B. RENFORCÉ AU QUAI D'ORSAY, LE PILOTAGE DES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES EST INEXISTANT AU NIVEAU INTERMINISTÉRIEL

1. Dans le dialogue budgétaire, l'évaluation du montant des contributions internationales est affectée par des effets calendaires et par l'exposition au risque de change
a) La diversité des facteurs intervenant dans le calcul des contributions est un défi pour la budgétisation des dépenses de l'État

Les modalités applicables pour déterminer les dépenses et les ressources des organisations internationales se caractérisent par une forte hétérogénéité qui n'est pas sans poser des enjeux d'articulation avec la procédure budgétaire au plan national.

En premier lieu, les ressources des organisations tirées de la participation financière des États procèdent généralement soit de l'application d'un barème fondé sur des critères objectifs et stables dans le temps, soit de l'appel de contributions volontaires.

Pour certaines organisations, la répartition des contributions obligatoires est rediscutée à chaque adoption d'un nouveau cadre budgétaire.

Dans le cas de l'application d'un barème, plusieurs critères peuvent être retenus dont notamment celui de la capacité à payer des États au regard, par exemple, du niveau de leur revenu national.

Le calcul des contributions au budget ordinaire de l'ONU repose ainsi sur ce principe avant que ne s'appliquent divers mécanismes de plafonnement et de planchonnement.

Il peut, par ailleurs, être rappelé que le barème des Nations-Unies constitue une référence pour le calcul des contributions des États à d'autres entités dont, par exemple, l'Organisation mondiale de la Santé, l'Organisation mondiale du Travail ou, encore, la Cour pénale internationale.

Certaines organisations appliquent toutefois des barèmes qui leur sont propres et qui reposent sur des critères spécifiques . Ainsi, le calcul des contributions à l'Organisation internationale de l'aviation civile s'appuie-t-il sur la part que représente chaque pays dans le trafic aérien mondial.

Il en va de façon comparable pour le calcul des contributions
à l'Organisation mondiale du commerce qui retient le poids du pays dans l'ensemble du commerce international de biens et services.

En parallèle, certaines organisations peuvent voir leurs ressources reposer, pour tout ou partie, sur le versement de contributions
volontaires.
Dans cette circonstance, le niveau de leurs ressources dépend des engagements discrétionnaires pris par les États.

Tel est, par exemple, le cas des programmes des Nations-Unies pour le développement (PNUD) et pour l'environnement (PNUE) dont la France assurait, respectivement, 7 % et 0,5 % des financements étatiques en 2020, d'après l'ONU 4 ( * ) .

Les dépenses des organisations internationales sont fixées par des budgets qui sont formellement adoptés par des organes désignés en ce sens par leurs statuts ou leur règlement interne.

Dans le cas de l'ONU, cette prérogative relève de l'Assemblée générale après un examen des rapports de sa Cinquième commission établi sur la base des projets de budgets eux-mêmes élaborés par le Secrétariat général après saisine du comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB).

Au sein de l'OTAN deux processus distincts coexistent selon que sont élaborés le budget civil ou les budgets militaires . Toutefois, dans les deux cas, ces budgets sont examinés par le Comité des budgets et adoptés par le Conseil de l'Atlantique Nord.

La portée temporelle des budgets varie d'une entité à l'autre . Ainsi, le budget ordinaire de l'ONU a, jusqu'en 2020, eu une portée pluriannuelle mais s'inscrit, désormais et comme les budgets des opérations de maintien de la paix, dans une logique annuelle.

Un nombre conséquent de budgets présente un caractère biannuel (Organisation mondiale de la Santé, Haut-commissariat aux réfugiés...), et, dans des cas plus rares et qui impliquent souvent une capacité juridique de les réviser en cours d'exécution, une dimension triennale voire quadriennale (Organisation internationale de la Francophonie)

Enfin, la période d'adoption des budgets varie d'une institution à l'autre mais se situe, dans la majorité des cas, à l'automne .

Comparaison des calendriers budgétaires de certaines
organisations internationales

Légende : les rectangles noirs marquent le mois d'adoption du budget de l'organisation ; les rectangles clairs marquent la période au cours de laquelle les projets de budgets sont discutés par divers organes administratifs, consultatifs ou politiques

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Cette hétérogénéité dans la portée ainsi que dans les modalités d'élaboration et d'adoption des budgets constitue naturellement un enjeu au regard du calendrier applicable, au niveau national, pour les lois de finances.

