Rapport d'information n° 526 (2017-2018) de MM. Rémy POINTEREAU et Martial BOURQUIN , fait au nom de la Délégation aux entreprises et de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 30 mai 2018

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N° 526

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 mai 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) et de la délégation aux entreprises (2) sur les travaux relatifs à la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres - villes et centres - bourgs ,

Par MM. Rémy POINTEREAU et Martial BOURQUIN,

Sénateurs

(1) Cette délégation est composée de : M. Jean-Marie Bockel, président ; M. Mathieu Darnaud, premier vice-président ; M. Daniel Chasseing, Mme Josiane Costes, MM. Marc Daunis, François Grosdidier, Charles Guené, Antoine Lefèvre, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Alain Richard, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; MM. François Bonhomme, Bernard Delcros, Christian Manable, secrétaires ; MM. François Calvet, Michel Dagbert, Philippe Dallier, Mmes Frédérique Espagnac, Corinne Féret, Françoise Gatel, M. Bruno Gilles, Mme Michelle Gréaume, MM. Jean-François Husson, Éric Kerrouche, Dominique de Legge, Jean-Claude Luche, Jean Louis Masson, Franck Montaugé, Philippe Mouiller, Philippe Nachbar, Rémy Pointereau, Mmes Sonia de la Provôté, Patricia Schillinger, Catherine Troendlé, MM. Raymond Vall, Jean-Pierre Vial

(2) Cette délégation est composée de : Mme Élisabeth Lamure, présidente ; MM. Gilbert Bouchet, Olivier Cadic, Emmanuel Capus, Fabien Gay, Xavier Iacovelli, Joël Labbé, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Nelly Tocqueville, MM. Michel Vaspart, Richard Yung, vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Catherine Fournier, Pascale Gruny, M. Jackie Pierre, secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Guillaume Arnell, Mmes Martine Berthet, Annick Billon, M. Martial Bourquin, Mme Agnès Canayer, M. Michel Canevet, Mmes Anne Chain-Larché, Laurence Cohen, M. René Danesi, Mme Jacky Deromedi, M. Jérôme Durain, Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Michel Forissier, Jean-Marc Gabouty, Éric Jeansannetas, Antoine Karam, Guy-Dominique Kennel, Daniel Laurent, Jacques Le Nay, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Sébastien Meurant, Claude Nougein, Philippe Paul, Rachid Temal, Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le groupe de travail du Sénat sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs a travaillé pendant neuf mois pour aboutir à la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs 1 ( * ) .

Cette proposition de loi est le fruit d'un travail transpartisan engagé par les délégations du Sénat aux collectivités territoriales et aux entreprises associant tous les groupes politiques ainsi que les commissions permanentes concernées.

Nous avons beaucoup reçu, beaucoup écouté, beaucoup entendu pendant ces quelques mois. Les membres du groupe de travail ont accueilli tous les acteurs concernés au cours de onze tables rondes : élus locaux, petit commerce, enseignes de centre-ville, experts, chambres consulaires, grandes enseignes, acteurs du e-commerce, centres commerciaux, institutions nationales, professionnels du foncier, club des managers de centre-ville, acteurs économiques et financeurs. Au total, ce sont plus de 150 personnes qui ont été auditionnées.

Pour compléter leur information, vos rapporteurs ont effectué des déplacements sur le terrain (Moulins, Châtellerault...) et réalisé une consultation nationale des élus locaux qui a recueilli 4 000 réponses.

Cet ensemble d'investigations a permis de faire émerger des solutions, après le constat dressé dans le rapport d'étape de juillet 2017 2 ( * ) . Afin de s'assurer de la pertinence de leurs propositions, vos rapporteurs ont souhaité qu'une étude d'impact indépendante de la proposition de loi soit réalisée. Elle a été confiée à Pascal Madry, économiste et urbaniste, directeur de l'Institut pour la Ville et le Commerce, et à Maître Isabelle Robert-Védie, avocat associé, cabinet Simon & Associés.

La proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, présentée officiellement le 19 avril dernier, a reçu un excellent accueil. François Baroin, président de l'Association des maires de France, a publiquement exprimé un soutien appuyé à cette initiative, tout comme Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France, ou encore les représentants des organisations professionnelles et économiques, à l'instar d'Alain Griset, président de l'Union des entreprises de proximité (U2P), qui fédère 2,3 millions d'entreprises commerciales, artisanales et de services.

C'est un dispositif audacieux mais équilibré qui est proposé au Sénat et qui est désormais cosigné par plus de 230 sénateurs, toutes tendances politiques confondues.

En publiant, dans ce rapport, les comptes rendus des tables rondes organisées ainsi que cette étude d'impact, vos rapporteurs souhaitent porter à la connaissance des parlementaires et du public les enjeux d'une proposition de loi qui touche bien plus que le commerce ou la concurrence, mais concerne la société que nous voulons, notre conception de la ville et du lien social.

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

TABLE RONDE DES ACTEURS DU COMMERCE DE DÉTAIL
(29 NOVEMBRE 2017)

Le mercredi 29 novembre 2017, le groupe de travail, lors de la table ronde des « acteurs du commerce de détail », a entendu : Stéphane Vergne, Union des entreprises de proximité, Membre du Conseil d'Administration de la CGAD ; Isabelle Fillaud, Chef du département Affaires juridiques, européennes et économiques de la CGAD ; Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME ; Delphine Borne, Juriste à la CPME ; Sabrina Benmouhoub, Chargée de mission Affaires publiques à la CPME ; Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer ; Olivier Bourdon, Directeur de la Fédération des boutiques à l'essai ; Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement ; Nathalie Guidé, Déléguée administrative de la Fédération nationale des détaillants en maroquinerie et voyage.

Martial Bourquin, rapporteur. - Merci d'avoir répondu à cette invitation. Nous allons vous poser une série de questions, pour lesquelles nous attendons des réponses. Nous souhaiterions proposer des propositions législatives et réglementaires concrètes à la mi-décembre 2018, susceptibles de créer un véritable renouveau des centres-villes et des centres-bourgs.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Pour que le débat reste interactif et vivant, je vous remercie d'apporter des réponses concises. D'abord, comment expliquez-vous la réduction de l'attractivité des centres-villes ? Quelles sont les difficultés d'adaptation que vous rencontrez en tant que commerçants de détail ? Comment remédiez-vous à une éventuelle fuite de vos commerces vers les périphéries ? Quels types de commerce souffrent ou résistent le mieux au phénomène ?

Stéphane Vergne, Union des entreprises de proximité, Membre du Conseil d'Administration de la CGAD. - La perte d'attractivité des centres-villes ces dernières années est facile à comprendre. La prolifération des centres commerciaux, qui ont reconstitué des centres-villes en périphérie, avec des parkings gratuits, desservis par des services de transports en commun, en est la cause majeure. Les villes ayant le mieux résisté sont généralement celles dans lesquelles des halles alimentaires ou commerces de rue alimentaires très structurés et bien pensés existaient. Je prendrai comme exemple le Nord de l'Italie et la Catalogne, dans lesquelles les traditions de commerce de centre-ville résistent très bien sans que le coût de la consommation soit plus élevé que le nôtre. Ces régions ont su préserver tout un secteur de leur économie, celui des PME, parce que le tissu commerçant était moins concentré.

Isabelle Fillaud, Chef du département Affaires juridiques, européennes et économiques de la CGAD. - Les activités alimentaires sont celles qui résistent le mieux en centre-ville, comparées aux autres. Cependant, celles-ci aussi sont impactées, comme l'ensemble des commerces, lorsque les problèmes urbains rencontrés en centre-ville se multiplient : logements vacants, problèmes de circulation, etc. La vétusté des locaux commerciaux est aussi l'une des raisons pour lesquelles beaucoup de commerces ont quitté les centres-villes au profit de périphéries. Le secteur alimentaire est représentatif car il draine le flux des consommateurs et des autres commerçants, via les activités de quotidienneté.

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - L'érosion des centres-villes s'explique aussi par l'augmentation des loyers des particuliers, alors que les logements ne sont pas réhabilités par les bailleurs. La tendance à l'achat immobilier en périphérie est alors très forte.

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - Il s'agit véritablement d'un problème de société. A la CPME, nous avons saisi le président de la République dans un courrier en août dernier, considérant que la désertification du centre-ville mettait en danger l'unité, l'harmonie et la solidarité de notre société. Nous avons également écrit à l'Éducation Nationale pour que nous nous saisissions tous ensemble des enjeux de cohésion du territoire. Nous n'avons pas abordé l'aspect fiscal, qui peut lui aussi expliquer le départ des commerçants.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Nous avons conscience de ces problématiques. Nous aimerions entendre de votre part des suggestions de solutions. Comment ramener les habitants en centre-ville ?

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - Le problème est en effet beaucoup plus général, il concerne le vivre-ensemble et la cohésion sociale.

Martial Bourquin, rapporteur. - Constatez-vous un impact des difficultés de stationnement pour les clients sur le commerce de centre-ville ? La concurrence des grandes surfaces en périphérie vous paraît-elle déterminante ? Comment jugez-vous l'action des CDAC ? Estimez-vous qu'ils fonctionnent correctement ? Si tel n'est pas le cas, par quel type de régulation les remplacer ?

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - L'impact des grandes surfaces sur le centre-ville s'est traduit il y a quelques décennies. Nous nous sommes organisés face à elles. Le problème majeur est celui du e-commerce. Le paysage des commerçants appartenant à la Fédération française de l'Équipement du Foyer que je préside est extrêmement diversifié et les TPE sont grandement démunies face au commerce numérique. Nous avons beaucoup de difficulté à convaincre ces petites entreprises de passer à la numérisation, faute de compétence et de confiance. La disparition de ces entreprises fera émerger de nombreux chômeurs et perdre de nombreuses taxes. Un commerçant reverse en effet une partie importante de ses bénéfices à la collectivité, contrairement à une grosse structure.

Martial Bourquin, rapporteur. - Faut-il élargir davantage ce commerce à la périphérie des villes ? Nous voyons aujourd'hui en CDAC émerger des projets dans lesquels des galeries marchandes attirent des commerçants du centre-ville. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - Quel est l'intérêt pour un commerçant de dévitaliser son centre-ville ? Vous nous avez demandé de vous fournir des statistiques. L'activité de la grande distribution est en baisse de 1,5 %, y compris en e-commerce. Est-il envisageable de concilier e-commerce, pour la commande d'un produit, et commerces de proximité, pour sa récupération par le particulier ?

Isabelle Fillaud, Chef du département Affaires juridiques, européennes et économiques de la CGAD. - Il est clair que la présence d'une grande surface alimentaire et de commerces indépendants dans une galerie marchande, crée un nouveau pôle commercial en périphérie, qui nuit aux centres-villes. Les hypermarchés reproduisent de plus en plus les mécanismes de l'alimentaire de proximité, à travers la re-création de rayons artisanaux ou en mettant en valeur les circuits locaux de consommation.

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - Il me semble aujourd'hui nécessaire d'interroger l'outil de régulation. Faut-il le renouveler ? Nous avions évoqué les premiers un plan Marshall de la revitalisation des centres-villes. N'opposons pas les formes de commerce et les commerçants entre eux, remettons au contraire l'activité commerçante face aux consommateurs, qui font le choix final. Les commerces de centre-ville ne sont plus adaptés aux attentes du consommateur contemporain ; à nous d'y répondre. Faisons en sorte de rassembler les bailleurs en cas de problème de vacance de locaux commerciaux. Certaines villes se sont saisies du problème et ont réussi à trouver des solutions.

En ce qui concerne l'outil de régulation, si les CDAC me semblent nécessaires à l'échelle départementale, ce n'est pas le cas de la CNAC au niveau national. Il me semble au contraire qu'au niveau régional il serait bon de mettre en place des commissions régionales, avec des seuils de mètres carrés stabilisés. Nous avons aujourd'hui un seuil de 400 mètres carrés déterminant la catégorie MAC1 dans les bases locatives ; conservons-le. L'outil de régulation est au coeur de notre problématique et ne doit pas être laissé sous la responsabilité de la DGE, qui a aujourd'hui à la fois la main sur l'autorisation et la construction. L'ensemble des enjeux d'urbanisme devraient être concentrés dans le portefeuille de l'aménagement du territoire.

Martial Bourquin, rapporteur. - L'offre de surfaces commerciales entre centres-villes et périphérie est aujourd'hui complétement déséquilibrée. Pensez-vous que l'installation de grandes enseignes en centres-villes pourrait aider à résorber ce problème et à revitaliser les centres-villes ?

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - Ce pourrait être une piste d'amélioration, déjà engagée dans certaines villes, mais il est nécessaire d'exercer un contrôle de ces ouvertures commerciales, afin que l'installation d'une grande enseigne en centre-ville ne pousse pas à la fermeture quatre ou cinq petits commerces pré-existants. Ces démarches doivent être encadrées de manière impartiale. Multiplier la création de surfaces commerciales n'est pas une fin en soi.

Un intervenant. - Les études d'impacts économiques ne sont plus mises en oeuvre. On ne tient plus compte de la population, de son pouvoir d'achat et de l'évolution de ce dernier. La multiplication des surfaces n'augmentera pas le pouvoir d'achat sur la zone de chalandise.

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - La Directive Services pourrait être réétudiée.

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - C'est ce que nous demandons à la CPME, puisque cette Directive a conduit à la disparition des professionnels et des études d'impacts. Nous ne pouvons que le regretter.

Stéphane Vergne, Union des entreprises de proximité, Membre du Conseil d'Administration de la CGAD. - Actuellement, les CDAC ne fonctionnent pas correctement, et l'appel des décisions rendues par les CDAC devant la CNAC fait rarement l'objet d'un refus de délivrer l'autorisation d'implantation commerciale. Si nous réinstallions les grandes enseignes en centre-ville, les petits commerces risquent de disparaître et nous aurions alors des grandes surfaces en centre-ville. Est-ce la société que nous souhaitons ?

Martial Bourquin, rapporteur. - Je ne parlais pas de grandes surfaces mais de commerces de 100 ou 200 m², qui proposent une offre très intéressante au même prix qu'à la périphérie. La question des prix est en effet importante.

Stéphane Vergne, Union des entreprises de proximité, Membre du Conseil d'Administration de la CGAD. - Dans ce cas-là, j'adhère pleinement à cette intention. Je déplore seulement que le déplacement des commerces du centre-ville vers la périphérie ait été encouragé par les politiques publiques locales (parking gratuit, transports en commun). C'est un problème sociétal ; quelle société souhaitons-nous ? Si nous souhaitons conserver une diversité, celle-ci passera par la conservation du patrimoine existant, notamment gastronomique. Je vous invite à voir comment les Italiens défendent le leur.

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - Les périphéries ne sont pas un modèle de réussite à reproduire en centre-ville, puisqu'elles souffrent aussi par exemple du changement de comportement des consommateurs. Ainsi, à l'occasion de la journée du « Black Friday », Amazon a réalisé un chiffre d'affaires supérieur de 40 % à celui de l'année précédente sur la même journée. Il est nécessaire de collaborer avec l'ensemble des commerçants, afin qu'ils réussissent cette transition, et de renforcer les mesures fiscales et sociales permettant de réintégrer les commerces dans les centres-villes. Nous proposons ainsi l'extension des ZFU sur les centres-villes, afin de faciliter l'implantation des commerçants.

Martial Bourquin, rapporteur. - Cette hypothèse est envisageable, nous sommes ouverts aux propositions. Vous avez évoqué le commerce en ligne. Je vous invite à nous parler de ces expériences.

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - La CPME travaille au sein d'une Commission numérique, dont Delphine Borne est la technicienne du dossier.

Delphine Borne, Juriste à la CPME. - La Commission numérique de la CPME cherche depuis sa création il y a six ans à accompagner les commerçants dans la transition vers les outils numériques. Nous visons toutes les cibles, y compris les plus réticents et démunis. La création de « chéquiers numériques » permettrait dans ce cadre de les aider pour les premières démarches (création d'un site internet, achat de matériel informatique, formation au numérique), ainsi que la création d'un guichet unique d'information sur les aides au numérique. Nous travaillons avec la DGE sur ce dossier. Nous avons organisé cet été des Trophées du numérique qui permettent de communiquer par l'exemple et les bonnes pratiques. Nous avons lancé des candidatures auprès de nos PME adhérentes, et eu connaissance de cas extrêmement intéressants de diverses professions dites « professionnelles » passées au numérique, et qui ont pourtant poursuivi leur activité professionnelle. Beaucoup de petits commerçants craignent en effet que la transition vers le numérique ne mette en péril leur activité professionnelle.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Si les commerçants de détail sont prêts à faire le pas vers ce système de vente, une concurrence avec les gros acteurs du commerce numérique est possible. En Auvergne, une entreprise a lancé un site mettant en réseau les commerçants de détail du territoire. Comment le législateur peut-il aider en ce sens ? Une telle démarche suppose qu'une entreprise dispose des connaissances nécessaires en la matière.

Delphine Borne, Juriste à la CPME. - Le législateur pourrait accompagner et communiquer. Nous demandons dans ce sens la mise en place d'un annuaire des prestataires du numérique.

Martial Bourquin, rapporteur. - Ne faudrait-il pas plutôt mettre en avant l'offre globale d'un centre-ville, plutôt que de travailler de manière individuelle ? Une plate-forme globale de commerces et de services du centre-ville serait-elle pertinente ? Les politiques publiques, avec votre aide, pourraient-elles permettre de numériser les centres-villes ?

Delphine Borne, Juriste à la CPME. - La CPME réfléchit en effet à des solutions similaires. En revanche, en termes de formation, les commerçants doivent être initiés au numérique, d'où l'idée de faire appel à des prestataires.

Rémy Pointereau, rapporteur. - À ce stade du débat, nos collègues pourraient s'exprimer pour poser leurs questions.

Martine Berthet. - La présence de franchises dans les centres-villes s'accroît. Qu'en pensez-vous ? La disparition du commerce de proximité familial ne fait-elle pas baisser l'attractivité ? Quel est votre avis sur la piétonisation induite par la tenue de marchés hebdomadaires ? Qu'en est-il des boutiques à l'essai ? Vous avez par ailleurs évoqué à de nombreuses reprises le numérique. Une réflexion est-elle menée sur le parcours client et l'accueil des clients ? Un certain nombre de plaintes des clients sont en effet relevées à cet égard.

Stéphane Vergne, Union des entreprises de proximité, Membre du Conseil d'Administration de la CGAD. - Il y a une tendance, contraire à celle des fermetures des années 1980, à la réouverture des marchés et des halles. C'est une excellente initiative qui crée des lieux de vie, rencontre un franc succès et correspond parfaitement aux attentes actuelles du consommateur qui se soucie de l'origine et des méthodes d'élaboration des produits artisanaux qu'il achète. Le flux de consommateurs drainé par ces marchés ne peut être que bénéfique pour les commerces environnants. Concernant l'accueil, des écueils peuvent évidemment exister mais ce problème me semble minime.

Olivier Bourdon, Directeur de la Fédération des boutiques à l'essai. - Le principe des boutiques à l'essai existe depuis 1993. Il vise à faire occuper par des créateurs d'entreprise des boutiques en test pendant six mois, renouvelable une fois. 40 villes de France mettent en place cette action. Aujourd'hui, beaucoup de Français veulent entreprendre et devenir commerçants, c'est une source de revitalisation potentielle. Ces personnes apporteront du renouveau dans les centres-villes. Le montant des loyers, trop élevé, est par ailleurs problématique. Pour encourager les propriétaires à louer davantage leurs locaux commerciaux, nous militions pour la mise en place d'un fonds de garantie des loyers impayés pour les locaux commerciaux. Nous nous sommes renseignés auprès de plusieurs compagnies d'assurance ; de telles garanties n'existaient pas à destination des professionnels. Je rejoins par ailleurs l'avis de la CPME qui proposait de transformer les centres-villes en ZFU. Nous devons offrir aux personnes qui souhaitent entreprendre des exonérations de cotisations. L'objectif des boutiques à l'essai est de tester des concepts et d'apporter du sang frais dans les entreprises. La fraîcheur et la nouveauté qu'apportent ces nouveaux commerçants compensent l'épuisement des commerçants vétérans qui déchantent après avoir connu une époque faste.

Philippe Mouiller. - Quelle est votre vision des associations commerçantes de centre-ville ? Leur rôle a-t-il évolué en termes d'animation des centres-villes ? Quelle est votre relation avec l'ANRU, notamment sur le plan d'aménagement urbain ? Y a-t-il un enjeu de formation professionnelle et de transmission des fonds de commerce ? Connaissez-vous de bons exemples de villes moyennes françaises, face aux difficultés rencontrées ?

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - Les associations de commerçants sont extrêmement difficiles à maintenir et organiser. Elles ne bénéficient d'aucune aide. Notre fédération a noué un partenariat avec le CMCV (Club des Managers de Centres-Villes). Ces managers sont aujourd'hui payés par la mairie ou par les associations de commerçants qui ont la puissance de le faire. Dans chacun de ces deux cas, la collaboration est difficile avec l'autre entité alors que cette profession pourrait être une piste d'amélioration. Nous devons parvenir à mutualiser cette profession et à la rendre incontournable.

Stéphane Vergne, Union des entreprises de proximité, Membre du Conseil d'Administration de la CGAD. - Nous avons fait une proposition pour inciter au regroupement des acteurs et commerçants du centre-ville au sein d'une structure représentative. Le manager est parfois perçu comme un outil politique au service du maire s'il est rémunéré par lui, ou comme un problème envoyé par les commerçants. Concernant les professionnels, nos commerçants rencontrent de réelles difficultés à recruter. Le phénomène des reconversions de vie est aujourd'hui très présent. Des personnes ayant effectué de longues formations, apportant un regard nouveau, deviennent élèves dans nos écoles professionnelles pour apprendre les fondamentaux du métier. Ce n'est pas le manque d'entrepreneurs qui empêche la création de nouveaux commerces, mais la difficulté de recrutement de salariés.

Isabelle Fillaud, Chef du département Affaires juridiques, européennes et économiques de la CGAD. - Au sein de la commission de concertation du commerce, une recommandation a porté sur la coordination des acteurs. La transmission des entreprises est par ailleurs un enjeu crucial, notamment dans le secteur alimentaire, où les investissements sont très lourds pour la reprise ou la création d'une entreprise. Il est nécessaire d'anticiper le plus en amont possible la transmission et de l'accompagner pour éviter que des commerces ne ferment. La professionnalisation est aussi un point capital, notamment pour les entreprises non sédentaires.

Éric Kerrouche. - Faut-il maintenir les CDAC au seuil actuel ? Faut-il interdire les galeries marchandes ? Comment assurer la neutralité des études de faisabilité économique des projets ? Concernant les plateformes de e-commerce, quel est le bon maillon pour structurer notre concurrence face aux GAFA ?

Élisabeth Lamure, présidente de la Délégation aux entreprises. - La question numérique me semble un enjeu majeur à l'heure des vitrines connectées. A la recherche d'un produit, le client se dirige plus naturellement vers un commerçant le proposant sur son site internet. Envisagez-vous d'accompagner financièrement les commerçants dans leur formation et éventuellement leur acquisition de matériel ?

Christian Manable. - Vous évoquiez le problème du recrutement dans les commerces de détail. L'apprentissage ne serait-il pas une solution à la pénurie de salariés ? Par ailleurs, pour répondre à l'encombrement des centres-villes, aux problématiques de stationnement et d'accès pour les véhicules, pouvons-nous conjuguer des commandes passées sur internet avec une livraison à domicile par drones ? Cette technologie est d'ores et déjà opérationnelle.

Joël Labbé. - En ce qui concerne la mixité de fonctions, à une certaine époque, des activités industrielles compatibles avec les centres-villes (comme les imprimeries) en ont été évincées et y reviennent actuellement. Quel est votre point de vue sur ce phénomène ?

Par ailleurs, nous assistons à une aspiration croissante à une relocalisation de l'alimentation. Il est nécessaire de mettre en place des filières de transformation et de distribution de produits alimentaires de proximité. Comment percevez-vous cette question, en tant qu'acteurs de centres-villes et de centres-bourgs ?

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - Concernant les CDAC, il convient de se référer au seuil de 400 m2 inscrit à l'administration fiscale dans la taxe sur les valeurs locatives. Au-delà de ce seuil, un petit commerçant doit payer la TASCOM, qu'il s'agit de ne pas l'augmenter. Des réseaux de magasins totalisent parfois 4 000 m², et doivent eux aussi payer cette taxe.

Il faudrait en parallèle réduire le seuil en deçà duquel aucune autorisation d'implantation commerciale n'est nécessaire, à 400 m ².

Il faut en revanche refonder complétement l'outil de régulation. Les CDAC ne remplissent plus leur rôle de façon satisfaisante.

Martial Bourquin, rapporteur. - Savez-vous combien de surfaces commerciales ont été créées en 2016 ?

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - Elles représentaient 4,5 % de l'existant. Dans notre plan Marshall, nous demandons le gel de création de surfaces commerciales en périphérie des centres-villes.

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - Il faut dans ce cas être très vigilant pour que la pression immobilière qui s'exercerait alors sur les centres-villes n'évince pas les petits commerces.

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - Une visite à Boston en juin dernier m'a permis de me rendre compte de la situation extrême là-bas. En 2020, 25 % des malls aux États-Unis fermeront.

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - Notre fédération a créé une plateforme à destination de nos commerçants, pour les aider à embrasser le numérique. Nous ne disposons cependant pas des moyens nécessaires. Le chantier de la transition numérique est titanesque et extrêmement coûteux. Il faut des moyens pour le mettre en place de manière efficace.

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - En plus de plateformes locales, nous pouvons imaginer des plateformes sectorielles qui permettraient de mutualiser la gestion des aléas liés au commerce numérique.

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - L'évolution vers le e-commerce ne permettra pas la réouverture des surfaces commerciales désertées en centre-ville. J'insiste à nouveau sur la nécessité d'accompagner par des mesures fiscales et sociales l'installation de nouveaux commerçants, à travers l'extension des ZFU.

Stéphane Vergne, Union des entreprises de proximité, Membre du Conseil d'Administration de la CGAD. - En ce qui concerne l'apprentissage, il est nécessaire de changer de discours sur les filières d'enseignement professionnelles, afin de donner une valeur ajoutée au métier de commerçant. L'Éducation Nationale a sa part de responsabilité. L'État n'a pas favorisé l'apprentissage comme il aurait dû le faire.

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - La question de la cohabitation entre les fonctions en centre-ville est essentielle. Il est crucial d'empêcher le départ des classes moyennes des centres-villes, c'est tout l'écosystème social qui est en jeu.

Martial Bourquin, rapporteur. - Nous souhaitons que le Sénat, qui est le représentant des collectivités, propose un plan d'action national pour les centres-bourgs et centres-villes courant 2018, en nous inspirant de vos propositions. Nous faisons ici face à un problème structurel, d'une grande importance, qui suppose d'agir à haut niveau.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je souhaiterais revenir sur les managers en centre-ville et l'enjeu de la formation des commerçants, qui est indispensable. La fédération des commerçants est encore morcelée. N'est-il pas nécessaire que l'ensemble des commerçants de centre-ville se fédèrent pour apporter une réponse collective ? Le rôle du manager du centre-ville peut être majeur dans cette optique d'animation et d'attractivité. Des journées fortes et innovantes doivent être organisées.

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - Notre fédération a créé un partenariat avec l'association des managers de centre-ville en ce sens. La CPME est par ailleurs la mieux placée pour fédérer les commerçants.

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - La question soulevée ici est essentielle, et rejoint les enjeux de capacité et de qualité d'accueil. Par la communication, nous pouvons faire évoluer les mentalités des commerçants. Les managers de centre-ville seront quant à eux efficaces s'ils ont les moyens financiers de réaliser les ambitions que nous leur prêtons.

Olivier Bourdon, Directeur de la Fédération des boutiques à l'essai. - Les managers de centre-ville ont été les interlocuteurs essentiels entre commerçants et élus, entre lesquels la communication a été rompue, dans le cadre du développement des boutiques à l'essai. Le manager de centre-ville recrée le lien de confiance. Cette interface humaine et concrète est indispensable si nous souhaitons sauver nos centres-villes et y mener des actions concrètes.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Pouvez-vous citer deux évolutions législatives que vous souhaiteriez ?

Xavier Douais, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME. - Nous souhaiterions l'extension des ZFU, et la suppression du droit de préemption sur les commerces qui sont cédés pour poursuivre la même activité commerciale. Nous entendons ainsi défendre le droit du commerçant indépendant.

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - Nos petites entreprises ne supporteront pas de charges supplémentaires pour assurer la collecte de l'impôt à la source. Une action forte doit être menée en ce sens. Par ailleurs, nous demandons la mise en place d'un crédit d'impôt numérique.

Isabelle Fillaud, Chef du département Affaires juridiques, européennes et économiques de la CGAD. - Nous souhaiterions la mise en place d'un moratoire et de dispositifs d'observation qui nous apporteraient des faisceaux d'indice quant à la santé des centres-villes.

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - En ce qui concerne les documents d'urbanisme, tel que le DAAC, certains exemples sont intéressants. L'agglomération de Lorient a inscrit dans le DAAC un seuil de taux de vacance des locaux commerciaux, au-delà duquel aucune autorisation de surface supplémentaire ne peut être accordée. D'autres villes étudient la mise en place de cette disposition. Le moratoire, quant à lui, ne peut pas être national mais doit être établi par les régions, pour les régions. Nous ne sommes capables d'améliorer que ce que nous savons mesurer. Dans les villes de moins de 20 000 habitants, 13 % du chiffre d'affaires est réalisé dans les centres-villes, et le reste dans les périphéries. En Allemagne, cette proportion s'élève à 30 % en centre-ville, 30 % dans la périphérie, et 30 % dans les quartiers.

Pascal Malhomme, Président de la Fédération Française de l'Équipement du Foyer. - Il serait en outre très utile d'encourager par tous les moyens le développement de l'apprentissage. Cela sauvera nos métiers.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Merci à vous tous pour la pertinence de vos questionnements et des pistes de réponses apportés.

TABLE RONDE DES ENSEIGNES
DE CENTRE-VILLE ET DE PROXIMITÉ (6 DÉCEMBRE 2017)

Le mercredi 6 décembre 2017, le groupe de travail, lors de la table ronde « des grandes enseignes de centre-ville et de proximité », a entendu : Régis Schultz, Président de Monoprix et représentant de l'Union du grand commerce de Centre-Ville ; Pierre Pelarrey, Directeur général du Printemps Haussmann ; Mélanie Pauli-Geysse, Responsable des affaires publiques du Groupe Printemps ; Virginie Grimault, Secrétaire général de la fédération de l'Épicerie et du Commerce de Proximité ; Gérard Dorey, Président de la Fédération de l'Épicerie et du Commerce de Proximité ; Claude Boulle, Président exécutif de l'Alliance du commerce ; Yohann Petiot, Directeur général de l'Alliance du commerce ; Guillaume Simonin, Responsable des affaires économiques de l'Alliance du commerce ; Olivier Bron, Directeur du réseau des Galeries Lafayette ; Florien Ingen-Housz, Directeur de la stratégie du groupe Fnac-Darty ; Claire Ponty, Responsable des affaires publiques du groupe Fnac-Darty.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Nous sommes heureux de vous accueillir pour cette table ronde consacrée aux enseignes de centre-ville et proximité, dans le cadre d'une réflexion sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs.

Cette table ronde est retransmise en direct sur le site Internet du Sénat. Je remercie les intervenants d'être présents parmi nous.

Je rappelle les contours et l'objectif de notre groupe de travail. Le groupe sénatorial pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs est composé de 18 sénateurs représentatifs de tous les groupes politiques, des six commissions permanentes concernées, et des délégations aux collectivités territoriales et aux entreprises.

Le constat est désormais clair et partagé par tous : trop de centres-villes et de centres-bourgs souffrent et se fragilisent. La fermeture des commerces est la partie visible de l'iceberg. Elle a permis de prendre conscience d'un problème qui dépasse le commerce, puisqu'il touche à l'habitat, aux équipements, aux infrastructures ou encore aux normes d'urbanisme.

L'enjeu pour l'avenir, à notre avis, n'est rien moins que la conception que nous avons de la ville et du lien social. Veut-on la pérennité de la ville à l'Européenne, avec un centre - lieu de vie sociale, citoyenne, culturelle, religieuse - en un mot, un lieu de vie collective et d'identité ?

C'est la question que nous devons nous poser.

La dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs est en effet une problématique qui rencontre un écho grandissant dans les territoires. C'est pourquoi le Sénat, qui représente les territoires, s'est saisi du dossier. Cette institution a un rôle à jouer dans l'aménagement du territoire.

Je rappelle que nous avons publié un rapport d'étape sur la dévitalisation des centres-villes en juillet 2017.

Puisque le constat est établi, notre objectif est désormais de dégager des solutions, ce qui conduira à une proposition de loi, d'ici la troisième conférence des territoires je l'espère.

Les questions que nous allons vous poser aujourd'hui se ramènent au fond à une interrogation : que peuvent faire concrètement les pouvoirs publics et, en particulier, le législateur, pour aider le commerce de centre-ville à survivre et à retrouver le chemin du développement ?

Quelles solutions législatives vous semblent les meilleures ? Au contraire, faut-il moins légiférer et s'attacher à déterminer des solutions pragmatiques ?

Nous vous poserons un certain nombre de questions, parfois individuellement, parfois collectivement. Nos collègues, ici présents, s'exprimeront également sur ce sujet de la dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Ils ont à coeur de partager leur expérience au sein de villes moyennes et de milieux ruraux et de recueillir vos points de vue respectifs.

Martial Bourquin débutera cette série de questions.

Martial Bourquin, rapporteur. - Entamons ce débat avec des questions franches. Je m'adresserai à M. Schultz. Vous avez tenu des propos très fermes dans la presse. Je vous cite : « La multiplication des ouvertures de centres commerciaux de périphérie est déconnectée de l'évolution de la consommation. (...) ils offrent aux enseignes un taux d'effort (...) divisé par deux par rapport au centre-ville. Ils contribuent au dépérissement des coeurs de ville, surtout dans les petites et moyennes communes, et donc à la destruction du lien social. »

Vous évoquiez dans la foulée l'idée de mettre en oeuvre un moratoire sur les implantations commerciales. Comment concevez-vous un tel dispositif ? Comment serait-il déclenché ? En tout état de cause, ce moratoire devrait respecter le droit constitutionnel et le droit européen.

Comme alternative, que penseriez-vous de la mise en place de seuils d'alerte, rapportant par exemple les surfaces commerciales au nombre d'habitants d'une aire donnée, puis de blocage en cas d'implantations trop nombreuses ? Il pourrait également s'agir d'autoriser les collectivités territoriales à mettre en place des moratoires locaux, en fonction de leur situation.

Ces propositions vous semblent-elles pertinentes ?

Monsieur Schultz, mes questions étaient directes, j'attends de votre part des réponses qui le seront tout autant.

Régis Schultz, Président de Monoprix et représentant de l'Union du grand commerce de Centre-Ville. - Mes propos ne m'ont pas valu que des amitiés. Je rappelle que Monoprix est présent uniquement dans les centres-villes. Très peu de nos enseignes sont situées en centre commercial et aucune ne l'est en périphérie. Ma réflexion provient de l'effritement de notre chiffre d'affaires dans certaines villes. À titre d'illustration, nous générons un chiffre d'affaires de 10 000 euros au mètre carré à Paris, 7 000 euros dans une grande ville de province et 3 000 - 4 000 euros dans une ville plus petite. Ces performances d'activité se retrouvent dans les résultats de profitabilité.

Monoprix est présent dans un grand nombre de petites villes, car l'enseigne y est historiquement propriétaire. Néanmoins, nous fermons ces magasins le jour où des travaux trop importants s'avèrent nécessaires, à l'image de mise aux normes des équipements de réfrigération ou d'incendies.

S'agissant du moratoire évoqué, il ne doit pas être généralisé, mais adapté aux situations locales, au regard de l'évolution de la population et du dynamisme commercial. Dans certaines zones, nous constatons une dévitalisation commerciale, qui doit être contenue afin de protéger le centre-ville. Dans d'autres zones, il est nécessaire de continuer à créer des surfaces pour suivre l'évolution de la population ou du territoire.

Aujourd'hui, un dispositif existe en France, mais il s'est vu dévoyé par une surtransposition de la directive européenne sur les services. Les critères économiques et la pression commerciale n'y sont plus pris en compte. De ce fait, l'autorisation d'exploitation commerciale se révèle quasi automatique. Pourtant, le dispositif précédent fonctionnait globalement de manière satisfaisante.

Comme à son habitude, le gouvernement français blâme l'Union européenne, alors que le critère économique figurait dans la directive européenne.

S'agissant des CDAC, il est nécessaire aujourd'hui de mieux intégrer l'échelon intercommunal, afin d'éviter une concurrence territoriale, mais également de remettre le critère économique au centre de la loi. En cas de surtension commerciale, les ouvertures de magasins doivent être interdites. Les moratoires doivent donc être locaux.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je poserai une question qui s'adresse à chacun d'entre vous. Vos enseignes sont considérées comme des locomotives dans leurs secteurs respectifs. Quels éléments vous encouragent-ils, ou à l'inverse vous découragent, à vous installer en centre-ville ou en périphérie, ou encore à privilégier un centre-ville plutôt qu'un autre ?

Ma question suivante s'adresse plus particulièrement à la Fnac. Vous disposez d'implantations en centre-ville, comme à Bourges, mais également en périphérie proche, à l'image de Vannes. Quelles évolutions du cadre législatif et réglementaire seraient-elles susceptibles d'infléchir vos choix en faveur d'un centre-ville ? Je pense à la fiscalité, avec l'élargissement des ZFU, aux normes d'urbanisme ou encore aux parkings.

Florien Ingen-Housz, Directeur de la stratégie du groupe Fnac-Darty. - La Fnac est historiquement une enseigne de centre-ville, disposant de points de vente à taille élevée, de l'ordre de 2 000 à 2 500 m².

Stratégiquement, nous souhaitons maintenir ce modèle de développement en centre-ville. C'est pourquoi nous avons étendu notre présence à des centres de petites villes, en implantant des magasins de surfaces plus restreintes afin d'étendre ce modèle de centre-ville dans des villes plus petites.

L'accessibilité, liée à l'existence de parkings, constitue un point important pour la Fnac. C'est moins le cas pour nos enseignes Darty en raison de la typologie de produits, plus volumineux, qui sont souvent livrés à domicile.

Concernant les mécanismes de type ZFU, nous sommes ouverts au dialogue afin de pérenniser notre présence en centre-ville. Nous y tenons un rôle sociétal d'animation. Nous sommes confrontés à des réalités économiques telles que la pression sur le foncier et les difficultés d'accès.

Les incitations économiques à se rendre dans des centres commerciaux en périphérie sont aujourd'hui fortes. C'est pourquoi la Fnac a installé des enseignes en périphérie ces dernières années. Il s'agit d'une réponse stratégique à des contraintes, plus que d'un choix délibéré.

Globalement, nous croyons aux vertus des incitations plus que des mesures coercitives sur ce débat de l'animation des centres-villes. Nous venons d'annoncer l'ouverture de 200 nouvelles franchises Fnac et Darty, dont certaines d'entre elles seront en périphérie. Notre ambition est toutefois de poursuivre notre rôle d'animation des centres-villes, en prenant en compte les contraintes économiques existantes. Nos magasins présents en périphérie ne doivent donc pas être pénalisés fiscalement.

Martial Bourquin, rapporteur. - Mis à part la rentabilité, quels sont vos critères essentiels dans le choix de vous installer ou non en centre-ville ?

Florien Ingen-Housz, Directeur de la stratégie du groupe Fnac-Darty. - Notre stratégie historique établissait une limite naturelle à notre présence, sur une surface de 2 500 mètres carrés, dans des villes comptant au moins 50 000 ou 60 000 habitants. Cette politique représente l'ADN de la FNAC. Néanmoins, ces dernières années, nous avons eu tendance à nous implanter dans des villes plus petites, avec des surfaces parfois de 400 mètres carrés, mais également en périphérie. Les prix au mètre carré et l'implantation des enseignes environnantes ont guidé nos choix d'implantation. Il est important de se situer dans une zone de trafic.

Nous souhaiterions aujourd'hui renouer avec notre tropisme historique et jouer pleinement notre rôle d'animation sociétale en centre-ville.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Monsieur Bron, les Galeries Lafayette sont présentes dans des villes de taille plus importantes. Avez-vous un seuil démographique prédéfini ?

Olivier Bron, Directeur du réseau des Galeries Lafayette. - Le seuil des 50 000 habitants, évoqué précédemment, s'avère conforme à nos pratiques. Toutefois, nous sommes également présents dans des villes de taille plus restreinte, telle que Saintes, Libourne etc. Nos magasins réalisent ainsi de 3 à 100 millions d'euros de chiffre d'affaires. Par ailleurs, 90 % de nos magasins se trouvent en centre-ville.

J'attire votre attention sur le fait qu'un magasin est un animal très sensible. Les structures de coûts fixes représentent un enjeu majeur. Une différence de 5 % de chiffre d'affaires fait la différence entre un magasin rentable ou non. La notion de mètre carré est donc essentielle dans notre métier, car elle conditionne la rentabilité d'une enseigne.

Notre modèle de distribution s'est révélé prolifique par le passé, mais nous traversons actuellement une période compliquée. Ainsi, nous connaissons une baisse de nos marchés sur l'habillement au cours des dix dernières années. La multiplication des mètres carrés et le fort développement du e-commerce en sont à l'origine. Globalement, la productivité du mètre carré dans notre secteur a chuté de 25 à 30 %.

En centre-ville ou en périphérie, la multiplication des mètres carrés est une problématique majeure.

S'agissant de la fiscalité, les magasins situés en périphérie sont favorisés. Les Galeries Lafayette exploitent 33 magasins en centre-ville qui datent d'avant 1930. L'entretien de ces sites s'avère bien plus coûteux que des enseignes neuves en périphérie, notamment au regard de leur remise aux normes. À ce titre, les immeubles historiques du Groupe, qui font partie de l'architecture d'une ville, requièrent des investissements considérables.

L'activité de commerce nécessite de la sécurité, de l'accessibilité et de l'animation. L'implantation d'un magasin Galerie Lafayette, accompagnée de plusieurs millions d'euros d'investissements en marketing, ne suffit pas à la réussite du projet, même en tant que « locomotive ». L'existence d'un tissu commerçant environnant (restaurants etc.), d'un écosystème dynamique est nécessaire.

Une problématique de compétences se pose également. En périphérie, les centres commerciaux sont gérés par des professionnels, qui proposent des services spécifiques et des loyers bas. Qui s'occupe de la commercialisation des centres-villes aujourd'hui ? Elle est prise en charge par une multiplicité d'acteurs (propriétaires, élus) qui ne sont pas toujours compétents.

Au final, les différences avec la périphérie sont notables et il s'avère difficile d'implanter et de maintenir un magasin en centre-ville. Des changements fiscaux permettraient de réajuster les situations localement entre centre-ville et périphérie.

Régis Schultz, Président de Monoprix et représentant de l'Union du grand commerce de Centre-Ville. - J'approuve cette analyse. J'ajoute que l'ensemble des normes à respecter (circulation, incendie...) devient considérable dans le cas d'un bâtiment historique. Il s'avère alors difficile de réaliser de nouveaux aménagements.

Par exemple, nous fermerons un magasin, car il nous est demandé de refaire l'installation complète du froid, à hauteur de 1,5 million d'euros. Au regard de ses performances économiques, ces investissements n'auraient aucun sens.

Par ailleurs, nous devons installer des ascenseurs dans l'ensemble de nos magasins, ce qui coûte 150 000 euros pièce. Les normes nous contraignent également à élargir les allées, ce qui réduit la surface linéaire et le chiffre d'affaires. Tandis que les bâtiments de périphéries sont neufs et ainsi beaucoup plus flexibles pour s'adapter à ces normes.

In fine , la logique économique et la multiplication des normes incitent fortement à s'installer en périphérie. Il est intenable de rester en centre-ville actuellement.

S'agissant de la fiscalité, il faut également prendre en compte le déséquilibre entre ventes sur internet et en magasins. La fiscalité est basée sur des actifs et donc une taxe foncière. S'y ajoute la taxe sur la collecte des ordures, alors même que nous prenons en charge ces dernières dans nos magasins. Lorsque j'étais à la tête de Darty, j'avais calculé que nos ventes physiques étaient trois fois plus taxées que nos ventes dématérialisées.

Ce niveau de taxation augmente considérablement les coûts fixes et décourage les implantations en centre-ville. Une taxation variable, basée sur le chiffre d'affaires ou les bénéfices réalisés, aurait plus de sens. Les taxes foncières tuent le commerce et par extension le lien social des centres-villes, d'autant plus que les collectivités ont tendance à augmenter ces taxes. Il s'agit en effet de la seule variable sur laquelle elles peuvent s'appuyer pour augmenter leurs recettes.

Martial Bourquin, rapporteur. - L'établissement de zones franches au sein des centres-villes en difficulté vous paraît-il une piste pertinente ?

Olivier Bron, Directeur du réseau des Galeries Lafayette. - La moitié de notre parc de magasins se trouve dans des petites villes, dont certaines présentent des indicateurs économiques alarmants (taux de vacances, chômage, richesse produite...). Il est nécessaire de les redynamiser via une mobilisation de l'ensemble des acteurs. La réussite de chacun est conditionnée à la réussite de l'écosystème. À ce titre, cette piste de ZFU, prévue pour une durée déterminée me semble intéressante. J'insiste sur le fait que l'ensemble de l'écosystème du centre-ville doit bénéficier de ces aides.

Pierre Pelarrey, Directeur général du Printemps Haussmann. - J'approuve cette idée de zones franches. Je souligne que les premières années suivant l'implantation d'un magasin sont cruciales. Le temps que la profitabilité s'étoffe (dans les deux à trois premières années), les coûts fixes ne doivent pas peser trop lourdement dans l'exploitation. Ce sujet, qui détermine la survie du projet, est d'autant plus critique pour les petits commerces.

La qualité et la variété de l'écosystème sont également des données importantes. Les centres commerciaux disposent actuellement d'un avantage fonctionnel. L'avantage des centres-villes doit être « expérientiel », c'est-à-dire qu'il doit représenter un parcours pour les habitants et les clients. Dans ce cadre, l'activité touristique peut stimuler l'attractivité d'un coeur de ville, si l'activité culturelle est ouverte sur le centre-ville. Des ressources sont à exploiter sur cette thématique.

Dans un certain nombre de villes moyennes, il existe peu d'activité le week-end, même si ces communes disposent de ressources patrimoniales et culturelles. Pour les exploiter au mieux, il faut élargir leurs horaires d'ouverture et rendre possible l'ouverture dominicale. Les commerces doivent également bénéficier de l'ouverture le dimanche.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Monsieur Dorey, souhaitez-vous intervenir sur les thématiques qui viennent d'être évoquées ?

Gérard Dorey, Président de la fédération de l'Épicerie et du Commerce de Proximité. J'approuve bien entendu les actions qui visent à alléger les charges des commerces et à faciliter leurs installations. Le commerce proximité a vocation à se trouver dans les centres-villes. Un certain nombre de facteurs contribuent à sa réussite.

Le premier élément a trait à l'accessibilité. Les gens qui se rendent en centre-ville doivent pouvoir circuler et se garer. Les villes qui réussissent, à l'image de Rueil, mettent à disposition des parkings et les commerces vivent. Au sein de ces parkings figurent également des zones bleues, afin de faciliter le turnover . Les arrêts minute se révèlent également salutaires pour un certain nombre de commerçants, puisqu'ils contribuent à générer du flux.

Le deuxième élément tient au fait que le commerce de proximité est composé d'indépendants. Il est nécessaire de leur accorder la liberté d'ouvrir leur commerce selon l'amplitude horaire qui leur convient, sans légiférer sur ce sujet. Un commerce de proximité doit être ouvert quand il existe des clients. Par conséquent, l'ouverture dominicale doit être permise.

Un certain nombre de commerces parisiens, dont l'ouverture était tolérée le dimanche, ont vu se succéder récemment les contrôles de l'inspection du travail. Pour certains, il résulte de cette fermeture dominicale une perte de 10 % du chiffre d'affaires hebdomadaire. En outre, cette ouverture dominicale s'avérera positive pour l'emploi des étudiants.

En résumé, l'accessibilité et la liberté d'ouvrir son commerce constituent les éléments clefs pour pérenniser l'activité en centres-villes.

Les hyper et les supermarchés qui ouvrent le dimanche matin ont un impact considérable sur les petits commerces. Je connais un commerçant dans la zone de Vélizy, dont le chiffre d'affaires a baissé de 10 à 15 % le dimanche, suite à ce type d'ouverture. Il faut donner un espace de vie au commerce de proximité.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Merci pour votre intervention.

Régis Schultz, Président de Monoprix et représentant de l'Union du grand commerce de Centre-Ville. - J'ajoute que l'évolution de la fiscalité doit être identique pour tous les commerçants. Les aides ne doivent pas s'adresser uniquement aux nouvelles installations de commerce, au risque de créer des effets d'aubaine. La taxe foncière doit être abaissée ou indexée sur la performance économique. Dans le cas contraire, le commerce physique se meurt.

Martial Bourquin, rapporteur. - Notre rapport doit conduire à l'identification de leviers efficaces et à la mise en place d'un plan d'action. Si vous deviez retenir quatre ou cinq points fondamentaux, relevant du législateur ou du gouvernement, pour faciliter la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, quels seraient-ils ?

Le commerce est fondamental dans l'existence d'un centre-ville dynamique. Cependant, il faut également prendre en compte le départ des professions libérales, telles que les médecins, pour appréhender la profondeur de cette dévitalisation. Le centre-ville a un rôle sociétal, que n'a pas le centre commercial.

Vous avez déjà avancé quelques idées cohérentes. Ainsi, ne pas augmenter le nombre de mètres carrés commerçants dans des zones où la consommation stagne est une piste intéressante. Nos actions ne doivent pas être générales, mais s'inscrire dans des contextes locaux. Les CDAC devraient signaler les zones en difficulté aux services de l'État.

Pouvez-vous suggérer d'autres éléments de réflexion ?

Rémy Pointereau, rapporteur. - Monsieur Boulle, vous avez réalisé des propositions en termes de simplification, il me semble.

Claude Boulle, Président exécutif de l'Alliance du commerce. - Il ne peut exister de commerce sans commerçants. C'est pourquoi une ambitieuse politique d'aide doit être menée pour soutenir la création et le maintien de leur activité, quel que soit leur statut. Nous représentons traditionnellement les succursalistes du centre-ville plus que les indépendants, mais il ne peut exister une locomotive sans wagon.

Cette politique de soutien aux commerçants prendrait la forme de mesures fiscales ou d'aides à la formation, notamment sur la vente omnicanal.

Par ailleurs, pourquoi ne pas proposer des formations aux salariés dans le cadre d'un PSE afin de les sensibiliser aux métiers du commerce ? Nous devons mieux valoriser ce potentiel existant et l'orienter vers le centre-ville. En outre, la mise en place de ZFU doit s'inscrire dans une temporalité longue, pour donner une visibilité suffisamment importante aux investisseurs. En parallèle, des mesures d'exonérations fiscales temporaires ou définitives seraient bénéfiques.

La Tascom a explosé au cours des dix dernières années. En 2008, cette taxe atteignait 300 à 400 millions d'euros, contre 1,2 milliard d'euros cette année. Cette situation est paradoxale, puisque l'on taxe fortement l'outil de travail du commerçant sans améliorer les conditions de travail en centre-ville.

En face se tiennent des acteurs, à l'image d'Amazon, pouvant livrer 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Le jour où ces acteurs s'attaqueront à l'alimentaire, ce sera la mort des petits commerçants de centre-ville.

Nous souhaitons une régulation forte de la création de nouveaux mètres carrés commerciaux, au travers de l'établissement de seuils d'alerte ou d'un avis conforme du président d'agglomération ou de l'intercommunalité. Depuis 2008, la création de mètres carrés a été bien trop importante, il est nécessaire de réguler ce phénomène qui n'a pas été anticipé.

En outre, les différences d'aides sociales, selon les formes juridiques d'exploitation commerciale, doivent être résorbées. Par exemple, un affilié Leclerc peut actuellement bénéficier de l'aide à l'emploi, contrairement à un succursaliste disposant de 4 ou 5 salariés, mais rattaché à une société familiale de 500 personnes. C'est par le maintien d'un nombre suffisant de personnel en magasin qu'une relation de qualité se nouera avec le client.

De plus, il faudra trancher sur le sujet de la fermeture dominicale à 13 heures. Un grand nombre de Français souhaitent réaliser leur course à tout moment de la semaine. L'alimentaire est un motif de fréquentation du centre-ville et génère du flux.

Enfin, il apparaît vital de rééquilibrer la situation fiscale entre l'e-commerce (plus de 10 % du marché aujourd'hui) et le commerce physique. Lorsque je suis entré dans le commerce, neuf ans auparavant, Amazon réalisait 100 millions d'euros de chiffre d'affaires en France contre plus de 8 milliards d'euros aujourd'hui. Amazon représente le 7 e ou 8 e commerçant français de nos jours. Qu'en sera-t-il à l'avenir ? Sa productivité est colossale : Amazon dégage 1,3 million d'euros par salarié quand Carrefour atteint 300 à 350 000 euros par salarié. Un commerce d'habillement, à l'image de ceux que je représente, dégage 200 000 euros par salarié. Si de surcroît, ces pure players disposent d'avantages fiscaux, le combat est perdu d'avance. Je rappelle qu'Amazon ne paie que de très faibles montants d'impôt sur les sociétés et d'impôts locaux. Amazon paie des impôts locaux dans seulement 6 intercommunalités en France. Il existe également le problème de TVA non acquittée par un certain nombre de sites de commerce en ligne.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je vous remercie pour votre intervention. Mme Grimault souhaitait rebondir sur le thème de l'alimentaire.

Virginie Grimault, Secrétaire général de la fédération de l'Epicerie et du Commerce de Proximité. - Nos adhérents sont des commerçants alimentaires de proximité sous enseigne, dont la surface de vente peut s'étendre jusqu'à 1 000 mètres carrés. Ils sont implantés en grande partie en centre-ville, mais peuvent également être présents dans des quartiers de nouvelles centralités. À ce titre, ils participent pleinement au lien social d'un quartier. Ainsi, nous sommes très méfiants vis-à-vis de l'approche, datée, consistant à opposer centre-ville et périphérie.

Le déséquilibre le plus prégnant concerne le commerce physique et le e-commerce au regard de la fiscalité. La taxation porte sur le magasin et donc l'outil de travail des commerçants. Renforcer l'attractivité des commerces requiert des investissements lourds. Le commerce physique est d'ailleurs un plus grand pourvoyeur d'emploi que les pure players du e-commerce. La mise en place d'aide au développement pour une partie trop restreinte des commerces ne sera pas efficace. La disparition du commerce physique dans son ensemble est en jeu.

Martial Bourquin, rapporteur. - Vous estimez que l'opposition entre centre-ville et périphérie est datée et que la véritable concurrence provient du e-commerce. Je partage votre avis sur le commerce dématérialisé, néanmoins je constate que les derniers projets CDAC développés en périphérie attirent à eux les commerces de centre-ville. L'ajout de galeries à une grande surface contribue à la disparition de petits commerces en centre-ville.

Virginie Grimault, Secrétaire général de la fédération de l'Epicerie et du Commerce de Proximité. - Vous avez évoqué précédemment le problème de la dévitalisation du commerce en centre-ville. Toutefois, n'est-ce pas plutôt une conséquence qu'une cause ? Aujourd'hui, 54 % des Français vivent en périphérie contre 37 % en 1962. De plus, la part des familles résidant au sein des métropoles est de 63 % à l'échelle nationale, mais seulement de 43 % à Paris, 45 % à Lyon et 40 % à Bordeaux. Le problème de logement en centre-ville est réel. Les petits commerces se sont installés en périphérie, car ils ont simplement suivi leurs clients.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Les causes sont multiples. Si les modes de consommation ont évolué, il n'en demeure pas moins que les ouvertures de surfaces commerciales se sont multipliées dans des zones connaissant pourtant un faible dynamisme commercial et démographique. L'Allemagne et les Pays-Bas ont réussi à redynamiser leur centre-ville en dépit de mode de consommation et de contraintes similaires aux nôtres.

Je transmets la parole à mes collègues qui souhaitent réagir. Nous commençons avec François Calvet.

François Calvet. - Je suis sénateur des Pyrénées-Orientales. La petite commune de Bourg-Madame, située près de la frontière avec l'Espagne, présente un centre-ville moribond, en voie de paupérisation. De l'autre côté de la frontière, la commune de Puigcerda (9 000 habitants), dispose d'un foisonnement de commerces en centre-ville, ainsi que d'un marché manifestant une animation considérable. Cette différence se retrouve entre les centres-villes de Perpignan, en France, et de Gérone, à proximité en Espagne. Ces villes comptent environ 100 000 habitants. Comment expliquer cette différence de dynamisme commercial ?

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je transmets la parole à Nelly Tocqueville.

Nelly Tocqueville. - Nous sommes confrontés à une situation complexe. Je suis sénatrice de Seine-Maritime et maire d'une petite commune de 860 habitants près de Rouen. Un grand nombre de mes collègues élus se plaignent de la disparition des services, notamment médicaux, dans cette zone. La fermeture des commerces entraîne le départ des professions libérales ; l'inverse se produit souvent également.

Je souhaite connaître votre approche de l'accessibilité en centre-ville. Aujourd'hui, nous nous interrogeons sur les manières de limiter la présence des voitures en centre-ville, dans la métropole de Rouen, ce qui va à l'encontre de la multiplication des parkings et arrêts minute que vous suggériez précédemment. Nous privilégions les transports en commun pour développer l'accessibilité. Par ailleurs, le développement des centres commerciaux à l'extérieur des villes encourage le déplacement en voitures et donc les gaz à effet de serre.

Ne faudrait-il pas établir un dialogue entre les acteurs du commerce et les élus responsables de l'aménagement du territoire afin de développer une approche commune de l'accessibilité ?

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je vous remercie pour votre intervention. Je transmets la parole à Mme de La Provôté.

Sonia De La Provôté. - Je suis sénatrice du Calvados. Vous avez expliqué que les commerces se sont installés en périphérie pour suivre les clients. La demande a donc créé l'offre.

Il faut avoir conscience que ce groupe de travail, et plus généralement la puissance publique, se donnent pour objectif vertueux de faire revenir les médecins et les services de proximité en centre-ville. Ce sujet sera prégnant et générera des opportunités.

Nous constatons actuellement un retour des consommateurs en centre-ville au détriment des centres commerciaux de la périphérie. S'agit-il d'une tendance durable selon vous ?

Rémy Pointereau, rapporteur. - Pourriez-vous répondre aux questions soulevées par les membres de ce groupe de travail ?

Olivier Bron, Directeur du réseau des Galeries Lafayette. - Le thème de l'accessibilité est lié à la duplication de l'offre entre périphérie et centre-ville. Si l'objet dont vous avez besoin est disponible près de chez vous, vous ne vous rendrez pas en périphérie. Si l'offre est identique, l'accessibilité représente le sujet clef. Il faut créer une logique de non-duplication de l'offre à l'échelle d'un territoire. Par exemple, le centre-ville pourrait accueillir l'offre culturelle et les commerces d'habillement, tandis que la périphérie proposerait les commerces liés au sport et à la maison. Les destinations sont distinguées en fonction du type de commerces.

Régis Schultz, Président de Monoprix et représentant de l'Union du grand commerce de Centre-Ville. - L'accessibilité constitue en effet un point clef. Aujourd'hui, il est long et coûteux de se rendre en centre-ville, à l'inverse de la périphérie, qui propose des parkings gratuits et des accès routiers directs. Le client fait le choix le plus simple. La contrainte environnementale n'est pas un critère de décision. Le commerce de centre-ville souffre de cette accessibilité réduite. Aux Pays-Bas, les parkings sont payants dans les centres commerciaux, et gratuits en centre-ville.

