Rapport d'information n° 392 (2021-2022) de MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD , fait au nom de la commission des finances, déposé le 26 janvier 2022

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N° 392

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 janvier 2022

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les contributions de la France au financement des organisations internationales ,

Par MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

La commission des finances a examiné le mercredi 26 janvier 2022, la communication de M. Vincent Delahaye et M. Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission Action extérieure de l'État, sur les résultats de leur contrôle consacré aux contributions internationales.

I. IGNORANT DE CE QUE L'ENSEMBLE DE SES SERVICES VERSENT AUX ORGANISATIONS MULTILATÉRALES, L'ÉTAT N'EXERCE PAS SON RÔLE DE PILOTAGE ET DE SUIVI DES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES

A. AU PLAN INTERMINISTÉRIEL, L'ÉTAT A TOUTES LES PEINES À SAVOIR COMBIEN IL VERSE AUX ORGANISATIONS INTERNATIONALES

Depuis la suppression du document de politique transversale consacré à « l'action extérieure de l'État » en 2019, l'État ne produit plus aucun travail de synthèse du montant des versements effectués en faveur des organisations internationales.

Pourtant, il s'agit d'une dépense que le contrôle budgétaire a permis d'évaluer à 5,6 milliards d'euros en 2021 , supportées principalement par le ministère des affaires étrangères, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de l'Économie et des Finances.

Évolution et répartition des contributions internationales
par ministère entre 2017 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Pour évaluer le montant des contributions versées par la France, les responsables ministériels se réfèrent le plus généralement aux données publiées par les organisations internationales bénéficiaires . En l'espèce, ce sont près de 215 entités différentes qui percevaient, en 2021, des versements du Gouvernement français.

Synthèse des contributions internationales
versées par la France en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Les rapporteurs estiment qu'il est plus qu'urgent de remédier à cette situation qui n'est pas acceptable. À cette fin, ils proposent de rétablir un document de politique transversale retraçant et détaillant l'emploi des contributions versées par l'ensemble des ministères aux organisations internationales

B. EN CONSÉQUENCE, IL N'EXERCE AUCUN PILOTAGE INTERMINISTÉRIEL SUR CETTE DÉPENSE

Faute d'information centralisée, d'une part, et de volonté de l'organiser, d'autre part, l'État n'exerce ni suivi ni pilotage des contributions versées aux organisations internationales . En pratique, le ministère des affaires étrangères organise pour son propre compte un tel exercice dont les rapporteurs saluent la qualité autant que l'existence.

Ce travail s'appuie sur un comité de pilotage des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix (CIOMP) qui réalise un travail rétrospectif et prospectif afin de renforcer la cohérence et le suivi des contributions du Quai d'Orsay.

Il existe, pour autant, encore des leviers d'amélioration au sein du ministère des affaires étrangères , notamment :

- le rôle du CIOMP en amont de la budgétisation pourrait être renforcé ;

- une démarche de mesure et de suivi de la performance des organisations internationales reste à mettre en oeuvre ;

- les moyens alloués au suivi budgétaire des organisations internationales pourraient être renforcés ;

- la doctrine à suivre en matière de couverture de change doit être clarifiée avec le ministère du budget.

Les rapporteurs considèrent que l'expérience accumulée par le CIOMP doit servir de modèle à la création d'un comité de suivi et de pilotage des contributions internationales au niveau interministériel.

II. DÉPASSÉE PAR SES PARTENAIRES, LA FRANCE TENTE UN TROP TIMIDE RETOUR PARMI LES FINANCEURS DU MULTILATÉRALISME

A. EN MATIÈRE DE FINANCEMENT DU MULTILATÉRALISME LA FRANCE A FAIT PREUVE D'ATTENTISME PAR RAPPORT À SES PARTENAIRES

Septième contributeur en 2020 , la France voit son poids dans l'ensemble des versements du système onusien se réduire rapidement, en particulier sur le terrain des contributions obligatoires.

Ce phénomène s'observe également dans de nombreux pays développés dont l'Allemagne et le Royaume-Uni et s'explique par le recul de notre importance dans l'économie mondiale. À l'inverse, la part des contributions obligatoires chinoises progresse fortement.

Part du pays dans les contributions obligatoires versées au système onusien (1)

Variation de la part du revenu national brut du pays dans le revenu mondial brut entre 2005 et 2020

Part du pays dans les
contributions obligatoires
versées au système onusien (2)

(en pourcentage)

(en point de pourcentage)

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de l'ONU et de la Banque mondiale

Cette situation a appelé les pays développés à mettre en oeuvre un « virage des contributions volontaires » que la France a entrepris avec une ampleur beaucoup plus limitée que ses partenaires.

Évolution comparée du montant des contributions volontaires
au système des Nations-Unies

(en millions de dollars)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de l'ONU

Notre attentisme au plan global s'observe également au niveau de chacune des organisations du système onusien. Ainsi, nous avons en moyenne bien moins augmenté annuellement nos contributions volontaires que ne l'ont fait nos partenaires, Chine comprise. La contrepartie en est de moindres gains d'influence - mesurés comme la variation de notre poids dans le financement des institutions.

Synthèse du degré d'investissement financier et de l'ampleur des gains d'influence retirés par plusieurs pays dans l'évolution de leurs contributions volontaires au système des Nations-Unies

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

B. UNE STRATÉGIE VOLONTAIRE ET COORDONNÉE AVEC L'ENSEMBLE DE NOS PARTENAIRES EUROPÉENS EST NÉCESSAIRE

Dans ce contexte, les rapporteurs estiment qu' il est urgent de se doter d'une stratégie volontariste et ambitieuse de renforcement de notre position de financeur du système multilatéral.

Ils prennent acte, à cet égard, de la hausse récente des contributions volontaires (+ 960 millions d'euros en 2021) et attendent de disposer de points de comparaisons avec l'action de nos partenaires pour en apprécier l'effet sur notre capacité d'influence.

Liste des principales augmentations des
contributions volontaires de la France en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de l'ONU

Les rapporteurs s'accordent avec le ministère des affaires étrangères sur trois points essentiels :

- il est nécessaire de renforcer le niveau de nos contributions volontaires ;

- il faut mobiliser également l'ensemble des autres leviers d'influence que sont le placement de fonctionnaires internationaux et l'accueil sur notre sol d'implantations des organisations internationales ;

- la coordination au niveau européen sur ce sujet doit être renforcée si ce n'est inventée.

Sur le volet européen, les rapporteurs rappellent qu'en agrégeant leurs contributions, les États membres de l'Union européenne sont les principaux financeurs du système des Nations-Unies devant les États-Unis . Ils forment aussi l'ensemble qui est le principal financeur du plus grand nombre d'organisations.

Classement des principaux contributeurs
au système des Nations-Unies
en 2020

Capacité d'influence au regard du
nombre d'organisations où le
pays ou l'entité est le premier financeur

(en milliards
de dollars)

(en nombre d'organisations relevant

du système onusien)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de l'ONU

Dans le même temps, les rapporteurs entendent rappeler que notre souhait de renforcer la coordination européenne doit tenir compte de la position très asymétrique dans laquelle nous nous trouvons actuellement vis-à-vis de l'Allemagne et doit chercher à maximiser également le dialogue avec nos autres partenaires européens.

En effet, en 2021, l'Allemagne représentait 51,2 % des contributions volontaires versées par un États membres de l'UE. Elle était par ailleurs le premier financeur européen de 28 organisations onusiennes contre 5 pour la France. Elle n'a pas les mêmes impératifs que la France à voir se développer une coordination européenne en matière de financement des organisations internationales.

Répartition des financements aux
organisations du système
onusien entre les États membres de
l'Union européenne

Capacité d'influence au regard du

nombre d'organisations où le

l'État membre est le premier financeur

(en pourcentage)

(en nombre d'organisations relevant du système onusien)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de l'ONU

LISTE DES PRINCIPALES
RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 : Rétablir un document de politique transversale retraçant et détaillant l'emploi des contributions versées par l'ensemble des ministères aux organisations internationales.

Recommandation n° 2 : Définir une doctrine claire quant au comportement devant être suivi par le ministère des affaires étrangères et le ministère du budget en cas de déviation entre le taux de budgétisation et le taux sur le marché des changes avant le dépôt du projet de loi de finances.

Recommandation n° 3 : Rendre systématique la couverture du risque de change par le ministère des affaires étrangères sur les contributions internationales libellées en devises.

Recommandation n° 4 : Confier au comité de pilotage des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix (COPIL-CIOMP) la mission de fournir un avis sur la cohérence d'ensemble des propositions formulées au ministre par les responsables des programmes 105 et 209 s'agissant des contributions internationales.

Recommandation n° 5 : Confier au comité de pilotage des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix (COPIL-CIOMP) la mission de construire un dispositif d'évaluation et de suivi de la performance des organisations internationales bénéficiaires d'une contribution.

Recommandation n° 6 : Évaluer les besoins en matière d'effectifs requis pour permettre un suivi renforcé de la performance et de la situation budgétaire des organisations internationales et procéder, le cas échéant, à des redéploiements internes permettant de répondre aux besoins.

Recommandation n° 7 : Confier à une structure interministérielle la mission de mettre en commun les données budgétaires relatives aux contributions internationales et d'analyser la cohérence de ces interventions au regard des objectifs poursuivis par la France.

Recommandation n° 8 : Développer au sein de l'État un outil de veille permettant de suivre sur longue période et pour l'ensemble des organisations internationales, l'évolution des contributions versées par l'ensemble des donateurs.

Recommandation n° 9 : Augmenter le niveau de nos contributions volontaires de sorte à réduire l'écart avec nos principaux partenaires au sein des organisations stratégiques par rapport à nos priorités.

Recommandation n° 10 : Favoriser le dialogue avec une diversité d'États membres de l'Union européenne pour permettre des interventions coordonnées en matière d'investissements et de soutien aux candidatures aux fonctions décisionnelles dans les organisations internationales.

*

* *

Les contributions internationales correspondent à des versements opérés par des États au profit des organisations internationales . Dans le cadre du présent contrôle budgétaire, les catégories de contributions suivantes ont fait l'objet d'un examen :

- les contributions sans contrepartie versées au budget des organisations internationales et qui peuvent présenter un caractère obligatoire ou volontaire ;

- les contributions, essentiellement volontaires, à des fonds concessionnels 1 ( * ) ;

- les prises de participations au capital de banques multilatérales de développement.

Les rapporteurs ont exclu du champ de leur contrôle la participation financière de la France au budget de l'Union européenne qui fait l'objet d'un prélèvement sur les recettes de l'État.

Pour autant , certains mécanismes extrabudgétaires de l'Union européenne (comme le Fonds européen de développement) ou certains versements budgétaires spécifiques - notamment dans le domaine de la sécurité - ont bien été pris en compte .

Au terme de leurs travaux, les rapporteurs observent que la France ne dispose pas, pour l'instant, des outils interministériels qui semblent nécessaires pour lui permettre de répondre efficacement au retard qu'elle a pris en matière d'influence au sein des organisations internationales.

Ils estiment, en outre, qu' une action volontariste doit être conduite, notamment au niveau financier , pour permettre à la France de reprendre et de maintenir son rang au sein des organisations internationales, comparativement à ses partenaires les plus proches .

I. AU-DELÀ DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, LES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES ÉCHAPPENT À TOUT SUIVI OU PILOTAGE INTERMINISTÉRIEL

A. AU NIVEAU INTERMINISTÉRIEL, L'ÉTAT N'A AUCUNE VISION CONSOLIDÉE DES MONTANTS VERSÉS AUX ORGANISATIONS INTERNATIONALES QUE LES RAPPORTEURS ONT PU ÉVALUER
À 5,6 MILLIARDS D'EUROS

1. Les contributions versées par le ministère des affaires étrangères s'élevaient à 2,2 milliards d'euros en 2021 et constituent une dépense encore largement contrainte

En 2021, le montant des crédits ouverts en loi de finances initiale au profit du ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour le financement des organisations internationales s'élevait à 2,2 milliards d'euros . Il se répartissait entre :

- d'une part, le programme 105 - Action de la France en Europe et dans le monde, de la mission Action extérieure de l'État pour 713,2 millions d'euros ;

- d'autre part, le programme 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement, de la mission Aide publique au développement
pour 1,5 milliard d'euros.

a) Les contributions du programme 105

Pour près de 80 %, les contributions du programme 105 bénéficient au système onusien au travers des opérations de maintien de la
paix (289,2 millions d'euros), de ses agences (171,1 millions d'euros) ou du financement de son budget ordinaire (108,9 millions d'euros versés en 2021).

Répartition des contributions internationales
du programme 105 en 2021

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Hors opérations de maintien de la paix, le programme 105 contribuait, en 2021, au financement d'une quarantaine d'organisations rattachées au système onusien . Parmi ces dernières, sept percevaient une contribution supérieure à 10 millions d'euros.

Répartition des contributions internationales
du programme 105 aux organisations onusiennes en 2021

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

En parallèle, les organisations internationales non-onusiennes rattachées au champ de la sécurité et de la défense constituaient, en 2021, les principales bénéficiaires des financements retracés au titre du
programme 105.
L'OTAN et l'OSCE ont ainsi perçu plus de la moitié de ces financements, devant l'OCDE (21,4 millions d'euros versés).

Répartition des contributions internationales
du programme 105 aux organisations non-onusiennes en 2021

(en millions d'euros - en pourcentage)

Note : l'Institut du monde arabe est financé par une fondation créée aux termes d'un engagement international liant la France et les membres de la Ligue Arabe en 1980. Les financements versés par la France à la Fondation sont donc regardés par l'administration comme des contributions internationales.

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

b) Les contributions du programme 209

Les contributions relevant du programme 209 de la mission Aide publique au développement - et qui sont les plus importantes au plan financier pour le ministère des affaires étrangères - ont été pour près
de 45 % versées au profit du Fonds européen de développement
(FED)
en 2021.

À l'exclusion des crédits du FED, environ 46 organisations bénéficient de financements au titre du programme 209 dont, plus particulièrement, l'Alliance du vaccin - GAVI.

Répartition des contributions internationales
du programme 209 en 2021

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

c) Une dépense encore largement contrainte

Depuis 2017, la part des contributions obligatoires dans l'ensemble de celles supportées par le ministère des affaires étrangères diminue . Ce mouvement s'explique notamment par :

- la baisse des crédits dédiés au Fonds européen de développement sur la période 2017-2021 (- 82,9 millions d'euros) ainsi qu'aux opérations de maintien de la paix (- 22 millions d'euros), d'une part ;

- la montée en charge de l'aide publique au développement sous forme de contributions volontaires aux organisations internationales (+ 624,2 millions d'euros), d'autre part.

En outre, cette tendance au renforcement du poids des contributions volontaires devrait s'accentuer à l'avenir. Ceci résulte notamment de la contraction de la part relative de la France dans l'économie mondiale - qui constitue une variable usuelle dans les barèmes de financement des organisations internationales -, d'un côté, et de la réforme du Fonds européen de développement - dont les contributions sont obligatoires - de l'autre.

En effet, et comme les rapporteurs spéciaux de la mission Aide publique au développement, M. Jean-Claude Requier et M. Michel Canévet l'ont relevé dans leur rapport sur les crédits de la mission pour 2022 2 ( * ) , le FED est désormais remplacé par un nouveau mécanisme de coopération financé par le prélèvement sur les recettes de l'État au profit de l'Union européenne.