En effet, une part conséquente des décisions des organisations internationales adviennent à l'automne , c'est-à-dire après ou concomitamment à l'adoption, par le Conseil des ministres, du projet de loi de finances de l'année à venir.

Les auditions ont mis à jour la difficulté qu'il peut y avoir , pour les ministères dépensiers et celui du budget, à évaluer précisément, entre les mois de mai et juillet, le montant des crédits requis pour permettre, à la fois, de verser les contributions obligatoires tout en disposant des ressources nécessaires à l'engagement de contributions volontaires.

Sans la négliger, les rapporteurs spéciaux estiment, toutefois, que cette difficulté n'est pas - sauf dans certains cas particuliers - insurmontable .

En effet, ils relèvent que certains budgets sont adoptés avant l'examen du PLF par le Conseil des ministres .

En outre, concernant les budgets adoptés plus tardivement, nombre d'entre eux présentent une dimension pluriannuelle ce qui réduit les éventuelles incertitudes à une seule année.

Par ailleurs, la période d'élaboration et d'examen des budgets des organisations internationales par différents comités consultatifs ou organes intermédiaires est généralement assez longue.

À titre d'exemple, si le budget de l'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (OTICE) dont la France assurait, en 2020, plus de 4,6 % des financements, est officiellement adopté au mois de novembre, ses grandes lignes, voire son contenu, font l'objet de discussions dès le mois de mars.

Enfin, la part de financements - et donc l'impact sur la budgétisation au plan national - dont il reviendrait à la France d'assumer la charge peut être estimée assez fidèlement , compte tenu, d'une part, des éléments mentionnés ci-avant et, d'autre part, du fait que les barèmes de répartition mobilisent des données objectives et généralement prévisibles , comme le revenu national brut.

À l'inverse, l'évaluation du montant de certaines contributions peut présenter des difficultés plus importantes.

Tel est par exemple le cas, au plan annuel, lorsque la répartition d'une contribution entre ministères dépend d'éléments qui ne sont pas encore arbitrés au moment de la budgétisation.

La situation s'est d'ailleurs présentée ainsi, selon le ministère des affaires étrangères, s'agissant de l'évaluation du montant de la contribution à la Facilité européenne pour la paix (FEP) dans la perspective du projet de loi de finances pour 2022.

En effet, en fonction des opérations prévues dans le cadre de ce dispositif, une part du financement devait être répartie entre le ministère des Armée et celui des affaires étrangères.

Dans l'impossibilité de déterminer cette répartition au moment de l'élaboration du PLF, le Gouvernement a fait le choix d'attendre et de présenter un amendement (d'un montant de 82,8 millions d'euros) en cours de discussion à l'Assemblée nationale.

L'estimation du montant des contributions dans une perspective pluriannuelle peut, également, constituer un exercice difficile ou artificiel notamment lorsqu'elles sont tributaires de la survenue d'évènements d'exogènes.

Tel est le cas, par exemple, des opérations de maintien de la paix dont les activités dépendent de facteurs qui sont difficilement
prévisibles
.

Pour cette raison, le ministère des affaires étrangères estime qu'il serait artificiel, dans le processus de budgétisation, de fournir au ministère de budget des éléments de prévisions pluriannuelles du coût des OMP.

Tout en relevant que la mise en oeuvre d'un exercice de prévision constituait une recommandation formulée par la Cour des comptes dans
son rapport de 2015 et demeure une demande de la direction du budget, les rapporteurs prennent acte de la position exprimée par le ministère des affaires étrangères.

b) Certains aléas, comme le risque de change, peuvent et devraient systématiquement être couverts

Dans la mesure où certaines contributions internationales sont libellées dans des devises autres que l'euro, les ministères sont exposés, en budgétisation et en exécution, au risque de change.

Ainsi, en 2021, environ 8 % des contributions internationales ont été versées en dollars américains . Cette proportion devrait augmenter à la faveur de la réforme du FED. En 2021, à l'exclusion de ce dernier, le dollar américain aurait représenté 9,1 % des versements aux organisations internationales.

Évolution de la part des contributions en devises
dans l'ensemble entre 2017 et 2021

(échelle coupée -

en milliards d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Ce risque n'est, toutefois, pas réparti de façon égale entre les ministères, d'une part, et entre les différents programmes portés par les ministères, d'autre part.

