C. ...ET QUI DOIT ÊTRE ÉVALUÉ POUR ÊTRE MIEUX CIBLÉ

1. Une évaluation des dépenses fiscales nécessaire afin de mieux les cibler

Les rapporteurs spéciaux ne remettent donc pas en cause le principe même des dépenses fiscales en ce qu'elles représentent un complément indispensable aux crédits budgétaires et présentent des avantages connexes en termes de compétitivité des entreprises ultramarines et de création d'emplois. Cependant , ils partagent largement le constat de la Cour des comptes sur la nécessité de mieux les évaluer pour, au besoin, mieux les cibler. Or, à ce jour, force est de constater que les évaluations réalisées sont très limitées, ce qu'avaient d'ailleurs souligné les rapporteurs spéciaux dans leur rapport réalisé dans le cadre de l'examen du PLF 2022.

En effet, ils y précisaient que « le chiffrage des dépenses fiscales est incomplet et manque parfois de fiabilité. Dans le PLF 2022, sur les 25 dépenses fiscales, neuf ne sont pas chiffrées dont trois qui présentaient, en 2020, un chiffrage supérieur à 120 millions d'euros . Par ailleurs, parmi les dépenses chiffrées, cinq le sont avec un « ordre de grandeur » et, de fait, une fiabilité relative. Il convient cependant de souligner que la DLF a mené des travaux de fiabilisation pour les quatre principales dépenses fiscales de la mission, (n°710103, 800401, 110224 et 110302) permettant de fournir des chiffrages avec un très bon degré de fiabilité pour trois d'entre elles ».

Il convient cependant de noter qu'une évaluation a été réalisée en 2020 sur le régime d'aide fiscale à l'investissement productif neuf en outre-mer (RAFIP) mais pour le seul dispositif du crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater W du CGI. Il ressort de cette évaluation un impact positif sur le résultat net, la trésorerie et le chiffre d'affaires des entreprises bénéficiaires.

En revanche, l'impact sur la création d'emplois est délicat à déterminer dans la mesure où les emplois mentionnés dans les agréments correspondent aux engagements de créations de la société bénéficiaire de l'agrément fiscal et non à une réalité mesurée ex-post.

De surcroît, une évaluation a également été menée sur la réforme des zones franches d'activité nouvelle génération (ZFANG) en avril 2021. Comme le relève la Cour des comptes, cette évaluation ne permet pas d'enseignements concrets en l'absence de données : « bien que le coût de la mesure soit relativement faible en 2019, les données disponibles pour réaliser l'évaluation n'ont pas permis de tirer des enseignements concrets sur le coût du dispositif par territoire et par secteur économique sur sa période d'application (2019 et 2020) ».

Aussi, par manque de données disponibles, difficultés à reconstituer le niveau de recettes potentiel avant mise en place d'une dépense fiscale, impossibilité de réaliser des projections pour mesurer l'impact en termes de création d'emplois... l'évaluation des dépenses fiscales demeure un exercice très complexe et subséquemment incomplet et à la fiabilité relative .

Cependant, l'exercice demeure indispensable et la Cour des comptes indique dans son rapport que la DGOM a établi un programme pluriannuel d'évaluation 2022-2025 portant sur divers dispositifs rattachés à la mission Outre-mer, parmi lesquels figurent :

- le régime de TVA ultramarine et son articulation avec l'octroi de mer ;

- le régime de duty free aux Antilles ;

- l'expérimentation des emplois francs à La Réunion.

Les rapporteurs spéciaux notent toutefois que le contenu de ce programme demeure limité puisqu'il exclut un montant de plus de 6 milliards d'euros de dépenses fiscales outre-mer et ne comporte que deux des 29 dépenses fiscales retenues sur le seul critère de la nécessité de justifier de leur caractère dérogatoire au droit commun devant la Communauté européenne.

Dans ce contexte, il conviendrait d'établir un programme exhaustif des 29 dépenses fiscales en priorisant l'évaluation des plus importantes d'entre elles en termes de masse financière d'une part et celles qui présentent un fait générateur qui s'éteindra prochainement d'autre part et de procéder à l'évaluation de toutes les dépenses fiscales outre-mer d'ici la fin du quinquennat 2022-2027.

En effet, les rapporteurs spéciaux alertaient déjà dans leur rapport réalisé dans le cadre du PLF 2022, que « nombre de dépenses fiscales présentent un fait générateur qui s'éteindra en 2025 (voire en 2023 pour la dépense fiscale 110 210 après une prorogation adoptée en loi de finances pour 2021). Il conviendrait, dans ce contexte, d'avoir des évaluations et des réflexions en amont de cette date afin d'anticiper l'extinction de ces dispositifs ou, au contraire, de demander leur prorogation pour les plus utiles et efficaces d'entre eux ».

À cet égard, les rapporteurs spéciaux saluent cependant les dernières démarches réalisées dans ce sens. En effet, dans le cadre d'une réflexion conjointe sur les potentielles évolutions des dispositifs d'aide fiscale en faveur des investissements productifs et du logement en outre-mer, le directeur général des finances publiques et la directrice générale des outre-mer ont rédigé, fin avril 2022, une lettre de mission dans laquelle ils demandent à la direction de la législation fiscale (DLF) et la direction générale des outre-mer (DGOM) de proposer au nouveau Gouvernement une évaluation des aides fiscales existantes en faveur de l'investissement en outre-mer. Cette évaluation, qui devrait être confiée à un corps d'inspection interministériel, pourrait, le cas échéant, aboutir à des propositions de réforme législative.

En complément, cette lettre de mission prévoit la création d'un groupe de travail en charge notamment de l'amélioration de la connaissance et de la fiabilisation des données relatives à ces aides fiscales.

2. Une réflexion plus large sur l'ensemble des dispositifs

Cette évaluation exhaustive est un préalable nécessaire à une réflexion plus large qui devra porter sur :

- la possibilité d'étendre certains dispositifs existants à l'efficacité démontrée ;

- la prorogation de dispositifs en voie d'extinction ;

- la suppression des dépenses fiscales les moins efficientes et la possibilité d'une réallocation de ces montants pour renforcer d'autres dispositifs (dépenses fiscales ou rebudgétisation sur les actions qui saturent la consommation des crédits ouverts).

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