S'agissant de l'exemple de Perpignan, l'élément de sécurité me semble important pour les consommateurs en centre-ville.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Messieurs Petiot et Simonin, pourriez-vous répondre au problème d'accès en centre-ville soulevé précédemment par Nelly Tocqueville ?

Guillaume Simonin, Responsable des affaires économiques de l'Alliance du commerce. - Il s'agit d'une problématique complexe. À Paris, 60 % des foyers ne possèdent pas de véhicules. A l'inverse, en Province, le déplacement en véhicule reste la règle. Il en ressort que les politiques anti-voiture menées par les élus de Province, à l'image des politiques mises en place à Paris, nuisent gravement au commerce de centre-ville. Je constate toutefois que certains élus reviennent en arrière sur ce sujet depuis 2014.

À mon sens, il faudrait implémenter des systèmes de course rapide et des parkings relais en centre-ville.

Le phénomène est multifactoriel. Les services publics quittent également le centre-ville pour s'installer en périphérie. Il faut mettre un frein à ces évolutions, notamment en facilitant le retour des habitants et des familles en centre-ville via une offre de logement conséquente.

Cette stratégie urbaine s'élaborerait au niveau intercommunal et de l'agglomération.

Martial Bourquin, rapporteur. - Sur les questions de circulation, nous constatons que la mise en place de zones piétonnes par les maires de villes moyennes conduit à la disparition des commerces. Cette situation nécessite un dialogue permanent avec les maires.

Guillaume Simonin, Responsable des affaires économiques de l'Alliance du commerce. - Le maire ne doit pas prendre de décision en termes d'aménagement de circulation sans prendre en compte l'agglomération environnante.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je transmets la parole aux autres membres de ce groupe de travail.

Christian Manable. - J'évoquerai l'exemple d'Amiens et de son agglomération de 180 000 habitants. Cette ville connaît actuellement une métamorphose sur les plans de la mobilité et de l'activité commerciale. Elle se fait d'abord, via la création d'un bus à haut niveau de services (BHNS), couplé à des parkings relais. Ensuite, la périphérie d'Amiens a connu récemment l'ouverture d'un entrepôt Amazon de 107 000 mètres carrés, tout comme d'un shopping promenade Frey, visant à installer la ville à la campagne. Un centre-ville a été reconstitué en périphérie d'Amiens avec des commerces, des zones piétonnes, des jardins, des parkings et même une crèche. Les effets sont néfastes sur le plan environnemental.

Cet exemple, qui doit être valable pour d'autres villes, illustre la difficulté des élus locaux à redynamiser le commerce de centre-ville.

Martine Berthet. - Une dépénalisation du stationnement sera effective le 1er janvier 2018 et devrait permettre une amélioration sur ce sujet de l'accessibilité.

L'aspect fiscal entre e-commerce et commerce traditionnel m'apparaît très important, comme mentionné précédemment.

En outre, l'idée que le centre-ville se doit d'être « expérientiel » me semble pertinente. Un travail d'aménagement urbain peut être réalisé par les élus en lien avec les habitants. Au niveau des différents types de commerce, existe-t-il des travaux en commun sur le sujet de l'animation ?

François Bonhomme. - Le point commun de toutes les interventions d'aujourd'hui consiste à réduire l'avantage comparatif de la périphérie par rapport au centre-ville. Les leviers qui s'offrent à nous sont réglementaires (CDAC), fonciers, fonctionnels et fiscaux. Je suis issu du sud-ouest, où j'ai constaté l'étiolement des centres-villes, à l'image de Villefranche-de-Rouergue (12 000 habitants). Par ailleurs, les centres-commerciaux reconstituent des centres-villes artificiels et se développent. Nous perdons la richesse sociale de nos centres-villes d'antan.

Nous devons adopter une approche multifactorielle, afin d'agir de manière profonde et durable si nous voulons inverser la tendance. Quels leviers vous semblent-ils les plus pertinents ?

Anne Chain-Larché. - Notre génération a vu naître les grandes surfaces, mais ne s'est pas montrée suffisamment exigeante à l'époque. Nous devons inverser la tendance. Je suis élue en Seine-et-Marne. Nos villes de 5 à 15 000 habitants ont vu leur centre se vider de leur substance. Par ailleurs, vos enseignes de qualité (Monoprix, Fnac, Darty, Galeries Lafayette) n'y sont pas présentes. Nos centres commerciaux s'avèrent de faible qualité.

Concrètement, comment écrire les choses dans la loi pour inverser la tendance ?

S'agissant des CDAC, pourrions-nous réfléchir à l'établissement d'un bouquet d'offre attractif en centre-ville ? Par ailleurs, nous devons également mettre en place des incitations fiscales fortes, afin de rétablir un équilibre entre centre-ville et périphérie.

Anne-Catherine Loisier. - Il me semble important également de confier l'aménagement et la commercialisation des centres-villes à de véritables professionnels.

En outre, vos enseignes physiques disposent aujourd'hui de site de e-commerce en parallèle. De ce fait, au lieu de nous opposer au e-commerce, ne devrions-nous pas, au contraire, le développer en complément d'un commerce sédentaire ? Ce nouvel outil permettrait au commerce de proximité de se développer.

Pierre Pelarrey, Directeur général du Printemps Haussmann. - En résumé, les atouts de la périphérie sont l'accessibilité, la praticité et les coûts d'installation. Pour autant, les centres commerciaux offrent une expérience pauvre pour le consommateur. Pour cette raison, des centres-villes factices sont en cours de déploiement. L'avantage concurrentiel du centre-ville, à savoir l'expérience qualitative qu'il propose, n'a pas été suffisamment mis en avant. Il s'agit d'une piste à explorer à l'avenir.

Florien Ingen-Housz, Directeur de la stratégie du groupe Fnac-Darty. - Je tâcherai de répondre globalement à l'ensemble des problématiques évoquées précédemment. Les centres-villes ne seront jamais aussi accessibles qu'un centre commercial, néanmoins ils doivent l'être suffisamment pour améliorer l'expérience du consommateur.

Actuellement, le e-commerce est en train de prendre l'avantage sur les centres commerciaux en matière de prix et de rapidité d'accès au produit. Il faut saisir cette opportunité pour recréer un avantage comparatif en faveur des centres-villes. Ce process doit intervenir rapidement, car les bailleurs professionnels, tels qu'Unibail ou Klépierre, développent à grande vitesse leurs projets, pour recréer la ville en dehors de la ville et améliorer l'expérience client dans les centres commerciaux. A l'instar des commerces de centre-ville, les centres commerciaux doivent faire face au recul de leur fréquentation provoqué par la croissance du e-commerce.

Au-delà de l'accessibilité, il s'agit donc de mettre l'accent sur « l'expérientiel » afin de redynamiser les centres-villes, en ce sens les commerçants doivent être accompagnés par des professionnels.

Gérard Dorey, Président de la fédération de l'Epicerie et du Commerce de Proximité. - L'animation commerciale, notamment en fin d'année, relève d'initiatives ponctuelles de commerçants. Elle se révèle insuffisamment structurée. À ce titre, certaines mairies ont pris des initiatives avec les managers de centre-ville. Il s'agit de professionnels du commerce susceptibles d'endosser un rôle moteur dans l'animation commerciale, sur les implantations et l'habitat du centre-ville, afin de restructurer ce dernier.

Régis Schultz, Président de Monoprix et représentant de l'Union du grand commerce de Centre-Ville. - La vente omnicanal représente une chance pour le commerce, à condition d'établir une fiscalité égalitaire entre commerce physique et virtuel. À mon sens, il s'agit d'une priorité aujourd'hui.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Avez-vous d'autres idées à suggérer ?

Pierre Pelarrey, Directeur général du Printemps Haussmann. - La richesse de l'écosystème d'une ville (commerces, services publics) détermine la qualité d'expérience du consommateur. Ce critère est essentiel dans nos choix d'implantations. Dans cette optique, nous souhaiterions l'établissement d'une base de données, qui explicite la constitution des centres-villes, afin d'en déterminer de manière précise le potentiel commercial.

Olivier Bron, Directeur du réseau des Galeries Lafayette. - Je partage cet avis. Cette base de données serait mise à disposition des enseignes et des collectivités locales. D'ailleurs, il s'avère crucial de fournir les indicateurs pertinents aux personnes adéquates. Cette figure du manager de centre-ville, sachant, expert, me semble incontournable pour adresser cette problématique de la revitalisation des centres-villes, en termes d'animation, de commercialité ou encore de collaboration entre les acteurs privés et publics.

Pierre Pelarrey, Directeur général du Printemps Haussmann. - Cette sensibilité au développement commercial constitue un bon point de départ concernant la revitalisation des centres-villes.

Martial Bourquin, rapporteur. - Je vous remercie pour la qualité de vos interventions et de vos propositions, dans le cadre de cette étude. Il existe un consensus sur le bilan. Nous devons dorénavant déterminer des solutions, car les centres-villes sont irremplaçables.

Le FISAC a représenté une mesure corrective, mais il s'est révélé insuffisant. Il faut désormais agir sur un plus grand nombre de domaines.

La question de l'urbanisme commercial me paraît essentielle. Il s'agit de revoir les règles d'ouverture des nouveaux commerces. Localement, les ouvertures doivent être empêchées, lorsque certains ratios sont atteints.

Il ne peut exister de centre-ville sans services, notamment médicaux. Les maires doivent jouer un rôle plus important avec le recours à un droit de préemption renforcé. Lorsque j'étais maire, j'ai créé des locaux commerciaux afin d'abaisser le prix du mètre carré.

Un rééquilibrage de la fiscalité entre périphérie et centre-ville est également nécessaire. L'extension des ZFU aux centres-villes en difficulté en constituerait un premier jalon.

Par ailleurs, le e-commerce ne doit pas être seulement laissé à Amazon. Les centres-villes pourraient créer leur plate-forme connectée, dans le but de faire connaître les promotions en cours dans ses boutiques. Les managers de centre-ville pourraient être en charge du dossier.

Mon impression est que la revitalisation du centre-ville relève d'une volonté politique.

Lorsque je me rends dans le centre de Fribourg, en Allemagne, de grandes surfaces s'y trouvent localisées dans des espaces précis, et stimulent le dynamisme commercial de la zone. Des études économiques complètes sont réalisées pour contrecarrer leurs effets potentiellement néfastes sur le commerce des centres-villes et travailler à l'instauration d'un équilibre bénéfique à tous.

Je vous remercie.

Rémy Pointereau, rapporteur. - S'agissant de l'urbanisme, l'intercommunalité a un rôle majeur à jouer, notamment par le biais des SEM. Des parkings ou des pépinières de locaux commerciaux pourraient être réalisés. Des avancées devraient également se produire dans le parc locatif. J'attends vos contributions écrites comprenant les trois ou quatre points essentiels de votre réflexion sur la revitalisation des centres-villes.

Gérard Dorey, Président de la fédération de l'Epicerie et du Commerce de Proximité. - Il me semble que la liberté d'ouvrir son commerce selon l'amplitude horaire désirée n'a pas été suffisamment évoquée. Considérez qu'il existe encore 20 départements en France, qui imposent la fermeture d'un jour par semaine. La première promesse d'un commerçant de proximité est d'être ouvert quand ses clients en ont besoin.

Martial Bourquin, rapporteur. - La situation évolue rapidement sur ce sujet de l'amplitude horaire, au niveau local.

Gérard Dorey, Président de la fédération de l'Epicerie et du Commerce de Proximité. - La loi Macron du 6 août 2015 a représenté un premier progrès. Toutefois, il existe encore cette obligation de fermeture à 13 heures le dimanche pour les commerces de détail alimentaire. L'appétence des consommateurs pour réaliser leurs courses le dimanche après-midi est pourtant bien réelle. Nous proposons que les commerces qui le souhaitent puissent ouvrir leur magasin à ce moment-là, sur la base d'un accord social, signé avec les syndicats, et définissant les modalités de compensation pour les salariés. Les sites de e-commerce sont ouverts en permanence. Les règles doivent être les mêmes pour tous les types de commerce afin de permettre une concurrence équitable.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je vous remercie.

TABLE RONDE DES EXPERTS
(7 DÉCEMBRE 2017)

Le jeudi 7 décembre 2017, le groupe de travail, lors de la table ronde « des experts », a entendu : Emmanuel Le Roch, délégué général de l'Institut Procos ; Pierre Cantet, directeur d'études au sein de Cabinet Bérénice pour la ville et le commerce ; Pierre-Jean Lemmonier, responsable des études publiques au sein de Cabinet Bérénice pour la ville et le commerce ; René-Paul Desse, professeur d'urbanisme à l'Université de Bretagne occidentale Franck Gintrand, directeur général de Global conseil corporate ; Olivier Badot, professeur à l'ESCP.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Bonjour, nous sommes heureux de vous accueillir pour cette table ronde consacrée aux experts des centres-villes et du développement commercial, dans le cadre d'une réflexion sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Nous vous remercions vivement pour votre présence.

Je rappelle, en quelques mots, les contours et l'objectif de notre groupe de travail. Le groupe sénatorial pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs est composé de 18 sénateurs représentatifs de tous les groupes politiques, des six commissions permanentes concernées et des délégations aux collectivités territoriales et aux entreprises.

Le constat est désormais clair et partagé par tous : de trop nombreux centres-villes et centres-bourgs souffrent et se fragilisent. La fermeture des commerces constitue la partie émergée de l'iceberg. Elle a permis de prendre conscience d'un problème qui dépasse le strict cadre du commerce, puisqu'il touche à l'habitat, aux équipements, aux infrastructures ou encore aux normes d'urbanisme.

L'enjeu pour l'avenir touche à la conception que nous avons de la ville et du lien social. Souhaitons-nous assurer la pérennité de la ville à l'européenne, avec un centre qui soit un lieu de vie sociale, citoyenne, culturelle, religieuse - en un mot, un lieu de vie collective et d'identité ?

Telle est la question que nous devons nous poser.

La dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs est en effet une problématique qui rencontre un écho grandissant dans les territoires. C'est pourquoi le Sénat, qui représente les territoires, s'est saisi du dossier. Cette institution a un rôle à jouer dans l'aménagement du territoire.

Je rappelle que nous avons publié un rapport d'étape sur la dévitalisation des centres-villes en juillet 2017.

Ce constat étant établi, notre objectif consiste désormais à identifier des solutions, au travers de l'organisation de 12 tables rondes, pour aboutir à une proposition de loi en 2018.

Nous vous poserons aujourd'hui un certain nombre de questions, sous forme individuelle ou collective. Nos collègues ici présents s'exprimeront également sur ce sujet de la dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Ils ont à coeur de partager leur expérience au sein de villes moyennes et de milieux ruraux et de recueillir vos points de vue respectifs.

Débutons avec une première série de questions.

Comment améliorer la connaissance statistique de la situation des centres-villes et centres-bourgs (taux de vacance, logement, population) ?

Par ailleurs, comment expliquer la réduction de l'attractivité des centres-villes ? S'agit-il d'un problème de stationnement, d'animation, de rues piétonnes ?

Quelles sont pour vous les difficultés d'adaptation des commerçants de proximité ? Comment remédier à la fuite de ces commerces vers les périphéries ?

Par exemple, dans ma ville, à Bourges, j'ai pu constater l'installation d'un boulanger en sortie de ville, sur un axe routier, et son impact négatif sur l'activité des boulangers présents en centre-ville.

Enfin, je poserai une question individuelle à M. Le Roch : quels sont les types de commerces (alimentaire, habillement, biens culturels, services, etc.) qui résistent le mieux et ceux qui souffrent particulièrement dans le contexte de la dévitalisation des centres-villes ?

Emmanuel Le Roch, délégué général de l'Institut Procos. - Tout d'abord, il s'agit de bien délimiter le sujet, car les acteurs ne sont pas les mêmes. En effet, les centres-villes diffèrent des centres-bourgs. Les problématiques doivent être segmentées selon l'échelon géographique : métropole, grande agglomération, ville moyenne et bourg. A titre personnel, je travaille sur les centres-villes.

Concernant les statistiques, le sujet de l'activité des centres urbains n'est pas seulement lié aux commerces. La vacance commerciale, régulièrement évoquée, est un symptôme de difficultés plus larges. Le commerce est avant tout une question de flux.

Si l'on souhaite mesurer la vacance commerciale de manière fine, il est possible d'exploiter des données fiscales, liées à la facturation des taxes sur les commerces physiques. Toutefois, ces éléments ne sont pas accessibles au public. Au sein de l'Institut Procos, nous assurons un suivi non systématique de ce sujet, d'autant plus que nous ne disposons pas de données sur les villes de petite taille. De plus, les locaux ne faisant pas l'objet d'une facturation se tiennent par définition hors du champ de cette analyse.

S'agissant de la vacance des logements, des données exploitables sont disponibles.

Il me semble que notre objectif devrait consister à mesurer les stocks, par exemple ceux des locaux vides, mais également les flux de consommateurs.

Sur la base de ces données brutes, il conviendrait ensuite de s'entendre sur le périmètre de l'avenir commercial dans un territoire donné.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je vous remercie pour votre intervention. Je transmets la parole à Monsieur BADOT.

Olivier Badot, professeur à l'ESCP. - L'Insee et la Commission des comptes produisent un certain nombre de statistiques. L'observation sur le terrain serait idéale, mais s'avère impossible.

Néanmoins, des solutions permettent désormais d'obtenir des informations exhaustives en temps réel, notamment via l'ethnographie digitale. Le premier moyen d'acquérir ces données est de conclure des accords avec des acteurs privés tels que Google. Le second moyen consiste à s'appuyer sur la crowd statistic , constituée par les informations transmises par les particuliers eux-mêmes. Ces « slash observateurs », pour reprendre un vocable anglo-saxon, permettraient de collecter des données et d'observer la vacance commerciale en continu. Cette solution de la crowd statistic semble offrir le meilleur rapport entre l'exhaustivité, la rapidité et la production permanente de l'information, pour un coût somme toute marginal.

S'agissant de la réduction de l'attractivité des centres-villes, nous devons considérer à la fois les facteurs endogènes et exogènes au commerce.

Les facteurs exogènes ont trait à la sociologie des villes. Le commerce a suivi sa clientèle, qui s'est déplacée progressivement en périphérie des villes. Par ailleurs, les modes de vie se sont fragmentés (familles recomposées, multiplication des métiers au cours d'une vie), conduisant à la réduction du temps consacré aux parcours d'achat.

C'est ce que vous évoquiez avec l'exemple du nouveau boulanger à Bourges. Les consommateurs privilégient la proximité et des considérations pratiques dans le choix de leurs commerces.

L'accessibilité des centres-villes est également un élément d'importance. Il se dessine une tendance lourde de mythification des « villes jardins » ou « villes-musées » où les habitants peuvent se promener à pied ou à vélo dans un environnement non pollué. Ces politiques réduisent d'autant l'accès au centre-ville pour les véhicules. Il existe d'ailleurs un comportement ambivalent du consommateur sur le sujet, puisqu'il désire évoluer dans cet environnement sain pour ses enfants, mais exige simultanément des parkings et des facilités de stationnement et de circulation.

Parmi les facteurs endogènes au commerce figure la tendance du consommateur à ne plus faire d'effort pour se rendre au point de vente. Différentes enquêtes ont mis en évidence que le paradigme de la destination, telle qu'il était conçu au XIXe siècle, a perdu en vigueur. Ainsi, les zones de chalandise se sont considérablement rétractées ces dernières années. Philippe Houze, l'ancien directeur général de Monoprix, expliquait que la zone primaire de chalandise chez Monoprix couvrait un périmètre géographique correspondant à un intervalle de temps de déplacement de 15 minutes en 2000, contre 5 minutes actuellement.

En outre, nous constatons des arbitrages sur les dépenses de consommation. Les loyers et la santé sont des postes ayant beaucoup augmenté au cours des 50 dernières années, tandis que l'habillement et l'alimentaire ont régressé. Notons toutefois que l'alimentaire est en train de repartir à la hausse. À court terme, nous observons également des arbitrages importants en faveur des télécommunications (smartphone, casque audio) et des voyages.

Le poste de l'artisanat alimentaire résiste bien car les consommateurs consentent à acquérir des produits plus onéreux, mais aussi plus qualitatifs.

Quant au e-commerce, il se développe, mais connaît un certain plafonnement en raison de problèmes logistiques et de livraison des clients.

En fin de compte, le grand commerce de périphérie n'est pas le seul élément à nuire au commerce de centre-ville.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Quelles sont les solutions pour remédier à cette fuite des commerces vers la périphérie ? Faut-il envisager des actions législatives, réglementaires ?

René-Paul Desse, professeur d'urbanisme à l'Université de Bretagne occidentale. - Afin d'élaborer des solutions pertinentes, il faut réfléchir, dans un premier temps, au contexte historique global. Il y a 25 ou 30 ans, l'ensemble des activités sociales se déroulait en centre-ville. Par exemple, la sortie de la messe le dimanche donnait lieu à des achats chez les boulangeries, les charcuteries, les épiceries, etc. Par la suite, les grandes surfaces se sont installées, proposant une offre complète, de l'essence à l'alimentaire en passant par les journaux, limitant considérablement les raisons de se rendre en centre-ville ou en centre-bourg. Je pense à l'exemple d'une commune de 800 habitants, située en Bretagne, qui a vu disparaître une grande partie de ses petits commerces suite à l'installation d'un Intermarché. La vacance commerciale est ainsi importante dans un grand nombre de villes.

Par ailleurs, il faut distinguer 3 types de villes :

Les villes isolées, localisées à 60-70 kilomètres d'une grande agglomération. Cet éloignement confère un large rayon d'action à leur commerce et leur évite une concurrence frontale. Je pense à des villes du Massif Central.

Les villes périurbaines lointaines, situées à 20-30 kilomètres d'une agglomération. Par exemple, autour de Caen et Brest. La grande distribution et la centralité s'y déploient.

Les petites villes périurbaines, au contact direct de la métropole, où le commerce se porte mal.

Nous constatons par ailleurs qu'il existe un grand nombre de logements vacants dans ces centres-villes au profit des lotissements construits en périphérie.

Confrontées à ces problématiques, certaines villes parviennent à maintenir un centre-ville dynamique grâce au tourisme, notamment dans le Gers et le Périgord. Le maintien d'un marché représente également un levier générant de l'animation, de la convivialité et de l'activité pour les commerces environnants.

Une autre piste de réflexion a trait à l'urbanisme de lotissement. La plupart des lotissements ont été conçus dans le cadre d'une circulation en voiture et non à pied. Le boulanger du centre-bourg peut très bien se trouver à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau, mais il vous faudra faire plusieurs kilomètres en voiture pour vous y rendre. Cette situation encourage le commerce installé en périphérie.

Qui est responsable de cet état commercial ? Plusieurs acteurs en sont responsables : la grande distribution, le consommateur, mais également les élus, qui ont autorisé ces installations, parfois pour des raisons de rentrées fiscales supplémentaires. Je l'ai constaté personnellement en tant qu'expert de la CDAC du Finistère.

Martial Bourquin, rapporteur. - Nous partageons un même diagnostic. Objectivement, les flux se sont déplacés, car les équipements et les services se sont déplacés. Cette situation est liée au modèle de l'hypermarché, qui constitue une spécificité française, qui s'est exportée par la suite.

Aujourd'hui, nous souhaitons replacer les équipements commerciaux en centres-villes et centres-bourgs. Évidemment, les services structurants (école, santé, logement, etc.) doivent accompagner cette démarche. Il s'agit de mettre en place une stratégie globale de centre-ville. Par exemple, dans la ville d'Audincourt, dont j'étais maire, un centre de radiologie va disparaître. Ce site attirait pourtant des centaines de personnes chaque jour, stimulant le dynamisme commercial du centre-ville.

Hier, à l'occasion d'une table ronde dédiée aux enseignes de centre-ville, nous avons proposé l'établissement de moratoires locaux, en fonction d'un rapport entre mètres carrés, population et activité.

Bien entendu, une telle stratégie impose de favoriser l'installation de populations dans les centres-villes en y améliorant la qualité du logement, en y réalisant de nouvelles constructions, en y optimisant le stationnement ou les dessertes. Sans conduire ces actions, elle restera vouée à l'échec.

Que pensez-vous de cette première piste ? Il me semble d'ailleurs que deux millions de mètres carrés étaient autorisés en 2016 par les CDAC.

Olivier Badot, professeur à l'ESCP. - Cette situation résulte d'une logique d' asset management . Les taux d'intérêt présentent des niveaux très bas actuellement. C'est donc avec les locaux commerciaux de supermarché que les foncières s'assurent la rentabilité la plus forte.

Martial Bourquin, rapporteur. - Pouvons-nous entamer un dialogue constructif avec les foncières ? Nous pourrions leur demander de sortir de ce modèle du supermarché localisé en périphérie et de nous proposer de nouveaux concepts de magasins en centre-ville. Dans certaines grandes villes, telles que Paris, certains projets sont déjà en cours.

Emmanuel Le Roch, délégué général de l'Institut Procos. - La question qui continue de se poser concerne le périmètre d'analyse du sujet. La relocalisation des commerces en centre-ville ne me semble pas réalisable dans la temporalité que vous proposez.

Par ailleurs, je remarque un manque de dialogue entre les acteurs publics, en raison du feuilletage administratif.

Afin d'obtenir des résultats tangibles concernant la revitalisation des centres-villes, il importe de déterminer des objectifs clairs au préalable, qui représenteront un intérêt général à atteindre à une date donnée. Malheureusement, il existe aujourd'hui des territoires s'inscrivant dans une logique de concurrence plus que de réflexion commune.

En outre, il importe globalement de recréer des raisons de se rendre en centre-ville. Le contexte est complexe actuellement, puisque les grands acteurs du commerce de périphérie sont eux-mêmes en pleine interrogation quant au modèle de développement à adopter.

Ainsi, les acteurs de l'alimentaire ont déjà commencé à réintégrer le centre-ville dans les grandes villes. Ce mouvement ne concerne toutefois pas les bourgs.

C'est pourquoi je souligne l'importance de réaliser un diagnostic à la bonne échelle. Une volonté politique est nécessaire également sur cette thématique, qui croise un ensemble de sujets, qu'il s'agisse du transport, du logement ou encore de la logistique pour les magasins. Des choix seront par ailleurs nécessaires : privilégions-nous le développement économique et ses flux ou bien l'environnement ?

Une réflexion sur le temps long doit être menée par l'ensemble des acteurs d'un territoire. Il faut par ailleurs souligner la nécessité d'intégrer les acteurs correspondant aux territoires. En effet, les acteurs qui travaillent à Metz ou Brest - souvent des foncières majeures - ne sont pas les mêmes que ceux qui oeuvreront sur des territoires plus ruraux, où il sera plus difficile de mobiliser des financements privés et qui nécessitent de concevoir des modèles différents. Pour le moment, nous ignorons comment élaborer des modèles de management locaux, à l'échelle de territoire adéquate, pour travailler sur le diagnostic, mettre en place une vision locale et l'adapter progressivement en fonction des mouvements du commerce lui-même.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je transmets la parole à M. Cantet.

Pierre Cantet, directeur d'études au sein de Cabinet Bérénice pour la ville et le commerce. - Le problème résulte du fait que nous réfléchissons au niveau national pour des problématiques qui sont locales. Il faudrait mettre en oeuvre des actions au niveau des EPCI.

Les autorisations en CDAC pourraient être conditionnées au fait qu'un territoire, à l'échelle de l'EPCI, se dote d'un schéma directeur d'aménagement commercial. La Fédération nationale des agences d'urbanisme a notamment émis cette proposition.

La deuxième échelle d'intervention me semble être l'hyper-centre. Aujourd'hui, les élus n'ont pas conscience de la configuration de leur hyper-centre marchand, c'est-à-dire un périmètre resserré sur lequel ils doivent agir et arbitrer les investissements. En effet, les investisseurs auront tendance à privilégier une implantation sur un secteur où la puissance publique intervient énergiquement. Ainsi, quelques années auparavant, la ville de Niort s'est dotée d'une stratégie volontariste d'intervention sur son hyper-centre, en y fléchant les aménagements et les investissements. L'EPF qui appuie la ville porte des locaux stratégiques uniquement sur cet hyper-centre, ce qui a permis d'y attirer l'enseigne H&M.

Une agence pour les centres-villes pourrait ainsi être créée, sur le modèle de l'ANRU, qui fonctionnerait sur le principe de la contractualisation avec les territoires, sous condition de la mise de place d'une stratégie volontariste. Une telle politique permettrait de développer des outils financiers et imposeraient aux élus une réflexion stratégique en matière d'urbanisation.

En outre, la problématique de la transmission des fonds de commerce est rarement abordée. Dans de nombreuses villes moyennes, le vieillissement des commerçants et leur départ en retraite ne sont pas anticipés. Dans les grandes villes, nous observons une tendance de reconversion des jeunes actifs vers les métiers du commerce. Ce phénomène est traité dans le livre La révolte des premiers de la classe , de Jean-Laurent Cassely.

Ces aspirations et potentiels d'apprentissage ne sont pas suffisamment exploités. Il faut mettre en relation les porteurs de projets avec les commerçants envisageant un départ à la retraite. Les CCI sont les seules institutions en charge de cette problématique de transmission de fonds actuellement, avec des moyens insuffisants. D'autres acteurs doivent se saisir du sujet.

Martial Bourquin, rapporteur. - Un certain nombre d'élus locaux présents aujourd'hui ont recouru au droit de préemption renforcé sur les locaux commerciaux, afin de gérer l'offre commerciale de centre-ville.

Quelles sont vos analyses comparatives sur l'Europe ? Il existe des exemples inspirants chez nos voisins européens. A titre personnel, je me rends parfois en Italie, où les centres-villes ont été préservés. En Allemagne, les implantations commerciales requièrent des études de marché considérables et sont limitées à des emplacements spécifiques.

Franck Gintrand, directeur général de Global conseil corporate. - L'idée du moratoire provient des rangs de la distribution. Le président de Monoprix, M. Schultz, est le premier à avoir invoqué l'urgence et la nécessité d'un moratoire du développement des zones commerciales de périphérie.

Cette proposition est donc en lien avec la réalité des acteurs de terrain. Par la suite, le président du directoire des Galeries Lafayette, Philippe Houze, a appuyé cette idée. Les Galeries Lafayette ont alors annoncé la cession en franchise d'une vingtaine de leurs magasins. Un appel d'offres est en cours pour rétrocéder ces murs. Cette décision représente un signal d'alarme grave : il ne faut plus tarder à mettre en place ces moratoires.

Si vous interrogez les acteurs commerciaux, ils vous expliqueront qu'investir en centre-ville aujourd'hui est irrationnel. Les chiffres confirment cette conception. Sur l'année à venir, 90 % des projets se situent en dehors des centres-villes. Si la ville s'est construite avec le commerce pendant des siècles, un mouvement inverse qui se produit actuellement.

Des politiques d'embellissement de villes ont été menées et se sont accompagnées, en parallèle, d'une dévitalisation de leurs centres. Le temps des décisions nettes est venu.

La logique économique penche clairement en faveur de l'installation en périphérie. Le prix du mètre carré s'avère faible et le risque de contentieux y est nul. Les commerces reviendront en centre-ville si la logique économique devient dissuasive en périphérie.

Par exemple, Ikea s'est implanté à Caen, en développant un grand centre commercial autour de son entrepôt, contrairement à ses engagements. L'offre est identique à celle du centre-ville. Des géants industriels s'installent dans les périphéries sans se soucier des effets néfastes sur les villes. Ne vous faites aucune illusion vis-à-vis des priorités de ces acteurs économiques.

Martial Bourquin, rapporteur. - Je vous remercie pour ce constat réaliste. Nous souhaitons créer des conditions favorables à l'activité via l'extension des zones franches aux centres-villes, ainsi que le recours à des moratoires locaux pour faire baisser le prix du mètre carré.

Pierre Cantet, directeur d'études au sein de Cabinet Bérénice pour la ville et le commerce. - Nous constatons un phénomène de tropisme sur le monde du grand commerce, avec une tendance à considérer que le départ des grandes enseignes d'un centre-ville conduit ce dernier à dépérir. Néanmoins, il faut avoir conscience que 70 % du tissu commercial d'un centre-ville moyen est composé de commerces indépendants locaux. Par exemple, à Arras, la vacance commerciale est passée de 16 à 10 % en centre-ville en l'espace de deux ans grâce aux initiatives entrepreneuriales de commerçants locaux. Autre exemple : lorsqu'une enseigne décide de s'installer dans une ville moyenne, elle sollicite un franchisé, c'est-à-dire à un commerçant local. Nous devons davantage raisonner à l'échelle des tissus locaux.

Franck Gintrand, directeur général de Global conseil corporate. - Le départ d'un indépendant n'a pas les mêmes répercussions que le départ d'une grande enseigne. Le départ de H&M du centre-ville de Boulogne-sur-Mer vers la périphérie en est l'illustration.

Pierre Cantet, directeur d'études au sein de Cabinet Bérénice pour la ville et le commerce. - Je n'ai pas dit le contraire. Simplement, il faut mieux prendre en compte les petits commerçants qui ne sont pas des enseignes.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je transmets la parole à M. Badot.

Olivier Badot, professeur à l'ESCP. - La question posée est clairement celles des volumes insuffisants de clients en centre-ville, à la fois pour les indépendants, mais également pour les grandes enseignes. Deux leviers structurels sont susceptibles de résorber cette difficulté :

La mixité fonctionnelle, l'habitat, qui vise à réintégrer les populations en centre-ville. Cette solution est néanmoins très lourde à mettre en place.

La mutualisation des flux, qui consiste à recentrer le commerce sur le tourisme et le domaine patrimonial, comme l'a expérimenté l'Espagne.

Au niveau micro organisationnel, le modèle anglais du business improvement district me semble le plus pertinent. Il fonctionne sur des logiques d'aides par la collectivité publique, mais également par le secteur privé, et sur une stratégie de mutualisation des ressources.

Le modèle comprend 5 actions :

Le zoning : comparable aux méthodes utilisées par les foncières dans leurs centres commerciaux. Il s'agit d'analyser les flux d'externalité pour éviter les effets de « cannibalisation » entre magasins et maximiser les complémentarités. Certaines formes de zoning émergent entre centre-ville et périphérie dans certaines villes.

La vision : il s'agit de déterminer une imagerie, une symbolique au centre-ville. Une agence nationale accompagne les villes dans ce processus.

La mise en place de plates-formes digitales : il s'agit de digitaliser les offres des commerçants locaux, notamment sur les réseaux sociaux, pour faire connaître leurs produits. Ces offres sont géolocalisées de manière dynamique.

La conciergerie mobile : représente une forme de livraison à domicile ou dans un local relais. Un grand nombre de start-ups proposent ce service aujourd'hui. Ce service est financé en partie par la collectivité locale.

Le point de vente : le point de vente sert de relais pour d'autres achats, dans une logique de Click and Collect , ce qui permet de recréer du trafic et refondre la micro-logistique urbaine.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je vous remercie pour votre contribution.

René-Paul Desse, professeur d'urbanisme à l'Université de Bretagne occidentale. - Le moratoire me semble une piste intéressante. Toutefois, il faut savoir en sortir. Dans les années 90, un moratoire avait été mis en place, mais s'est accompagné de la remontée considérable des autorisations commerciales par la suite. De plus, le moratoire ne remettra pas en cause l'existence de l'équipement commercial actuel en périphérie et ne freinera pas l'essor du e-commerce.

Aujourd'hui, 12 % des ventes de vêtements sont réalisées sur internet en France, contre 25 % en Allemagne. La marge de progression s'avère importante.

L'idée de partenariats public-privé au sein des petites villes représente est séduisante, mais les acteurs privés ne sont pas forcément demandeurs. Un acteur important, tel que Carrefour, se révèle intéressé par les partenariats avec les autorités publiques locales uniquement dans les grandes villes, dans le cadre de projets de développement commercial couplés à des créations de logements.

Par ailleurs, un débat doit s'ouvrir concernant la suppression des CDAC, qui se révèlent être de simples chambres d'enregistrement. En France, deux demandes d'autorisation coexistent (le permis de construire et la CDAC) ; il s'agit d'une situation singulière en Europe.

Depuis la loi LME de 2008, il est prétendument nécessaire d'appliquer la Directive Bolkestein relative à la concurrence. Cette affirmation est erronée. Ainsi, l'Allemagne interdit l'implantation de grande surface en périphérie dans les cas où la concurrence générée se révélerait destructive pour les commerces de centre-ville.

Enfin, l'extension des zones franches aux centres-villes m'apparaît comme une solution intéressante.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je transmets la parole à mes collègues.

Anne Chain-Larché. - Nous avons tous été élus locaux par le passé. La revitalisation des centres-villes et centres-bourgs a longtemps été notre combat quotidien. À titre personnel, j'étais vice-présidente de la région Ile-de-France. Nous avions mis en place un dispositif d'aides directes aux commerçants en privilégiant les villes rurales de moins de 5 000 habitants. Une enveloppe de 3,5 millions d'euros y était consacrée la première année.

Force est de constater les manquements des CMA et CCI, qui ne nous transmettaient pas suffisamment les dossiers des petits commerces.

Nous n'avons certes plus de mandats locaux, mais souhaitons être des facilitateurs pour les acteurs de terrain.

Je souhaiterais avoir votre éclairage concernant l'effet domino que peut générer la disparition d'un commerce structurant, tel que le café tabac PMU dans une petite ville.

Par ailleurs, je constate des insuffisances dans le domaine de la formation. Ainsi, il s'avère difficile de se former au métier d'artisan-boucher en CAP actuellement. De nombreux artisans ont rejoint les rangs des grandes surfaces, entraînant la disparation d'un certain nombre de commerces indépendants en centre-bourg.

Je m'interroge, en outre, sur la possibilité de revenir vers un commerce multivocation, à l'image du drugstore d'antan. Ce point de vente constituerait également un relais colis.

S'agissant des moratoires, les élus doivent se montrer plus exigeants auprès des CDAC. L'extension des zones franches devrait soutenir les commerces des centres-villes et centres-bourgs. Les concepts favorisant les circuits courts et minimisant l'impact environnemental devraient être soutenus fiscalement de manière plus prononcée.

Sonia De La Provôté. - La question de l'urbanisme commercial apparaît centrale pour déjouer la concurrence entre territoires. Nous devrions pleinement intégrer cette thématique au sein du SCOT, via l'établissement de règles définies à une large majorité. Ainsi, les maires ne seront pas mis en difficulté lors des votes en CDAC. Le système repose sur une armature territoriale avec des pôles régionaux, des pôles relais et des pôles de proximité.

Les acteurs locaux peuvent ainsi décider d'un aménagement du territoire raisonné et harmonieux au niveau des différents pôles.

Dans l'agglomération de Caen, le projet de l'Inter Ikea a défrayé la chronique. Le démarrage des travaux est pour le moment reporté, grâce au recours à la loi du SCOT. Cet outil se révèle plus puissant et pertinent que l'EPCI. C'est pourquoi nous devons le renforcer.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je vous remercie. Je transmets la parole à Éric Kerrouche.

Éric Kerrouche. - Toutes les villes n'ont pas le même statut ni la même vocation commerciale. Cette réalité résulte de leur localisation géographique et des migrations pendulaires de population.

Pour compléter les propos de ma collègue, je me demande s'il faudrait systématiser l'exigence d'un DAAC pour chaque SCOT.

Par ailleurs se pose un problème de définition des centralités, qui permet de se soustraire aux règles du DAAC. Il est nécessaire de définir plus strictement la limite des centralités et ainsi rendre obligatoire le DAAC.

En outre, il nous faut réfléchir à l'établissement de règles spécifiques d'urbanismes, afin de repeupler les centres-villes. Les freins existants, tels que le manque de parkings, doivent être levés.

Enfin, nous devons promouvoir la porosité logistique (voies vertes, voies de bus, etc.), pour améliorer notre capacité à irriguer les centres-villes.

François Bonhomme. - Il me semble que l'adoption des moratoires devient urgente. La situation se dégradera dans les prochaines années, si aucune mesure n'est prise.

Au sein des commissions départementales, les outils de méthodologie visant à appréhender la densité commerciale et l'équipement commercial ont été perdus de vue au profit de l'aménagement du territoire-développement durable. Je souhaite revenir à ce coeur d'analyse pour fonder les décisions.

La question des leviers d'action reste entière. La fiscalité aura un rôle à jouer. Cela implique de détailler l'ensemble des différences d'avantages comparatifs entre périphérie et centre-ville, mais également de délimiter les zones ayant vocation à accueillir les commerces, au sein des bassins de vie.

La dévitalisation actuelle des centres-villes et des centres-bourgs nous conduit à des injonctions contradictoires. Il est à la fois nécessaire d'encadrer la liberté de commerce et d'éviter les lourdeurs administratives supplémentaires.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Monsieur Gintrand, vous avez plaidé pour fiscaliser davantage les constructions en plein champ. Pouvez-vous préciser le sens de votre proposition ?

Franck Gintrand, directeur général de Global conseil corporate. - Les subventions ne représentent pas une solution, dans un contexte où l'État présente des difficultés budgétaires. Au contraire, il est nécessaire de pénaliser fiscalement les implantations en périphérie si l'on veut reconstruire les centres-villes.

Des mesures générales doivent être prises afin d'abaisser la rentabilité de ce type d'opérations et mettre un terme à la spéculation foncière. Aujourd'hui, le prix au mètre carré d'une terre agricole représente 70 centimes d'euros. Cette réalité impacte bien plus le commerce de centre-ville que le développement d'Amazon et du e-commerce.

De plus, le DAAC doit être obligatoire et accompagné d'un SCOT rédigé de manière précise, ce qui permettra de remporter des victoires juridiques dans des dossiers comme celui de l'Inter Ikea de Caen.

La France a clairement commis une erreur dans la manière dont elle a transposé la directive européenne prônant la libre installation des commerces. A l'inverse, l'Allemagne y oppose le principe de libre accès aux services. Il en résulte que 70 % des commerces sont localisés en centre-ville en Allemagne, alors que nous constatons l'exact opposé en France.

J'espère que le volontarisme qui s'esquisse au Sénat permettra de revenir sur ces dispositions. J'ajoute que l'établissement de moratoires nécessitera des modifications de la loi LME, qui a engendré cette inflation de projets commerciaux.

Emmanuel Le Roch, délégué général de l'Institut Procos. - J'estime que le moratoire ne constitue pas une piste à explorer. Dans les territoires, il existe également des zones périphériques en difficulté.

Où est-on autorisé à conduire des projets de modernisations du commerce ? Pour ma part, tel est le coeur du sujet.

L'écart de fiscalité entre commerce physique et dématérialisé est également un problème à traiter. Il réunit d'ailleurs les commerçants de centre-ville et de périphérie.

En définitive, cette problématique doit être appréhendée de façon positive et dynamique. Il est nécessaire de recréer les raisons de se rendre en centre-ville. Cela passe par la mise en place de nouveaux concepts, tels que le drugstore multi-activités, mais également le recours au numérique. Le commerce du centre-ville de demain ne prendra pas la forme du commerce de périphérie actuel mais réintégré à l'espace urbain.

Le modèle économique en centre-ville est complexe en matière de coûts, d'immobilier, de logistique, etc. Je l'ai expérimenté lorsque je travaillais à l'installation de nouveaux magasins pour Darty. Nous devons simplifier les règles urbaines et donner une visibilité à 10 ans sur le nombre de mètres carrés commerciaux disponibles.

Pierre-Jean Lemmonier, responsable des études publiques au sein de Cabinet Bérénice pour la ville et le commerce. - J'approuve le rôle central qui a été conféré au DAAC dans les échanges précédents. Néanmoins, je remarque qu'il a été vidé d'un certain nombre de prérogatives et qu'il n'est pas obligatoire. De plus, ce document s'avère parfois obscur concernant la localisation des zones. Il est nécessaire de rendre cet outil plus flexible.

Dans le DAAC figure une typologie d'activité (achats légers, lourds), qui représente des formats et contraintes différents. Ces éléments devraient être intégrés dans la notion de moratoire. Nous ne devons pas penser la périphérie de manière uniforme. Ainsi, un magasin de bricolage de 6 000 mètres carrés et un autre de PAP ne présentent pas la même capacité d'implantation en coeur urbain. Nous raisonnons dans nos études par secteurs d'activité plus que par densité de mètre carré.

Olivier Badot, professeur à l'ESCP. - Le débat a permis d'identifier l'ensemble des éléments du diagnostic.

Je suis persuadé que les nouvelles formes de commerce digital peuvent faire réintégrer les commerçants en centre-ville. Les réseaux sociaux accueilleront le commerce de demain. Il faut donc accompagner les commerces dans cette démarche. Je rappelle que les 10 applications les plus utilisées sur smartphone sont aujourd'hui les réseaux sociaux.

René-Paul Desse, professeur d'urbanisme à l'Université de Bretagne occidentale. - La prise en compte du DAAC par les CDAC est une évolution intéressante, qui mériterait d'être généralisé.

Le problème du périmètre du SCOT et du DAAC se pose également. Par exemple, la ville du Mans a interdit un multiplexe en périphérie, car l'implantation d'un autre multiplexe en centre-ville était déjà planifiée. Une commune voisine a accueilli ce projet par la suite.

Je suggère en outre la mise en place de mesures fiscales sur les commerces vacants pour inciter les propriétaires à abaisser les loyers.

Enfin, les commerces pourraient travailler avec la Poste dans les petits bourgs pour devenir des points relais. Cela représente une piste vers la voie du commerce multi-activités.

Pierre-Jean Lemmonier, responsable des études publiques au sein de Cabinet Bérénice pour la ville et le commerce. - Nous n'avons pas abordé l'émergence des managers de centre-ville. Ils ont un rôle important à jouer dans l'animation des centres-villes.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Nous l'avons évoqué hier, à l'occasion de la table ronde consacrée aux enseignes de centre-ville et de proximité. L'animation est en effet un critère important si l'on souhaite faire revenir les populations en centre-ville.

Pierre-Jean Lemmonier, responsable des études publiques au sein de Cabinet Bérénice pour la ville et le commerce. - Nous observons que si les grandes villes peuvent se doter d'un manager, ce n'est pas le cas des centralités plus petites. Le management intercommunal doit également être pris en compte.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Vous avez raison. Cette piste sera explorée. Nos débats s'achèvent. Nous avons pu dégager des pistes d'actions pertinentes, notamment sur la surfiscalité pour la périphérie. Je vous invite à m'adresser vos contributions par écrit en cas de suggestions complémentaires. Je vous remercie.

TABLE RONDE DES ÉLUS LOCAUX (17 JANVIER 2018)

Le mercredi 17 janvier 2018, le groupe de travail, lors de la table ronde « des élus locaux » a entendu : Pierre Jarlier, Maire de Saint-Flour et Président de Saint-Flour Communauté ; Corinne Casanova, Vice-Présidente de l'AdCF & Vice-Présidente de la Communauté Grand Lac ; Vanik Berberian, Président de l'AMRF ; Benoît Huré, Sénateur et Conseiller départemental des Ardennes de l'ADF ; Josiane Corneloup, Députée de la 2 e circonscription de Saône-et-Loire de l'ADF ; Nicolas Soret, Président de la Communauté de Communes du Jovinien ; Sophie Roulle, Adjointe déléguée à la redynamisation du centre-ville de la ville de Nîmes ; Nabella Mezouane, Adjointe au maire de Roubaix ; Patrick Ollier, Président de la Métropole du Grand Paris ; Jean-Marc Nicolle, Maire du Kremlin Bicêtre ; Patrick Vignal, Député de l'Hérault & Président de l'association ; Pierre Creuzet ; Directeur fondateur ; Nathalie Fourneau, Conseillère urbanisme  de l'AMF ; Marion Didier, Conseillère développement économique de l'AMF ; Charlotte de Fontaines, Chargée des relations avec le Parlement de l'AMF ; Philippe Schmit, Secrétaire général de l'AdCF ; Montaine Blonsard, Chargée des relations avec le Parlement de l'AdCF ; François Panouillé, Chargé des affaires européennes, du développement durable et de la revitalisation des centres-villes de l'APVF ; Atte Oksanen, Chargé des relations institutionnelles et de l'aménagement du territoire de l'APVF ; Amaury Duquesne, Conseiller du groupe « Droite, centre et indépendants - DCI » de l'ADF ; Marylène Jouvien, Chargée des relations avec le Parlement de l'ADF ; Philippe Angotti, Délégué général de France Urbaine ; Bastien Gobert, Collaborateur de cabinet du maire de Roubaix de France Urbaine ; Chloé Mathieu, Responsable des relations institutionnelles de France Urbaine ; Rémy Marcin, Directeur des relations institutionnelles et de la stratégie de la Métropole du Grand Paris ; Ghislain Gomart, Directeur du développement économique de la Métropole du Grand Paris ; Iris Deniau, Chargée de mission de la Métropole du Grand Paris ; Alexandre Saby, Chargé de mission développement de l'Association Centre-ville en mouvement.

Rémy Pointereau , rapporteur. - Nous sommes heureux de vous accueillir à l'occasion de cette table ronde, qui va permettre aux représentants des associations d'élus locaux de s'exprimer sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs.

Nous saluons les représentants de l'Association des maires de France, de l'Assemblée des communautés de France, de l'Association des maires ruraux de France, de l'Association des petites villes de France, de Villes de France, de l'Assemblée des départements de France, de France urbaine, ainsi que Patrick Ollier, président de la Métropole du Grand Paris, et Patrick Vignal, président de l'association Centre-ville en mouvement. Nous saluons aussi ceux de nos concitoyens qui suivront cette table ronde sur internet.

Notre groupe de travail travaille depuis le mois de mai sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. Il est composé de dix-huit sénateurs représentatifs de tous les groupes politiques, des six commissions permanentes concernées et des délégations aux collectivités territoriales et aux entreprises.

Il s'agit de réfléchir à notre conception de la ville et du lien social pour l'avenir. Veut-on pérenniser la ville à l'européenne, avec un centre, lieu de vie sociale, citoyenne, culturelle, religieuse, bref, un lieu de vie collective et d'identité ?

Notre objectif, puisque le constat de la fragilisation des centres-villes est fait - nous avons publié un rapport d'étape en juillet sur cette question - est de passer aux solutions.

Que peuvent faire concrètement les pouvoirs publics et, en particulier, le législateur, pour aider les centres-villes et les centres-bourgs à survivre et à retrouver un chemin de développement ? Que peuvent faire les élus, à travers leurs associations ?

Martial Bourquin , rapporteur . - À mon tour, je vous remercie d'être présents aujourd'hui. L'avis et les propositions des associations d'élus sont très importants.

Nous travaillons depuis de longs mois sur la désertification des centres-villes et des centres-bourgs. Nous avons commencé par nous intéresser à la disparition des commerces, puis à celle des équipements structurants, des services médicaux, des services publics, et enfin à la politique en matière de logement. Nous avons par ailleurs constaté l'installation de flux impressionnants en dehors des centres-villes et des centres-bourgs. Selon Le Monde, on a construit en France deux fois la surface de la Corse en grandes surfaces ! Les grandes surfaces s'installent systématiquement sur des terres agricoles. Le réflexe est désormais la périphérie, et non plus le centre-ville.

Au final, ce cocktail détonnant entraîne la désertification des centres-villes. Tout le monde s'accorde sur le constat. Il faut maintenant trouver des solutions, voire adopter une loi en matière d'urbanisme. Nous souhaitons avoir votre avis sur tous ces sujets afin de faire des propositions fortes et consensuelles.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Monsieur Vignal, vous êtes député de l'Hérault et président de Centre-ville en mouvement, plate-forme nationale fédérant les collectivités sur le sujet de la revitalisation.

Selon vous, comment peut-on éviter la concurrence entre les différentes collectivités ? L'échelon intercommunal, dont les compétences ont été renforcées, peut-il permettre un équilibre afin d'éviter la désertification des centres-villes ? Le SCOT, le schéma de cohérence territoriale, doit-il être prescriptif et être un document d'aménagement commercial ?

Patrick Vignal, président de l'association Centre-ville en mouvement. - Les centres-villes ont d'abord un problème de peuplement, de logement, mais aussi d'installation des professions libérales. Les zones urbaines franchisées ont conduit les professions libérales à sortir des centres-villes.

Dans certaines villes, la vacance commerciale en centre-ville atteint 20 %, mais on autorise tout de même des extensions de centres commerciaux en périphérie. Ainsi, alors que Frédéric Cuvillier se bat pour sauver le centre-ville de Boulogne-sur-Mer, le maire de Calais autorise la construction d'un centre commercial, concurrençant directement le centre-ville de Boulogne-sur-Mer ! Cela étant dit, je comprends les maires, car on leur demande de créer des emplois.

Pour prévenir ce risque, nous proposons un moratoire d'un an sur la construction de centres commerciaux, en fonction des territoires, ainsi qu'une fiscalité nouvelle en fonction de la zone de territoire.

Il faut également savoir que l'État lui-même sort les services publics des centres-villes tels que les chambres de commerce et d'industrie, les chambres de métiers, les commissariats, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD.

Il faut faire évoluer les commissions départementales d'aménagement commercial, les CDAC, car elles sont à 95 % des chambres d'enregistrement. Faut-il passer au niveau régional ? L'État doit-il investir ? Il faut donner des moyens aux maires bâtisseurs et combatifs.

Ceux qu'il faut combattre, ce sont Alibaba et Amazon. Quand Amazon obtient 1 milliard de dollars de chiffres d'affaires pour 14 salariés, un commerce de proximité atteint 200 000 euros pour un salarié.. En outre, je pense qu'aucune fiscalité ne pèse sur Amazon et Alibaba.

La France compte 36 000 communes. Elle a un patrimoine, une histoire. Les Français sont eux aussi responsables de la dévitalisation des centres-villes. Neuf Français sur dix disent aimer leur centre-ville. Pour ma part, je préférerais qu'ils y consomment.

Cela étant dit, je ne suis pas certain que nous soyons encore beaucoup entendus dans les hautes sphères. Il faut redonner des moyens aux maires et prévoir une ingénierie pour accompagner les projets.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Monsieur Ollier, vous êtes président de la métropole du Grand Paris. Vous aviez déposé une proposition de loi relative à l'urbanisme commercial, dans laquelle vous proposiez la suppression des CDAC. Comment jugez-vous aujourd'hui leur action ? L'échelon départemental vous paraît-il toujours être le bon pour gérer les surfaces commerciales, sachant qu'une décision défavorable à l'échelon départemental est souvent suivie d'une décision favorable à l'échelon national ? On sait que les élus se mettent d'accord au sein des CDAC. Faut-il modifier la composition des CDAC ? Aujourd'hui, aucune étude d'impact économique n'est demandée pour l'installation d'une grande surface. Ne peut-on pas prendre en compte le nombre d'habitants sur un territoire ou la présence de surfaces existantes avant d'autoriser de nouvelles installations ?

Patrick Ollier, président de la métropole du Grand Paris. - Il est vrai que j'avais déposé une proposition de loi sur l'urbanisme commercial, qui avait le mérite d'apporter des solutions. Je l'ai stoppée ici au Sénat, pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas. Cela étant dit, vous pouvez très bien reprendre ses dispositions si vous les trouvez bonnes, mais elles ne résoudront pas le problème de la revitalisation des centres-villes.

La métropole du Grand Paris a elle aussi constitué un groupe de travail sur la revitalisation, animé par Jean-Marc Nicolle, maire du Kremlin-Bicêtre, et dont font partie soixante maires. Nous avons créé une boîte à outils destinée aux maires, qui pourront s'en servir pour redynamiser leurs centres-villes.

Je ne suis pas d'accord avec ce qui vient d'être dit. Pour ma part, j'ai été maire d'une commune de 3 000 habitants dans les Hautes-Alpes, je suis aujourd'hui maire de Rueil-Malmaison, qui compte 85 000 habitants. En tant que président de la métropole du Grand-Paris, je rencontre les maires et je constate que les problématiques ne sont pas les mêmes partout. Il n'est pas forcément vrai qu'un grand centre commercial aspire tous les commerces.

Notre boîte à outils permet de répondre de manière précise aux différents cas de dévitalisation ou de désertification. C'est au maire de maintenir les services publics municipaux dans le centre-ville. Il doit également intervenir sur la diversité commerciale en se servant d'instruments tels que la préemption des baux commerciaux.

La métropole va ainsi aider les maires qui le souhaitent à préempter les baux commerciaux, au prix des domaines, ce qui est avantageux. La métropole aidera financièrement, avec la Caisse des dépôts, ceux qui n'ont pas les moyens de préempter.

Il faut ensuite régler le problème des parkings. Si on veut que les gens reviennent dans les centres-villes, il faut qu'ils puissent s'y garer. On aide donc à la création de parkings, si c'est nécessaire.

Par ailleurs, si vous voulez un centre-ville qui vive, il faut qu'il soit pimpant et agréable. Il faut donc faire de l'aménagement urbain, c'est-à-dire du beau.

Nous allons donc proposer aux maires qui le souhaitent de les aider à revitaliser leurs centres-villes et à mettre en place une dynamique. Si l'on attend que le département, ou la région, ou l'État s'en charge, il ne se passera rien.

Je le dis clairement : je suis pour une métropole des maires. Je sais que certains voudraient une métropole plus grande, d'envergure régionale, mais cela priverait les maires du pouvoir de faire ce qu'ils veulent sur leur territoire.

M. Mézard a proposé à Cahors que les bourgs-centres puissent bénéficier de soutien pour le maintien des commerces. Il se trouve que la métropole du Grand Paris compte quinze villes de moins de 10 000 habitants et quarante de moins de 20 000 habitants. J'ai donc proposé à M. Mézard d'octroyer à ces quarante villes les mêmes moyens qu'au monde rural afin qu'ils se conjuguent avec ceux de la métropole.

Force est de reconnaître que certains ont pris des décisions scandaleuses et inacceptables et triplé, voire quadruplé le nombre de mètres carrés des surfaces commerciales sur le territoire national. Les CDAC et la CNAC, la Commission nationale d'aménagement commercial, ne fonctionnent pas bien. Les décisions qui y sont prises résultent de rapports de force, toujours défavorables au moins fort. La loi doit permettre des rapports justes.

J'avais préconisé un schéma d'aménagement commercial, mais le SCOT peut permettre des aménagements et être prescriptif. Nous pourrons alors organiser la complémentarité, dans l'intérêt des populations.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Les situations sont évidemment très différentes d'un territoire à l'autre. La désertification des centres-villes et des centres-bourgs concerne majoritairement les villes moyennes, dans les territoires ruraux.

Patrick Ollier, Président de la Métropole du Grand Paris. - La métropole du Grand Paris compte une cinquantaine de villes, notamment dans l'est, dont les centres-villes sont en train de mourir. Lorsque j'ai été élu à Rueil-Malmaison, il y a avait du goudron et des parkings en surface partout. Les commerces fermaient et il n'y avait plus d'activité commerciale. Aujourd'hui, le Centre Leclerc n'est pas un concurrent du centre-ville. J'ai sauvé 76 commerces simplement en menaçant de préempter.

Pierre Jarlier, au nom de l'Association des maires de France. - La question de la revitalisation des centres-villes ne peut être vue sous le seul angle commercial. Le centre-ville, c'est le vivre-ensemble, le lien social, le plaisir du quotidien. Or, au fil du temps, l'attrait pour l'habitat individuel a éloigné les gens des centres-villes. Les modes de consommation et de circulation ont changé. Les automobilistes veulent désormais pouvoir se garer là où ils consomment. La situation est aujourd'hui extrêmement inquiétante dans les villes moyennes, mais aussi dans de nombreuses petites villes qui souffrent énormément.

À titre d'exemple, je connais une ville de 7 500 habitants qui compte 30 % de commerces vacants dans son centre ancien. La population se paupérise, il y a de véritables problèmes de lien social. Il faut réagir suffisamment tôt pour éviter les problèmes que nous avons connus en périphérie. Je lance donc un cri d'alarme : certains centres-villes sont en train de se ghettoïser.

