le préfet et l'administration déconcentrée, la connaissance fine des territoires et des collectivités ne s'improvisant pas.

Proposition n° 15 : instaurer une durée minimum d'affectation des préfets d'au moins quatre ans, avec une feuille de route sur cette période.

Délai : immédiatement

Acteur(s) : ministère de l'Intérieur, DMAT

c) Le préfet, « patron des services » de l'État

Au sein de l'administration déconcentrée de l'État, le préfet occupe une place centrale au point d'être parfois qualifié, dans le jargon des fonctionnaires, de « patron » des services déconcentrés. Il est vrai qu'outre ses missions en matière de maintien de l'ordre et de sécurité publique, et en application du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif au pouvoir des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements , le préfet a autorité sur les services déconcentrés des administrations civiles de l'État. Ce principe général souffre toutefois de quelques exceptions concernant des champs importants, tels que l'action éducatrice, l'inspection du travail, la santé ou les finances publiques 42 ( * ) .

L'autorité du préfet peut être soit hiérarchique, soit fonctionnelle. L'autorité hiérarchique s'exerce en particulier sur les DDI , en application du décret n° 2009-184 du 3 décembre 2009 relatifs aux DDI, et sur les SGC départementaux récemment créés par le décret précité du 7 février 2020 relatif à l'organisation et aux missions des SGC départementaux. Concernant les directions régionales, par contre , cette autorité du préfet est partagée avec celle du ministre en charge des politiques publiques dont elles ont la mission.

Pour résumer la logique sous-tendant ce mécano administratif, le préfet Christophe Mirmand a considéré que « depuis la RéATE, l'organisation administrative est théoriquement interministérielle au niveau départemental et ministérielle au niveau régional, même s'il existe de fait une interministérialité des directions régionales. Les préfets doivent faire vivre cette interministérialité auprès des autres services de l'État et auprès des collectivités territoriales ».

En pratique, force est toutefois de constater que, en dépit de l'existence des Comités de l'administration régionale (CAR) réunissant périodiquement, sous l'autorité du préfet, les services déconcentrés participant aux pilotages des politiques publiques en région 43 ( * ) , des pans très importants de l'action de l'État échappent (en dehors des périodes de crise durant lesquelles des réquisitions pouvant alors intervenir), en totalité ou en partie, au préfet . On doit en particulier songer à cet égard aux Agences régionales de santé (ARS) , au réseau des finances publiques et au Rectorat d'académie .

Cette situation n'est pas sans conséquences sur la présence de l'État dans les territoires, l'unicité des positions qu'il est censé affirmer et, au final, sa relation avec les élus locaux . Au cours de la dernière décennie, on a souvent vu des administrations publiques de réseau (comme, par exemple, les finances publiques, Pôle Emploi...) annoncer sans coordination des fermetures d'agence ou d'antenne à quelques mois ou mêmes quelques semaines d'intervalle sur une même commune, plaçant celle-ci en grande difficulté. Vos rapporteurs estiment que ce type de décision ne doit plus intervenir si l'on attache du crédit à la vitalité de nos territoires, et ils formulent donc la proposition générale suivante.

Proposition n° 16 : proscrire les fermetures simultanées de services déconcentrés sur le territoire d'une même commune, d'un même EPCI, voire d'un même département (pour ceux de moins de 250 000 habitants).

Délai : immédiatement

Acteur(s) : le Premier ministre, chef du gouvernement

Un meilleur pilotage des différents services de l'État dans les territoires devrait permettre d'éviter de tels dilemmes. Afin d'affirmer encore mieux le rôle de coordination du préfet, l'un des obstacles à surmonter réside incontestablement dans l'autorité politique de rattachement de celui-ci, à savoir le ministre de l'Intérieur. S'il peut se comprendre de par la mission de maintien de l'ordre public et de sécurité des populations confiée au préfet (avec pour corolaire l'autorité sur les services de police et de gendarmerie), ce rattachement paraît de plus en plus incongru et anachronique au regard du sens de l'Histoire préfectorale qui va vers toujours plus de transversalité et d'interministérialité.

Proposition n° 17 : placer le préfet sous l'autorité directe du Premier ministre.