À titre d'illustration, en excluant le montant des contributions versées au FED, la part des contributions volontaires dans l'ensemble des contributions versées par le ministère des affaires étrangères se serait élevée à 55,3 % en 2021, contre 38,6 % en l'incluant.

Évolution et répartition des contributions internationales
du ministère des affaires étrangères entre 2017 et 2021

(en milliards d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Ces évolutions devraient permettre à faciliter le pilotage budgétaire du ministère des affaires étrangères. En effet, les contributions obligatoires forment un bloc de dépenses dont l'évolution lui échappe assez largement, tout en représentant une part importante (31,6 % en 2021) de l'ensemble de ses moyens, hors crédits de personnel .

2. Toutefois, au niveau de l'ensemble de l'État, le montant des contributions internationales s'élevait, en 2021, à 5,6 milliards d'euros

Le ministère des affaires étrangères ne supporte qu'une partie des contributions versées par la France aux organisations internationales.

En effet, d'autres ministères sont également sollicités de sorte que le montant total des contributions versées par l'État s'élevait, en 2021,
à 5,6 milliards d'euros.

Évolution et répartition des contributions internationales
par ministère entre 2017 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Les ministères de l'Enseignement supérieur , de la Recherche et de l'Innovation (MESRI), d'un côté, et de l'Économie, des Finances et de la Relance (MINEFI), de l'autre, sont de ce point de vue, les deux principaux contributeurs aux organisations internationales après le ministère des affaires étrangères avec, pour chacun, un peu plus de 1,5 milliard d'euros engagés en 2021.

Sur le montant total des 11 contributions versées par le MESRI , plus de 60 % (1,1 milliard d'euros) correspondaient, en 2021, aux financements versés par la France, à titre obligatoire, à l'Agence spatiale européenne .

En outre, deux organisations bénéficiaient, chacune, d'une subvention d'environ 150 millions d'euros : l'organisation européenne pour la recherche nucléaire et le projet de réacteur ITER.

Les contributions acquittées par les ministères financiers présentent, quant à elles, une certaine spécificité dans la mesure où elles recouvrent à la fois des subventions ainsi que des prises de participation au capital d'organismes financiers, comme des banques de développement, qui sont retracées sur le compte d'affection spéciale « Participations financières
de l'État » (CAS PFE).

L'essentiel de ces crédits - environ 1,3 milliard d'euros - correspond à des actions du programme 110 - Aide économique et financière au développement - de la mission Aide publique au développement, d'une part, et du fonds de solidarité pour le développement (FSD), d'autre part.

Répartition des contributions internationales
des ministères financiers en 2021

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Au final, d'après les éléments compilés par les rapporteurs spéciaux, un peu plus de 210 entités distinctes (organisations internationales, fonds ou programmes...) avaient bénéficié du versement d'une contribution par la France en 2021. Toutefois, au sein de ce groupe, 14 entités représentent à elles seules près de 75 % de l'ensemble des contributions.

Synthèse des contributions internationales
versées par la France en 2021

(en millions d'euros)

* les versements envers l'Union européenne correspondent pour l'essentiel à des engagements portés par le ministère des Armées dans le champ de la défense.

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

À l'instar du phénomène déjà relevé concernant le ministère des affaires étrangères, la part des contributions volontaires dans l'ensemble
des versements progresse fortement depuis 2017.

Là-encore, cette tendance s'explique par la hausse du montant des contributions versées au titre de l'aide publique au développement.

Évolution et répartition des contributions internationales
de l'ensemble des ministères entre 2017 et 2021

(en milliards d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

3. Au niveau interministériel, l'État ne sait pas véritablement combien il verse aux organisations internationales

Les travaux des rapporteurs ont permis d'établir
que l'administration ne dispose pas d'une vision synthétique des contributions versées par l'État à des organisations internationales.

Ainsi, si chaque ministère possède une connaissance précise des contributions qu'il verse et dont l'usage est retracé dans les documents budgétaires, aucun exercice d'agrégation n'est plus organisé depuis 2019.

Jusqu'à cette date, en effet, le Gouvernement remettait un document de politique transversale (DPT) annexé au projet de loi de finances et consacré à « l'action extérieure de l'État » dont l'un des chapitres consistait en une présentation des contributions versées.

Ce document a été remplacé , aux termes des dispositions de
l'article 218 de la loi de finances initiale pour 2019, par une autre annexe visant à présenter :

- les choix stratégiques déterminant la présence géographique et fonctionnelle de l'État et de ses opérateurs à l'étranger ;

- les réformes visant à diminuer la masse salariale des agents à l'étranger, en détaillant en crédits et en effectifs, la contribution de chaque ministère et opérateur à cette diminution ;

- l'état du parc immobilier à l'étranger et des mesures de rationalisation afférentes.

La perte d'information que constituait l'ancien DPT apparait finalement aussi regrettable pour le Parlement que pour l'administration elle-même.

En effet, les auditions conduites par les rapporteurs ont été l'occasion pour certains responsables ministériels d'indiquer que la connaissance qu'ils avaient du montant total des contributions versées par la France à chaque organisation repose aujourd'hui sur les données que les bénéficiaires eux-mêmes partagent.

À titre d'exemple, le secrétariat des Nations-Unies pour la coordination (CCS) met à disposition annuellement des jeux de données recensant le montant détaillé des contributions versées par chaque gouvernement 3 ( * ) à l'ONU et aux organismes rattachés au système onusien.

La présentation, par les rapporteurs spéciaux, d'une synthèse agrégée a impliqué qu'ils saisissent la direction du budget afin qu'elle organise la collecte des informations nécessaires au niveau interministériel .

En tout état de cause, le manque de suivi au niveau interministériel de la destination et du montant des contributions versées par l'État est préjudiciable pour le pilotage tant budgétaire que stratégique de cette dépense.

Dans ce contexte, les rapporteurs spéciaux recommandent de rétablir un document de politique transversale permettant de suivre et d'évaluer l'emploi de l'ensemble des contributions internationales versées par l'État.

Recommandation n° 1 : Rétablir un document de politique transversale retraçant et détaillant l'emploi des contributions versées par l'ensemble des ministères aux organisations internationales

B. RENFORCÉ AU QUAI D'ORSAY, LE PILOTAGE DES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES EST INEXISTANT AU NIVEAU INTERMINISTÉRIEL

1. Dans le dialogue budgétaire, l'évaluation du montant des contributions internationales est affectée par des effets calendaires et par l'exposition au risque de change
a) La diversité des facteurs intervenant dans le calcul des contributions est un défi pour la budgétisation des dépenses de l'État

Les modalités applicables pour déterminer les dépenses et les ressources des organisations internationales se caractérisent par une forte hétérogénéité qui n'est pas sans poser des enjeux d'articulation avec la procédure budgétaire au plan national.

En premier lieu, les ressources des organisations tirées de la participation financière des États procèdent généralement soit de l'application d'un barème fondé sur des critères objectifs et stables dans le temps, soit de l'appel de contributions volontaires.

Pour certaines organisations, la répartition des contributions obligatoires est rediscutée à chaque adoption d'un nouveau cadre budgétaire.

Dans le cas de l'application d'un barème, plusieurs critères peuvent être retenus dont notamment celui de la capacité à payer des États au regard, par exemple, du niveau de leur revenu national.

Le calcul des contributions au budget ordinaire de l'ONU repose ainsi sur ce principe avant que ne s'appliquent divers mécanismes de plafonnement et de planchonnement.

Il peut, par ailleurs, être rappelé que le barème des Nations-Unies constitue une référence pour le calcul des contributions des États à d'autres entités dont, par exemple, l'Organisation mondiale de la Santé, l'Organisation mondiale du Travail ou, encore, la Cour pénale internationale.

Certaines organisations appliquent toutefois des barèmes qui leur sont propres et qui reposent sur des critères spécifiques . Ainsi, le calcul des contributions à l'Organisation internationale de l'aviation civile s'appuie-t-il sur la part que représente chaque pays dans le trafic aérien mondial.

Il en va de façon comparable pour le calcul des contributions
à l'Organisation mondiale du commerce qui retient le poids du pays dans l'ensemble du commerce international de biens et services.

En parallèle, certaines organisations peuvent voir leurs ressources reposer, pour tout ou partie, sur le versement de contributions
volontaires.
Dans cette circonstance, le niveau de leurs ressources dépend des engagements discrétionnaires pris par les États.

Tel est, par exemple, le cas des programmes des Nations-Unies pour le développement (PNUD) et pour l'environnement (PNUE) dont la France assurait, respectivement, 7 % et 0,5 % des financements étatiques en 2020, d'après l'ONU 4 ( * ) .

Les dépenses des organisations internationales sont fixées par des budgets qui sont formellement adoptés par des organes désignés en ce sens par leurs statuts ou leur règlement interne.

Dans le cas de l'ONU, cette prérogative relève de l'Assemblée générale après un examen des rapports de sa Cinquième commission établi sur la base des projets de budgets eux-mêmes élaborés par le Secrétariat général après saisine du comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires (CCQAB).

Au sein de l'OTAN deux processus distincts coexistent selon que sont élaborés le budget civil ou les budgets militaires . Toutefois, dans les deux cas, ces budgets sont examinés par le Comité des budgets et adoptés par le Conseil de l'Atlantique Nord.

La portée temporelle des budgets varie d'une entité à l'autre . Ainsi, le budget ordinaire de l'ONU a, jusqu'en 2020, eu une portée pluriannuelle mais s'inscrit, désormais et comme les budgets des opérations de maintien de la paix, dans une logique annuelle.

Un nombre conséquent de budgets présente un caractère biannuel (Organisation mondiale de la Santé, Haut-commissariat aux réfugiés...), et, dans des cas plus rares et qui impliquent souvent une capacité juridique de les réviser en cours d'exécution, une dimension triennale voire quadriennale (Organisation internationale de la Francophonie)

Enfin, la période d'adoption des budgets varie d'une institution à l'autre mais se situe, dans la majorité des cas, à l'automne .

Comparaison des calendriers budgétaires de certaines
organisations internationales

Légende : les rectangles noirs marquent le mois d'adoption du budget de l'organisation ; les rectangles clairs marquent la période au cours de laquelle les projets de budgets sont discutés par divers organes administratifs, consultatifs ou politiques

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Cette hétérogénéité dans la portée ainsi que dans les modalités d'élaboration et d'adoption des budgets constitue naturellement un enjeu au regard du calendrier applicable, au niveau national, pour les lois de finances.

En effet, une part conséquente des décisions des organisations internationales adviennent à l'automne , c'est-à-dire après ou concomitamment à l'adoption, par le Conseil des ministres, du projet de loi de finances de l'année à venir.

Les auditions ont mis à jour la difficulté qu'il peut y avoir , pour les ministères dépensiers et celui du budget, à évaluer précisément, entre les mois de mai et juillet, le montant des crédits requis pour permettre, à la fois, de verser les contributions obligatoires tout en disposant des ressources nécessaires à l'engagement de contributions volontaires.

Sans la négliger, les rapporteurs spéciaux estiment, toutefois, que cette difficulté n'est pas - sauf dans certains cas particuliers - insurmontable .

En effet, ils relèvent que certains budgets sont adoptés avant l'examen du PLF par le Conseil des ministres .

En outre, concernant les budgets adoptés plus tardivement, nombre d'entre eux présentent une dimension pluriannuelle ce qui réduit les éventuelles incertitudes à une seule année.

Par ailleurs, la période d'élaboration et d'examen des budgets des organisations internationales par différents comités consultatifs ou organes intermédiaires est généralement assez longue.

À titre d'exemple, si le budget de l'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (OTICE) dont la France assurait, en 2020, plus de 4,6 % des financements, est officiellement adopté au mois de novembre, ses grandes lignes, voire son contenu, font l'objet de discussions dès le mois de mars.

Enfin, la part de financements - et donc l'impact sur la budgétisation au plan national - dont il reviendrait à la France d'assumer la charge peut être estimée assez fidèlement , compte tenu, d'une part, des éléments mentionnés ci-avant et, d'autre part, du fait que les barèmes de répartition mobilisent des données objectives et généralement prévisibles , comme le revenu national brut.

À l'inverse, l'évaluation du montant de certaines contributions peut présenter des difficultés plus importantes.

Tel est par exemple le cas, au plan annuel, lorsque la répartition d'une contribution entre ministères dépend d'éléments qui ne sont pas encore arbitrés au moment de la budgétisation.

La situation s'est d'ailleurs présentée ainsi, selon le ministère des affaires étrangères, s'agissant de l'évaluation du montant de la contribution à la Facilité européenne pour la paix (FEP) dans la perspective du projet de loi de finances pour 2022.

En effet, en fonction des opérations prévues dans le cadre de ce dispositif, une part du financement devait être répartie entre le ministère des Armée et celui des affaires étrangères.

Dans l'impossibilité de déterminer cette répartition au moment de l'élaboration du PLF, le Gouvernement a fait le choix d'attendre et de présenter un amendement (d'un montant de 82,8 millions d'euros) en cours de discussion à l'Assemblée nationale.

L'estimation du montant des contributions dans une perspective pluriannuelle peut, également, constituer un exercice difficile ou artificiel notamment lorsqu'elles sont tributaires de la survenue d'évènements d'exogènes.

Tel est le cas, par exemple, des opérations de maintien de la paix dont les activités dépendent de facteurs qui sont difficilement
prévisibles
.

Pour cette raison, le ministère des affaires étrangères estime qu'il serait artificiel, dans le processus de budgétisation, de fournir au ministère de budget des éléments de prévisions pluriannuelles du coût des OMP.

Tout en relevant que la mise en oeuvre d'un exercice de prévision constituait une recommandation formulée par la Cour des comptes dans
son rapport de 2015 et demeure une demande de la direction du budget, les rapporteurs prennent acte de la position exprimée par le ministère des affaires étrangères.

b) Certains aléas, comme le risque de change, peuvent et devraient systématiquement être couverts

Dans la mesure où certaines contributions internationales sont libellées dans des devises autres que l'euro, les ministères sont exposés, en budgétisation et en exécution, au risque de change.

Ainsi, en 2021, environ 8 % des contributions internationales ont été versées en dollars américains . Cette proportion devrait augmenter à la faveur de la réforme du FED. En 2021, à l'exclusion de ce dernier, le dollar américain aurait représenté 9,1 % des versements aux organisations internationales.

Évolution de la part des contributions en devises
dans l'ensemble entre 2017 et 2021

(échelle coupée -

en milliards d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Ce risque n'est, toutefois, pas réparti de façon égale entre les ministères, d'une part, et entre les différents programmes portés par les ministères, d'autre part.

Ainsi, en proportion des contributions qu'il verse, le ministère de la transition écologique (MTES) constitue celui qui présente le plus important taux d'exposition à une devise étrangère (26,7 %) , devant le ministère des affaires étrangères (22,1 %) et les ministères financiers (10,4 %).

Toutefois, le risque est en réalité marginal pour ce ministère dans la mesure où le montant de ses contributions est très faible (6,5 millions d'euros en 2021) au regard de l'ensemble des contributions versées par l'État (5,6 milliards d'euros en 2021), d'une part, et du niveau de ses crédits hors dépenses de personnel (40,1 milliards d'euros ouverts en loi de finances initiale pour 2021), d'autre part.