La solution ne peut être que transversale. Pour ma part, je suis favorable aux opérations de revitalisation des territoires, car elles vont enfin permettre de prendre en compte le problème de manière globale - l'habitat, le commerce, le lien social. Patrick Ollier a évoqué l'importance de la qualité des équipements et des aménagements publics. Un centre-ville n'est pas attractif lorsqu'il y a des voitures et du bitume partout, si les enfants ne peuvent jouer tranquillement dans la rue ou si on ne peut pas faire les vitrines sans être inquiété par les voitures.

Je trouve intéressant que l'État ait enfin compris qu'il n'était pas nécessaire de mener des opérations coûteuses et segmentées. L'approche doit être globale.

Vous m'avez posé une question concrète sur l'urbanisme commercial, je vais y répondre. L'Association des maires de France est favorable au rapprochement du droit commercial et du droit de l'urbanisme, il n'est pas possible de dissocier ces deux droits. Les territoires sont aujourd'hui organisés en intercommunalités, avec des SCOT. Comme l'a dit Patrick Ollier, c'est bien à l'échelle du SCOT qu'il faut étudier les éventuelles implantations commerciales, mais c'est à l'échelle du plan local d'urbanisme, le PLU, et du plan local d'urbanisme intercommunal, le PLUI qu'il faut mettre en place les moyens coercitifs pour assurer la cohérence et la complémentarité des activités commerciales.

Je partage également ce qui a été dit sur les commissions départementales d'aménagement commercial, dont on connaît les limites. La plupart des dossiers font l'objet d'un avis favorable. La CNAC est ensuite obligée de revoir ces avis. L'AMF considère que la région peut être la bonne échelle, à condition que les projets soient d'une envergure suffisante, à savoir au moins 5 000 mètres carrés.

Il faut avouer que l'évaluation des CDAC ne porte pas sur l'aspect économique et concurrentiel. Il est donc nécessaire de fixer de nouveaux critères, fondés sur une étude d'impact objective. C'est là un sujet majeur. Les maîtres d'ouvrage soumettent aux CDAC leurs propres études d'impact, mais personne n'est en mesure de dire si elles sont justes ou non. C'est le porteur du projet qui les finance ! Or on ne peut pas être juge et partie.

On évoque la possibilité, dans les secteurs de revitalisation, de déroger à l'autorisation à partir de 400 mètres carrés. Cette mesure doit être zonée. De nombreuses surfaces de 400 mètres carrés, appartenant à des maîtres d'ouvrage différents, sont inscrites dans des ensembles plus grands. Il ne faut pas se baser sur une surface plancher sans tenir compte du contexte. Les procédures doivent être allégées dans les secteurs en difficulté.

Benoît Huré, au nom de l'Association des départements de France. - Le projet est ambitieux, comme en attestent nos échanges. Nous voudrions traiter des problématiques différentes à l'intérieur d'un même texte. Or, on l'a vu, Patrick Ollier évoque des réalités totalement différentes de celles de Pierre Jarlier.

Les compétences des conseils départementaux ont été encadrées par la loi NOTRe. Il leur échoit la responsabilité de la solidarité territoriale. Si on aborde les centres-bourgs autrement qu'à travers le seul prisme du commerce, c'est-à-dire en prenant en compte l'ensemble des services et des équipements auxquels la population d'un bassin de vie peut accéder en un quart d'heure, alors les départements peuvent être à la manoeuvre, accompagner les territoires communaux ou intercommunaux et porter des projets.

Toutes ces questions vitales pour le renouvellement urbain et rural ne peuvent être appréhendées que dans le cadre d'une très grande transversalité. Il faut mettre autour de la table, outre les élus bien sûr, qui doivent prendre leurs responsabilités, tous ceux qui font la vie d'un centre urbain. À cet égard, des moyens financiers publics sont nécessaires pour soutenir les commerces et entretenir des équipements.

Il faut aussi faire la part des choses. Je ne pense pas qu'une perception contribue au développement d'un territoire. Il faut peut-être abandonner certains combats. Je me souviens que, alors que l'on fermait je ne sais plus quel service dans mon canton rural, peut-être la perception, de jeunes familles m'avaient dit qu'elles s'en moquaient, qu'elles payaient leurs impôts, que ce qu'elles voulaient, elles, c'était de bons équipements scolaires et une crèche.

Il faut aussi jouer collectif. Dans les territoires ruraux, les communautés de communes peuvent être un lieu de convergence, où développer des stratégies, pour un bassin de vie qui s'étend à plusieurs communes.

Vannick Berberian, président de l'Association des maires ruraux. - Quand on parle de revitalisation des centres-bourgs et des centres-villes, on pense retrouver ce que nous avons connu il y a cinquante ans. C'est illusoire. Il faut partir de ce qu'est la société aujourd'hui et des nouveaux modes de consommation. Il a été question d'Amazon tout à l'heure. Sur ces sujets, on ne peut pas faire abstraction de la responsabilité d'Amazon, mais aussi des grandes surfaces. Ces dernières ont commis le crime parfait : elles ont aspiré l'essentiel des commerces en périphérie, puis une fois que les locaux ont été disponibles en centre-ville, elles les ont rachetés pour y installer de petites unités. Je pense aux Carrefour city par exemple.

Nous devons réfléchir au rôle sociétal du centre-ville de demain. Et concrètement, nous devons également faire des efforts importants sur les délais de procédure et de financement, qui sont un frein terrible à la concrétisation d'un projet.

Il est également urgent de réfléchir aux normes excessives et souvent inappropriées, qui pèsent sur la réalisation des projets. Il est si difficile, pour une commune, d'avoir véritablement prise sur un bâtiment en vente, que l'intervention de la communauté de communes est indispensable pour faciliter les acquisitions et la mise en oeuvre de projets. En ce sens, nous sommes évidemment favorables à leur concours, dès lors que l'intercommunalité n'est pas présidée par le maire de la commune chef-lieu, qui a, trop souvent la fâcheuse habitude de vouloir organiser l'espace à son avantage. Là réside d'ailleurs l'une des faiblesses de la loi NOTRe, qui n'a pas corrigé cette difficulté. Le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) mériterait en outre d'être réinventé pour devenir plus opérationnel.

Je crois, en conclusion, que nous raisonnons sur ces sujets de manière trop thématique alors qu'ils sont liés les uns aux autres. Ainsi, alors que certains territoires souffrent d'un inquiétant déclin de l'activité agricole, les maires s'écharpent dans le cadre d'un PLUI pour accroître le nombre de leurs habitants, afin de bénéficier d'une DGF plus élevée. C'est absurde et inadapté aux besoins des territoires !

Corinne Casanova, vice-présidente de l'Assemblée des communautés de France (AdCF). - J'exerce les fonctions de vice-présidente de la communauté Grand Lac et de membre de la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC). A ce dernier titre, je partage nombre d'opinions exprimées jusqu'à présent : la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs ne se limite pas au commerce ; elle concerne évidemment l'habitat, comme l'exprimait M. Jarlier il y a quelques instants, mais également la mise à disposition de surfaces suffisantes et de l'ingénierie nécessaire à la mise en oeuvre de projets d'envergure.

En 2011, l'AdCF avait lancé une pétition en soutien de la proposition de loi relative à l'urbanisme commercial déposée à l'Assemblée nationale par Patrick Ollier. Plusieurs signataires ont depuis été ministres, sans qu'aucune des avancées proposées par ce texte n'ait été mises en oeuvre... Que de temps perdu !

L'échelon régional pour les décisions d'aménagement commercial aurait pu un temps être envisagé, mais l'étendue des nouvelles régions ne permet plus cette hypothèse. En outre, la commission départementale d'aménagement du territoire (CDAC) conserve un intérêt, dans la mesure où le bassin de vie dont elle a la charge a un sens évident pour les populations. Reste que sa composition ne fonctionne pas convenablement, nous en sommes tous conscients. Lorsque des territoires ne disposent ni d'un schéma de cohérence territoriale (SCOT) ni d'un document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC) prescriptif, la politique commerciale n'a fait l'objet d'aucune discussion préalable entre élus et la CDAC juge trop souvent un projet en opportunité ou en amitié. Les élus devraient au contraire, en l'absence de SCOT ou de DAAC, et même au risque d'allonger les délais, avoir mandat de leur intercommunalité pour discuter des politiques d'implantation commerciale en amont des décisions à rendre sur les projets présentés. Quant aux personnalités qualifiées, combien de directeurs de conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) tombent systématiquement d'accord avec le conseiller départemental ? Et ne parlons pas des services de l'État, qui concluent leurs rapports d'instruction en fonction de considérations amicales, ni des préfets qui ne prennent que rarement position...

La CNAC juge, elle, en droit, grâce à son éloignement des porteurs de projets. Si les critères ne conviennent pas, il faut alors les modifier. Il est souvent opposé que ces critères sont issus de l'Union Européenne, il ne faudrait pas pour autant surtransposer les dispositions de la directive. En 2016, seuls 57 % des projets présentés ont été autorisés, représentant environ 40 % des surfaces, afin de privilégier les extensions et requalifications aux nouvelles constructions.

Il serait également souhaitable, si je puis me permettre quelques propositions, de donner à la CNAC un droit d'amendement sur les projets présentés, ainsi qu'un droit de suite sur ceux qu'elle a acceptés. Il demeure en effet très incertain, même si le permis de construire doit être en conformité avec la décision de la commission, que la mise en oeuvre soit en tous points respectueuse du projet présenté, que ce soit sur les critères dits de verdissement ou sur les obligations de la loi Alur de 2014, en termes de stationnement (le nombre de places a été limité en périphérie, mais des dérogations rendues possibles en cas d'assurance sur la perméabilité des sols et si des espaces suffisants sont réservés aux véhicules de covoiturage et aux personnes à mobilité réduite). Rien n'indique non plus que le projet n'a pas été réparti sur plusieurs territoires pour passer sous les fourches caudines de la CNAC. Certes, la CNAC juge à l'échelle d'une zone de chalandise, mais son périmètre dépend du choix du porteur de projet alors qu'il devrait être défini par les services de l'État. Par ailleurs, le taux de vacance commerciale est souvent mal renseigné, malgré les chiffres fournis par la fédération du commerce spécialisé, Procos. Aussi, il est toujours intéressant d'entendre les élus défendre directement leur projet de territoire devant la commission, ce qui n'est malheureusement pas toujours la règle.

Nicolas Soret, Association des petites villes de France (APVF). - Comme président de la communauté de communes du Jovinien, j'évoquerai le cas de la ville de Joigny. Je ne partage pas, à l'aune de mon expérience, tous les propos ici tenus. En effet, à la différence des petites villes en zones denses chères à M. Ollier, les petites villes rurales, certes bénéficiaires du droit de préemption, n'intéressent nullement les investisseurs ou les porteurs de projets. Je vous rappelle d'ailleurs que le Sénat lui-même, en 2011, a qualifié Joigny de « ville martyre de la RGPP ». Nous avons perdu en moins de trois mois notre garnison militaire, le tribunal d'instance, le service chirurgical de l'hôpital, la maternité et le tribunal de commerce, dont les fermetures ont entraîné une réduction brutale de 10 % du nombre d'habitants. Nous n'avons pas été prévenus en amont de ces départs. À cette hécatombe s'ajoutent les contraintes d'une ville médiévale dotée d'un plan de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé (PSMV) - le centre-ville est très majoritairement constitué de maisons du XVIème siècle, érigées après l'incendie du bourg en 1542 - : un architecte des bâtiments de France (ABF) tatillon, des caves classées qui empêchent tout stationnement souterrain et des surfaces commerciales limitées à 35 m2. La vétusté d'un grand nombre de bâtiments rend nécessaire des travaux estimés entre 300 000 et 400 000 euros par unité, alors que le bâtit ne vaut rien. Il ne vous étonnera guère, après cette énumération, que l'on compte à Joigny 28 % de logements vacants et 40 % de surfaces commerciales inoccupées. C'est donc peu dire que les incitatives privées sont rares et ne peuvent, loin s'en faut, répondre aux besoins de revitalisation du centre-ville. Joigny s'est paupérisé, si bien que mon objectif est d'abord de « ré-embourgeoiser » ma commune, sans quoi toute initiative de revitalisation strictement commerciale sera vouée à l'échec.

Je reconnais l'importance du rôle des communautés de communes mais n'oubliez pas qu'en zone rurale, les maires des villages alentours regardent le chef-lieu avec suspicion. D'ailleurs, à vouloir déclarer la vieille ville de Joigny, qui se meurt, d'intérêt communautaire, je n'aurai jamais de majorité. Nombre de débats mortifères sont toutefois évités depuis que le législateur nous a donné des compétences obligatoires. Reste que Joigny se dépeuple au profit de son environnement immédiat, qui ne fait guère preuve de solidarité, en particulier fiscale, alors que le chef-porte l'essentiel des services de la communauté de communes. Alors, quand l'État à son tour se désengage, il y a de quoi se décourager. Savez-vous qu'après nous avoir cédé pour un euro symbolique quatorze hectares de terrain militaire, l'État, par la voix du préfet, n'a rien fait pour empêcher dans le même temps, l'installation de Pôle Emploi dans une zone d'activité privée ?

Sophie Roulle, France urbaine. - Je suis maire-adjointe déléguée à la redynamisation du centre-ville de Nîmes. Depuis une dizaine d'années, la ville dispose d'un centre commercial en périphérie, dont l'installation a entraîné, pour celui du centre-ville, un taux de vacances de plus de 30 %. Par comparaison, le taux de vacance commerciale dans les commerces traditionnels du centre-ville n'excède pas 10 %. Très concrètement, ne pourrait-on pas envisager une extension de la loi Malraux, qui fonctionne très efficacement pour le centre historique de Nîmes, peut-être prochainement classé au patrimoine mondial de l'Unesco, où de nombreux investisseurs s'engagent dans la rénovation de logements ? Les aides et dispositifs fiscaux prévus dans ce cadre pourraient utilement bénéficier aux commerces de centre-ville, en échange de loyers maîtrisés.

J'en appelle par ailleurs à un peu plus de souplesse chez les ABF : combien surenchérissent et freinent la mise en oeuvre de projets alors que, dans les secteurs sauvegardés, les contraintes sont déjà légions tant pour les propriétaires privés que pour les pouvoirs publics ? À Nîmes, à titre d'illustration, les boutiques situées dans la proximité immédiate de la Maison carrée doivent considérablement limiter la taille de leurs vitrines, ce qui entraîne des conséquences dommageables sur l'exposition de leurs produits.

Nabella Mezzouane, France urbaine. - Pour ce qui concerne l'aménagement commercial, France urbaine est favorable à la création d'une instance régionale, qui aurait pour avantage d'éloigner les décideurs des pressions locales et d'être en cohérence avec les compétences économiques dévolues à la région.

Les politiques de dynamisation des centres-villes doivent, pour être efficaces, combiner la rénovation de l'habitat privé, très souvent dégradé, l'aménagement des espaces publics, y compris pour le stationnement, et le développement des commerces. Ce travail transversal est particulièrement coûteux, spécialement à Roubaix, ville de 97 000 habitants dont 70 % du territoire est classé en politique de la ville, dont je suis adjointe au maire.

La création d'un observatoire des centres commerciaux pourrait bien sûr s'avérer utile, dès lors que sa mission s'étendrait, au-delà de leur installation, à leur évolution. À Roubaix, le centre commercial a beau se situer en centre-ville, il enregistre 30 à 40 % de vacances. Les habitants s'en détournent malgré sa proximité avec le village des marques McArthurGlen et ses trois millions de visiteurs annuels et avec le musée de la Piscine, qui reçoit chaque année 250 000 personnes.

Vous avez évoqué le projet de consacrer cinq milliards d'euros à la revitalisation des villes moyennes. L'initiative est excellente, à un bémol près : le dispositif ne concernerait pas, en l'état, les villes qui appartiennent à une métropole. Roubaix, malgré ses quartiers en politique de la ville, ne pourrait ainsi pas en bénéficier.

Martial Bourquin , rapporteur . - J'entends beaucoup de fatalisme, justifié parfois, dans vos interventions. Je retrouve dans la description de Joigny de nombreux problèmes rencontrés dans les anciens bassins industriels que je connais bien. Est-il possible de trouver des solutions efficaces ou faut-il encore que « tout change pour que rien ne change » ? La Grande-Bretagne et l'Allemagne mettent en oeuvre avec succès des politiques très différentes des nôtres. En Allemagne, aucune extension de surface commerciale n'est possible sans étude d'impact indépendante et certaines zones commerciales ne peuvent pas même être étendues. Ainsi, les grandes surfaces sont pour certaines installées au coeur des villes. Si nous ne mettons pas en oeuvre des projets de redynamisation urbaine qui traitent également l'habitat, comme nous l'avons fait pour les quartiers populaires, nous irons à l'échec. Mais, pour ce faire, l'État doit y consacrer des moyens considérables.

Il faut mettre fin à la culture du tout-périphérie. Or les services de l'État la partagent. Ma ville entre Belfort et Montbéliard avait un hôpital en plein centre. Les soignants, les parents des malades en visite, cela en fait, des clients ! Il est désormais en périphérie. Il est impossible de dresser la liste des services publics qui ont subi le même sort...

Rémy Pointereau , rapporteur . - ...des directions de territoires, parfois des conseils départementaux...

Martial Bourquin , rapporteur . - Patrick Ollier a raison : il faut faire usage de son droit de préemption. Mais il faut de l'offre !

A-t-on assez de grandes surfaces ? Les statistiques sont implacables, à part Paris et peut-être Nice, tout le territoire est touché. Les centres villes sont désertifiés comme les centres-bourgs. Il faut un changement de culture de l'État et des collectivités locales. Il faut arrêter avec la périphérie.

La fiscalité peut-elle changer ? Les grandes surfaces restées en centre-ville, que nous avons reçues, nous l'ont dit : les normes représentent des budgets impressionnants.

On a fait des zones franches en périphérie, pourquoi pas dans les centres villes ? Cela amènerait des entreprises à les réinvestir. Il ne faudrait pas que nous nous retrouvions dans cinq ans pour refaire la même réunion ; nous avons le soutien de la présidence du Sénat. Il faut aller vers la loi, toucher à l'urbanisme - sans lequel nous n'obtiendrons rien. Les élus auront alors des moyens d'intervenir.

Éric Kerrouche . - Tout cela s'inscrit dans des logiques de métropolisation qui nous dépassent. Attention à la concurrence entre SCOT, et aux périmètres de SCOT et de PLUI qui ne se recoupent pas forcément. Approuvez-vous des SCOT assortis d'un DAAC prescriptif qui écarte les centralités en dehors des villes ? Seriez d'accord avec une telle régulation commerciale coercitive forte ?

Côté fiscalité, envisagez-vous un système bonus-malus qui désavantage les implantations périphériques, au bénéfice des implantations au centre ? Ne pourrait-on pas limiter les prérogatives de l'ABF, non pas pour faire n'importe quoi, mais pour faciliter les choses ? Quant au logement, le PLUI peut permettre de créer des dispositifs spécifiques.

Martine Berthet . - Ancien maire d'une ville de 20 000 habitants, je pense que la priorité est de remettre des habitants au coeur des villes. Il faut aussi favoriser le stationnement car c'est souvent ce que recherchent les acteurs en périphérie.

Au nom de la commission des affaires sociales, je souhaiterais parler des boosters d'activité que sont les professions médicales - Martial Bourquin parlait des hôpitaux - pour beaucoup parties dans les périphéries pour investir des locaux neufs et adaptés aux normes de plus en plus nombreuses qui pèsent sur elles. Il y faudrait plus de dérogations. La clientèle qui venait des villages alentour ne vient plus et ne consomment donc plus en centre-ville. Les pharmacies sont fragilisées. Il est important de leur permettre de revenir, ou de rester - tous ne sont pas encore partis. Il faut réagir très vite pour les empêcher de partir.

Patricia Schillinger . - Maire d'une commune de 3 400 habitants dans le secteur des trois frontières, frontalière avec la Suisse. Dès que cela a été possible de préempter des baux commerciaux, j'ai souhaité que la commune s'en saisisse pour garder les commerces au centre. Nous n'avons pas encore de retour : combien de baux ont-ils ainsi été préemptés ?

La loi peut-elle inciter les grandes enseignes à investir les bâtiments de centres villes ? Bien des choses ont été faites en Allemagne. À Berlin, l'architecture extérieure des centres commerciaux ressemble plutôt à des immeubles d'habitation. À Barcelone, un de ces centres a été installé dans d'anciennes arènes. Il faut se projeter dans les dix à quinze années à venir en fixant des priorités, avec notamment la COP 23. Les architectes sont prêts. La loi doit-elle interdire les centres commerciaux à l'extérieur des villes ? Nous pensons tous qu'il y en a suffisamment.

Pierre Jarlier, au nom de l'Association des maires de France. - Je rejoins Martial Bourquin à propos des zones franches ; nous avons su faire des zones franches urbaines ; pourquoi ne pas définir des zones en grande difficulté. Mais il faudra définir de vrais critères de fragilité, à l'inverse de ce qu'on a fait pour les ZRR, qui embrassent trop de territoires. L'exonération fiscale doit être compensée par l'État, car les collectivités concernées n'en ont pas les moyens. L'article 102 de la loi de finances pour 2018 part d'une bonne idée : les communes peuvent instituer un abattement sur la taxe foncière des commerces de moins de 400 mètres carrés, et dans ce cas augmenter la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom). Mais il y a une vraie difficulté : d'un côté, c'est la commune, et de l'autre, c'est l'intercommunalité qui ont la main ; il faut une vraie incitation fiscale, mais compensée au sein d'une même catégorie de collectivité.

La revalorisation des bases des locaux professionnels a été parfaitement injuste : au lieu du rééquilibrage escompté, au terme des dix ans de lissage, les plus grandes surfaces ont été revalorisées de 2,2 % en moyenne, alors que les surfaces inférieures à 400 mètres carrés l'ont été de 47,8 %. Il faut corriger cela par la loi.

Patrick Ollier, Président de la Métropole du Grand Paris. - Nous sommes au Sénat ; ici, on écrit la loi. Je vous ai présenté une boite à outils que la métropole du Grand Paris a faite pour ses communes - la métropole de Lille pourrait en faire une pour ses communes - mais tout cela doit s'inscrire dans la loi. Ma proposition de loi sur le sujet a connu un mauvais destin, mais le Sénat pourrait opportunément reprendre ses dispositions. Sans colonne vertébrale - le SCOT - rien ne sera possible. Je rejoins ce que dit Martial Bourquin sur l'Allemagne. La revalorisation injuste que Pierre Jarlier évoque n'aurait pas eu lieu si ma proposition de loi avait été votée.

Sur les bâtiments qui se construisent en périphérie - on est effectivement loin de l'Allemagne et de Barcelone - les maires ont une responsabilité énorme. Ce sont eux qui déterminent les conditions de mise en oeuvre du PLU. La loi doit peut-être le leur rappeler. Il faudrait une commission d'aménagement commercial métropolitaine, au lieu des quatre commissions existantes, les CDAC, une par département, sur le territoire du Grand Paris.

C'est moi qui ai créé les ZRR ; c'est moi qui ai créé les zones franches. Nous avions créé des instruments d'aménagement du territoire, mais les gouvernements successifs ont cassé la boussole. Les instruments sont en déshérence et chacun se débrouille comme il peut, faute de coordination. Gaulliste, je suis pour que l'État joue son rôle. Il faut un plan global - le Fisac est à cet égard une très bonne idée. Le droit de préemption des baux, c'est très bien, mais il y a aussi l'achat de murs, qui permet de maitriser les loyers, problème majeur en centre-ville. Si le Gouvernement est d'accord pour une loi accompagnée d'un financement, on retrouverait la boussole. Ce dont vous parlez, c'est de micro-aménagement du territoire.

J'ai proposé un plan aux 131 maires du Grand Paris : la métropole de Lille, qui a plus de moyens que nous, pourrait faire la même chose.

Vanik Berberian, Président de l'Association des maires ruraux. - C'est la jungle : chacun essaie de tirer la couverture à lui, sauver ses habitants - ce qui est normal ! À côté du principe pollueur-payeur, il faudrait instituer un principe aspirateur-contributeur. Le commerce à distance et les grandes surfaces ont leur part de responsabilité dans la désintégration du tissu commercial. Nous connaissons tous des petits villages ou la station-service ferme, faute de pouvoir se mettre aux normes : les habitants vont prendre l'essence à la grande surface, où ils prennent aussi le pain et la viande, et après quelque temps, c'est au tour de la boulangerie et de la boucherie de fermer. Il faut réinstaurer des règles du jeu

Il n'y aura pas des centres commerciaux partout ; il faut donc un que le SCOT permette d'avoir une vision globale du territoire, à condition que chacun respecte la règle du jeu. M. Soret reprochait aux maires ruraux assis sur rien et qui voulaient garder leur rien.... Le problème est qu'ils sont souvent les dindons de la farce. Avec une règle du jeu claire, cela changerait leur comportement. Il faut davantage prendre en compte l'aspect psychologique des choses.

Sonia de la Provôté . - Le SCOT doit être compatible avec les règles générales du Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). Il faudrait donc qu'ils abordent de manière systématique l'inter-SCOT, si l'on veut lutter efficacement contre les concurrences commerciales, mais aussi sur le logement ou sur la fiscalité.

À Caen-Métropole, nous avons adopté un DAAC prescriptif. Mais nous n'avons pas d'outil pour la réversibilité de chaque nouveau bâtiment, alors que nous devrions être extrêmement exigeants. En cas de déplacement de commerce : nous avons peu de moyens d'exiger des engagements sur la friche qu'il va laisser. Il faudra clarifier l'ambiguïté entre surface de vente, surface commerciale et surface de plancher. Nous avons choisi la surface de vente, mais beaucoup de juristes font passer des projets qui ne sont pas de la bonne taille grâce à cette ambiguïté. Autre insuffisance, nous n'avons pas d'outils juridiques permettant d'agir par typologie de commerce, permettant d'imposer un type de commerce (boulangerie ou autres). Enfin, il est difficilement tenable juridiquement d'exiger plus ou moins de mille mètres carrés ; c'est dommage. Lorsque nous ne trouvons pas d'entreprises à installer dans une ZAC, nous avons tendance à y installer du commerce - mais c'est un vrai cheval de Troie. Il faudrait limiter cette dérogation à 5 %.

Joël Labbé . - J'apprends beaucoup de choses ; merci pour la richesse de vos contributions. Face à ce vaste sujet, je crois plus que jamais dans la force de la loi. Il faut réagir après cinquante ans de règne sans partage de la grande distribution et de l'industrie agroalimentaire - dont nous avons eu encore eu un exemple de conséquence néfaste hier soir avec les révélations de Cash investigation.

Patrick Vignal. - Quelle honte !

Joël Labbé . - Les grandes surfaces des périphéries ont pompé l'activité des centres villes. Il y en a suffisamment, et même trop. Je crois beaucoup à l'alimentation de proximité...

Rémy Pointereau , président . - Les circuits courts...

Joël Labbé . - Oui, les circuits courts organisés. Les magasins d'agriculteurs fleurissent partout, mais surtout dans les périphéries, car c'est plus facile pour eux de s'installer. Or il faudrait qu'ils aillent en centre-ville. Il faut les y aider.

Il faudra revenir aux ceintures maraichères du passé. L'histoire nous donne raison. Nous les regagnerons sur des activités commerciales.

Nous sommes nombreux, et de tous les bords, à dire que le Fisac, où les élus locaux avaient la main, avait fait ses preuves. Il est dommage de nous en priver.

Nelly Tocqueville . - Membre de la commission de l'aménagement du territoire, et encore maire d'une commune de 900 habitants au sein de Rouen-métropole, qui, avec 500 000 habitants, présente une réelle diversité, puisque 45 de ses 70 communes ont moins de 1 500 habitants. Vanik Berberian l'a dit, le maire a raison de vouloir garder ses habitants, il veut garder son école, il crée une garderie et un centre de loisir. Le nouvel arrivant attend tout cela, pas forcément une boulangerie. Or nous savons tous que c'est essentiel pour le lien social et le mieux vivre ensemble. Il faut inventer de nouvelles formes de commerces, qui soient des lieux de vie, d'échanges, où l'on vient bavarder, boire un café, consommer des produits en circuit court, ce qui nécessite de se rapprocher d'Amap et de producteurs locaux. La qualité de vie et l'activité économique locale y trouvent leur compte. Il faut mener une vraie réflexion commune avec tous les acteurs, en particulier les bailleurs sociaux, qui devraient être capable de concevoir un projet de logements avec des cases commerciales : case auto-école, coiffeur, épicerie. Cela ensuite appelle d'autres commerces. Cela se fait peut-être dans la dentelle, mais c'est à l'image de notre territoire.

Le président Ollier a raison, il faut réinventer l'urbanisme dans les centres villes, ce qui implique de réfléchir à la place de la voiture. Faut-il y faire revenir les voitures ? Peut-être, mais aussi concevoir des transports en commun et des parkings en périphérie. Attention à ne pas rater cette autre problématique qui se pose à nous aussi aujourd'hui. Ne faudrait-il pas un meilleur accompagnement fiscal et juridique ?

Patrick Vignal, président de l'association Centre-ville en mouvement. - Il y a un problème de courage politique en France. Si l'ancien maire de Montrouge, Jean-Loup Metton a construit uniquement en vertical, l'étalement urbain nous coûte l'équivalent d'un département tous les cinq ans - c'est contradictoire avec l'envie de circuit court. Il ne faut pas sous-évaluer la problématique de l'accessibilité des centres villes. Une famille avec deux enfants, au centre commercial, se voit offrir gratuitement un gardien, une sécurité, une musique, un parking...

Je suis gêné lorsque je participe à ce genre de réunions. Cela fait trente ans que les maires connaissent le diagnostic, mais je suis fatigué de voter des lois qui ne tiennent pas compte de la réalité - l'exemple de Roubaix le montre : il n'est pas pensable qu'une ville constituée à 70 % de quartier politique de la ville soit exclue du dispositif !

En 2016, il y a eu 22 % d'autorisations supplémentaires de mètres carrés de centres commerciaux, dont 90 % en périphérie ; cette année, la CNAC a voté 1,6 millions de mètres carrés supplémentaires, alors que la Wallonie ou l'Allemagne vont voter un moratoire.

Mon ennemi, ce ne sont pas les centres commerciaux, mais plutôt la vente en ligne, qui installera de grands hangars horribles non écologiques et dira à des jeunes ubérisés : achetez un Kangoo et livrez aux habitants sur les derniers kilomètres.

Avec Pierre Creuset, j'aurais souhaité en faire une grande cause nationale. Je n'ai pas encore été entendu par Jacques Mézard, mais cela ne saurait tarder. Je veux bien l'échanger contre une loi. Mais pour une fois, soyons concrets : appliquons un moratoire ; ayons conscience que les bailleurs sociaux préfèrent bâtir du neuf en périphérie, ce qui leur permet de défiscaliser et coûte 1 200 euros le mètre carré, plutôt que de rénover en centre-ville de Joigny, ce qui leur coûte 5 000 euros. Mon médecin quitte Montpellier parce que l'accessibilité lui coûte 80 000 euros alors qu'aucun handicapé ne vient, et que, toutes les heures, il faut mettre 1 euro dans le parcmètre.

La fiscalité est pensée et repensée. Pourquoi ouvrons-nous les CDAC à tant d'acteurs ? Pour éviter ce qui arrive souvent : que le maire de la ville centre ramène tout chez lui.

Il est vrai qu'il faut parfois piétonniser, faire du vélo électrique et des conteneurs enterrés, Madame Tocqueville, mais parfois non. La vie est différente à Montpellier, à Roubaix ou à Joigny. Le problème de la France est qu'elle a tendance à vouloir suivre un seul modèle. Recherchons plutôt la flexibilité.

Disons aux neuf Français sur dix qui aiment leurs centres-villes, selon le baromètre, et qui font leurs courses le week-end au centre commercial, qu'ils sont aussi responsables des 900 à 1000 villes qui deviennent des mouroirs après 19 heures. Venez à Lunel, à Béziers, à Perpignan, à Narbonne ou à Lodève : à 19 heures, les rideaux sont fermés.

Cessons d'enfiler des perles. Ce Gouvernement met 5 milliards d'euros sur la table - c'est un début. Mais les combats comme celui de Roubaix, nous devons les mener. Il faut des résultats.

Nabella Mezouane, France Urbaine. - Le centre-ville de Roubaix est depuis plus de dix ans en zone franche. C'est très bien, mais insuffisant. Concernant la revalorisation des locaux professionnels pour la taxe foncière, une dizaine de commerçants mettront la clé sous la porte parce que leur taxe foncière a été multipliée par deux ou trois. Cette taxe pour les particuliers est plus élevée à Roubaix qu'à Lille ; cela fait partir les habitants ! Je préfèrerais un moratoire en fonction des activités, pour éviter par exemple d'avoir cinq kebabs sur un même linéaire. On le fait bien pour les pharmacies. Ce serait un levier important.

Je suis aussi en charge de la commission de sécurité et d'accessibilité. Il est regrettable que les commerces de cinquième catégorie se dispensent de respecter les normes de sécurité.

Proposez-nous une Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) pour les centres villes ; jusqu'à présent nous ne pouvons compter que sur des fonds régionaux ou municipaux.

Josiane Corneloup. - Je souscris à bien des propos tenus ici, mais nous ne parlons pas tous de la même chose : commune de banlieue d'une agglomération, petite ville, ville centre avec peu habitants. Le SCOT et le DAAC doivent être prescriptifs pour exercer une véritable pression sur les commerces. Il ne faut pas se voiler la face : il y a une vraie concurrence entre territoires, entre villes. La fiscalité peut être importante pour revitaliser des zones qui en ont besoin. Il faut une vraie volonté politique pour aider des territoires en grande difficulté. Les commerces ont quitté les centres bourgs, mais l'État n'aide pas, bien au contraire, et les maisons de santé s'installent en périphérie. Il favorise des pôles scolaires de 150 enfants qui peuvent dévitaliser 15 communes en les privant d'écoles. Les officines - étant moi-même pharmacien, je le sais bien - se regroupent dans de grands pôles à 45 minutes de leurs clients...

Nous avons fait de grandes communautés de communes. Il est urgent maintenant de concevoir de vrais projets de territoire. Ce n'est pas simple !

Nous devons nous demander quel est le modèle du centre-ville, du centre bourg ? Est-il le même qu'il y a vingt ans ? Les modes de consommation, d'habitat ont changé. Faut-il toujours autant de commerces ? Cela est-il faisable au regard des loyers, des taxes foncières ? Ne faut-il pas plutôt des lieux de convivialité, des aménagements urbains ? Faire revenir les bailleurs sociaux est très difficile.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Il est évident que nos territoires sont concurrents. Le texte auquel nous souhaitons aboutir ne pourra pas s'appliquer systématiquement à l'ensemble du territoire. Il devra être le plus souple possible afin de pouvoir s'adapter à chacun des territoires.

Nelly Tocqueville a indiqué que lorsque des maires décident d'augmenter une surface commerciale, c'est parce qu'ils veulent des habitants de plus. J'ajouterai qu'ils veulent aussi compenser les pertes de recettes de leur commune, la DGF ne cessant de diminuer. Ces difficultés financières ont des effets pervers et conduisent à prendre des décisions qui ne sont pas forcément bonnes.

Monsieur Soret, pourrez-vous nous faire part de vos idées sur la diminution des normes et évoquer les architectes des bâtiments de France, les ABF ?

Nicolas Soret, au nom de l'Association des petites villes de France. - L'Association des petites villes de France, l'APVF, n'est pas favorable à un SCOT entièrement prescriptif. Nous pensons qu'il serait suffisant qu'il le soit sur quelques thématiques, notamment le commerce. En revanche, nous pensons qu'il faudrait rendre obligatoire l'élaboration des documents d'aménagement artisanal et commercial, les DAAC. Nous prônons également une fiscalité extrêmement ciblée sur les coeurs de ville et les rues commerçantes.

L'APVF avait soutenu la création d'une taxe sur le e-commerce afin de financer un fonds dédié à la revitalisation des centres-bourgs et des rues commerçantes. Pour l'heure, on ne taxe que les superficies commerciales, avec la Tascom, soit les magasins physiques.

Il m'est en revanche difficile de répondre à votre question sur les architectes des bâtiments de France. En dix ans de mandat, j'en ai vu passer quatre, extrêmement différents les uns des autres. Pour ma part, je distingue les « souples » et les « canal historiques » ! Pour ces derniers, il ne faut toucher à rien, quand les premiers arrivent à des conclusions différentes en s'appuyant sur les mêmes règles et sur les mêmes textes. L'APVF peut vous soumettre une contribution sur cette question si vous le souhaitez.

Corinne Casanova, vice-présidente de l'Assemblée des communautés de France. - Sur la question des valeurs locatives, on peut imaginer des coefficients de localisation pour essayer de différencier ce qui a été fait et poursuivre néanmoins la révision des valeurs locatives pour que l'impôt soit plus juste.

Vaut-il mieux un SCOT ou un PLUI ? En fait, je crois à tout document pouvant être discuté. Pourquoi pas également le SRADDET ? Tout dépend de la qualité du dialogue avec les intercommunalités, toutes les régions n'étant pas logées à la même enseigne à cet égard. La loi NOTRe a ajouté la politique locale du commerce à la liste de nos compétences.

Vous avez évoqué les surfaces de vente et les surfaces de plancher. Il faut être très vigilant sur cette question. Nombre de commerces ont des surfaces de vente inférieures à 900 mètres carrés, qui ne nécessitent donc pas d'autorisation. En revanche, leurs surfaces de stockage sont immenses. Deux ans plus tard, ces commerces nous demandent de transformer leurs surfaces de stockage en surfaces de vente. En termes d'aménagement du territoire, on est coincé, les surfaces étant déjà construites.

Sur le territoire de la métropole Savoie, nous avons un SCOT et un DAAC. On tient compte de la surface de vente et de la surface de plancher. Les zones d'aménagement commercial (Zacom) sont de taille différente. Chaque commune a droit à une centralité commerciale, sans critère de taille. Dans les PLU, les Zacom ont une vocation territoriale départementale. On n'autorise pas les petites surfaces qui font de la concurrence. Enfin, les Zacom sont délimités à la parcelle.

Il a été rappelé que la CNAC avait autorisé un grand nombre de nouvelles surfaces commerciales, mais elle le fait conformément aux critères de la loi ! À vous de la modifier si vous le jugez utile. Actuellement, les cours administratives d'appel n'acceptent pas nos refus de projets lorsque l'on ne respecte pas ces critères. Lorsqu'elles nous demandent de revoir un projet, on redit la même chose, à tel point qu'on est même passé pour une autorité indépendante et qu'on s'est posé la question de notre survie.

Il a été question des matériaux locaux. La CNAC a des critères sur cette question. On peut déjuger un bâtiment s'il n'utilise pas des matériaux locaux. De même, nous avons des critères s'agissant des friches qui peuvent nous conduire à refuser la délocalisation d'un projet commercial. Celui qui s'en va a des responsabilités.

S'agissant de la réversibilité des projets, il faut penser aux baux emphytéotiques, à ne pas se dessaisir. Autrement, on n'est effectivement plus maître des choses.

Enfin, j'en viens à la question du moratoire. Pourquoi pas un moratoire en effet, en fonction du taux d'équipement du territoire ? Dans une commune de Savoie, la revitalisation du centre est passée par l'implantation d'une petite surface commerciale où il n'était pas question qu'il y ait un coiffeur, un fleuriste. Cela a permis d'éviter une évasion du centre-ville.

Patrick Vignal, président de Centre-ville en mouvement. - La véritable question demain portera sur les achats sur internet. Depuis que nous avons proposé ce moratoire, des maires nous soutiennent et le signent. Il est vrai qu'il y a des Carrefour market de 400 mètres carrés tous les cinquante mètres à Paris et que cela fonctionne, parce que les Parisiens ont du pouvoir d'achat.

Pierre Creuzet, directeur-fondateur de Centre-ville en mouvement. - Centre-ville en mouvement travaille depuis quinze ans sur tous les sujets qui viennent d'être abordés. Patrick Vignal a déposé au mois de septembre une candidature pour faire des centres-villes la grande cause nationale en 2018. Cela a suscité un engouement de la part des journalistes et du grand public.

Nous avons rencontré la directrice de l'ANAH, toutes les fédérations de commerces de bouche, les buralistes, les libraires, les syndicats de cinéma. J'indique que 32 % de la circulation en centre-ville est due aux livraisons.

Pour vous donner de l'espoir, je rappelle que 70 % des jeunes sont attachés à leur centre-ville, selon le baromètre du centre-ville et des commerces.

Je suis favorable au moratoire pendant un an, sachant que la Commission nationale a autorisé 37 % de surfaces commerciales en plus et que l'on a porté de 300 mètres carrés à 1 000 mètres carrés le seuil nécessitant une autorisation. Nous demandons que les commissions soient ouvertes au public, comme les conseils municipaux. Selon moi, l'échelon régional est le meilleur échelon.

Les entrées de ville sont un désastre écologique. La loi doit régler les choses, notamment sur les aspects environnementaux.

Enfin, les financements du Fisac sont importants.

Pierre Jarlier, au nom de l'Association des maires de France. - Nous n'avons pas assez parlé de mixité sociale. Il faut absolument mettre en place des mesures spécifiques en centre-ville en matière de logement. Il n'y a pas de raison que l'accession sociale à la propriété soit soumise à une TVA réduite en construction et pas en réhabilitation. Cela coûte plus cher de rénover que de construire !

Le Fisac est une usine à gaz. Il est aberrant qu'il soit géré à partir d'un ministère et non de manière déconcentrée. En outre, ses moyens doivent être augmentés eu égard aux enjeux.

Enfin, j'évoquerai le e-commerce. Aujourd'hui, on peut créer des plateformes locales de e-commerce, mais cela coûte extrêmement cher - plus de 60 000 euros pour un résultat à peu près opérationnel. Un soutien est donc nécessaire. De même, les véhicules propres et autonomes pourraient être aidés afin de favoriser la mobilité dans les centres-villes, certains endroits n'ayant pas les moyens de mettre en place des transports en commun.

En conclusion, les centres-villes sont un sujet de société, une grande cause nationale, mais alors que les opérations de revitalisation sont essentielles, on nous annonce que seule une vingtaine de territoires par an seront concernés. Ce n'est pas à la hauteur des enjeux.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Pour information, nous organisons une table ronde avec les grandes surfaces le 31 janvier. Par ailleurs, vous pouvez nous adresser une contribution écrite en complément de ce que vous avez dit aujourd'hui. Enfin, je vous remercie de vos interventions.

Martial Bourquin , rapporteur . - À mon tour, je vous félicite pour la qualité de vos interventions.

Nous ne retrouverons pas les centres-villes d'hier. Cependant, nous devons garder à l'esprit que les fonctions sociales des centres-villes sont indispensables au vivre-ensemble, compte tenu du vieillissement de la population et des changements structurants en cours, sinon nous rencontrerons de graves difficultés.

La loi à laquelle nous voulons aboutir devra être structurante, fluide et complexe, adaptable aux territoires. Nous allons toucher à l'urbanisme, à la fiscalité. Une bonne loi se mesure à sa fluidité et à son adaptabilité. Le Sénat, en tant que représentant des territoires, a un rôle particulier à jouer, parce qu'il est à l'écoute des élus. Nous pourrions parvenir à un changement radical en matière d'aménagement du territoire. Nous ne devons pas nous contenter de constater les dégâts, nous devons aussi être capables de changer cet état de fait.

TABLE RONDE DES GRANDES ENSEIGNES
(31 JANVIER 2018)

Le mercredi 31 janvier 2018, le groupe de travail lors de la table ronde « des grandes enseignes » a entendu : Alain Gauvin, Directeur exécutif des affaires juridiques et réglementaires France et Nathalie Namade, Directrice des affaires publiques Groupe, Carrefour ; Paul Hugo, Directeur des relations institutionnelles et Olivier Louis, Directeur de la communication, Auchan ; Claude Risac, Directeur des relations extérieures et Jean-Luc Fechner, Directeur adjoint des relations extérieures, Casino ; Dominique Schelcher, Président-directeur général U Enseigne coopérative Est et Thierry Desouches, Responsable des relations extérieures, U Enseigne coopérative ; Jacques Creyssel, Délégué général et Cécile Rognoni, Directrice des affaires publiques, Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD) ; Frédéric Frayssinet, Directeur national de l'immobilier, Lidl.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Mes chers collègues, Mesdames, Messieurs, nous sommes heureux de vous accueillir pour notre cinquième table ronde consacrée aux grandes enseignes. Après avoir entendus les acteurs du petit commerce, les enseignes de centre-ville et de proximité, des experts et, plus récemment, les élus locaux, il nous semblait important d'entendre les grandes enseignes, recueillir leurs avis et leurs propositions pour revitaliser nos centres-villes et centres-bourgs. Nous vous remercions vivement de votre présence.

Je vais, en quelques mots, rappeler le périmètre et l'objectif de notre groupe de travail pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Ce groupe est composé de 18 sénateurs représentatifs de tous les groupes politiques du Sénat, des six commissions permanentes concernées (lois, finances, culture, développement durable, affaires économiques et affaires sociales) et des délégations sénatoriales aux collectivités territoriales et à la décentralisation, d'une part, et aux entreprises d'autre part.

Nous avons déjà rédigé un premier rapport. Publié en juillet dernier, ce constat a fait le constat de la fragilisation des centres-villes et centres-bourgs et le recensement des différents facteurs pouvant expliquer cette situation. Aujourd'hui, nous souhaitons définir les solutions les plus audacieuses face à ce que nous considérons comme une fatalité. Nous nous trouvons face à une véritable question de société qui soulève un enjeu majeur pour notre groupe de travail, celui de la conception de ce que nous faisons de la ville de demain et du lieu de vie sociale. Souhaitons-nous pérenniser une ville à l'européenne, avec un vrai centre-ville, un lieu de vie sociale, un lieu de vie collective ?

Nous allons vous poser deux questions aujourd'hui : comment aider les centres-villes à retrouver un dynamisme ? Comment la grande distribution peut-elle y contribuer ?

Je souhaite une discussion franche et directe. Vous faites partie des acteurs essentiels de cette situation. Nous nous trouvons à un tournant de notre façon de commercialiser. Le développement croissant du e-commerce contribue à cette dévitalisation des centres-villes et des centres-bourgs qui comptent parfois jusqu'à 20 % de logements et de locaux commerciaux vides. Dans le même temps, le nombre de grandes surfaces en périphérie augmente de façon exponentielle et non raisonnée, sans étude d'impact financier, sans étude du marché et du potentiel local, sur des territoires qui perdent souvent des habitants, où le pouvoir d'achat est en baisse. Les surfaces augmentent trois fois plus vite que la consommation des ménages.

Il faudra nous expliquer comment vous pourrez tenir face à la concurrence sans laisser à un moment donné la place à des friches commerciales dans nos périphéries. Nous avons tous une part de responsabilité sur le sujet. Je pense que nous devons prendre conscience que cette démarche est perdante à la fois pour les centres-villes, les centres-bourgs et les producteurs locaux, car la concurrence tire les prix vers le bas. Comment peut-on organiser et statuer sur de nouvelles installations en fonction du marché existant, de la variété des commerces, du besoin de la population par une étude de marché plus objective ? Nous devons inverser cette machine infernale en trouvant des solutions très rapidement.

Martial Bourquin, rapporteur. - Je partage totalement les propos de mon co-rapporteur. S'est mise en place depuis quelques décennies une culture de la périphérie qui a déplacé de façon très importante les flux commerciaux, l'habitat, les équipements structurants. Il ne s'agit pas de maintenir une opposition stérile. Ce qui a été construit existe. Nous devons tenter de rééquilibrer le centre-ville. Nous le ferons d'abord grâce à des politiques de logement à haut niveau, car lorsque la population déserte le centre-ville, les commerces disparaissent. Il faudra également améliorer l'esthétique et les équipements publics du centre-ville. Dans les prochains mois, le haut débit devra être disponible pour numériser nos coeurs de ville. Nous devons mener une approche globale. Il faut parler habitat, équipements structurants et équipement commercial.

La question que nous souhaitons vous poser est la suivante : êtes-vous disposés à changer d'optique vis-à-vis des centres-villes et de la périphérie et à participer à cette revitalisation absolument indispensable ? La question du centre-ville représente une question de civilisation. Aujourd'hui, nous constatons que sans centre-ville, la crise sociale se révèle encore plus importante. Nous avons besoin de lieux de rassemblement, de convivialité avec des services et du commerce. Nous pouvons le voir sur les zones blanches ou la problématique de la couverture médicale. Les voyants passent au rouge les uns après les autres. Il nous semble qu'aujourd'hui il faut avoir une volonté de redressement.

Avec la digitalisation croissante, avez-vous la volonté de revenir dans les centres-villes ? Les projets de développement vont-ils se rééquilibrer au profit des centres-villes et centres-bourgs ? Nous sommes à l'écoute de vos propositions.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Dans un premier temps, j'aimerais que chaque groupe puisse s'exprimer assez brièvement et que nous ayons des échanges assez interactifs.

Quelles sont vos premières réactions sur les questions que nous venons de vous poser ?

Jacques Creyssel, Délégué général Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD). - Nous partageons totalement votre avis. Le sujet de la ville constitue l'un des sujets majeurs pour nous, notamment par rapport au développement du e-commerce. Il s'agit effectivement d'un sujet multifactoriel, puisqu'il recouvre des aspects liés au logement, aux commerces, aux services publics, aux professions libérales et aux mobilités. Pour autant, cette situation n'est pas inéluctable. Certaines villes sont sorties de cette situation en menant une politique d'ensemble sur tous ces sujets. Des solutions sont possibles.

Je crois que la question ne se pose pas de la même façon dans l'alimentaire et le non alimentaire. L'emploi dans le domaine alimentaire a eu tendance à se développer au cours des dernières années, de même que son implantation dans les villes. L'alimentaire s'est rénové de manière importante. Aujourd'hui, 2 500 magasins font office de bureau de poste. Nous nous trouvons donc dans une dynamique bien différente.

Le changement de modèle fait également évoluer la façon d'appréhender les problèmes. Il peut exister localement une confrontation entre périphérie et centre-ville. Pour autant, le sujet majeur pour nous tient à l'avenir du commerce physique. Nous ne devons pas nous tromper de débat. L'avenir du commerce physique est posé, car nous faisons face à des concurrents qui ne paient pas d'impôt et n'appliquent pas les mêmes règles. Il faut absolument qu'une politique publique assure l'égalité des conditions de concurrence. A défaut, toute autre action engagée par ailleurs ne servira à rien.

Alain Gauvin, Directeur exécutif des affaires juridiques et réglementaires France Carrefour. - Nous avons dressé les mêmes constats et notre Direction générale, entendue ce matin au Sénat, les partage. Vous parlez de rentabilité des mètres carrés créés. Dans le plan de transformation, nous avons annoncé la redistribution sur 100 000 mètres carrés de nos hypermarchés pour les réallouer à d'autres commerces.

Nous partageons aussi notre croyance dans le commerce de centre-ville au travers des magasins de proximité. Souvent, la supérette alimentaire en campagne ou en ville constitue le dernier commerce. Il s'agirait d'utiliser ce maillage de magasins pour redynamiser le commerce, et le marier avec le commerce électronique. Aujourd'hui, dans un magasin de proximité implanté en centre-ville, on doit trouver tout ce qui est indispensable au quotidien, mais aussi des services que le service public a abandonnés comme les services postaux ou des services médicaux. Des projets très intéressants émergent dans ce domaine.

Ces points de vente permettent aussi de récupérer la marchandise commandée sur internet, dans le cadre d'une vision unique du client, notamment du non alimentaire. Le premier service d'un magasin est d'être ouvert. Or, internet est disponible 24 heures sur 24, 365 jours par an et concurrence le commerce physique. La loi Macron a élargi la possibilité d'ouverture le dimanche. Il faut utiliser ces magasins comme des têtes de pont, des relais à l'internet en faisant arriver le haut débit partout. Il faut recréer le lien entre ce qui se passe sur le net et en physique. C'est par le biais de l'omni-canalité que nous pourrons recréer le flux qui nous manque dans certains centres-bourgs.

Le plan de transformation de Carrefour repose sur la rentabilité des mètres carrés ouverts. Nos entreprises ont pour ambition de faire du commerce et gagner de l'argent. Nos investissements doivent donc nous permettre de gagner cet argent. Nous avons planifié d'ouvrir, d'ici cinq ans, 2 000 commerces de proximité dans le monde, dont 200 cette année en France. Les pure players que sont Amazon et Alibaba ne cherchent qu'une chose : acquérir des magasins physiques, car ils ont le sentiment que le lien entre le physique et internet est essentiel. Les exemples qui nous viennent des États-Unis et d'Asie se révèlent assez parlants sur le sujet.

Par ailleurs, nous n'opposons pas la périphérie au centre-ville. Si nous avons installé des magasins en périphérie, c'est que nous avions besoin de place et que nos clients se sont déplacés dans ces zones face à la difficulté de trouver un logement en centre-ville. Nous ne parlons pas du centre-ville de Paris ou de Toulouse, qui soulève des problématiques totalement différentes, mais des centres des villes moyennes que nous pouvons aider par nos commerces de proximité et l'omni-canalité.

Claude Risac, Directeur des relations extérieures, Casino. - Le Groupe Casino est une grande enseigne de petits magasins. Nous croyons au commerce de proximité et, depuis 1888, nous le pratiquons. Nous comptons près de 9 000 magasins de proximité ou de centre-ville avec les enseignes Petit Casino, Spar, Monoprix, Franprix. Nous disposons aussi d'une enseigne rurale, Vival, tenue par des franchisés formés dans notre siège de Saint-Etienne à gérer non seulement une épicerie, mais aussi un point Poste, quelques opérations bancaires simples avec la Caisse d'Epargne, la Française des jeux. Nous nous positionnons dans une logique multiservice dans des villages où, bien souvent, le Vival ou le Carrefour constitue le dernier commerce.

Nous ouvrons entre 250 et 300 magasins par an, mais nous en fermons aussi. Les zones de chalandise évoluent. Parfois, les propriétaires des fonds ou des murs n'ont pas une vision très pertinente de ce qu'ils peuvent tirer du bien qu'ils possèdent. Finalement, nous parvenons toujours à trouver une solution avec la Mairie qui nous met un local à disposition. Dans ce cas, le magasin qui n'était pas rentable le devient.

La question du centre-ville est toujours adressée sous l'angle du commerce, mais le commerce représente le symptôme et non la maladie. Il constitue une clé et non la solution. Un commerce ne peut vivre que s'il existe des habitants autour. Les professions juridiques et médicales apportent également du flux. Or si les maisons médicales permettent aux professionnels de travailler ensemble, elles s'installent souvent en périphérie. Il en est de même des notaires, des experts-comptables qui s'excentrent pour disposer de bureaux bien câblés, avec des parkings pour leurs clients. J'imagine que vos propositions pourraient inclure un moratoire pour le départ des professions libérales.

Il importe aussi que les administrations restent dans les centres-villes. Dans les villes moyennes, les intercommunalités s'installent dans de très beaux bâtiments en dehors des centres alors qu'elles auraient pu trouver les surfaces nécessaires en centre-ville. Il faut du logement, de la sécurité, de la propreté, de la mobilité, des parkings à prix correct. C'est une problématique d'ensemble. Si le profit est là, les commerçants viendront. Il faut faire oeuvre de pédagogie avec les propriétaires. Il faut aussi que les maires, malgré les moyens insuffisants mis à leur disposition, se concentrent sur les hyper-centres. Avec la concurrence du e-commerce, les emplacements, ceux des rues adjacentes, ne seront sans doute pas rouverts, mais nous pouvons essayer de recréer un hyper-centre attractif.

Nous sommes des commerçants de centre-ville et nous n'avons pas ouvert d'hypermarché depuis 15-20 ans. Nous disposons de 110 hypermarchés. Plus petits que ceux de nos concurrents, ils ont souvent été rattrapés par la ville, où se trouvent en centre-ville. Nous possédons donc une bonne expertise du centre-ville. Nous exportons même le modèle dans d'autres pays. Nous croyons vraiment au commerce de proximité. Il faut aussi travailler sur la logistique, en lien avec les collectivités territoriales, car les riverains veulent des commerces de proximité, mais supportent mal les livraisons. Notre premier magasin est né dans une petite ville de la Loire, à Feurs, et nous n'avons jamais quitté cette vocation.

Olivier Louis, Directeur de la communication, Auchan. - Nous avons nous aussi la conviction qu'il est nécessaire de remettre à plat l'ensemble des cartes. Nous partageons également le rôle majeur que doit jouer le centre-ville dans cette approche de civilisation. Pour autant, sous l'angle commercial, le sujet dépasse très largement la question des centres-villes. Nous avons connu une révolution agricole, puis une révolution industrielle. Arrive aujourd'hui le temps de la révolution du commerce. S'il y a bien une corporation qui doit se transformer totalement, c'est celle du commerce, à tous les étages du métier. Nous vivons pleinement cette révolution aujourd'hui. Je suis heureux de vous entendre imaginer des friches en périphérie. L'Espagne et le Portugal démontrent que cela est possible. Le commerce doit se transformer dans sa globalité.

Auchan est né dans le Nord, à Roubaix. Il est vrai que nous sommes plutôt l'enseigne de l'hypermarché. Depuis deux ans, cependant, nous avons engagé un plan de convergence d'enseignes pour déployer la même marque sur tous les formats. Notre stratégie de développement n'est pas concentrée sur la périphérie, mais sur le maillage territorial, avec un accent très fort sur la proximité. Certes, nous n'avons pas l'avance des Groupes Casino ou Carrefour. Nous avons néanmoins des armes concrètes pour nous développer sur l'ultra-proximité avec My Auchan, la proximité avec Auchan Super qui vient remplacer Simply, le bio grâce à Coeur de nature Auchan Bio ou la gastronomie avec Partisans du goût. Auchan n'a pas la volonté de se développer dans la périphérie, mais dans les centres.

Le commerce repose sur une règle majeure, l'emplacement. L'accessibilité présente donc des enjeux majeurs, que ce soit l'ouverture ou les parkings. Nous nous sommes orientés vers la périphérie pour des raisons de commodité pour les clients et les flux logistiques. Il faut mener une réflexion globale sur cette accessibilité. Nous pouvons aussi imaginer des relations entre la périphérie et le centre-ville. À Grasse et Poitiers, depuis dix ans, notre carte de fidélité couvre à la fois l'hypermarché et l'ensemble des commerces du centre-ville. Ce sont 46 commerces à Grasse, 70 à Poitiers. Fonctionnant selon un principe de points acquis en fonction des achats, cette carte permet d'obtenir des promotions, mais elle peut aussi être utilisée pour les parkings. Une démarche de ce genre est gagnante pour tous et pourrait être déployée dans d'autres villes.

Nous devons aussi réfléchir à un plan de cohérence global au niveau du commerce. Si les commerces disparaissent au coeur des villes, c'est pour des raisons d'accessibilité, de loyer, etc. La situation découle peut-être aussi d'une responsabilité sur le plan de cohérence commerciale. Il faut rechercher la complémentarité des commerces dans un bourg, un centre-ville. Un lien doit être établi entre l'artisanat et le commerce. La formation aux métiers d'artisan, notamment aux métiers de bouche présente une importance majeure pour développer les filières. Sur l'ensemble des enseignes, par exemple, nous manquons de bouchers.

Dominique Schelcher, Président-directeur général U Enseigne coopérative Est. - Système U est un groupement de commerçants indépendants. À la tête de chaque commerce se trouve un commerçant propriétaire. Nous sommes donc très proches de ces questions. Nos 1 600 magasins couvrent une surface moyenne de 1 701 mètres carrés. Enseigne de supermarchés, nous avons peu d'hypermarchés et nous ne les développons que dans des zones très ciblées. 50 % de notre parc est situé dans des communes de 1 000 à 5 000 habitants, où ce commerce constitue souvent un moteur de la vie locale. Sur Saint-Donat, par exemple, le Super U a permis de redynamiser les commerces alentour. Nous avons pour spécialité d'être installés dans de petites communes et, très souvent, les patrons de magasins président aussi l'association de commerçants et sont au coeur de ces problématiques.