Délai : immédiatement

Acteur(s) : le Premier ministre, chef du gouvernement

Dans son précédent rapport en 2016, votre Délégation proposait de « consolider l'autorité du préfet sur l'ensemble des directions régionales ». Force est de constater que cette proposition demeure d'actualité et vos rapporteurs la reprennent à leur compte cette année en y adjoignant la dimension départementale. Cette réaffirmation entre d'ailleurs parfaitement en résonnance avec le rattachement des préfets au Premier ministre , dans un souci d'unicité et de cohérence de l'action de l'État territorial.

Proposition n° 18 : consolider l'autorité du Préfet sur l'ensemble des directions régionales et départementales.

Délai : un an

Acteur(s) : le Premier ministre, chef du gouvernement

Les périodes de crise , comme l'a mis en lumière la crise sanitaire, requièrent vraisemblablement un degré supérieur encore de coordination et d'unicité d'action. Parce que le temps manque, que des vies humaines sont parfois en jeu et que surgissent des événements imprévus nécessitant des réponses aussi rapides dans leur exécution que complexes dans leur élaboration, les services de l'État doivent faire preuve de la plus grande des réactivités et d'une extrême cohérence dans les solutions mises en place sur le terrain. C'est pourquoi vos rapporteurs estiment nécessaire de renforcer l'autorité du préfet au coeur des services dans ces circonstances exceptionnelles. Ils rejoignent d'ailleurs en cela la proposition n° 33 du Groupe de travail du Sénat sur la décentralisation.

À cet égard, vos rapporteurs relèvent, en outre, avec intérêt les dispositions prévues par l'article 15 du projet de loi n° 876 (2021-2022) d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur , déposé au Sénat le 7 septembre 2022. Cet article vise en effet « à clarifier et à renforcer, lors d'événements d'une particulière gravité et sur autorisation du préfet de zone, les prérogatives du préfet de département à l'égard des établissements publics de l'État et services déconcentrés ne relevant pas de son autorité, pour les seules mesures liées à la gestion de la situation ».

Proposition n° 19 : en période de crise, placer l'ensemble des services de l'État sous l'autorité du préfet.

Délai : un an

Acteur(s) : le Premier ministre, chef du gouvernement

Au-delà des dispositions réglementaires organisant les services, l'effectivité des pouvoirs du préfet passe sans conteste par les moyens humains à la disposition de celui-ci et sa faculté à les adapter aux différentes missions.

Précisément, dans le prolongement de la circulaire n° 6251 du 10 mars 2021 relative à la déconcentration de la gestion budgétaire et des ressources humaines pour renforcer l'État dans les territoires, le préfet de région dispose depuis cette année d'une marge de manoeuvre dans l'affectation des effectifs 44 ( * ) . Ainsi peut-il les redéployer entre services dans une limite de 3 % du plafond d'emplois des effectifs relevant du programme 354 « Administration territoriale de l'État ».

Certes, comme le souligne la DMAT, cette faculté offerte au préfet de redéployer des effectifs « sur des missions qu'il considère comme étant prioritaires peut lui permettre de consacrer davantage de moyens à ce rôle d'ensemblier, de coordonnateur et de pilote » 45 ( * ) qui est le sien. Pourtant, eu égard aux réductions drastiques d'effectifs subies par les services déconcentrés ces dernières années, on peut aussi estimer que cette mesure ne présente qu'un intérêt tout relatif, dès lors qu'il s'agira bien souvent davantage de « boucher les trous » et de « répartir la misère » plutôt que de réellement prioriser des politiques publiques .

Proposition n° 20 : augmenter les capacités de redéploiement des fonctionnaires de l'État par le préfet (au-delà de 3 %), sans doublonnage au sein de l'État.

Délai : un an

Acteur(s) : le Premier ministre, chef du gouvernement

2. Le développement parallèle des agences
a) La multiplication des interlocuteurs

L'État dans les territoires ne se résume pas aux administrations déconcentrées stricto sensu , dont il a été question jusqu'à présent. Les élus locaux sont en effet amenés à lier des relations et à travailler avec d'autres acteurs portant des politiques publiques. À l'égard de ces acteurs-là, on a pu parler de « démembrement de l'État », mais on évoque plus couramment aujourd'hui des « opérateurs » ou encore des « agences » de l'État. De ce dernier terme découle d'ailleurs la notion d'« agencification » (ou encore d'« agencisation ») qui rend compte du phénomène.