Ainsi, analysé au regard du poids des contributions internationales libellées dans une autre devise que l'euro dans l'ensemble des moyens d'un ministère hors dépenses de personnel , le risque de change constitue un enjeu substantiel pour le seul ministère des affaires étrangères.

En effet, en 2021, les contributions en devises supportées par le ministère des affaires étrangères représentaient environ 11,4 % de l'ensemble de ses crédits, hors dépenses de personnel.

Répartition du risque de change entre les ministères

(en milliards d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire et les documents budgétaires

Plus encore et en pratique, le risque de change en 2021 était presque exclusivement porté par le programme 105 de la mission Action extérieure de l'État dans la mesure ou le programme 209 de la mission Aide publique au développement ne retraçait qu'une seule contribution en devise, équivalente à 20 millions de dollars et versée au profit du Haut-Commissariat aux réfugiés.

Ainsi, en 2021, le montant des contributions en devises du programme 105 (équivalent à 483,4 millions d'euros) représentait 42 % des crédits hors dépenses de personnel de ce même programme.

Cette situation pose des difficultés récurrentes pour le ministère des affaires étrangères et celui du budget.

En premier lieu, la négociation budgétaire qui démarre au mois de mai implique de déterminer un « taux de budgétisation » correspondant à un taux de change de référence.

Aux termes des procédures d'arbitrage , compte tenu du taux de budgétisation, d'une part, et des engagements de la France s'agissant de ses contributions obligatoires ainsi que des priorités qu'elle souhaite soutenir en versant des contributions volontaires, d'autre part, un montant de crédits est arrêté en euros et notifié par le Premier ministre au ministre des affaires étrangères sous la forme d'une lettre-plafond.

Ce montant en euro - qui correspond à celui que sera inscrit au projet de loi de finances - doit permettre de couvrir les engagements libellés en devises - notamment en dollars - que le ministère devra honorer.

Toutefois, le taux de change entre l'euro et les devises étrangères peut évoluer de manière significative entre le temps de la négociation budgétaire, la notification de la lettre-plafond et la discussion, puis l'adoption, du projet de loi de finances par le Parlement.

En l'occurrence, si l'euro venait à s'apprécier par rapport au dollar au cours de cette période, le ministère bénéficierait théoriquement d'un « gain au change » qu'il pourrait mobiliser par ailleurs dans le respect des règles de fongibilité.

À l'inverse, si le dollar venait à s'apprécier par rapport à l'euro , le ministère devrait constater une perte de change qui le contraindrait - en l'absence de compensation - à devoir réduire le montant de ses contributions ou à mobiliser d'autres crédits du programme.

Ce même phénomène peut également se produire dans la phase d'exécution du budget et générer pour le ministère une perte et un gain au change.

Il convient toutefois de préciser que le ministère des affaires étrangères a indiqué aux rapporteurs qu'en pratique le ministère du budget procédait systématiquement à un surgel du gain au change afin qu'il puisse financer, au besoin, d'autres aléas ou qu'il soit annulé en fin de gestion.

Afin, de réduire les risques de change qui pèsent sur le ministère, un mécanisme de couverture a été institué dès 2006 et actualisé en 2018 au travers d'une convention avec l'Agence France Trésor .

Dans le cadre ce mécanisme, le ministère des affaires étrangères passe à l'AFT des ordres d'achats à terme de devises en lui indiquant le taux de change acceptable qu'il retient. Ainsi saisie, l'AFT met en oeuvre l'opération de couverture auprès des organismes spécialistes en valeur du Trésor (SVT).

L'objectif et l'intérêt de cette opération pour le ministère des affaires étrangères est de geler le montant de ses contributions en devises et le coût de cette dépense en euro.

Depuis 2018, le ministère des affaires étrangères a activé le mécanisme de couverture de change contribuant à sécuriser
entre 80 % et 90 % du montant de ses contributions en dollar.

Couverture du risque de change sur les contributions
internationales du ministère des affaires étrangères depuis 2018

(en pourcentage du montant total
des contributions en dollar)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Les rapporteurs spéciaux ont été étonnés d'apprendre que le mécanisme n'avait, à ce jour, pas été activé pour les contributions devant être versées en 2022.

Cette situation regrettable témoigne de la nécessité de revoir les modalités et les instruments de couverture de change pour le ministère.

En effet, à l'issue de l'élaboration du projet de loi de finances
pour 2022, le taux de budgétisation retenu s'est rapidement révélé supérieur, s'agissant du dollar (1,21 dollar pour 1 euro), au taux de marché (1,18 dollar pour 1 euro à l'été).

En d'autres termes, le dollar s'était apprécié par rapport à l'euro au cours de la période de négociation budgétair e ce qui impliquait, pour le ministère, ce qui impliquait, pour le ministère, faute d'accord du ministère du budget pour augmenter le montant de ses crédits au PLF 2022 , soit d' accuser une perte au change et de procéder à des redéploiements pour couvrir les contributions internationales, soit de renoncer à cette couverture afin de traiter ce risque en gestion .

Dans ce contexte, le ministère des affaires étrangères s'est refusé, au mois d'août 2021, à activer le mécanisme afin de couvrir les contributions à verser en 2022 arguant de sa crainte que la responsabilité de l'ordonnateur ne puisse être engagée s'il ordonnait une opération à un taux inférieur à celui retenu au PLF.

En outre, il a pu aussi être relevé dans les échanges avec les rapporteurs qu'une solution budgétaire consistant à augmenter ses crédits en euro afin de lui permettre de maintenir son pouvoir d'achat en dollar lui apparaitrait préférable.

Les rapporteurs observent donc qu'à date, les obligations en devises du ministère des affaires étrangères ne sont pas couvertes ce qui l'expose à un sérieux risque de perte au change.

Ainsi, la perte de change est d'ores et déjà estimée à 30 millions d'euros par rapport au taux de budgétisation, et pourrait
atteindre 90 millions d'euros en cas de parité entre l'euro et le dollar.

Les rapporteurs estiment donc urgent de trancher le débat qui oppose actuellement le ministère des affaires étrangères et celui du budget afin de limiter le risque de perte au change pour l'année 2022

Plus largement, ils considèrent qu'une réflexion doit être engagée afin de prévoir des règles systématiques concernant :

- la solution à apporter lorsque le taux sur le marché des changes observé à l'issue de l'élaboration du PLF a dévié de façon conséquente du taux de budgétisation (modification nette du niveau des crédits ou redéploiements) ;

- l'obligation pour le ministère des affaires étrangères d'activer le mécanisme de couverture dès la notification de la lettre-plafonds par le Premier ministre et ce quel que soit l'écart entre le taux de marché et le taux de budgétisation.

Recommandation n° 2 : Définir une doctrine claire quant au comportement devant être suivi par le ministère des affaires étrangères et le ministère du budget en cas de déviation entre le taux de budgétisation et le taux sur le marché des changes avant le dépôt du projet de loi de finances.

Recommandation n° 3 : Rendre systématique la couverture du risque de change par le ministère des affaires étrangères sur les contributions internationales libellées en devises.

2. Le suivi et le pilotage des contributions du ministère des affaires étrangères est satisfaisant mais perfectible
a) Le ministère des affaires étrangères a renforcé ses capacités de suivi et de pilotage des contributions internationales

Dans un référé de juin 2008, la Cour des comptes avait critiqué les capacités de pilotage et de suivi des contributions internationales par le ministère des affaires étrangères. Elle estimait, notamment, que le ministère ne disposait pas « d'une vision claire, cohérente et exhaustive » de ses contributions.

Comme la Cour a pu le relever dans un rapport ultérieur daté d'octobre 2015, le ministère s'est par la suite saisi de cet enjeu en créant, notamment, une sous-direction des affaires économiques et budgétaires au sein de la direction des Nations-Unies et des organisations internationales (DNUOI).

En lien avec direction des affaires financières du ministère, cette sous-direction a conçu un tableur permettant d'assurer le suivi
des contributions.

Le ministère a également conduit à compter de 2017 un effort en faveur du pilotage transversal des contributions internationales qui s'est traduit, plus particulièrement, par l'institution d'un comité de pilotage .

Ce comité de pilotage des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix (COPIL-CIOMP) se réunit annuellement pour « passer en revue [...] toutes les contributions versées [...] par tous les services » du MAE « afin de s'assurer qu'elles sont allouées de façon cohérente et complémentaire par les services » .

En outre , il émet des « recommandations techniques et budgétaires » afin de mieux identifier l'adéquation entre l'engagement des contributions et les priorités politiques .

Depuis sa création, le COPIL-CIOMP a proposé et initié plusieurs actions pour renforcer le pilotage des contributions.

En 2017, il a notamment proposé la création d'un tableau de bord unique et partagé au sein du ministère permettant d'unifier les différents outils, dont le tableur créé en 2009.

De plus, il a suggéré de faire évoluer l'outil CHORUS au sein du ministère afin d'y ajouter des axes d'analyse supplémentaires.

Ces préconisations, dont les résultats ont été présentés en 2019 au COPIL-CIOMP, ont permis de renforcer la fiabilité et l'utilité des données budgétaires portant sur les contributions internationales.

En effet, et à titre d'exemple, les outils antérieurs ne permettaient pas « de distinguer les contributions volontaires [non-fléchées] des contributions obligatoires » , d'isoler les opérations de maintien de la paix ou, encore, « de distinguer parmi les contributions volontaires affectées les pays bénéficiaires ou la thématique concernée » .

En outre, le COPIL-CIOMP participe à alerter sur la survenue de certains risques pouvant affecter l'évolution des contributions internationales.

Ainsi, en 2017, la DNUOI indiquait au COPIL-CIOMP que les États-Unis pourraient demander un plafonnement de leurs contributions se traduisant par un ressaut des contributions de la France évalué à 38 millions d'euros.

En 2018, elle alertait le COPIL-CIOMP sur le fait que les États-Unis pourraient décider de diminuer unilatéralement leurs contributions, faute d'obtenir un plafonnement plus important dans le cadre de la négociation du barème onusien, ce qui aurait entrainé un surcoût pour la France
de 50 à 60 millions d'euros.

En 2019, le COPIL-CIOMP marquait sa préoccupation quant à l'érosion de la position de la France dans le classement des contributeurs en indiquant : « il est vraisemblable que la France sortira prochainement du Top 10 des contributeurs financiers. »

b) Les instruments d'une plus grande cohérence et efficacité dans le choix des contributions financières peuvent encore être renforcés

Si le COPIL-CIOMP constitue bien une instance capable d'impulser des transformations favorables à un meilleur suivi des contributions et d'évaluer la cohérence ainsi que les risques qui pèsent sur cette dépense , les rapporteurs spéciaux estiment que son rôle dans la phase de budgétisation apparait plus distant en pratique.

En effet, d'après les procès-verbaux qui leur ont été transmis les réunions du comité se tiennent fin novembre, alors que le projet de loi de finances est déjà en discussion.

En pratique, la budgétisation des contributions pour l'année à venir mobilise, en silo, les directions concernées au titre de chacun des programmes 105, de la mission Action extérieure de l'État, et 209, de la mission Aide publique au développement.

Dans le cas du programme 105, par exemple, l'élaboration du schéma des contributions internationales pour l'exercice budgétaire suivant procède d'un travail itératif entre le directeur adjoint des affaires politiques et de la sécurité (DAPS) et le cabinet du ministre.

Une méthodologie similaire est suivie s'agissant des contributions du programme 209 dont la responsabilité relève de la direction générale de la mondialisation (DGM) du ministère.

Dans ce contexte, la recherche d'une cohérence parmi les orientations retenues concernant les contributions de ces deux programmes, au regard des priorités politiques poursuivies par la France et de l'objectif d'efficience de la dépense repose essentiellement sur le travail du ministre et de son cabinet , d'une part, et sur le travail conduit en novembre par le COPIL-CIOMP , d'autre part.

À cet égard, les rapporteurs estiment qu'un point de progrès dans le sens d'une meilleure cohérence politique et budgétaire des contributions internationale du ministère pourrait résider dans le renforcement du rôle du COPIL-CIOMP et dans une extension de sa mission.

Ainsi, le COPIL-CIOMP pourrait être amené à intervenir en amont de la budgétisation en se prononçant sur la cohérence des orientations proposées par la DAPS et la DGM et en proposant, le cas échéant, des évolutions au ministre.

En outre, il pourrait construire sous l'autorité du ministre, des outils d'analyse de la performance , compte tenu des priorités de la France, des organisations bénéficiaires d'une contribution s'appuyant sur des critères objectivables, comme le recommandait d'ailleurs la Cour des comptes dans son rapport d'octobre 2015.

Recommandation n° 4 : Confier au comité de pilotage des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix (COPIL-CIOMP) la mission de fournir un avis sur la cohérence d'ensemble des propositions formulées au ministre par les responsables des programmes 105 et 209 s'agissant des contributions internationales.

Recommandation n° 5 : Confier au comité de pilotage des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix (COPIL-CIOMP) la mission de construire un dispositif d'évaluation et de suivi de la performance des organisations internationales bénéficiaires d'une contribution.

c) Les moyens humains mobilisés pour le suivi budgétaire des organisations internationales apparaissent réduits

Toutefois, le souhait de mieux mesurer la performance de nos contributions et, par suite, des organisations auxquelles elles sont versées, appelle à s'interroger quant aux moyens dont dispose le ministère pour réaliser cette tâche.

En effet, le suivi au plan budgétaire des organisations internationales elles-mêmes repose sur un nombre restreint d'effectifs.

Ainsi, en 2021, ce sont 13,5 emplois équivalent temps plein qui étaient mobilisés sur site , c'est-à-dire dans les représentations auprès des organisations, pour suivre leurs enjeux budgétaires. En parallèle, 8,3 emplois équivalent temps plein étaient affectés en administration centrale pour remplir des missions équivalentes.

Effectifs renseignés par le ministère des affaires étrangères comme étant affectés au suivi budgétaire des organisations internationales

(en équivalent temps plein)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire

Le niveau de ces effectifs semble limité au regard du besoin de connaître finement et précisément la situation et les enjeux budgétaires de chaque organisation.

En tout état de cause, le manque relatif d'effectifs a pu contribuer à justifier que le ministère choisisse de recourir à un cabinet de conseil en 2021 « afin d'optimiser les modalités de sa contribution auprès de l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), de l'Association internationale des maires de France, de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) et de l'Université Senghor » 5 ( * ) .

Les rapporteurs considèrent, dans ce contexte, que l'objectif de renforcer les capacités de pilotage des contributions internationales et de suivi budgétaire des organisations nécessite probablement une augmentation des effectifs dédiés à l'analyse budgétaire en faisant appel, de façon prioritaire si ce n'est exclusive, à des redéploiements au sein des administrations.

Recommandation n° 6 : Évaluer les besoins en matière d'effectifs requis pour permettre un suivi renforcé de la performance et de la situation budgétaire des organisations internationales et procéder, le cas échéant, à des redéploiements internes permettant de répondre aux besoins.

d) En matière budgétaire, la France ne semble pas parvenir à imposer son point de vue aux organisations internationales

Un renforcement de ces moyens pourrait permettre à la France de peser plus efficacement sur les orientations prises en matière budgétaire par les organisations internationales alors que les résultats sont mitigés à ce jour.