Votre introduction m'a semblé extrêmement complète. Une culture de la périphérie s'est développée à partir de la démocratisation de la voiture. Les citoyens se sont équipés de voitures, ont pris plaisir à se déplacer et nous nous sommes installés dans les endroits où ils pouvaient alors se rendre. La France est un pays de voitures. Or de nombreuses villes se sont fermées à la voiture. Les problèmes de parkings et d'accessibilité incitent les citoyens à se rendre dans les zones où il est facile de se garer gratuitement. Parfois, les lieux de vie eux-mêmes se trouvent en périphérie, parce que nous y sommes installés, mais aussi parce qu'un grand nombre de services a fait de même.

Il faut rendre les coeurs de ville accessibles, favoriser leur fluidité. Il faut aussi veiller à la façon dont les coeurs de ville sont équipés en commerces. Souvent, les consommateurs viennent en périphérie parce qu'ils ne trouvent pas les enseignes qu'ils souhaitent dans le centre. L'offre proposée en centre-ville donne rarement lieu à une réflexion et il serait extrêmement important que cette réflexion ait lieu. Souvent, les consommateurs viennent chez nous aussi parce qu'ils peuvent se restaurer facilement. Dans certains centres-villes, au contraire, l'offre de restauration a disparu. Nous installons des points de restauration au coeur même de nos magasins et les clients apprécient. La ville a perdu cette attractivité. Nous avons certes notre part de responsabilité. Nous ne sommes cependant pas les seuls. L'alimentaire revient progressivement en ville. Le développement du e-commerce a favorisé la vacance commerciale pour le non alimentaire. Il est aussi la source des difficultés des plus grandes surfaces. Il faut, sur ce plan, assurer l'équité fiscale pour tous.

Pour contribuer de manière concrète à la revitalisation des centres-villes, nous nous coordonnons avec les associations de commerçants. Nous développons nous aussi des cartes de fidélité valables chez les commerçants, mais il faut avant tout écouter les clients qui ont beaucoup à dire sur le lieu de vie dont ils ont envie et qu'ils ne trouvent plus en ville. Il faut mener une politique globale en tenant compte du besoin de simplicité du client.

Frédéric Frayssinet, Directeur national de l'immobilier, Lidl. - Sur nos 1 500 points de vente, un peu plus de 300 (soit 20 %) sont situés en centre-ville. Nous n'avons jamais pris le parti d'élargir nos surfaces commerciales, car nous sommes attachés à la proximité.

Je partage vos constats. Nous voyons nous aussi arriver le e-commerce. Certains grands acteurs de la distribution ont d'ailleurs exprimé leur volonté de se développer sur ce créneau. Nous voulons avant tout conserver notre effet prix, car le consommateur français y est très attaché. C'est un argument que nous essayons de faire valoir. Nos 1 500 points de vente appliquent la même politique commerciale et la même politique de prix. Or nous rencontrons de nombreuses difficultés pour assurer la viabilité du modèle en centre-ville, conjuguées avec des difficultés d'exploitation et des baux commerciaux parfois très élevés.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Vous n'avez pas tout à fait répondu aux questions que nous avons posées. Vous avez parlé de la concurrence du e-commerce. Or les commerçants des centres-villes estiment eux aussi que la concurrence n'est pas équilibrée entre le centre-ville et la périphérie. Vos parkings sont gratuits. La construction en périphérie se révèle bien moins coûteuse que la rénovation en centre-ville. Par ailleurs, la fiscalité est discriminante pour les commerçants de centre-ville. Enfin, les loyers sont souvent très élevés. Nous devons trouver des solutions pour replacer tout le monde à peu près au même niveau en termes de charges.

Vous n'avez pas non plus répondu à la question de la surcharge en surfaces commerciales de la périphérie. Je citerai l'exemple de Bourges. Le département du Cher perd des habitants, le pouvoir d'achat est en diminution. Or les surfaces commerciales en périphérie augmentent de 30 % et les groupes Leclerc et Auchan se livrent une guerre féroce. Je pense que nous aurons une friche commerciale dans cinq ans. Toute la périphérie de Bourges est aujourd'hui saturée de grandes surfaces. Comment pourriez-vous trouver un équilibre entre votre développement et les surfaces existantes sans causer de dommage au commerce local ? Faute d'équilibre, tout pourrait un jour s'effondrer.

On a tendance à rejeter la faute sur les commerces de centre-ville qui n'ont pas su se rénover et sur les élus. La faute incombe à un ensemble de catégories, y compris les élus. Peut-être avons-nous donné trop d'autorisations dans les CDAC sans exiger d'étude d'impact financier, ni d'étude de marché. Ne pensez-vous pas que la CDAC doit donner une autorisation en fonction de l'existant, des perspectives à venir en termes de croissance de population et de périmètre de chalandise ? Vous évoquiez l'idée d'un moratoire. Ne serait-il pas souhaitable d'observer une pause de quelques années pour réfléchir à une meilleure organisation de nos commerces ?

Dominique Schelcher, Président-directeur général U Enseigne coopérative Est. - Nous n'allons pas développer des surfaces dans des zones où nous n'obtiendrons pas de retour sur investissement, puisque, chez les indépendants, c'est le patron qui investit son propre capital. Nos études nous poussent dans les lieux qui présentent un réel intérêt.

Je me suis présenté devant la CDAC à plusieurs reprises. J'étais plus à l'aise lorsque l'examen tenait compte de critères économiques. L'avis était, à l'époque, rendu sur la base de critères objectifs. Aujourd'hui, le contexte légal français et européen ne permet apparemment plus cette démarche et nous avons parfois le sentiment de ne pas maîtriser les critères d'appréciation.

Nous sommes plutôt opposés à l'idée d'un moratoire dans un monde libéral. Il s'adresserait en effet à tous alors qu'il reste des endroits où un développement est nécessaire. Certains ont besoin d'un agrandissement pour se moderniser. Il convient peut-être d'opérer une distinction entre les zones denses et moins denses.

Martial Bourquin, rapporteur. - Un moratoire part de l'idée qu'un élu, du fait de la saturation, va refuser une installation commerciale. Il est pourtant très probable que cette installation commerciale trouve à s'implanter sur le territoire de la commune voisine. Dans ce cas, le maire n'est pas en mesure de préserver son centre-ville du fait de la concurrence entre collectivités locales. Pour pallier à ce phénomène il faudrait prendre en compte un périmètre beaucoup plus large, sans doute régional.

En étendant les surfaces non soumises à autorisation de 400 à 1 000 mètres carrés, la LME a commis une erreur. Il faudrait passer en CDAC. Dans un pays libéral, nous ne pouvons pas instaurer un moratoire, mais nous pouvons mettre en place des régulations sur l'urbanisme commercial. Nos voisins allemands et britanniques l'ont fait avec un certain succès. Lorsqu'un SCOT est établi, le commerce ne doit pouvoir s'installer que dans les zones prévues à cet effet. De la sorte, nous ne posons pas une interdiction, mais une régulation sur un sujet qui n'est pas aujourd'hui régulé. Si le conseil municipal a envie d'avancer, cela vaut la peine de s'implanter en centre-ville. Quand le maire rachète quelques bâtisses en mauvais état, propose des surfaces intéressantes, il peut être intéressant de l'accompagner. Vous pouvez devenir une locomotive du centre-ville, car dès que vous vous installez, d'autres commerces s'agrègent autour de vous.

Dans nos propositions, nous n'allons pas rejeter la faute sur tel ou tel acteur. Nous avons tous notre part de responsabilité dans cette situation. Nous devons nous attacher à la rectifier. Nous sommes prêts à étudier les questions de fiscalité. La fiscalité foncière en centre-ville n'a rien à voir avec celle de la périphérie. La rénovation d'un bâtiment dans un centre historique se révèle si coûteuse que certains commerçants préfèrent y renoncer. Nous devons étudier tout cela pour jeter les bases d'une nouvelle loi abordant l'ensemble des questions : urbanisme commercial, requalification du périmètre du coeur de ville dans le PLU, etc. Il faudrait que les grands distributeurs, l'État et les collectivités territoriales signent un pacte en faveur de ce rééquilibrage. Face au développement du e-commerce, nous avons également la responsabilité de vous donner les moyens de développer des plates-formes numériques dans les centres-villes.

Pourquoi ne pas travailler à un concept de boutiques de centre-ville combinant physique et numérique ? Pourquoi ne pas solliciter les universitaires et les professionnels en groupe pour travailler à ce futur concept ? Il ne s'agit pas de culpabiliser, mais de sortir par le haut, avec une loi qui, sans toucher à la liberté de commerce, rééquilibrerait les flux pour les ramener au coeur des villes. Êtes-vous prêts à vous engager dans cette voie ?

Rémy Pointereau, rapporteur. - Êtes-vous capables d'investir pour permettre aux centres-villes de se réanimer ? Nous devons jouer gagnant-gagnant. Si vous acceptiez cette possibilité, nous pourrons aller plus loin dans nos propositions.

Alain Gauvin, Directeur exécutif des affaires juridiques et réglementaires France Carrefour. - La démarche que vous décrivez s'inscrit pleinement dans le projet de Carrefour. Développer l'omni-canalité permet de réinjecter de l'activité dans les centres-villes.

Aujourd'hui, le marché représente un continuum. Dans ce marché unique, le consommateur choisit le canal qui l'intéresse. Je ne peux pas laisser dire que nous bénéficions d'un statut privilégié en périphérie. Depuis les lois Pinel et ALUR, nous devons végétaliser les toitures et renforcer les structures, ce qui renchérit les coûts de construction. Nous ne sommes pas opposés à l'installation de bornes électriques. Néanmoins, ces nouvelles sujétions n'existent pas en centre-ville.

En augmentant la Tascom, qui ne concerne presque que les commerces de périphérie, on subventionne Amazon. Internet constitue une opportunité pour injecter dans les centres des villes moyennes un certain nombre de produits et de services. Le groupe Carrefour s'inscrit bien dans cette logique, mais évitons d'opposer périphérie et centre-ville. Nos surfaces de parkings sont aujourd'hui limitées au nom de l'imperméabilisation des sols. Cet objectif est louable, mais il renchérit forcément les coûts. Nous avons pour objectif de gagner de l'argent et de créer de l'emploi local. Toutes nos enseignes ont conclu des accords avec les fournisseurs locaux.

Rémy Pointereau, rapporteur. - La concurrence effrénée tire quand même les prix vers le bas. Plus les surfaces commerciales seront surabondantes, plus les prix seront tirés vers le bas. Vous ne pouvez pas le nier.

Olivier Louis, Directeur de la communication, Auchan. - Nous ne nions pas la responsabilité de la grande distribution et d'Auchan dans le constat. Il existe cependant un contexte législatif avec des effets d'aubaine, créés par la loi LME, même si les enseignes que nous représentons ici ne sont pas forcément engagées dans cette voie. Nous reconnaissons aussi que le développement des mètres commerciaux a crû de 3 % alors que la consommation des ménages a progressé de 1,5 %.

Nous sommes opposés par principe à l'idée d'un moratoire. Nous sommes en revanche ouverts à l'idée d'une régulation sur des zones spécifiques, en réintégrant des critères économiques dans l'examen. Vous évoquiez le niveau régional. Il nous semble que ce n'est pas le bon niveau. Le niveau départemental nous paraît plus approprié.

Martial Bourquin, rapporteur. - Parfois, en 5 kilomètres, vous passez d'un département à l'autre. Tout doit dépendre de la zone de chalandise.

Olivier Louis, Directeur de la communication, Auchan. - Auchan a défini une stratégie « phygitale », alliance du physique et du digital. En centre-ville, elle offre la possibilité de disposer de casiers tri-températures pour les courses du quotidien tout en facilitant les courses plaisir en non alimentaire ou en alimentaire.

La Tascom a connu une croissance exponentielle depuis le début des années 2000 et il nous semble absolument urgent de remettre à plat cette taxe pour y intégrer les activités du e-commerce. Une taxe assise sur le chiffre d'affaires doit être créée en lieu et place d'un système de taxation uniquement fondé sur les surfaces. Nous pourrions éviter de pénaliser les petits commerces de centre-ville en exonérant les commerces en deçà d'un certain seuil. Nous baserions ainsi la fiscalité sur le coeur de l'activité économique plutôt que sur le principe désuet des surfaces commerciales.

Claude Risac, Directeur des relations extérieures, Casino. - En tant que commerçants présents très majoritairement en centre-ville, nous rêvons d'un moratoire qui empêcherait tout commerçant étranger de s'implanter. Je n'ai pas de position idéologique sur le sujet, mais il faut en apprécier toutes les conséquences. Nous courons le risque de nous retrouver à l'avenir face à d'autres sénateurs qui critiqueront l'absence de concurrence entre nos enseignes. La loi Royer avait contribué à figer les situations. Je serais ravi que vous empêchiez la concurrence, mais il faudrait que la représentation nationale fasse preuve de cohérence sur le sujet. La concurrence existe. Elle implique que deux magasins se trouvent face à face et que l'un d'eux, parce qu'il ne propose pas la bonne offre, ferme à un moment donné.

Vous avez parlé des PLU et des SCOT. Ils constituent de très bons outils pour les élus territoriaux. Nous avons organisé une réunion très riche entre la FCD et l'association française des SCOT. Les polarités commerciales ne peuvent pas être dépassées. Les SCOTS se révèlent plus ou moins précis sur cette question de polarité. Nous pouvons définir ces polarités commerciales en interrogeant les professionnels et les chambres de commerce. S'ils étaient bien utilisés, ils rendraient peut-être inutile le moratoire.

Il reste très compliqué de réviser un PLU. Parfois, une route évolue, un groupe d'habitations se développe et l'implantation d'un nouveau commerce devient utile. Il faut quand même conserver une certaine souplesse pour répondre aux besoins de la population. S'il est normal que les élus locaux gèrent leur territoire, nous estimons en revanche que la destination des magasins ne doit pas être décidée par les élus. Il revient aux commerçants de décider s'il est opportun d'implanter un opticien, un magasin alimentaire ou un magasin de vêtements. Empêcher l'implantation de tel ou tel magasin comporterait même un risque de revenir à des pratiques très anciennes qui ont causé de graves dégâts à notre secteur.

Enfin, vous évoquiez l'effet d'entraînement. Il est lié à la continuité alimentaire. Les bouchers et les pâtissiers sont très heureux de nous avoir à leurs côtés. Lorsqu'un commerce ferme, ils préfèrent que s'installe une supérette qu'un cabinet d'audioprothésiste, un opticien ou une banque, car ces établissements rompent la continuité alimentaire. Nous sommes très sensibles aux demandes des maires. Certains nous demandent parfois de ne pas vendre de pain parce qu'un boulanger vient de s'installer. Nous le faisons. D'autres nous ont demandé au contraire de prévoir un rayon boucherie pour pallier l'absence de boucherie dans le centre. Là encore, nous le faisons. Il faut développer une collaboration intelligente avec les exécutifs locaux.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Les commerces alimentaires en centre-ville restent indispensables pour redonner de la vitalité à ces centres. C'est de la saine concurrence.

Claude Risac, Directeur des relations extérieures, Casino. - Toutes les villes sont touchées par ce phénomène. Certains arrondissements de Paris ne comptent plus de bouchers ou de poissonniers aujourd'hui.

Martial Bourquin, rapporteur. - Concernant le moratoire, nous avons parlé de régulation. Il ne s'agit pas d'instaurer un moratoire général à durée indéterminée, mais d'étudier l'opportunité d'une installation en fonction de la situation, quand la surface commerciale par habitant devient trop importante.

J'ai siégé durant 20 ans en CDAC. On met en avant systématiquement les emplois crés. Les emplois supprimés, en revanche, ne sont jamais évoqués. Or nous avons besoin de ces deux informations. A une époque, la grande surface s'installait et emmenait avec elle une galerie commerçante dont une bonne partie venait du centre-ville. Ce faisant, on déménageait le centre-ville. Nous pourrions par exemple refuser en CDAC l'installation d'une galerie marchande avec la grande surface alimentaire. Nous devrons aussi nous demander si les PLU et les SCOT peuvent devenir prescriptifs sur ces questions, comme en Allemagne. Pour l'instant, ce sont des documents d'orientation.

François Bonhomme. - En 15 ans, le paysage a profondément changé. M. Creyssel soulignait que les conditions de concurrence n'étaient pas très équilibrées. L'arrivée du commerce hors sol vous confronte à une problématique que nous n'avions pas forcément anticipée. A la faveur de changements législatifs, vous avez aussi bénéficié de nouvelles autorisations favorables sur le plan de la concurrence, avec des conséquences bénéfiques sur les prix pour le consommateur. La commission a pour objectif d'intégrer la logique commerciale en faisant toujours prévaloir la notion de centre-ville, une donnée essentielle des villes européennes.

Je ne vois pas en quoi la Tascom avantage Amazon. La taxation sur le chiffre d'affaires me paraît intéressante. Il faut trouver des leviers de nature à rééquilibrer les choses au profit des centres-villes. Trois catégories se distinguent : le centre-ville, la grande surface en périphérie et le commerce hors sol qui bouleverse les données.

Michel Forissier. - J'étais autrefois commerçant et j'ai développé une chaîne de distribution. J'ai participé à l'élaboration du SCOT de l'agglomération lyonnaise et du PLU de la métropole. Les élus sont en grande partie responsables de la situation actuelle.

Vous défendez les intérêts de vos groupes, ce qui est tout à fait normal. Il faut se réjouir que vous réalisiez des bénéfices, car vous payez des impôts. Vous ne pouvez, en revanche, porter la responsabilité de l'aménagement du territoire. Nous avons eu la chance de nous appuyer sur un schéma d'urbanisme commercial pour prévoir le développement de l'agglomération par anticipation sans succomber aux pressions des uns et des autres. L'agglomération lyonnaise couvre 60 communes, le SCOT en rassemble 83, soit 2 millions d'habitants. Il est possible de réaliser un travail cohérent. Or ce n'est pas le cas des PLU établis à l'échelle d'une commune. Si le maire ne rend pas un terrain constructible, la grande surface ne peut pas s'implanter, mais quand les retombées économiques bénéficiaient intégralement aux communes, le maire choisissait très souvent d'autoriser que la grande surface s'implante sur son territoire.

Dans la commune de 34 000 habitants dont j'étais maire encore récemment sont implantés Leclerc, Intermarché, Carrefour Market, Grand Frais et Vival. Avec des horaires d'ouverture intéressants, nous avons su conserver une dynamique en centre-ville. Il faut aussi avoir le courage de supprimer les petits centres commerciaux périphériques qui n'ont plus de sens. Je crois à un échange pour l'avenir, car il est compliqué de réparer les erreurs du passé. Vous êtes obligés de vous développer pour vivre. Nous ne pouvons pas demander à une grande surface installée de réduire sa superficie sauf à opérer un transfert d'activité (pompes à essence, bouteilles de gaz, etc.).

Notre travail consiste donc, selon moi, à préparer l'avenir en tenant compte du développement de la vente par internet. Nous devons aussi nous intéresser très sérieusement aux problématiques de fiscalité et aux avantages fiscaux que nous pouvons accorder aux commerçants des centres-villes. Je suis favorable à une concertation préalable. Après, chacun devra prendre ses responsabilités.

Éric Kerrouche. - Les lois ALUR et Pinel ont introduit de nouvelles obligations, mais elles vous touchent autant que les autres. Esthétiquement, ces contraintes ne peuvent qu'améliorer l'entrée de nos villes. En outre, l'imperméabilisation des zones commerciales vient au détriment de la collectivité, car l'assainissement est collectif. Nous avons tous un rôle en matière de transition énergétique et vous y concourez comme tous les autres acteurs. Pour la fiscalité, les évolutions des dernières années se sont révélées plutôt positives vous concernant. Le CICE et la disparition de la taxe professionnelle ont joué un rôle important et la Tascom est sans commune mesure par rapport au montant que vous payiez précédemment au titre de la taxe professionnelle.

Pour autant, je conviens que ce n'est pas parce que nous avons dû trouver une substitution qu'elle était forcément bonne. Le passage de la surface au chiffre d'affaires se révélerait intéressant si et seulement si nous vérifions que la fiscalisation a bien lieu en France, notamment pour le e-commerce. Il faut veiller à ce que cette taxation s'applique sur le territoire physique français.

S'agissant du retour des critères économiques au niveau de la CDAC, je pense qu'il faut se mettre d'accord sur la standardisation des zones de chalandise. Pour avoir vu plusieurs rapports présentés à l'appui de certains projets commerciaux, en fonction de la qualité intellectuelle du consultant, j'ai constaté que des éléments extrêmement différents peuvent être mis en évidence pour un même projet. Il ne faudrait pas que se développe un jeu autour de la règle qui rendrait caducs ces critères commerciaux. Nous devons établir des éléments objectifs pour pouvoir nous prononcer.

Sur la question du moratoire, il faut tenir compte du zonage. Il existe des zones tendues et d'autres qui le sont moins. Sans recourir forcément à un moratoire, il suffirait peut-être de rendre les DAAC des SCOT obligatoirement prescriptifs. Nous pourrions ainsi sortir de la maille communale pour engager une réflexion plus large. Cela ne résoudra pas tous les problèmes, mais cela permettra de les modérer. Il ne saurait y avoir de moratoire exhaustif, permanent et homogène sur l'ensemble du territoire.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Vous pourrez répondre aux interrogations de nos collègues sur la Tascom, la suppression de certaines zones et sur les critères objectifs de zone de chalandise.

Jacques Creyssel, Délégué général Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD). - Les enseignes ici présentes ont créé, depuis huit ans, 2 300 magasins alimentaires de proximité. Je crois que ces chiffres répondent concrètement à vos demandes. Nous avons contribué à une augmentation massive des commerces alimentaires de proximité. Nous sommes les représentants de la périphérie et, de plus en plus, les représentants des magasins de centre-ville.

Sur la fiscalité, vous estimez qu'il existe une discrimination du même type entre nos commerces et le e-commerce ou entre la périphérie et le centre-ville. Or ce n'est pas le cas. Amazon bénéficie d'un double avantage. Par définition, Amazon n'a pas de magasin et ne paie pas d'impôts fonciers. Par ailleurs, les GAFA n'existent pas fiscalement en France et ne paient ni CVAE ni impôt sur les sociétés. Le foncier représente jusqu'à 1 % du chiffre d'affaires de nos magasins, soit plus que la marge nette. Face à un acteur prédateur qui accepte de perdre de l'argent sur son activité de commerce, car il en gagne sur d'autres activités et qui ne paie pas d'impôt, nous sommes confrontés à un vrai problème d'égalité des conditions de concurrence.

Sur l'évolution des valeurs mobilières, nos chiffres ne correspondent pas aux évaluations. De ce point de vue, nous sommes ravis que le Premier ministre ait annoncé une mission de l'inspection générale des finances sur la révision des valeurs locatives et les conditions de concurrence, car ce sujet est d'une importance fondamentale pour notre secteur. Sur la taxe professionnelle, je doute que le commerce ait été le principal gagnant. Sa suppression a été largement compensée.

Claude Risac, Directeur des relations extérieures, Casino. - Sur la fiscalité des GAFA, rappelons que la France n'est pas venue à l'appui de la plainte de la Commission européenne contre Google. 13 milliards d'euros d'amende ont été infligés à Google et la France aurait pu en récupérer 2 milliards. Le sujet reste en jachère. Je sais que le ministre Bruno Le Maire se préoccupe de ce sujet, mais nous allons attendre longtemps une décision européenne en matière de fiscalité. Ce sujet requiert en effet l'unanimité des États membres et nous imaginons mal que le Luxembourg ou les Pays-Bas acceptent de fiscaliser les GAFA. Il faudrait peut-être imaginer une mesure transitoire en France, à partir d'un certain niveau de chiffre d'affaires, dans l'attente que l'Europe légifère en la matière, voire l'OCDE. Je sais que vous êtes conscients du problème, mais il faut agir de manière proactive.

Dominique Schelcher, Président-directeur général U Enseigne coopérative Est. - A l'époque des CDEC, les dossiers comportaient des rapports d'autorités extérieures ou de chambres de commerce avec une analyse pertinente qui donnait aux élus et aux votants un éclairage sur l'impact du projet sur les autres commerçants. Souvent, le projet était validé parce qu'il semblait complémentaire. Aujourd'hui, les critères de CDAC sont presque exclusivement environnementaux. Nous pouvons peut-être réintroduire ces critères économiques.

Il a été question des petits producteurs. Nous consentons tous des efforts importants pour mettre en avant les petits producteurs. Sur ce sujet, il n'existe pas vraiment de guerre des prix. Nous essayons de préserver les prix de la production locale. Saviez-vous qu'Amazon a pour projet de s'emparer du sujet des petits producteurs ? Je vous encourage à entendre Amazon, car cette ambition fait vraiment courir un risque sur l'avenir des prix. Tant que nous n'obtiendrons pas d'égalité dans les conditions fiscales, la situation restera compliquée.

Alain Gauvin, Directeur exécutif des affaires juridiques et réglementaires France Carrefour. - Les lois ALUR et Pinel s'avèrent nécessaires. Nous ne sommes pas opposés à l'imperméabilisation. La démarche RSE de Carrefour est très importante.

S'agissant des critères économiques, je m'étonne que, sur le même périmètre juridique, 88 % des dossiers soient acceptés en CDAC alors qu'ils ne sont que 57 % en CNAC. 85 % des surfaces de vente sont autorisées en CDAC contre 40 % seulement en CNAC. Or les règles sont les mêmes. Il faut faire une application uniforme de la règle pour garantir la sécurité juridique.

Je travaille depuis 33 ans dans la distribution. Le droit du sol constitue le premier critère. Tout magasin a fait l'objet d'un permis de construire, d'une déclaration préalable et d'une kyrielle d'autorisations administratives. Faut-il changer ou mieux appliquer le dispositif existant ? Comment deux commissions peuvent-elles produire des résultats différents avec la même réglementation ? Il faut sans doute améliorer les échanges entre les deux instances.

Alain Chatillon. - Sur le plan du droit, il faut effectivement agir et réagir vite. Amazon n'est pas confronté à ces problèmes de droit du sol. Notre priorité doit consister à demander au gouvernement une action urgente. Nous serons tout à fait disposés à soutenir cette demande et je ne manquerai pas de l'intégrer dès demain après-midi dans le cadre des questions orales.

Paul Hugo, Directeur des relations institutionnelles, Auchan. - J'entends depuis plusieurs années que la réforme des valeurs locatives viendra au bénéfice des grandes surfaces de périphérie. Nous avons fait l'exercice chez Auchan en prenant nos 126 hypermarchés et en regardant la taxe foncière payée en 2016 et en 2017. Or nous avons payé 150 000 euros de plus en 2017 qu'en 2016. Nous n'avons donc pas été gagnants dans cette réforme.

Rémy Pointereau, rapporteur. - La réforme était fondée sur les loyers. Généralement, les loyers des galeries commerciales sont moins élevés qu'en centre-ville et les grandes surfaces sont plutôt gagnantes. Il peut exister des exceptions sur certains territoires.

Claude Risac, Directeur des relations extérieures, Casino. - Nous n'avons rien gagné non plus.

Rémy Pointereau, rapporteur. - La loi sur le logement va se mettre en place. Un article permettrait d'éviter toute autorisation commerciale dans les centres-villes. Qu'en pensez-vous ? Nous essayons dans notre projet de trouver une solution pour accompagner la réhabilitation des centres-villes par la défiscalisation du logement notamment. Pour avoir plus de clients, il faut en effet plus de population. Des zones franches en centre-ville pourraient également permettre de renforcer le dynamisme. Quel est votre point de vue sur le sujet ?

Jacques Creyssel, Délégué général Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD). - Nous sommes plutôt favorables aux zones franches. Dans le cadre de la commission présidée par André Marcon, nous en avons vu les aspects positifs, à la condition que la baisse opérée d'un côté ne se traduise pas par une augmentation de l'autre. Seul Amazon sortirait gagnant d'une telle démarche. La baisse de taxe foncière compensée par la possibilité de moduler à la hausse la taxe sur les surfaces commerciales va, à terme, conduire à supprimer de nombreux emplois.

Alain Gauvin, Directeur exécutif des affaires juridiques et réglementaires France Carrefour. - Fixer un seuil à 1 000 m² ne va pas changer la donne, car la surface de nos magasins reste inférieure. Dans les quartiers rénovés de grandes villes, si nous raisonnons sur un pied d'immeuble à 1 500 m², cette proposition peut devenir intéressante. Dans des villes moyennes, nous pouvons toujours exprimer une offre avec 1 000 mètres carrés.

Olivier Louis, Directeur de la communication, Auchan. - La situation ne changera pas vraiment. En centre-ville, nous nous implantons plutôt sur des surfaces comprises entre 200 et 600 m². Il faut absolument accompagner cette mesure d'un volet fiscal plus incitatif pour le centre-ville, en faisant en sorte que les autres ne paient pas pour ceux qui bénéficient de ces mesures incitatives.

Claude Risac, Directeur des relations extérieures, Casino. - Un parlementaire m'interrogeait sur les changements post-LME. Avant la LME, pour s'implanter dans une ville, il fallait l'accord du maire. Après la LME, il faut toujours l'accord du maire. Au-delà de l'autorisation de la CDAC, il faut résoudre la question des livraisons. Si vous ne parvenez pas à vous entendre avec la municipalité pour obtenir un espace de livraison, vous ne pouvez pas ouvrir. Nous ne pouvons pas ouvrir un commerce contre l'avis d'un élu.

Michel Forissier. - Comment définit-on les polarités commerciales ? Dans le SCOT de l'agglomération lyonnaise, nous nous sommes appuyés sur l'étude de consommation des ménages et sur les déplacements. Il faut tenir compte de la situation sociale et du pouvoir d'achat. La modélisation nous permet de définir des zones. Elle constitue un outil d'aide à la décision intéressant qui permet de confronter les points de vue. La réflexion en amont me semble indispensable, car il est plus difficile de réparer les erreurs du passé. De ce point de vue, la mise en place de zones franches me paraît nécessaire. Tous les problèmes ne peuvent pas être résolus par la fiscalité. À Vaulx-en-Velin, par exemple, la grande surface n'est pas revenue après avoir été brûlée pour la deuxième fois, et ce, malgré les avantages fiscaux.

Claude Risac, Directeur des relations extérieures, Casino. - Nous sommes toujours présents et nous avons ouvert un deuxième magasin.

Martial Bourquin, rapporteur. - Si nous arrivons à obtenir une politique de zone franche, il faudra faire en sorte qu'elle s'applique sur un périmètre donné. Dans certains endroits, les zones franches ont entraîné le déplacement des professions libérales contribuant au déplacement des lieux de vie. Cette mesure aura un impact, mais elle ne suffira pas. Il faudra agir sur tous les secteurs. Il faudra sans doute faire au niveau du logement ce que nous avons fait avec l'ANRU dans les quartiers. Il faut arriver à mixer les populations dans les centres-villes. Dans de nombreux centres-villes, la paupérisation ne cesse de grandir, ce qui porte immanquablement préjudice au commerce. Le sujet est totalement lié à la fiscalité. Par ailleurs, l'État et parfois les collectivités ont eux-mêmes tendance à s'installer en périphérie. Il faut faire en sorte que tous les équipements structurants (conservatoire, cinéma, etc.) s'implantent dans le centre, car la chalandise va avec ces équipements.

La culture de la périphérie doit désormais être remplacée par une culture du centre-ville. Pour ce faire, nous devons agir sur tous les tableaux et nous avons besoin de votre aide. Vous comptez 2 000 hypermarchés et 10 000 supermarchés pour 110 à 120 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Vous avez une force considérable. Si cette force nous accompagne, la démarche se révélera beaucoup plus simple. Nous souhaitons que vous releviez ce challenge avec nous, car c'est une question de civilisation. Le centre-ville représente la ville européenne, la convivialité et l'humanisme.

Nos propos ont pu être interprétés. Il ne s'agit pas de raviver de nouveau le débat entre la périphérie et le centre-ville. Vous avez besoin de développement. Vous devez vous montrer exigeants vis-à-vis de nous. La représentation nationale doit prendre ses responsabilités en matière de fiscalité et crée les conditions législatives d'un équipement commercial de qualité pour vous faciliter les choses. De ce point de vue, la question foncière s'avère essentielle. Implanter une moyenne surface en coeur de ville nécessite une surface, des parkings, de l'accessibilité. Il faudra lancer une grande opération d'urbanisme.

Nous avons conscience que si la grande distribution a ses responsabilités, les élus et l'État ont aussi des responsabilités. A la culture de la périphérie, il faut préférer une culture du centre-ville. Si vous êtes présents à nos côtés, je pense que nous pourrons relever ce défi.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Merci pour votre participation, vos idées et propositions.

TABLE RONDE DES ACTEURS ECONOMIQUES ET FINANCEMENTS
(22 FÉVRIER 2018)

Le jeudi 22 février 2018, le groupe de travail, à l'occasion de la table ronde « des acteurs économiques et financements », a entendu : Marc Abadie, Directeur des territoires de la Caisse des dépôts et des consignations ; Michel-François Delannoy, chargé de mission projets territoriaux complexes de la Caisse des dépôts et des consignations ; Philippe Blanchot, Directeur des relations institutionnelles de la Caisse des dépôts et des consignations ; Fabien Guegan Responsable adjoint du Département immobilier et développement économique de la Fédération des entreprises publiques locales ; Benoît Gandin, Directeur général d'Incité à Bordeaux de la Fédération des entreprises publiques locales ; Philippe Rogier, Directeur du Crédit de l'Agence France Locale ; Bruno Arbouet, Directeur général d'Action Logement ; Vanina Mercury, Directrice Stratégie et finances d'Action Logement ; Valérie Jarry, Directrice des relations institutionnelles d'Action Logement ; Laurent Girometti, Directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) du Fonds National des aides à la pierre.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Nous sommes très heureux de vous accueillir pour notre sixième table ronde consacrée aux acteurs économiques et financeurs. Nous avons déjà entendu les acteurs du petit commerce, les grandes enseignes, les enseignes de centre-ville, les élus locaux et la grande distribution et il nous a semblé important de vous entendre aussi pour recueillir à la fois votre éclairage, votre participation éventuelle à ce qu'on appelle le « plan Mézard » ou « Action coeur de ville » et vos propositions pour revitaliser les centres-villes et les centres-bourgs, j'insiste sur ce point, de nombreuses petites villes de moins de 5-6 000 habitants souffrant de problèmes similaires. Nous remercions naturellement tous ceux qui ont bien voulu répondre à notre invitation : la Caisse des dépôts et des consignations représentée par MM. Michel-François Delannoy et Marc Abadie, la Fédération des entreprises publiques locales avec MM. Fabien Guegan et Benoît Gandin, l'Agence France Locale avec M. Philippe Rogier, Action Logement avec M. Bruno Arbouet et Mme Vanina Mercury et le Fonds national des aides à la pierre représenté par M. Laurent Girometti. Notre groupe de travail, commun à la délégation aux entreprises, présidée par Mme Élisabeth Lamure et à la délégation aux collectivités territoriales, présidée par M. Jean-Marie Bockel, se compose de 18 sénateurs et sénatrices représentatifs de tous les groupes politiques du Sénat : il s'agit d'un groupe transpartisan et transcommissions, toutes les commissions permanentes étant représentées, en plus des deux délégations que je viens de citer. Nous avions réalisé un rapport d'étape en juillet dernier pour dresser le constat et l'état des lieux de la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs et nous avons également lancé une consultation, transmise à l'ensemble des élus locaux, qui a recueilli plus de 4 000 retours et nous souhaitons aujourd'hui définir les solutions audacieuses qui pourraient être mises en oeuvre face à des surfaces commerciales 30% supérieures aux besoins dans beaucoup de départements posant un problème d'équilibre pour le centre-ville. Il s'agit de savoir quelle est la ville de demain que nous voulons faire ? Veut-on pérenniser la ville à l'européenne où le centre est un lieu de vie sociale, citoyenne, culturelle et collective ? Quels sont les points que vous estimez devoir être mis en exergue et les idées que vous préconiser sur le sujet pour tenter d'inverser cette spirale infernale de dévitalisation de nos centres-villes ? Comment vous, acteurs économiques, vous mobiliser au quotidien et non pas ponctuellement dans des plans isolés ? Je vais laisser la parole à mon collègue co-rapporteur Martial Bourquin qui représente la délégation aux entreprises avec qui nous travaillons en duo depuis le mois de mai pour un travail qui devrait aboutir d'ici la fin mars-début avril.

Martial Bourquin , rapporteur . - Rémy vient de dire l'essentiel. Le but de ces tables rondes est de vous entendre. Cela est nécessaire pour mettre en place un plan d'action et certainement une proposition de loi sur ces questions. Nous devons cerner le sujet pour apporter une réponse globale. Je rajouterai quelques mots pour situer le projet que nous portons. Ce projet n'est pas une action corrective mais bien une action structurelle. Cette précision est importante car si nous nous limitons au correctif, nous constatons, avec mes collègues, que les crédits FISAC renouvelés année après année n'ont pas changé les choses et les choses se sont même aggravées. Le FISAC n'en devient toutefois pas une mauvaise chose mais sa place doit être repensée et Rémy avait d'ailleurs sur cette question fait un amendement pour l'augmenter sensiblement. L'idée est donc structurelle : l'aménagement récent a généré des forces centrifuges. Nous avons eu une culture de la périphérie et notre objectif est donc d'organiser un aménagement qui crée des forces centripètes car, comme l'a dit Rémy, la ville européenne est une chose essentielle. Il s'agit du lien social alors que ce qui se fait en périphérie renforce la solitude et nous devons vraiment défendre cette ville. D'autres pays comme l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne, ont eu au niveau de leur politique d'urbanisme une volonté de préserver leur centre-ville et ont limité à la périphérie ces grandes zones industrielles. Aujourd'hui, en plus de ces nouveaux flux, s'ajoute le défi du e-commerce. Tout ceci constitue un cocktail redoutable. Il faut donc une action globale et nous abordons donc naturellement le commerce de détail de centre-ville et ses difficultés mais si nous traitons uniquement cette question cela ne fonctionnera pas. Nous abordons donc également la problématique de l'ensemble des services, de la santé aux services à la personne en général, de l'habitat avec le besoin d'une ANRU de centre-ville pour ramener de la population dans un habitat mixé renouvelé et enfin de l'urbanisme commercial, où nous devons veiller à une plus grande vigilance pour que la politique d'urbanisme commercial permette justement une action structurelle pour nos centres-villes. En quelque sorte, mesdames et messieurs, c'est un changement de culture concernant l'aménagement urbain et rural que nous prônons. Rémy avait raison de préciser que notre but n'est pas de s'occuper du destin de quelques villes mais d'aborder l'ensemble du territoire national et de changer la loi pour mettre en place cette nouvelle culture, celle des centres-bourgs et des centres-villes. Nous avons désormais envie de vous entendre pour que vous nous disiez à la fois ce qui est prévu dans le plan de revitalisation des centres-villes du gouvernement mais aussi pour nous expliquer comment vous pouvez vous situer dans ce vaste projet sénatorial de changement considérable de culture pour la revitalisation.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Martial a raison d'insister sur le caractère global de notre démarche. Nous nous réjouissons du plan gouvernemental mais celui-ci ne va concerner que les centres-villes et une vingtaine de villes par an alors que 600 villes sont en situation critique de revitalisation ce qui impliquerait trente ans pour régler le problème si l'on suit le programme proposé. L'enjeu est donc crucial.

Marc Abadie, Directeur des territoires de la Caisse des dépôts et des consignations. - Nous avons démarré, il y a presque deux ans maintenant à la suite d'une large concertation avec les associations d'élus, principalement l'AMF et Villes de France, une démarche ascendante. À l'occasion de la réorganisation des régions et du réseau de la Caisse des dépôts, cette question nous a sauté aux yeux. Nous avons constaté un continuum de dévitalisation pour une question, bien que cette table ronde soit consacrée aux acteurs économiques, qui relève l'aménagement du territoire à laquelle la Caisse des dépôts participe en premier lieu. Sur la base de ce constat que vous avez dressé, nous avons travaillé autour d'une théorie de l'iceberg : la partie émergée ce sont les 20% de vitrines fermées et les 80% restants sont les autres sujets qui y sont liés : dégradation de l'habitat, perte de population, problèmes de mobilité, ... Derrière la fermeture des commerces de centre-ville se pose donc la question d'autres évolutions de nature sociologique avec de nouveaux modes de consommation et l'absence de clientèle et spatiale avec le développement de nouvelles polarités. La seconde analyse réalisée par la Caisse des dépôts depuis cinquante ans est que le défi proposé est de refaire la ville sur la ville. Cette expression est désormais admise par tout le monde et ce n'est pas du tout la même chose que de créer une ville nouvelle. Nous ne partons pas ex nihilo. Il existe des habitudes, des gens qui vivent ... Les politiques sectorielles menées jusqu'à présent avec des outils comme les PLH ou le FISAC n'avaient pas de réelle vision globale ou de démarche systémique. La Caisse des dépôts en lien avec les associations s'est donc penchée sur la question d'une telle démarche en lien également avec les intercommunalités qui doivent être prises en compte. Cela nécessitait donc d'aller au-delà de la périphérie historique de la ville centre et de son bassin de vie pour une approche plus systémique. Nous avons donc choisi dix villes démonstratrices pour faire des expérimentations pour travailler autour des problématiques et des nombreuses initiatives locales et je veux d'ailleurs ici témoigner de l'engagement de nombreux élus et présidents d'associations en la matière qui nous ont fréquemment fait part de leurs difficultés. La première sollicitation réside en un besoin très fort d'expertise et d'ingénierie. Un problème nouveau, systémique, qui n'a pas abordé depuis longtemps et un problème européen, comme l'a montré le remarquable rapport IGF-CGEDD, impliquait ce besoin de mieux connaître la vacance des logements, des bureaux, des commerces. La seconde chose était d'expliquer que tous les commerces fermés n'allaient pas être rouverts systématiquement. Nous avons raisonné en termes de services collectifs, publics ou privés, qui soit disparaissaient soit étaient au sein de problématiques nouvelles. Un accord entre tout le monde est nécessaire afin de mener une politique nationale. Nous avons rencontré récemment avec M. Lombard le ministre Jacques Mézard et je ne pense pas que nous serons sur une échelle de 20 ou 30 villes. Nous considérons, à la Caisse des dépôts, que 200 villes sont concernées. Nos dispositifs sont également régionaux, la Caisse participe ainsi à un dispositif monté par le Conseil régional de Bretagne avec le soutien de l'EPF qui concerne 68 villes suite à un appel à manifestation d'intérêt et il s'agit de centres-bourgs. Nous avons avec Éric Lombard lancé la première opération et ce sont des villes de 1 000, 2 000, 4 000 habitants. Je crois beaucoup à cet emboîtement qui va permettre effectivement de trouver des focales différentes. Il existe effectivement des sujets sur lesquels nous devons nous pencher. Il faut s'intéresser à l'ensemble du numérique et pas seulement au e-commerce. Je parlais des mobilités et elles sont assurément aujourd'hui touchées par la révolution du smartphone et il y a sans doute là des solutions. Le e-commerce c'est aussi les e-procédures et on retrouve là la notion de service collectif, service de l'intercommunalité voire d'autres niveaux de collectivité locale où l'enjeu est d'imaginer des nouvelles procédures et des initiatives sont déjà menées par la Caisse notamment avec La Poste sur ces questions de logistique adaptée à ces villes de moyenne ou petite taille. Voilà pour nous l'angle d'attaque et nous avons vite été dépassés car 95 villes en un an sont venues nous solliciter pour demander à être associées au programme que nous avons lancé, destiné au départ donc à uniquement dix villes. Nous avons donc proposé à l'État de se fondre dans notre programme, de le nourrir et de lui faire franchir une étape dans ce panier commun avec l'ANAH, avec Action Logement et les autres opérateurs susceptibles d'intervenir et je pourrais revenir tout à l'heure sur les points sur lesquels nous estimons devoir mettre l'accent notamment, j'insiste là-dessus, en termes d'ingénierie qui me semble aujourd'hui une des difficultés majeures de ces villes.

Laurent Girometti, Directeur de l'Habitat, de l'Urbanisme et des Paysages (pour le Fonds national des aides à la pierre). - J'interviens avec deux casquettes aujourd'hui puisqu'à la base je suis directeur d'administration centrale du ministère de la cohésion des territoires donc impliqué dans le plan « Action coeur de ville » avec le CGET bien évidemment mais je préside également par intérim le Fonds national des aides à la pierre. Cela me permet d'aborder l'ensemble des sujets que ce soit « Action coeur de ville » ou le financement du logement social dont traite le FNAP. Pour la situation des villes auxquelles nous nous intéressons, il est bon de répéter quelques points rapides de diagnostic. Aux sources des difficultés rencontrées, on retrouve bien souvent une combinaison de plusieurs aspects : les mutations économiques, beaucoup de bassins d'emploi ont ainsi vu leur tissu économique évoluer parfois très rapidement avec le déclin de certaines activités et l'absence de redéploiement d'autres, les mutations commerciales, les difficultés de l'habitat qu'il soit privé ou social notamment d'adaptation aux attentes et demandes des habitants. Il s'agit en termes d'habitat du sujet principal où nous souhaitons intervenir avec à la fois une question du tissu d'offre de logement mais aussi un coût de cette évolution souvent déconnecté des prix que le marché permet d'offrir. Enfin il reste le cas des stratégies publiques qui n'ont pas toujours été coordonnées qu'elles soient sectorielles ou territoriales. Quand plusieurs communes voisines débloquent des stratégies en réalité concurrentes, il existe rapidement un effet domino sur le plan commercial comme sur celui du logement ou de l'urbanisme et des difficultés derrière. Le plan « Action coeur de ville » vise à essayer de travailler avec les territoires et à leur initiative à des stratégies globales et coordonnées. Il n'est pas question de vingt villes par an mais d'un programme intégrant 200-250 villes et sur trois promotions. L'élaboration de ces projets part d'une bonne ingénierie et un focus a été réalisé là-dessus pour intervenir sur les différents axes que je décrivais précédemment. Le plan « Action coeur de ville » d'une part et les opérations de revitalisation d'autre part, prévues dans le projet de loi ELAN, forment justement un support pouvant permettre de développer localement ces stratégies. En ce qui concerne le logement social et ses financements, objet du FNAP, il est vrai qu'en matière de logement social, les crédits sont plus fortement concentrés sur le développement d'une production nouvelle dans les secteurs les plus tendus. Il n'en reste pas moins, qu'avant le FNAP et de même depuis le FNAP, cela ne supprime pas toute possibilité d'intervention dans les secteurs moins tendus tels que les zones D2 et C par exemple qui représentent environ 25% des financements du logement social avec des produits spécifiques dont il y a toujours besoin. Par exemple sont financés trois fois plus de foyers pour personnes âgées en zone C qu'en zone A. Les réponses sont apportées à des besoins qui ne sont pas liés à des tensions de marché particulières mais à une évolution et à une nécessité démographiques. Par ailleurs, le besoin d'une reconversion du parc social, la nécessité de produire des petites unités en centre-ville se manifestent et sont aujourd'hui restés financés. Pour la première fois en 2018, le conseil d'administration du FNAP a décidé de consacrer une petite enveloppe, sur des secteurs non concernés par l'ANRU qui en finance, à du financement de démolition, partant du principe que la reconversion d'un parc inadapté nécessitait parfois de démolir du parc obsolète, l'équilibre d'une opération de démolition étant en outre difficile à trouver pour le bailleur. La Caisse des dépôts a une enveloppe sur ce sujet qui fonctionne extrêmement bien et qui va d'ailleurs être prolongée dans le cadre du plan mais on va également remettre un peu d'aide à la pierre sur la démolition avec une enveloppe de dix millions et un financement prévu de 5 000 euros par logement et un recensement qui est en cours et ce sur plusieurs années. Pouvoir aider à la reconversion de ce parc est un axe qui nous paraît important et nécessaire. Voilà en première approche les points dont je voulais vous faire part.

Benoît Gandin, Directeur général d'Incité à Bordeaux de la Fédération des Entreprises Publiques Locales. - Les EPL ont une position un petit peu particulière car nous sommes également opérateurs auprès des collectivités territoriales sur ces sujets de centre-ville, coeur de ville ou centre ancien et nous travaillons sur ces sujets depuis de nombreuses années. Je vais donc faire un pas de côté pour plutôt exprimer les difficultés rencontrées par les opérateurs sur ces territoires, le constat sur la paupérisation et l'accumulation des difficultés liées à l'habitat, au commerce, aux déplacements étant en effet partagé par tous. Il y a une série de fractures. Je reviens sur la question du territoire qui est essentielle. Vous avez évoqué les opérations des villes et les opérations des champs. Je parlerais moi aujourd'hui de pôles de centralité dont la question se pose peu importe leur niveau démographique. Il existe aujourd'hui des pôles de centralité de moins de 10 000 habitants comme des pôles de centralité de 50 à 100 000 habitants. Je crois qu'il faut avoir cette lecture en tête pour positionner ensuite les outils publics. Nous venons buter sur un deuxième élément qui est la question du temps. La plupart des contractualisations auxquelles les collectivités ont à faire face sont généralement des contractualisations sur cinq ans. Le temps de la revitalisation des centres-villes n'est pas de cinq ans. Aujourd'hui très clairement lorsqu'on engage une opération de cette nature, il faut une visibilité à dix ans pour pouvoir enclencher une véritable requalification du centre. Le temps long est aussi un temps nécessaire bien évidemment pour gérer la multiplicité des procédures, des procédures qui peuvent être efficaces et complémentaires sur la question du commerce ou de requalification de l'habitat où la boîte à outils existe mais l'ingénierie est fondamentale, comme l'ont dit mes collègues, dans la mise en oeuvre de ces dispositifs complexes. L'élément important, qui a également été évoqué, est celui de la globalité des opérations. Trop longtemps nous avons eu une approche sectorielle. Je pense que notamment nous ferons un impair en évitant de traiter la question des déplacements, élément essentiel y compris dans les connexions qui peuvent exister entre une métropole et son hinterland comme le montre le modèle allemand évoqué avec une ville-centre qui rayonne sur son bassin. Ces actions sur les coeurs de ville, que ce soit sur des petites villes, des villes moyennes ou des grandes villes comme Bordeaux, sont structurellement déficitaires. On ne peut pas imaginer agir sans des financements publics importants et je pense qu'il faut également pouvoir imaginer derrière d'autres ingénieries financières. On est en train de réfléchir sur des possibilités de crowdfunding , du financement participatif qui pourrait éventuellement permettre sur certains sujets et notamment sur l'immobilier ancien requalifié, en complément de dispositifs financiers et fiscaux publics, de venir mobiliser l'épargne privée pour permettre de travailler sur des requalifications de centre-ville. C'est vrai pour l'habitat mais cela pourrait également être vrai pour des actions commerciales. J'en terminerai enfin par un élément qui me semble essentiel et qui a été évoqué pour l'expérience bretonne avec l'établissement du foncier, c'est la question du portage. Elle est fondamentale. Les collectivités n'ont pas aujourd'hui les moyens de porter plus qu'une initiative, une politique voire d'en assumer quelque fois les risques et les déficits mais la question du portage, particulièrement du portage foncier, demeure essentielle et le rôle des EPF et des aménageurs type sociétés d'économie mixte peut permettre aux collectivités d'avoir une multiplicité d'opérateurs permettant de répondre à la multiplicité de sujets et pouvant être complémentaires dans l'action publique avec également des opérateurs particuliers type EPARECA sur la question du commerce et je crois qu'il faut décloisonner l'action sur les centres-villes si l'on veut véritablement passer à la vitesse supérieure.

Philippe Rogier, Directeur du crédit de l'Agence France Locale. - Ce n'est pas inutile de présenter la jeune institution qu'est l'Agence France Locale. C'est l'initiative de nombreuses collectivités locales de créer une banque, un établissement de crédit spécialisé dans une logique coopérative puisque nos seuls actionnaires sont les collectivités locales qui le décident. Aujourd'hui, 250 collectivités locales ont décidé de rentrer au capital de l'Agence France Locale et donc nous commençons à développer une activité de crédit exclusivement auprès de nos membres ce qui explique notre audience encore limitée. Nous représentons, en cumulant le poids économique de nos collectivités membres, environ 13 à 14% du potentiel des collectivités locales françaises. Nous commençons donc à peser un petit peu mais demeurons pour autant une institution très jeune et n'avons pas par exemple été associés au dispositif du gouvernement « Action coeur de ville ». Nous sommes en revanche bien évidemment associés par le canal de nos collectivités membres. Les constats ont bien été établis par le rapport d'étape notamment sur le poids de la périphérie, sur le taux de pauvreté ou sur la vétusté du patrimoine, qui est un élément important où nous avons un rôle à jouer et pouvons agir ainsi que sur le départ des équipements culturels qui constitue bien souvent un signe accélérateur ou avant-coureur de difficultés. À titre personnel, je vis à Sens, qui est une des villes souvent citée en exemple sur la désertification, et j'ai d'ailleurs vu qu'un élu de Joigny, qui se trouve dans la même configuration, était intervenu lors d'une table ronde précédente. Ce sujet nous intéresse également en tant que banquiers car il existe une corrélation forte entre ces situations de dévitalisation et la situation de fragilité des finances de la collectivité dans une forme de cercle vicieux. Pour autant, et cela a été bien établi, je crois, comme le montre peu d'exemples mais ils existent, qu'il n'y a pas de fatalité et qu'il existe même des contre-exemples montrant que les choses bougent. L'Agence France Locale est présidée par Jacques Pélissard et celui-ci pourrait témoigner sur ce sujet. Ensuite, l'AFL peut jouer un rôle non pas en ingénierie technique, étant une petite institution très spécialisée, mais en ingénierie financière en bout de chaîne pour financer et rendre possible les choses. Notre mandat c'est d'accélérer et de financer l'investissement de nos collectivités et il faut donc que toute l'ingénierie et l'expertise dont nous venons de parler soit mise en place. Nous avons le plus d'expérience peut être pas sur les villes moyennes, dont on parle et qui sont concernées par le plan gouvernemental, mais sur les petites villes et les collectivités rurales où nous avons rendu possibles des réouvertures de cafés, de services à la population et où nous avons pu assister de nombreuses petites communes. Nous nous attachons donc à regarder les choses un peu différemment car il y a dans ces cas une nécessité d'augmenter l'endettement des collectivités pour accélérer les choses, mais un endettement totalement différent des autres composantes de l'investissement public, comme il s'agit d'un endettement productif de revenus, bien qu'une part demeure supportée par la puissance publique. Nous observons donc la part de l'endettement assise sur des actifs, commerces loués ou équipements produisant des revenus locatifs. Nous avons notamment accompagné la ville de Noyon, qui est pour moi l'exemple même de l'absence de fatalité puisqu'elle a déployé une gamme extrêmement large d'actions à la fois pour aider les commerces en développant le système des boutiques éphémères et surtout pour valoriser son patrimoine en propre d'immeubles et de commerces à la location permettant de redynamiser en agissant sur le niveau des loyers. Cette ville est objectivement très endettée mais avec une partie de son endettement liée à cette activité et dispose depuis un grand nombre d'années, temps long d'analyse nécessaire, de cessions d'actifs, n'ayant pas vocation à conserver indéfiniment leur patrimoine. Une partie des actions est donc financée chaque année par ces cessions d'actifs immobiliers. Mais une telle dynamique n'a pu être lancée qu'il y a très longtemps. Enfin sur le financement participatif évoqué précédemment, nous avons, à la demande des élus qui dirigent l'Agence France Locale, très tôt réfléchi à travailler en relation et complémentarité avec des sociétés de financement participatif en matière de crédit dans le domaine de la transition énergétique. Ce n'est donc pas le même sujet mais les choses, très compliquées, sont en train d'évoluer et nous constatons, ce qui fait écho aux enquêtes, que tout le monde aime les centres-villes. Cela ne va pas certes changer l'économie générale mais cela peut permettre de faire avancer les choses. Le paradoxe est donc que nous tentons de mettre en place ces logiques de financement participatif, auxquelles nous croyons beaucoup, tout en étant une banque de gros pour les collectivités.

Bruno Arbouet, Directeur général Action Logement. - Nous avons une longue histoire depuis le temps du 1% logement. Nous sommes les tenants d'un strict paritarisme parfois décrié en France mais qui fonctionne plutôt pas mal sur la question du logement. Je précise cela parce que nous sommes confrontés à la question de la légitimité du lien emploi logement : comment le logement peut faciliter l'accès à l'emploi ? Sur cette question, nous avons engagé une réforme profonde qui a débouché sur 600 structures réparties sur l'ensemble du territoire national. Aujourd'hui nous sommes un groupe organisé autour de trois entités : une entité de pilotage politique qui a deux filiales. Une qui collecte et qui produit du service au plus près du terrain vu que nous sommes présents dans tous les départements et qui finance fortement les bailleurs et les bailleurs sociaux en particulier, qui finance des politiques publiques comme l'ANRU et qui accompagne évidemment les salariés dans leurs souhaits de mobilité. Nous avons d'autre part un pôle immobilier qui nous permet de contrôler à peu près 25% du parc social français. Je vous indique tout cela car notre prisme est plutôt un prisme immobilier avec une musique que l'on entend depuis une dizaine d'années qui est que l'essentiel du lien emploi-logement se joue sur les métropoles. Ce sentiment, pas toujours partagé, était qu'il était nécessaire d'investir prioritairement là où la question de l'emploi se posait de la façon la plus forte et la plus criante et donc sur les métropoles. Or, comme je vous l'ai dit, nous avons un fort ancrage sur les territoires par les comités régionaux d'Action logement, pilotés également par les partenaires sociaux et nous constatons un changement de discours progressivement depuis deux-trois ans. Sur les territoires en désespérance, victimes de la fracture territoriale et de ses conséquences sur la cohésion sociale, se pose désormais la question des actions à mener pour ces salariés-là. Nous avons commencé à réfléchir, à imaginer comment intervenir, nous avons engagé cette réforme importante et dans le même temps, l'été dernier, nous sommes entrés en négociation avec le nouveau gouvernement pour tracer les termes d'une convention partenariale sur les cinq prochaines années. Nous sommes arrivés dans la négociation avec ce projet-là. À ce moment le projet « Action coeur de ville » n'existait pas et nous avons dit être partants pour investir dans ces territoires. Nous étions d'ailleurs un peu hésitants sur les termes exacts. Notre légitimité porte sur le logement, bien que tout ce qui a été dit soit très juste. La reconquête de ces territoires nécessite la coopération, la coordination d'actions plurisectorielles mais notre expertise demeure le logement et nous avons donc proposé, ce qui a été retenu, et je salue au passage la qualité de nos échanges avec l'État et en particulier la DHUP donc Laurent, le fameux 1,5 milliards d'euros d'investissement qui est de l'argent nouveau de 300 millions d'euros par an sous formes de prêts et de subventions avec une ambition d'effectivité et d'action concrète. Nous savons que ces projets demandent du temps et un investissement important en matière d'ingénierie, où il existe déjà un certain nombre d'acteurs, Caisse des dépôts, ANAH, qui accompagnent les collectivités démunies de ce type de compétence. Il nous est donc apparu que notre légitimité était moins sur ces sujets essentiels mais plutôt d'intervenir en investisseur sur des projets sur lesquels il n'y a pas de marché. L'idée est d'acheter un immeuble, de le restructurer, de le réhabiliter et très vite le prix du marché est dépassé rendant nécessaire la subvention pour achever l'opération. Nous réalisons donc de l'investissement sur le logement type commerce en pied d'immeuble avec logement au-dessus, autrefois celui du commerçant désormais parti et donc inadapté aux besoins des gens. L'idée est donc de restructurer complétement l'immeuble. Cet investissement peut naturellement s'insérer dans un projet plus global de commerce, de revitalisation, de mobilité, d'équipement public,... Nous avons également une anxiété : tout le monde s'accorde pour affirmer que ces projets demandent du temps entre le moment où la volonté politique s'exprime, celui où on pense acquérir,... Pour éviter que l'action publique s'essouffle, il nous semble indispensable d'obtenir des résultats rapides. Nous préconisons donc au ministère dans le processus de choix des villes que nous puissions immédiatement privilégier les communes pour lesquelles le niveau de maturité est suffisant pour nous permettre d'investir avant la fin de l'année. Cette ambition qui fait consensus peut en effet s'essouffler si l'ingénierie est suivie de tergiversations. Nous n'avons enfin pas vocation à nous substituer aux acteurs locaux et nous nous lions toujours sur place avec un opérateur dans un lien partenarial direct entre nous et la collectivité locale.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Merci pour votre éclairage. Nous allons maintenant laisser nos collègues poser les questions qu'ils souhaitent avant de refaire un petit tour de table après. Je passe d'abord la parole à Michel Forissier.

