B. TOTAUX ADMISSIBLES DE CAPTURE DANS LES EAUX EUROPÉENNES : LA TRIPLE PEINE POUR LES PÊCHEURS FRANÇAIS TOUCHÉS PAR LA COVID-19 PUIS PAR LE BREXIT

Les négociations pour les totaux admissibles de capture (TAC) dans les eaux de l'Union européenne et leur répartition par État membre (quotas) pour l'année suivante s'achèvent chaque année en décembre lors d'un Conseil de l'UE « pêche » traditionnellement disputé, qui a eu lieu cette année les 12 et 13 décembre 2021. Les négociations n'ont en général pas tant lieu entre États membres sur la répartition des quotas entre eux, qu'entre les États « amis de la pêche » et la Commission européenne, cette dernière cherchant régulièrement à réduire les TAC afin de préserver les ressources halieutiques.

Les propositions annuelles de TAC par la Commission européenne se fondent notamment sur les avis du Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM), un organe intergouvernemental composé de scientifiques analysant l'état des ressources halieutiques dans l'Atlantique nord-est. Les quotas sont toutefois établis selon un principe de « stabilité relative » entre États, et le compromis résulte en pratique d'un « compromis inter-territorial 27 ( * ) » tenant largement compte de considérations socio-économiques.

Alors que les négociations pour 2021 avaient déjà été particulièrement tendues l'an dernier, la proposition de la Commission européenne le 3 novembre 2021 ne déroge pas à la règle, en envisageant de fortes diminutions des captures autorisées . Le compromis trouvé lors du dernier tour des négociations, finalement rendu public mardi 14 décembre, prévoit une baisse de 36 % des captures de soles dans le golfe de Gascogne pour l'année 2022 28 ( * ) . Le rapporteur déplore que la Commission ne semble tenir aucun compte du contexte particulier lié aux difficultés d'accès à des zones de pêche traditionnelles situées dans les eaux britanniques , qui provoquent nécessairement un report de l'effort de pêche vers les eaux de l'Union européenne, les poissons ne connaissant d'ailleurs pas les frontières entre eaux britanniques et eaux communautaires.

Alors que la pêche dans l'Atlantique nord-est sort de deux années particulièrement difficiles, marquées par le choc économique lié au Covid-19 et la sortie du Royaume-Uni de l'UE, pour les pêcheurs français, c'est véritablement la triple peine :

- La Covid-19 a entraîné une chute de 14 % des débarquements de poisson des navires de plus de 12 mètres en 2020, un choc particulièrement brutal au printemps 2020 suivi d'un rattrapage par la suite 29 ( * ) . Si la vente directe a permis de limiter le choc pour la pêche artisanale, la pêche industrielle a été particulièrement affectée par les mesures restrictives.

- Le Brexit pénalise surtout la pêche artisanale, comme le rapporteur l'a souligné plus haut. Ce sont les petites pêcheries qui opèrent le plus dans les 6-12 milles britanniques et, en raison de leur taille, ce sont elles qui pâtissent le plus de l'insécurité juridique.

- Les totaux admissibles et les quotas n'épargnent aucun type de pêche puisqu'ils concernent indifféremment les petits et grands navires.

Dans cette période, l'État a soutenu les pêcheurs français principalement grâce à deux dispositifs :

- à hauteur d'environ 1,6 M€, des indemnités de pertes de chiffre d'affaires, qui n'ont pas connu le succès escompté ;

- à hauteur de 35 à 45 M€, des arrêts temporaires « Brexit » et « Covid », assimilables à une forme d'activité partielle.

Si ces mesures ont été d'une grande aide pour la filière, les pêcheurs demandent maintenant à pouvoir vivre à nouveau de leur métier . Aussi, les organisations professionnelles demandent un répit à travers la bienveillance des autorités européennes dans la fixation des TAC et quotas 2022 dans les eaux européennes, tout en veillant au maintien des stocks halieutiques, car à long terme, s'il n'y a plus de poissons, il n'y a plus de pêcheurs. Cet aménagement est en particulier demandé pour les pêcheries les plus dépendantes des zones côtières, qui représentent 70 à 80 % de la pêche française et peuvent plus difficilement reporter leur effort de pêche dans des zones éloignées comme l'océan Indien.

Cette bienveillance est d'autant plus nécessaire qu'à la triple peine Covid-Brexit-TAC, il faut par ailleurs ajouter des handicaps structurels liés à la hausse du coût de l'énergie , l'un des principaux coûts de production de la pêche maritime, et à la restriction tendancielle des zones de pêche causée par l'extension des parcs d'éoliennes offshore et des aires protégées , par exemple au large du Cotentin ou dans la baie de Saint-Brieuc.

Conflits d'usage entre la pêche et l'éolien en mer dans la Manche

Source : « ma carte de l'éolien dans la Manche ».


* 27 Lequesne, 1999.

* 28 https://ec.europa.eu/oceans-and-fisheries/news/agrifish-council-adopts-2022-fishing-opportunities-north-east-atlantic-2021-12-14_fr

* 29 https://theconversation.com/la-peche-francaise-a-lepreuve-de-la-tempete-covid-19-158902

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