Ainsi, en proportion des contributions qu'il verse, le ministère de la transition écologique (MTES) constitue celui qui présente le plus important taux d'exposition à une devise étrangère (26,7 %) , devant le ministère des affaires étrangères (22,1 %) et les ministères financiers (10,4 %).

Toutefois, le risque est en réalité marginal pour ce ministère dans la mesure où le montant de ses contributions est très faible (6,5 millions d'euros en 2021) au regard de l'ensemble des contributions versées par l'État (5,6 milliards d'euros en 2021), d'une part, et du niveau de ses crédits hors dépenses de personnel (40,1 milliards d'euros ouverts en loi de finances initiale pour 2021), d'autre part.

Ainsi, analysé au regard du poids des contributions internationales libellées dans une autre devise que l'euro dans l'ensemble des moyens d'un ministère hors dépenses de personnel , le risque de change constitue un enjeu substantiel pour le seul ministère des affaires étrangères.

En effet, en 2021, les contributions en devises supportées par le ministère des affaires étrangères représentaient environ 11,4 % de l'ensemble de ses crédits, hors dépenses de personnel.

Répartition du risque de change entre les ministères

(en milliards d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire et les documents budgétaires

Plus encore et en pratique, le risque de change en 2021 était presque exclusivement porté par le programme 105 de la mission Action extérieure de l'État dans la mesure ou le programme 209 de la mission Aide publique au développement ne retraçait qu'une seule contribution en devise, équivalente à 20 millions de dollars et versée au profit du Haut-Commissariat aux réfugiés.

Ainsi, en 2021, le montant des contributions en devises du programme 105 (équivalent à 483,4 millions d'euros) représentait 42 % des crédits hors dépenses de personnel de ce même programme.

Cette situation pose des difficultés récurrentes pour le ministère des affaires étrangères et celui du budget.

En premier lieu, la négociation budgétaire qui démarre au mois de mai implique de déterminer un « taux de budgétisation » correspondant à un taux de change de référence.

Aux termes des procédures d'arbitrage , compte tenu du taux de budgétisation, d'une part, et des engagements de la France s'agissant de ses contributions obligatoires ainsi que des priorités qu'elle souhaite soutenir en versant des contributions volontaires, d'autre part, un montant de crédits est arrêté en euros et notifié par le Premier ministre au ministre des affaires étrangères sous la forme d'une lettre-plafond.

Ce montant en euro - qui correspond à celui que sera inscrit au projet de loi de finances - doit permettre de couvrir les engagements libellés en devises - notamment en dollars - que le ministère devra honorer.

Toutefois, le taux de change entre l'euro et les devises étrangères peut évoluer de manière significative entre le temps de la négociation budgétaire, la notification de la lettre-plafond et la discussion, puis l'adoption, du projet de loi de finances par le Parlement.

En l'occurrence, si l'euro venait à s'apprécier par rapport au dollar au cours de cette période, le ministère bénéficierait théoriquement d'un « gain au change » qu'il pourrait mobiliser par ailleurs dans le respect des règles de fongibilité.

À l'inverse, si le dollar venait à s'apprécier par rapport à l'euro , le ministère devrait constater une perte de change qui le contraindrait - en l'absence de compensation - à devoir réduire le montant de ses contributions ou à mobiliser d'autres crédits du programme.

Ce même phénomène peut également se produire dans la phase d'exécution du budget et générer pour le ministère une perte et un gain au change.

Il convient toutefois de préciser que le ministère des affaires étrangères a indiqué aux rapporteurs qu'en pratique le ministère du budget procédait systématiquement à un surgel du gain au change afin qu'il puisse financer, au besoin, d'autres aléas ou qu'il soit annulé en fin de gestion.

Afin, de réduire les risques de change qui pèsent sur le ministère, un mécanisme de couverture a été institué dès 2006 et actualisé en 2018 au travers d'une convention avec l'Agence France Trésor .

Dans le cadre ce mécanisme, le ministère des affaires étrangères passe à l'AFT des ordres d'achats à terme de devises en lui indiquant le taux de change acceptable qu'il retient. Ainsi saisie, l'AFT met en oeuvre l'opération de couverture auprès des organismes spécialistes en valeur du Trésor (SVT).