En effet, la France poursuit officiellement quatre grands objectifs s'agissant du budget des organisations internationales :

- les budgets des organisations internationales doivent rester « réalistes, raisonnables, et conformes à nos priorités nationales » ;

- la croissance nominale des budgets des organisations internationales doit être égale à zéro ;

- les charges doivent être justement réparties , en fonction des capacités réelles de paiement des États ;

- les organisations doivent se doter de barèmes et les réviser régulièrement .

Afin d'assurer la cohérence de la position française en matière budgétaire, le ministère des affaires étrangères a élaboré à l'intention des conseillers budgétaires un guide de gestion des organisations internationales.

Ce guide, qui a été communiqué aux rapporteurs, précise les orientations de la France sur plusieurs axes.

Il constitue assurément un document très utile aux missions des conseillers et témoigne du fait que le ministère a fourni un important travail de définition de sa doctrine.

Exemples d'éléments de doctrine présentés dans le guide de gestion des organisations internationales élaboré par le ministère des affaires étrangères

Source : commission des finances d'après le guide transmis aux rapporteurs

Toutefois, afin d'évaluer dans quelle mesure le ministère parvient à faire valoir ses positions au sein des organisations internationales, les rapporteurs lui ont demandé de leur fournir plusieurs éléments présentant le contexte, les objectifs poursuivis et les résultats obtenus dans le cadre de plusieurs négociations budgétaires.

Certaines des informations transmises ont été compilées par les rapporteurs dans le tableau suivant.

Synthèse de négociations menées par la France concernant les
modalités de calcul de certaines contributions

Organisation

Contexte

Position défendue par la France

Résultats obtenus

ONU (budget régulier)

Le calcul des contributions tient compte du RNB des États membres mais plusieurs mécanismes de planchonnement et de plafonnement s'appliquent au profit des pays en développement, des certains émergents et des plus importants contributeurs.

La France défend notamment le principe de la « capacité à payer » qui justifierait de revoir la formule du dégrèvement pour les pays en développement et émergents qui connaissent une forte croissance.

Le ministère estime avoir obtenu de bons résultats dans la négociation du barème 2022-24 car il n'implique pas de hausse de notre charge financière.

OTAN

Les contributions sont assises sur un barème qui est fonction du RNB des États et il n'y a donc pas de négociations des quotes-parts à proprement parler. Néanmoins, les États-Unis bénéficient d'un rabais dont le coût est supporté par les autres États et qui fait donc l'objet d'une négociation.

En 2019, la France s'est opposée à une hausse du rabais américain.

Elle n'a pas obtenu gain de cause mais a obtenu, toutefois, que la quote-part française reste inchangée.

Conseil de l'Europe

Les contributions sont calculées en référence à un barème qui tient compte, de façon pondérée, de la population et du PIB des États membres en moyenne sur une période de trois ans.

Cette méthode a été soutenue par la France (résolution de 1994). En outre, la France soutient le refus d'exempter un membre du paiement de sa contribution, intérêts de retard compris.

La France aurait obtenu gain de cause.

Opérations de maintien de la paix

Le barème est dérivé de celui du budget régulier de l'ONU auquel s'ajoutent les dégrèvements applicables au budget ordinaire ainsi que des réductions pour les pays en développement (20 à 90%),

La France défend le respect du principe de « capacité à payer des États » qui pourrait impliquer :
• De tenir compte de l'endettement de certains États
• De modérer le dégrèvement appliqué à certains émergents (comme la Chine)
• De supprimer la réduction forfaitaire offerte à certains pays dont le RNB a fortement augmenté mais qui refusent tout ajustement (Arabie Saoudite, par exemple)

OSCE

L'organisation ne dispose pas de règles fixes concernant le barème des contributions.

La France défend le principe de capacité de paiement de paiement des États membres. Elle participe à un groupe de travail informel sur les barèmes de l'OSCE mis en place en 2013 dont l'objectif est d'aboutir à la définition de règles qui :
• Prennent en compte la capacité à payer des États
• Révisent les planchers et plafonds applicables, notamment, aux pays de l'ex-bloc soviétique
• Prévoient une clause de révision triennale.

Le barème applicable en 2019 allait dans le sens de la position française.

Source : commission des finances d'après les notes fournies par le ministère des affaires étrangères

Ainsi, d'après les éléments qui leur ont été communiqués, la France serait parvenue à obtenir quelques résultats s'agissant, par exemple, du barème des contributions de l'OSCE.

Pour autant, les objectifs portant sur des éléments plus structurants , comme la réforme des allégements en faveur de certains États en vigueur dans le système des Nations-Unies, n'ont à ce stade pas été atteints.

Identiquement, l'évolution des dépenses des organisations internationales du système onusien témoigne du fait que le principe de croissance « zéro valeur » n'a finalement été appliqué qu'à un nombre restreint d'organisations.

Ainsi, entre 2013 et 2020, le taux de croissance annuel moyen (TCAM) des dépenses des organisations rattachées au système onusien a été positif pour environ deux tiers d'entre elles.

Taux de croissance annuel moyen des dépenses des organisations du système onusien entre 2013 et 2017

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Par ailleurs, les organisations du système onusien dont les dépenses ont augmenté sur la période 2013-2020 représentaient,
en 2020, 85 % du montant total de ces dépenses.

Part des dépenses du système onusien ayant été astreintes au principe de croissance « zéro valeur » entre 2013 et 2020

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Les rapporteurs considèrent que la maîtrise des dépenses des organisations internationales doit constituer une priorité non pour réduire leur capacité d'intervention mais, au contraire, pour chercher à renforcer l'efficience de leur action.

Ils rappellent à cet égard que le Sénat plaide pour une maîtrise des dépenses et du budget des assemblées parlementaires de certaines organisations internationales , notamment celle de l'OSCE 6 ( * ) .

En tout état de cause, il ressort des éléments précédents que la position de la France en matière budgétaire n'est que partiellement retenue que ce soit au stade la définition des dépenses ou de celle du montant des contributions.

Cette situation pourrait résulter d'un défaut d'influence de la France qui s'explique autant par la prépondérance de certains acteurs historiques - comme les États-Unis - que par la faiblesse de notre stratégie d'investissements financiers dans les organisations internationales en comparaison de nos partenaires. Ce dernier point sera plus amplement développé infra par les rapporteurs.

Toutefois, ils estiment utile d'indiquer à ce stade que si la France souhaite peser davantage sur les orientations budgétaires des organisations internationales auxquelles elle contribue, elle doit sans doute se donner les moyens de son influence.

Ainsi, il leur apparait qu'il sera probablement nécessaire de dépenser un peu plus à court terme, sous la forme de contributions volontaires, afin de peser davantage à long terme sur les orientations budgétaires des organisations internationales.

3. L'État ne dispose d'aucun véritable instrument de pilotage de ses contributions aux organisations internationales

S'ils ont salué les efforts conduits par le ministère des affaires étrangères s'agissant du renforcement des capacités de suivi et de pilotage des contributions internationales, les rapporteurs ont été surpris de découvrir que ces capacités sont quasiment inexistantes au niveau interministériel.

Comme ils l'ont indiqué, les demandes qu'ils ont formulées afin de disposer d'une vue d'ensemble des contributions versées par la France s'est longtemps heurtée au fait que l'administration ne disposait pas de cette information.

À ce jour, la mise en cohérence des interventions de l'État sous la forme de versement de contributions internationales repose principalement sur deux instruments :

- les procédures internes au ministère des affaires étrangères décrites précédemment mais qui ne s'appliquent qu'aux seules contributions du ministère ;

- les travaux du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) qui portent sur nos engagements bilatéraux et multilatéraux en matière d'aide publique au développement.

En d'autres termes, un pilotage interministériel n'est mis en oeuvre que dans le cas de l'aide publique au développement . Les autres contributions ne donnent lieu à des concertations entre ministères qu'au cas par cas.

Les rapporteurs considèrent que cette situation n'est pas satisfaisante et qu'elle est susceptible d'entrainer une perte d'efficacité dans le financement du multilatéralisme.

Or, et comme ils le présenteront davantage infra , la France est confrontée à la nécessité de renforcer nettement ses investissements en faveur des organisations internationales si elle souhaite préserver et accroitre son influence.

Dans ce contexte, les rapporteurs invitent le Gouvernement à engager un travail afin de créer les conditions d'une mise en commun des informations et d'un pilotage interministériel des contributions internationales.

À court terme, une solution envisageable pourrait être de s'appuyer, en rénovant ses missions, sur l'actuel Comité des réseaux internationaux de l'État à l'étranger (CORINTE) animé par le ministère des affaires étrangères et qui réunit l'ensemble des ministères exerçant une activité à l'étranger.

Recommandation n° 7 : Confier à une structure interministérielle la mission de mettre en commun les données budgétaires relatives aux contributions internationales et d'analyser la cohérence de ces interventions au regard des objectifs poursuivis par la France.

II. APRÈS UNE QUASI-DÉCENNIE D'ATTENTISME, LA FRANCE DOIT SOUTENIR UN EFFORT CONSÉQUENT SI ELLE VEUT MAINTENIR SON INFLUENCE AU SEIN DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

A. COMPARÉE À SES PARTENAIRES, LA FRANCE A MANQUÉ DE VOLONTARISME AU DÉTRIMENT DE SON INFLUENCE EN TANT QUE FINANCEUR DU SYSTÈME ONUSIEN

1. Les contributions financières constituent un vecteur assumé d'influence au sein des organisations internationales

Les auditions conduites et les documents obtenus par les rapporteurs ont confirmé que les contributions internationales constituent un levier d'influence majeur, intégré comme tel dans la stratégie des États et des organisations internationales .

Ainsi, pour certaines organisations, un « ticket minimal » de contribution est requis pour participer au conseil d'administration ou aux instances dirigeantes.

C'est par exemple le cas pour l'Office de secours et de travaux des Nations-Unies pour les réfugiés de Palestine et du Moyen-Orient (UNRWA) pour lequel une contribution minimale de 5 millions de dollars est requise pour siéger au conseil.

L'UNICEF conditionne, également, l'accès à son conseil d'administration au versement d'une contribution minimale tandis que celui du Fonds pour la consolidation de la paix de l'ONU est limité aux douze premiers contributeurs.

Le ministère des affaires étrangères a également pu indiquer que certains des principaux contributeurs à des organisations internationales pouvaient être amenés à se réunir au sein de groupes de donateurs (« donor groups ») permettant de négocier en dehors des instances officielles.

En outre, le montant des contributions intervient dans la répartition, par nationalité, des emplois de chaque organisation . Les postes d'encadrement revenant plus aisément à des ressortissants de donateurs importants.

La France semble assumer parfaitement cette mobilisation du levier financier afin de peser sur les choix des organisations que ce soit dans leur gestion ou leurs activités.

Ainsi, en 2019, afin de marquer notre attachement à la sécurité collective , mais dans le contexte, néanmoins, de la désignation imminente du prochain chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU, il a été décidé d' une hausse du financement au Département des opérations de maintien de la paix .

À l'inverse, les échanges conduits par les rapporteurs avec plusieurs acteurs et observateurs de notre participation au système multilatéral ont montré que, par exemple, la faiblesse de nos financements à certains programmes , comme le Programme Alimentaire Mondial, en comparaison d'autres États, pouvait être un facteur limitant notre influence au sein de cette organisation .

Cette situation pourrait, également, se vérifier s'agissant du Programme des Nations Unies pour le Développement puisque nos contributions y demeurent modestes.

Afin d'évaluer et de mettre en perspective la situation et la stratégie d'influence de la France au regard de ses contributions aux organisations internationales, les rapporteurs ont analysé les données concernant environ 40 organisations internationales rattachées au système onusien.

Liste des organisations internationales placées sous revue par les rapporteurs

Catégorie

Code (anglais)

Code (français)

Libellé

Contributions totales
en 2020 (M$)

Part des contrib. obligatoires

Part des contrib. volontaires

ONU

UN

ONU

Organisation des Nations-Unis

5 279,1

58,4 %

41,6 %

Départements

DPKO

DPO

Département des opérations de paix

7 220,8

95,5 %

4,5 %

Tech Bank

Tech Bank

Banque de technologies pour les pays les moins avancés

0,8

-

100 %

UNODC

ONUCDC

Office des Nations unies contre les drogues et le crime

269,5

-

100 %

Fonds et programmes

UNCDF

FENU

Fonds d'équipement des Nations unies

21,7

-

100 %

UNDP

PNUD

Programme des Nations Unies pour le développement

3 155,6

-

100 %

UNEP

PNUE

Programme des Nations Unies pour l'environnement

387,2

55,5 %

44,5 %

UNFPA

UNFPA

Fonds des Nations Unies pour la population

873,4

-

100 %

UNHABITAT

ONU-HABITAT

Programme des Nations Unies pour les établissements humains

77,8

-

100 %

UNICEF

UNICEF

Fonds des Nations Unies pour l'enfance

3 521,0

-

100 %

WFP

PAM

Programme alimentaire mondial

7 416,6

-

100 %

Agences
spécialisées

FAO

FAO

Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture

1 178,0

41,1 %

58,9 %

ICAO

OACI

Organisation de l'aviation civile internationale

140,8

56,6 %

43,4 %

IFAD

FIDA

Fonds international de développement agricole

372,4

-

100 %

ILO

OIT

Organisation internationale du Travail

599,3

67,7 %

32,3 %

IMO

OMI

Organisation maritime internationale

54,3

83,1 %

16,9 %

ITU

UIT

Union internationale des télécommunications

133,6

92,6 %

7,4 %

UNESCO

UNESCO

Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture

488,7

53,7 %

46,3 %

UNIDO

ONUDI

Organisation des Nations Unies pour le développement industriel

161,2

52,9 %

47,1 %

UNWTO

OMT

Organisation mondiale du tourisme

17,9

90,9 %

9,1 %

WHO

OMS

Organisation mondiale de la Santé

2 576,1

19,4 %

80,6 %

WIPO

OMPI

Organisation mondiale de la propriété intellectuelle

30,4

65,1 %

34,9 %

WMO

OMM

Organisation météorologique mondiale

95,1

80,8 %

19,2 %

Autres entités

UNAIDS

ONUSIDA

Programme commun des Nations Unies sur le VIH

257,8

-

100 %

UNHCR

HCR

Haut-Commissariat pour les réfugiés

3 432,9

-

100 %

UNITAR

UNITAR

Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche

16,0

-

100 %

UNRWA

UNRWA

Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient

709,5

-

100 %

UNSSC

UNSSC

École des cadres du système des Nations-Unies

4,6

-

100 %

UNU

UNU

Université des Nations-Unies

55,5

-

100 %

UNV

VNU

Volontaires des Nations-Unies

26,0

-

100 %

UNWOMEN

ONU-Femmes

ONU-Femmes

348,6

-

100 %

Organisations apparentées

CTBTO

CTBTO

Organisation du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires

137,9

98,4 %

1,6 %

IAEA

AIEA

Agence internationale de l'énergie atomique

754,8

61,4 %

38,6 %

IARC

CIRC

Centre international de recherche sur le cancer

35,3

75,3 %

24,7 %

ICC

CPI

Cour pénale internationale

176,9

99,7 %

0,3 %

IOM

OIM

Organisation internationale pour les migrations

1 399,0

3,8 %

96,2 %

ITC

CCI

Centre du commerce international

33,1

-

100 %

ITLOS

TIDM

Tribunal international du droit de la mer

12,7

98,3 %

1,7 %

OPCW

OPCW

Organisation pour l'interdiction des armes chimiques

92,9

78,8 %

21,2 %

PAHO

OPS

Organisation panaméricaine de la santé

212,2

49,6 %

50,4 %

UNFCCC

CCNUCC

Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

47,7

68,9 %

31,1 %

UNITAID

UNITAID

Unitaid

202,9

-

100 %

WTO

OMC

Organisation mondiale du commerce

233,3

95,2 %

4,8 %

Total

42 261,0

32,2 %

67,8 %

Source : commission des finances du Sénat

Le montant total des contributions ainsi placées sous revue s'élève
à 42,2 milliards de dollars en 2020
dont environ 1,1 milliard correspondent à des contributions françaises, soit 0,9 milliard d'euros au taux de change retenu par la direction du budget pour 2020.