En 2012 dans son étude annuelle « Les agences : une nouvelle gestion publique ? », le Conseil d'État a tenté, le premier, de cerner au plus près une tendance qui demeurait « un impensé de la réforme de l'État ». Si les agences mobilisent des expertises, des compétences et des savoir-faire dans une organisation qui se veut plus souple que celle des administrations traditionnelles, le Conseil d'État soulignait également que « la bonne administration impose qu'une agence ne soit pas un « bateau ivre » : l'État doit conserver des compétences irréductibles et, en particulier, une capacité de pilotage , afin de pouvoir inscrire les agences dans une vision stratégique de son action ».

Dix ans plus tard, ce constat en forme d'alerte garde toute son actualité dans le cadre de la relation entre l'État et les élus locaux . Certes, le nombre des opérateurs de l'État a connu une décrue depuis cette époque, en passant de 560 à 437 46 ( * ) , et tous ces opérateurs n'interviennent pas dans le champ des collectivités territoriales. Pour autant, le vécu quotidien des élus locaux est peuplé d'acronymes renvoyant à des agences, qu'elles en portent formellement le nom ou pas 47 ( * ) .

Les champs d'intervention de ces agences recoupent en effet des secteurs de compétence des collectivités territoriales, et parmi les plus importants. Ainsi, à titre d'exemple, les ARS occupent une place prééminente dans l'organisation des soins sur le territoire. Dans le domaine de l'écologie et du développement durable, on retrouve les agences de l'eau , l'ADEME , l'Office national des forêts (ONF) ou encore l'Office français de la biodiversité (OFB) . En matière de sécurité, les choix stratégiques de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) ont eu ces dernières années des implications fortes sur l'équipement des mairies et les ressources dédiées par elles à la délivrance des titres d'identité. L'ANCT et, dans un autre registre, l'ANRU ont vocation à accompagner les collectivités territoriales dans leurs transformations et dans l'évolution de leur aménagement. Certaines limites du fonctionnement de ces agences (bureaucratisation, recentralisation) ont été pointées par des travaux universitaires 48 ( * ) .

Du point de vue des élus locaux, cette profusion d'acteurs rend difficile l'identification du bon interlocuteur au sein de la « nébuleuse étatique ». Dans ces conditions, comment s'étonner que 61 % des élus ayant répondu au questionnaire de vos rapporteurs reconnaissent que même « à l'issue des différents plans de modernisation des services déconcentrés de l'État, ils n'ont pas l'impression de trouver le bon interlocuteur » . Une large majorité (64,7 %) considère que « les agences de l'État sont trop nombreuses » : 28,7 % sont « tout à fait d'accord » et 36 % sont « plutôt d'accord ».

Cette impression renvoie à une réalité : les risques de doublons demeurent entre les services déconcentrés et les agences . Le cas du marais poitevin est à cet égard édifiant. L'établissement public du Marais poitevin (EPMP) a été créé par le décret n° 2011-912 du 29 juillet 2011. Il est censé coordonner la gestion de l'eau et de la biodiversité sur le marais et sur les bassins versants qui l'alimentent, soit un périmètre d'intervention total de 639 000 ha. L'établissement public coexiste toutefois avec le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, les DDT(M) des Deux-Sèvres, de Charente-Maritime et de Vendée, la DREAL et l'Agence de l'eau « Loire-Bretagne ».

La mission d'information conduite par vos rapporteurs permet de rappeler ce problème récurrent mais, du fait de ses limites dans le temps et en ressources, elle n'avait bien évidemment pas vocation à établir un recensement exhaustif des doublons. En revanche, vos rapporteurs estiment nécessaire une évaluation fine des périmètres de compétences afin de « chasser » les missions indues, ainsi que de clarifier et de simplifier le paysage administratif auquel les élus sont trop souvent confrontés sans parvenir à trouver de réponse satisfaisante à leurs interrogations .