Michel Forissier . - Merci Monsieur le président. Tout d'abord, pour que vous compreniez le sens de mes questions, je vais préciser que je suis élu de la métropole lyonnaise après avoir été premier vice-président du conseil général du Rhône, maire d'une commune périphérique dans une agglomération en développement. J'étais également premier vice-président du SCOT qui a établi le document d'urbanisme de l'agglomération lyonnaise. La difficulté que nous rencontrons est la lutte contre le temps. Car, bien que nous disposions d'un document très prescriptif où figurent les polarités commerciales, d'habitation et les densités, le PLUH qui intègre l'habitat pour une répartition correcte du positionnement du logement social avec sa qualification et d'un PDU, plan de déplacement urbain à l'échelle de l'agglomération, les collègues et moi-même demeurons confrontés à ces difficultés de centre-ville. Nous avons établi un modèle il y a plus de quinze ans pour arriver à une réalisation aujourd'hui et lorsque nous arrivons au premier coup de pioche, ce modèle est périmé. Notre ennemi est donc bien le temps. Si l'on sait faire des documents d'urbanisme, l'adapter, bâtir un projet, nous nous heurtons ensuite au problème du portage foncier. Nous disposons des outils financiers, des professionnels pour réaliser les logements sociaux avec même de la concurrence et des marchés publics, mais il nous manque à imaginer un outil de coopération globale. De mon point de vue, si l'on arrivait à réduire à cinq ans le montage des dossiers et leur mise en route, nous serions déjà moins en décalage. Je voudrais donc aborder principalement ce sujet aujourd'hui et vous dire qu'il existe souvent un malentendu entre les élus et la population qui fausse le débat. Les périmètres de définition des projets d'urbanisme à l'échelle de la commune ne fonctionnent que très rarement. Il faut donc aller un peu plus large pour éviter la concurrence intercommunale et être capable de s'entendre entre toutes les collectivités pour avoir de la compatibilité et non de la concurrence. C'est là mon questionnement et je crois que, pour moi, bien que nous soyons conscients du très bon travail que vous effectuez tous en tant que partenaires des collectivités territoriales, pour la plupart d'entre vous, l'élu a une pression de la part de sa population qui veut un modèle de centre-ville qui est un modèle périmé en quelque sorte. Car, si vous faites trop de logement social en centre-ville, les petites boutiques qui sont en-dessous, vous leur ramenez non pas des clients mais des problèmes, car les personnes qui y logent vont aller dans les hypermarchés comme ils sont intéressés par le prix du produit et non sa qualité. On a donc beaucoup de contradictions dans ce type de dossier.

Élisabeth Lamure , Président de la délégation aux Entreprises. - Je souhaiterai pour ma part évoquer deux points. Le premier concerne la présence des services dans les coeurs de ville, de bourg et même de quartier. Cette question me semble importante comme on n'a pas toujours réalisé au fil des années que, chaque fois qu'un service public disparaissait, c'était un peu plus de dévitalisation de l'endroit où il se trouvait. Ce phénomène apparaît encore plus aujourd'hui avec notamment une question totalement d'actualité : la réforme de la carte judiciaire dont on parle beaucoup dans nos départements. Si un TGI disparaît, c'est encore un peu plus de dévitalisation d'un centre qui s'accentue. Je ne fais pas partie de ceux qui vont s'arque bouter pour le maintien à tout prix des services publics mais il faut néanmoins que les services qui ont une vraie raison d'être demeurent. Je pense par exemple à La Poste, dont vous avez un peu parlé, qui est en train d'inventer des nouveaux métiers et il pourrait être judicieux de s'appuyer justement sur ces structures pour pouvoir les développer dans les centres-villes et les centres-bourgs. Le second point est un peu plus large. Martial Bourquin a dit tout à l'heure que l'objectif n'était pas de faire du curatif mais d'avoir, au contraire, une démarche plus structurelle et en tout cas préventive. De ce point de vue, comment alerter aujourd'hui les villes qui ne sont peut-être pas encore menacées mais qui pourraient l'être bientôt, de manière à mettre en place des opérations, des process pour éviter qu'elles se retrouvent au niveau des 600 villes sinistrées et des bourgs au-delà des villes dans nos différents départements ?

Éric Bocquet . - Je vous remercie pour ces interventions et les informations utiles que vous apportez. Je suis élu d'une petite commune de la métropole européenne de Lille, village de 2 000 habitants et un article récent dans la Voix du Nord reprenant une étude nationale tendait à montrer que le développement des métropoles, désormais actées comme nouvel élément du territoire, ne profitait pas nécessairement automatiquement à la périphérie des métropoles en question. C'est un peu notre cas. Il y a un certain développement économique dans la métropole lilloise mais toutes les communes dans la MEL entre 500 et 3 000 habitants, qui sont les plus nombreuses, souffrent toutes de problèmes de commerce local sans exception et parfois même de service public. C'est donc une problématique qui interpelle beaucoup. Avez-vous dressé ce constat dans vos études ? Le constat a certes déjà été fait mais je voulais vous interpeller sur le sujet comme on nous dit que ces métropoles sont l'avenir. Vous avez également parlé, M. Abadie, d'une intervention en Bretagne, sur les actions concrètes. Pourriez-vous illustrer quel type d'action a été mené ? J'ai cru comprendre que cela s'était effectué dans des bourgs donc pourriez-vous également préciser l'importance des bourgs en question ? Troisième question : est-ce que vous tous, intervenants dans l'aménagement du territoire, travaillez de manière systématique en coordination ? Comment fonctionnez-vous les uns avec les autres au jour le jour ?

Éric Kerrouche . - Vous avez insisté tous de façon différente sur un point, essentiel me semble-t-il, qui est celui de la temporalité ou plus exactement des temporalités et des successions des temporalités qui empêchent en fait des réalisations concomitantes. Vous avez évoqué le temps du PLUi, éventuellement le temps du SCOT, j'ajoute également le temps politique qui est le temps du mandat. Cela peut contrarier une partie des projets. J'aurais une petite question par rapport à ces éléments : est-ce que vous pensez que les outils dont on dispose actuellement, PLUi, SCOT et autres outils de planification, sont assez souples, assez adaptatifs pour répondre aux stratégies que vous mettez en place ? Parce que ces documents ont tendance à fossiliser dans le temps des partis pris d'aménagement qui peuvent ou qui doivent peut-être être remis en cause en fonction des évolutions socio-économiques ? Ne peut-on pas imaginer notamment dans le cadre du SCOT des capacités itératives à l'adapter en fonction de transformations brutales qui n'étaient pas forcément prévues dans le document originel ? En gros, est-ce qu'il n'y a pas, selon vous, des moyens de souplesse à retrouver dans ces outils, parce qu'ils posent aussi des contraintes et qu'ils ne permettent pas d'appréhender l'ensemble des développements y compris d'ailleurs les conséquences des programmes que vous mettez en oeuvre.

Christian Manable . - Mon intervention sera plutôt un témoignage. Je voudrais dire que la loi NOTRe et la création des grandes régions nouvelles, des régions XXL comme on les appelle et en l'occurrence, en ce qui me concerne, il s'agit des Hauts-de-France, a eu des effets incontestablement sur la dévitalisation des centres-villes. Je suis du département de la Somme et Amiens, par exemple, a vu tout partir sur Lille y compris les sièges de ligue sportive. Amiens se dévitalise complètement et le centre-ville souffre énormément de la perte de son statut de capitale régionale.

Joël Labbé . - Je vous remercie d'abord pour ces enrichissements. Mon premier point concernera le maillage territorial. Je crois qu'il y a un travail à généraliser autour des villes, moyennes villes, gros bourgs capables de rayonner sur l'ensemble d'un territoire. Souvent, lorsque l'on regarde la carte des territoires ruraux, ce qui était le chef-lieu de canton dans beaucoup d'endroits reste un pôle positif de centralité et qui rayonne beaucoup sur les communes voisines. J'ai travaillé dans une autre vie avec Benoît Gandin,sur une forme de développement multipolaire en tentant de muscler le développement des bourgs de périphérie sachant que les communes non périphériques se développaient plus naturellement. Le second aspect concerne le crowdfunding. Je découvre qu'il est aussi utilisé pour la rénovation et je trouve cela intéressant. Je ne suis pas à la commission des finances mais je sais qu'il existe des avantages fiscaux pour le crowdfunding en direction des petites et moyennes entreprises. Il serait intéressant de se pencher sur ces nouveaux moyens d'investissement.

Marc Abadie, Directeur des territoires de la Caisse des dépôts et des consignations. - Je ne vais pas revenir sur les constats qui ont été faits tout à l'heure et que je partage totalement. Sur la question essentielle de la coordination, en dehors des partenariats que nous avons avec les collectivités elles-mêmes, nous sommes partenaires de l'ANAH et nous avons déjà eu des réunions sur ce sujet avec eux, l'ANRU évidemment,... Il ne faut pas oublier que la géographie de la politique de la ville a évolué ces dernières années et qu'elle concerne un certain nombre d'endroits dont nous parlons. Nous entretenons un rapport fraternel avec Action Logement et nous sommes même actionnaires de leur SEM donc on essaie de jouer notre rôle. La coordination sera, je le pense, retenue dans le plan « Action coeur de ville » et il faut qu'il y ait le maire de la ville-centre et le président de l'intercommunalité autour de la table. Concernant les relations avec les métropoles que vous évoquiez M. Bocquet, j'y vois deux choses. Premièrement elles peuvent s'inscrire dans ces politiques de réciprocité comme c'est le cas à Brest ou à Toulouse. Lorsque nous avons signé avec l'État les conventions de métropole, nous avions insisté sur ce point. Cela peut avoir plusieurs intérêts : un intérêt de faire rayonner le développement, d'inscrire un certain nombre de politiques dont nous avons parlé dans ces approches notamment les mobilités mais aussi un intérêt en termes d'outils, de mise à disposition par les régions, les métropoles d'outils comme Le Creusot par exemple qui a pris 1% dans une SEM régionale. Cela permet également de gagner du temps en n'ayant pas à recréer des outils sans avoir la superficie d'ingénierie et de surface économique. Deuxièmement, sur un sujet qui a été évoqué par tout le monde, nous sommes convaincus que c'est par cette coordination qu'on pourra mettre l'argent public permettant de rabaisser le coût économique des opérations et de mener des politiques différenciées. Nous n'allons pas demander à tous la même rentabilité d'autant plus que nous avons des exemples de tentatives de recréation de centres commerciaux en centre-ville. Je crois beaucoup à des procédures sur le long terme. Nos prêts peuvent aller jusqu'à 40 ans voire 60 ans pour du foncier. Nous pensons que c'est ce type de perspective qu'il faut donner et en même temps qu'il faut trouver des moyens d'anticiper ces évolutions. Il faut à la fois s'inscrire dans le long terme et en même temps être sans arrêt dans l'anticipation. Nous sommes dans la stratégie institutionnelle historique de la Caisse des dépôts que nous devons retrouver dans ces 200 villes de notre point de vue. Concernant la Bretagne, nous sommes sur une initiative régionale qui permet d'accroitre la maille territoriale avec 240 candidats à l'appel à manifestation d'intérêt pour 67 retenus la première année. Le premier signataire, avec le préfet, la Caisse des dépôts, le président de la région et l'EPF il y a quinze jours, ambitionne une action zéro territoire zéro chômeur avec des entreprises d'insertion. Ce secteur-là doit aussi être mobilisé avec toutes les nouvelles formes de l'économie sociale et solidaire, qui peuvent permettre d'apporter des solutions. Sur le foncier, pour détailler les engagements de la Caisse, 50 millions en ingénierie de projet, 50 millions pour des démarches innovantes afin d'essayer, comme le disait M. Forissier, d'anticiper l'avenir, d'arriver à trouver des solutions de rupture adaptées. Les smart solutions c'est à la fois pour les services publics. C'est la réflexion que nous menons avec La Poste sur les market places qui ont abouti notamment à Pau, Marmande et Saint-Nazaire. Il ne faut pas oublier non plus les plateformes de service collectif à la population : services communaux, services intercommunaux, services de l'État éventuellement afin de résoudre le problème de services publics en déshérence qu'évoquait Mme Lamure et notamment sur le plan de la santé qui nous est partout souligné comme étant un des enjeux majeurs à résoudre. Là il ne s'agit pas de construire des locaux ou de les aménager mais d'abord et avant tout avoir une équipe médicale. Par exemple à Roanne où nous sommes en train de monter avec la municipalité et l'intercommunalité une opération où nous prenons un certain nombre de risques et associons les professionnels. Ensuite le foncier a été évoqué. Dans le milliard de la Caisse des dépôts en investissements sur fonds propres, nous avons pré fléché 200 millions pour la création de foncières de commerce et d'activité. L'association des EPF assure la coordination. Une suggestion que je me permets de donner aux parlementaires serait de permettre à l'EPARECA d'intervenir dans ces secteurs-là. Les EPF, quand ils sont régionaux, peuvent aider les intercommunalités de villes moyennes. Nous avons identifié 4-5 secteurs, sur lesquels nous pensons que nos investissements doivent être en priorité dédiés : le commercial lato sensu puisqu'il devra inclure immédiatement le versant numérique, le culturel et l'artistique auxquels nous croyons beaucoup avec l'exemple de Rodez et le musée Soulages, un cinéma comme à Tulle, les prêts avec notre demande d'extension des prêts à renouvellement urbain à ces nouvelles aires géographiques avec une enveloppe ouverte de 700 millions non limitative estimée sur la base de nos dix démonstrateurs projetés sur 250 villes. Il existe encore des questions de dynamique mais, par la coordination avec Action Logement, on pourra faire sans doute encore mieux. La Poste ce n'est pas seulement des market places mais aussi des apports logistiques dans des endroits auxquels les grands logisticiens internationaux ne vont pas s'intéresser et La Poste peut seule aujourd'hui rendre possible ces offres coordonnées avec les collectivités.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Monsieur Girometti, pouvez-vous répondre à un certain nombre de questions sur la temporalité, le guichet unique ? On voit bien que dans notre pays on met deux fois plus de temps que dans n'importe quel pays européen pour réaliser nos projets. Et c'est de la croissance en moins. Nous devons y réfléchir. Deuxième point, je souhaiterai savoir quel sera le rythme du plan « Action coeur de ville » et le séquençage. Quand est-ce que les premiers projets vont être étudiés et lancés ? Dans l'avant-projet de loi ELAN, l'article 46 concerne les ORT où les CDAC n'auraient pas lieu d'être. Pourriez-vous nous faire un petit résumé de tous ces éléments ? Merci.

Laurent Girometti, Directeur de l'Habitat, de l'Urbanisme et des Paysages (pour le Fonds national des aides à la pierre). - Sur la question de la temporalité notamment entre planification et réalisation des projets puis sur les procédures concernant les projets, la planification est un de nos sujets de travail. Nous cherchons à pouvoir doter les auteurs de documents d'urbanisme de procédures qui puissent être plus rapides. Certaines choses vont entrer petit à petit dans les moeurs mais nécessitent des temps d'appropriation. Un décret de fin décembre 2015 porte sur le nouveau règlement du PLU mais il ne s'est pas encore vu sous cette forme là puisque ceux qui avaient une procédure en cours avaient le choix de l'adopter ou non donc seuls ceux ayant lancé une procédure d'élaboration de document depuis début 2016 sont concernés. Ce nouveau règlement prévoit un certain nombre d'avancées importantes mais dont on ne sait pas encore mesurer leur appropriation par les auteurs. Vous avez notamment la faculté sur des intercommunalités un peu étendues de laisser certains secteurs au RNU donc de ne pas vous fatiguer à édicter des règles pour des territoires avec peu de projets. Vous avez la possibilité de définir des secteurs sans règlement. En effet lorsque le projet se concrétise, je vais avoir à changer mon règlement pour l'adapter au projet. Ce type de souplesse va entrer dans les moeurs et il faut vraiment que les auteurs de document et les bureaux d'étude qui les assistent se les approprient pour se donner la possibilité d'avoir à y revenir moins souvent. C'est un point que je voulais marteler. J'évoquais les bureaux d'étude. Ce n'était pas à dessein. Dans la relation entre le maître d'ouvrage du document d'urbanisme et son bureau d'étude, il y a quelque chose à travailler. On peut essayer d'aider là-dessus avec nos actions de réseau mais comment faire en sorte d'éviter les reproductions méthodologiques systématiques avec des phases diagnostic plus longues que nécessaires ? Nous avons des pratiques professionnelles sur l'élaboration des documents d'urbanisme qui parfois vont au-delà de ce que demandent vraiment les textes et aussi de ce que demandent vraiment les commanditaires. Autre sujet qui fait partie d'une habilitation dans l'avant-projet de loi ELAN, simplifier la hiérarchie des normes. C'est un sujet éminemment complexe. J'en parle en tant que directeur de l'urbanisme qui est le réceptacle physique de toutes les politiques sectorielles et dès que quelqu'un a un problème sectoriel, il veut absolument que cela se traduise dans les documents d'urbanisme et souvent c'est le cas. Le peuple de l'urbanisme se retrouve donc petit à petit lesté d'une quantité de choses prenant en compte des problématiques très diverses et cela vous donne des documents de plus en plus lourds. Quand vous faîtes la check list des documents à fournir, c'est de plus en plus lourd. Les schémas sont très nombreux et lorsqu'ils évoluent, cela doit trouver sa répercussion et les rapports de conformité, de compatibilité, de prise en compte sont quelque chose que les auteurs de document ont beaucoup de mal à saisir. Ils peuvent alors souvent avoir tendance, sur des schémas a priori très globaux et purement schématiques, à traiter des choses très précises et sur lesquelles au lieu d'une prise en compte on se retrouve à croire devoir faire de la compatibilité ou de la conformité. Il est temps d'arrêter ça dans la pratique professionnelle avec de considérables efforts de pédagogie. Il faut aussi, et nous en sommes là, revoir ces points quitte à sacrifier certains rapports et on essaie de couper quelques liens pour sortir du spectre d'édifices totalement rationnels avec une descente de schémas en documents d'étape en étape qui rallongent et font perdre le sens du document d'urbanisme, qui est un document d'orientation, et l'on se complique la vie à en faire un document qui verrouille. Cet aspect va être une vraie bataille, car, dès que l'on parle de revoir la hiérarchie des normes, toutes les constructions patientes, sectorielles, qui viennent d'être faites pour la prise en compte de tel sujet, vont devoir peut-être être un peu déconstruites ou tout du moins nous devons nous en préoccuper sans nécessairement rentrer dans une chaîne verrouillée de documents. Il faudra nous aider là-dessus car cela obligera à renoncer à un certain nombre de choses, à des constructions intellectuelles parfaites pour être plus pragmatique. Sur les procédures, notre principale difficulté est leur évolution récente. La DHUP n'est pas en responsabilité des procédures environnementales mais elles ont beaucoup évolué en termes notamment de consultation du public. Dans le cadre du droit européen, beaucoup de choses ont été revues. On a des sujets d'appropriation mais également des sujets de mise en oeuvre et, dans un certain nombre de cas, il faudra revoir certains processus avec toujours ce hiatus entre la révision incessante de la procédure et la volonté de la laisser telle qu'elle est et de l'appliquer correctement. Les services de l'État, et c'est là la commande de notre ministre Jacques Mézard, ont pour instruction d'essayer de s'organiser pour que les porteurs de projet soient bien accueillis et bien accompagnés. Il y a un amendement dans la loi État au service d'une société de confiance au sujet du référent unique qui était déjà dans une proposition de loi Simplification du droit de l'urbanisme. C'est une disposition législative qui a un peu valeur de circulaire mais cela demeure l'esprit dans lequel il est demandé aux services de travailler : se coordonner, apporter des réponses et être dans une application de bon sens des procédures.

Martial Bourquin , rapporteur . - Monsieur le directeur, justement il y a plusieurs choses sur lesquelles il est important qu'on avance. La première c'est le foncier. Vous ne maîtrisez pas le foncier, il n'y a pas de projet et il n'y a pas de réhabilitation du coeur de ville ou du centre-bourg. Sur cette question du foncier se greffent plusieurs questions. La première c'est celle de la rapidité avec laquelle on peut avoir des DUP, déclarations d'utilité publique. Si vous avez des DUP qui se font dans un temps suffisamment court, inévitablement le maire a une possibilité de négocier avec les propriétaires qui n'est plus là-même du tout. Ils savent que les maisons sont frappées d'alignement et ils ont donc intérêt à les vendre et une négociation s'engage, certes déséquilibrée mais décisive. Pas de projet sans maîtrise de la trame foncière donc. La deuxième chose c'est la question financière. Vous avez abordé la question du prêt même s'il est long. On a besoin, monsieur le directeur, de financements croisés parce que ce sont des opérations de grande dimension. J'étais maire il y a encore quelques mois et nous avons entièrement refait notre centre-ville et nous avons mis des dizaines de millions d'euros dans ce projet mais le problème c'est d'avoir des sources de financement qui ne soient pas des redéploiements de crédits mais qui soient des possibilités nouvelles pour que la commune ou l'EPCI retrouve ses investissements et que le recours à l'emprunt soit le plus supportable possible. Sinon on a beau étaler, cela crée de la dette. Il nous faudrait là une clarification sur ce que va apporter cette loi concernant les financements et l'accessibilité au financement. C'est indispensable. Par exemple, dans la ville où j'étais maire, nous avons fait une ZAC où il y avait deux anciennes grandes surfaces et trois logements. Dix ans après, on a cent logements et plusieurs commerces. Comme le disait M. Abadie tout à l'heure, le retour sur investissement a lieu au bout de douze ans. Mais il y avait la taxe d'habitation, la taxe foncière et dix ans c'est trop long. La reconquête des centres-villes et des centres-bourgs après dix, quinze, vingt ans n'est pas envisageable. Il faut que nous inscrivions dans la loi une série de choses permettant de passer de la culture de la périphérie à la culture de centre-ville. Cela veut dire que tous les équipements structurants et l'État notamment, qui est en première ligne, ne doivent plus partir à la périphérie. On les garde au coeur de ville. Rien qu'autour de moi je connais une dizaine d'équipements structurants qui vont finir à la périphérie ou, comme le disait notre collègue tout à l'heure, qui vont aller dans la nouvelle capitale régionale. Cela ne marche pas. Si l'on ne met pas un coup d'arrêt à cela, rien ne changera. Deuxième chose, il faut veiller aux pôles de centralité. Mais il faut faire attention. Dans un endroit avec une ville centre, on soutient la ville centre. Dans d'autres endroits, vous aurez des ensembles polynucléaires avec plusieurs villes centres et ce maillage de villes centres et centres-bourgs va tenir le territoire. Le maire de Boulogne-sur-Mer m'invitait lundi soir pour évoquer ce sujet et me disait qu'il n'était pas dans le plan « Action coeur de ville » mais que ses deux collègues voisins l'étaient et ouvraient à tout va des grandes surfaces. L'ouverture de celles-ci touche au plus près les centres-villes. Il faut qu'il y ait, monsieur le directeur, une prime à l'appui de celui qui joue son coeur de ville. C'est absolument indispensable : pour accéder à l'» Action coeur de ville », il ne faut pas mettre l'accent sur la périphérie. C'est là qu'on aborde la nécessité d'une loi. ELAN nous interroge avec Rémy mais nous avons besoin de changer de culture, de changer les paramètres qu'on a depuis un certain temps en se disant que, lorsqu'on aura une « Action coeur de ville » sur un périmètre donné, le fait de continuer à investir dans la périphérie pourra être un élément pénalisant sur les financements. Nous sommes en train de nous interroger sur la fiscalité des coeurs de ville. Vous l'avez dit tout à l'heure, le maire de Joigny nous avait dit que lorsqu'il fait une maison cela coûte le prix de dix car il est en centre historique. Que fait-on par rapport à ces villes-là ? On a besoin de clarification pour ces choses-là. On a besoin de quelque chose de nouveau, qui ne soit pas de l'eau tiède. L'idée c'est que l'on change les choses et que l'on bouge complétement le système sur ces questions.

Laurent Girometti, Directeur de l'Habitat, de l'Urbanisme et des Paysages (pour le Fonds national des aides à la pierre). - En termes de financement budgétaire, vous connaissez le niveau de contrainte. Quelles sont les ressources qui peuvent être mobilisées ? La Caisse des dépôts en a détaillé un certain nombre. Les établissements publics fonciers ne sont pas nouveaux. En revanche, quand ils se mettent à intervenir sur un secteur, ils y apportent à la fois une ingénierie et une capacité d'investissement donc il y a un intérêt réel à travailler avec son EPF quand on en a un. J'attire toutefois votre attention sur les contraintes qui interviennent sur les niveaux de taxes spéciales d'équipement dont les élus locaux sont de toute façon parfaitement conscients. Les conseils d'administration des EPF déterminent une fiscalité locale qui vient se concentrer sur les lieux d'intervention. Au sein des conseils d'administration des EPF, il y a donc une solidarité interterritoriale qui doit se faire pour adopter une TSE qui va servir à certains endroits. Néanmoins l'action foncière est cruciale et les EPF en sont un outil. En termes de dotations budgétaires, il n'y en a pas de nouvelles. Il y a une orientation des moyens existants. L'intervention d'Action logement est nouvelle et la Caisse des dépôts fait des efforts supplémentaires mais les moyens de l'ANAH restent ce qu'ils sont. De la même manière, les enveloppes qui sont à la main des préfets pourront être orientées sur l'accompagnement de ce type de projets. Cela signifie qu'il faut disposer de ce projet avant orientation des financements. Mais il ne s'agit pas de financements nouveaux mais de priorisation. En matière de fiscalité, les travaux en cours sur la taxe d'habitation peuvent être l'occasion d'une remise à plat. Je n'en maîtrise pas tous les sujets mais il y a un constat d'iniquité à l'intérieur des territoires et cette remise à plat est donc sans doute nécessaire. Un dernier mot enfin, comme vous m'avez questionné sur l'état des lieux du plan « Action coeur de ville ». Il y a eu une remontée des préfets demandée pour la mi-février. Elle est en cours de dépouillement et le but est que le ministre puisse, dans le courant du mois de mars, donner déjà la première promotion et évoquer les collectivités retenues avec une mise en place qui se fera localement. Vous évoquiez la coordination et il y a une intense coopération nationale dans la conception de ce produit. Il va falloir la retrouver au niveau de nos représentations locales donc des services de l'État pour ce qui nous concerne, des directions régionales pour la Caisse des dépôts, des CRAL pour Action Logement. Il faut que chacun travaille ensemble et informe ses réseaux qui eux-mêmes localement vont oeuvrer ensemble.

Marc Abadie, Directeur des territoires de la Caisse des dépôts et des consignations. - Concernant les ressources, il y a peut-être une révision de la loi Malraux à entreprendre pour les villes qui ont un patrimoine. Cette préoccupation nous a été remontée par la plupart des élus.

Fabien Guegan, Responsable adjoint du département immobilier et développement économique de la Fédération des Entreprises Publiques Locales. - Je vais être très rapide car mon propos sur le sujet n'est pas institutionnel. Je rejoins effectivement la question du Malraux qui est essentielle car c'est un levier fiscal important et si l'on pouvait uniformiser le Malraux ce serait déjà une bonne chose. Peut-être faudrait-il également réfléchir sur la fiscalité des droits de mutation des centres anciens qui permettrait peut-être d'activer le transfert foncier. Je reviens également sur la question des financements croisés. Je ne vais pas reprendre les propos d'Action Logement mais leur nouveau financement sur ce qu'on va appeler le déficit foncier, sur des opérateurs publics et privés, est une chose importante. Car, par exemple pour l'intervention dans les centres anciens, le premier butoir auquel se heurtent les opérateurs, c'est bien la question des déficits fonciers. On peut prendre en parallélisme le financement qu'a apporté l'ANRU dans les ORQAD et si l'on peut reproduire ce type de dispositif sur les centres anciens c'est une bonne chose. Il y a d'ailleurs une forme de miroir entre les deux situations. Le gel du maintien des services publics dans les QPV était une très bonne idée. Pouvoir assurer aux élus qu'une opération coeur de ville, un bureau postal ne partira pas, parce qu'il est labellisé coeur de ville, c'est une très bonne chose et cela participe au maintien de ces services de proximité qui sont essentiels. Je terminerai enfin sur la question du temps. Il vous est cher et il nous est compté en tant qu'opérateur. Vous avez évoqué les déclarations d'utilité publique et on voit bien qu'aujourd'hui une DUP prend effectivement a minima 5-6 ans. Or 5-6 ans pour maîtriser du foncier, ça n'est pas raisonnable. Il faut donc pouvoir identifier très rapidement et se doter des outils d'identification, d'information pour ces collectivités locales pour saisir très rapidement l'immobilier qui peut effectivement se présenter. Cela veut dire se doter très rapidement d'un outil de maîtrise foncière soit via l'établissement public soit via un aménageur. Il ne faut pas laisser les opérateurs privés seuls sur ces dispositifs parce qu'ils prendront les meilleures opérations et la collectivité se retrouvera à financer les opérations les plus compliquées. Enfin, sur la question du e-commerce, je crois qu'il ne faut pas l'opposer au commerce de centralité. Nous travaillons sur des petites et moyennes collectivités locales comme Libourne en périphérie bordelaise, où, dans son plan d'action, figure tout un travail sur les commerces connectés. Je prendrai également l'exemple de la SEMAEST sur Paris, qui a travaillé sur la mobilisation des pieds d'immeuble et qui a mis en place un dispositif connected store qui vise à compléter l'offre commerciale physique par l'offre commerciale connectée. Le e-commerce aujourd'hui, c'est 14% de croissance par an, c'est 80 milliards d'euros de transactions. Mais si vous arrivez à compléter ce commerce connecté et ce commerce physique, vous avez un commerçant qui découvre un nouveau marché et je crois qu'un des enjeux de ses actions en coeur de ville, c'est de pouvoir justement ouvrir la porte du commerce à ce nouveau commerce et les opérateurs doivent pouvoir accompagner les activités commerciales sur ce champ.

Martial Bourquin , rapporteur . - Excusez-moi de vous couper mais on ne peut pas comparer les GAFA avec ces commerçants indépendants qui s'installent. C'est une masse financière assez impressionnante et, dans la proposition de loi que nous ferons, la question de la fiscalisation des GAFA sera en bonne place, parce que sinon tout ce que nous ferons sera voué à l'échec. Il faut déjà remettre de la justice fiscale.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Il faut une discrimination positive fiscale qui aille du e-commerce vers le centre-ville parce qu'à force de dire qu'il ne faut pas opposer les centres-villes aux périphéries, au e-commerce, tout le monde va mourir à part le e-commerce sans fiscalité, taxe foncière ou de charges d'immobilier. Il faut donc être vigilant et il nous faut traiter l'ensemble du sujet avec une fiscalité adaptée. On y travaille et il va nous falloir trouver une fiscalité qui servira justement à financer des opérations en centre-ville. Cela peut être une idée gagnant-gagnant avec de nouvelles recettes.

Philippe Rogier, Directeur du crédit de l'Agence France Locale. - Je vous indiquerai certains éléments sur l'évolution de la réglementation sur le financement participatif dont nous parlions pour que les collectivités puissent l'utiliser. Sur la temporalité nous avons une seule réponse qui est la durée des financements. Nous avons donc réorienté nos refinancements pour pouvoir nous refinancer et donc prêter sur des durées plus longues. C'est malheureusement la seule façon de procéder à notre niveau.

Bruno Arbouet, Directeur général Action Logement. - J'avais deux remarques essentiellement. La coordination est certes nécessaire et indispensable mais nous savons tous que cette coordination peut donner lieu à des usines à gaz. Il faut donc tenir une ligne de crête où il y a besoin, comme nous l'avons évoqué lors du comité de pilotage avec Jacques Mézard, d'être attentif aux effets contre-performants de l'utile rassemblement d'une dizaine de partenaires. Nous aurions donc une préconisation à faire. D'abord, comme l'a dit Marc Abadie, il faut bien distinguer le niveau national du niveau local car il y a nécessité que cette coordination soit bien traitée au niveau local sous, de notre point de vue, l'égide de la collectivité directement concernée. Deuxièmement, il faut probablement bien identifier ce qui relève de la nécessité partenariale de la nécessité de la coordination des financeurs. Je pense qu'il s'agit de deux sujets différents. Que toutes les administrations soient autour de la table, ça a probablement un intérêt mais que toutes les administrations aient un mot à dire, alors que, pour beaucoup d'entre elles, elles ne financeront rien, en fait un sujet à traiter. Nous abordons le sujet en souhaitant, encore une fois, démarrer au plus vite afin d'obtenir des résultats avant la fin de l'année. La question du calendrier électoral est posée. Ce plan a cinq ans et il y a en 2020 des échéances importantes. Si les maires n'ont pas les éléments de démonstration rapidement, je crains que nous restions au stade des discours. Les partenaires sociaux sont assez vigilants sur ce sujet. Car, si autour de la table le sujet fait consensus, le milliard et demi que nous allons mettre sur ces territoires, nous savons qu'il peut être contesté par d'autres territoires. Nous avons donc besoin de montrer la pertinence de notre projet par des résultats. Le deuxième point que je souhaitais aborder est celui du sens de notre investissement. C'est d'amorcer, sur ces territoires, le retour d'investisseurs et en particulier privés. Nous allons bien financer des travaux, financer des portages fonciers mais en bout de course, le vrai succès est que nous ayons vocation à rester mais que cela puisse amorcer le retour du foncier. On évoquait le Malraux mais au bout de neuf ans généralement l'investisseur ne reste pas sur le territoire. Je crois qu'il faut qu'on ait en tête ces choses pour éviter l'effet usine à gaz d'abord puis ensuite s'assurer de l'effectivité de nos travaux et de nos investissements.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Merci à vous tous. Je pense qu'on a fait un bon tour d'horizon. Merci à ceux qui ont bien voulu venir apporter leur contribution. Notre prochaine table ronde concernera les centres commerciaux et aura lieu le mercredi 7 mars de 15h à 16h30 en salle Clemenceau et sera retransmise en direct vidéo sur le site du Sénat.

TABLE RONDE DES CENTRES COMMERCIAUX
(7 MARS 2018)

Le mercredi 7 mars 2018, le groupe de travail, à l'occasion de la table ronde « des centres commerciaux », a entendu : Jean-Marie Tritant, Directeur général des opérations, Unibail-Rodamco ; Sixtine Michau, Analyste en charge des affaires publiques, Unibail-Rodamco ; Pierre Hausswalt, Directeur de la Communication et des Affaires publiques, Unibail-Rodamco ; Philippe Journo, Président-Directeur général, Compagnie de Phalsbourg ; Éric Paillot, Directeur du développement, Compagnie de Phalsbourg ; Mathieu Boncour, Responsable des relations institutionnelles et du mécénat, Compagnie de Phalsbourg ; Gontran Thüring, délégué général, Conseil national des centres commerciaux (CNCC) ; Dorian Lamarre, Directeur des relations institutionnelles et extérieures Conseil national des centres commerciaux (CNCC), Conseil national des centres commerciaux (CNCC) ; Jacques Ehrmann, Président directeur général, Carmila (filiale de Carrefour) ; Ronald Sannino, Directeur du développement et de la stratégie territoriale de Carrefour Property, Carmila (filiale de Carrefour) ; Maurice Bansay, Président et fondateur de la société Financière Apsys Group.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je suis très heureux de vous accueillir pour cette table ronde consacrée aux centres commerciaux. Je salue les internautes qui peuvent nous suivre sur le site du Sénat et sur les réseaux sociaux.

Je souhaite rappeler l'objectif de ce groupe de travail pour la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. Il est composé de 18 sénateurs représentatifs de tous les groupes politiques du Sénat, des six commissions permanentes concernées (lois, finances, culture, développement durable, affaires économiques et affaires sociales), et des délégations sénatoriales aux collectivités territoriales d'une part et aux entreprises d'autre part.

Nous avons réalisé, avec Martial Bourquin, un premier état des lieux et avons recensé les facteurs expliquant cette situation. Nous avons tous une responsabilité en la matière, que nous soyons élus, aménageurs, consommateurs et enseignes. Nous devons donc partager également les propositions. Nous souhaitons maintenant définir des solutions audacieuses, en réfléchissant à la conception que nous nous faisons de la ville de demain et du lien social. Souhaitons-nous pérenniser la ville « à l'européenne », avec un centre, lieu de vie sociale, citoyenne, culturelle, religieuse, un lieu de vie collectif et d'identité ?

Les questions que nous vous poserons aujourd'hui se ramènent au fond à une interrogation : comment inverser cette spirale infernale de jeu perdant-perdant, pour les centres-villes, les centres-bourgs, mais aussi pour la périphérie ? Actuellement, certains départements comptent près de 30 % de surface commerciale en trop, avec un pouvoir d'achat et une consommation qui stagnent.

Ce constat de dévitalisation est partagé par tous et les responsabilités sont multiples. En périphérie, les surfaces commerciales ont augmenté deux à trois fois plus vite que la consommation des ménages. Même la Fédération du commerce et de la distribution ne nie pas ces chiffres qui peuvent largement expliquer la fragilisation des centres-villes. Dans ces conditions, comment réguler les implantations de surfaces commerciales en périphérie ?

En Europe, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Espagne ont conservé des législations restent très restrictives sur les implantations commerciales, en dépit de la directive de 2006, et interdisent à certains commerces d'aller en périphérie. Le récent jugement de la Cour de Justice de l'Union européenne Appingedam 3 ( * ) (janvier 2018) semble leur donner raison. Pourquoi la France n'en ferait pas de même pour préserver ses centres-villes ? Nous devons agir rapidement pour nos centres-villes.

Martial Bourquin, rapporteur. - Je suis très heureux de vous accueillir ce jour pour ce débat sur nos centres-villes et centres-bourgs. Comment faire pour les sauver ? Rémy Pointereau avait raison de dire que l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Espagne ont abouti à des solutions différentes, en appliquant la même réglementation. Il convient donc de rechercher, dans les lois relatives à l'urbanisme et dans la régulation de l'urbanisme, une solution à nos problèmes. L'Allemagne a des schémas d'urbanisme extrêmement rigoureux : les grandes surfaces peuvent être implantées dans des espaces réservés, et absolument pas ailleurs. L'Allemagne dispose donc d'un commerce de périphérie, moins important que le nôtre, et de centres-villes très intéressants. Nos lois sur l'urbanisme pourraient mettre davantage de régulation, pour éviter la désagrégation de nos centres-villes.

Le gouvernement propose d'éliminer le contrôle des CDAC pour les implantations en coeur de villes. Qu'en pensez-vous ? Une implantation en centre-ville nécessite du foncier, des parkings, des achats pour disposer d'un espace suffisamment important pour implanter une moyenne ou une grande surface. Vous paraît-il juste d'autoriser à l'extérieur et pas à l'intérieur ? Voulons-nous reproduire à l'intérieur des villes ce que nous avons fait à la périphérie ? Est-ce possible ?

Auchan a été auditionné et a déclaré qu'il n'était pas opposé à des moratoires locaux et provisoires sur les implantations commerciales. Ils disent que l'avenir du commerce ne se situe plus là et que l'e-commerce apparaît comme une perspective bien plus intéressante.

Nous présenterons dans quelques semaines une proposition de loi sur ce sujet.

Ne pensez-vous pas qu'une trop forte spéculation a touché les terres agricoles en périphérie ? Sans terre agricole, l'étalement n'est pas possible. Dans des revues très sérieuses, le Haut conseil de la stabilité financière s'est inquiété des risques de bulles spéculatives sur l'immobilier commercial et de bureau qui seraient générées par l'absence de visibilité sur la réalité du taux de vacance physique de nombreuses foncières ? Que pensez-vous de cette possible bulle spéculative ? Avec un taux de vacances si important, le problème ne fait que se renforcer.

Pourriez-vous nous révéler le taux de vacances réel ? Nous ne trouvons pas de statistiques fiables en la matière. Nous souhaitons échanger des idées avec vous, pour que la loi que nous proposerons soit conforme aux intérêts du plus grand nombre. La périphérie existe : nous devons veiller à ce qu'elle ne s'étende pas trop, mais aussi qu'elle ne soit pas trop fragilisée.

Le développement du commerce en ligne sur Internet a eu un fort impact sur le commerce physique et sur le commerce de proximité. Vous semble-t-il possible d'intégrer le commerce de centre-ville dans la dynamique du commerce en ligne, à l'avenir ? Si oui, comment ? Que pensez-vous faire à votre échelle pour lutter contre cette dévitalisation qui n'est pas un problème purement commercial, mais est aussi civilisationnel. La ville européenne s'est bâtie avec ses coeurs de ville et ses centres-bourgs. Leur dévitalisation met à mal la démocratie et les relations sociales et ne fait qu'augmenter la crise sociale.

Gontran Thüring, délégué général, Conseil national des centres commerciaux (CNCC). - Le CNCC et ses adhérents sont très impliqués dans ce débat sur la dévitalisation des centres-villes. Nous avons déjà été auditionnés par l'Assemblée nationale et avons participé activement à la mission qui rendra son rapport dans les prochains jours.

Je souhaite formuler quatre remarques rapides. Le Conseil national des centres commerciaux (CNCC) représente les équipements commerciaux structurés. Les centres commerciaux sont souvent opposés aux centres-villes alors que 20 % des centres commerciaux se trouvent en centre-ville et contribuent largement à la dynamisation des centres-villes où ils sont implantés. 80 % des projets en cours pour les cinq prochaines années sont des projets urbains, de centre-ville ou de quartier, contre 20 % situés en périphérie, dans des zones qui enregistrent une forte croissance démographique, en Ile-de-France ou en PACA par exemple. La France est un des pays les plus réglementés en matière d'urbanisme commercial, à travers les CDAC. Depuis la dernière loi ACTPE, les élus locaux disposent d'une représentation supérieure dans les CDAC. La CNAC peut en outre s'autosaisir de tout projet supérieur à 20 000 mètres carrés. Malgré cette réglementation, le problème demeure.

Je ne reviendrai pas sur le constat. Nous ne nions pas ce phénomène de dévitalisation des centres-villes. Ce dernier est multifactoriel. Le commerce en constitue un élément, mais il n'est pas le seul. Les centres-villes se sont dépeuplés puisque la population s'est installée en périphérie, dans des maisons individuelles. L'État a également quitté les centres-villes puisque les hôpitaux et les collèges sont partis. Il ne faut donc pas accuser le commerce de tous les maux du centre-ville.

Rémy Pointereau, rapporteur. - J'ai indiqué que les torts étaient partagés.

Gontran Thüring, délégué général, Conseil national des centres commerciaux (CNCC). - Il serait trop simple d'endiguer le commerce en périphérie pour que le commerce en centre-ville revive. Nous sommes favorables à des mesures davantage incitatives que punitives pour la revitalisation des centres-villes.

Nous avons formulé trois propositions, très pragmatiques, pour lutter contre ce phénomène. Le diagnostic est indispensable, ainsi que l'ingénierie. In fine , si aucun commerçant n'exploite les commerces de centre-ville et si aucun investisseur n'achète les murs de ces commerces, rien n'évoluera.

La première consiste en une exonération de l'autorisation d'exploitation commerciale (AEC), dans le cadre de périmètres urbains à définir, pour accélérer la revitalisation des centres-villes et l'implantation de commerce. La seconde est une aide aux primo-commerçants. De nombreux jeunes sont prêts à reprendre un commerce, mais sont confrontés à de nombreuses difficultés réglementaires et financières. Nous proposons donc une exonération fiscale des taxes locales pendant trois ans au bénéfice des primo-commerçants, repreneurs ou créateurs d'entreprises, quel que soit leur âge. La troisième consiste en la création de microfoncières en local. Il existe dans ces villes un écosystème de notables qui sont attachés à leur ville et pourraient investir leur argent dans leurs villes, avec un avantage fiscal (sur amortissement ou exonération d'IFI). Il semble indispensable d'établir un diagnostic, de monter de l'ingénierie, mais, sans commerçant et sans investisseur, le constat n'évoluera pas.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Vous oubliez les consommateurs.

Gontran Thüring, délégué général, Conseil national des centres commerciaux (CNCC). - Vous avez raison. Il convient également de travailler sur l'habitat. Nous pensons que certains centres-villes ont exagéré la piétonisation et conservent des parking payant dont le tarif est excessif. Il convient de doter les centres-villes de parkings, bon marché ou gratuits. Si les commerces ne sont pas accessibles, le consommateur préférera se rendre en périphérie où il pourra se garer facilement et gratuitement.

Philippe Journo, Président-Directeur général, Compagnie de Phalsbourg. - Nous partageons tous le constat et en sommes désolés. Les centres-villes et les centres-bourgs doivent être une cause nationale. Il faut pour cela résister aux sirènes du « protectionnisme » et ne pas décréter de moratoire sur la périphérie. La CNAC répond très bien à ce problème avec l'autosaisine. Le commerce fonctionne sur la base de la massivité : vous ne vous rendez pas dans une rue où n'est implanté qu'un seul commerçant. De la même manière, un centre commercial de périphérie attire quand il est massif. Que la CNAC s'autosaisisse et juge, au niveau national, si un centre peut se créer ou s'étendre au-delà de 20 000 mètres carrés semble suffisant.

Décréter un moratoire ne réglera pas le problème des centres-villes et encouragera Internet. Un sénateur me parlait d'une zone commerciale, la Croix Blanche. Vient de s'implanter à proximité une plateforme Amazon de 275 000 mètres carrés. Nous considérons, au CNCC, qu'il vaut mieux avoir des personnes qui travaillent, vivent dans la collectivité et créent du commerce que des simples plateformes logistiques avec des machines et des livreurs. L'autosaisine de la CNAC au-delà de 20 000 mètres carrés constitue un élément de régulation.

Nous sommes tous désolés de voir les centres-villes et les centres-bourgs se dépeupler de leur population, de leur économie et de leurs commerces. Je propose une politique bien plus volontariste pour que les élus des métropoles, des agglomérations et des villes définissent un périmètre de sauvegarde commerciale et que le pouvoir public dote ces élus de moyens extrêmement incitatifs en allant jusqu'à la possibilité de DUP. La qualité d'un centre-ville et d'un centre-bourg diminue lorsqu'un commerce de qualité est remplacé par un commerce de moins bonne qualité. Nous sommes favorables à une politique d'autorégulation par la CNAC au niveau national et à une politique volontariste donnant la possibilité aux élus de bloquer certains projets, dans certains périmètres.

Il n'appartient pas à la puissance publique de payer pour tout le monde. La puissance publique devrait pouvoir nouer des contrats avec des sociétés semi-publiques ou avec des sociétés privées, comme la Semaest à Paris, pour revitaliser le commerce de centre-ville. Les élus pourraient contractualiser, comme ils le font dans le cadre d'une ZAC, et les investisseurs pourraient investir massivement sur un périmètre délimité dans lequel ils bénéficient d'une protection. Les sociétés traiteraient alors le centre-ville, le centre-bourg ou la rue commerçante comme un centre commercial à ciel ouvert. La difficulté de la durabilité du commerce est liée au fait que les copropriétés sont horizontales et verticales. En périphérie, les centres commerciaux ont un seul gestionnaire qui investit en fonction de son intérêt. De tels systèmes devraient être créés pour les centres-bourgs.

Martial Bourquin, rapporteur. - Ceci existe déjà pour les zones d'aménagement concertées.

Philippe Journo, Président-Directeur général, Compagnie de Phalsbourg. - Il conviendrait de dupliquer ce système dans les centres-villes au bénéfice des rues commerçantes. Les élus définiraient alors des territoires sanctuarisés. L'État devrait leur donner les moyens pour mener cette action, quitte à l'autoriser sous la forme de partenariats public/privé. Nous l'avons fait à Nice, sur le quartier de la gare.

Nous sommes favorables à l'arrêt des AEC pour les hyper centres-villes puisqu'ils. Les AEC sont susceptibles de recours et génèrent une perte de temps. Si ces autorisations doivent être maintenant en périphérie, il convient en revanche que les décisions des élus ou de l'État puissent être appliquées très rapidement dans les centres-villes.

Maurice Bansay, Président et fondateur de la société Financière Apsys. - Le débat ne doit pas se situer entre les centres-villes et la périphérie puisque le commerce se justifie complètement en périphérie pour les activités telles que le bricolage et le jardinage, qui ne s'implanteront jamais en centre-ville puisqu'elles ont besoin d'un certain nombre de mètres carrés. Pour autant, nous partageons tous le constat et le déplorons puisque nous sommes tous très attachés au modèle de société que vous évoquiez, à savoir le modèle européen qui fait la richesse de notre vie sociale et sociétale.

Il convient de distinguer les villes moyennes et les centres-bourgs et les centres-villes des métropoles puisque les problématiques diffèrent. Pour les centres-villes et les centres-bourgs, la population a diminué de 15 % et l'emploi de 30 % depuis une vingtaine d'années. La vraie problématique nationale, au-delà du problème commercial, est de savoir comment retrouver une dynamique économique, des habitants et des clients. Dès que cet écosystème positif sera recréé, les professionnels pourront reconquérir les centres-villes progressivement paupérisés.

Il convient d'inciter les jeunes commerçants qui n'ont pas les moyens de payer des fonds de commerce dans les centres-villes des grandes villes, grâce à des incitations fiscales. Et inciter des petites structures d'investissements privés, foncières qui souhaitent s'inscrire dans ce type d'investissements, ou privées telles que des familles de notables, avec des incitations fiscales. Ce point constitue un enjeu national qui associe le politique, l'économie et l'investissement privé. Le commerce n'est que la résultante d'une situation économique où la consommation a diminué et où l'accès à la périphérie est plus facile, moins cher et plus simple. Dans un environnement concurrentiel normal, le consommateur se rend là où il dispose de plus de services à un moindre coût.

Pour les métropoles, la problématique est moins grave et peut se résoudre plus facilement. Chez Apsys, nous avons été les pionniers des opérations mixtes en centre-ville. Je souhaite en citer quelques-uns.

Nous avons répondu à une consultation organisée par la ville de Caen pour un terrain qui était une friche industrielle à côté de la gare du port. Cette opération mixte représente 70 000 mètres carrés et 220 millions d'euros d'investissement, dans une période compliquée pour les investissements immobiliers, en 2010-2012. Nous avons réussi cette opération. Au moment où j'ai été attributaire du projet, il existait 200 000 mètres carrés d'équipements commerciaux sur l'agglomération. Au moment où j'ai ouvert le projet, il en existait 400 000 mètres carrés entre les opérations d'extension et les nouvelles opérations en cours d'autorisation. Force est toutefois de constater qu'à Caen, la population n'a pas doublé, pas plus que le pouvoir d'achat, dans le même temps.

Je souhaite donc attirer l'attention sur la responsabilité des élus. Comment est-il possible de demander à un promoteur privé de prendre tous les risques et d'investir dans un projet immobilier coûteux et complexe (contraintes architecturales et urbanistiques importantes) tout en favorisant, dans le même temps, le développement en périphérie ?

À Metz, nous avons ouvert une opération à Muse, nouveau quartier de 400 000 m² : nous avons réalisé 80 000 mètres carrés en une seule phase pour un investissement de 330 millions d'euros. Notre action ramène alors de la population et de l'emploi et est une véritable opération de développement durable, créant de l'emploi là où les personnes habitent. Cette opération comprend 70 % d'enseignes nouvelles. L'ouverture a été réalisée en novembre. Le centre-ville historique de Metz se retrouve renforcé depuis notre ouverture puisque nous avons cherché des clients au-delà de la zone habituelle de chalandise, par ces nouveaux entrants, et avons amené des moyennes surfaces structurantes de 1 500 ou 2 000 mètres carrés qui manquent souvent en centre-ville, faute de trouver l'immobilier nécessaire en centre-ville. Ces surfaces renforcent l'attractivité du centre-ville. Il convient ensuite d'être un acteur investisseur responsable, avec une vraie volonté de réaliser un travail de complémentarité. Nous mettons en place des outils de concertation, avec les élus, les chambres de commerce et les associations des commerçants, pour gérer le bon dosage de commercialisation qui nous permet d'apporter une valeur ajoutée au centre-ville, dans une démarche de complémentarité.

Enfin, le troisième exemple concerne un dossier qui vient de nous être attribué à Bordeaux. Lorsque vous sortez de la gare de Saint-Jean, vous ne voyez pas la réhabilitation qualitative réalisée dans le centre-ville de Bordeaux. Ce quartier a effectivement été délaissé. Nous avons formulé une proposition pour requalifier un projet mixte de 80 000 mètres carrés en face de la gare et en bordure de la Garonne. En parallèle, nous changerons l'image du quartier au travers de ce projet. Cette démarche a été accompagnée d'un partenariat très original entre la société d'économie mixte en charge de la requalification du quartier situé entre la gare et la place de la Victoire et notre société. Nous développerons des projets complémentaires où nous nous occuperons du rez-de-chaussée commercial, pour le dynamiser, tandis que la SEM s'occupera du développement des étages. Nous investissons plus de 300 millions d'euros dans le projet principal et accompagnons ce projet par un investissement complémentaire qui diffusera une dynamique commerciale et propagera cette requalification pour l'ensemble du quartier.

Enfin, je souhaite évoquer un sujet qui constitue une épée de Damoclès, à savoir le e-commerce. Ce dernier est ouvert 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, sans CDAC, sans saisine de la CNAC, sans contraintes réglementaires, voire avec des avantages fiscaux absolument scandaleux dans un environnement concurrentiel normal. Au-delà de la demande légitime que l'environnement fiscal soit a minima équilibré, je pense qu'il faut prendre en compte le fait que le consommateur peut aujourd'hui choisir de faire ses courses en restant chez lui. Il peut bénéficier tant d'une livraison très rapide, que de la possibilité de renvoyer son produit s'il n'en est pas satisfait. . Telle est la principale menace. Tous les acteurs doivent se saisir de ce danger qui nous guette et pourrait aboutir à l'aggravation de la désertification.

Comment saisir cette opportunité de digitalisation de la société par rapport au commerce ? Nous nous orientons vers un commerce phygital, avec un commerce physique et une plateforme digitale pour rendre le service au consommateur. Il existe peut-être une opportunité de réinvestir les centres-villes avec des acteurs de grande réputation. Toutes les enseignes étudient actuellement des modèles économiques basés sur des surfaces beaucoup plus réduites, avec simplement des vendeurs et une tablette. Les produits seraient livrés dans le cadre du click and collect Ces acteurs pourraient s'implanter dans des locaux de taille réduite, ce qui permettrait de redynamiser les centres-villes et les centres-bourgs.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Vous avez surtout évoqué des problématiques de grandes villes avec Bordeaux, Metz et Caen. La problématique diffère dans les villes moyennes.

Jean-Marie Tritant, Directeur général des opérations, UNIBAIL-RODAMCO. - Je ne reviendrai que sur deux ou trois thèmes puisque les points soulevés par mes confrères sont pertinents.

Vous avez distingué la métropole et les villes moyennes. L'évasion commerciale ne s'entend pas du centre-ville de la ville moyenne à sa périphérie de la ville moyenne, mais aussi du centre-ville de la ville moyenne vers la métropole. Pour cette raison, le moratoire sur les périphéries ne constitue pas forcément la bonne solution puisqu'elle aurait deux conséquences : l'accélération de l'évasion commerciale vers les métropoles et l'accélération de l'évasion vers le e-commerce.

Le groupe Unibail-Rodamco est présent dans 12 pays d'Europe continentale. En Allemagne, la législation ne protège pas les centres-villes des villes moyennes de l'évasion commerciale vers la métropole. Nous avons des centres commerciaux en centre-ville de villes moyennes dans l'ouest de l'Allemagne. Certaines villes, au coeur de la Ruhr, enregistrent des taux de chômage de 14 à 16 %. Le commerce de centre-ville est également en train d'y mourir au bénéfice des métropoles. La problématique des centres-villes des villes moyennes et des bourgs n'est pas uniquement liée à l'urbanisme commercial. Le travail sur la centralité est important : il faut d'autres raisons, que commerciales, de venir dans les centres-villes. La revitalisation des centres-villes passe aussi par les services publics, l'offre culturelle et la création de plusieurs centralités qui créent des synergies.

L'autre élément important qui explique la désertification des centres-villes consiste en une inadéquation de l'offre immobilière avec les besoins des commerçants. Je suis originaire d'une petite ville de la Marne et vois le centre-ville souffrir de vacances. Y sont implantés particulièrement des petits commerces, avec des surfaces de 50 à 80 mètres carrés. Or, les enseignes nationales et internationales qui se développent requièrent des surfaces bien plus importantes. Comment offrir de telles surfaces de 150 ou 300 mètres carrés à ces enseignes en centre-ville ? Comment procéder dans un système de multipropriétés avec des investisseurs particuliers, des familles... ? Je rejoins d'ailleurs la proposition formulée par le CNCC quant à la création d'outils d'investissements permettant de réunifier une partie de la propriété et d'avoir une vision globale permettant la réadaptation de l'immobilier, élément clé des centres-villes.

Des outils permettaient à l'État de soutenir les villes, dans le cadre du FISAC, et de racheter des fonds de commerce pour éviter notamment le départ d'un certain nombre de commerces de bouche. Ces commerces constituent en effet une raison de venir en centre-ville, grâce à la qualité de leurs produits. Maintenir la qualité de l'offre du commerce de bouche à l'intérieur des centres-villes constitue un élément déterminant. Il faut, pour cela, régler la problématique de la transmission des fonds de commerce. Des solutions existent, mais n'ont pas été suffisamment abondées en matière de financement.

Les maisons médicales sont généralement installées en périphérie alors que leur installation en centre-ville aurait plus de sens. Les solutions passent par les pluricentralités. Le problème de fond concerne l'inadéquation de l'offre immobilière de centre-ville. Créer des outils d'investissement, à travers le SEM, les collectivités locales et le manager de centre-ville, donnerait une vision globale de l'offre commerciale, avec un parcours de commerce.

Jacques Ehrmann, Président-directeur Général, CARMILA (filiale de Carrefour). - Je partage les propos des collègues, moins une partie de votre introduction où vous désignez l'urbanisme commercial comme seul responsable des maux du centre-ville.

Rémy Pointereau, rapporteur. - J'ai dit exactement le contraire.

Jacques Ehrmann, Président-directeur Général, CARMILA (filiale de Carrefour). - Je ne reviendrai sur les problèmes évoqués concernant le centre-ville (piétonisation, paupérisation, dépopulation, parkings payants...). Carrefour connaît bien les territoires puisque nous sommes implantés partout, y compris en centre-ville avec des commerces de proximité. Nous adorons les centres-villes et affichons de grandes ambitions sur le développement des commerces de proximité en centre-ville et en centre-bourg. Carrefour peut donc revitaliser le commerce de centre-ville en tant qu'épicerie et magasin de proximité.