Dès lors, les dépenses sous revue ne forment qu'une partie du montant des contributions versées par la France en 2020 , évalué par les rapporteurs à environ 5,6 milliards d'euros.

En effet, il ne s'agit ici que des seules contributions versées au système onusien à l'exclusion de plusieurs organisations telle que, par exemple et pour information :

- l'Agence spatiale européenne (1,4 milliard d'euros versés en 2020) ;

- le Fonds européen de développement (842 millions d'euros versés en 2020) ;

- l'Association internationale de développement de la Banque mondiale (346,5 millions d'euros versés en 2020) ;

- l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (197 millions versés en 2020) ;

- l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire,
CERN (153,5 millions d'euros versés en 2020) ;

- le projet de réacteur nucléaire ITER (151,9 millions d'euros
versés en 2020) ;

- le Fonds africain de développement (148,9 millions d'euros
versés en 2020).

Les rapporteurs ont fait le choix d'exclure les organisations hors du système onusien du champ de l'analyse systématique qu'ils ont produite pour des raisons d'opportunité et des considérations de nature technique.

Au plan de l'opportunité, la plupart de ces organisations ont une dimension soit strictement européenne (ESA, FED et CERN) soit limitée aux pays occidentaux (OTAN).

A l'inverse, les institutions du système onusien sont ouvertes à l'ensemble des pays et l'analyse des contributions qu'elles perçoivent permet ainsi de mettre à jour des dynamiques de concurrence sur un plan véritablement international et non régional.

Du reste, les institutions placées sous revue se caractérisent par une importante diversité et sont, pour nombre d'entre elles, des organisations où la recherche d'influence présente un caractère stratégique pour les États : Organisation mondiale de la santé (OMS), Organisation mondiale du commerce (OMC), Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) ou encore, en raison de son rôle dans la production des normes, l'Union internationale des télécommunications (UIT).

Au plan technique, enfin, le système onusien est à ce jour le seul ensemble à produire et mettre à disposition des données fines, comparables et exploitables pour un aussi grand nombre d'organisations.

Cette situation plaide, d'ailleurs, aux yeux des rapporteurs pour que l'État se dote d'un outil de veille permettant de centraliser sur longue période les informations relatives aux versements effectués par l'ensemble des donateurs à l'ensemble des organisations internationales.

Recommandation n° 8 : Développer au sein de l'État un outil de veille permettant de suivre sur longue période et pour l'ensemble des organisations internationales, l'évolution des contributions versées par l'ensemble des donateurs.

Pour l'ensemble de ces motifs, les rapporteurs se sont appuyés sur les données fournies par le Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination (CEB) pour mettre à jour des tendances dans l'action des États en matière de contributions aux organisations internationales.

Le premier constat qui doit être dressé est celui de la place prépondérante qu'occupent les États-Unis dans le système onusien dont ils assurent près du tiers des financements (11,6 milliards de dollars en 2020) loin devant l'Allemagne (5,7 milliards de dollars) pourtant deuxième contributeurs et la France, septième contributeur.

Le second constat qui peut se dégager est celui de l'importance qu'occupent, pour un certain nombre d'États, les contributions volontaires dans le total des versements qu'ils opèrent.

Ainsi, en 2020, les contributions volontaires constituaient le levier principal de financement du système onusien pour l'ensemble des huit premiers financeurs à l'exception de deux États, la Chine et la France.

Principaux contributeurs au système des
Nations-Unies en 2020

(en milliards de dollars)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Or, comme les rapporteurs le préciseront infra , cette situation révèle une orientation discutable de la stratégie d'influence de la France.

En effet, si la progression des contributions obligatoires de la Chine , sous l'effet du dynamisme de son économie , lui permet de limiter et de cibler davantage ses investissements sous forme de contributions volontaires , la France se trouve quant à elle dans une situation tout à fait différente. Son poids dans l'économie mondiale se réduit, ce qui se traduit par un ralentissement de la croissance de ses contributions obligatoires .

Alors que ce même contexte a conduit ses partenaires , comme l'Allemagne et le Royaume-Uni, à investir significativement le terrain des contributions volontaires, la France a trop faiblement réagi.

2. Le poids de la France dans le financement du multilatéralisme s'est réduit

Entre 2013 et 2020, la France est parvenue peu ou prou à maintenir son rang en matière de contributions aux organisations du système onusien.

Ainsi, alors qu'elle était le 8 ème contributeur financier à ces institutions en 2013 elle se classait 7 ème en 2020, non sans avoir été rétrogradée à la 10 ème place en 2014 puis entre 2017 et 2019.

Évolution de la place de la France dans le classement des contributeurs étatiques aux organisations onusiennes 7 ( * ) entre 2010 et 2020

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Malgré ces résultats qui peuvent être salués en termes de classement, les rapporteurs observent que la part que représente la France dans l'ensemble des contributions gouvernementales au système des Nations-Unies n'a cessé de chuter sur la période.

Ainsi, alors qu'elle assurait 3,7 % des financements en 2010, elle ne contribuait plus, en 2020, qu'à hauteur de 2,7 %.

Or, plus que le classement - qui constitue pour autant un indicateur de tendance utile -, c'est davantage la part des ressources apportées par un État qui commande la réalité de son influence au sein d'une organisation.

Part de la France dans l'ensemble des contributions étatiques perçues par les organisations du système des Nations-Unies entre 2010 et 2020

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Cette dynamique trouve son explication dans la contraction tendancielle de la part qu'occupe la France dans l'ensemble des financements perçus sous forme de contributions obligatoires. En effet, alors qu'elle versait 7 % des contributions obligatoires bénéficiant au système onusien en 2010, elle ne représentait plus que 5,1 % de ces versements en 2020.

Part de la France et d'autres pays dans l'ensemble des contributions obligatoires perçues par les organisations des Nations-Unies entre 2010 et 2020

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Néanmoins, cette situation n'est pas propre à la France et affecte la plupart des pays occidentaux . Ainsi, tant l'Allemagne, que le Royaume-Uni ou les États-Unis ont vu chuter sur la période la part de leurs contributions obligatoires dans l'ensemble des versements.

Elle trouve l'une de ses principales explications dans l'affaiblissement de la part qu'occupent ces États dans l'économie mondiale alors que cet indicateur constitue l'une des principales variables des barèmes intervenant dans le calcul des contributions obligatoires.

Ainsi, les parts respectives du revenu national brut (RNB) du Royaume-Uni, des États-Unis, de la France et de l'Allemagne se sont réduites de 1,1 à 2,0 points de pourcentage entre 2005 et 2020.

Variation du poids du revenu national brut de plusieurs
pays dans le revenu mondial brut entre 2005 et 2020

(en points de pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

En sens inverse, le poids de la Chine dans l'économie mondiale mesuré comme le rapport entre son RNB et le RNB mondial a progressé
de 12,7 points de pourcentage sur la même période.

Cela s'est traduit par une hausse très sensible (+ 9,5 points de pourcentage) de la part des contributions obligatoires versées par la Chine entre 2010 et 2020 dans l'ensemble des financements perçus sous cette forme par les organisations du système onusien.

Évolution du poids de la Chine et de la France dans l'ensemble des contributions obligatoires perçues par les organisations du système onusien entre 2010 et 2020

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

En parallèle - et quoique dans une moindre ampleur -, la part des contributions obligatoires versées par d'autres pays émergents , comme le Brésil, l'Arabie Saoudite ou la Turquie, a progressé sensiblement entre 2010 et 2020.

Évolution du poids de certains pays émergents dans l'ensemble des contributions obligatoires perçues par les organisations du système onusien entre 2010 et 2020

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Cette situation s'explique par une légère progression du poids de leur RNB dans l'ensemble (+ 0,2 point de pourcentage entre 2005 et 2020 pour l'Arabie Saoudite) ou par une contraction bien moins sensible que celle constatée dans les pays occidentaux (- 0,2 point de pourcentage sur la même période pour la Turquie).

Compte tenu du recul de leur poids dans l'ensemble des contributions obligatoires, les pays développés - dont la France - ont été appelés à renforcer significativement le niveau de leurs contributions volontaires pour maintenir, a minima , leur influence au sein du système onusien.

3. La France a fait preuve d'attentisme dans l'évolution de ses contributions volontaires au prix d'une perte d'influence dans le système onusien

Or, en matière de contributions volontaires, l a France se trouvait dans une situation particulièrement difficile au début des années 2010.

Explication méthodologique :
le recours à une moyenne glissante sur trois années

Pour l'examen des contributions volontaires versées par chaque pays à chacune des organisations bénéficiaires sur la période 2010-2020, les rapporteurs ont décidé de recalculer une moyenne glissante sur trois années.

En d'autres termes, le montant retenu pour l'analyse au titre d'une année N correspond à la moyenne des versements effectués en (N-2, N-1 et N). Par construction, cela implique que les données sont au mieux prises en compte à partir de l'année 2012 dans la mesure où l'année de départ de la période du jeu de données est l'année 2010. Toutefois, afin de renforcer l'homogénéité des informations disponibles, le choix a été fait de retenir la période 2013-2020.

La décision de travailler en « moyenne glissante sur trois ans » se justifie par les modalités de versements des contributions volontaires par les États. En effet, si certains d'entre eux décaissent chaque année leurs contributions, d'autres versent un montant important au titre d'une année puis ne versent rien ou très peu l'année suivante. Un exemple éclairant réside dans la situation des versements du Japon au Fonds international de développement agricole (FIDA).

Évolution des contributions volontaires au Fonds international de développement agricole

(en millions de dollars)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

En effet, le Japon verse ses contributions volontaires au FIDA par cycle contrairement, par exemple, à la France. Ainsi, si l'on cherchait à comparer la place qu'occupe le Japon dans le financement de l'organisation en 2011, on parviendrait à la conclusion que le pays ne contribue pas et n'exerce, par suite, aucune influence sur cette dernière. Cette analyse serait naturellement erronée en ce qu'elle ignorerait le poids des financements passés.

En recalculant une moyenne glissante sur trois ans des versements, on obtient à l'inverse une courbe de tendance des contributions japonaises qui permet de comparer l'effort financier du pays à celui de ses partenaires. Cette méthode n'empêche pas, par ailleurs, de mettre à jour les tendances de fonds comme, dans le cas présent, la forte augmentation des contributions chinoises sur la période.

Source : commission des finances du Sénat

Ainsi, en 2013, la France n'assurait que 0,9 % des contributions volontaires au système onusien en moyenne glissante sur trois année s ce qui la situait à la 22 ème position .

Classement des principaux financeurs du système onusien en contributions volontaires en 2020

(en pourcentage des contributions volontaires
perçues par le système onusien)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

La France a néanmoins réagi de façon sensible à compter de l'année 2017 en faisant passer le montant moyen de ses contributions volontaires d'environ 200 millions de dollars à plus de 380 millions
de dollars.

Évolution du montant et du poids des contributions volontaires françaises au système onusien

(en millions de dollar - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Cet effort lui a permis d'augmenter son poids dans l'ensemble des contributions volontaires versées au système onusien qui est ainsi passé
de 0,9 % en 2013 à 1,6 % en 2020.

Évolution comparée du montant des contributions volontaires au système des Nations-Unies

(en millions de dollar)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Pour autant, l'effort consenti en faveur du système
onusien (+ 179 millions de dollars) peut difficilement se comparer à celui fourni par nos partenaires et plus particulièrement par
l'Allemagne (+ 2 940 millions de dollars) , le Royaume-Uni ou encore la Suède.

Quoique que substantiel le renforcement des contributions françaises a donc été limité en comparaison de nos partenaires , ce qui s'est traduit par de moindres gains d'influence au sein des organisations internationales.

Ainsi, sur la période 2013-2020, la France a rejoint le groupe des cinq principaux contributeurs volontaires de cinq nouvelles organisations portant le nombre total d'organisations où elle se trouve dans cette situation à six.

Dans le même temps, l'Allemagne parvenait à devenir l'un des principaux contributeurs volontaires de 18 nouvelles organisations internationales, portant le nombre total des organisations concernées à 26.

Évolution du nombre d'organisations du système onusien où le pays figure parmi les cinq principaux contributeurs volontaires

(en nombre d'organisations)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Cet accroissement des écarts en termes de capacités d'influence entre la France et ses partenaires sur le terrain des contributions volontaires est d'autant plus problématique qu'il se manifeste également lorsque l'on tient compte des contributions obligatoires.

Or, et comme les rapporteurs l'ont mentionné plus avant, certains États comme la Chine bénéficient de l'inertie générée par la hausse mécanique de leurs contributions obligatoires et ont beaucoup moins besoin de mobiliser le vecteur des contributions volontaires pour gagner en influence.

Ainsi, en tenant compte de l'ensemble des contributions versées à titre obligatoires ou volontaires, la France n'a rejoint le groupe des cinq premiers contributeurs d'une organisation que dans quatre cas
entre 2013 et 2020
et - surtout - a été dépassée sur ce point par la Chine
dès 2018
.

Évolution du nombre d'organisations du système onusien où le pays figure parmi les cinq principaux contributeurs obligatoires et volontaires

(en nombre d'organisations)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

En définitive, les rapporteurs observent que la stratégie de renforcement des contributions volontaires mise en oeuvre par la France entre 2013 et 2020 s'est avérée attentiste et a produit des résultats mitigés .

En effet, nos contributions volontaires ont évolué en moyenne annuelle dans des proportions bien moins importantes que celles de l'Allemagne, de la Chine et du Royaume-Uni.

Ainsi, le taux de croissance annuel moyen de nos contributions se situe, pour l'essentiel des organisations bénéficiaires, entre - 15 % et + 15 % là où nos partenaires n'ont pas hésité, sur la même période, à faire croitre chaque année la majorité de leurs contributions de + 10 % à + 70 %.

L'évolution moyenne des contributions volontaires de certains États peut présenter un caractère spectaculaire qui témoigne autant qu'il dévoile leurs priorités stratégiques.

Ainsi, la Chine a augmenté le montant de ses contributions volontaires à l'Union internationale des télécommunications (UIT) d'environ 60 % chaque année pendant sept ans.

La circonstance que l'UIT constitue l'une des enceintes de définition des standards internationaux en matière de télécommunication n'est probablement pas fortuite.

