DEUXIÈME PARTIE

LE DISPOSITIF D'INDEMNISATION POUR LES VICTIMES DE LA DÉPAKINE N'EST PAS PARVENU À ÊTRE UNE ALTERNATIVE VIABLE À LA VOIE CONTENTIEUSE

Le dispositif d'indemnisation pour les victimes de la Dépakine fait face à un non-recours qui est estimé comme important , ce que reflètent les chiffres de l'exécution du dispositif. S'il est difficile d'évaluer précisément les raisons qui poussent les familles à ne pas faire appel au dispositif, celui-ci présente plusieurs faiblesses importantes : les indemnisations sont plus faibles que celles des juridictions civiles, il est complexe pour les victimes, et les délais de recours sont aussi longs que ceux des juridictions .

Le dispositif d'indemnisation a connu une amélioration visible de son fonctionnement depuis la fusion des instances en un collège d'experts unique . Toutefois, le nouveau collège d'experts a hérité d'un stock de dossiers important, et la progression du contentieux liée au recouvrement des recettes met sous tension les services de l'ONIAM.

Il est nécessaire de s'assurer de la résilience et de l'adaptabilité du dispositif , pour traiter au mieux les dossiers qui restent en stock, et pour anticiper de possibles évolutions des modalités l'indemnisation, en raison par exemple de l'identification éventuelle d'une transmission entre générations des dommages causés par l'exposition au valproate de sodium.

I. LA SOUS-EXÉCUTION DES CRÉDITS DU DISPOSITIF D'INDEMNISATION TÉMOIGNE D'UN NON-RECOURS SIGNIFICATIF

A. DES PRÉVISIONS ÉPISTÉMOLOGIQUES REHAUSSÉES EN CE QUI CONCERNE LES TROUBLES DU NEURODÉVELOPPEMENT

À sa création, le besoin de financement du dispositif d'indemnisation était estimé à 466,2 millions d'euros pour un fonctionnement de six ans, qui était la durée de vie initialement envisagée pour le dispositif, soit 77,7 millions d'euros par an (entre 2018 et 2023). Sur ce montant, 424,2 millions d'euros correspondaient aux prévisions d'indemnisation, 30 millions d'euros au coût des expertises, et 12 millions d'euros au fonctionnement des instances du dispositif (2 millions d'euros par an) 14 ( * ) .

Le coût de fonctionnement a été calculé par référence au coût de fonctionnement du dispositif d'indemnisation des victimes du benfluorex (« médiator »), qui est de 1,5 million d'euros par an.

Pour ce qui concerne le coût des indemnisations, de 70,7 millions d'euros par an, les prévisions ont été établies en septembre 2016, en retenant un chiffre compris entre 8 190 et 10 290 dossiers potentiels .

Concernant les malformations, le taux a été estimé entre 50 et 100 cas pour 1 000 grossesses où la mère a pris du valproate de sodium. Le nombre de victimes ayant subi une malformation a été évalué entre 2 100 et 4 200 . Parmi elles, il a été estimé que :

- 1 800 à 3 600 personnes présenteraient des signes morphologiques (malformations mineures) ;

- 300 à 600 personnes présenteraient des malformations majeures ;

Pour les pathologies du développement neurocognitif (troubles du neurodéveloppementaux, ou troubles du développement) :

- 4 200 personnes présenteraient une déficience intellectuelle 15 ( * ) ;

- 1 470 personnes présenteraient des « troubles autistiques » 16 ( * ) ;

- 420 personnes présenteraient de l'autisme.

En 2018, l'Agence nationale de sécurité du médicament et la Caisse nationale de l'Assurance maladie ont publié de nouvelles prévisions épidémiologiques 17 ( * ) , qui présentent des différences significatives par rapport à celles retenues dans les prévisions initiales. Le nombre de malformations est similaire (2 150 à 4 100), mais le nombre de troubles neurodéveloppementaux serait bien plus élevé : entre 16 600 et 30 400 enfants seraient concernés, tandis que les prévisions initiales retenaient 6 090 personnes .

Au regard de cette nouvelle estimation, il était légitime d'estimer que le dispositif d'indemnisation pour les victimes de la Dépakine se révèlerait beaucoup plus coûteux que prévu.

Or, c'est l'inverse qui s'est produit : le rapporteur spécial constate depuis plusieurs années une forte sous-exécution du dispositif d'indemnisation par rapport aux prévisions .


* 14 Le coût des actions récursoires n'avait pas été chiffré.

* 15 QI inférieur à 70 et troubles de l'adaptation sociale établis par des échelles standardisées.

* 16 Cette catégorie recoupe des signes caractéristiques de l'autisme qui ne sont cependant pas suffisants pour émettre un diagnostic d'autisme.

* 17 « Risque de troubles neurodéveloppementaux précoces (avant l'âge de 6 ans) associé à l'exposition in utero à l'acide valproïque et aux autres traitements de l'épilepsie en France », Étude de cohorte à partir des données du SNDS, Agence nationale de sécurité du médicament et Caisse nationale de l'Assurance maladie, juin 2018.

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