Carmila dispose d'outils, notamment avec une politique de marketing digital local qui serait pertinente pour les commerçants du centre-ville. Accéder à des bases de données et à des outils simples pour communiquer auprès des clients de la zone de chalandise sur une promotion, une nouvelle collection ou un événement présente un intérêt. Il est ainsi possible d'envoyer des emails ou des SMS, de communiquer sur Facebook ou sur Google. Ce point est au coeur de la stratégie de Carmila et peut participer directement à la revitalisation des centres-villes, si ces outils sont mis au services des commerçants du centre-ville.

Il nous semble intéressant d'exonérer les centres-villes d'autorisations d'exploitation commerciale, pas de procéder à des moratoires, même locaux puisque les centres commerciaux des villes moyennes ont besoin d'être rénovés. S'il semble inutile d'ajouter des centres commerciaux nouveaux sur les terres agricoles, dans les villes moyennes, il convient toutefois de laisser les centres commerciaux actuels se rénover, s'agrandir et se moderniser pour inclure la dimension de marketing digitale que j'évoquais. Il s'avère nécessaire d'autoriser les extensions et les rénovations des centres commerciaux des villes moyennes, de génération ancienne, au risque sinon qu'ils deviennent des friches commerciales, comme en Espagne. Je suis opposé aux équipements nouveaux dans les villes moyennes, puisque le marché ne peut les absorber, mais je suis favorable à la rénovation des équipements anciens.

Nos foncières ont des moyens. Il conviendrait donc de les attirer vers les centres-villes, avec des incitations fiscales ou l'article 210 E du CGI, dispositif fiscal permettant une réduction de la plus-value payée par le vendeur d'un foncier quand la vente se faisait au profit d'une SIC. Réinstaurer ce dispositif permettrait de faciliter la vente par de petits propriétaires à des foncières disposant de moyens plus importants pour revitaliser les centres-villes.

Enfin, vous ne vous rendez sans doute pas compte que le législateur a participé au tsunami du e-commerce à plusieurs égards. Le premier sujet est fiscal. Les commerces physiques sont soumis à 85 taxes différentes alors que les commerces en ligne ne sont imposés que sur leurs profits, voire ne le sont pas du tout si la société est installée au Luxembourg ou en Irlande. Ce point consiste en une concurrence déloyale qui détruit le bien public. Il convient de changer la fiscalité française sur le commerce, basée sur le foncier, en instaurant une fiscalité basée sur le chiffre d'affaires ou la valeur ajoutée. Le second sujet est social. Pour réaliser le même chiffre d'affaires, un e-commerçant emploie quatre à cinq fois moins de personnes qu'un commerçant physique, ce qui revient également à détruire le bien public en expulsant du marché les commerçants physiques pour des activités qui génèrent moins d'emplois. Le troisième point concerne l'environnement et la multiplication des livraisons. Ce comportement est irresponsable : on ne déplace pas une camionnette pour apporter un article à 7,50 euros à une personne, sous prétexte que le consommateur a acquitté une taxe forfaitaire. Il en est de même pour les emballages.

Ma proposition est de faire payer aux disrupteurs l'effort de reconversion, de formation et d'apprentissage nécessaires pour requalifier les anciens salariés du commerce vers un autre métier. Sur l'environnement, il convient de combattre très vigoureusement les livraisons abusives et les suremballages. On ne peut pas imposer aux commerçants physiques des normes en matière de parking tout en encourageant les disrupteurs qui consomment du gazole, du CO 2 et des emballages totalement inutiles.

Enfin, le dernier point concerne la finance. Les investisseurs se ruent sur les nouvelles formes d'e-commerce. Avec Sarrenza, les investisseurs ont perdu les 8/10 ème de leur mise. S'ils sont prêts à perdre de telles sommes, il convient de les taxer pour alimenter un fonds de réserve pour lutter contre le dumping concurrentiel du e-commerce à l'encontre du commerce. Une petite taxe sur les investissements dans le e-commerce alimenterait alors la reconversion du commerce.

Si vous ne modifiez pas ces différents éléments, vous encouragez et subventionnez l'e-commerce. La disruption sera alors plus rapide. La Grande Récré s'est mise en redressement judiciaire ce matin, ils sont la victime directe des e-commerçants. Il faut absolument agir pour éviter la destruction de commerces, y compris en centre-ville.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Nous partageons un certain nombre de propos sur l'e-commerce, notamment sur la fiscalité. Des discussions sont en cours à ce sujet au niveau européen. Il est étonnant de constater que les petits commerçants de centre-ville tiennent le même discours vis-à-vis de vous, demandant des taxes supplémentaires pour les commerces de périphérie, que vous vis-à-vis du e-commerce.

Que proposez-vous pour le centre-ville ?

Martial Bourquin, rapporteur. - J'ai noté toutes vos propositions. Certaines sont très intéressantes, notamment sur le foncier. Les grandes foncières ne viennent toutefois pas en ville moyenne. Dans ma ville qui compte 15 000 habitants, nous travaillons sur les multipropriétés et envisageons un droit de préemption renforcé avec un office public foncier. Nous ne pouvons toutefois tout acheter. Nous avons besoin de changer les flux commerciaux. La périphérie doit être effectivement rénovée. J'ai vu que Carrefour s'apprêtait à mettre en place le digital physique dans plusieurs endroits.

Comment régler le problème ? Les grandes surfaces ont augmenté deux à trois fois plus vite que la consommation. Si une ville comme Bordeaux a équilibré les flux, tel n'est pas le cas de Strasbourg qui a pratiquement des champs de centres commerciaux qu'il faut raser et réhabiliter. Nous regardons les questions de fiscalité, d'urbanisme, de patrimoine, de surface et de foncier, en étudiant le pouvoir pour les maires et les présidents d'agglomération. Quelle est la stratégie de reconquête ? Nous avons besoin de vous puisque l'argent public ne pourra pas tout faire.

En 2015, 2 millions de mètres carrés ont été libérés. La moitié des commerces d'une ville du centre était vide, car le maire était vertueux, tandis qu'une ville à 20 kilomètres ouvrait de nombreux commerces en périphérie. Nous devons intervenir pour que le système devienne bien plus vertueux. Vous avez besoin d'investir et nous devons vous dire où vous pouvez investir pour réaliser de belles opérations d'urbanisme alliant l'habitat et le commerce.

Alain Châtillon . - Carrefour apportera un service important en centre-ville, sur des surfaces de 600 m², tout en accompagnant les petits commerces avec des outils de digitalisation. Ceci pourra développer le commerce en centre-ville. La difficulté que nous rencontrons dans les bourgs-centres concerne aussi la décrépitude des bâtiments situés au-dessus des commerces. Il y a 50 ans, 90 % des commerçants habitaient le logement situé au-dessus de leur commerce, contre 3 % actuellement.

Gontran Thüring, délégué général, Conseil national des centres commerciaux (CNCC). - Je dirai que la stratégie doit être vertueuse et incitative. Certaines communes taxent aujourd'hui les propriétaires de locaux commerciaux vacants. Je vous invite à réfléchir plutôt à des solutions incitatives que punitives.

Philippe Journo, Président-Directeur général, Compagnie de Phalsbourg. - Cette discussion m'en rappelle d'autres sur la banlieue. Il y a dix ans, nous avons investi 100 millions d'euros à Sarcelles, sur fonds privés, en créant 750 emplois. La sous-préfecture se trouvait à quelques mètres de notre centre commercial et le sous-préfet n'est pas venu à l'inauguration. Cet exemple constitue une blessure et je ne m'investis plus dans la banlieue.

Nous avons tous investi dans les centres-villes et dans les périphéries. Désigner la périphérie comme coupable risque de faire oublier que le véritable ennemi est le commerce en ligne. Florange représentait 400 personnes, PSA 2 500 personnes et Plan de campagne en emploie 6 000 : cette zone est une poudrière. Si cette zone ne se revitalise pas dans les dix prochaines années, elle va s'effondrer.

Vous êtes les leaders du pays et nous sommes des acteurs économiques. Nous suivons les routes et les autoroutes que vous tracez. Si vous voulez nous encourager à investir dans les centres-bourgs, vous devez avoir le courage politique de nous donner une vision pour la ville. Si vous sanctuarisez un espace, il convient de donner au partenaire que vous désignez tous les moyens d'investir. Il faut avoir des visions positives : notre pays ne s'en sortira que par l'investissement. Les acteurs économiques doivent se mettre au service de la vision politique définie par les hommes politiques et ces derniers doivent avoir des visions et le courage politique d'assumer les décisions prises.

Martial Bourquin, rapporteur. - C'est effectivement bien une question de courage. Le point n'est pas simple, mais nous sommes bien décidés à opérer des changements. Les GAFA constituent une question essentielle. L'Europe réfléchit actuellement au sujet.

L'attraction des grandes villes et métropoles est impressionnante, tandis que les autres villes subissent une désertification. Il est nécessaire de proposer une vision aux coeurs de villes et centre-bourgs, pour que ceux qui choisissent d'y rester puissent consommer normalement et avoir des coeurs de ville avec du logement, de la culture, des services à l'enfance...

Nous sommes totalement d'accord avec vos propos sur la fiscalité. Sans incitation fiscale, nous n'observerons pas de retour aux centres-bourgs. Les mini-foncières regroupant les professions libérales constituent un autre sujet. Vous avez raison sur le fait qu'il convient de dessiner un centre-ville définitif qui soit dans le PLU. Le SCOT doit recenser les PLU.

Alain Chatillon. - Il faut que les ABF soient d'accord, le cas échéant.

Martial Bourquin, rapporteur. - Dans les villes plutôt historiques, les normes doivent être moins exigeantes. Certains opérateurs ont délaissé de grandes surfaces en centre-ville, car les mises aux normes étaient trop coûteuses.

L'exonération sur trois ans ne semble pas suffisante : il faut prévoir cinq ans puisque la troisième année est la plus difficile.

Nous avons besoin du soutien des foncières, dans les grandes métropoles, mais aussi dans les petites et moyennes villes.

Jean-Marie Tritant, Directeur général des opérations, UNIBAIL-RODAMCO. - La proposition de l'article 210 E du CGI qui permet d'exonérer ou réduire la taxation des plus-values pour le vendeur dans le cadre du régime SIC constitue une très bonne proposition puisque ce point gel la capacité de transfert de la propriété pour des raisons fiscales. Dans certaines villes, nous avons été confrontés à la problématique de la fiscalité du vendeur. Ce dernier préfère conserver son bien en location, et privilégie alors les banques et les agences immobilières pour assurer la sécurité de son rendement, sachant que cette location représente une partie de sa retraite.

Maurice Bansay, Président et fondateur de la société Financière Apsys. - Nous sommes des professionnels de l'investissement immobilier et sommes prêts à relever le challenge avec un accompagnement approprié. Nous ne sommes pas hostiles aux investissements dans des villes moyennes, à condition qu'il existe une complicité opérationnelle entre l'élu responsable, qui doit prendre des engagements, et l'investisseur. Nous serons des partenaires loyaux, efficaces et professionnels, à vos côtés.

Jacques Ehrmann, Président-directeur Général, CARMILA (filiale de Carrefour). - Je vous remercie pour ces échanges et j'espère que nous vous aurons convaincus que la solution passe par des incitations et non par un affaiblissement des commerces en périphérie ou les opérateurs des centres-commerciaux. Je formule le souhait que votre travail aboutisse à des propositions incitatives, plus qu'à des éléments de blocage ou des mesures punitives envers la périphérie.

J'espère que vous ne pensez pas que le commerce de périphérie se porte à merveille puisque tel n'est pas le cas. La consommation a été stable pendant sept ans. Les commerçants ont plus de charges.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Les études d'impact économiques et financières pour l'installation de ces zones d'activités ne sont plus réalisées.

Jacques Ehrmann, Président-directeur Général, CARMILA (filiale de Carrefour). - Savez-vous qu'un local vide met quatre à six mois pour ouvrir ses portes quand le locataire a été trouvé, pour passer toutes les commissions, contre un mois en Espagne ? Les commerces perdent donc cinq mois. Ce point constitue une aberration.

Martial Bourquin, rapporteur. - Je suis d'accord avec vous sur cette lenteur administrative.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Ce point constitue un de nos sujets de préoccupation.

TABLE RONDE DES ACTEURS DU COMMERCE EN LIGNE
(14 MARS 2018)

Le mercredi 14 mars 2018, le groupe de travail, à l'occasion de la table ronde « des acteurs du commerce en ligne », a entendu : François Monboisse, Président de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) ; Guillaume Buffet, administrateur et ancien Président de Renaissance Numérique ; Jennyfer Chrétien, Déléguée générale de Renaissance Numérique, Diane Pelletrat De Borde, Fondatrice et Présidente de Dibenn Consulting et Professeur de e-marketing à l'ESSEC ; Claire Sorel, consultante junior chez Visionary Marketing ; Jean-Baptiste Vallet, consultant en stratégie digitale et professeur à Darmouth et HEC.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Nous sommes heureux de vous accueillir pour notre huitième table-ronde consacrée aux acteurs du e-commerce. Après avoir entendu les acteurs du petit commerce, ceux des enseignes de centre-ville et de proximité, les experts, les élus locaux, les grandes enseignes, et les centres commerciaux, il nous semble important d'entendre désormais les acteurs du e-commerce, particulièrement attendus.

Le e-commerce suscite en effet désormais autant d'espoirs que de craintes. Beaucoup d'acteurs que nous avons déjà entendus pointent en partie votre responsabilité dans la dévitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, et plus généralement dans la disparition du commerce physique.

Il est vrai que les évolutions récentes des modes de consommation, que permet le perfectionnement des nouvelles technologies, nourrissent tous les fantasmes. Des géants comme Amazon et Alibaba sont en train de bouleverser nos habitudes et obligent les élus que nous sommes, les pouvoirs publics à réagir, en particulier quand ces acteurs bénéficient de conditions de concurrence qui peuvent paraitre très inégales au regard des commerçants traditionnels.

C'est dans cette perspective que nous attendons beaucoup, nos collègues et nous-mêmes, de cette table-ronde, pour essayer de mieux appréhender l'impact du e-commerce sur le commerce physique traditionnel, notamment dans nos centres-villes et centres-bourgs. À cet égard, nous voudrions en particulier connaitre vos positions sur deux sujets : les velléités de géants d'internet - je pense notamment à Amazon - de pénétrer des marchés jusqu'alors abrités comme l'alimentaire ; et l'insertion des acteurs du e-commerce dans le monde physique avec des entrepôts ou des points de vente grand public.

Nous avons le plaisir d'accueillir M. François Monboisse, Président de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), M. Guillaume Buffet, administrateur et ancien Président de Renaissance Numérique, Mme Diane Pelletrat de Borde, fondatrice et Présidente de Dibenn Consulting et professeure de e-marketing à l'Ecole supérieure des sciences économiques et commerciale, l'ESSEC, M. Jean-Baptiste Vallet, consultant en stratégie digitale et professeur à Darmouth et HEC, et Mme Claire Sorel, consultante junior à Visionary Marketing. Nous vous remercions vivement de votre présence aujourd'hui.

Notre groupe de travail, constitué depuis quelques mois, est composé de 18 sénateurs représentatifs de tous les groupes politiques du Sénat, des six commissions permanentes concernées - lois, finances, culture, développement durable, affaires économiques, affaires sociales - et de deux délégations sénatoriales : la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et la délégation aux entreprises.

Nous avons publié un rapport, en juillet dernier, dans lequel nous dressions un état des lieux et posions un diagnostic. Nous parlerons donc aujourd'hui de l'avenir, et des solutions audacieuses à imaginer.

Le Sénat, représentant des territoires, refuse de considérer la dévitalisation des centres-villes comme une fatalité : quelque 600 villes sont touchées, ce n'est pas neutre. Nous nous devons d'apporter des propositions. Veut-on préserver notre modèle de villes à l'européenne, avec un centre, lieu de vie sociale ou est-on disposés à vivre dans des villes dortoirs, où tout nous arrivera par internet ? Vous vous doutez de notre réponse. Comment aider les centres-villes à retrouver un dynamisme ? Le e-commerce est-il une menace pour le commerce traditionnel ou au contraire peut-il contribuer à revitaliser les centres-villes ? Telles sont les interrogations que nous vous livrons.

Avec Martial Bourquin, qui représente la délégation aux entreprises, nous sommes d'accord sur le constat et la nécessité de trouver des remèdes. Nous travaillons à une proposition de loi pour avril, afin d'inverser cette spirale infernale.

Martial Bourquin , rapporteur . - Je complèterai par quelques questions, pour engager le débat.

Comment intégrer le commerce de centre-ville dans la dynamique du commerce en ligne ? Les propositions que nous présenterons au printemps visent à redynamiser l'espace urbain, en s'appuyant sur de véritables managers de centre-ville. Comment peut se situer le e-commerce dans cet ensemble de mesures, sachant que dans les deux ans qui viennent, le très haut débit sera réalité dans les coeurs de ville. Quel mix peut-on imaginer entre e-commerce et commerce physique ?

Comment aider les commerçants à réaliser cette transition numérique ? Quels types de formations spécifiques pour les commerçants seriez-vous en mesure d'imaginer ?

La question du coût n'est pas anodine. Il faut investir, pour des résultats qui ne sont pas immédiats. Comment y remédier ? Nous savons faire la différence entre les grands de l'internet, ceux que l'on appelle les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) et le e-commerce en général. Nous pensons que le commerce en ligne est aussi l'avenir. Quels outils de marketing en ligne sont accessibles aux commerçants de proximité ? Comment mettre ces outils à leur disposition ?

Se pose, également, la question des entrepôts. Comment la concilier avec des coeurs de ville aux tissus commerciaux dynamiques ? Existe-t-il des possibilités de reconversion des friches périphériques ?

L'Europe réfléchit à la fiscalité des GAFA. Il est question de retenir le taux de 2 % du chiffre d'affaires. Pourrait-on imaginer, dans les centres-villes, une autre fiscalité qui, sans gêner le commerce en ligne, permettrait aux coeurs de ville de garder leur dynamisme ?

Peut-on imaginer, enfin, que des start-up puissent accompagner les futurs managers de centre-ville dont nous projetons la création ?

Rémy Pointereau , rapporteur . - Tout délicat que soit le sujet, nous pensons que l'on peut trouver des solutions.

François Monboisse, Président de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD). - Je vous remercie de votre invitation. Il s'agit en effet d'un vaste sujet, sur lequel les assemblées et l'administration se penchent depuis quelques années. Je pense au rapport de l'Inspection générale des finances d'octobre 2016 sur la revitalisation des centres-villes, suivi par la mise en place, par la secrétaire d'État au commerce d'alors, Mme Pinville, de la 3C, avec une section thématique dédiée à la revitalisation des centres-villes, mais aussi au travail réalisé par la DGE sur le même sujet.

Cependant, les interrogations que vous soulevez aujourd'hui auraient pu être les mêmes il y a cinquante ans, alors que la prolifération des grandes surfaces pouvait être regardée comme responsable d'une dévitalisation des centres-villes : pour la première fois, le consommateur avait accès à de nombreux produits, bon marché, en libre-service. C'est un point commun avec le e-commerce, qui change les habitudes de consommation des gens. Lorsque dans nos enquêtes, nous demandons les raisons de son choix, les deux motifs qui viennent en tête sont : le coût et la praticité. On peut comparer les prix, commander quand on veut et être livré sans avoir à se déplacer. Et cela vaut plus encore dans une grande ville comme Paris, où l'on incite à ne pas utiliser la voiture et où n'existent pas d'hypermarchés : la e-consommation y est une solution naturelle, au point que nous travaillons avec la commission de l'urbanisme sur les moyens de mieux intégrer les livraisons.

Le e-commerce représente un chiffre d'affaires de 80 milliards d'euros, pour 35 millions d'acheteurs qui réalisent, en moyenne, 30 commandes par an. C'est dire la banalisation de l'acte d'achat sur internet. Avec l'ouverture de nombreux marchés sur internet, dont celui de l'alimentaire, et le développement de formules d'abonnement, il s'est inscrit dans les habitudes de consommation.

Vous vous interrogez sur le lien entre le e-commerce et la dévitalisation des centres-villes. Le rapport de l'Inspection générale des finances que j'ai mentionné voit dans la perte de population, qui peut venir de la fermeture d'une caserne, d'une administration, d'une entreprise, la raison première. Mais l'embellissement des quartiers centraux est aussi en cause. Lorsqu'ils sont rendus piétons, la structure de la consommation s'en trouve modifiée. D'où l'inquiétude des grandes enseignes comme la FNAC ou Darty face à la piétonisation du centre de Paris, qui transformera le processus d'achat.

Le e-commerce arrive comme une vague de fond sur toutes les villes. Comment intégrer les commerces de centre-ville dans cette dynamique, me demandez-vous ? Il faut distinguer les commerces alimentaires des autres. Au sein des commerces alimentaires, les marchés se portent bien, les gens aiment s'y rendre pour faire leurs courses : pourquoi ne pas s'en servir comme d'un vecteur de revitalisation ? En revanche, les magasins qui vendent du multimarque, dans l'habillement, par exemple, n'ont pas l'avenir facile : ils n'ont pas la même puissance de marketing que des magasins comme Zara, ou que les sites de e-commerce.

Il existe de nombreux outils pour s'insérer dans le e-commerce. Sans doute est-il préférable de s'engager groupés dans l'aventure, ce qui permet une mutualisation des livraisons, qui restent la difficulté majeure. Cela dit, un magasin peut avoir un site ou une page Facebook, solution totalement gratuite et aussi facile d'utilisation qu'une page personnelle. Cela permet d'aller chercher les gens sur internet pour les amener dans votre magasin. Bref, il faut, à mon sens, s'assurer que les quartiers restent vivants, en s'appuyant sur les marchés, et se servir de ce qui existe pour s'engager dans le e-commerce.

Jean-Baptiste Vallet, consultant en stratégie digitale et professeur à Darmouth et HEC. - Mon propos sera orienté par un prisme américain mais aussi régional, car je collabore à une structure qui forme à la digitalisation dans la région nîmoise.

La digitalisation suppose de dresser une typologie pour définir des stratégies idoines. On ne peut cibler de la même manière Paris ou une grande ville de province, d'un côté, et une petite ville ou un bourg, de l'autre. Dans certaines villes, souvent les plus grandes, le public visé est jeune, quand dans d'autres, souvent de petites villes, il est plus âgé. Il faut distinguer, également, entre les types de commerces présents en centre-ville.

Ce qui se joue dans le monde contemporain, avec la 4G qui doit se généraliser à l'horizon 2025, et bientôt la 5G, c'est la question de l' « ultraconnexion » et de la mobilité. Attention à ne pas avoir un train de retard. Aux États-Unis, on voit déjà les gens s'orienter vers ce type de consommation : le commerce passe par tous types de supports, y compris ce que l'on appelle les « wearables », comme les montres connectées, et l'on peut commander jusque dans sa voiture, en passant par des outils interconnectés qui vous disent automatiquement de quoi vous avez besoin. Dans les deux ans à venir, faudra-t-il encore développer le commerce dans les grands centres-villes ? Telle est la question qui se pose. Il n'en va pas de même pour les petites villes, les bourgs, où le commerce a un usage social. Les gens iront toujours à la boulangerie, à la supérette de quartier, où ils nouent des liens humains.

Aux États-Unis, Toyota est en train de déployer des voitures autonomes, chargées d'apporter les produits à ceux qui les commandent. Uber se fait distributeur de produits pharmaceutiques, par le moyen de flottes de voitures autonomes, dont ils ont acquis 24 000 pour la seule ville de San Francisco. Alors que la technologie transforme les choses en profondeur, il faut éviter toute vision d'arrière-garde.

Nous avons été mandatés par la chambre de commerce de Nîmes pour former les commerçants locaux à la digitalisation. Je puis vous dire qu'il y a un énorme travail de formation à entreprendre, au plan local, car les intéressés sont très peu au fait du digital. Sans compter que faire appel à un expert qui vient de Paris coûte cher : il manque un dispositif local d'accompagnement.

Et quand bien même on s'emploie à les accompagner, la structure de la concurrence entre commerces de même nature reste la même, voire s'aggrave, car la digitalisation aura renforcé le plus fort. On risque ainsi de casser les équilibres locaux.

Martial Bourquin , rapporteur . - Cela signifie-t-il qu'il n'y a pas de solution ?

Jean-Baptiste Vallet consultant en stratégie digitale et professeur à Darmouth et HEC . - J'ai créé la Digital Business School . Cette structure opère à Aix-Marseille et à Nîmes pour former au numérique - mais pas gratuitement. Nous travaillons avec les CCI et avec Pôle Emploi.

Claire Sorel, consultante junior chez Visionary Marketing . - Des formations individualisées peuvent être financées par le mécénat de grandes entreprises, car elles disposent des moyens en termes de compétences et d'outils Dans certaines villes, des applications fédèrent les offres et regroupent les horaires d'ouverture des magasins. Évidemment, chaque petit commerçant ne peut créer son application : il faut mutualiser. En ouvrant les centres villes au click and collect , on les redynamise.

Martial Bourquin , rapporteur . - Si chacun se met à commander des produits en temps réel, l'afflux des livraisons ne rendra-t-il pas les centres villes invivables ? Le maire ou le conseil municipal pourra toujours restreindre les horaires de livraison...

François Monboisse, Président de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) . -Les gens ont déjà pris l'habitude de se faire livrer. L'accroissement du volume, cela dit, ne signifie pas davantage de camions : les grands livreurs optimisent. Et la Poste peut être mise à contribution au sujet de l'optimisation de ces livraisons.

Guillaume Buffet, administrateur et ancien président de Renaissance Numérique . - Renaissance Numérique est née dans cette salle il y a douze ans. J'étais administrateur de Club Sénat, dont le rôle était de créer un lien entre les parlementaires et les acteurs du numérique. Nous avons souhaité dépasser le cadre du Sénat et évangéliser plus largement. Avant l'élection présidentielle de 2007, nous avons publié un livre blanc qui comportait dix-huit propositions. En particulier, nous fixions comme objectif de connecter 80 % des Français à Internet en 2010. Puis, nous nous sommes transformés en think tank réunissant universitaires et acteurs du numérique - allant des start-up du numériques aux représentants des GAFA, que nous n'hésitons pas à mettre face à leurs responsabilités.

Notre rôle est de réfléchir aux changements de société induits par le numérique, à l'évolution des relations entre les citoyens et leurs représentants, ou entre les acteurs économiques et les consommateurs. Nos derniers rapports évoquent l'agriculture, la santé ou la culture à l'heure du numérique. Nous avons la chance d'être neutres.

Notre vision est peut-être moins manichéenne. Pour nous, il n'est pas question d'un grand remplacement par un monde totalement virtuel. La réalité s'oriente plutôt vers le développement du e-commerce et du phygital : le mélange du physique et du numérique. Une douzaine de start-ups françaises, comme wits , epicery , globo ou too good to go , proposent des solutions opérationnelles, viables, aux petits commerces de centre-ville.

La France compte d'ailleurs plus de 40 000 start-ups et de nombreuses ont développé des solutions pour le petit commerce: nous avons un train d'avance ! Pour ma part, je ne souhaite pas voir nos centres-villes se transformer en musées ; je ne veux pas que la rue principale d'Orléans ressemble à la rue principale de Pékin ou de n'importe quelle autre ville du monde.

Par exemple, à Montpellier, la start-up Bam , considérant que tous les petits magasins ont besoin d'avoir la même puissance de marketing que les grands centres commerciaux, a créé un programme de fidélisation, le plus simple possible : pour y participer, chaque commerçant doit accepter d'offrir 10 % de bons d'achat valables chez tous les autres commerçants participants. Elle a déjà 6 000 clients, mais il lui faut élargir son marché pour survivre. Comment l'aider à sortir de l'aire de Montpellier ? Les petits commerçants ne la trouveront pas par eux-mêmes, il faut créer une plateforme de rencontre de ces petits commerçants. D'où l'idée d'un programme créant un tiers de confiance. Cela accroîtrait l'utilité des start-ups déjà existantes, et qui proposent toutes sortes de services, allant de la commande en ligne à la gestion du parking, ou à celle des excédents et des invendus. Mais une telle plateforme de rencontre ne saurait être numérique : il faut s'appuyer sur les acteurs déjà présents dans les centres-villes, et qui conseillent les petits commerçants, comme les agences bancaires et postales, ou les CCI. C'est ainsi que nous apporterons aux petits commerçants les avantages du e-commerce et des centres commerciaux, mais en centre-ville - tout en redynamisant les réseaux de conseil et d'accompagnement. Ces solutions existent aujourd'hui.

Je travaille avec des réseaux de start-ups , mais pousse aussi les grandes entreprises à s'impliquer dans la redynamisation des centres-villes- que vous avez entièrement raison d'exiger. Je suis persuadé que l'on peut trouver une solution avec l'aide de ces grandes entreprises. À l'État de créer les conditions du succès, et aux acteurs économiques d'agir ! Il y a quelques mois, le PDG d'Accor m'avouait que son problème essentiel avait été de normaliser tous ses hôtels, et que le succès d' Airbnb venait de la proximité et de la chaleur humaine. Cela plaide en faveur des centres-villes ! Je ne crois aucunement en leur normalisation.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Au Puy-en-Velay, une plateforme initiée par le groupe La Montagne met en réseau les commerçants de la ville et des bourgs avoisinants. Cela permet aux petits commerces de pratiquer la vente en ligne, même si celle-ci ne représente encore que 14 % des volumes. Ce chiffre va augmenter, cela dit, et il semble qu'aux États-Unis les commerces de périphérie soient désormais en friche. Voulons-nous voir la même évolution ?

Guillaume Buffet, administrateur et ancien Président de Renaissance Numérique . - Wits ou Epicery permettent déjà aux consommateurs de commander, sur leur téléphone mobile, chez leurs commerçants de quartier. Grâce à ces start-up , le consommateur dispose des avantages du e-commerce tout en gardant le contact humain.

Michel Forissier . - Je suis heureux de ce que j'ai entendu. Sur ce sujet, les intervenants prônent trop souvent un retour au passé. Avant d'être sénateur, je travaillais dans un secteur - le monde funéraire - qui semblait condamné car un géant mondial s'emparait de tout le marché. Nous avons regroupé 800 points de vente et inventé un concept, numérisé les commandes, nous sommes devenus importateurs : bref, nous avons organisé une filière. Avoir peur du numérique, c'est comme avoir peur de l'avion ou du TGV !

Élu de l'Est lyonnais, j'ai à connaître du projet par lequel Amazon achète un grand nombre d'hectares dans la plaine de Saint-Exupéry pour faire une plateforme de distribution à vocation européenne. Certains ont reproché aux élus de l'accepter, mais si ce n'est pas chez nous ce sera en Allemagne ou ailleurs... Ce qu'on voit aux États-Unis nous montre que ce n'est pas tant le commerce de centre-ville que la grande distribution qui va souffrir. Une solution qui paraît insurmontable pour certains commerçants est de faire de leur magasin, aussi, un lieu de livraison des produits vendus sur Internet : cela attire le client ! Il y a donc des passerelles envisageables.

L'ambiguïté est qu'on a en tête le modèle ancien du centre-ville. Si l'on y met de l'habitat et des commerces, et si la ville est un peu étendue, il faut des parkings de grande capacité en centre-ville. Cela réduit les lieux de vie, de rencontres, ou d'activités culturelles. Le marché, lui, se tient deux ou trois fois par semaine, mais quid le reste du temps ? Cela nous renvoie au problème de la mutation de l'utilisation de l'espace dans le temps. Il faut une mobilité des espaces. Et chaque ville est unique : il n'existe pas de modèle qu'on puisse dupliquer. Certains commerces doivent être groupés pour des raisons économiques.

Les commerçants du centre-ville doivent être présents sur les outils numériques existants. Pour les y aider, il leur faut une formation, à laquelle l'État peut contribuer, tout comme les chambres de commerce. Certes, il y a des immuables dans le commerce, mais il faut désormais y ajouter la modernité et l'efficacité. Parfois, il faut savoir jouer de la concurrence pour tenir le marché. Et le maire doit veiller à la complémentarité des commerces qui s'installent. Puis, le centre-ville ne se réduit pas au commerce ! Les solutions que vous présentez sont intéressantes.

Nelly Tocqueville . - Les propos de M. Buffet sont réconfortants. Vivre dans un monde où je parle à ma montre qui me rappelle de commander mon pain, cela ne m'intéresse pas. Mais vous nous expliquez que le numérique recrée, justement, du lien social. Dans l'étymologie du mot « commerce », il y a « cum », qui veut dire « avec ». Le commerce, c'est un échange, et le marché offre du lien social. Ce serait donc une erreur de tout axer sur le e-commerce. L'humain ne peut pas vivre sans contact avec ses semblables ! Pour autant, nous ne pouvons pas faire l'impasse sur le progrès. La question est d'imaginer comment le numérique peut proposer du lien social autrement. J'étais maire d'une commune de 800 habitants, qui n'a plus de commerces depuis cinq ans. Nous avons imaginé une nouvelle forme de commerce de centre-bourg où seront proposés des produits locaux, respectant une charte de qualité et de respect de l'environnement, ainsi que des services et de la livraison locale. L'enquête auprès des habitants a révélé que leur première demande était un espace café - cela révèle bien le besoin de lien, malgré Amazon et les autres sites. Il n'y a pas de solutions préfabriquées : chaque situation mérite une réflexion adaptée, notamment à la taille de la ville considérée.

L'enjeu est de s'adapter à un monde moderne qui nous pousse et nous bouscule tout en nous faisant des offres, que nous ne pouvons accepter qu'en veillant au maintien du lien social, sans lequel l'être humain n'a pas d'avenir.

Joël Labbé . - La notion d'humanité n'est pas la prérogative de ceux qui se trouvent vieux jeu ! Ces outils sont fantastiques, mais le vivant et l'humain doivent absolument être au coeur de nos réflexions. La grande distribution et les métastases urbaines sont autant d'erreurs déjà commises à peu près partout dans le monde. L'avenir sera de réhabiliter les espaces concernés pour les rendre à l'agriculture, si nous voulons survivre. L'intelligence artificielle me donne le vertige. Nos responsabilités sont immenses, et nous devons les exercer en connaissance de cause. Le besoin d'un espace-café, que vous évoquez, est très humain. Quant à l'Amérique, il y a longtemps qu'elle ne devrait plus être un modèle ! Cela dit, certaines initiatives prises en Amérique du Nord, en matière de numérique, sont à contre-courant.

Sonia de la Provôté . - Je suis partagée : il y a une lueur d'espoir, et la progression de ce mode de consommation est inéluctable. Quelle est la part du commerce en ligne aux États-Unis ? En Europe, dans les pays émergents, en Asie, est-elle équivalente ? L'appétence pour le e-commerce est-elle la même ? Nous connaissons la facilité des Américains à se saisir des nouveaux modes de consommation, à s'en emparer de façon presque brutale et excessive... L'Europe a toujours fait preuve de plus de tempérance. Aux États-Unis, la distance entre les centres urbains et l'habitat joue aussi un grand rôle quand, chez nous, la relation à la proximité fait partie de notre mode de vie. La nature et la diversité des produits jouent aussi : Internet permet d'accéder à un certain nombre de produits qu'on ne trouve pas dans le commerce traditionnel. Ainsi, de petits créateurs de bijoux se regroupent pour mettre en ligne leurs produits. Ceux qui fabriquent pourraient aussi s'unir au travers de commerces de proximité dans les centres-villes. Un lieu de mise en valeur de produits en contrepoids à la production de grande échelle. Voilà quinze ans qu'on parle de la logistique du dernier kilomètre sans que le problème ne soit aucunement réglé, il est nécessaire d'organiser cette logistique au sein des villes.

Martine Berthet . - J'ai trouvé vos propos très intéressant et très complémentaires. Entre l'hyper-connexion et ce que nous a dit M. Buffet, il y a une voie. Les smart cities nous poussent vers l'hyper-connexion, avec ces voitures qui, lorsque l'on passera devant une salle de spectacles, nous proposeront d'acheter une place pour le prochain spectacle. Pour autant, aller acheter sa boucherie, ou sa baguette de pain, ou un livre chez son commerçant, en centre-ville, reste indispensable au contact social. Cela dit, il est nécessaire que le commerçant s'adapte au monde numérique. En particulier, tous les commerçants doivent proposer le click and collect - ce qui implique qu'ils doivent recevoir des formations adaptées.

Anne Chain-Larché . - Cet échange me réjouit. Pour avoir rencontré bien des enseignes et bien des types de commerce, nous savions que la clé de voûte, c'est vous ! Lentement mais sûrement, le commerce évolue vers un autre monde. Rappelons-nous le choc qu'a été le Minitel, qui a suscité une appétence très rapide, et pas forcément chez les plus jeunes. Cet outil permettait de surmonter toutes les difficultés liées au déplacement, à l'isolement, notamment dans les territoires ruraux mais aussi dans les villes. De même, la France a été très en avance sur les paiements par cartes à puce. Tout le monde s'est très rapidement adapté. Nous disposons donc d'un terreau très fertile pour évoluer rapidement.

Un argument crucial sera la sécurisation, notamment des paiements. Pour les personnes âgées, dans les territoires ruraux, le e-commerce épargne bien des difficultés et des dangers. En effet, on voit réapparaître les marchés en territoire rural, et dans les villes ils perdurent. Pourquoi ? Ils sont des lieux de lien social, certes, mais surtout, nous revenons vers le manger local. Chacun souhaite savoir ce qu'il a dans son assiette et privilégier les circuits courts. Le e-commerce doit intégrer les commandes de produits locaux, les produits des fermes bios. C'est une façon de faire évoluer le commerce, notamment dans les territoires ruraux.

Diane Pelletrat de Borde, Fondatrice et Présidente de Dibenn Consulting et professeure de E-Marketing à l'ESSEC . - En venant ici, j'ai traversé un quartier magnifique, où je voyais des boutiques intemporelles : un magasin d'expertise de poupées, par exemple. En somme, il y a des choses immuables et quand on rentre dans une boutique de luxe, on n'a pas envie de parler à un robot. Tous les commerces ne seront pas touchés au même titre. Ceux pour lesquels les clients acceptent d'appuyer sur un bouton doivent tout de même être accessibles en ligne. Cela nous renvoie à la connectique. Les territoires sont-ils suffisamment couverts ?

Qu'est ce qui changera ? Pas les produits, ni le fait que l'homme soit un animal sociable. Le numérique accélèrera les processus et les échanges.

Un boulanger, un libraire ou un autre commerçant n'ont pas le même besoin de créer une application ad hoc . Justement, le numérique permet de recueillir les besoins : les applications intègrent notation, suggestions ou commentaires. Ce serait dommage de passer à côté ! C'est une école d'humilité : même si on a le meilleur cerveau du monde, c'est toujours le client qui a raison, et on peut lui demander en temps réel son avis.

Le numérique connecte le on et le off line par le click and collect - et le collect renvoie aux capacités physiques de déplacement. La dimension participative, ludique et locale, doit être mise en exergue. Arles, par exemple, ou Marseille proposent des parcours historiques, avec des QR codes installés un peu partout. Pourquoi ne pas faire la même chose avec un parcours shopping ? Il existe bien des routes des vins. De même, chaque ville a quelque chose à proposer.

Martial Bourquin , rapporteur . - Vos interventions tempèrent le pessimisme de l'intelligence par l'optimisme de la volonté. Pessimisme car nous sommes face à une révolution. Mais un centre-ville ne se réduit pas au commerce. Il y a aussi la culture, le logement, la convivialité... La force de la ville européenne est justement d'être très différente de la ville américaine car, en vertu d'un choix historique, elle maximise l'ensemble des relations sociales dans le coeur de ville. Ce choix est-il toujours valable ? La santé, la culture dureront. Les services qui sont proposés en centre-ville, aussi. Reste le commerce. Il durera aussi, mais en se transformant très rapidement. Il a été concurrencé par les périphéries de façon anormale. Désormais, les jeunes commandent tout en ligne. Vos propos inspirent l'idée qu'il existe des solutions. Pourquoi ne pas faire en sorte qu'il y ait un marketing de centre-ville numérique, doublé d'un marketing individualisé pour chaque commerce ?

Certains commerçants vont très vite : ils ont une page Facebook. Même, certains artistes vendent beaucoup plus par Internet et par les réseaux sociaux que dans leur boutique - qu'ils tiennent toutefois à garder, car ils y exposent et des produits, cela s'expose.

Que préconisez-vous pour notre proposition de loi ? Nous croyons au centre-ville, mais comment être aussi connectés que possible ? Plusieurs centres-villes en Europe ont eu les mêmes problèmes, et se sont intégralement connectés. Amsterdam a décidé de faire payer les parkings à la périphérie.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Vous ne représentez ni Amazon , ni Alibaba . Nous avons entendu des représentants des petits commerces de centres-villes, qui se sont plaints des commerces de périphérie, et du e-commerce . Nous avons aussi rencontré les grandes enseignes, alimentaires et autres, qui, pour leur part, s'inquiètent beaucoup du e-commerce , qui n'a pas les mêmes charges. En périphérie, les charges sont pourtant moindres qu'en centre-ville. Quant aux GAFA, ils sont très peu taxés par rapport à leur part de marché. Les torts sont partagés : les élus ont leur part de responsabilité, les consommateurs veulent consommer différemment et ne sont même plus disposés à faire 100 mètres pour aller acheter quoi que ce soit. Le e-commerce implique un accroissement du volume des livraisons, ce qui a des implications en termes de pollution. Il faut trouver une fiscalité équitable qui en tienne compte.

François Monboisse, Président de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) . - Le e-commerce est en croissance dans tous les pays du monde, notamment aux États-Unis et en Grande-Bretagne, où il est presque deux fois plus développé qu'en France et où le British Retail Council prévoit 900 000 fermetures de magasins dans les trois ou quatre ans qui viennent. Le nombre de boutiques fermées à New York est énorme, aussi - et New-York est la plus européenne des villes américaines. Le changement des habitudes fait que les clients commandent en ligne, et un magasin qui perd 4 % ou 5 % de son chiffre d'affaires passe du vert au rouge. Il est donc urgent de réagir face à cette tendance mondiale. Renaissance Numérique a raison, c'est localement qu'il faut chercher la solution. Ce qui aide aussi le e-commerce, c'est que l'essor des grandes surfaces a été accompagné par celui de la voiture - et la voiture n'a plus le vent en poupe. Aussi, les consommateurs ont développé une grande méfiance vis-à-vis des marques alimentaires, à la suite des crises de la vache folle, du lait contaminé, de la viande de cheval, et tout récemment des études sur le lien entre cancer et consommation de plats cuisinés... Désormais, les consommateurs se méfient et préfèrent discuter avec le marchand, consulter l'étiquette, et voir d'où vient le produit. Le rachat de Whole Food par Amazon s'explique par ce phénomène, et est de ce point de vue, très intelligent.

Sur le plan logistique, l'accroissement du nombre de clients ne pollue pas plus : le camion, qui fait déjà sa tournée, l'optimise. Quant à la sécurisation des paiements, elle ne pose pas trop de problèmes : dans la plupart des cas, le consommateur est remboursé. Cette fonction est souvent sous-traitée à des sociétés financières spécialisées.

Sur la fiscalité, il faut distinguer les GAFA et les autres. Tous les sites Internet payent des impôts, mais pas de taxe foncière car la fiscalité n'est pas adaptée. Les commerces ont eu l'idée de faire payer les impôts fonciers par les e-commerçants. Cela ne gênera pas Amazon , mais cela gênera tous les autres. Une meilleure idée serait de faire en sorte que, quand un consommateur d'une ville achète un produit, où qu'il l'achète, une partie de son achat contribue à la fiscalité de la ville.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Cela ne fiscalise pas l'entreprise...

François Monboisse, Président de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD). - Non, mais cela évite l'érosion fiscale pour les collectivités territoriales et les centres commerciaux. Ce type d'initiative doit être pris au niveau européen. Nous soutenons l'initiative du gouvernement français, cherchant à pousser l'Europe à taxer les GAFA, en ciblant leur chiffre d'affaires puisqu'elles rendent inopérant l'impôt sur les sociétés.

Jean-Baptiste Vallet, Consultant en stratégie digitale et professeur à Darmouth et HEC . - L'observation des États-Unis nous donne une idée de l'avenir : les périphéries vont se dépeupler, et les mètres carrés désinvestis seront mutualisés. Aéropostale a perdu 154 magasins l'an dernier, par exemple. Ces surfaces commerciales sont remplacées par des services. Les marques louent leurs services à de nouveaux acteurs ou bien elles essaient de proposer des services complémentaires à leurs clients.

Le cabinet Roland Berger estime entre 3 et 4 millions le nombre de personnes qui vont perdre leur métier du fait de l'intelligence artificielle. L'économie digitale comporte aussi un mécanisme de destruction/création. La réalité est désormais technologique, et le progrès technique est à la base de la croissance.

Carrefour, Leclerc, Auchan, sont nés après la guerre et se sont installés comme acteurs majeurs au niveau mondial. La valorisation boursière de Carrefour est désormais négligeable face à celles d' AliBaba ou d' Amazon . Si l'on ne pousse pas des acteurs français majeurs sur la distribution numérique, nous subirons un raz-de-marée en termes d'emplois.

Nous devons d'abord nous positionner sur l'expérience de vente : en prenant le meilleur de la vie sociale et le meilleur de la vie digitale, nous pouvons créer de nouvelles manières de fonctionner. Le social commerce représente près de 35 % du commerce en ligne en Chine. Les jeunes ne sont plus intéressés par les bars : ils veulent que les territoires créent des outils qui répondent à leurs besoins. Deuxièmement, nous devons développer la production locale. Il existe un besoin de retrouver des chaînes d'approvisionnement courtes, qui mettent le producteur en lien avec le client, notamment dans l'agroalimentaire, où la traçabilité reviendra du fait de la digitalisation, avec la blockchain . Enfin, en parallèle du commerce, mettre en place des fibres sociales qui vont regrouper les gens sur des nouveaux besoins : vélos, nouvelles cultures urbaines et digitales - en utilisant les savoir-faire locaux !

Guillaume Buffet, administrateur et ancien Président de Renaissance Numérique . - Nous vivons dans un monde constitué de beaucoup d'espèces mais aussi d'êtres humains : un monde qui n'a pas été inventé pour l'économie. On parle beaucoup trop d'économie. Pour moi, l'élément essentiel de la révolution numérique, c'est que les gens, les citoyens, les consommateurs ont repris le pouvoir. Le monde des grandes surfaces a été inventé à une époque où c'était aux gens de s'adapter au modèle économique. Désormais, c'est à l'économie de s'adapter aux gens.

Les associations pour le maintien de l'agriculture paysanne, les AMAP, n'ont aucun sens économique et pourtant tous les agriculteurs qui en font partie ne savent plus où donner de la tête. Penser que le monde est fait pour optimiser de la performance est une erreur fondamentale. Nous basculons dans un monde où l'humain a repris le dessus : un monde de valeurs. L'aspect culturel est essentiel pour nous ; il n'y a jamais eu autant de concerts dans les salles de concert, parce que les gens sont heureux d'y aller. Cela n'a pas de sens économique, mais ce n'est pas grave.

L'Intelligence artificielle est liée à l'open data . Elle existe depuis cinquante ans, mais était réservée à Carrefour ou à Auchan. L'élément nouveau est sa démocratisation. Lorsque le camion-poubelle passe, la concierge peut être prévenue et sortir les poubelles ; les livraisons peuvent être échelonnées, etc. Bref, on optimise les processus. Ce serait un bon moyen d'utiliser les friches, en y faisant les grosses livraisons et en organisant la logistique du dernier kilomètre depuis la friche. Cette logistique pourrait être coordonnée par le manager de centre-ville entre les différents acteurs. Par ailleurs, chaque manager de villes devrait avoir à sa disposition un pool de quelques dizaines ou d'une centaine de start-ups qui ont été évaluées.

Quant à la fraude, c'est le groupement cartes bancaires qui a le taux le plus faible au monde. Il a créé un laboratoire numérique pour soutenir les start-ups du numérique français pour apporter des solutions.

Sur la santé, on peut brandir le spectre aussi magnifique qu'inquiétant de la consultation complètement dématérialisée, ou dire que Doctolib permet de recréer du lien de proximité et d'avoir accès à l'ensemble des médecins. Quand on est à 50 kilomètres du premier médecin, c'est très bien de pouvoir consulter en ligne et, quand on est dans un centre-ville, c'est très pratique de réserver chez tel ou tel médecin par internet.

Les banques, les bureaux de poste seraient ravis que les commerçants viennent chez eux pour découvrir les start-ups plutôt que de les découvrir en ligne. Ces grands acteurs économiques seraient enchantés de mettre la main à la poche pour aider des collectivités territoriales à redynamiser les centres-villes avec l'apport des start-ups françaises.

Diane Pelletrat de Borde Fondatrice et Présidente de Dibenn Consulting et Professeur de e-marketing à l'ESSEC. - Certains locaux sont désaffectés. Une certaine proportion de ceux-ci pourrait être mise à disposition pour créer des points de collecte. Des vitrines ou espaces partagées pourraient être créés pour rencontrer les clients : elle est terrible, la solitude d'un vendeur dont le local est un écran. Bien sûr, il faudra former les commerçants. Les CCI, au lieu de refuser les demandes, pourraient laisser une chance en prescrivant une formation au numérique. Pour cela, l'idée de constituer un pool de start-ups est excellente.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Merci. Le lien humain reste essentiel.

TABLE RONDE DES MINISTÈRES
ET DES INSTITUTIONS NATIONALES (28 MARS 2018)

Le mercredi 28 mars 2018, le groupe de travail, à l'occasion de la table ronde « des ministères et des institutions nationales », a entendu : Isabelle Richard, Sous-directeur du commerce, de l'artisanat et de la restauration, Laurent Weill, Adjoint au sous-directeur du commerce, de l'artisanat et de la restauration et Bernard Rozenfarb, Chargé de projet auprès du chef du service « commerce, tourisme, artisanat et services » à la Direction Générale des Entreprises (DGE) ; Michel Valdiguié, Président de la Commission nationale d'aménagement commercial ; William Koeberlé Président du Conseil du Commerce de France, Fanny Favorel-Pige, Secrétaire générale du Conseil du Commerce de France, Laurent Cousin, Directeur de la communication et du développement du Conseil du Commerce de France ; Jacques Creyssel, Délégué général de la Fédération du Commerce et de la Distribution ; Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement ; Pierre Narring, Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts au sein du Conseil général de l'environnement et du développement durable, Jean-Paul le Divenah, Inspecteur général de l'administration et du développement durable du Conseil général de l'environnement et du développement durable.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Mes chers collègues, mesdames, messieurs, je suis heureux de vous accueillir pour notre neuvième table-ronde consacrée aux institutions nationales. Nous avons déjà fait un large tour d'horizon des acteurs concernés par la question de la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs : le petit commerce, les enseignes de centre-ville et de proximité, les experts, les élus locaux, les grandes enseignes, les centres commerciaux, les acteurs économiques, les financeurs et le e-commerce. Bref, nous avons souhaité mettre tout le monde autour de la table.

Évidemment, le Gouvernement est très attendu. L'annonce du plan Mézard dit « Action coeur de ville » nous a d'abord donné des espoirs. Hélas, très vite, nous avons été rattrapés par de nombreux doutes : si un premier pas a bien été franchi, il nous semble nécessaire d'adopter une approche globale. Le nouvel outil contractuel appelé « opération de revitalisation de territoire » (ORT) nous a été présenté comme la solution miracle, mais je crois qu'il faudra aller au-delà. C'est l'objectif de la proposition de loi que nous présenterons dans quelques semaines.

Concrètement, nous nous interrogeons sur plusieurs points.

La suppression des autorisations commerciales en CDAC pour tous les projets, y compris au-dessus du fameux seuil de 1 000 m 2 , va-t-elle vraiment bénéficier au petit commerce dans les centres-villes ?

Ensuite, il a été annoncé que des mesures transitoires seront proposées pour offrir des possibilités de suspension, au cas par cas, des projets d'implantation commerciale. De quoi s'agit-il concrètement ? Pourquoi ne pas acter l'idée de moratoires locaux ?

Enfin, pouvez-vous nous donner un calendrier plus précis sur le projet de loi relatif à l'évolution du logement, de l'aménagement et de la transition numérique, dit ELAN, sur lequel le Sénat s'est investi, notamment lors de la conférence de consensus sur le logement ?

Vous pouvez constater que nous attendons beaucoup de cette table-ronde pour essayer d'y voir plus clair sur les intentions du Gouvernement. Nous avons justement le plaisir d'accueillir : Isabelle Richard et Laurent Weill de la direction générale des entreprises ; Michel Valdiguié de la Commission nationale d'aménagement commercial ; William Koeberlé, Jacques Creyssel et Bernard Morvan du Conseil du commerce de France ; Pierre Narring du Conseil général de l'environnement et du développement durable. Nous vous remercions de votre présence aujourd'hui.

Je souhaite rappeler en quelques mots les contours et l'objectif de notre groupe de travail pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, qui a été réuni sur l'initiative du président du Sénat, Gérard Larcher, et qui a commencé ses travaux en juin 2017. Ce groupe est composé de 18 sénateurs représentant tous les groupes politiques et membres des six commissions permanentes concernées (lois, finances, culture, développement durable, affaires économiques et affaires sociales) et de deux délégations sénatoriales (collectivités territoriales et décentralisation, entreprises).

Le constat est désormais clair et partagé par tous : trop de centres-villes et de centre-bourgs souffrent et se fragilisent - 700 seraient en grande difficulté. La fermeture des commerces n'est que la partie visible de l'iceberg, mais cette question a permis de prendre conscience d'un problème qui dépasse le commerce, puisqu'il touche à l'habitat, aux équipements, aux infrastructures ou encore aux normes d'urbanisme.

L'enjeu pour l'avenir, à notre avis, n'est rien moins que la conception que nous avons de la ville et du lien social. Veut-on la pérennité de la ville « à l'européenne » avec un centre, lieu de vie sociale, citoyenne, culturelle... Bref, un lieu de vie collective et d'identité ?

Nous ferons des propositions dans quelques jours. Notre objectif est de proposer des solutions audacieuses face à ce que nous refusons de considérer comme une fatalité. Nous sommes des élus des territoires et notre défi est de répondre à cette question : dans quelle ville voulons-nous vivre demain ? Les questions que nous allons vous poser aujourd'hui se ramènent au fond à une interrogation : comment éviter la mort de nos centres-villes ?

Martial Bourquin , rapporteur . - Quelle est notre démarche ? Depuis des années, seules des politiques correctives sont appliquées pour résoudre les problèmes des centres-villes et des centres-bourgs ; elles fonctionnent au début, voire durant quelques années après leur mise en oeuvre, mais elles sont vite dépassées par les événements. Je l'ai vécu dans la commune dont j'ai été maire durant vingt ans. En effet, elle ne traite pas la racine du problème, qui est le développement de la culture de la périphérie : l'État lui-même déplace souvent ses services en périphérie, les équipements structurants quittent le centre-ville, les règles de l'urbanisme commercial perdurent...

Nous sommes donc face à un terrible cocktail et je ne suis pas certain que le plan annoncé par Jacques Mézard réponde à la globalité du problème. Bien sûr, nous nous félicitons des avancées qu'il constitue pour les 222 villes concernées, même si nous souhaitons être certains que les 5 milliards d'euros soient de nouveaux crédits, pas des redéploiements...

La proposition de loi que nous allons présenter ne s'oppose pas du tout à ce plan ou au futur projet de loi ELAN. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous entendons, en ce qui nous concerne, nous attaquer aux causes mêmes de la dévitalisation des centres-villes sans nous limiter à la situation de 222 villes. Nous voulons ainsi rétablir une culture de la centralité. Nous voulons notamment rééquilibrer la fiscalité entre périphérie et centre-ville.

La Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) continue d'autoriser un nombre élevé de projets, même si le taux de refus a légèrement progressé en 2016. Il faudra aussi modifier la composition des commissions départementales (CDAC) - on ne peut en rester au statu quo - et disposer d'études d'impact robustes, par exemple quand le projet commercial vise à faire déménager des commerces indépendants du centre-ville vers la périphérie.

Nous ne voulons pas tuer la périphérie ! Mais nous voulons que tous les centres-villes et centres-bourgs soient prioritaires dans les politiques publiques, y compris pour les autorisations d'urbanisme commercial. Et la question est plus large, parce que la revitalisation passe aussi par le logement, les services, la culture...

Je crois que les mentalités sont en train d'évoluer. Le Sénat doit prendre ses responsabilités et jouer pleinement son rôle de législateur. Pour cela, il faut prendre le problème à la racine. Tel est notre objectif.

Pierre Narring, Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts. - Le Conseil général de l'environnement et du développement durable a réalisé de nombreux travaux ces dernières années sur l'ensemble des questions que votre groupe de travail soulève, et je citerai trois rapports en particulier : l'un réalisé conjointement avec l'Inspection générale des finances, sur la revitalisation des centres-villes, l'autre sur l'urbanisme périphérique au regard des principes de développement durable et le troisième sur les villes moyennes. Nous travaillons aussi sur le périurbain, c'est par exemple le cas en ce moment sur la ville de Roubaix.

Sur le fond, il est vrai qu'il existe dorénavant un certain consensus sur l'évolution du commerce et les difficultés de la régulation : mieux organiser les centres-villes, regrouper les commerçants, restructurer le foncier, améliorer les règles fiscales et financières... Les projets de développement en périphérie se poursuivent, souvent de manière désordonnée. Le plan de M. Jacques Mézard a été alimenté par nos travaux comme par ceux des autres administrations.

Il nous semble que les projets doivent être mieux analysés très en amont, par exemple en confiant à un tiers la réalisation d'une étude comparée, comme cela se fait en matière d'évaluation environnementale, à partir des trois familles de critères fixés par la loi (aménagement du territoire, environnement et protection du consommateur).

Dans le projet de loi ELAN, il est prévu que, dans certains périmètres de centre-ville, les projets ne passeraient plus devant la commission. Cette mesure permet évidemment d'afficher une priorité pour les centres-villes, mais il n'est pas certain que tout projet situé dans leur périmètre leur soit, par principe, bénéfique. Je pense à un exemple récent à Metz où un nouveau centre-commercial s'est installé à 2 kilomètres du centre-ville, sur lequel il aura un effet néfaste. Cela montre bien qu'une analyse fine des choses est nécessaire.

Il faut aussi travailler sur la restructuration des périphéries, sans pour autant développer l'offre, déjà surabondante, en organisant la complémentarité de ces pôles avec les centres-villes.

En ce qui concerne les commissions, il semble que les CDAC ne prennent pas véritablement le temps d'examiner les critères définis par la loi. En CNAC, l'examen des dossiers paraît plus complet. C'est pourquoi nous avons émis l'idée de créer un niveau régional d'examen permettant de prendre du recul par rapport au terrain.

Nous avons également travaillé sur la planification : il nous semble que le SCOT, schéma de cohérence territoriale, qui devrait permettre d'organiser le développement du commerce sur le territoire n'est pas un outil très précis et ne peut pas s'adapter rapidement aux évolutions du secteur. Il faudrait donc que le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) permette de mettre en oeuvre localement les directives du SCOT : il porterait ainsi une véritable politique locale du commerce.

Il est vrai que la conformité de ce type de décision avec la législation européenne peut poser des difficultés, notamment en termes de compatibilité entre les principes de liberté d'entreprendre et de liberté du commerce et les raisons impérieuses d'intérêt général (aménagement du territoire, environnement et protection des consommateurs). Il semble ainsi possible de mettre en place une régulation plus organisée à condition qu'elle soit proportionnée aux objectifs recherchés et il se trouve que d'autres pays ont mis en vigueur des dispositions de cette nature. En outre, un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 31 janvier 2018 sur une affaire relative à la commune d'Appingedam autorise le recours à la notion de protection de l'environnement urbain comme raison impérieuse d'intérêt général afin de protéger les centres-villes; il n'est pas non plus contraire au droit européen de réserver le commerce de petits objets à certaines zones, par exemple au travers du plan local d'urbanisme. Cet arrêt légitime les analyses que nous avions faites et ouvre la voie à l'adoption de mesures plus fortes en matière de planification et de régulation du commerce.