Synthèse du degré d'investissement financier et de l'ampleur des gains d'influence retirés par plusieurs pays dans l'évolution de leurs contributions volontaires au système des Nations-Unies

Lecture : le désengagement de la France dans le financement de l'Union internationale des télécommunications (- 20 % par an en moyenne sur la période 2013-2020) s'est traduit par un recul de son influence mesurée par son poids dans l'ensemble des financements perçus par l'organisation sous la forme de contributions volontaires. En sens inverse, la Chine a poursuivi une stratégie de financement volontariste en faveur de cette organisation (+ 60 % par an en moyenne sur la période 2013-2020) ce qui lui a permis d'accroitre de près de 7 points de pourcentage la part qu'elle occupe dans les ressources de l'organisation sous forme de contributions volontaires.

* La période d'examen diffère selon l'organisation et le pays concerné. Elle est fonction de l'année à partir de laquelle le pays a effectué sa première contribution volontaire à l'organisation. Pour l'essentiel, cette période est de sept ans, couvrant les années 2013 à 2020. Le montant des contributions est regardé en moyenne glissante sur trois années conformément et pour les raisons évoquées dans la note méthodologique figurant en début de partie.

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

La contrepartie de notre plus faible appétence à renforcer nos contributions volontaires sur la période réside dans les moindres gains d'influence enregistrés comparativement à nos partenaires.

En effet, la part de la France dans l'ensemble des contributions volontaires perçues par une organisation ne s'est renforcée sensiblement qu'envers l'Organisation internationale du travail (OIT).

A l'inverse, la Chine a enregistré des gains d'influence très importants auprès de l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (+ 7 points de pourcentage dans l'ensemble des contributions volontaires entre 2013 et 2020), de l'Organisation météorologique mondiale (+ 10 points de pourcentage) et de
l'Union internationale des télécommunications
(+ 7,5 points de pourcentage).

Il peut être relevé que ces gains d'influence ont sans doute contribué à permettre à la Chine d'obtenir ou de conserver, pour ses ressortissants, les postes de directeur général de l'ONUDI (2013), de Secrétaire-général de l'UIT (2014 et 2018) ou, encore, de sous-Secrétaire général de l'OMM (2016).

L'Allemagne et le Royaume-Uni ont, également, sensiblement renforcé leur influence au sein de plusieurs organisations internationales .

Par exemple, l'Allemagne est devenue le premier financeur de l'Institut des Nations unies pour la formation et la recherche (UNITAR) et de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

De ce point de vue, elle a su se constituer comme un financeur prépondérant et critique pour certaines organisations ce qui réduit d'autant plus l'influence des financeurs minoritaires.

Tel est, par exemple, le cas s'agissant d'UNITAR, organisation dont l'Allemagne apportait, en 2020, plus du tiers des financements.

Dans ce contexte, l es moyens dont dispose et qu'entend mobiliser la France pour préserver et renforcer son poids au sein des organisations internationales du système onusien apparaissent central pour les rapporteurs.

B. LA PRÉSERVATION DE L'INFLUENCE FRANÇAISE AU SEIN DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES IMPOSE DE SOUTENIR L'EFFORT

1. Aux côtés du levier financier, la France dispose d'atouts pour préserver son influence qu'il ne faut ni négliger ni surestimer

Les auditions conduites par les rapporteurs ont été l'occasion pour les auditionnés de rappeler que la France dispose d'un certain nombre d'atouts pour aborder la compétition en matière d'influence au sein des organisations internationales.

D'une part, elle est un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies ce qui lui donne un poids très important dans la définition de la politique de sécurité collective.

Cette présence est un actif essentiel mais les rapporteurs rappellent qu'elle ne saurait constituer, en soi, un argument suffisant pour justifier un moindre effort en matière de contributions volontaires.

En effet, le Royaume-Uni est également un membre du Conseil de sécurité des Nations-Unies , ce qui ne l'a pas dissuadé de mener une stratégie volontariste en matière d'influence au plan financier.

D'autre part, la France bénéficie d'une très forte présence de ses ressortissants parmi les agents qui travaillent pour les organisations internationales.

Nombre de ressortissants travaillant pour entité
relevant du système onusien

(en nombre de personnes)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Ainsi, en 2020, les organisations du système onusien
employaient 4 364 agents de nationalité française , en faisant le deuxième pays en termes d'effectifs représentés.

Par ailleurs, le ministère des affaires étrangères a pu indiquer aux rapporteurs que la France figurait également, en dehors du système
des Nations-Unies, parmi les cinq plus importants pays d'origine des agents des institutions internationales.

Si cette présence constitue bien un levier de rayonnement et d'influence, les rapporteurs rappellent que cette situation n'est pas durable ne serait-ce que parce que les règles applicables au sein du système onusien tiennent compte, pour 55 %, du montant des contributions obligatoires versées pour répartir les recrutements en fonction de la nationalité .

Par ailleurs, si le nombre de français parmi les fonctionnaires internationaux est important (20 260 en 2020, soit 9 % des effectifs), le ministère des affaires étrangères note que la situation n'est pas satisfaisante en termes de niveau de responsabilité.

Il estime notamment que « les Français ne sont pas assez représentés aux postes les plus stratégiques des organisations internationales» .

Enfin, si les rapporteurs ont été sensibilisés à l'importance que joue, dans la stratégie d'influence française, le maintien et l'approfondissement de son aide bilatérale , ils rappellent que la France ne se distingue pas particulièrement dans ce domaine , comme l'ont rappelé récemment les sénateurs Jean-Claude Requier et Michel Canévet.

Répartition entre l'aide publique au développement bilatérale et
multilatérale en 2020

(en pourcentage de l'aide totale)

Source : rapport des sénateurs J-C Requier et M. Canévet fait au nom de la commission des finances sur les crédits de la mission Aide publique au développement au PLF pour 2022

En effet, au regard des versements assimilables à de l'aide publique au développement, la France mobilisait, en 2020, environ 74,5 % de ses efforts par le canal bilatéral, soit moins que les États-Unis ou l'Allemagne et autant que le Royaume-Uni.

L'argument souvent avancé lors des auditions d'une plus forte granularité de notre aide bilatérale qui permettrait à la France d'intervenir au plan diplomatique dans un nombre plus varié de territoires mériterait d'être davantage investigué.

En effet, il n'apparait pas, en première analyse et au regard des données mises à disposition par l'OCDE que la France soutiendrait par le canal de l'APD des États où n'interviendrait pas également l'un de ses principaux partenaires (Allemagne, Royaume-Uni, États-Unis...).

2. Le ministère des affaires étrangères défend une stratégie de renforcement des contributions volontaires

Interrogé par les rapporteurs, le ministère des affaires étrangères a rappelé que la France avait conduit, en 2021, un effort supplémentaire pour renforcer ses contributions volontaires , en particulier dans le champ de l'aide publique au développement.

En effet, le montant des contributions volontaires françaises a augmenté de plus de 960 millions d'euros entre 2020 et 2021 se trouvant, ainsi, porté à 2,27 milliards d'euros .

Liste des principales augmentations des
contributions volontaires en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Si ces efforts vont dans le sens d'un renforcement de nos investissements dans le multilatéralisme , les rapporteurs ne sont, toutefois, pas en mesure de déterminer quel sera le gain qui pourra en être tiré en matière d'influence faute de connaître, pour les comparer, les montants investis par nos partenaires.

S'agissant du seul Fonds vert pour le Climat, les documents financiers produits par l'organisation 8 ( * ) montrent, en tout cas, qu'en 2021, la France aurait contribué à hauteur 1 793,2 millions de dollars, soit davantage que l'Allemagne (1 689,3 millions de dollars) mais moins que
le Royaume-Uni (1 851,9 millions de dollars).

La hausse des dépenses en matière de contributions volontaires
en 2021 s'accompagne, au moins dans les mots, de l'affirmation d'une doctrine volontariste pour le ministère des affaires étrangères . Celle-ci s'articulerait autour de plusieurs priorités .

En premier lieu, le ministère souhaite « renforcer nos contributions financières volontaires » ce qu'il a déjà entamé de faire, en assurant un ciblage cohérent avec les priorités de la France.

L'appui à la Francophonie constitue, pour le ministère un axe essentiel, de même que le soutien aux organisations qui interviennent dans le champ de la sécurité internationale .

Au plan de la méthode, le ministère indique vouloir travailler à mobiliser davantage le vecteur des contributions fléchées versées pour la réalisation d'actions précises à certains programmes et fonds des Nations-Unies.

Les rapporteurs ne peuvent que souscrire à cet objectif en rappelant, toutefois, qu'ils considèrent qu'un pilotage efficace des contributions ne pourra se faire sans instituer les outils nécessaires au niveau interministériel et sans créer des référentiels de performance adéquats afin de suivre objectivement l'emploi des contributions.

En second lieu, et dans une perspective comparable à celle tracée par les rapporteurs, le ministère des affaires étrangères entend renforcer la coordination entre les services de l'État et les autres parties prenantes pour dégager une vue d'ensemble et définir des priorités collectives.

À ce stade, les initiatives lancées se sont limitées à la création du task force interministérielle sur le placement de personnels.

Il s'agit pour les rapporteurs d'une initiative positive et qui doit être amplifiée, notamment en la complétant d'un travail rapide sur les facteurs d'attractivité des organisations internationales en France .

3. Si la coordination européenne doit être renforcée, la France n'est pas en mesure de faire porter sa stratégie sur ce seul levier

Au-delà des deux axes de travail précités, le ministère des affaires étrangères a fait état à plusieurs reprises, lors des échanges avec les rapporteurs, de l'importance qu'il accorde au renforcement de la coordination des interventions au niveau européen.

À cet égard, plusieurs initiatives ont été engagées par le ministère des affaires étrangères.

D'une part, un effort de coordination a été lancé en 2021 dans la perspective de créer un dispositif commun avec l'Allemagne pour le placement de Jeunes experts associés (JEA) et de Volontaires des Nations-Unies (VNU).

Cette expérimentation concernait 4 postes en 2021 et pourrait, si elle donne satisfaction, se généraliser progressivement à l'ensemble des États intéressés au sein de l'Union européenne.

En parallèle, le ministère souhaiterait mettre en oeuvre un dialogue entre les États membres afin de favoriser l'élection de candidats européens aux organismes de direction des organisations internationales.

Enfin, la France et l'Allemagne se seraient entendues sur des priorités communes pour le versement de certaines contributions volontaires.

Les rapporteurs sont parfaitement convaincus du fait que des synergies doivent être trouvées avec nos partenaires de l'Union européenne afin de peser plus efficacement sur l'action des organisations internationales.

En effet, au sein du système onusien, les contributions versées par les États membres de l'Union européenne sont, en cumulé, les plus importantes.

Ainsi, les États membres, hors Royaume-Uni, ont versé,
en 2020, 12,8 milliards de dollars de contributions aux organisations onusiennes
dont 9,4 milliards de dollars sous forme de contributions volontaires.

Classement des principaux contributeurs au système des Nations-Unies en 2020 en agrégeant les versements des États membres de l'Union européenne

(en milliards de dollars)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Dans ce contexte, l'Union européenne est au regard des contributions de ses membres, le premier financeur du système onusien, devant les États-Unis.

Par ailleurs, la capacité d'influence agrégée des États membres est particulièrement forte puisque l'UE se trouve être - par les contributions de ses membres - le premier financeur, en contributions totales,
de 35 organisations rattachées au système des Nations-Unies
.

En comparaison, les États-Unis ne sont les premiers contributeurs que d'une dizaine d'organisations onusiennes.

Capacité d'influence au regard du nombre d'organisations
où le pays ou l'entité est le premier financeur

(en nombre d'organisations relevant
du système onusien)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Cette « force de frappe » potentielle de l'Union européenne constitue naturellement un levier sur lequel les rapporteurs invitent le ministère à s'appuyer tout en alertant, également, sur les limites de cet instrument qui ne présentera d'utilité qu'à la condition d'un renforcement préalable des contributions volontaires versées par les États européens autres que l'Allemagne.

En effet, l'analyse de la composition des contributions européennes indique que la France et ses partenaires se trouvent, sur ce sujet, dans une position particulièrement asymétrique vis-à-vis de l'Allemagne.

Ainsi, en 2020, les contributions de l'Allemagne au système onusien représentaient, 44,4 % des versements effectués par l'ensemble des États membres de l'Union européenne , hors Royaume-Uni, contre 9 % pour la France .

Répartition des financements aux organisations du système
onusien entre les États membres de l'Union européenne

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Cette proportion est encore plus importante si l'on s'intéresse aux seules contributions volontaires puisqu'en ce cas l'Allemagne
représentait 51,2 % des versements au système onusien en 2020 .

Répartition des financements sous forme de
contributions volontaires aux organisations du système
onusien entre les États membres de l'Union européenne

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Enfin, la prédominance de l'Allemagne est également manifeste lorsque l'on s'attache à regarder lequel des États membres de l'Union européenne est le premier contributeur européen aux organisations onusiennes.

En l'espèce, en 2020, l'Allemagne est le premier financeur européen de 28 organisations internationales rattachées aux Nations-Unies tandis que la France ne l'était que pour 5 d'entre elles devancée, du reste, par la Suède.

Capacité d'influence au regard du nombre d'organisations onusiennes
où l'État membre est le premier financeur européen

(en nombre d'organisations relevant
du système onusien)

Source : commission des finances d'après les données publiées par l'ONU

Dans ces conditions, on discerne difficilement quel pourrait être l'intérêt de l'Allemagne à s'intégrer dans une stratégie de coordination avec ces partenaires européens alors qu'elle occupe déjà une position dominante en la matière.

En tout état de cause, la France entrerait dans une négociation avec une position très affaiblie.

Aussi, les rapporteurs appellent à mobiliser autant que possible le levier européen , en ne limitant pas, néanmoins, l'exercice de coordination à un dialogue uniquement avec l'Allemagne et en renforçant , par ailleurs, la position de financeur de la France auprès des organisations internationales.

Recommandation n° 9 : Augmenter le niveau de nos contributions volontaires de sorte à réduire l'écart avec nos principaux partenaires au sein des organisations stratégiques par rapport à nos priorités.

Recommandation n° 10 : Favoriser le dialogue avec une diversité d'États membres de l'Union européenne pour permettre des interventions coordonnées en matière d'investissements et de soutien aux candidatures aux fonctions décisionnelles dans les organisations internationales.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 26 janvier 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux, sur les contributions de la France au financement des organisations internationales.

M. Claude Raynal , président . - Je laisse la parole aux rapporteurs spéciaux de la mission « Action extérieure de l'État » pour nous présenter les conclusions de leur contrôle sur les contributions de la France au financement des organisations internationales.

M. Rémi Féraud , rapporteur spécial . - Nous nous sommes intéressés aux contributions financières que verse la France au système multilatéral et plus particulièrement au système onusien. Nos ambitions étaient multiples.

Nous souhaitions obtenir une évaluation des dépenses en faveur du multilatéralisme puisque nous n'en disposons pas chaque année dans le cadre, par exemple, de l'examen des lois de finances.

Nous voulions comprendre comment nos contributions sont calculées et quels sont les facteurs de leur évolution dans le temps.

Nous souhaitions nous assurer que ces dépenses sont suivies et pilotées efficacement.

Et, enfin, nous voulions dresser un état de lieu de notre position financière et donc de notre influence au sein du système multilatéral, sujet sur lequel reviendra notamment Vincent Delahaye.