Parfois, la difficulté des élus locaux n'est pas à chercher dans une absence de réponse de la part des services de l'État ou des agences, mais bien plutôt dans des dissonances, voire des contradictions, entre les réponses rendues par les différentes autorités administratives sollicitées. Autant le préfet a autorité sur les services déconcentrés que sont les DDT(M) par exemple, autant il se trouve démuni face à nombre d'agences qui échappent à son autorité hiérarchique. Dans ces conditions, c'est la parole même de l'État qui en devient dévalorisée, puisque perdant son unicité . À cet égard, il est utile de relever que quatre préfets et sous-préfets sur cinq (81 %) jugent que les agences de l'État sont trop nombreuses.

Vos rapporteurs estiment que les conséquences en termes de pertes de temps, de projets à l'arrêt faute d'orientation claire ou de décisions tardives venant mettre à mal des mois et des mois de travail, imposent d'imaginer un autre modèle d'organisation afin de remettre de la cohérence dans le champ de l'État et de ses agences .

b) La création de l'ANCT : une source d'inspiration ?

Dans la recherche d'un autre modèle pour rationaliser l'intervention des agences et en faire véritablement un levier d'efficacité dans la relation État - collectivités territoriales , la récente création de l'ANCT représente une piste intéressante.

À l'origine de cette création se trouve le législateur, puisque c'est sur une proposition de loi déposée à l'initiative de notre collègue Jean-Claude Requier que la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d'une agence nationale de la cohésion des territoires a été adoptée. Dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi, Jean-Claude Requier estimait ainsi que « l'organisation par l'État de son action locale, avec ses opérateurs, doit être repensée à l'aune des besoins propres à chaque territoire, dans le cadre de la décentralisation. L'État doit ainsi être en mesure de répondre aux initiatives des élus locaux et d'accompagner leurs projets, notamment grâce aux programmes nationaux territorialisés. Les problématiques nouvelles auxquelles font face les collectivités territoriales (transitions écologique, numérique, démographique ou économique) appellent nécessairement des réponses structurantes et innovantes, adaptées aux réalités locales ».

L'ANCT est opérationnelle depuis le 1 er janvier 2020 et elle est née de la fusion de trois opérateurs intervenant auparavant dans le champ des collectivités territoriales : le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Épareca) et l'Agence du numérique. Cette fusion a permis tout à la fois une clarification des missions , une mutualisation des moyens et une mise en réseau des expertises et des compétences 49 ( * ) .

L'objectif confié à l'ANCT vise à renforcer la relation de l'État aux territoires et à accompagner les élus locaux dans la mise en place de leurs projets. L'ANCT a pour mission, en tenant compte des particularités, des atouts et des besoins de chaque territoire, de conseiller et de soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans la conception, la définition et la mise en oeuvre de leurs projets.

Afin de remplir ce rôle, l'ANCT dispose de trois modalités d'action pour épouser et épauler les besoins des territoires :

- les programmes nationaux d'appui aux territoires, divisés en trois thématiques prioritaires : la thématique des territoires et des ruralités (avec les programmes « Action Coeur de Ville », « Petites Villes de Demain », « Avenirs Montagne », « Avenirs Montagnes Ingénierie », « France Services », « Agenda rural », « Territoires d'Industrie » et les pactes territoriaux), la politique de la ville (avec les programmes « Tremplin Asso », « Éducation et petite enfance », « Grande équipe de la réussite républicaine ») et le numérique (avec les programmes « France Mobile », « Inclusion numérique », « Incubateur de Services numériques », « France Très Haut Débit », « Nouveaux Lieux Nouveaux Liens ») ;

- la contractualisation : des pactes territoriaux soutiennent durablement le développement de territoires fragiles, comme le pacte Ardennes par exemple. L'ANCT pilote en outre les CRTE dans le cadre du plan de relance ;

- l'accompagnement sur mesure : cet accompagnement se fait en complémentarité des collectivités locales, si leurs ressources locales sont insuffisantes pour réaliser un projet ponctuel.