L'objectif et l'intérêt de cette opération pour le ministère des affaires étrangères est de geler le montant de ses contributions en devises et le coût de cette dépense en euro.

Depuis 2018, le ministère des affaires étrangères a activé le mécanisme de couverture de change contribuant à sécuriser
entre 80 % et 90 % du montant de ses contributions en dollar.

Couverture du risque de change sur les contributions
internationales du ministère des affaires étrangères depuis 2018

(en pourcentage du montant total
des contributions en dollar)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Les rapporteurs spéciaux ont été étonnés d'apprendre que le mécanisme n'avait, à ce jour, pas été activé pour les contributions devant être versées en 2022.

Cette situation regrettable témoigne de la nécessité de revoir les modalités et les instruments de couverture de change pour le ministère.

En effet, à l'issue de l'élaboration du projet de loi de finances
pour 2022, le taux de budgétisation retenu s'est rapidement révélé supérieur, s'agissant du dollar (1,21 dollar pour 1 euro), au taux de marché (1,18 dollar pour 1 euro à l'été).

En d'autres termes, le dollar s'était apprécié par rapport à l'euro au cours de la période de négociation budgétair e ce qui impliquait, pour le ministère, ce qui impliquait, pour le ministère, faute d'accord du ministère du budget pour augmenter le montant de ses crédits au PLF 2022 , soit d' accuser une perte au change et de procéder à des redéploiements pour couvrir les contributions internationales, soit de renoncer à cette couverture afin de traiter ce risque en gestion .

Dans ce contexte, le ministère des affaires étrangères s'est refusé, au mois d'août 2021, à activer le mécanisme afin de couvrir les contributions à verser en 2022 arguant de sa crainte que la responsabilité de l'ordonnateur ne puisse être engagée s'il ordonnait une opération à un taux inférieur à celui retenu au PLF.

En outre, il a pu aussi être relevé dans les échanges avec les rapporteurs qu'une solution budgétaire consistant à augmenter ses crédits en euro afin de lui permettre de maintenir son pouvoir d'achat en dollar lui apparaitrait préférable.

Les rapporteurs observent donc qu'à date, les obligations en devises du ministère des affaires étrangères ne sont pas couvertes ce qui l'expose à un sérieux risque de perte au change.

Ainsi, la perte de change est d'ores et déjà estimée à 30 millions d'euros par rapport au taux de budgétisation, et pourrait
atteindre 90 millions d'euros en cas de parité entre l'euro et le dollar.

Les rapporteurs estiment donc urgent de trancher le débat qui oppose actuellement le ministère des affaires étrangères et celui du budget afin de limiter le risque de perte au change pour l'année 2022

Plus largement, ils considèrent qu'une réflexion doit être engagée afin de prévoir des règles systématiques concernant :

- la solution à apporter lorsque le taux sur le marché des changes observé à l'issue de l'élaboration du PLF a dévié de façon conséquente du taux de budgétisation (modification nette du niveau des crédits ou redéploiements) ;

- l'obligation pour le ministère des affaires étrangères d'activer le mécanisme de couverture dès la notification de la lettre-plafonds par le Premier ministre et ce quel que soit l'écart entre le taux de marché et le taux de budgétisation.

Recommandation n° 2 : Définir une doctrine claire quant au comportement devant être suivi par le ministère des affaires étrangères et le ministère du budget en cas de déviation entre le taux de budgétisation et le taux sur le marché des changes avant le dépôt du projet de loi de finances.

Recommandation n° 3 : Rendre systématique la couverture du risque de change par le ministère des affaires étrangères sur les contributions internationales libellées en devises.

2. Le suivi et le pilotage des contributions du ministère des affaires étrangères est satisfaisant mais perfectible
a) Le ministère des affaires étrangères a renforcé ses capacités de suivi et de pilotage des contributions internationales

Dans un référé de juin 2008, la Cour des comptes avait critiqué les capacités de pilotage et de suivi des contributions internationales par le ministère des affaires étrangères. Elle estimait, notamment, que le ministère ne disposait pas « d'une vision claire, cohérente et exhaustive » de ses contributions.

Comme la Cour a pu le relever dans un rapport ultérieur daté d'octobre 2015, le ministère s'est par la suite saisi de cet enjeu en créant, notamment, une sous-direction des affaires économiques et budgétaires au sein de la direction des Nations-Unies et des organisations internationales (DNUOI).