Nous avons sollicité très largement l'administration, que ce soit par le biais du ministère des affaires étrangères ou du ministère du budget afin d'obtenir plusieurs documents très utiles, notamment chiffrés. Nous les remercions pour le travail fourni et pour nos échanges. Nous avons par ailleurs, échangé avec une chercheuse de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), Madame Magali Chelpi-den Hamer, qui a réalisé un travail en lien avec notre sujet que vous pourrez trouver sur le site de l'IRIS.

Au cours de notre contrôle, un constat s'est imposé rapidement.

La dépense en faveur des institutions internationales est éparpillée entre de nombreux ministères, missions et programmes budgétaires. Cela ne concerne donc pas seulement le ministère des affaires étrangères.

Si chaque ministère sait combien il verse, aucun exercice de synthèse n'est fait au niveau interministériel. Cela fait que chaque année, l'État dans son ensemble n'a aucun outil pour savoir combien il verse au système multilatéral.

En conséquence, l'exercice de pilotage ne se fait qu'au niveau ministériel et pas au niveau de l'État dans son ensemble, ce qui nous semble être un problème. Nous avons, dans ce contexte, pris beaucoup de temps pour être en mesure d'évaluer le coût des contributions internationales de la France.

Pour le ministère des affaires étrangères, les contributions internationales s'élevaient à 2,2 milliards d'euros en 2021. Un tiers est porté par la mission Action extérieure de l'État au titre du financement du système onusien, c'est-à-dire des opérations de maintien de la paix, du budget des agences et du budget ordinaire. Deux tiers sont portés par la mission Aide publique au développement avec pour principaux bénéficiaires le Fonds européen de développement, l'Alliance du vaccin GAVI et le Haut-Commissariat aux réfugiés de l'ONU.

Sur le périmètre de l'État, l'évaluation a été plus compliquée. En effet, depuis la suppression d'un document de politique transversale consacrée à l'action extérieure de l'État en 2019, il n'y a plus d'exercice de synthèse. Pour nous fournir des réponses, il a fallu que la direction du budget lance une enquête à notre demande auprès des autres ministères pour construire un tableau de synthèse.

En clair, si le Président de la République, le Premier ministre mais aussi les parlementaires veulent, à un moment « T », savoir combien la France verse et à qui, l'information n'était en pratique pas disponible.

Au final, après un travail de recherche, nous avons évalué le montant des contributions internationales à 5,6 milliards d'euros en 2021 dont 56,5 % de contributions obligatoires.

Les trois principaux ministères concernés sont celui des affaires étrangères, de la recherche et de l'enseignement supérieur et enfin de l'économie.

Environ 210 organisations, programmes ou fonds perçoivent une contribution française, notamment l'Agence spatiale européenne, le Fonds européen de développement et l'Association internationale de développement de la Banque mondiale.

L'absence d'information agrégée nous semble être un véritable problème. Nous proposons donc de rétablir un document de politique transversale visant à présenter la synthèse des contributions versées chaque année ce qui permettra d'exercer un contrôle parlementaire plus simple et efficace.

Faute d'information agrégée, par ailleurs, le pilotage est défaillant. Il s'exerce au niveau du ministère des affaires étrangères qui a créé un comité de pilotage qui joue un rôle utile mais qui nous paraît perfectible. Au niveau interministériel, il existe un comité relatif à l'aide publique au développement. Pour autant, cela exclut un volume important de contributions qui interviennent dans d'autres domaines.

Nous proposons de renforcer les capacités de pilotage des contributions internationales sur trois volets principalement.

D'abord, en confiant au ministère des affaires étrangères la tâche de réaliser un référentiel de la performance des organisations internationales qui, aujourd'hui, n'existe pas.

Ensuite, en évaluant et en renforçant les moyens humains dédiés au suivi budgétaire des organisations internationales, ce qui mobilise aujourd'hui une vingtaine de personnes environ au ministère des affaires étrangères.

Enfin, en confiant à une structure interministérielle la mission d'assurer un suivi et un pilotage des contributions internationales en produisant des éléments d'analyse et des recommandations.

Enfin, nous avons détecté qu'il existait aujourd'hui un risque important lié à la question des taux de change et du risque de change. En effet, environ 12 % des contributions internationales sont versées en devises, en particulier en dollars.

Il en résulte des difficultés au moment de la construction du projet de loi de finances et de son exécution puisque les taux de change sont susceptibles d'évoluer et, ainsi, de générer un gain ou une perte au change. Le ministère des affaires étrangères nous a d'ailleurs indiqué que lorsqu'il y a un gain, celui-ci est « gelé » par le ministère du budget afin de faire face à d'éventuels aléas en gestion. Il considère que cette situation est asymétrique puisque lorsqu'il y a une perte, le ministère du budget pèserait pour qu'elle soit couverte par des redéploiements budgétaires plutôt que par des crédits nouveaux.

Pour limiter le risque de change, un mécanisme de couverture de change a été mis en oeuvre avec l'Agence France Trésor et systématiquement activé depuis 2017 mais ne l'a pas été en 2022.

Nous avons identifié deux difficultés.

D'abord, il n'existe pas de doctrine claire sur la pratique à suivre lorsque le taux de change de marché a dévié de façon importante par rapport au taux de budgétisation au moment du dépôt du projet de loi de finances. Faut-il modifier les crédits du PLF pour maintenir le pouvoir d'achat en devises ? Faut-il laisser au ministère le soin de faire des redéploiements au sein de son budget et d'assumer ses pertes ou ses gains ? Visiblement, ce serait la seconde solution qui prévaudrait aujourd'hui, non sans difficultés.

Ensuite, le ministère des affaires étrangères peut décider de recourir ou non au mécanisme de couverture au risque de s'exposer à une sérieuse perte au change, ce qui est le cas cette année. Il y a environ déjà 30 millions d'euros de perte et il est possible que montant s'accroisse encore si rien n'est fait.

Nous recommandons donc d'établir une doctrine s'agissant des décisions à prendre lorsque les taux de change ont évolué sensiblement entre la budgétisation et le dépôt du projet de loi de finances et de rendre systématique l'activation de la couverture de change afin d'éviter une prise de risque.

L'esprit du vote du budget n'est pas de se situer dans une logique de prise de risque face à l'évolution des taux de change mais bien que l'administration bénéficie des crédits votés pour financer les politiques publiques.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Nous nous sommes interrogés sur l'influence de la France au sein des organisations internationales au regard des financements qu'elle apporte.

Les contributions sont un levier d'influence majeur et dans certaines organisations il y a même un « ticket minimal » de financement à apporter pour participer aux organes décisionnels.

Le montant des contributions est également pris en compte pour répartir, entre chaque nationalité, le niveau des effectifs d'agents au sein des organisations internationales.

Dans ce contexte, la France est amenée parfois à soutenir certaines organisations afin de favoriser la nomination ou le maintien à des fonctions de direction de certains de nos compatriotes. On a pu le constater récemment dans le cas des financements accordés à l'ONU en faveur du maintien de la paix, dont les opérations sont dirigées par un français. En sens inverse, on a pu constater dans nos échanges avec l'administration et des experts que la faiblesse de nos contributions dans certaines organisations comme le Programme alimentaire mondial pouvait limiter notre influence.

Nous avons travaillé sur une quarantaine d'organisations du système onusien. Ce choix est justifié par la volonté de travailler sur un périmètre pleinement international, là où d'autres organisations à l'instar de l'Agence spatiale européenne ou de l'OTAN ont une dimension plus strictement européenne ou occidentale.

Au total, le montant des contributions étatiques perçues par les organisations internationales que nous avons examinées s'élève, en 2020,
à 42,2 milliards de dollars. La part de la France s'élève à 1,1 milliard de dollars, soit 0,9 milliard d'euros.

Nous avons choisi le système onusien également parce qu'il fournit un volume important et exploitable d'informations financières, ce qui n'est pas le cas de beaucoup d'autres organisations.

Nous faisons d'ailleurs la recommandation que l'État se dote d'un outil de veille permettant de suivre, sur longue période et pour l'ensemble des organisations, l'évolution des contributions versées par l'ensemble des donateurs. L'absence d'un outil de cette nature au niveau de l'État constitue un vrai manque si l'on veut mettre en place une véritable stratégie de pilotage et de ciblage de nos contributions internationales.

On s'aperçoit, à l'issue de cette analyse, sans surprise, de la place prépondérante des États-Unis qui assurent plus du quart des financements au système onusien avec 11,6 milliards de dollars en 2020, loin devant l'Allemagne et la France.

Un second constat est l'importance des contributions volontaires dans le mode de financement des États. Elles sont majoritaires pour l'ensemble des principaux financeurs à l'exception notable de la Chine et de la France.

Or, la Chine voit augmenter très rapidement le montant de ses contributions obligatoires compte tenu de sa place croissante dans l'économie mondiale. Elle a donc moins besoin que nous de mobiliser les contributions volontaires pour accroître son poids dans le financement du système onusien.

Dans le classement des contributeurs au système onusien, nous occupions la septième place en 2020 mais cette position fluctue depuis 2013. On observe, surtout, une contraction du poids de la France dans l'ensemble des financements versés au système onusien. Nous représentions 3,7 % des contributions étatiques perçues par les organisations onusiennes en 2010, nous n'en représentions plus que 2,7 % en 2020. Cela résulte du recul de notre position au sein de l'économie mondiale, à comparer à la montée en puissance de la Chine et de certains pays émergents. On peut se consoler car nous ne sommes pas les seuls dans ce cas qui concerne l'essentiel du monde occidental, États-Unis compris.

Nous faisons le constat qu'en matière de contributions volontaires, la France a fait preuve d'attentisme au cours de la dernière décennie.

Nous étions mal placés au début des années 2010 puisque nous représentions 0,9 % de l'ensemble des contributions volontaires perçues par le système onusien en 2013. Nous sommes passés à 1,6 % en 2020 ce qui est positif et témoigne d'un effort. Pour autant cet effort, équivalent à une hausse d'environ 180 millions de dollars de nos contributions sur la période, se compare assez difficilement à celui concédé par nos partenaires. Ainsi, l'Allemagne a augmenté de 2,9 milliards de dollars le montant de ses contributions volontaires sur la même période.

En moyenne annuelle, nos contributions aux diverses organisations onusiennes ont évolué dans des proportions bien moins importantes que celles de l'Allemagne, de la Chine ou du Royaume-Uni.

La Chine augmente ses contributions, notamment obligatoires, mais cible également très bien ses contributions volontaires. Par exemple, elle a augmenté ses contributions volontaires à l'Union internationale des télécommunications (UIT) d'environ 60 % chaque année pendant sept ans. Cela lui offre une influence très importante au sein de cette organisation qui est l'une des enceintes de définition des standards internationaux en matière de télécommunication.

Le rapport contient un tableau qui croise, pour la France et plusieurs pays, l'évolution moyenne de nos contributions et de notre part dans les financements totaux perçus par plusieurs organisations onusiennes. On remarque que la France n'a pas adopté une position véritablement marquée en matière d'engagement ou de désengagement financiers comparativement à d'autres pays. En contrepartie nous n'avons pas non plus augmenté significativement notre poids dans le financement des organisations, c'est-à-dire notre influence. Nous sommes un peu le ventre mou de ce tableau.

Dans la compétition pour l'influence au sein des organisations internationales, la France a des atouts qu'il ne faut ni négliger ni surestimer.

Nous sommes membres du Conseil de Sécurité des Nations unies.

Nous bénéficions d'une forte présence de nos compatriotes dans les effectifs des agences onusiennes. Nous sommes, en effet, le deuxième pays après les États-Unis avec 4 364 Français employés par ces organisations. Cela ne devrait pas durer puisque les règles de recrutement tiennent compte du poids de chaque pays dans le financement du système onusien. Or, comme nous l'avons vu, notre poids se réduit. En outre, sur ce sujet, nous observons que si les Français sont nombreux parmi les effectifs, ils occupent moins souvent des postes à responsabilité.

Depuis 2021 au moins, le ministère des affaires étrangères défend une stratégie de renforcement des contributions volontaires.
Entre 2020 et 2021, le montant de ces contributions a augmenté de près
de 960 millions d'euros, alloués notamment au Fond vert pour le climat, à l'alliance pour le vaccin et l'Association internationale de développement de la banque mondiale.

Nous ne sommes pas, à ce stade, en mesure de dire comment cet effort financier se traduira en termes d'influence faute de disposer d'éléments de comparaison avec nos partenaires.

Le ministère souhaite donc renforcer nos contributions volontaires et il me semble que nous ne pouvons que partager cet objectif.

Il souhaite assurer un meilleur ciblage par rapport à nos priorités. Or, comme nous l'avons évoqué, nous n'avons pas l'impression que l'État dispose pour l'instant de tous les moyens permettant d'assurer un pilotage et un ciblage efficace.

On sent que des efforts ont été faits pour créer, par exemple, une équipe d'appui au niveau interministériel pour favoriser le placement de personnels. Nous considérons que c'est une initiative positive qui devra être complétée d'un travail rapide sur les facteurs d'attractivité de la France pour l'installation des organisations internationales.

Enfin, le ministère souhaite renforcer la coordination européenne.

Il faut savoir qu'en agrégeant les contributions des États membres de l'Union européenne, nous sommes le principal contributeur au système onusien, devant les États-Unis. Pour autant, il faut tenir compte du fait que nous nous situons, sur le plan financier, dans une position très asymétrique par rapport à l'Allemagne. Elle est le premier contributeur européen dans près de 28 organisations onusiennes contre 6 pour la France. L'Allemagne n'a donc pas le même intérêt que la France à coordonner au niveau européen les efforts financiers en faveur des organisations internationales. Nous avons donc intérêt, il nous semble, à diversifier le nombre de nos interlocuteurs européens.

M. Claude Raynal , président . - Vous avez évoqué les plus de 4 000 français employés par les organisations du système onusien, certains d'entre eux sont-ils des fonctionnaires français mis à disposition ? Disposez-vous de chiffres permettant d'évaluer la part relative de ces mises à disposition par rapport aux effectifs employés directement par les organisations ?

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - L'absence de pilotage interministériel de la dépense me paraît poser une vraie difficulté, surtout lorsqu'elle est rapportée au volume de crédits dédiés aux organisations internationales. Je pense qu'il est indispensable d'aller vers davantage de transparence pour permettre à l'État de mieux appréhender l'ampleur des efforts réalisés.

Je partage le constat des rapporteurs spéciaux selon lequel il faut que la France mène des initiatives au niveau européen pour contrer l'influence grandissante de certains pays émergents. Je suis également d'accord sur l'importance de consolider rapidement notre ambition européenne.

M. Rémi Féraud . - Pour répondre en partie à la préoccupation du rapporteur général, nous pensons qu'il est nécessaire de rétablir le document de politique transversale, supprimé en 2019, consacré à « l'action extérieure de l'État » et dont l'un des chapitres offrait une vision synthétique des contributions versées aux organisations internationales. Nous pensons que le rétablissement de ce document pourrait être tout aussi utile aux parlementaires qu'à l'exécutif lui-même, puisqu'il ne dispose pas d'une vision consolidée de ses contributions internationales.