Le conseil d'administration de l'ANCT était présidé par Caroline Cayeux, maire de Beauvais, jusqu'à sa récente nomination au gouvernement. Il comprend en outre dix associations d'élus ainsi que quatre parlementaires 50 ( * ) . L'agence se trouve ainsi en prise directe avec les préoccupations des élus locaux qui peuvent faire remonter leurs attentes et leurs projets prioritaires .

Elle regroupe, d'une part, les équipes nationales (qu'elles soient au siège parisien de l'agence ou territorialisées) et, d'autre part, les préfets de département, qui sont les délégués territoriaux de l'agence , et leurs services.

Vos rapporteurs veulent insister tout particulièrement sur ce dernier point. En effet, dans le montage de l'agence, le préfet a été positionné en tant que courroie de transmission entre les collectivités territoriales et l'expertise (technique, juridique ou économique) de l'État . Il en représente la porte d'entrée et sa connaissance des élus, comme des spécificités des territoires, se révèle utile pour identifier les projets et réunir les compétences afin de les faire avancer au mieux et au plus vite.

La réforme des services déconcentrés de l'État a été sous-tendue, au cours de la décennie passée, par la volonté de renforcer le rôle central du préfet et de le placer au coeur du pilotage et de la coordination des politiques publiques au niveau local. Vos rapporteurs considèrent le moment venu de tirer les conclusions de cette logique, à laquelle ils adhérent, en intégrant les agences dans ce mouvement et en renforçant le lien qui doit nécessairement les unir au préfet, représentant de l'État dans le département et garant de la cohérence des politiques publiques . Dans cette perspective, l'architecture retenue pour la création de l'ANCT constitue une source d'inspiration pour franchir une nouvelle étape dans le fonctionnement des agences. C`est d'ailleurs également le cas de l'ANRU, de l'ANAH ou de l'Agence nationale du Sport, qui partagent ce même mode d'organisation.

Proposition n° 21 : nommer le préfet comme délégué territorial de toutes les agences de l'État et faire du sous-préfet leur représentant au plus près des territoires.

Délai : 5 ans

Acteur(s) : le Premier ministre, chef du gouvernement, et ensemble des ministères de rattachement des agences

c) La représentation des élus locaux dans la gouvernance des agences

Quelques soient les périodes, les approches, les méthodes et les objectifs, il est frappant d'observer que la réflexion sur les agences et leur gouvernance a été constamment tenue à la marge des réflexions sur l'évolution de l'État territorial . Cette absence paraît d'autant plus incongrue que certains de ces opérateurs de l'État ont pris une place considérable au fil du temps dans le déploiement des politiques publiques au niveau local.

Dans des circonstances tragiques, la crise sanitaire a pointé l'enjeu de la gouvernance des agences dans le cas particulier, mais emblématique, de l'ARS . L'épidémie de Covid-19 a mis en lumière l'affaiblissement de l'unicité de la parole de l'État, à la fois problématique en situation de crise et à l'origine de confusion pour les élus locaux. Ainsi, alors que les mesures concernant par exemple la délimitation d'une zone du port du masque relevaient du préfet de département, l'organisation de la campagne de vaccination a été conduite, quant à elle, sous l'autorité de l'ARS. Comment être surpris dès lors que les élus locaux se soient retrouvés, à maintes reprises, mis devant le fait accompli et contraints de prendre acte de décisions prises sans avoir été concertées ?

Au-delà de la question de la collaboration entre les élus locaux et les préfets, la crise sanitaire a mis en exergue la question de la démocratie sanitaire, et plus précisément celle de la participation des élus locaux à la prise des décisions relatives à la santé publique. Pour rappel, avant même l'adoption de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « loi 3DS », le Sénat avait proposé une réforme de la gouvernance des ARS. Ainsi, la proposition n° 26 du rapport précité relatif aux « 50 propositions du Sénat pour le plein exercice des libertés locales » recommande de « confier la présidence de l'agence régionale de santé (ARS) au président du conseil régional en renforçant les pouvoirs du conseil de surveillance ».

La loi « 3DS » et la gouvernance de l'ARS

Créées par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « loi Hôpital, patients, santé et territoires »), les ARS ont été au centre de l'attention durant la crise sanitaire. Notamment, l'espace décisionnel limité qu'elles offraient aux représentants des collectivités territoriales a été vivement critiqué.