En lien avec direction des affaires financières du ministère, cette sous-direction a conçu un tableur permettant d'assurer le suivi
des contributions.

Le ministère a également conduit à compter de 2017 un effort en faveur du pilotage transversal des contributions internationales qui s'est traduit, plus particulièrement, par l'institution d'un comité de pilotage .

Ce comité de pilotage des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix (COPIL-CIOMP) se réunit annuellement pour « passer en revue [...] toutes les contributions versées [...] par tous les services » du MAE « afin de s'assurer qu'elles sont allouées de façon cohérente et complémentaire par les services » .

En outre , il émet des « recommandations techniques et budgétaires » afin de mieux identifier l'adéquation entre l'engagement des contributions et les priorités politiques .

Depuis sa création, le COPIL-CIOMP a proposé et initié plusieurs actions pour renforcer le pilotage des contributions.

En 2017, il a notamment proposé la création d'un tableau de bord unique et partagé au sein du ministère permettant d'unifier les différents outils, dont le tableur créé en 2009.

De plus, il a suggéré de faire évoluer l'outil CHORUS au sein du ministère afin d'y ajouter des axes d'analyse supplémentaires.

Ces préconisations, dont les résultats ont été présentés en 2019 au COPIL-CIOMP, ont permis de renforcer la fiabilité et l'utilité des données budgétaires portant sur les contributions internationales.

En effet, et à titre d'exemple, les outils antérieurs ne permettaient pas « de distinguer les contributions volontaires [non-fléchées] des contributions obligatoires » , d'isoler les opérations de maintien de la paix ou, encore, « de distinguer parmi les contributions volontaires affectées les pays bénéficiaires ou la thématique concernée » .

En outre, le COPIL-CIOMP participe à alerter sur la survenue de certains risques pouvant affecter l'évolution des contributions internationales.

Ainsi, en 2017, la DNUOI indiquait au COPIL-CIOMP que les États-Unis pourraient demander un plafonnement de leurs contributions se traduisant par un ressaut des contributions de la France évalué à 38 millions d'euros.

En 2018, elle alertait le COPIL-CIOMP sur le fait que les États-Unis pourraient décider de diminuer unilatéralement leurs contributions, faute d'obtenir un plafonnement plus important dans le cadre de la négociation du barème onusien, ce qui aurait entrainé un surcoût pour la France
de 50 à 60 millions d'euros.

En 2019, le COPIL-CIOMP marquait sa préoccupation quant à l'érosion de la position de la France dans le classement des contributeurs en indiquant : « il est vraisemblable que la France sortira prochainement du Top 10 des contributeurs financiers. »

b) Les instruments d'une plus grande cohérence et efficacité dans le choix des contributions financières peuvent encore être renforcés

Si le COPIL-CIOMP constitue bien une instance capable d'impulser des transformations favorables à un meilleur suivi des contributions et d'évaluer la cohérence ainsi que les risques qui pèsent sur cette dépense , les rapporteurs spéciaux estiment que son rôle dans la phase de budgétisation apparait plus distant en pratique.

En effet, d'après les procès-verbaux qui leur ont été transmis les réunions du comité se tiennent fin novembre, alors que le projet de loi de finances est déjà en discussion.

En pratique, la budgétisation des contributions pour l'année à venir mobilise, en silo, les directions concernées au titre de chacun des programmes 105, de la mission Action extérieure de l'État, et 209, de la mission Aide publique au développement.

Dans le cas du programme 105, par exemple, l'élaboration du schéma des contributions internationales pour l'exercice budgétaire suivant procède d'un travail itératif entre le directeur adjoint des affaires politiques et de la sécurité (DAPS) et le cabinet du ministre.

Une méthodologie similaire est suivie s'agissant des contributions du programme 209 dont la responsabilité relève de la direction générale de la mondialisation (DGM) du ministère.

Dans ce contexte, la recherche d'une cohérence parmi les orientations retenues concernant les contributions de ces deux programmes, au regard des priorités politiques poursuivies par la France et de l'objectif d'efficience de la dépense repose essentiellement sur le travail du ministre et de son cabinet , d'une part, et sur le travail conduit en novembre par le COPIL-CIOMP , d'autre part.

À cet égard, les rapporteurs estiment qu'un point de progrès dans le sens d'une meilleure cohérence politique et budgétaire des contributions internationale du ministère pourrait résider dans le renforcement du rôle du COPIL-CIOMP et dans une extension de sa mission.