Isabelle Richard, sous-directrice du commerce, de l'artisanat et de la restauration à la direction générale des entreprises. - Le ministère de l'économie et des finances, qui veut faire en sorte que la croissance économique contribue à tous les territoires, a pleinement pris sa place dans le projet gouvernemental de revitalisation des centres-villes, en particulier dans son volet relatif au commerce.

Notre démarche est volontariste et nous estimons qu'il faut d'abord contribuer à la revitalisation des logements dans les villes concernées. Des crédits ont été dégagés à cette fin, tant en provenance d'Action Logement que de l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat, l'ANAH ou de la Caisse des dépôts et consignations. Il s'agit aussi de favoriser la fréquentation des centres-villes, par exemple par la création de parkings. Ces points constituent des préalables à la revitalisation commerciale des centres-villes.

Pour le commerce, nous souhaitons favoriser des mesures qui permettent la définition de stratégies offensives par les acteurs du commerce en centre-ville pour remettre le client au coeur du dispositif. La gouvernance et l'ingénierie préalable à la définition des opérations sont particulièrement importantes. Plusieurs financeurs (FISAC - Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce -, Caisse des dépôts et consignations...) contribueront à cette ingénierie ; et il est important de noter que les nouvelles opérations de revitalisation de territoire (ORT) comporteront un volet dédié au diagnostic et à la stratégie.

D'autres mesures ont été intégrées dans le plan annoncé en décembre dernier, je cite uniquement ici l'accompagnement par le FISAC et la mission confiée à l'Inspection générale des finances pour analyser d'éventuelles distorsions fiscales entre les différents types de territoires et de commerces - il faut noter que le Premier ministre a signé la lettre de mission, ce qui montre l'intérêt que le Gouvernement porte à ces questions.

En ce qui concerne l'urbanisme commercial, plusieurs dispositifs sont prévus. Vous avez évoqué la dispense d'autorisation d'exploitation : elle ne vise que les centres-villes de la ville principale signant une opération. L'avant-projet de loi ELAN prévoit que le périmètre concerné est défini par les élus ; le risque d'une trop grande extension de ce périmètre ne nous semble donc pas fondé.

En ce qui concerne les centres commerciaux, le constat a été fait que la fréquentation d'une « locomotive » profite à l'ensemble des commerces, y compris lorsque le centre commercial se situe en centre-ville - je pense à l'exemple de Dunkerque.

L'avant-projet de loi ELAN prévoit aussi la suspension temporaire d'autorisation d'exploitation commerciale selon une logique visant à préserver l'opération en cours mobilisant des crédits publics. Dès aujourd'hui, lorsqu'une ville bénéficie de financements publics, par exemple au titre du FISAC, la CNAC est en capacité de donner des avis défavorables à certains projets pour favoriser la revitalisation du centre-ville.

Les critères actuels en matière d'urbanisme commercial prennent déjà en compte les préoccupations d'aménagement du territoire et de développement durable des centres-villes et la future loi viendra préciser les choses et donner un cadre d'action. La CJUE a décidé que le recours à ce type de critères est conforme au droit communautaire. Pour autant, il faut être vigilant sur les autres exigences du droit communautaire, par exemple la non-discrimination ou le caractère nécessaire et proportionnel de la mesure.

Il ne s'agit pas d'opposer le centre-ville et la périphérie. D'ailleurs, nous constatons que souvent, les élus locaux portent à la fois des projets de revitalisation du centre-ville et des projets complémentaires en périphérie. L'attractivité du territoire se joue sur l'ensemble de la zone.

En ce qui concerne les travaux de la CNAC et des CDAC, vous avez noté que les décisions sont globalement équilibrées : chaque année, environ la moitié des avis rendus sont favorables. Si, en 2016, des refus ont été émis pour 60 % des surfaces, c'est que beaucoup de gros projets ont été déposés cette année-là. Or, la CNAC est très attentive à la consommation d'espace. Il reste que la Commission conserve une position très équilibrée. La volonté du ministère de l'Économie n'est pas de brider les projets; il est soucieux de ne pas empiéter sur la liberté d'entreprendre et la liberté d'établissement. Il entend, au contraire, permettre aux commerces physiques de se réinventer. Le commerce physique doit ouvrir des espaces plus vastes à la clientèle, créer de nouvelles enseignes pour renouveler l'offre au profit du consommateur. S'il ne se renouvelle pas, il peut disparaître. Premier employeur privé, il représente plus de 3 millions de salariés, c'est dire combien il est important pour l'emploi. Alors qu'Amazon et les acteurs chinois d'internet ne cessent de progresser, il lui est indispensable de créer de nouvelles implantations, de se réinventer. Les décisions de la CNAC, positives à 50 %, sont, de ce point de vue, équilibrées.

Michel Valdiguié, Président de la Commission nationale d'aménagement commercial . - La CNAC a un fonctionnement dual. Les dossiers sont instruits par les services de la DGE mais la Commission, anciennement autorité administrative indépendante, fonctionne en toute indépendance. Elle procède par auditions, et n'hésite pas à s'opposer aux propositions des ministres et des commissaires du gouvernement.

La CNAC a beaucoup évolué depuis la dernière loi ACTPE. Elle était auparavant une commission de hauts fonctionnaires parisiens, avec un président venu du Conseil d'État, un vice-président venu de la Cour des comptes, comme je l'ai été. À sa composition très administrative, la loi a ajouté des élus, représentants des communes, des départements, des régions et des intercommunalités. Cela a conféré une parole plus forte aux élus et donné à la commission, par cet ancrage territorial, une vision plus concrète.

Nous tenons compte, dans nos décisions, des critères définis par la loi, mais d'autres aussi, comme la revitalisation des centres-villes ou les risques d'inondations. Nous entendons les élus, les porteurs de projets mais aussi les requérants. Il est vrai que les avocats des groupes commerciaux savent user de la procédure, jusque devant la cour administrative d'appel qui est récemment allée jusqu'à nous enjoindre non pas de réexaminer le dossier, comme elle a faculté de le faire, mais de donner une autorisation !

La commission conserve une indépendance forte, écoute les élus qui viennent expliquer leur projet d'urbanisme, dont nous tenons compte. De fait, lorsqu'un projet s'inscrit dans une politique d'urbanisation globale, c'est un élément favorable.

Vous avez relevé que le suivi nous échappe. En effet. Nous n'avons d'ailleurs aucune autonomie financière ni aucun budget. Il m'est cependant arrivé de saisir des préfets, qui ont toujours répondu, lorsque des aménagements concrets dépassaient largement l'autorisation donnée. Cela dit, il serait bon qu'existe un contrôle de la réalisation, ne serait-ce que dans un souci préventif.

Sur les relations entre périphérie et centre-ville, beaucoup de questions se posent. Nous demandons aux porteurs de projets si des accords existent avec les commerçants de centre-ville, mais il n'est pas toujours facile de percevoir cette relation. Et ceci se complique du fait que chaque bourg veut aujourd'hui son supermarché, pour éviter l'évasion commerciale.

En centre-ville, les maires ont le devoir de dégager des surfaces. Lorsque l'on demande à ceux qui veulent développer une enseigne pourquoi ils ne vont pas en centre-ville, ils répondent qu'ils ont besoin de 300 m2. Ce n'est pas facile à dégager en centre-ville, mais ce n'est pas impossible, et nous ne manquons pas de le rappeler aux élus. Il serait positif que le texte à venir prévoie des possibilités de regroupement foncier à proximité du centre-ville, pour dégager des mètres carrés. Une grande marque est un facteur d'attractivité important pour un centre-ville, où elle attire du public.

Martial Bourquin , rapporteur . - J'ai été plusieurs fois en commission, pour un cinéma qui s'agrandissait. Je me demande pourquoi tant la CDAC que la CNAC s'interrogent sur les emplois créés et non sur les emplois supprimés.

Michel Valdiguié, Président de la Commission nationale d'aménagement commercial . - Nous entendons parler des emplois supprimés. L'association « En toute franchise » ne manque pas de nous informer... Nous savons que les grandes surfaces détruisent des emplois, mais cela s'échelonne dans le temps, si bien que ce n'est pas facile à apprécier.

Martial Bourquin , rapporteur . - Vous devez disposer officiellement d'informations de nature à éclairer vos décisions. Je pense au nombre de mètres carrés par habitant, au nombre de friches commerciales en périphérie et en centre-ville. Nous ferons des propositions dans le texte que nous préparons.

Michel Valdiguié, Président de la Commission nationale d'aménagement commercial . - Il nous arrive de donner des autorisations refusées par la commission départementale, qui n'a pas à motiver sa décision. De tels refus peuvent procéder d'arrangements entre élus dont nous n'avons pas connaissance, mais quand les critères prévus par la loi n'ont visiblement pas été respectés, il nous arrive, en cas de recours, d'autoriser. Cela fait partie de notre mission de service public.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Vous dites que vous appliquez les critères retenus par la loi, mais il s'agit essentiellement de critères environnementaux.

Michel Valdiguié, Président de la Commission nationale d'aménagement commercial . - Et de protection du consommateur.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Mais pas de critères socio-économiques. Quand la population d'un département est en recul et qu'il y a 30 % de surface commerciale en trop, pourquoi en rajouter encore ?

Michel Valdiguié, Président de la Commission nationale d'aménagement commercial . - Nous prenons en compte le critère de population dans la ville et sa zone de chalandise.

Rémy Pointereau , rapporteur . - J'ai vu autoriser des créations de surfaces commerciales dans le Cher, uniquement parce que les élus craignaient l'évasion commerciale. C'est une fuite en avant !

Michel Valdiguié, Président de la Commission nationale d'aménagement commercial. - Il est vrai que ce critère reste indicatif. Si la loi à venir introduit de nouveaux critères, nous en tiendrons compte...

Rémy Pointereau , rapporteur . - Il faudra peut-être étendre les possibilités de prescription dans le cadre du SCoT, le schéma de cohérence territoriale.

Isabelle Richard, sous-directrice du commerce, de l'artisanat et de la restauration à la direction générale des entreprises. - Les critères socio-économiques qui existaient avant la loi de modernisation de l'économie ont eu cette conséquence que la France a été placée sous procédure de surveillance de la Commission européenne du fait du caractère économique de ces critères. C'est pourquoi la loi a été modifiée en 2008. Il existe une jurisprudence sur le fait que l'appréciation ne peut se fonder sur des critères économiques, sinon indirectement, via les effets sur le centre-ville. J'ajoute que l'appréciation peut en effet être différente selon que la population est en chute ou en expansion démographique, mais ce n'est pas un critère officiel.

Martial Bourquin , rapporteur . - Quand nous examinions le projet de loi de modernisation de l'économie, on nous affirmait que le seuil de 1 000 m2 retenu l'était en vertu de la directive européenne. Or, ce n'est pas vrai, on pouvait rester bien en deçà. Mais on a fait le choix de faire de la grande surface en pagaille, au motif que notre industrie était en berne. On voit à l'inverse, certains pays européens réagir ; c'est le cas des Pays-Bas, qui viennent de fiscaliser les parkings des grandes surfaces.

Il n'y a pas de fatalité. Dans ma région, beaucoup de grandes surfaces sont implantées dans les coeurs de ville, et servent le petit commerce. Mais le débat politique en reste à la fuite en avant. Si nous prévoyons, par la loi, de vous pourvoir en données concrètes, vous pourrez prendre des décisions plus objectives. Voyez la Grande Bretagne, pays pourtant libéral, mais où pas une grande surface ne s'ouvre sans étude d'impact, parce que les Anglais tiennent à préserver leurs coeurs de villes.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Comprenez qu'il ne s'agit pas, pour autant, d'opposer centres-villes et périphéries. Il s'agit de vivre ensemble, pas les uns contre les autres.

Je donne à présent la parole à M. William Koeberlé.

William Koeberlé, président du Conseil du commerce de France. - Le Conseil du commerce de France regroupe une trentaine de fédérations, depuis l'Union des commerçants de centre-ville jusqu'aux fédérations de la grande distribution, en passant par la Fevad, la Fédération de la vente à distance ou la Fédération nationale de l'habillement.

La révolution numérique vient frapper de plein fouet un secteur qui compte 3,5 millions de salariés. Le chiffre d'affaire sur le net représente aujourd'hui 8 %, et l'on rejoindra bientôt la Grande Bretagne, où il est déjà de 15 %

Rémy Pointereau , rapporteur . - On nous avait parlé de 14 % en France ?

William Koeberlé, Président du Conseil du Commerce de France . - C'est 8 %, y compris avec l'alimentaire, mais les chiffres sont très variables selon les secteurs. Pour les articles culturels, on atteint les 40 % - d'où les difficultés d'une enseigne comme Virgin - ; pour les jouets, on est à plus de 22 % - avec les conséquences que l'on observe en France et aux États-Unis - ; dans le textile, à 15 %.

Alors qu'en France, les indépendants représentent encore 18 % des commerces, ils ne sont plus que 3 % outre-Manche, dans les centres-villes. Il ne s'agit pas pour autant d'opposer, comme vous le soulignez, monsieur le président, centres-villes et périphéries, où le taux de vacance est au reste, respectivement, de 12 % et 10 %. La question est plutôt de la modernisation à entreprendre face au développement du e-commerce, en gardant à l'esprit que la situation n'est pas la même dans les métropoles et les petites villes. C'est pourquoi il est utile, pour mesurer l'impact de cette révolution numérique, de se fonder sur des périmètres de référence. Il faut également prendre en compte le fait que l'existence de vacances dans les centres-villes tient aussi, plus globalement, aux politiques d'urbanisme, du logement, à la situation des services publics, etc.

Le plus important, à mon sens, est de rétablir une fiscalité équitable. Je pense tout particulièrement à la TVA et à la taxe foncière. Un petit photographe de centre-ville ne se contente pas de faire des photos, il complète son activité en vendant d'autres produits. Or, 65 % des objectifs interchangeables, par exemple, sont vendus par des pure players asiatiques. Un client qui achète ainsi sur Internet reçoit sa marchandise hors taxes et on lui demande d'aller lui-même, en bon citoyen, payer la différence à la douane... On demande en revanche au commerçant de collecter lui-même l'impôt : c'est discriminatoire.

Le commerçant de centre-ville, à la différence du vendeur internet, paye la taxe foncière. Et l'on sait que les élus, dont la marge de manoeuvre se réduit, ont tendance à jouer sur cette taxe, ce qui accélère le processus. Ce que nous demandons est simple : même taxation pour une même transaction.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Qu'elle ait lieu en magasin ou dans le e-commerce ?

William Koeberlé, Président du Conseil du Commerce de France . - Exactement. D'autant que le e-commerce, pour un même chiffre d'affaires, emploi trois à cinq fois moins de personnes, ce qui n'arrange pas les choses. Nous avons la chance d'être dans un secteur qui n'a pas détruit d'emploi depuis vingt ans, et qui a même créé 50 000 emplois l'an dernier. Mais nous sommes inquiets.

Deuxième question centrale : comment moderniser ? Les centres commerciaux qui ont déjà un certain âge doivent pouvoir le faire. Il suffit parfois de quelques mètres carrés de plus, pour que les clients aient ce que l'on appelle leur « shopping experience » , un lieu où échanger.

Le métier de commerçant devient de plus en plus omnicanal : le client commence par comparer sur internet avant d'aller acheter en magasin. Or, 50 % des commerçants ne sont pas sur la toile. Si on ne les y aide pas, ils sont condamnés à perdre beaucoup de trafic. C'est pourquoi nous militons pour la mise en place d'une aide, comme cela a été fait pour l'industrie avec le crédit d'impôt recherche, ou pour les agriculteurs. Le commerce a lui aussi besoin d'être aidé.

Martial Bourquin , rapporteur . - Merci de votre contribution. Je rappelle cependant qu'un accord européen sur l'imposition des GAFA exige l'unanimité du Conseil européen.

William Koeberlé, Président du Conseil du Commerce de France . - Amazon n'est pas concerné par ces mesures européennes, et ce débat porte sur l'impôt sur les sociétés. Ce que nous demandons, c'est que le gouvernement s'intéresse à la TVA et à la taxe foncière.

Martial Bourquin , rapporteur . - Vous craignez des augmentations de la taxe foncière. Notre choix, tous groupes confondus, a été de demander, en compensation de la suppression de la taxe d'habitation, une part de TVA, pour bénéficier d'une ressource dynamique.

Pour les petits et moyens commerçants, la question du e-commerce est essentielle. Il y faut des initiatives. J'ai récemment reçu une entreprise qui travaille auprès de ces commerçants pour les former et leur proposer une application digitale. J'ai été maire d'une ville comptant 400 artisans et commerçants. Je me suis employé à créer un environnement favorable, tout en leur rappelant que ce sont eux qui reçoivent le client et que la réussite se fera attendre s'ils ne passent pas au e-commerce.

Quant aux GAFA, qui font des bénéfices par milliards sans payer d'impôts, il faudra bien les fiscaliser. Sans compter que si le e-commerce se développe encore, les centres-villes vont être rendus invivables par des norias de livraisons. Il existe déjà des arrêtés municipaux sur les heures autorisées à la livraison, mais il faudra peut-être aller plus loin, et fiscaliser.

Sonia de la Provôté . - Je remercie nos invités de leurs contributions, qui convergent avec d'autres témoignages que nous avons entendus.

Je rappelle que les régions peuvent accompagner la transition numérique. La région Normandie a ainsi mis en place, dans le cadre de sa mission de développement économique, un accompagnement pour les commerçants de centre-ville. Il est regrettable, cependant, de s'en tenir à l'échelle régionale quand la question devrait être érigée en priorité nationale. Cela fera partie des sujets que nous devrons aborder dans notre proposition de loi.

Vous avez évoqué le PLUI, mais je me demande si l'intercommunalité est l'échelon approprié pour traiter la question de l'urbanisme commercial. Mieux vaut, à mon sens, passer par le DAAC, le document d'aménagement artisanal et commercial, intégré dans le SCOT. Il s'agit de traiter la question de la concurrence commerciale sur un territoire cohérent, une zone de chalandise réelle. Le PLUI ne peut être un bon outil que s'il s'appuie sur un DAAC précis et contributif, pour y trouver les éléments aidant à préciser une organisation commerciale. Quand les élus sont impliqués et proactif sur le SCOT, le DAAC est adopté à l'unanimité et devient un outil précieux pour le maire, y compris devant la CDAC.

François Bonhomme . - Ma question s'adresse à M. Valdigué. Considérez-vous, avec le recul, que la disparition des éléments concernant la densité commerciale a joué en défaveur des commerces de centre-ville ?

Michel Valdiguié, Président de la Commission nationale d'aménagement commercial . - Je le pense. La loi Royer, en retenant des critères socio-économiques, nous donnait des éléments tangibles, dont nous avons besoin pour appuyer nos décisions.

Un mot sur la question de l'échelle. Je pense que le niveau du SCoT est le bon, même s'il est arrivé que l'on voie, en CDAC, ceux qui avaient participé à sa définition émettre un vote qui ne lui était pas conforme...

Dans leurs études, les responsables commerciaux, les promoteurs, les grandes entreprises immobilières savent ce qu'ils font. On voit rarement d'échec patent. Les commerçants de centre-ville n'ont sans doute pas pris en temps opportun la mesure des évolutions à l'oeuvre. Peut-être les chambres de commerce pourraient-elles jouer un rôle plus actif pour défendre le commerce de centre-ville.

Pierre Narring, Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts au sein du Conseil général de l'environnement et du développement durable. - Je reviens sur la question de l'échelle. Le système allemand est, à cet égard, très intéressant. Il organise une politique d'aménagement du territoire autour de pôles urbains classés à l'échelle du Bund, du Land, de la région, selon un système réticulaire. Cela vaut la peine d'y regarder de près, surtout depuis l'arrêt de la CJUE.

Le plan villes moyennes, qui concerne quelque 220 villes, ne règle pas la question des bourgs ni des territoires intramétropolitains fragiles. Il faut dégager des solutions à toutes les échelles. De ce point de vue, il n'y a pas lieu d'opposer le SCoT au PLUI ; ils sont complémentaires, car il doit exister une structuration à chaque niveau, y compris celui du département. Le SCoT couvre un bassin de vie, mais qui n'est pas chapeauté par une autorité politique.

Martial Bourquin , rapporteur . - Et il n'est pas prescriptif.

Pierre Narring, Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts au sein du Conseil général de l'environnement et du développement durable . - Ce n'est qu'au niveau du PLUI qu'il peut être décliné, en coordination avec le SCOT, de façon plus précise. Une telle déclinaison peut de surcroît apporter une solution au fonctionnement des commissions : si l'articulation SCoT-PLUI fonctionne, il n'y aura plus autant de passages en commission.

Michel Valdiguié, Président de la Commission nationale d'aménagement commercial . - J'étais naguère favorable à une commission régionale d'aménagement commercial, mais depuis que les régions ont fusionné, j'ai changé d'avis, leur étendue est trop grande.

Martial Bourquin , rapporteur . - Tout dépendra de l'action des territoires. Le SCoT peut être pertinent, mais il arrive que deux SCoT cohabitent à quelques kilomètres. Si l'un dit non à une installation quand l'autre dit oui, le premier perd tout, y compris les emplois. Cela étant, l'idée de réformer les CDAC pour leur donner des périmètres pertinents, en étant attentif, avec les préfets et les élus, aux densités commerciales me paraît bonne.

Alors que l'argument de l'évasion commerciale provoque souvent, comme l'a relevé notre président, une fuite en avant, il est utile de disposer de certaines données, comme le nombre de mètres carrés par habitant, l'impact respectif sur le centre-ville et la périphérie, la zone de chalandise - dont la commission doit évidemment tenir compte lorsqu'elle prend sa décision.

Rémy Pointereau , rapporteur . - Dans une agglomération, il est facile de faire passer un projet qui n'était pas prévu. Le maire de la ville-centre donne un coup de main à une installation en périphérie, et il y a un renvoi d'ascenseur. C'est pourquoi il me paraît utile, en effet, de se pencher sur la question du périmètre.

Isabelle Richard, sous-directrice du commerce, de l'artisanat et de la restauration à la direction générale des entreprises. - Je reviens sur la question européenne, très complexe. Certes, il faut regarder les bonnes pratiques dans d'autres pays, comme l'Allemagne, mais sans oublier que la Commission européenne reste très attentive : il existe déjà un contentieux sur les pratiques allemandes.

Sur le seuil, la Commission européenne avait fait observer que celui de 300 m2 retenu par la loi Raffarin représentait une entrave manifeste à la liberté d'entreprendre. D'où la modification de ce seuil dans la loi de modernisation de l'économie, qui l'a remonté à 1000 m2.

Martial Bourquin , rapporteur . - C'est bien pourquoi nous proposions plutôt 400 m2 ! Quant aux Allemands, nous avons pu constater qu'ils étudient de près les directives européennes, ce qui leur permet d'apporter des subventions bien plus substantielles que les nôtres à leur industrie...

La remontée du seuil à 1000 m2 a eu des conséquences dramatiques : un grand déménagement des coeurs de villes. Il faudra que la loi l'empêche, car en l'état, les élus ne peuvent rien faire.

Isabelle Richard, sous-directrice du commerce, de l'artisanat et de la restauration à la direction générale des entreprises. - La France a reçu une injonction de la Commission européenne sur les critères économiques et sur les 300 m2, assimilés à une entrave manifeste à la liberté d'entreprendre. Pour Paris, une expérimentation a été menée sur les 400 m2. Cela étant, on ne peut pas dire que la loi de modernisation de l'économie est à l'origine des problèmes que connaissent les centres-villes : ces difficultés ont des causes bien antérieures.

Pourquoi ne pas mener des études d'impacts, comme cela se fait outre-Manche ? En tout cas, la DGE se soucie que les membres des commissions disposent de davantage d'informations fiables, en particulier sur les taux de vacance et nous avons lancé, à cette fin, un appel à projet, en collaboration avec la Caisse des dépôts et consignations et le Commissariat général à l'égalité des territoires.

Laurent Weill, Adjoint au sous-directeur du commerce, de l'artisanat et de la restauration à la direction générale des entreprises. - Vous avez demandé quel soutien nous offrons aux villes qui n'ont pas bénéficié de l'Action coeurs de ville : 450 contrats de ruralité, le programme centres-bourgs, les crédits du FNADT, le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, ceux de la DETR, la dotation d'équipement des territoires ruraux, ceux de la DSIL, la dotation de soutien à l'investissement local, sans parler des crédits européens et de ceux des régions, qui ont latitude pour intervenir.

Martial Bourquin , rapporteur . - Cela existait auparavant et n'a pas empêché la dévitalisation. Si l'on fait un pacte sur les coeurs de ville, c'est qu'il y a un vrai problème. Cela ne peut pas fonctionner en s'en tenant aux crédits existants, au risque d'augmenter, même, les inégalités entre villes et entre secteurs, et d'accroître le sentiment de rejet de la ruralité. Quand on veut refaire un coeur de ville, y ramener des logements, des services, il faut des moyens importants.

Bernard Morvan, Président de la Fédération nationale de l'habillement. - Le rapport Marcon, qui a été rendu le 15 mars au ministre Mézard met en avant 24 mesures immédiatement applicables. Vous y trouverez beaucoup de réponses.

Martial Bourquin , rapporteur . - Nous l'avons lu. Notre idée n'est pas de mener un travail à l'écart de ce que fait l'État, mais de tenter de faire une synthèse. Il s'agit pour nous d'inverser la tendance : passer d'une culture de la périphérie à une culture des centralités. Or, personne ne s'y est à ce jour attelé. J'ai récemment entendu le représentant des maires de France s'exprimer sur la revalorisation des bases foncières, quatre à cinq fois supérieure en centre-ville par rapport à la périphérie. Comment voulez-vous que les gens continuent à faire du commerce de centre-ville à ce compte ?

Pierre Narring, Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts au sein du Conseil général de l'environnement et du développement durable . - Vous avez raison de souligner qu'il y a là un choix de société. Même si certains centres commerciaux peuvent créer du lien social, le centre-ville porte des valeurs de vivre ensemble qui méritent que l'on s'y attache.

Quelques précisions techniques. Il est vrai que nous manquons d'outils d'observation pour apprécier la création nette d'emplois. Se pose aussi la question de la vacance commerciale, sur laquelle Isabelle Richard nous dit qu'une étude est lancée. Si l'on arrive à recréer un système d'observation, cela sera très utile.

Enfin, les critères de la loi de modernisation de l'économie mériteraient peut-être une légère réécriture, car leur rédaction ne fait pas apparaître le caractère fondamental de la préservation des centres-villes.

William Koeberlé, Président du Conseil du Commerce de France. - Au sujet de la fiscalité, ce qui me semble important, c'est qu'un même euro de chiffre d'affaires soit soumis à une taxation identique. Par ailleurs, je rappelle tout de même que le secteur du commerce a créé de nombreux emplois, y compris durant les deux ou trois dernières années - environ 50 000 emplois créés. Nous devons en effet définir ensemble le type de société que nous voulons, mais le fait est que l'e-commerce en fait aujourd'hui partie.

Martial Bourquin , rapporteur . - Nous vous communiquerons les statistiques qui nous ont été présentées par l'Association des maires de France. Nous partageons le même objectif de défense du commerce, mais nous ne devons pas oublier l'enjeu de société : la ville « à l'européenne » n'est pas la ville « à l'américaine ». Surtout, n'oublions pas que nous vivons une période de crise et de déséquilibres ! Nous voulons garder la périphérie, mieux l'aménager, en particulier en termes de friches commerciales, et reconquérir en même temps les centres-villes et les centres-bourgs.

William Koeberlé, Président du Conseil du Commerce de France. - Je souscris d'autant plus à cela que j'habite dans une zone rurale ! Toutefois, la rapidité de l'augmentation des parts de marché de l'e-commerce est telle aujourd'hui que ce sujet doit absolument être prioritaire. Rendez-vous bien compte : un opérateur comme Alibaba est capable de faire en une journée le chiffre d'affaires qu'un groupe comme Auchan réalise en un an... Le diagnostic global doit intégrer ce point pour rétablir une équité et fixer les règles d'une concurrence équitable.

Martial Bourquin , rapporteur . - Je vous rassure, la proposition de loi que nous allons présenter est très équilibrée et concerne aussi ce sujet. Nous voulons rééquilibrer les choses de manière globale. En conclusion, je tiens à remercier tous les participants à cette table-ronde.

TABLE RONDE DES CHAMBRES CONSULAIRES
ET CLUB DES MANAGERS DE CENTRE-VILLE (29 MARS 2018)

Le jeudi 29 mars 2018, le groupe de travail, à l'occasion de la table ronde « des chambres consulaires et club des managers de centre-ville » a entendu : François-Xavier Brunet, Président de la CCI de Tarbes et des Hautes-Pyrénées ; Laure Prévot, Chargée des relations institutionnelles ; Dominique Mocquax, Vice-président de la CCI de Seine-et-Marne ; Dominique Moreno, Responsable du pôle Economie, commerce et financement des entreprise ; Didier Rizzo, Vice-président de la CCI du Grand Hainaut ; Gwenaëlle Vandeville, Responsable du service commerce, tourisme ; Joël Fourny, Troisième vice-président de l'APCMA et président de la CMAR Pays-de-la-Loire ; Valérie Chaumanet, Directrice des relations institutionnelles ; Marianne Villeret, Chargée de mission Politiques territoriales ; Robert Martin, Président du Club des managers de centre-ville.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Mesdames, Messieurs, mes chers collègues, nous sommes heureux de vous accueillir pour cette dixième table ronde. Il nous reste à réunir encore deux tables rondes dans les dix jours qui viennent. Nous avons déjà entendu de nombreux intervenants. Il me semblait important d'écouter aujourd'hui les chambres consulaires et le Club des managers de centre-ville, pour recueillir vos éclairages et vos témoignages sur le rôle que vous êtes capable d'assurer et sur les actions que vous êtes susceptibles de mener pour revitaliser les centres-villes et les centres-bourgs.

Je vous rappelle que notre mission nous a été confiée par le président du Sénat en juin 2017. Nous travaillons ainsi sur le sujet depuis déjà plusieurs mois. La mission est transpartisane. Martial Bourquin et moi-même n'appartenons pas en effet au même mouvement. Nous sommes d'accord cependant sur de nombreux points du texte, que nous défendons. Nous travaillons en outre en rapport avec l'ensemble des commissions du Sénat (lois, affaires économiques, aménagement du territoire, affaires culturelles et finances) en vue de déposer une proposition de loi dans les jours prochains. L'objectif, outre le fait d'établir un rapport, consiste en effet à trouver des solutions et de mettre en place un certain nombre d'actions globales. Nous n'avons ainsi pas souhaité examiner uniquement la problématique du centre-ville et du centre-bourg. Nous devons trouver des solutions aux causes des difficultés existantes. L'action au coeur de la ville, de son côté, ne réglera pas la difficulté au fond. Nous avons par conséquent souhaité travailler au fond.

Nous avons établi un premier rapport en juillet dernier. Il dressait un constat de fragilisation. Nous avons en outre recensé les différents facteurs explicatifs. Il s'agit à présent de déterminer des solutions audacieuses, pour tenter de retrouver une spirale vertueuse pour notre commerce de centre-ville. L'objectif est de définir la ville de demain, une ville dortoir, sans lien social, sans culture, ou une ville à l'européenne, avec un centre de vie, de rencontres, de lien social, c'est-à-dire une ville animée et vivante.

Les questions que nous vous poserons se rapporteront à deux interrogations. La première d'entre elles a trait à la manière dont il est possible d'aider les centres-villes à retrouver un dynamisme. Il s'agit en outre de déterminer la façon dont les chambres consulaires et les managers peuvent travailler au quotidien, et non pas ponctuellement, pour aider les commerçants à se fédérer. Il existe en particulier une problématique de formation pour les commerçants. Je pense que vous y reviendrez dans vos propos. Auparavant, je laisse la parole à Martial Bourquin.

Martial Bourquin, rapporteur. - À mon tour, je vous souhaite la bienvenue. Chaque table ronde a été fructueuse sur de nombreux sujets soulevés. Nous nous inspirons de ces échanges pour écrire le rapport et la future proposition de loi concernant la reconquête des centres-villes et centre-bourgs.

Nous vivons, depuis quelques décennies, une culture de la périphérie. L'objectif est d'opérer un changement au profit d'une culture des centralités. Évidemment, la périphérie ne cessera pas d'exister subitement. Elle est présente, voire imposante. Les grandes surfaces affichent en particulier un chiffre d'affaires de 126 milliards d'euros par an. En revanche, chaque année, plusieurs millions de m 2 continuent de se mettre en place. Ainsi, une crise de la périphérie vient s'ajouter à la crise des centres-villes et centres-bourgs. Nous devons à présent ralentir l'extension des surfaces, pour arrêter une nouvelle définition du commerce.

Nous sommes extrêmement attachés à la ville européenne. La ville américaine n'est pas notre culture. La ville européenne est synonyme de centralité. Il s'agit de maximiser l'ensemble des relations sociales dans des centres accueillant culture, commerces, lien social, habitat. L'ensemble de ces sujets sont essentiels. Or nous faisons face aujourd'hui à une dévitalisation relativement impressionnante. Les taux de vacance s'étalent de 10 à 25 %, parfois davantage. Certaines villes ont entièrement perdu leur centre-ville. Elles ne le retrouveront peut-être pas. Il existe en effet un niveau de réversibilité dans la perte de centre-ville : quand ce niveau est dépassé, la situation est irréversible.

Le travail que nous avons réalisé avec les services du Sénat se fonde sur un constat. Certes, nous sommes extrêmement satisfaits de l'Action coeur de ville. Il s'agit cependant de prendre des mesures correctives. Or pour remettre en place une culture de la centralité, les actions correctives doivent laisser place aux actions structurelles. Un commerçant ou une personne qui déploie des services doit par exemple bénéficier d'une fiscalité équitable. Le coût d'installation est en effet plus élevé en centre-ville qu'en périphérie. La fiscalité doit par conséquent évoluer. Le logement doit également évoluer. Les centres-villes se sont dépeuplés. Ils se sont paupérisés. Par le passé, l'ANRU est parvenu à agir sur les quartiers. Nous devons intervenir d'une façon identique dans les centres-villes.

Le centre-ville de demain ne sera pas le centre-ville d'hier. Le e-commerce a fait son apparition. Nous devons faire en sorte, avec les managers de centre-ville, les municipalités et les agglomérations, de doter les centres-villes de plateformes numériques. Nous ne pouvons pas abandonner le numérique aux GAFA. Nous travaillons ainsi actuellement sur la question d'une taxation. La Commission européenne réfléchit à un taux de 3 % du chiffre d'affaires. Nous proposerons également d'autres taxations des GAFA dans un souci d'équité.

Le travail est un travail de fond, mené par le Sénat, qui est la chambre des collectivités et des territoires. Régulièrement, nous avons des remontées quant au fait que la situation ne peut pas perdurer. Malgré les efforts réalisés, les cellules vides se multiplient. Des éléments structurants allant à l'encontre des centralités ont en effet été mis en place. Le Sénat doit à présent assumer ses responsabilités. Nous avons rencontré le ministre la semaine dernière. Nous voulons qu'un pacte pour la reconquête de nos centres-villes soit proposé.

J'ai été maire durant 20 ans d'une ville qui accueillait 400 artisans et commerçants. J'ai toujours soutenu qu'une ville sans commerçant et sans service n'était plus une ville, mais un dortoir. Aujourd'hui, nous avons besoin de nous appuyer sur vous et votre expertise. J'avais mis en place il y a quinze ans des animateurs de centres-villes. J'ai pu mesurer combien un cadre, une ingénierie, une expertise, mais également une dimension communicationnelle, sont nécessaires pour dynamiser un centre-ville. L'objectif est donc à présent de vous entendre pour enrichir encore notre rapport.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Je donne la parole à Monsieur Martin.

Robert Martin, Président du Club des managers de centre-ville. - Merci. Je suis ravi, au nom du Club des Managers de centres-villes, de pouvoir argumenter aujourd'hui sur certaines actions et certains dispositifs propices à la revitalisation des villes en général.

Vous avez évoqué le programme Action coeur de ville. A titre d'information, Dominique Moreno et moi-même faisons partie du groupe de travail qui a travaillé sur cette action. Je vous ai d'ailleurs remis un document détaillant les dix recommandations du Club des Managers par rapport à cette action.

Vous avez souligné à juste raison que, pour revitaliser une ville en vue d'éviter les difficultés d'érosion de la population et d'érosion économique, le travail doit être mené en globalité. C'est pourquoi le Club des managers a créé, il y a deux ans et demi, en-dehors du poste de manager de commerce et du poste de manager de centre-ville, le poste de manager des territoires. En effet, un expert devait être en capacité de travailler sur une offre homogène et complémentaire relative aux thématiques du commerce, des services et de l'artisanat sur l'ensemble d'un territoire (centres-villes, centres-bourgs, périphérie, tant au niveau des collectivités que des intercommunalités ou des agglomérations).

Nous menions une réflexion sur le poste de manager des territoires depuis déjà quatre ans. Il a été officialisé finalement juste avant la publication de la loi NOTRe, qui a conforté nos propositions.

Je laisse à présent nos collègues et amis s'exprimer. J'entrerai ensuite dans le détail des propositions, actions et curseurs vers lesquels se diriger pour éviter ce que je nomme le « Tchernobyl de centre-ville ».

François-Xavier Brunet, Président de la CCI de Tarbes et des Hautes-Pyrénées. - Je vous remercie en premier lieu de nous avoir invités à participer à votre table ronde, même si les propos liminaires me donnent à penser que je risque de répéter des points que vous avez déjà intégrés dans vos réflexions et dans vos travaux. Je me féliciterais en revanche d'abonder dans votre sens. Pour faire preuve de transparence, je me dois de préciser que j'ai une triple expérience. Je suis en premier lieu président d'une chambre de commerce et d'industrie. Je suis également premier adjoint au maire de Tarbes, ville qui vient d'être retenue dans le cadre du programme Action coeur de ville. Enfin, j'exerce l'activité de prestataire de service dans le domaine des assurances dans deux centres-villes ceux de Tarbes et de Bagnères-de-Bigorre. Je vis ainsi la situation des centres-villes au quotidien.

J'ai apprécié votre rappel quant à la nature d'une ville et d'un centre-ville. Nous ne pouvons que souscrire à vos propos. Rappelons qu'historiquement, les villes n'existent que pour rassembler les populations, pour constituer des places fortes ou pour constituer des places de marché. Ces fonctions sont intimement liées. Dans les réflexions menées, il est évident que nous ne pouvons pas distinguer la problématique du commerce de la problématique de l'habitat et par conséquent de la nécessité de ramener des populations en centre-ville.

Nous sommes confrontés à deux phénomènes. Le premier d'entre eux est un phénomène de métropolisation. Il impacte directement nos villes moyennes et nos bourgs. Nous sommes en outre confrontés à un phénomène d'étalement urbain. Dès lors que nous avons laissé se développer l'habitat horizontal, les lotissements se sont multipliés en périphérie. Les commerçants de centre-ville eux-mêmes ont contribué à ce phénomène, en conservant leur point de vente en centre-ville, en allant vivre en périphérie et en laissant par nature les logements situés au-dessus de leurs commerces inaccessibles.

Nous nous adressons en outre aux consommateurs. Depuis le consommateur est hybride. Il souhaite à la fois proximité, digital et grande distribution. Dans le paramétrage de l'offre commerciale que nous favoriserons, nous devons l'intégrer.

Il me semble qu'il existe quatre leviers essentiels à ces fins, l'urbanisme et l'aménagement du territoire, la fiscalité, la professionnalisation du commerce, et le digital.

S'agissant de l'urbanisme, en matière d'habitat, nous devons trouver, à travers les PMI, les régimes de dotation, etc., des moyens de favoriser le regroupement de l'habitat. Les intercommunalités pourraient ne plus délivrer d'autorisations d'urbanisme et d'habitat en périphérie pour revaloriser l'habitat en centre-ville. Ce point nous apparaît fondamental par exemple pour répondre également à des problématiques de développement durable. La réflexion est ainsi globale.

Le second élément en matière d'urbanisme consiste, sans pour autant transformer nos villes moyennes et nos bourgs en villes dortoirs, à intégrer le phénomène de polarisation et de métropolisation. Dans une région comme l'Occitanie, par exemple, qui accueille deux métropoles, Toulouse et Montpellier, et un réseau de villes moyennes, nous devons trouver les moyens, peut-être par des liaisons ferroviaires directes, de raccrocher les villes moyennes à plus d'une heure de route en voiture de ces métropoles, afin de leur donner une attractivité (pour attirer de jeunes ménages, de nouveaux hôpitaux, etc.). L'éloignement des métropoles constitue en effet un handicap.

Concernant l'urbanisme commercial, vous connaissez les propositions de CCI France. Sans esprit polémique, nous avons dressé le constat selon lequel les CDAC sont devenues des « machines à dire oui ». Au fil des décennies, nous pensions que le développement de projets en périphérie favoriserait les investissements et les projets de développement global de la collectivité. Une culture du oui et de la fascination pour les grands centres commerciaux de périphérie s'est ainsi installée. CCI France suggère, pour sa part, la réintroduction d'études d'impact. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas, qui ne sont pas les plus malthusiens, ont introduit des tests d'impact qui permettent de bénéficier d'un outil d'aide à la décision. Il nous semble que les Chambres du commerce et de l'industrie (CCI) et les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) pourraient avoir vocation à travailler sur ces études d'impact. Pour notre part, nous y sommes prêts. Nous sommes volontaires. Nous nous positionnons.

Le second levier a trait à la fiscalité. Depuis plusieurs années, des programmes en matière de politique de la ville ont été mis en place. Les quartiers périphériques étaient alors considérés comme les quartiers sensibles. Nous devons désormais considérer que les centres-villes sont des quartiers prioritaires. Nous devons par conséquent adresser un signe fort en matière de fiscalité à la priorisation des centres-villes. La notion de zone franche urbaine pour les centres-villes me semble pertinente. Elle serait un signe fort adressé aux développeurs d'enseigne. Nous devons leur faire savoir qu'une installation en centre-ville leur coûtera moins cher qu'une installation en périphérie. Ce signe me paraît extrêmement fort.

Sur le plan fiscal, en outre, un dispositif est probablement à mettre en place, peut-être sous forme de dégrèvement de droits de mutation, de crédits d'impôts, pour favoriser les mutations et les rénovations de fonds de commerce et de logement en centre-ville. À titre personnel, je souhaite en outre formuler une proposition spécifique. Elle a trait à l'attachement que nous devons porter aux artisans, aux commerçants et aux prestataires de service en centre-ville. Il s'agit de tenir compte du fait qu'une grande majorité d'entre eux exercent leur activité, non pas en société, mais à titre d'entrepreneur individuel. A ce titre, il serait intéressant d'examiner le maintien du dispositif CICE pour ces catégories.

Le troisième levier concerne la professionnalisation, l'accompagnement des points de vente en centre-ville. Nous ne pouvons que nous réjouir du dispositif Action coeur de ville. Un autre dispositif a néanmoins fait ses preuves, le FISAC. Par le passé, les opérations financées par les FISAC ont permis d'améliorer considérablement les actions de modernisation des points de vente. Elles pourraient à présent aider à mettre en place des actions de formation des commerçants. Le consommateur est en effet hybride. Les commerçants de centre-ville, à cet égard, ne doivent pas chercher à concurrencer la grande distribution ou le digital. Ils doivent mettre en valeur les raisons pour lesquelles les clients fréquenteront leur commerce, à savoir le présentiel, le service, le conseil, l'accueil. Nous avons besoin d'accompagner les commerçants sur ces questions. Enfin, nous sommes convaincus que l'organisation structurante des commerçants à travers les offices de commerce, notamment, est fondamentale. Nous devons en particulier convaincre les élus locaux du fait que ce type d'initiative ne peut être pérenne que grâce à leur implication.

Enfin, le réseau des chambres de commerce et d'industrie est mobilisé pour accompagner le basculement dans le digital. Nous devons aider les commerçants à comprendre et à mettre en place des outils leur permettant d'être présents dans le domaine du digital. Ils doivent notamment comprendre que le digital constitue un moyen de capter des flux et de les orienter vers les points de vente. Une aide à la mise en place et au financement d'actions de formation et d'accompagnement doit nous être apportée, s'agissant de la maîtrise des réseaux sociaux, des places de marché, des partenariats logistiques, etc.

Il n'en demeure pas moins que la priorité reste l'habitat en centre-ville. Il est nécessaire d'inciter les populations à y revenir.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Merci. Je vous pose une question. Vous répondrez ensuite, après l'intervention de M. Fourny. Vous indiquiez que les CDAC sont devenues des « machines à dire oui ». Je vous demande de réfléchir à la manière de reformater les commissions des CDAC.

Je donne à présent la parole à M. Fourny.

Joël Fourny, Troisième vice-président de l'APCMA et président de la CMAR Pays-de-la-Loire. - Merci de nous avoir conviés à cette table ronde. L'artisanat est en effet préoccupé par la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, notamment pour maintenir cette activité économique à part entière. Dans un certain nombre de cas, le fait de se développer en périphérie fragilise effectivement les activités artisanales qui restent présentes dans les coeurs de ville et les centres-bourgs. Il existe un déséquilibre au détriment du coeur de ville qui s'appauvrit et n'autorise plus les flux nécessaires au développement de l'activité artisanale.

Je souhaite rappeler que l'artisanat se compose avant tout d'entreprises de transformation et de production. Il ne s'agit pas simplement d'entreprises de négoce. Elles possèdent de vrais savoir-faire et des particularités sur un certain nombre de gestes professionnels. L'activité peut être ainsi extrêmement différente du commerce traditionnel. Il s'agit d'entreprises ancrées sur le territoire, qui ont contribué au maintien du développement économique et également formé de nombreuses personnes. Ce dernier sujet est d'actualité. Ces entreprises, notamment les entreprises de service et les entreprises alimentaires, se sont beaucoup engagées dans le domaine de la formation par alternance et dans l'apprentissage.

Quand nous examinons les effets de l'évolution de l'aménagement commercial sur l'ensemble du territoire français, nous constatons que les CDEC et les CDAC n'ont pas permis de réguler l'offre commerciale. Pour répondre à la question de Monsieur le Sénateur sur l'avenir des CDAC, je pense que ces dernières doivent être maintenues, mais redéfinies. Le passage des 300 m 2 de la CDEC aux 1 000 m 2 de la nouvelle formule de la CDAC, en excluant les acteurs économiques, notamment les deux chambres consulaires, a constitué un non-sens, qui ne permettait pas de trouver un équilibre commercial sur l'ensemble du territoire. Les CDAC doivent à présent revenir à un seuil de surfaces raisonnable, autour de 400 ou 500 m 2 . Elles doivent en outre être travaillées dans un esprit d'urbanisme commercial préparé. L'aménagement du territoire doit inclure des zones d'activité commerciale prévues par les collectivités locales, en accord avec un certain nombre d'acteurs.

Prenons l'exemple du département de la Loire-Atlantique. J'étais président de la chambre des métiers. Le fait d'être en CDEC, sans aucune concertation sur l'évolution de l'appareil commercial avec les élus, les maires et les présidents de conseils départementaux, nous avait amenés, le président de la chambre du commerce et moi-même, à travailler davantage en amont. Il s'agissait d'étudier la manière dont nous considérions l'aménagement commercial en amont, en prenant en compte l'équilibre à trouver entre l'activité périphérique et l'activité à préserver en coeur de ville. Nous avions ainsi proposé une charte commerciale qui actait un certain nombre de principes, notamment un travail sur le zonage des activités, par exemple en incluant les communes plus reculées. Nous avons travaillé avec l'ensemble des intercommunalités à l'élaboration d'une charte en définissant les besoins, en particulier en prenant en compte le fait que l'ensemble des services devaient être proposés à l'ensemble des populations.

Nous devons travailler également sur les lieux de vie. Le développement commercial ne peut pas être pensé sans penser en premier lieu les lieux de vie. En conséquence, nous devons évidemment travailler sur l'habitat, mais également sur l'activité culturelle, sportive et de loisirs, ainsi que sur la dimension associative, la dimension relative au lien social et les domaines d'activité économique. De la sorte, un certain nombre d'activités économiques, artisanales et commerciales trouveront leur présence et auront la possibilité de se développer. Dans les centres-villes et dans les centres-bourgs, il est essentiel de surcroît de réinstaller une activité économique qui ne soit pas nécessairement une activité commerciale, mais une activité de production susceptible d'apporter un service complémentaire à l'habitant consommateur, selon une dynamique économique plus forte sur le territoire. Depuis de trop nombreuses années, nous n'avons par exemple absolument pas travaillé la possibilité de polariser des artisans du secteur du bâtiment dans les coeurs de ville. Ils subissent aujourd'hui des difficultés d'accessibilité aux centres-villes et centres-bourgs pour assurer leurs activités artisanales.

Nous avons à travailler également à un couplage avec l'urbanisme commercial pour travailler sur un certain nombre de points complémentaires. La fiscalité, par exemple, doit absolument être travaillée. Je pense en particulier aux zones franches urbaines. Pourquoi, dans certains quartiers prioritaires, avons-nous jugé important de proposer un certain nombre de facilités sociales et fiscales aux entreprises venues s'implanter ? Pourquoi aujourd'hui ne pas envisager un dispositif identique pour permettre aux entreprises artisanales et commerciales de s'implanter dans les centres-villes ?

Une logique de centralité doit être respectée. Aujourd'hui, nous constatons que les coeurs de ville se sont appauvris, avec la présence d'activités diffuses. Nous devons travailler à la recréation de linéaires constants permettant de relier les activités et de redonner vie à une vraie dynamique de centre-ville. Je prends l'exemple de Nantes. La présence de commerçants était telle en périphérie, qu'un certain nombre d'activités commerciales et artisanales avaient disparu du centre-ville. Nous constations parallèlement une rupture claire dans un certain nombre de rues, qui ne bénéficiaient plus de la présence d'activités commerciales et artisanales. Nous avons donc travaillé sur une logique d'acquisition avec la collectivité pour permettre le retour d'un certain nombre d'activités et faciliter le lien entre les deux secteurs géographiques. En conséquence, nous avons retrouvé, depuis un certain nombre d'années, une activité plus forte en centre-ville. Le travail collaboratif réalisé entre les deux chambres consulaires a été fructueux.

A présent, un travail de mutualisation peut se mettre en place dans un certain nombre de domaines. Il s'agit d'un vrai sujet sur lequel nous pouvons travailler en partenariat et en collaboration, avec les collectivités locales et les élus. Vous évoquiez précédemment, Monsieur le Sénateur, la possibilité de mettre en place un certain nombre de managers de villes. Pour notre part, nous avions proposé aux collectivités de partager avec elles un agent des chambres consulaires, afin qu'il devienne un manager de ville. Ainsi, il serait possible d'établir une relation entre d'une part la chambre consulaire, capable d'appréhender le volet économique et d'entretenir un lien direct avec l'entreprise, et d'autre part les décideurs politiques, à-même de définir la politique de la ville et de l'urbanisme commercial.

Il existe un certain nombre de mesures sur lesquelles nous devons porter une attention particulière. Nous devons favoriser l'implantation des commerces, tout en prenant en compte une vision sur l'ensemble d'un territoire. Nous ne devons pas, en l'occurrence, nous focaliser sur le centre-ville d'une commune, sous peine d'appauvrir les autres communes périphériques. Il s'agit d'un sujet de fond, qui doit être traité selon une logique d'aménagement du territoire cohérente et utile.

Martial Bourquin, rapporteur. - Nous pensons comme vous que les CDAC doivent être conservées, mais enrichies. Une question se pose, par exemple. Pourquoi les rapports des CDAC mentionnent le nombre d'emplois créés, mais jamais le nombre d'emplois détruits ? Souvent, les questions les plus simples font réfléchir. Par ailleurs, vous avez évoqué la situation des Pays-Bas. Il se trouve que les Pays-Bas ont créé des parkings payants dans les grandes surfaces de périphéries. L'Angleterre et l'Allemagne, quant à elles, ont mis en place des plans d'urbanisme qui autorisent des surfaces uniquement dans des endroits précis. Ainsi, les grandes surfaces ont été conservées en centre-ville.

Dans les documents d'urbanisme, nous avons ainsi besoin d'une stratégie de reconquête. Pour autant, nous avons indiqué aux grandes surfaces que nous avons besoin d'elles comme des locomotives. Il nous faut cependant garder à l'esprit que, pour la première fois, le chiffre d'affaires des grandes surfaces a diminué de 4 %. Le e-commerce pose une vraie difficulté. Il n'est pas néanmoins l'unique facteur. Il se trouve en effet que certaines personnes ne souhaitent plus « se perdre » dans les grandes surfaces. Elles privilégient les circuits courts. J'ai apprécié, à cet égard, votre proposition de show-room des savoir-faire des artisans. Les artisans ont en effet besoin de montrer leurs savoir-faire. De leur côté, les zones franches, qui ont déménagé les centres-villes, ne doivent plus être à l'origine d'effets d'aubaine. Nous devons privilégier le rendement économique.

Rémy Pointereau, rapporteur. - La parole est à M. Mocquax.

Dominique Mocquax, Vice-président de la CCI de Seine-et-Marne. - Je suis élu de la CCI Paris Ile-de-France, en particulier de Seine-et-Marne. Je connais le sujet. Je juge formidable que vous vous saisissiez du dossier. J'estime en revanche regrettable qu'après plusieurs années d'alerte de la part des chambres consulaires sur le danger qui gangrénait les centres-villes, ce thème n'ait pas été pris en compte plus tôt. Les chambres consulaires ont souvent été appelées pour des actions curatives, tandis que la décision qui consistait à installer un centre commercial en périphérie avait déjà été prise. La tendance semble à présent se retourner. Je m'en félicite.

La dimension relative à l'aménagement du territoire est essentielle. La métropolisation a en effet eu une influence sur nos villages, qui ont progressivement perdu leurs commerces. Les bourgs, puis les villes moyennes, ont ensuite connu des désagréments identiques. Nous sommes ainsi victimes de ce sujet, qui pose une difficulté d'organisation de la vie de chacun. Le commerçant, par exemple, cherche les clients pour développer son activité. Sur le plan commercial, la succession de commissions n'a pas solutionné cette difficulté. L'essentiel des demandes, en particulier, continuent d'être acceptées. En Ile-de-France, nous pensons, pour notre part, qu'un des points qui dévaluent le rôle des CDAC concerne le retrait des critères économiques dans la décision. Aujourd'hui, il n'existe plus de critère.

Dominique Moreno, Responsable du pôle Economie, commerce et financement des entreprises. - Nous proposerons de renforcer de nouveau les critères dans le cadre du projet de loi ELAN, notamment s'agissant du taux de vacance commerciale, du nombre d'emplois détruits et gagnés, et de l'équilibre entre centralité et périphérie. La jurisprudence de la CNAC et du Conseil d'État remet d'ailleurs en vigueur ces critères, devenue trop flous. Les cours administratives d'appel ont par exemple argué de la fragilité des commerces de centre-ville, qui ne vivent que de subventions des FISAC, pour refuser les autorisations.

Dominique Mocquax, Vice-président de la CCI de Seine-et-Marne. - Les commissions n'ont pas régulé l'activité comme prévu initialement. Pour notre part, nous sommes convaincus, depuis plusieurs années, que les documents d'urbanisme doivent donner l'opportunité aux élus locaux d'organiser et de structurer le développement. Pourtant, notre apport n'est pas suffisamment pris en compte. Si notre rôle dans la conception des documents était renforcé, de nombreuses difficultés seraient évitées. L'élu territorial doit décider, sans subir la pression des promoteurs de centres commerciaux.

Nous avons une expérience ancienne en Seine-et-Marne. Nous avons travaillé il y a plusieurs années sur la ville nouvelle de Sénart. Nous avons réfléchi à un schéma de développement commercial, sur la base du développement de deux polarités fortes, tandis que les centres-bourgs devaient apporter la proximité. L'ensemble des maires concernés étaient d'accord. Les demandes d'installation de grandes surfaces devaient être filtrées selon cette doctrine. Le vote de la CDEC était décidé à l'avance par rapport au schéma de développement. Dans cet esprit d'organisation en amont, en l'occurrence, la commission n'a plus lieu d'être. Je milite par conséquent pour que les chambres consulaires soient davantage associées aux SCOT et aux PLUI / PLU. Notre rôle devrait être renforcé au niveau de l'utilisation de l'espace. Il ne me semble pas que nous devons mener un combat pour lequel nous serions isolés au sein de l'Union européenne.

Martial Bourquin, rapporteur. - Je vous interromps. L'Union européenne revient actuellement sur la primauté donnée à la liberté du commerce. La Cour européenne reconnaît en effet l'intérêt général de sauvegarder les centres-villes.

Dominique Moreno, Responsable du pôle Économie, commerce et financement des entreprises. - La préservation du commerce de proximité a en effet été considérée comme une raison impérieuse d'intérêt général.

Je souhaite en outre revenir sur les CDAC. Je pense que le dispositif est à bout-de-souffle. Avec un taux d'autorisations de 90 %, les CDAC n'assument plus leur rôle de filtre. Nous envisageons, pour notre part, la création d'une commission régionale pour les projets de très grande taille. Je souhaite en outre insister sur le rôle du manager de centre-ville. Je rejoins vos propos sur la possibilité qu'il se partage entre la commune et les chambres consulaires, qui possèdent une vue précise du tissu économique local. Sa formation doit ainsi être polyvalente. Il ne doit pas se cantonner à de simples animations, mais devenir un acteur qui cherche des repreneurs, s'occupe de la transmission, prévient la vacance commerciale, etc.

J'ajouterai deux points qui n'ont pas été soulevés précédemment. Le premier d'entre eux a trait au niveau des loyers dissuasif notamment pour le commerce indépendant. En Ile-de-France, par exemple, la mairie de Montrouge s'est saisie du sujet. Le maire a réuni les bailleurs sociaux et les bailleurs privés pour mettre en oeuvre une politique de loyers maîtrisés afin de revitaliser le centre-ville. Avec l'aide d'un manager de centre-ville efficace, le maire a obtenu gain de cause.

Le second point concerne la structuration des associations de commerçants. Paris accueille par exemple aujourd'hui 250 associations de commerçants. 50 d'entre elles, cependant, sont réellement actives. Pour être représentatives et devenir un interlocuteur de la commune, elles doivent par conséquent être restructurées. Nous avons ainsi participé au projet de coopérative de la Confédération des commerçants de France. Nous tenterons sa mise en place à Paris.

J'ajouterai également qu'il serait utile d'assouplir le statut des baux commerciaux. Un rideau baissé ne devrait pas interdire un commerce à titre provisoire. De nombreux jeunes commerçants seraient intéressés par des baux de seulement quelques mois pour s'installer. Il s'agit d'un outil de lutte contre la vacance commerciale.

Enfin, la CCI d'Ile-de-France s'est saisie du thème du digital. Nous avons communiqué auprès des commerçants sur le fait qu'Internet n'était pas pour eux un concurrent, mais un acquis. Nous avons ainsi développé une série de dispositifs, notamment une plateforme qui propose des formations et accompagne les commerçants dans une logique d'aide personnalisée. Nous allons à la rencontre des commerçants. Nous leur apprenons à être présents sur les réseaux sociaux. En l'occurrence, le e-commerce ne doit pas être considéré comme un ennemi, mais comme un atout supplémentaire.