Le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (dit « 3DS ») a voulu donner suite à cette critique, en proposant une réforme de la gouvernance de l'ARS.

L'étude d'impact du Sénat a souligné la faible représentation des élus locaux dans le mode de gouvernance des ARS. Son constat correspondait à « celui d'un nombre important d'instances où les élus sont représentés avec, dans nombre d'entre elles, une faible présence. Le dialogue effectif avec les élus s'effectue souvent en marge d'instance que certains peuvent juger complexe ou trop dense. Il est donc nécessaire de redonner du sens à la présence des élus au sein des instances » 1 . La présidente de votre délégation, Françoise Gatel, s'est prononcée en faveur de cette réforme, défendant que « les rapports convergent tous vers le fait que cette crise a mis en évidence une articulation indispensable entre l'État et les collectivités et [que] l'ARS ne peut pas agir sans le bras armé que sont les collectivités » 2 .

Dans le projet de « loi 3DS », la version initiale de l'article dédié à cette question visait l'attribution de trois vice-présidences, dont deux à des représentants des collectivités territoriales, ainsi que l'élargissement des prérogatives du conseil d'administration à la fixation des grandes orientations de la politique de contractualisation de l'agence avec les collectivités territoriales. Toutefois, allant plus loin, la commission des affaires sociales du Sénat proposait la coprésidence du conseil d'administration par le président du conseil régional avec le préfet de région, ainsi que le rééquilibrage des voix entre les représentants de l'État et des collectivités. Cette mesure se serait accompagnée de la transformation du comité de surveillance de l'ARS en un conseil d'administration 3 .

Finalement, la commission mixte paritaire (CMP) du 31 janvier 2022 s'est rangée du côté de l'attribution de trois vice-présidences à des représentants des collectivités territoriales et a accordé la présidence des ARS au préfet de région , dispositions figurant à l'article 119 de la « loi 3DS ».

1 Sénat, « Étude d'impact projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale » (11 mai 2021).

2 Cf. « Décentralisation : le Sénat renforce le rôle des élus locaux dans la gouvernance des ARS » (site de Public Sénat, le 15 juillet 2021).

3 Sénat, Avis d'Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (30 juin 2021).

L'exemple de la gouvernance de l'ARS renvoie de manière plus générale à la représentation des élus locaux au sein des instances décisionnelles des différentes agences. Étant donné le foisonnement des opérateurs, il est difficile de prétendre à une vision d'ensemble des modes de gouvernance. Toutefois, vos rapporteurs ont souhaité présenter un échantillon d'agences et rendre compte du nombre d'élus locaux dans leurs instances décisionnelles .

Tableau comparatif : la présence des élus locaux dans la gouvernance de quelques agences emblématiques

Agence

Niveau territorial

Représentation des élus locaux au conseil d'administration (ou comité de surveillance pour l'ARS)

Agences régionales de santé (ARS)

Régional, avec des délégués départementaux

25 membres, dont 5 représentants des collectivités territoriales 51 ( * )

Agences de l'eau

Bassin hydrographique

Chaque comité de bassin 52 ( * ) élit un conseil d'administration aux effectifs variables. Le président du conseil d'administration est généralement le préfet de région.

- Loire-Bretagne : 35 membres, dont 11 représentants des collectivités territoriales 53 ( * )

- Artois-Picardie : 35 membres, dont 11 représentants des collectivités territoriales 54 ( * )

- Seine-Normandie : 35 membres, dont 11 représentants des collectivités territoriales 55 ( * )

- Rhin-Meuse : 34 membres, dont 11 représentants des collectivités territoriales 56 ( * )

- Rhône-Méditerranée : 38 membres, dont 11 représentants des collectivités territoriales 57 ( * )

- Adour-Garonne : 35 membres, dont 11 représentants des collectivités territoriales 58 ( * )

Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)

National, avec 17 directions régionales

28 membres, dont 3 représentants des collectivités territoriales et 2 parlementaires 59 ( * )

Direction régionale gérée par un délégué territorial (généralement le préfet de région)

Agence nationale de l'habitat (ANAH)

National, avec les préfets comme délégués régionaux

24 membres, dont 8 représentants des collectivités territoriales 60 ( * )

Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)

National

18 membres, dont 6 représentants des collectivités territoriales 61 ( * )

Comme on le voit, la part des élus locaux dans les instances décisionnelles des agences passées en revue est particulièrement variable. Au sein des Agences de l'eau, de l'ANAH et de l'ANRU, ils représentent un tiers du conseil d'administration . Toutefois, dans les instances des ARS et de l'ADEME, les représentants des collectivités territoriales sont présents respectivement à hauteur de 20 % et de 11 % .