M. Vincent Delahaye . - Pour répondre à l'interrogation de M. le Président, j'ajouterai que les plus de 4 000 fonctionnaires français travaillant au sein des organisations internationales sont très majoritairement employés directement par ces structures. Cependant, nous ne disposons pas de chiffres permettant d'apprécier la part des mises à disposition de fonctionnaires par la France.

M. Roger Karoutchi . - Pour ma part, je déplore l'absence de coordination entre les versements que nous faisons aux fonds européens d'aide au développement et l'action que nous menons, en propre, avec l'Agence française de développement. Cette absence de coordination est d'autant plus incompréhensible que ces deux actions sont placées sous la tutelle d'un même ministère. Il me semblerait plus logique de coordonner de façon plus claire les versements que nous effectuons de manière forfaitaire à destination des fonds européens avec les opérations que nous menons dans le cadre AFD.

Concernant l'influence de la France, il est incontestable que nous avons beaucoup de nationaux français qui participent aux organisations internationales. Mon expérience d'ambassadeur auprès de l'OCDE m'a néanmoins permis de constater que la France appuyait assez peu ses nationaux au sein des organisations internationales. Alors que les gouvernements des autres pays intervenaient pour que des postes stratégiques soient confiés à leurs ressortissants, le Gouvernement français se refusait généralement à mener une telle stratégie d'influence et renvoyait aux méthodes de sélection des organisations internationales.

Si la qualité des candidats français permet bien de décrocher quelques postes à responsabilité, les Français sont de moins en moins nombreux au sein de ces organisations, alors même que les candidats des autres États n'étaient pas toujours excellents, tant s'en faut. Le Quai d'Orsay en particulier se refuse à jouer ce rôle d'influence pour permettre aux Français d'avoir accès aux postes stratégiques.

M. Michel Canévet . - Le sujet des contributions aux organisations internationales est particulièrement important. J'abonderai dans le même sens que Roger Karoutchi : il est indispensable qu'il y ait de la cohérence entre les versements que nous effectuons au profit des organisations internationales et les actions que nous menons avec nos propres outils. Je pense que cette coordination doit impérativement être renforcée au niveau européen.

J'ai lu avec intérêt la recommandation numéro neuf du rapport, qui recommande une augmentation du niveau des contributions volontaires. Une telle recommandation mérite d'autant plus d'être soulignée qu'elle s'éloigne de la ligne de conduite habituelle de Vincent Delahaye. Pour autant, est-ce que l'influence ne se mesure qu'au montant des contributions ? N'existe-t-il pas d'autres moyens pour renforcer notre influence ?

Je souhaite enfin évoquer le train de vie d'un certain nombre d'organisations internationales. Je pense que celui-ci est parfois en contradiction avec l'objet même des missions qui leur sont confiées. Il y a tout de même une forme de contradiction à intervenir dans l'humanitaire et voyager en classe « Business », loger dans les plus grands hôtels et dîner aux meilleures tables. Je pense qu'il faudra se pencher sur ces questions. Les organisations doivent être exemplaires dans leur façon de fonctionner.

M. Hervé Maurey . - Je voudrais à mon tour remercier et féliciter les rapporteurs pour ce rapport très intéressant, mais tout de même un peu effrayant. Je trouve effectivement effrayant que l'État ne connaisse pas le montant des sommes qu'il consacre aux organisations internationales, surtout quand il s'agit de sommes importantes. Je trouve également effrayant que la part de la Chine dans les organisations internationales soit de plus en plus forte. Vincent Delahaye prenait l'exemple de l'organisation internationale des télécoms ; on peut aussi citer l'exemple de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), dont le directeur est pour la première fois un Chinois, qui a battu une candidate française. Cela montre que quand on a des candidats, et même de bons candidats, ils peuvent être battus aujourd'hui par des Chinois, de par cette montée de leur influence. Je me demande - mais vous n'aurez peut-être pas d'explication - pourquoi cette synthèse, qui existait jusqu'en 2019, a été supprimée. Pourquoi, quand il y a des gains de change, le Quai d'Orsay n'en bénéficie-t-il pas alors qu'il ne bénéficie, si je puis dire, que des pertes ? Pourquoi, selon les années et sans doute selon le bon vouloir de ceux qui sont responsables de cette décision, ne prend-on pas toujours une couverture de change ? Enfin, et c'est peut-être la question la plus cruciale, comment renforce-t-on nos contributions volontaires, quand on connaît nos contraintes budgétaires globales ? Est-ce qu'on le fait à enveloppe constante en diminuant certaines contributions, mais lesquelles, ou va-t-on dans le sens - ce qui se fait beaucoup en ce moment, en cette période électorale - de prendre des mesures ou de faire des propositions qui creusent encore les déficits que nous combattons par ailleurs matin, midi et soir ?

M. Albéric de Montgolfier . - Je voudrais à nouveau remercier les deux rapporteurs, notamment de leur proposition visant à rétablir le document de politique transversale. Je crois que le constat est partagé que nous n'avons pas assez de vision transversale sur un montant de 5,6 milliards d'euros, et l'intérêt de ce contrôle est notamment d'avoir permis d'évaluer cette dépense. Ma question concerne l'UNESCO, dont le siège est à Paris. puisque les États-Unis s'étaient retirés, du temps du précédent président, et qu'un certain nombre de pays dont la France, me semble-t-il, avaient annoncé qu'ils augmenteraient leur contribution ou qu'ils compenseraient la perte de contribution américaine, est-ce que cela a été fait et est-ce que, avec la nouvelle administration, il y a eu un signal d'un éventuel retour ?

M. Emmanuel Capus . - Je partage l'analyse sur le fait qu'il y a un effort de pilotage interministériel et de synthèse à effectuer. Nous savons tous intuitivement qu'il y a un rééquilibrage au niveau international vers l'Asie, et que ce qui a été dit est donc tout à fait logique sur le fait que la part des contributions européennes, voire américaines, diminue substantiellement. Il a été beaucoup dit que la France contribuait moins à l'ensemble de ces organismes que l'Allemagne notamment. Je voudrais savoir - parce qu'il y a d'autres façons d'intervenir sur la scène internationale au service de la collectivité mondiale - si les participations en nature de la France, notamment de nos armées dans l'ensemble des opérations menées dans le monde, sont valorisées, évaluées. C'est en effet une contribution qui mérite d'être mise en avant, une contribution financière - mais l'actualité récente nous rappelle que c'est aussi une contribution par le prix du sang - de telle sorte qu'il me semble que si elle n'est pas évaluée, il faudrait trouver un moyen de la valoriser, parce que c'est un apport différent de celui de certains de nos partenaires.

M. Claude Raynal , président . - J'ai moi-même deux interrogations complémentaires. Comment pourrait-on mieux faire, sur le plan européen, pour avoir une influence plus grande en associant l'ensemble des pays européens ? C'est une question légitime, mais à mettre en parallèle avec notre positionnement sur le siège au niveau du conseil de sécurité. En effet, nous avons là une vision de conservation, si je puis dire, certainement pas de siège européanisé. Est-ce que nos partenaires nous demandent si notre approche européenne sur les contributions et sur l'influence, nous serions prêts à la partager aussi sur le conseil de sécurité ? Avez-vous un peu regardé ce sujet ?

D'autre part, sur la stratégie d'influence, j'ai une petite expérience car j'ai fait fonction de premier conseiller dans une ambassade et j'ai des souvenirs très précis sur les Français mis à la disposition d'une organisation internationale. Le fonctionnaire français mis à disposition d'une organisation internationale n'est plus français. il n'a de français que le partage de la langue, mais n'utilise pas sa position pour influencer au bénéfice de son pays, contrairement à d'autres, que je ne citerai pas par discrétion, qui sont beaucoup plus allants sur le sujet. Avez-vous également regardé ce point ?

M. Vincent Delahaye . - Roger Karoutchi nous ayant parlé de l'AFD, je renvoie la question sur Michel Canévet et Jean-Claude Requier, qui travaillent sur ce sujet-là en tant que rapporteurs des crédits de la mission Aide publique au développement. Sur la coordination de notre politique de développement avec celle des organisations internationales, je pense que c'est un domaine dans lequel nous avons des marges de progrès. Il me paraît comme à mon collègue Michel Canévet important de bien regarder le train de vie des organisations internationales ou des opérateurs, et notamment de l'AFD, de son siège et de ses rémunérations. Concernant la stratégie d'influence et le fait que nous ne soyons pas suffisamment proactifs sur les postes stratégiques, je rejoins un peu ce que vient de dire le président Raynal.

M. Roger Karoutchi . - En réalité, les fonctionnaires français qui sont employés dans les organismes internationaux à des postes clés savent très bien que le gouvernement, que les autorités françaises n'ont rien fait pour eux. Un Américain, lui, sait que l'État américain a usé de son influence pour qu'il soit là, il le doit aux États-Unis et il leur rend compte. Le fonctionnaire français, ou celui qui a été recruté par une organisation internationale, pense que la France n'a rien fait pour lui, que sa place est due à ses mérites et à partir de là, vous ne pouvez rien lui demander.

M. Vincent Delahaye . - Roger Karoutchi a donc répondu au président Raynal à ma place ! C'est une réalité et je pense qu'il y a aussi une tradition française qui fait que lorsqu'on est dans un organisme, on considère qu'on est international et qu'on est au service international avant d'être français. Dans d'autres pays, et pas uniquement aux États-Unis, ce raisonnement-là n'est pas forcément tenu. On rappelle en tout cas qu'il y a aussi une nécessité de faire en sorte que les intérêts du pays soient bien défendus. Il est vrai que c'est peut-être un changement à la fois de mentalité et de culture qu'il faudrait obtenir.

Sur l'augmentation des contributions volontaires, nous ne sommes pas rentrés dans le détail mais cela participe quand même de la stratégie d'ensemble, du pilotage et du ciblage. On a l'impression qu'aujourd'hui, cette stratégie est peu présente. Or, il faudrait peut-être diminuer nos contributions à certaines organisations dans lesquelles notre influence reste très limitée, voire nulle. En ciblant mieux, en faisant peut-être quelques impasses, nous pourrions, avec les moyens existants, renforcer nos contributions volontaires là où il le faut et là où c'est important pour nous en termes d'influence.

Je reviens sur l'influence, qui est quand même une faiblesse de la France. Au niveau européen, nous sommes très peu présents, nous avons peu d'influence par rapport à beaucoup d'autres pays, qui se débrouillent beaucoup mieux que nous. C'est sans doute culturel, on n'y attache pas assez d'importance, alors que cette influence est fondamentale et peut avoir beaucoup de conséquences sur nos choix.

Pour répondre à Emmanuel Capus quant à savoir si les participations en nature, c'est-à-dire par exemple par la mise à disposition de casques bleus, sont valorisées, ce n'est pas le cas. Les données concernent le seul vecteur financier. Il est vrai que les interventions militaires nous coûtent très cher et ne nous permettent pas forcément d'avoir beaucoup plus d'influence.

M. Rémi Féraud . - Concernant le risque de change, l'objectif du mécanisme de couverture n'est pas de réaliser un gain au change mais de permettre au ministère dépensier, ici le ministère des affaires étrangères, de se décharger du risque et de pouvoir raisonner avec des ressources en euros et un pouvoir d'achat en dollar qui soit figé. La décision d'activer le mécanisme lui revient et l'agence France Trésor n'intervient que dans la mise en oeuvre de la couverture de change, pas dans sa décision.

Il n'y a en réalité pas de doctrine absolue et cette année, nous sommes pour la première fois depuis cinq ans dans une absence de couverture de risque de change car, entre l'élaboration du budget au milieu de l'année 2021 et son vote en fin d'année, il y a déjà eu une perte de change de 30 millions et le ministère des affaires étrangères a préféré - pour des raisons qu'il assume et défend - ne rien faire pour le moment.

Je ne sais pas s'ils espèrent que la situation sur les marchés lui sera plus favorable au début de 2022, mais cela rentre plus probablement dans une forme de rapport de force avec Bercy. Il n'est pas logique que cela ne soit pas pris en compte. J'imagine que, pour le budget de l'État dans son ensemble, ces montants sont faibles, mais ils sont importants pour le ministère des affaires étrangères. Même si le risque en lui-même n'est pas énorme pour le ministère des affaires étrangères, cela change beaucoup de choses car la perte peut s'accroître - c'est même ce qui est en train de se passer aujourd'hui. C'est pour cette raison que nous pensons qu'il faut rendre systématique le principe de la couverture de change. En outre, en tant que parlementaires, nous ne votons pas un budget en espérant des gains sur le change, de même que nous voulons éviter les pertes.

Enfin, l'UNESCO est l'une des organisations internationales où la France a le plus exercé son volontarisme financier ces dernières années, justement pour compenser le retrait américain en augmentant les contributions volontaires de la France. Je crois que leur montant total en 2020 a atteint 8,5 millions d'euros, soit une multiplication par cinq depuis 2011. La France a donc bien réagi aux décisions de l'administration Trump, mais je ne sais pas quelles sont les décisions qu'a prises l'administration Biden sur le retour des États-Unis à l'UNESCO et leur participation financière.

M. Claude Raynal , président . - Merci, Messieurs les rapporteurs, pour cette communication.

La commission autorise la publication de la communication des rapporteurs spéciaux sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères - Direction générale des affaires politiques et de sécurité

- M. Alexis LAMEK, directeur général adjoint ;

- M. Laurent LEGODEC, chef de programme 105.

Cabinet du ministre de l'Europe et des affaires étrangères

- M. Emmanuel PUISAIS-JAUVIN, directeur de cabinet adjoint ;

- Mme Claire BODONYI, directrice des affaires financières ;

- M. Joachim BOKOBZA, conseiller budgétaire ;

- M. Baptiste PRUDHOMME, conseiller politique et parlementaire.

Direction du budget - 7 e sous-direction

- M. Morgan LARHANT, sous-directeur ;

- M. Baptiste BOURBOULON, chef du bureau des affaires étrangères et de l'aide au développement ;

- M. Karim ASSAD, adjoint au chef de bureau.

Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS)

- Mme Magali CHELPI-DEN HAMER, anthropologue, chercheuse, spécialiste des questions d'aide internationale, de l'éducation en situation de crise et des conflits armés en Afrique sub-saharienne.


* 1 C'est-à-dire des fonds octroyant des prêts dont les conditions en matière de taux ou de durée sont plus favorables que celles pouvant être trouvées sur le marché.

* 2 Rapport fait par MM. J-C Requier et M. Canévet, sénateurs, au nom de la commission des finances sur les crédits de la mission Aide publique au développement au projet de loi de finances pour 2022.

* 3 https://unsceb.org/fs-revenue-government-donor.

* 4 https://unsceb.org/fs-revenue-government-donor.

* 5 Réponses au questionnaire des rapporteurs.

* 6 Le montant de la contribution du Parlement français à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE a augmenté de 21,8 % entre 2014 et 2020. Le Sénat a régulièrement demandé à ce que l'organisation maitrise l'évolution de ses dépenses afin de stabiliser le niveau de ses contributions. En 2022, cette demande a obtenu gain de cause avec un retour de la contribution du Sénat à son niveau de
l'année 2020. Toutefois, il a été demandé à ce que cet effort s'inscrive dans la durée.

* 7 Se référer au tableau page 43 et 44 pour connaître la liste des organisations concernées.

* 8 https://www.greenclimate.fund/sites/default/files/document/gcf-b29-inf02.pdf.

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