Ainsi, le COPIL-CIOMP pourrait être amené à intervenir en amont de la budgétisation en se prononçant sur la cohérence des orientations proposées par la DAPS et la DGM et en proposant, le cas échéant, des évolutions au ministre.

En outre, il pourrait construire sous l'autorité du ministre, des outils d'analyse de la performance , compte tenu des priorités de la France, des organisations bénéficiaires d'une contribution s'appuyant sur des critères objectivables, comme le recommandait d'ailleurs la Cour des comptes dans son rapport d'octobre 2015.

Recommandation n° 4 : Confier au comité de pilotage des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix (COPIL-CIOMP) la mission de fournir un avis sur la cohérence d'ensemble des propositions formulées au ministre par les responsables des programmes 105 et 209 s'agissant des contributions internationales.

Recommandation n° 5 : Confier au comité de pilotage des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix (COPIL-CIOMP) la mission de construire un dispositif d'évaluation et de suivi de la performance des organisations internationales bénéficiaires d'une contribution.

c) Les moyens humains mobilisés pour le suivi budgétaire des organisations internationales apparaissent réduits

Toutefois, le souhait de mieux mesurer la performance de nos contributions et, par suite, des organisations auxquelles elles sont versées, appelle à s'interroger quant aux moyens dont dispose le ministère pour réaliser cette tâche.

En effet, le suivi au plan budgétaire des organisations internationales elles-mêmes repose sur un nombre restreint d'effectifs.

Ainsi, en 2021, ce sont 13,5 emplois équivalent temps plein qui étaient mobilisés sur site , c'est-à-dire dans les représentations auprès des organisations, pour suivre leurs enjeux budgétaires. En parallèle, 8,3 emplois équivalent temps plein étaient affectés en administration centrale pour remplir des missions équivalentes.

Effectifs renseignés par le ministère des affaires étrangères comme étant affectés au suivi budgétaire des organisations internationales

(en équivalent temps plein)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Le niveau de ces effectifs semble limité au regard du besoin de connaître finement et précisément la situation et les enjeux budgétaires de chaque organisation.

En tout état de cause, le manque relatif d'effectifs a pu contribuer à justifier que le ministère choisisse de recourir à un cabinet de conseil en 2021 « afin d'optimiser les modalités de sa contribution auprès de l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), de l'Association internationale des maires de France, de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) et de l'Université Senghor » 5 ( * ) .

Les rapporteurs considèrent, dans ce contexte, que l'objectif de renforcer les capacités de pilotage des contributions internationales et de suivi budgétaire des organisations nécessite probablement une augmentation des effectifs dédiés à l'analyse budgétaire en faisant appel, de façon prioritaire si ce n'est exclusive, à des redéploiements au sein des administrations.

Recommandation n° 6 : Évaluer les besoins en matière d'effectifs requis pour permettre un suivi renforcé de la performance et de la situation budgétaire des organisations internationales et procéder, le cas échéant, à des redéploiements internes permettant de répondre aux besoins.

d) En matière budgétaire, la France ne semble pas parvenir à imposer son point de vue aux organisations internationales

Un renforcement de ces moyens pourrait permettre à la France de peser plus efficacement sur les orientations prises en matière budgétaire par les organisations internationales alors que les résultats sont mitigés à ce jour.

En effet, la France poursuit officiellement quatre grands objectifs s'agissant du budget des organisations internationales :

- les budgets des organisations internationales doivent rester « réalistes, raisonnables, et conformes à nos priorités nationales » ;

- la croissance nominale des budgets des organisations internationales doit être égale à zéro ;

- les charges doivent être justement réparties , en fonction des capacités réelles de paiement des États ;

- les organisations doivent se doter de barèmes et les réviser régulièrement .

Afin d'assurer la cohérence de la position française en matière budgétaire, le ministère des affaires étrangères a élaboré à l'intention des conseillers budgétaires un guide de gestion des organisations internationales.

Ce guide, qui a été communiqué aux rapporteurs, précise les orientations de la France sur plusieurs axes.

Il constitue assurément un document très utile aux missions des conseillers et témoigne du fait que le ministère a fourni un important travail de définition de sa doctrine.