À titre de comparaison, les représentants de l'État représentent un tiers du conseil d'administration de l'ensemble des agences prises ici pour exemple 62 ( * ) . Les autres membres des conseils d'administration des agences sont des représentants d'associations qualifiées dans le domaine couvert par l'agence.

Enfin, les différents échelons territoriaux ne sont pas tous représentés équitablement au sein des instances décisionnelles des agences. Les conseillers régionaux et départementaux, ainsi que les vice-présidents de métropoles, sont fortement représentés, tandis que les maires de zones périurbaines et / ou rurales sont peu présents dans ces conseils d'administration . Cette représentation plus forte d'un type d'élu local s'explique certes par une plus forte concentration démographique au sein des espaces urbains, mais elle joue au détriment de la prise en compte des problématiques des zones rurales.

Ces agences sont chargées de déployer des politiques publiques directement en lien avec les collectivités territoriales et doivent faire face à des réalités territoriales diverses et variées. Aussi, renforcer et rééquilibrer la présence des élus locaux dans ces instances décisionnelles apparaît nécessaire pour renforcer l'efficacité de l'action et de la gouvernance de ces agences .


* 37 Afin de ne pas léser les préfets nommés antérieurement à l'entrée en vigueur du décret, celui-ci leur accorde un droit d'option quant à leur statut. Ainsi, ils pourront choisir de rester préfet ou de devenir administrateur général. Les sous-préfets disposeront de la même possibilité. Ce droit d'option sera ouvert du 1 er janvier au 31 décembre 2023.

* 38 Les sous-préfets, quant à eux, pourront être nommés pour une durée initiale maximale de trois ans. Cette durée pourra toutefois être prolongée sans que la durée totale d'occupation d'un même emploi puisse excéder cinq ans. De la même manière que pour les préfets, la durée maximale d'exercice continu des fonctions de sous-préfet sera de neuf ans (quel que soit le nombre d'emplois occupés pendant cette période).

* 39 Audition du 6 octobre 2021.

* 40 Audition du 7 décembre 2021.

* 41 Sondage CSA auprès des élus locaux pour la Délégation aux collectivités territoriales (novembre 2020).

* 42 Cf . articles 32 et 33 du décret précité .

* 43 Selon le préfet Christophe Mirmand, « le rythme des CAR, qui est en général mensuel, permet aux préfets de région, avec les préfets de département et les chefs de services déconcentrés de l'État, de partager les enjeux de la mise en oeuvre des politiques publiques au niveau local. De fait, cette collégialité fonctionne dans des conditions satisfaisantes et garantit la bonne cohérence des politiques publiques [...] ».

* 44 Audition de Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique, le 9 novembre 2021.

* 45 Réponses écrites précitées.

* 46 Source : projet de loi de finances pour 2022, jaune budgétaire « Opérateurs de l'État ».

* 47 Le jaune budgétaire « Opérateurs de l'État », annexé au projet de loi de finances pour 2022, définit ainsi les opérateurs : « La notion d'opérateur de l'État structure le cadre de gouvernance budgétaire des entités majoritairement financées par des subventions de l'État ou des taxes affectées, ou porteurs d'enjeux importants pour l'État. Un organisme qui respecte les critères de qualification suivants doit être intégré dans la liste des opérateurs de l'État :

• une activité de service public qui puisse explicitement se rattacher à la mise en oeuvre d'une politique définie par l'État et identifiée dans la nomenclature budgétaire par destination selon la répartition en mission-programme-action ;

• un financement assuré majoritairement par l'État directement sous forme de subventions ou indirectement via des ressources affectées, notamment fiscales. Ceci n'exclut pas la possibilité pour l'opérateur d'exercer des activités marchandes à titre subsidiaire ;

• un contrôle direct par l'État qui ne se limite pas à un contrôle budgétaire ou économique et financier mais doit relever de l'exercice d'une tutelle ayant capacité à orienter les décisions stratégiques, que cette faculté s'accompagne ou non de la participation au conseil d'administration.

