B. LES MESURES DE SOUTIEN ANNONCÉES PAR LE GOUVERNEMENT : UNE MÉTHODE CONTESTABLE, UN CONTENU ENCORE FLOU

1. Des annonces avant la mise au point d'un plan de soutien global au réseau : une stratégie de communication plus que d'action

Le 30 avril 2020, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, le ministre de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin, et le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, ont annoncé, par communiqué de presse, deux mesures de soutien aux familles et aux établissements du réseau :

• un aménagement, « estimé » 6 ( * ) à 50 millions d'euros, du dispositif des bourses scolaires permettant de tenir compte de la situation des parents d'élèves français en 2020, en particulier d'une éventuelle baisse de revenus consécutive à la crise ;

• une avance, « d'un ordre de grandeur estimé » 7 ( * ) à 100 millions d'euros, de l'Agence France Trésor à l'AEFE pour soutenir financièrement les établissements du réseau, quel que soit leur statut, afin qu'eux-mêmes puissent venir en aide aux familles, de toute nationalité, confrontées à des difficultés financières.

Les sommes débloquées seront, selon les termes mêmes du communiqué de presse des ministres, « réévaluées plus précisément en juin » .

Le groupe de travail s'étonne de cette méthode qui consiste à annoncer des mesures, sans avoir au préalable bâti un plan d'action dressant le constat exhaustif de la situation et apportant des solutions précises et chiffrées . Il est clair que ces annonces ont eu pour objectif de calmer les familles dont le mécontentement va grandissant.

Concomitamment à la présentation de ces mesures, un plan de sauvegarde du réseau a été annoncé et est actuellement en cours de préparation au ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Si le groupe de travail salue cette initiative, il estime qu'il aurait été préférable de travailler préalablement à son élaboration plutôt que de recourir à des effets d'annonce.

2. L'aménagement des bourses scolaires : un dispositif satisfaisant, mais un calibrage budgétaire à surveiller

Pour les familles françaises en difficulté, l'accès au dispositif des bourses est élargi pour qu'un plus grand nombre puisse en bénéficier .

Celles dont la situation financière s'est dégradée dans les trois derniers mois peuvent ainsi déposer un recours gracieux auprès du service social de leur poste consulaire jusqu'au 29 mai 2020. Ce dispositif concerne à la fois les familles déjà allocataires d'une bourse, qui souhaitent une révision de la quotité, et les familles non encore boursières, toutes pouvant faire valoir l'évolution de leurs revenus financiers en 2020. Lors d'une séance extraordinaire, qui s'est tenue le 22 mai dernier, le conseil d'administration de l'Agence a porté le montant maximal de de ces remises gracieuses à 15 000 euros par famille 8 ( * ) . Le groupe de travail approuve la généralisation de cette possibilité de recours qui avait initialement été mise en place en Chine et en Vietnam .

Le dispositif des bourses pour l'année 2020-2021 est également assoupli pour tenir compte de la situation financière rencontrée en 2020 par les familles. Le calendrier des commissions consulaires d'examen a été revu pour permettre un traitement des dossiers jusqu'au 30 mai prochain.

L'ensemble des personnes auditionnées par le groupe de travail ont fait part de leur satisfaction par rapport à ces mesures. Ce consensus mérite d'être souligné . La Fapée a toutefois fait remarquer qu'il ne faudrait pas que l'augmentation du nombre de boursiers se traduise par une moindre prise en charge des familles déjà allocataires de bourses.

Tout en saluant ce coup de pouce en direction des familles, le groupe de travail s'interroge sur le montant annoncé de 50 millions d'euros qui pourrait s'avérer sous-calibré par rapport aux besoins de court terme (3 ème trimestre de l'année 2019-2020) et de moyen terme (année scolaire 2020-2021). Il précise que cette somme ne représente que la moitié de l'enveloppe annuelle destinée aux bourses. Une réévaluation régulière des besoins s'avèrera, selon lui, nécessaire.

Le groupe de travail souhaite en tout cas que cet abondement initial de 50 millions d'euros soit inscrit au prochain projet de loi de finances rectificative.