Exemples d'éléments de doctrine présentés dans le guide de gestion des organisations internationales élaboré par le ministère des affaires étrangères

Source : commission des finances d'après le guide transmis aux rapporteurs

Toutefois, afin d'évaluer dans quelle mesure le ministère parvient à faire valoir ses positions au sein des organisations internationales, les rapporteurs lui ont demandé de leur fournir plusieurs éléments présentant le contexte, les objectifs poursuivis et les résultats obtenus dans le cadre de plusieurs négociations budgétaires.

Certaines des informations transmises ont été compilées par les rapporteurs dans le tableau suivant.

Synthèse de négociations menées par la France concernant les
modalités de calcul de certaines contributions

Organisation

Contexte

Position défendue par la France

Résultats obtenus

ONU (budget régulier)

Le calcul des contributions tient compte du RNB des États membres mais plusieurs mécanismes de planchonnement et de plafonnement s'appliquent au profit des pays en développement, des certains émergents et des plus importants contributeurs.

La France défend notamment le principe de la « capacité à payer » qui justifierait de revoir la formule du dégrèvement pour les pays en développement et émergents qui connaissent une forte croissance.

Le ministère estime avoir obtenu de bons résultats dans la négociation du barème 2022-24 car il n'implique pas de hausse de notre charge financière.

OTAN

Les contributions sont assises sur un barème qui est fonction du RNB des États et il n'y a donc pas de négociations des quotes-parts à proprement parler. Néanmoins, les États-Unis bénéficient d'un rabais dont le coût est supporté par les autres États et qui fait donc l'objet d'une négociation.

En 2019, la France s'est opposée à une hausse du rabais américain.

Elle n'a pas obtenu gain de cause mais a obtenu, toutefois, que la quote-part française reste inchangée.

Conseil de l'Europe

Les contributions sont calculées en référence à un barème qui tient compte, de façon pondérée, de la population et du PIB des États membres en moyenne sur une période de trois ans.

Cette méthode a été soutenue par la France (résolution de 1994). En outre, la France soutient le refus d'exempter un membre du paiement de sa contribution, intérêts de retard compris.

La France aurait obtenu gain de cause.

Opérations de maintien de la paix

Le barème est dérivé de celui du budget régulier de l'ONU auquel s'ajoutent les dégrèvements applicables au budget ordinaire ainsi que des réductions pour les pays en développement (20 à 90%),

La France défend le respect du principe de « capacité à payer des États » qui pourrait impliquer :
• De tenir compte de l'endettement de certains États
• De modérer le dégrèvement appliqué à certains émergents (comme la Chine)
• De supprimer la réduction forfaitaire offerte à certains pays dont le RNB a fortement augmenté mais qui refusent tout ajustement (Arabie Saoudite, par exemple)

OSCE

L'organisation ne dispose pas de règles fixes concernant le barème des contributions.

La France défend le principe de capacité de paiement de paiement des États membres. Elle participe à un groupe de travail informel sur les barèmes de l'OSCE mis en place en 2013 dont l'objectif est d'aboutir à la définition de règles qui :
• Prennent en compte la capacité à payer des États
• Révisent les planchers et plafonds applicables, notamment, aux pays de l'ex-bloc soviétique
• Prévoient une clause de révision triennale.

Le barème applicable en 2019 allait dans le sens de la position française.

Source : commission des finances d'après les notes fournies par le ministère des affaires étrangères

Ainsi, d'après les éléments qui leur ont été communiqués, la France serait parvenue à obtenir quelques résultats s'agissant, par exemple, du barème des contributions de l'OSCE.

Pour autant, les objectifs portant sur des éléments plus structurants , comme la réforme des allégements en faveur de certains États en vigueur dans le système des Nations-Unies, n'ont à ce stade pas été atteints.

Identiquement, l'évolution des dépenses des organisations internationales du système onusien témoigne du fait que le principe de croissance « zéro valeur » n'a finalement été appliqué qu'à un nombre restreint d'organisations.

Ainsi, entre 2013 et 2020, le taux de croissance annuel moyen (TCAM) des dépenses des organisations rattachées au système onusien a été positif pour environ deux tiers d'entre elles.

Taux de croissance annuel moyen des dépenses des organisations du système onusien entre 2013 et 2017

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Par ailleurs, les organisations du système onusien dont les dépenses ont augmenté sur la période 2013-2020 représentaient,
en 2020, 85 % du montant total de ces dépenses.