Il est également possible de qualifier d'opérateur de l'État un organisme ne répondant pas à tous les critères ci-dessus, mais considéré comme porteur d'enjeux importants pour l'État. Ainsi, d'autres critères peuvent être pris en compte, tels que :

• le poids de l'organisme dans les crédits ou la réalisation des objectifs du ou des programmes qui le financent ;

• l'exploitation ou l'occupation de biens patrimoniaux remis en dotation ou mis à disposition par l'État ;

• l'appartenance au périmètre des organismes divers d'administration centrale (ODAC) ;

• la présence de la direction du budget au sein de l'organe délibérant prévue par les statuts de l'organisme ».

* 48 Par exemple, « Administrer un monde incertain : les nouvelles bureaucraties techniques. Le cas des agences sanitaires en France », Daniel Benamouzig et Julien Besançon (2005).

* 49 Au nom de votre délégation, notre collègue alors sénatrice Josiane Costes et notre collègue Charles Guené ont développé plus largement l'analyse dans leur rapport d'information « Les collectivités et l'ANCT au défi de l'ingénierie dans les territoires », Sénat, rapport d'information n° 591 (2019 - 2020).

* 50 Yolaine de Courson, députée de la Côte-d'Or, Jérôme Nury, député de l'Orne, et nos collègues Louis-Jean de Nicolay, sénateur de la Sarthe, et Maryse Carrère, sénatrice des Hautes-Pyrénées.

* 51 Les comités de bassin, aux effectifs variables, accordent une représentation importante aux élus locaux. Ainsi, les représentants des parlementaires et des collectivités territoriales représentent 40 % des comités de bassin, tandis que les représentants de l'État représentent seulement 20 % de ces comités.

* 52 Exemple de la composition du conseil de surveillance de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes : https://www.auvergne-rhone-alpes.ars.sante.fr/index.php/gouvernance-1?parent=5443

* 53 Organigramme du conseil d'administration de l'agence de l'eau Loire-Bretagne : https://agence.eau-loire-bretagne.fr/home/agence-de-leau/conseil-administration-agence-eau-loire-bretagne/composition-du-conseil-dadministration.html

* 54 Organigramme du conseil d'administration de l'agence de l'eau Artois-Picardie : https://www.eau-artois-picardie.fr/sites/default/files/trombinoscope_administrateurs_ca_2022.pdf

* 55 Organigramme du conseil d'administration de l'agence de l'eau Seine-Normandie : https://www.eau-seine-normandie.fr/sites/public_file/inline-files/ANNUAIRE_Membres_CA_internet_2022_03_1.pdf

* 56 Organigramme du conseil d'administration de l'agence de l'eau Rhin-Meuse : https://www.eaurmc.fr/jcms/vmr_8283/fr/conseil-d-administration

* 57 Organigramme du conseil d'administration de l'agence de l'eau Rhone-Méditerranée : https://www.eaurmc.fr/jcms/vmr_8283/fr/conseil-d-administration

* 58 Organigramme du conseil d'administration de l'agence de l'eau Adour-Garonne : https://eau-grandsudouest.fr/sites/default/files/2022-04/Composition_trombiCA_Mars%202022.pdf

* 59 Composition du conseil d'administration de l'ADEME : https://expertises.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/conseil-administration-ademe-liste-simplifiee-14-fevrier-2018-14-mars-2018-mis-a-jour-22-12-2021.pdf

* 60 Composition du conseil d'administration de l'ANAH : https://www.anah.fr/qui-sommes-nous/organisation/le-conseil-dadministration/

* 61 Composition du conseil d'administration de l'ANRU : https://www.anru.fr/le-conseil-dadministration

* 62 À l'exception de l'ARS, où ils représentent uniquement 12 %.

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