B. ...MAIS QUI RESTE INDISPENSABLE ET PAS SI AISÉMENT REMPLACABLE...

1. Le caractère indispensable des dépenses fiscales

Les rapporteurs spéciaux s'ils ne contestent pas la nécessité d'évaluer précisément l'ensemble des dépenses fiscales rattachées à la mission outre-mer (cf. infra ) rappellent que ces dépenses représentent un outil essentiel pour contribuer à la dynamisation de l'économie, à l'attractivité des territoires et à l'effort général de rattrapage de l'écart de niveau socio-économique entre l'outre-mer et la métropole. À ce titre, elles sont considérées par le droit de l'Union européenne comme des aides à finalité régionale, placées sous le régime du règlement général d'exemption par catégorie 15 ( * ) , car considérées comme de faible ampleur sur la concurrence et de nature à compenser les surcoûts liés à cette situation géographique particulière.

Elles ont un effet incitatif notamment sur la construction de logements qui même si elle n'est pas totalement ciblée géographiquement comme le souhaiterait la Cour des comptes répond tout de même à un besoin prégnant, dans la mesure où le déficit de logements concerne la quasi intégralité des territoires d'outre-mer.

Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux rappellent que certaines dépenses fiscales permettent tout de même un certain ciblage géographique des constructions et rénovations. Ainsi, le bénéfice du crédit d'impôt en faveur du logement social dans les départements d'outre-mer est conditionné au financement de l'investissement à hauteur de 5 % minimum par la LBU. Les services préfectoraux de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) instruisent d'ores et déjà la pertinence du projet de construction de logements pour le territoire dans le cadre de l'attribution de la LBU.

En outre, s'agissant de la localisation des investissements consistant en la rénovation de logements sociaux, le législateur a d'ores et déjà désigné dans la loi les quartiers ou territoires dans lesquels les rénovations sont prioritaires. Ainsi, le bénéfice du crédit d'impôt prévu au 4 du I de l'article 244 quater X du CGI en faveur de la rénovation ou de la réhabilitation des logements sociaux de plus de vingt ans est circonscrit aux logements situés dans les quartiers du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) 16 ( * ) ou dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV) 17 ( * ) des départements d'outre-mer. De la même manière, le bénéfice de la réduction d'impôt prévue au VI bis de l'article 199 undecies C du CGI est restreint aux immeubles situés dans certaines communes ou territoires expressément visés par la loi 18 ( * ) . Ces dispositions visent à dynamiser la réhabilitation du parc social vieillissant dans certaines zones ciblées, afin de répondre aux besoins locaux et à l'enjeu prioritaire de réhabilitation du parc ancien dans certains territoires.

De surcroit, les rapporteurs spéciaux soulignent que la rareté du foncier, élément transversal à tous les territoires d'outre-mer, explique également l'absence de constructions dans certaines régions et il leur semble illusoire de penser qu'un pilotage au niveau central, par une rebudgétisation, serait plus performant sur le plan du déploiement géographique.

Par ailleurs, le champ d'application du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater X du CGI n'est pas strictement identique à celui de la LBU. En particulier, le dispositif prévu à l'article 244 quater X du CGI permet le bénéfice du crédit d'impôt pour l'acquisition ou la construction de logements financés à l'aide de prêts locatifs sociaux (PLS) dans la limite d'un quota. Les logements PLS ne peuvent pas bénéficier d'un financement par la LBU. Il serait donc nécessaire de modifier le champ d'intervention de la LBU s'il était envisagé la suppression du dispositif de crédit d'impôt en faveur d'un abondement de la LBU .

Les dépenses fiscales ont enfin une portée politique dont il ne faudrait pas négliger l'impact en termes de climat social dans les territoires d'outre-mer.

2. Les risques intrinsèques à la rebudgétisation en remplacement des dépenses fiscales

Si le besoin de financements complémentaires pour les territoires d'outre-mer n'est pas remis en cause dans son principe il induit qu'une suppression de tout ou partie des dépenses fiscales nécessiterait leur remplacement par d'autres dispositifs parmi lesquels la rebudgétisation (notamment concernant la construction de logements).

Cet outil présente cependant des risques que les rapporteurs spéciaux veulent ici rappeler.

Si le rebudgétisation des dépenses fiscales et notamment celles ciblées sur la construction de logements peut présenter l'avantage d'un plus grand contrôle de l'État sur la politique du logement en outre-mer et d'une vision plus globale et stratégique, elle présente également certains risques non négligeables.

Premièrement, la rebudgétisation n'offre aucune garantie de pérennité. Passée la première année, il est difficile de vérifier ce qui relève de la rebudgétisation d'une dépense fiscale ou du solde entre tendanciel, mesures nouvelles et mesures d'économies. De surcroit, et dans le contexte actuel de sous consommation récurrente bien qu'en amélioration, une rebudgétisation ne garantit pas le niveau des crédits qui pourront être consommés in fine.

Une telle démarche devrait alors être accompagnée de garanties pluriannuelles dont on comprend bien, au regard des modalités d'élaboration et d'examen des PLF, qu'elles ne pourront être données, sauf à envisager une contractualisation entre la direction du budget et de la DGOM.

Deuxièmement, la rebudgétisation ne peut concerner l'ensemble des dépenses fiscales mais uniquement certaines d'entre elles.

Enfin, les dépenses fiscales ne peuvent être considérées sous le seul angle de l'incitation à investir. Au regard des difficultés rencontrées par les entreprises ultramarines en terme de taille de marché, d'accès au financement ou de compétitivité, les dépenses fiscales présentent un intérêt pour les entreprises ultramarines qui en bénéficient :

- en facilitant l'accès aux financements pour les entreprises ultramarines qui rencontrent parfois des difficultés pour bénéficier de prêts bancaires ;

- en améliorant les indicateurs de solvabilité de ces entreprises et leur rentabilité (amélioration du résultat net moyen des entreprises éligibles) ;

- en augmentant leur compétitivité dans la mesure où elles réduisent de manière substantielle la charge fiscale qui pèse sur elles.

Elles permettent également, même si l'estimation est complexe à réaliser, des créations d'emplois au sein de ces entreprises ce qui, au regard des taux de chômage enregistrés en outre-mer, ne doit pas être négligé.


* 15 Règlement d'exemption n° 651/2014 de la commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (RGEC).

* 16 Quartiers mentionnés au II de l'article 9-1 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

* 17 Quartiers mentionnés à l'article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 18 Immeubles situés sur l'île de Tahiti, dans les communes de Nouméa, Dumbéa, Païta, Le Mont-Dore, Voh, Koné et Pouembout et à Saint-Martin.

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