Part des dépenses du système onusien ayant été astreintes au principe de croissance « zéro valeur » entre 2013 et 2020

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Les rapporteurs considèrent que la maîtrise des dépenses des organisations internationales doit constituer une priorité non pour réduire leur capacité d'intervention mais, au contraire, pour chercher à renforcer l'efficience de leur action.

Ils rappellent à cet égard que le Sénat plaide pour une maîtrise des dépenses et du budget des assemblées parlementaires de certaines organisations internationales , notamment celle de l'OSCE 6 ( * ) .

En tout état de cause, il ressort des éléments précédents que la position de la France en matière budgétaire n'est que partiellement retenue que ce soit au stade la définition des dépenses ou de celle du montant des contributions.

Cette situation pourrait résulter d'un défaut d'influence de la France qui s'explique autant par la prépondérance de certains acteurs historiques - comme les États-Unis - que par la faiblesse de notre stratégie d'investissements financiers dans les organisations internationales en comparaison de nos partenaires. Ce dernier point sera plus amplement développé infra par les rapporteurs.

Toutefois, ils estiment utile d'indiquer à ce stade que si la France souhaite peser davantage sur les orientations budgétaires des organisations internationales auxquelles elle contribue, elle doit sans doute se donner les moyens de son influence.

Ainsi, il leur apparait qu'il sera probablement nécessaire de dépenser un peu plus à court terme, sous la forme de contributions volontaires, afin de peser davantage à long terme sur les orientations budgétaires des organisations internationales.

3. L'État ne dispose d'aucun véritable instrument de pilotage de ses contributions aux organisations internationales

S'ils ont salué les efforts conduits par le ministère des affaires étrangères s'agissant du renforcement des capacités de suivi et de pilotage des contributions internationales, les rapporteurs ont été surpris de découvrir que ces capacités sont quasiment inexistantes au niveau interministériel.

Comme ils l'ont indiqué, les demandes qu'ils ont formulées afin de disposer d'une vue d'ensemble des contributions versées par la France s'est longtemps heurtée au fait que l'administration ne disposait pas de cette information.

À ce jour, la mise en cohérence des interventions de l'État sous la forme de versement de contributions internationales repose principalement sur deux instruments :

- les procédures internes au ministère des affaires étrangères décrites précédemment mais qui ne s'appliquent qu'aux seules contributions du ministère ;

- les travaux du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) qui portent sur nos engagements bilatéraux et multilatéraux en matière d'aide publique au développement.

En d'autres termes, un pilotage interministériel n'est mis en oeuvre que dans le cas de l'aide publique au développement . Les autres contributions ne donnent lieu à des concertations entre ministères qu'au cas par cas.

Les rapporteurs considèrent que cette situation n'est pas satisfaisante et qu'elle est susceptible d'entrainer une perte d'efficacité dans le financement du multilatéralisme.

Or, et comme ils le présenteront davantage infra , la France est confrontée à la nécessité de renforcer nettement ses investissements en faveur des organisations internationales si elle souhaite préserver et accroitre son influence.

Dans ce contexte, les rapporteurs invitent le Gouvernement à engager un travail afin de créer les conditions d'une mise en commun des informations et d'un pilotage interministériel des contributions internationales.

À court terme, une solution envisageable pourrait être de s'appuyer, en rénovant ses missions, sur l'actuel Comité des réseaux internationaux de l'État à l'étranger (CORINTE) animé par le ministère des affaires étrangères et qui réunit l'ensemble des ministères exerçant une activité à l'étranger.

Recommandation n° 7 : Confier à une structure interministérielle la mission de mettre en commun les données budgétaires relatives aux contributions internationales et d'analyser la cohérence de ces interventions au regard des objectifs poursuivis par la France.


* 4 https://unsceb.org/fs-revenue-government-donor.

* 5 Réponses au questionnaire des rapporteurs.

* 6 Le montant de la contribution du Parlement français à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE a augmenté de 21,8 % entre 2014 et 2020. Le Sénat a régulièrement demandé à ce que l'organisation maitrise l'évolution de ses dépenses afin de stabiliser le niveau de ses contributions. En 2022, cette demande a obtenu gain de cause avec un retour de la contribution du Sénat à son niveau de
l'année 2020. Toutefois, il a été demandé à ce que cet effort s'inscrive dans la durée.

Page mise à jour le

Partager cette page