3. L'avance de l'Agence France Trésor à l'AEFE : un soutien indispensable, mais un support financier pas acceptable en l'état

À son annonce, cette deuxième mesure a provoqué de nombreuses réactions d'étonnement, d'incompréhension, voire de colère. Le dispositif choisi laisse en effet penser que l'AEFE sera obligée de rembourser les sommes avancées par l'Agence France Trésor. Or, pour l'ensemble des acteurs du réseau, comme pour le groupe de travail, ce système de solidarité à crédit est inconcevable , surtout en regard de la crise qu'a vécue l'AEFE en 2017 à la suite d'une coupe budgétaire de 33 millions d'euros 9 ( * ) .

Devant la vague de critiques suscitée par cette annonce pour le moins déconcertante faute d'être étayée, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères a annoncé aux parlementaires représentant les Français de l'étranger que l'avance de l'Agence France Trésor pourrait être transformée en subvention à l'AEFE lors d'un prochain projet de loi de finances rectificative . Cette information a été confirmée par le secrétaire d'État en séance publique au Sénat lors de l'examen de la proposition de loi relative aux Français établis hors de France.

Cependant, l'AEFE considère - selon les informations qu'elle a transmises au groupe de travail - qu'elle devra rembourser à l'Agence France Trésor les sommes avancées , dans un délai qui sera fixé dans une convention signée entre les deux institutions.

La transformation de l'avance en subvention n'est donc pas acquise à ce stade .

Or pour le groupe de travail, demander à l'AEFE de rembourser les sommes prêtées pourrait l'entraîner dans une spirale financière ingérable, dont elle pourrait ne pas se remettre.

Le soutien financier à l'opérateur de l'État doit impérativement se traduire par un abondement du montant de sa subvention pour charges de service public. Il veillera, en conséquence, à ce que le prochain projet de loi de finances rectificative comporte une disposition en ce sens. À défaut, il se réserve la possibilité de déposer un amendement lors de l'examen du texte au Sénat.

Le groupe de travail demande également que le dispositif de soutien aux établissements homologués, qui pourra prendre la forme d'une aide en trésorerie directe ou d'un délai de paiement des charges dues à l'Agence, soit assorti de deux garanties :

- premièrement, la définition et l'application de critères d'octroi très stricts ;

- deuxièmement, une conditionnalité de l'aide à une gestion transparente des fonds reçus et à un suivi de leur utilisation , dont les modalités devront être définies dans la convention que chaque établissement demandeur devra passer avec l'AEFE.

En outre, le groupe de travail estime que l'aide qui pourra être apportée, sur décision de commissions locales 10 ( * ) , aux familles étrangères dans le cadre de ce dispositif devra impérativement reposer sur des critères sociaux , comme c'est le cas actuellement pour l'attribution des bourses aux familles françaises. Il va de soi que toutes les familles étrangères ne sont pas affectées de la même manière par la crise actuelle.

Enfin, le groupe de travail demande une clarification sur l'intégration ou non des structures du réseau FLAM 11 ( * ) dans ce dispositif .


* 6 Terme extrait du communiqué de presse des ministres.

* 7 Expression extraite du communiqué de presse des ministres.

* 8 Ces remises, qui peuvent être accordées aux parents d'élèves scolarisés dans des établissements en gestion directe, doivent être liées aux conséquences de la pandémie et ne valent que pour les deuxième et troisième trimestres de l'année 2019-2020 pour les pays « de rythme nord, et pour les premier et deuxième trimestres 2020 pour les pays « de rythme sud ».

* 9 En 2017, l'annulation inattendue de 33 millions d'euros de la subvention versée à l'AEFE (environ 10 % du montant de la subvention qui aurait dû être versé au titre de 2017) a créé un traumatisme durable au sein du réseau. Pour faire face à cette situation, l'Agence a dû mettre en oeuvre des mesures de trésorerie et recourir à des mesures plus structurelles (fermeture de postes en 2018 (-180) et 2019 (-166) ; rehaussement de la participation financière complémentaire (PFC) due par les établissements en gestion directe et les établissements conventionnés de 6 % à 9 % des frais de scolarité en 2018, avant un retour à 7,5 % en 2019).

* 10 Ces commissions seront composées de représentants de la direction de l'établissement, de l'ambassade et d'élus au conseil d'établissement. Pour les établissements conventionnés, les commissions pour l'aide aux familles étrangères comprendront également les comités de gestion.

* 11 Le dispositif FLAM (Français LAngue Maternelle) vise à soutenir des associations qui proposent à des enfants français à l'étranger, dans un contexte extrascolaire, des activités autour de la pratique du français en tant que langue maternelle.

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