Dominique Mocquax, Vice-président de la CCI de Seine-et-Marne. - Pour revitaliser le commerce en centre-ville, nous devons convaincre les commerçants de s'y installer. Nous savons qu'il existe des difficultés quant aux coûts des loyers dans de nombreux centres de villes moyennes. Les propriétaires proposent des niveaux de loyers exagérément élevés. Il s'agit d'un vrai frein. Nous devons, par ailleurs, susciter des vocations. Même si nous formons des jeunes aux métiers de l'artisanat, ils partent travailler dans la grande distribution, ce qui provoque notamment des difficultés de transmission des étals. Il s'agit d'un sujet fondamental. Il est en revanche réjouissant que certains jeunes, qui sont davantage des entrepreneurs que des commerçants, aient mis au point des concepts très évolués. La conjonction est favorable, en l'occurrence, pour favoriser l'émergence de ces vocations, de ces nouveaux projets et de cette créativité. Un travail est à mener pour susciter des vocations et accompagner l'innovation dans le commerce, qui ne sera pas identique à celui que nous connaissions par le passé.

Nous devons également prendre garde à une difficulté à laquelle nous sommes confrontés quant à la possibilité de faire venir les enseignes. Les « locomotives » sont très recherchées. En revanche, nous constatons que ces « locomotives » sont habituées à ne presque pas payer de loyer, y compris dans les centres commerciaux. Nous installons par exemple actuellement une franchise FNAC dans une ville moyenne. Le loyer, la taxe foncière et l'aménagement ne doivent pas excéder 2,5 % du chiffre d'affaires de 3 millions d'euros, tandis que 600 m 2 sont requis. Le modèle économique de ces enseignes est par conséquent aujourd'hui inadaptable aux conditions des centres-villes.

Martial Bourquin, rapporteur. - Lorsque des cellules commerciales sont désuètes, il est intéressant pour la ville de les acheter, de les rénover et de diminuer les loyers, pour éviter la spéculation sur les loyers, qui pose une vraie difficulté en centre-ville. L'argent public, en l'occurrence, doit être consacré à la réhabilitation des centres-villes.

Dominique Mocquax, Vice-président de la CCI de Seine-et-Marne. - Les chambres consulaires ont à assurer un rôle d'accompagnement fort à ce niveau. Il n'est pas aisé, en effet, pour un élu local, de faire face à ce type de situation.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Donnons à présent la parole à Didier Rizzo.

Didier Rizzo, Vice-président de la CCI du Grand Hainaut. - Les Hauts-de-France accueillent aujourd'hui 79 400 commerces et services aux particuliers, qui représentent 358 000 emplois, tandis que 6 400 emplois ont été perdus au cours des huit années écoulées. La réalité reste en effet la perte d'emplois dans une conjoncture dans laquelle l'objectif reste au contraire de préserver l'emploi.

Je rejoins l'ensemble des propos précédents. Je me suis rendu en Allemagne sur invitation d'une chambre de commerce. J'ai constaté que l'Allemagne a refusé que les chambres de commerce soient extraites des CDAC. Par exemple, lorsque la marque Décathlon souhaite installer un magasin en périphérie, la CCI analyse le plan comptable et les articles vendus. Il se trouve que 80 % du chiffre d'affaires de Décathlon est réalisé dans la vente de vêtements. La CCI refuse par conséquent l'installation en périphérie, car le centre-ville doit être privilégié dans la vente de vêtements.

J'ai également été informé, lorsque j'étais en Allemagne, d'un projet d'installation d'une droguerie. L'autorisation d'installation en périphérie n'était donnée qu'à la condition qu'elle fût consacrée aux gros achats, une seconde installation en centre-ville devant être dédiée quant à elle à la droguerie en tant que telle.

Je souhaite revenir également sur les CDAC. 215 000 m 2 ont été autorisés en 2017. 21 000 m 2 ont été refusés. 4 400 m 2 ont été autorisés en centre-ville. Les chiffres sont violents. Pour ma part, je suis élu consulaire pour défendre le commerce de proximité. Je suis par conséquent inquiet. Je le suis également concernant les ronds-points en entrée de ville. Récemment, un maire y a autorisé, l'installation de trois cellules, un opticien, un boulanger, tandis que trois boulangeries sont déjà installées en centre-ville, et un boucher de grande diffusion. Il existe des outils, qui ne sont pas utilisés. Le travail des chambres consulaires consiste également à mettre en oeuvre l'ingénierie nécessaire à l'utilisation de ces produits, qui existent, mais sont souvent ignorés. J'ai demandé, pour ma part, que notre avis argumenté soit systématiquement adressé aux CDAC, qu'il soit positif ou négatif. Il appartient en effet aux chambres de commerce de se positionner sur le développement commercial.

Il existe par ailleurs un sujet particulier, relatif à la numérisation des banques, qui s'apprêtent à fermer 30 % de leurs agences. Un immobilier de qualité est ainsi appelé à se vider dans les centres-villes.

Je suis d'accord quant à la difficulté de trouver des surfaces commerciales en centre-ville. Pourquoi ne pas proposer au propriétaire dont la cellule se vide une aide pour moderniser et mettre aux normes son local commercial, sur l'engagement de la maîtrise du loyer ? Je signale également que le bail 3-6-9 est aujourd'hui trop contraignant. Il freine les jeunes commerçants qui souhaitent s'installer.

En matière de numérisation, enfin, nous avons lancé le 8 mars 2017 une plateforme en collaboration avec nos commerçants. Il s'agit d'une market place, qui réunit près de 100 commerçants et plus de 5 500 produits. Cet outil a permis de fédérer l'ensemble des commerçants et des artisans et de revitaliser les centres-villes par le faire-savoir et les savoir-faire. N'oublions pas que, dans notre pays, aujourd'hui, certains couples de commerçants travaillent 60 heures hebdomadaires pour un gain mensuel de 700 euros.

Gwenaëlle Vandeville, Responsable du service commerce, tourisme. - En Hauts-de-France, par ailleurs, la CCI avait lancé différentes actions d'accompagnement des entreprises, mais de façon dispersée. Nous avons par conséquent lancé la mission Revitalisation commerciale des centres-villes , pour que l'ensemble des actions de la CCI soient orientées vers la revitalisation des centres-villes. Nous proposerons aux collectivités, dans les semaines à venir, une méthodologie et une ingénierie pour un travail commun. Sur la base de l'arsenal réglementaire et législatif existant, en effet, les collectivités fonctionnent ponctuellement, sans stratégie d'ensemble. Nous proposerons par conséquent la mise en place d'un plan d'action où chaque partenaire pourra s'engager sur des actions concrètes. Nous possédons l'ensemble des outils nécessaires. Une simple contractualisation sous forme de charte ou de convention sera nécessaire. Nous pourrons par conséquent être opérationnels rapidement.

S'agissant du numérique, nous constatons fréquemment que le site d'un commerçant seul sur Internet meurt rapidement par manque de flux. La réflexion doit par conséquent être collective. Le numérique doit être mis au service de la revitalisation globale des centres-villes.

Cela étant, nous sommes persuadés que ces mesures concrètes n'aboutiront pas sans évolution législative, notamment au niveau des CDAC. Un échelon régional est essentiel. L'introduction d'un critère de sauvegarde des centres-villes est importante. Nous préconisons également la suppression du seuil de déclenchement de la CDAC pour les projets commerciaux non-alimentaires en centre-ville. Nous recommandons une négociation à l'échelle européenne pour définir la protection des centres-villes comme une raison impérieuse d'intérêt général. Enfin, il serait important, selon nous, d'imposer de nouveau le document d'aménagement artisanal et commercial dans les SCOT.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Nous vous proposons à présent un dernier tour de table.

Robert Martin, Président du Club des managers de centre-ville. - La mutualisation du manager de centre-ville me semble être une fausse bonne idée. En effet, le dispositif ne fonctionne pas. Je peux multiplier les exemples de managers de centre-ville dont les travaux ne progressent pas.

En matière de revitalisation, je me fonde sur l'exemple du Havre. En premier lieu, j'y ai établi un diagnostic. Le Havre accueillait 17 % de friches commerciales. Le commerce était étendu sur 14 kilomètres de rues. Aucun consommateur ne peut parcourir cette distance. La première initiative a consisté par conséquent à travailler sur la centralité commerciale en définissant des polarités. J'ai ainsi réduit la distance à 4 kilomètres, par la définition des rues principales commerçantes, particulièrement attractives de tous points de vue, et par la mise en place de la protection des linéaires commerciaux sur cette zone. 18 rues ont été concernées. Le dispositif interdit en particulier aux commerces de se transformer en services.

Pour être plus opérationnels, certains dispositifs juridiques sont en outre à améliorer. Par exemple, la taxe sur les friches commerciales ne peut pas être mise en place par les élus car elle s'applique sur l'entièreté du territoire. Il serait souhaitable qu'elle s'applique uniquement sur le périmètre du commerce pour être efficace. Le dispositif anti-friche, quant à lui, ne prévoit aucune sanction.

Joël Fourny, Troisième vice-président de l'APCMA et président de la CMAR Pays-de-la-Loire. - Les débats ont été riches. Des leviers sont apparus. Je pense pour autant qu'un certain nombre de leviers existants sont à revoir. Un travail de fond est à réaliser sur l'existant. Un certain nombre d'activités ont notamment besoin de moderniser leurs équipements. Elles doivent être accompagnées. Un nombre élevé d'actions sont ainsi à mettre en place, par exemple en termes de formation. Nous devons en outre travailler sur la transmission et la reprise d'entreprises. Nous devons davantage anticiper dans ce domaine. Le FISAC avait en particulier pour objectif d'accompagner cette dynamique. Je pense qu'il conviendrait par conséquent de revoir également son fonctionnement.

Martial Bourquin, rapporteur. - Le FISAC a « fondu comme neige au soleil ». Mon collègue avait proposé un amendement pour lui octroyer de nouveau un montant de 300 millions d'euros. L'Assemblée nationale s'est prononcée défavorablement.

Joël Fourny, Troisième vice-président de l'APCMA et président de la CMAR Pays-de-la-Loire. - Il s'agit pourtant d'un outil intéressant pour maintenir les commerces en centre-ville et en centre-bourg.

François-Xavier Brunet, Président de la CCI de Tarbes et des Hautes-Pyrénées. - S'agissant des CDAC, je pense que le débat sur la place des CCI et des CMA mériterait d'être rouvert, car il s'agit juridiquement d'établissements publics de l'État. Par ailleurs, les seules études d'impact actuellement sont celles apportées par le pétitionnaire, ce qui explique les raisons pour lesquelles l'information sur la destruction d'emplois n'y figure pas. Une proposition forte consisterait par conséquent à introduire des études d'impact indépendantes. En outre, l'échelon départemental n'est plus cohérent avec la loi NOTRe. Il n'est pas intangible. Il me semble qu'il serait préférable, à présent, de donner la prééminence à l'intercommunalité. Enfin, la loi Raffarin avait permis d'atteindre une certaine forme d'équilibre. Il conviendrait ainsi de revenir à une surface de 300 m 2 au niveau des CDAC.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Merci pour vos contributions. Nous aurons à présent besoin de votre soutien.

Martial Bourquin, rapporteur. - Vos interventions ont été remarquables. Soyez à nos côtés.

TABLE RONDE DES PROFESSIONNELS DU FONCIER,
DE L'AMÉNAGEMENT, ET DE LA PROMOTION (4 AVRIL 2018)

Le mercredi 4 avril 2018, le groupe de travail, à l'occasion de la table ronde « des professionnels du foncer, de l'aménagement et de la promotion », a entendu : Laëtitia Pageot, GIE Paris commerces. Bérénice Decoin, GIE Paris commerces, Magali Vergnet, Responsable développement territorial à la SEMAEST ; Arnaud Portier, Secrétaire Général de l'Association nationale des établissements publics fonciers locaux ; Philippe Labouret, Président Directeur-Général de Sodes ; Stéphane Keïta, Président Directeur-Général de la SCET ; Jacques Schombourger, SCET ; François Brière, Fédération nationale des Conseils d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement ; Valérie Charollais, Directrice de la Fédération nationale des Conseils d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement ; Emmanuel Fauchet, Directeur du conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement de la Manche de la Fédération nationale des Conseils d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement ; Gilles Allard, Président de l'Association des Directeurs Immobiliers ; Soizic Millot, Consultante pour la société Domaines Publics, Association des Directeurs Immobiliers ; Jean-Marc Torrollion, Président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) ; Loïc Cantin, Président adjoint de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) ; Nicolas Grivel, Directeur Général de l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine ; Damien Ranger, Directeur des relations institutionnelles de l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, nous sommes heureux de vous accueillir pour notre onzième et dernière table ronde. Après avoir entendu les acteurs du petit commerce, ceux des enseignes de centre-ville de proximité, des experts, des élus locaux, des acteurs économiques, des représentants des centres commerciaux et de la grande distribution, les ministères et institutions gouvernementales et plus récemment les chambres consulaires et le club des managers de centre-ville, il nous semble important d'entendre maintenant les professionnels du foncier, de l'aménagement et de la promotion et de recueillir à la fois leurs éclairages sur leur rôle en matière d'aide à la gestion, de mobilisation et de maîtrise du foncier, et plus globalement leurs propositions pour revitaliser les centres-villes et les centres-bourgs.

En quelques mots, rappelons le périmètre et l'objectif de notre groupe de travail pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Il est composé de 18 sénateurs représentatifs de tous les groupes politiques du Sénat, des six commissions permanentes concernées (lois, finances, culture, développement durable, affaires économiques, affaires sociales) et des délégations sénatoriales aux collectivités territoriales, d'une part, et aux entreprises, d'autre part.

Un premier rapport, publié en juillet dernier, faisait le constat de la fragilisation des centres-villes et des centres-bourgs et le recensement des différents facteurs pouvant expliquer cette situation. Ces facteurs sont multiples. Aujourd'hui, nous souhaitons définir des solutions audacieuses face à ce que nous ne considérons pas comme une fatalité. Car cette question soulève un enjeu majeur pour notre groupe de travail : celui de la conception que nous nous faisons de la ville de demain et du lien social. Souhaite-t-on pérenniser la ville « à l'européenne », avec un centre, lieu de vie sociale, citoyenne, culturelle, religieuse... bref, un lieu de vie collective et d'identité ?

Les questions que nous allons vous poser aujourd'hui se ramènent au fond à trois interrogations : comment aider les centres-villes à retrouver un dynamisme grâce à votre engagement ? Comment les professionnels du foncier peuvent-ils être mobilisés au quotidien et non pas ponctuellement dans des plans isolés ? Comment les collectivités peuvent-elles retrouver une maîtrise foncière qui semble un préalable indispensable à tout plan de revitalisation ?

Martial Bourquin, rapporteur. - Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Comme indiqué par Rémy Pointereau, la question du foncier est une question essentielle. Il est ainsi impossible de mener des projets à leur terme sans la maîtrise du foncier. Cette problématique centrale est particulièrement importante pour les élus, et notamment pour les maires.

La question principale est donc de savoir comment améliorer et développer la maîtrise du foncier. Se pose notamment la question de savoir si des améliorations législatives doivent être proposées.

Se pose également la question de savoir si les pouvoirs du maire sont suffisants dans ce domaine.

La problématique du temps est un autre enjeu important. Les projets d'aménagement s'inscrivent ainsi sur le temps long. Dans le cadre de la situation actuelle, un projet de ZAC ambitieux nécessite au moins dix ans. Se pose la question de savoir si ce temps pourrait être raccourci.

Se pose par ailleurs la question de savoir s'il existe les outils nécessaires et s'ils doivent être améliorés.

Le groupe de travail va vraisemblablement proposer d'abaisser le seuil d'autorisation pour l'ouverture d'un commerce à 400 mètres carrés. La loi de modernisation de l'économie n'aurait pas dû rehausser ce seuil à 1000m², et ce d'autant plus que ce relèvement n'a jamais été recommandé par l'Union européenne, contrairement à ce qui nous avait été indiqué à l'époque. Cette solution vous semble-t-elle satisfaisante ?

Les EPF constituent un élément essentiel en matière de maîtrise du foncier par les élus. Sur ce point, le projet de loi ELAN aborde la question des mini-foncières. Quelle est votre position sur ce sujet ? Se pose en outre la question de savoir s'il est encore possible d'améliorer le fonctionnement des EPF, que je considère déjà comme satisfaisant.

Des interrogations ont également été soulevées concernant les ABF pour les villes patrimoniales. Certains maires auditionnés nous ont ainsi indiqué que les villes patrimoniales de taille moyenne se trouvaient souvent dans l'incapacité de lancer des projets de réhabilitation compte tenu de l'importance des coûts et des normes.

Le droit de préemption consiste également un outil important, même s'il doit être utilisé avec parcimonie compte tenu de son coût. Je conseille souvent aux maires de le renforcer concernant les baux commerciaux, en ce que le droit de préemption agit souvent comme un outil de dissuasion. Quelles sont les améliorations qui pourraient être apportées à ce dispositif ?

Se pose en outre la question de savoir si le fonctionnement actuel des baux commerciaux est adapté aux petits commerces et à l'artisanat. Ce fonctionnement nous semble être excessivement lourd. Il nous semblerait intéressant que les baux commerciaux soient moins rigides.

Telles sont les principales questions sur lesquels nous souhaitons vous entendre. Nous ne pouvons laisser nos centres-villes et centres-bourgs dans l'état dans lequel ils se trouvent actuellement. Le Gouvernement a prévu de traiter 222 villes en cinq ans. Il est inconcevable de s'en tenir à cet objectif. La question de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs est une question structurelle, à laquelle il convient d'apporter des réponses structurelles. Ce qui a été réussi avec l'ANRU peut être réussi pour les centres-bourgs et les centres-villes.

François Brière, Fédération nationale des Conseils d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement. - Vous avez soulevé de nombreuses questions extrêmement intéressantes. En tant que maire de Saint-Lô depuis 14 ans et élu municipal depuis de nombreuses années, le premier élément auquel je me heurte directement est la problématique des copropriétés. Des sommes importantes sont ainsi investies dans la rénovation de l'espace public, mais une fois sortis de l'espace public, nous rencontrons des problématiques importantes s'agissant des éléments tels que les arrière-cours ou les porches. Ces éléments sont ainsi invendables, les notaires refusent de rédiger des actes de mutation et les interlocuteurs sont souvent extrêmement nombreux pour un même îlot, ce qui empêche bien souvent d'avancer.

Nous avons opté pour l'utilisation du dispositif POPAC (Programme Opérationnel de Prévention et d'Amélioration des Copropriétés), mais nous nous heurtons tout de même à la problématique de la désorganisation des copropriétés. Se pose donc la question de savoir s'il serait possible d'envisager un outil de nature coercitive qui permettrait de contraindre les copropriétés à réaliser a minima les travaux de base, voire à développer une ambition commune avec les pouvoirs publics. Se pose notamment des questions concernant l'embellissement des immeubles, la reprise des espaces végétaux ou des espaces de jeu ou encore l'installation d'ascenseurs.

L'EPF est enfin un outil offrant des capacités d'intervention importantes pour les villes moyennes, en lien avec les CAUE. La procédure reste toutefois relativement longue et complexe, alors que certains projets de réhabilitation nécessitent que des réponses rapides soient apportées.

Valérie Charollais, Directrice de la Fédération nationale des Conseils d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement. - En amont de la problématique de la maîtrise du foncier, la question de l'urbanisme constitue également un élément essentiel. La problématique de dévitalisation des centres-villes et centres-bourgs est ainsi souvent liée à une survitalisation des espaces périphériques, ce qui renvoie à la question de la place des élus.

Il existe déjà un certain nombre d'outils permettant de concevoir des projets politiques pour la ville. La question centrale est donc souvent celle de la compétence des élus en matière d'urbanisme. Ces propos ne consistent pas à dire que les outils actuels ne doivent pas être améliorés, mais il me semble que la question de la revitalisation des centres-bourgs et centres-villes est également une question d'urbanisme. Or l'ingénierie dédiée à l'urbanisme est souvent très insuffisante. Les collectivités locales s'inscrivent ainsi dans une forme de paradoxe, souhaitant à la fois disposer de lieux faciles d'accès en périphérie et revitaliser le centre-bourg ou le centre-ville.

Il semble donc particulièrement important que les élus soient accompagnés par des équipes pluridisciplinaires compétentes en matière d'urbanisme. Il nous arrive notamment de siéger au sein de CDAC, qui constituent des espaces de dialogue, d'explication et de pédagogie.

En conclusion, la question de l'existence d'un projet politique à l'échelle d'un territoire global me semble plus importante que celle des outils.

Magali Vergnet, Responsable développement territorial à la SEMAEST. - La SEMAEST est un établissement public local. Elle constitue une SEM de la ville de Paris mais également d'autres territoires tels qu'Est Ensemble, la Caisse des Dépôts et consignations. Créée il y a quinze ans, la SEMASET est le seul opérateur public local dédié au commerce de proximité et à la revitalisation des centres-villes. Elle assure autant des activités de portage que d'opérateur.

À notre sens, le commerce de proximité en centre-ville n'est pas une activité uniquement économique, en ce qu'il constitue également un service pour le public, ce qui légitime l'intervention des pouvoirs publics et des élus locaux en la matière. De plus en plus de villes nous sollicitent, et tous les maires que nous rencontrons arrivent à la même conclusion. Il est nécessaire de disposer d'une structure foncière locale pour disposer de la maîtrise du foncier.

Il convient en outre de souligner que les commerces de centres-villes ne peuvent avoir le même aspect que les commerces des centres commerciaux. Les enseignes et les activités doivent ainsi être différentes, faute de quoi les centres commerciaux seront toujours plus attractifs. Il nous semble donc nécessaire de créer une nouvelle économie de proximité en favorisant les commerces de proximité, les associations, les entreprises de l'économie sociale et solidaire, les services publics ou encore l'artisanat, dans l'objectif de constituer un tissu.

Il est important que les porteurs de projets de ce type soient accompagnés par des financements publics. Les investisseurs privés se concentrent ainsi sur les territoires présentant déjà une dynamique importante, ce qui est compréhensible en matière de logique économique. Les centres-villes dévitalisés ne pourront donc être revitalisés sur la base d'une seule logique économique, et ce d'autant plus que les cellules concernées sont souvent des petites cellules à rénover présentant une faible rentabilité. Il est donc nécessaire que les investissements et les actions publics contribuent à former une sorte d'incubateur pour le commerce, engendrant ainsi un effet de levier vis-à-vis des investisseurs privés en créant du flux.

Or la difficulté est que la gestion et la commercialisation des cellules commerciales ne sont pas le métier des villes et des EPFL. À titre d'exemple, compte tenu des règles de la comptabilité publique, les structures publiques ne peuvent ainsi négocier ou échelonner les dettes lorsque les commerçants se trouvent confrontés à des difficultés. La solution qui nous semble la plus intéressante est donc le recours à des établissements publics locaux de type SEM ou SPL, qui sont soumis aux règles de la comptabilité privée et qui peuvent exercer des métiers relevant du privé tout en disposant d'une gouvernance publique, dans le cadre de laquelle les orientations restent fixées par les élus.

À l'inverse, nous ne croyons pas réellement en l'outil que constituent les mini-foncières, en ce qu'elles s'appuient uniquement sur les notables et les intérêts privés.

Les EPFL constituent également des outils importants. La difficulté est toutefois que ces établissements sont des structures portage, et non des structures de commercialisation. Il reste donc nécessaire de recourir à des opérateurs, qui ne peuvent être que les SEM ou les SPL.

Il est enfin important que les opérations s'inscrivent dans un projet global d'aménagement. Il est ainsi nécessaire qu'une opération soit intégrée au PLU et qu'il existe un projet d'aménagement pour que le droit de préemption urbain (DPU) puisse être fondé juridiquement.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Selon vous, existe-t-il des verrous législatifs qu'il serait nécessaire de lever ? Par ailleurs, quelle est votre position concernant les propositions contenues dans le projet de loiELAN ?

Magali Vergnet, Responsable développement territorial à la SEMAEST. - Il me semble nécessaire de renforcer les capacités de financement des EPL. Un travail doit également être mené concernant le DPU, qui est aujourd'hui lié au PLU. Or le PLU étant généralement intercommunal, les villes-centres n'ont donc pas la main sur le DPU. Le DPU peut lui être délégué, mais la ville ne pourra alors le déléguer elle-même à un opérateur qu'elle missionnera pour commercialiser les espaces concernés, en ce que le DPU était à l'origine pensé comme un droit en lien avec le logement. Il nous semblerait donc nécessaire de distinguer un DPU pour le commerce et un DPU pour le logement, afin que les villes-centres puissent se saisir du premier et le déléguer à un opérateur sans passer par l'intercommunalité.

Bérénice Decoin, GIE Paris commerces. - Le GIE Paris commerces est un groupement constitué des trois bailleurs sociaux de la ville de Paris. Il a été créé en juin 2017 dans un objectif de commercialisation mutualisée des locaux vacants en pied d'immeuble. Le patrimoine des trois bailleurs sociaux représente environ 10 % des commerces parisiens, et l'impact de l'action du GIE Paris commerces est donc extrêmement important.

Le nombre de locaux vacants à Paris est d'environ 250 à 300 par an. Le patrimoine du GIE Paris commerces est essentiellement situé au sein de la couronne Est, et principalement en périphérie. Ce patrimoine est donc localisé au sein des zones les moins dynamiques de Paris.

La feuille de route fixée par la ville de Paris comprend plusieurs objectifs, dont la redynamisation des quartiers populaires, l'adaptation aux territoires et la facilitation de l'accès aux locaux, et notamment pour les créateurs d'entreprise. Hormis le dépôt de garantie, l'entrée au sein des locaux du GIE est ainsi gratuite. Il me semble que le corpus réglementaire actuel offre déjà une certaine souplesse, à condition de bien vouloir l'utiliser.

En matière de méthode, nous essayons de développer de nombreux partenariats. Nous travaillons ainsi en lien avec les élus locaux, et notamment les maires d'arrondissement et les élus sectoriels de la ville de Paris, ainsi qu'avec l'ensemble des parties prenantes du secteur concerné. Nous travaillons également de manière importante avec la SEMAEST, qui est membre du dispositif Paris commerces.

Nous partageons les propos de Magali VERGNET concernant la nécessité de favoriser l'occupation des locaux en pied d'immeuble par des petits commerces, des créateurs d'entreprise ou des artisans.

Nous essayons enfin de développer des méthodes innovantes via le lancement d'appels à candidatures ou d'appels à projets, notamment lorsque de nombreux locaux sont vacants au sein d'un même secteur en cours de réhabilitation. Le fait de louer les locaux vacants de manière massive constitue ainsi un réel effet de levier pour la dynamique du secteur concerné.

Nicolas Grivel, Directeur Général de l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine. - L'ANRU est confrontée à la problématique évoquée ce jour à double titre. Elle l'est à la fois dans le cadre de son programme de rénovation urbaine portant sur des quartiers relevant de la politique de la ville, et notamment depuis que le critère de la politique de la ville est désormais la concentration de la pauvreté en milieu urbain, et à la fois dans le cadre de son programme relatif aux quartiers anciens dégradés lancés en 2009. À titre d'illustration, sur les 222 villes évoquées par Martial Bourquin, 138 relèvent d'un programme ANRU. Une quarantaine de ces villes sont en outre concernées au titre de leur centre-ville.

Le premier enseignement que j'ai pu tirer au cours des dernières années est qu'il est nécessaire de s'inscrire dans une logique de projet. Les projets ne peuvent être des additions d'opérations isolées. Ces opérations doivent s'inscrire dans une dimension globale portant à la fois sur le commerce, l'habitat et les services publics, afin de combiner et de maximiser leurs effets respectifs. Cette nécessité rend toutefois la conception des projets plus longue et plus exigeante.

Il est également important que les projets soient intercommunaux. Il existe ainsi une porosité entre les territoires, et il est donc important qu'une complémentarité soit trouvée entre les centres-villes et leurs périphéries. Les projets doivent également inclure des acteurs publics et privés. Comme indiqué dans le cadre des interventions précédentes, il est enfin indispensable de disposer de la maîtrise du foncier et d'être accompagnés par des acteurs compétents en la matière.

Compte tenu de ces éléments, une des questions principales est de savoir comment porter des projets efficaces lorsqu'il n'existe pas d'acteurs locaux suffisamment solides et expérimentés. Dans cette perspective, il pourrait être intéressant de développer des mutualisations des opérateurs au niveau régional, afin de démultiplier leur force de frappe.

Au-delà de la maîtrise du foncier, qui est effectivement un élément important, les aspects financiers constituent également un point essentiel. La mobilisation du foncier nécessite ainsi qu'un acteur soit en mesure de financer le déficit foncier engendré par l'opération, ce qui n'est pas la vocation des opérateurs. Ce point doit être réfléchi en amont des projets.

J'ajouterais enfin que l'équipement et l'aménagement publics constituent des éléments essentiels pour que le cadre de vie soit perçu comme un cadre de vie de qualité, et que l'image des territoires concernés soit améliorée. Les élus sont effectivement en charge du portage des projets, mais ils ne peuvent parvenir à des résultats satisfaisants s'ils agissent de manière isolée. Nous avons ainsi été confrontés à des territoires qui ont réussi à mobiliser le foncier nécessaire, mais qui ne sont finalement pas parvenus à identifier les relais économiques nécessaires pour que les espaces acquis soient occupés.

Martial Bourquin, rapporteur. - L'ANRU a notamment procédé à des projets de dédensification de certains centres-villes. Compte tenu de la multiplicité des propriétaires concernés. Comment l'agence s'y est prise pour mener à bien des projets de ce type ?

Nicolas Grivel, Directeur Général de l' Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine. - Il arrive effectivement que nous soyons amenés à détruire des immeubles en périphérie pour les reconstruire en centre-ville, soit via la réalisation d'opérations neuves, soit via l'acquisition, l'amélioration et la transformation en habitat social d'immeubles d'habitat privé acquis par les bailleurs sociaux. Les opérations de ce type présentent le double avantage d'afficher une reconquête du centre-ville et d'y redonner une capacité de gestion aux bailleurs sociaux, avec qui il est généralement plus facile de discuter. Il convient pour ce faire de s'inscrire dans une logique d'acquisition foncière progressive. Certains projets de ce type peuvent toutefois s'avérer difficile, tel que cela est notamment le cas à Marignane. La mairie a ainsi acquis la quasi-totalité du centre-ville au fil de ces dernières années, mais elle ne trouve personne pour occuper les immeubles, car aucune réflexion n'avait été menée en amont concernant la manière de revitaliser le centre-ville, dans le cadre d'une démarche globale. Cette situation atteste de nouveau de la nécessité de travailler en coordination avec différents acteurs.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Notre objectif premier est de repeupler les centres-villes, ce qui nécessite souvent des opérations de rénovation importantes. Nous nous posions donc la question de savoir s'il ne serait pas envisageable d'étendre le champ d'intervention de l'ANRU aux centres-villes, en ce que cela permettrait de bénéficier de financements supplémentaires. Cela devrait toutefois être fait sans obérer la capacité d'intervention de l'ANRU concernant les quartiers relevant de la politique de la ville. Cette solution semble d'autant plus intéressante que certains centres-villes présentent des caractéristiques sociologiques similaires à celles des quartiers relevant de la politique de la ville.

Martial Bourquin, rapporteur. - Pouvez-vous nous communiquer le pourcentage de logements reconstruits par la foncière en centre-ville ?

Nicolas Grivel, Directeur Général de l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine. - Je me renseignerai sur ce point. S'agissant de l'extension du champ d'intervention de l'ANRU, l'agence intervient déjà au sein des 138 des 222 villes identifiées par le Gouvernement. Une quarantaine de ces interventions portent sur les centres-villes. La question de savoir si ce champ d'intervention pourrait être encore étendu renvoie à la question de la compétence législative de l'ANRU, qui intervient uniquement au sein des quartiers prioritaires en matière de la politique de la ville. Ces quartiers sont déjà au nombre de 450 dans le cadre du programme en cours. Les financements de l'ANRU ont d'ailleurs été doublés pour répondre à ces nouveaux besoins. L'État s'est engagé à cette occasion à ce que le nombre de quartiers concernés resterait inchangé.

Il convient en outre de souligner que le périmètre de l'ANRU a déjà été étendu avec le lancement du programme relatif aux coeurs de ville, en partenariat avec la Caisse des Dépôts et consignations, avec l'Action Logement ou encore avec l'AMAP.

Jean-Marc Torrollion, Président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM). - La FNAIM réalise principalement des activités de syndic, de gestion locative, de transaction et de vente de fonds de commerce. À titre personnel, je suis également à la tête d'une activité importante d'administration de biens en région Rhône-Alpes. Dans ce cadre, j'ai pu constater qu'il existait des différences importantes entre les villes, et que les politiques locales ont un rôle déterminant en matière d'attractivité des centres-villes et des centres-bourgs.

Je souhaite débuter mon propos en citant l'exemple des villes de La Côte-Saint-André et de Saint-Étienne de Saint-Jouarre. La seconde a opté pour une zone commerciale en périphérie et son centre-ville est aujourd'hui désert, quand le centre-ville de la première, qui n'a pas opté pour la réalisation d'une zone commerciale en périphérie, est resté particulièrement actif.

Il convient de rappeler que 100 000 logements localisés en centres-bourgs deviennent vacants chaque année par un effet mécanique de déclassement et de migration en périphérie urbaine. Or il est impossible de revitaliser un centre-ville qui se vide de sa population. Il convient donc d'agir sur ce point.Les centres-bourgs sont aujourd'hui majoritairement peuplés de jeunes et de personnes âgées. Compte tenu des nouvelles normes relatives à l'accessibilité PMR, ces secteurs comptent en revanche de moins en moins de commerces et de professions libérales.

La France compte environ un million de petits commerces. Près de 50 000 sont en vente chaque année. Sur ce point, il convient de souligner qu'il existe un problème de rentabilité des petits commerces, problème qu'aucun aménagement ne pourra corriger.

Les baux commerciaux constituent un régime extrêmement protecteur pour les commerçants, mais les dérives qu'ils ont engendrées conduisent aujourd'hui les commerçants à épuiser la grande majorité de leurs capacités financières pour payer le droit au bail, sans pouvoir ensuite réaliser les rénovations nécessaires. Cette situation a eu un effet particulièrement pervers pour les petits commerces, qui s'est avéré dévastateur lorsque les grandes enseignes ont accentué les niveaux de loyer au détriment du pas de porte. Les baux commerciaux sont en outre particulièrement rigides, y compris pour le preneur. Il serait notamment nécessaire de revoir l'obligation d'obtenir l'autorisation du bailleur pour tout changement de destination du local concerné.

Il convient en outre de rappeler que la valeur locative théorique des emplacements commerciaux est bien plus élevée que leur valeur réelle, ce qui a des conséquences sur le montant des taxes foncières. Ce point constitue un facteur réel de renchérissement des coûts.

Certaines initiatives intéressantes sont à souligner. À titre d'exemple, une petite ville vendéenne a interdit aux surfaces de moins de 250 mètres carrés de migrer vers des zones commerciales, ce qui a eu par exemple pour effet de maintenir l'ensemble du tissu bancaire. La juste granulométrie doit être identifiée.

Il me semble en outre nécessaire de s'entourer de spécialistes de l'analyse des flux et du comportement des consommateurs. À titre d'exemple, le centre commercial de la Caserne de Bonne à Grenoble a été conçu sur la base de l'avis des consommatrices concernant le commerce.

Il semble enfin nécessaire de décloisonner la réflexion. À mon sens, un maire ne peut agir seul sur son centre-ville sans prendre en compte une zone de chalandise qui est en réalité bien plus vaste. La réflexion doit donc être menée de manière globale et cohérente, au niveau du territoire.

Martial Bourquin, rapporteur. - 92 % des avis rendus par les CDAC sont des avis positifs, ce qui atteste du fait qu'un grand nombre de dossiers ne font même plus l'objet de débats. Les questions relatives à la zone de chalandise ne sont ainsi plus abordées, alors qu'elles ont un impact majeur sur le centre-ville.

Loïc Cantin, Président adjoint de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM). - À mon sens, la problématique évoquée aujourd'hui concerne trois types de territoires que sont les centres-bourgs, les centres historiques et les extensions des coeurs de ville. S'agissant de la dernière catégorie, si la maîtrise du foncier est effectivement un préalable indispensable, elle n'est pas une condition suffisante pour autant.

L'exemple du projet de l'île de Nantes est éclairant sur ce point. Ce projet est une opération foncière portant sur un espace de 350 hectares, organisé en ZAC. Le foncier est intégralement maîtrisé par une SEM. Le projet prévoyait à l'origine la création de 9 000 logements nouveaux, pour 20 000 habitants supplémentaires attendus en quinze ans, en plus des 35 000 habitants actuels. Le projet prévoyait également la création de bureaux.

Aujourd'hui achevé à 75 %, ce projet a effectivement permis de produire un certain nombre de logements et de commerces en pied d'immeuble, mais il a également permis de constater que nous ne savions plus créer une ville. Le nouveau quartier ne comprend en effet aucune boulangerie, pressing, droguerie ou boucherie.

Au-delà de la seule maîtrise du foncier, il est donc important que les différentes opérations soient accompagnées d'un véritable projet d'écriture urbaine basée sur les besoins. Il est notamment nécessaire de s'appuyer sur des études de marché. Il n'est pas normal que nous ne soyons toujours pas en mesure d'imposer à un propriétaire de lots commerciaux d'affecter ses lots à une destination répondant à des besoins économiques. La volonté politique constitue un élément essentiel.

S'agissant des coeurs de ville, il est nécessaire qu'un rééquilibrage entre les périphéries accueillant de vastes espaces commerciaux et les centres-villes accueillant principalement des surfaces commerciales de taille insuffisante soit réalisé. La ville de Limoges est un bon exemple sur ce point. Le centre-ville présente ainsi des surfaces commerciales particulièrement importantes composées de plusieurs pieds d'immeubles. Cette situation s'explique par le fait qu'un couple propriétaire de plusieurs immeubles avait donné son autorisation pour la création de telles surfaces. Cet exemple atteste de la nécessité de procéder à un remembrement commercial urbain, afin de permettre l'extension des commerces présentant une surface trop restreinte. Les projets de ce type nécessitent toutefois l'existence d'une véritable volonté politique. La FNAIM pourrait mobiliser son syndicat professionnel et produire un kit décisionnel destiné à accompagner les commerçants dans le cadre des processus de décision en copropriété pour favoriser l'ouverture des murs et la communication entre les immeubles.

Jean-Marc Torrollion, Président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM). - Nous réfléchissons dans le cadre de la refonte du droit de la copropriété quant à la possibilité de proposer un amendement qui permettrait de simplifier le remembrement des pieds d'immeuble de deux immeubles adjacents. Les cellules commerciales présentant une surface trop restreinte ne peuvent présenter une rentabilité intéressante.

Loïc Cantin, Président adjoint de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM). - S'agissant enfin des centres-bourgs, j'ai eu l'occasion d'échanger avec un maire à la tête d'une commune en cours de désertification sur le plan commercial. Ce dernier était alors confronté au départ de la supérette de sa commune, dont il envisageait de racheter les murs. Il se posait toutefois la question de savoir quelle pourrait être la manière d'y maintenir un commerce sur le long terme. Nous avions alors opté pour un bail dérogatoire, qui est toutefois limité dans le temps. Se pose donc la question de savoir comment les petites communes peuvent retrouver la maîtrise d'un commerce qu'ils ont eux-mêmes financé et qu'ils entendent maintenir dans leur centre-bourg dès lors qu'il existe une défaillance de l'initiative privée.

En réponse à cette question, la FNAIM propose la mise en place d'un bail dérogatoire, qui permettrait aux collectivités de disposer de la faculté de déroger au statut des baux commerciaux en proposant des baux dérogatoires à durée illimitée. Ces baux permettraient au preneur de prendre congé à tout moment, mais ce dernier serait alors exclu de la possibilité d'accéder à la propriété. La mise en place d'un bail de ce type permettrait aux collectivités de conserver la maîtrise du foncier et de dynamiser leurs centres-villes en proposant à des jeunes commerçants de s'installer et de se faire la main durant une période plus ou moins courte.

Les baux commerciaux constituent un vrai problème, et notamment en raison du fait que le droit français permet à tout propriétaire d'engager une action en déplafonnement du loyer à la valeur locative dès lors qu'il existe un motif. À titre d'exemple, nous avons récemment été amenés à nous pencher sur la situation d'un commerçant dont le propriétaire souhaitait doubler le montant du loyer, qui serait ainsi passé de 1 000 à 2 000 euros par mois, alors que le commerçant concerné présentait un résultat de 18 000 euros. Le déplafonnement du loyer à la valeur locative est en déconnexion totale avec la réalité du commerce en France. La situation est d'autant plus problématique que le juge des loyers est tout aussi déconnecté de cette réalité, et qu'il peut être amené à prendre une décision sur la seule base des éléments de comparaison contenus dans le rapport de l'expert judiciaire.

Gilles Allard, Président de l'Association des Directeurs Immobiliers. - Créée il y a un peu plus de vingt ans, l'association des directeurs immobiliers regroupe 400 adhérents et représente les utilisateurs d'immobilier d'entreprise. L'immobilier d'entreprise est notamment composé de bureaux, d'entrepôts logistiques, de sites industriels et de commerces. Nos adhérents regroupent 70 % des entreprises du CAC 40, mais également un certain nombre de PME et d'entités publiques. L'ensemble de nos adhérents regroupe environ un tiers du parc immobilier des entreprises en France.

Nous avons axé notre réflexion en vue de cette table ronde sur la revitalisation des friches, dont un certain nombre sont situées en coeur de ville. Un ouvrage publié par l'association de reconversion des riches industrielles a été remis aux membres du groupe de travail. Cet ouvrage liste un certain nombre d'exemples de reconversions réussies.

L'association des directeurs immobiliers a entrepris un travail de réflexion dans l'objectif de proposer un certain nombre de mesures qui permettrait la libération d'un foncier inactif ou en passe de le devenir, la question principale étant de savoir quels sont les blocages administratifs et financiers et les améliorations à apporter au dispositif actuel.

Pour mener ce travail, l'association des directeurs immobiliers a décidé de constituer un groupe de travail chargé de travailler à la mise en place d'une sorte de foncière verte virtuelle. Nous nous baserons sur des cas réels pour constituer une sorte de démonstrateur qui permettra d'identifier les blocages et les pistes d'améliorations, et notamment sur le plan procédural et financier.

Les friches industrielles sont des actifs dormants pour les entreprises concernées, qui peinent à les valoriser en raison du fait que les différentes opérations envisageables sont souvent déficitaires. Il est vraisemblablement possible d'améliorer les procédures et de réfléchir à une évolution de la fiscalité permettant de faire en sorte que ces opérations ne soient plus déficitaires.

Il me semble enfin que les dispositions législatives récentes telles que la procédure du tiers demandeur doivent être encouragées, de façon à accélérer les reconversions, en lien avec des opérateurs professionnels.

Arnaud Portier, Secrétaire Général de l'Association nationale des établissements publics fonciers locaux. - Comme indiqué dans différentes interventions, il est effectivement nécessaire d'identifier des modalités de collaboration entre les différences acteurs. Il est également vrai que la maîtrise foncière est une condition indispensable mais pas suffisante, et qu'il est nécessaire de déployer une réflexion politique plus globale.

Dans cette perspective de collaboration et de réflexion globale, l'association des EPFL a contractualisé de nombreux partenariats, et notamment avec l'association des EPL, la Fédération des CAUE ou encore la Fédération des agences d'urbanisme. Des collaborations ont en outre été engagées avec la Caisse des Dépôts et consignations.

S'agissant de la nécessité que les opérations s'inscrivent dans un projet politique plus global, il est important de rappeler qu'un EPFL n'intervient pas seul mais à la demande d'une collectivité. Il arrive que ces sollicitations ne soient pas suffisamment abouties, auquel cas il est nécessaire de procéder à une réflexion préalable pour déterminer les meilleurs outils à mettre en place pour mener l'intervention concernée.

Concernant plus particulièrement les outils, il me semble nécessaire de mener une réflexion en vue de la simplification de l'utilisation du DPU. Les premiers retours des collectivités qui ont mis en place un droit de préemption commercial attestent du fait que ce dispositif est particulièrement complexe à mettre en oeuvre. Les délais sont tellement courts qu'il serait presque nécessaire de disposer d'un catalogue de commerçants en attente pour que ce droit puisse être appliqué.

Martial Bourquin, rapporteur. - Le délai pourrait effectivement être rallongé, mais il restera nécessaire que des commerçants soient en attente. Malgré les délais extrêmement contraints, le droit de préemption commercial est parfois indispensable, et ce d'autant plus qu'il suffit souvent de brandir la menace de son application pour qu'il produise des effets.

Arnaud Portier, Secrétaire Général de l'Association nationale des établissements publics fonciers locaux. - S'agissant du DPU, l'association des EPFL est relativement inquiète concernant les éventuels recours qui pourraient survenir en lien avec la relative opacité en matière de capacité des communautés d'agglomération à déléguer le DPU aux EPFL pour le compte d'une commune sur une compétence propre à la commune. L'association rédigera une proposition qui permettrait d'imaginer une délégation directe ou une subdélégation via la commune, afin que cette pratique puisse être encadrée par un cadre réglementaire mieux défini.

Une autre difficulté que nous rencontrons dans le cadre de nos interventions en centre-ville est le nombre particulièrement important de copropriétaires. Cette situation complique notamment l'usage de la procédure d'expropriation par les collectivités, et ce d'autant plus que l'acquisition d'un logement par voie d'expropriation d'un propriétaire occupant doit désormais être accompagnée par la proposition de trois offres de relogement, ce qui rallonge encore les procédures. Il serait sans doute nécessaire de réfléchir sur ce point. Il pourrait notamment être imaginable de permettre aux opérateurs de s'exonérer de cette obligation dans le cadre de certaines opérations telles que les opérations de réhabilitation de centres-villes, en contrepartie de quoi les propriétaires occupants expropriés se verraient verser une indemnité correspondant à la valeur de leurs biens.

Nous sommes également confrontés à une difficulté liée à la nature de certains logements et à la relative impunité des marchands de sommeil, en lien avec le caractère particulièrement exhaustif de la liste des critères cumulatifs permettant de juger qu'un logement est un habitat indigne. Il serait souhaitable que ce système soit assoupli, afin que les propriétaires peu scrupuleux ne soient plus en mesure de louer des logements en état dégradé, ce qui les conduirait nécessairement à les réhabiliter ou à les mettre à la vente.

Il serait en outre souhaitable que les collectivités locales et les outils tels que les EPF et les EPFL bénéficient de la capacité d'exonérer un propriétaire privé cédant de taxation sur la plus-value dans les mêmes conditions que les bailleurs sociaux. Les outils que sont les EPF et les EPFL sont aujourd'hui positionnés au sein du huitième alinéa de l'article 150 U du Code général des impôts. Il serait préférable qu'ils soient positionnés au sein du septième alinéa, au même titre que les bailleurs sociaux, en ce que le huitième alinéa impose un délai de trois ans pour réorienter le bien vers un logement social ou conventionné. Ce délai est largement insuffisant dans le cadre des opérations concernant les centres-villes.

S'agissant des ABF, dont l'intervention est absolument nécessaire dans un certain nombre de cas, les difficultés rencontrées sur le terrain proviennent du fait que ces interventions sont réalisées de manière sectorisée, et notamment en fonction de la distance du ou des bâtiments historiques considérés. Il nous semble que les interventions de l'ABF seraient bien plus bénéfiques si un travail plus fin était mené en vue d'identifier les immeubles pour lesquels une autorisation préalable de l'ABF est absolument nécessaire.

Il nous semble en outre que la réglementation et les obligations en vigueur sont relativement opaques. À titre d'exemple, des propriétaires souhaitant rénover un bien situé en centre-ville de Bayonne se sont vus opposer une interdiction d'installer du double vitrage par l'ABF, alors que la volonté des pouvoirs publics est par ailleurs de réduire la consommation d'énergie. Des adaptations sont sans doute nécessaires sur ce point.

Nous nous heurtons enfin à des difficultés importantes liées au fait que les opérations de rénovation urbaine ne sont jamais équilibrées sur le plan financier compte tenu de leur coût. Face à cette situation, de nombreux EPFL réfléchissent actuellement à la possibilité de se constituer en organismes fonciers solidaires, ce qui leur permettrait de dissocier la propriété foncière de la propriété bâtie, et donc de consentir la capacité de reconstruire des biens à des opérateurs. Pour ce faire, il serait nécessaire qu'une partie des coûts de la réhabilitation des immeubles puisse être intégrée à la charge foncière qui serait portée par les organismes fonciers solidaires, afin que la valeur de sortie permette de proposer des logements attractifs et commercialisables.

Stéphane Keïta, Président Directeur-Général de la SCET. - Créée il y a soixante ans, la SCET est un cabinet de conseil en ingénierie et en assistance à maîtrise d'ouvrage détenu par la Caisse des Dépôts et consignations. Elle s'est récemment étendue à un nouvel archipel d'expertise avec l'acquisition d'un cabinet d'expertise immobilière et foncière, d'un cabinet de conseil en projets urbains et d'un cabinet de conseil en stratégie de logement social. Ces différentes expertises ont été articulées pour permettre à la SCET d'assumer un nouveau rôle d'accompagnement des collectivités locales dans le cadre de projets complexes, à même de répondre à la complexification croissante des différents projets d'aménagement.

La SCET a joué un rôle important en matière de revitalisation des centres-villes au cours de ces dernières années. Nous avons ainsi alerté notre actionnaire quant au fait que nous étions systématiquement confrontés aux mêmes problématiques lors de nos interventions dans les villes moyennes, en lien avec la déprise du commerce en centre-ville. Nous avons donc essayé de modéliser des réponses à ces problématiques avec la Caisse des Dépôts et consignations, ce qui a finalement donné lieu à la mise en place du projet centres-villes de demain en 2016, qui a en quelque sorte été la matrice du programme Coeurs de ville dont la Gouvernement a récemment fait la promotion.

Je partage tout ce que j'ai entendu jusqu'à présent concernant les opérations de revitalisation, et notamment quant à la nécessité de les inscrire dans une approche globale. Je souhaiterais toutefois apporter trois précisions.

La première est que les opérations de revitalisation constituent en réalité des opérations de reconfiguration des centres-villes sur des emplacements stratégiques. L'objectif n'est ainsi pas d'inverser les causes de la dévitalisation que sont la déprise des services publics, la désindustrialisation ou encore l'arrivée des grandes surfaces, mais bien de réorganiser les centres-villes. Il est important que cet aspect soit pris en compte.

La deuxième précision est que les opérations de revitalisation sont des opérations de longue durée, parfois consubstantielles au développement urbain. À titre d'exemple, la ville d'Avignon fait l'objet d'opérations de revitalisation urbaine de manière permanente depuis 1962. De même, la petite ville de Vouavres dans les Vosges s'est vu attribuer un prix en 2017 pour un avoir réussi à construire quinze maisons et à installer une start-up produisant des jouets en bois dans le cadre d'un programme de revitalisation entamé en 1990.

La troisième précision est qu'il est important que la problématique d'adéquation entre l'offre et la demande soit prise en compte. La situation de Châlons-en-Champagne est exemplaire sur ce point. Il a ainsi été décidé d'y mener une démarche dite du prisme réel, dont le principal objectif était d'interroger les usages et d'étudier les habitudes de l'ensemble des Chalonnais en centre-ville, afin de déterminer quels étaient réellement les besoins et les usages de la ville avant de procéder à sa rénovation. Ce point me semble être extrêmement important.

S'agissant enfin de la question du foncier, je me joins aux interventions précédentes concernant le poids des copropriétés dans les difficultés à maîtriser l'immobilier commercial, et notamment en raison de la fragmentation de la propriété et du caractère extrêmement important des contraintes existant en matière de délai. Il convient également de réfléchir sur la problématique du niveau souvent important des charges refacturées aux commerces de bas d'immeuble, qui constituent une sorte de variable d'ajustement des coûts de construction, et notamment concernant le logement social.

Compte tenu de ces éléments, notre proposition consiste à étudier les moyens qui permettraient de promouvoir la division en volume, via une modification du régime de la copropriété permettant de faire en sorte que les commerces en soient détachés.

Jacques Schombourger, SCET. - En comparaison avec l'univers dont je suis issu en tant qu'ancien Directeur de l'immobilier de groupes importants tels que Mark & Spencer ou Ikea, le centre-ville a trente ans de retard en matière de gestion de la ressource foncière.

Dans ce cadre, il nous semble indispensable de constituer des ensembles présentant une division en volume, de façon à faire en sorte que les pieds d'immeuble puissent être gérés de manière horizontale et constituer des ensembles immobiliers cohérents et commercialement attractifs, permettant en outre une modulation des loyers en fonction de la nature des activités. La création de foncières permet d'oeuvrer en ce sens. Nous procédons d'ailleurs de la sorte dans toutes les villes au sein desquelles nous intervenons. Il existe un réel besoin de gestion coordonnée, ce qui nécessite l'existence de foncières disposant d'une certaine expertise. Les expertises et les ressources pouvant être mutualisées par les foncières sont capitales pour remettre à niveau les centres-villes par rapport à la concurrence périphérique, qui a disposé de bien plus de flexibilité.

Philippe Labouret, Président Directeur-Général de SODES. - J'ai eu la chance d'être responsable de la ville nouvelle d'Évry durant dix ans. J'ai à ce titre été amené à travailler sur l'aménagement du centre-ville et de centres de quartier. Cette expérience m'a permis de constater qu'il existait en France des promoteurs de logement et des promoteurs de centres commerciaux périphériques, mais pas d'opérateur spécialisé sur les rez-de-chaussée. J'ai donc créé une division en charge des pieds d'immeuble au sein de l'établissement public en charge de la ville nouvelle d'Évry, en raison du fait qu'il me semblait nécessaire que les pieds d'immeuble soient gérés par un seul opérateur, et non pas un opérateur achetant en VEFA, mais un opérateur en charge de la construction en tant que partenaire des promoteurs de logement.

Après dix ans passés à la tête de la ville nouvelle d'Évry, j'ai décidé de créer un opérateur spécialisé dans les centres commerciaux urbains. Cet opérateur a rencontré un succès important. Nous avons opéré au sein de l'ensemble des villes nouvelles, mais également au sein d'un certain nombre de centres de quartier créés en périphérie. Notre objectif est systématiquement d'identifier le bon urbanisme, la bonne architecture et le bon stationnement.

Par ailleurs, nous demandons systématiquement à échanger avec un interlocuteur unique tout au long du projet. Nous avions effectivement constaté dans le cadre d'une opération menée à Toulouse que l'instabilité des interlocuteurs constituait un problème important.

Les questions qui nous occupent aujourd'hui constituent un défi pour les dix années à venir. Jusqu'à présent, nous avons procédé à la revitalisation des centres-villes en tentant de réglementer l'implantation des commerces au travers de la CDAC, qui n'a pourtant aucun sens compte tenu du fait que les élus sont interrogés sur le nombre de mètres carrés souhaités, mais pas sur la manière dont ils seront aménagés.

Il convient en outre de souligner que 290 projets périphériques sont en cours de réalisation, ce qui est éminemment contradictoire avec l'objectif affiché de revitalisation des coeurs de ville.

Compte tenu de ces éléments, la première chose à faire aujourd'hui serait de faire en sorte que l'implantation des commerces ne soit plus réglementée par les CDAC mais par les PLU. Il est ainsi inutile de tenter de revitaliser les centres-villes tout en laissant les surfaces périphériques se développer.

Il serait en outre nécessaire d'instaurer une taxe sur les mètres carrés périphériques visant à financer la création de places de stationnement en centre-ville.

Rémy Pointereau, rapporteur. - Nous comptons effectivement proposer la mise en place d'une taxation des places de parking périphériques pour financer la réalisation d'opérations en centre-ville.

Philippe Labouret, Président Directeur-Général de SODES. - Le changement des populations doit également être pris en compte. Ainsi, les quartiers difficiles sont désormais majoritairement composés de populations d'origine étrangères. Or ces populations ne fréquentent pas un certain nombre des commerces qui y étaient jusqu'alors installés, ce qui contribue à la dégradation des quartiers concernés.

S'agissant de la maîtrise du foncier, l'AFTRP a acheté l'ensemble des terrains nécessaires à la construction des villes nouvelles. Nous travaillons actuellement sur une opération à Clichy-Montfermeil, dans le cadre de laquelle l'EPF remplit ses missions de manière satisfaisante.

Nous avons en outre réalisé la ZAC Velotte à Montbéliard. Il a été décidé d'y installer des surfaces moyennes, mais le maire de l'époque n'a alors pas eu le courage de bloquer le développement d'une ZAC en périphérie, ce qui a conduit à une désertion progressive du centre-ville.

Martial Bourquin, rapporteur. - S'agissant de Montbéliard, la pire des décisions a été d'inciter les professions libérales à s'installer au sein de la zone franche pour bénéficier d'exonérations fiscales importantes.

Philippe Labouret, Président Directeur-Général de SODES. - Compte tenu de l'ensemble des éléments évoqués précédemment, mes recommandations consistent à mettre un terme aux CDAC et à inscrire les surfaces commerciales au sein des PLU, à instaurer une taxe sur les surfaces périphériques pour financer la construction de places de parking en centre-ville, à fixer des limites à la justice en matière de droit à l'éviction et à former les élus concernant les questions d'aménagement et d'urbanisme.

Rémy Pointereau, rapporteur. - L'élément essentiel est surtout que les élus sachent s'entourer.

Philippe Labouret, Président Directeur-Général de SODES. - Ma dernière recommandation consiste enfin à favoriser la constitution de foncières importantes.

Joël Labbé. - La réunion de ce jour risque d'être relativement frustrante, en ce que nos échanges mériteraient qu'une journée entière leur soit consacrée tant ils sont riches. Je ne comprends pas comment nous avons pu en arriver à la situation actuelle compte tenu de l'existence de vos structures.

Il est vrai que les élus peuvent être bien entourés, mais il n'en reste pas moins qu'ils sont en charge de donner les perspectives et d'assumer les responsabilités. Il me semble donc important qu'ils soient formés concernant les problématiques d'aménagement.

Le développement du e-commerce, qui n'a pu être évoqué aujourd'hui, constitue également un élément à prendre en compte concernant la revitalisation des coeurs de ville.

Patricia Schillinger. - Mulhouse est l'exemple type d'une ville concernée par un changement de population dont il convient de tenir compte en matière d'organisation de la ville. La population souhaite aujourd'hui revivre en ville.

La ville dont je suis maire est une petite ville de 3 500 habitants. Elle reste toutefois dynamique, et notamment en raison du fait que l'école a été maintenue au centre de la ville, et ce contre l'avis d'un certain nombre de parents. Il est important que les élus ne cèdent pas concernant un certain nombre de choix politiques.

Sonia De La Provôté. - Je partage les propos de Monsieur CANTIN concernant l'Île de Nantes, qui a effectivement été pensée sans tenir compte des besoins et des usages. Il est important que les élus s'entourent de personnes qui ne conçoivent pas uniquement l'urbanisme en termes esthétiques.

Je tiens en outre à rappeler que l'ABF n'a pas tous les droits. Les élus peuvent également être à la manoeuvre via le dispositif des aires de mise en valeur du patrimoine, qui permet de mener un travail concerté avec l'ABF, les associations, les citoyens et les personnes en charge de l'urbanisme. Cet outil est un outil particulièrement intéressant.

Valérie Charollais, Directrice de la Fédération nationale des Conseils d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement. - Il me semble important de ne pas totalement exclure les grandes enseignes de la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. L'installation de grandes enseignes n'est pas nécessairement un échec, et certaines petites enseignes ou commerces de proximité peuvent également donner lieu à des catastrophes. Les grandes enseignes correspondent en outre à des modes d'achat qu'il est impossible de systématiquement ignorer.

Je confirme par ailleurs que la formation des élus est un enjeu essentiel. La loi vient d'ailleurs d'agrémenter l'ensemble des CAUE pour prendre en charge la formation des élus. Un travail devra être mené sur ce point. L'objectif n'est évidemment pas de transformer les élus en urbanistes, mais de les aider à monter en compétence sur l'exercice de leurs responsabilités.

Il pourrait enfin être intéressant que la loi ELAN introduise la reconnaissance du titre d'urbaniste. Ce point constitue un enjeu majeur, en ce que les compétences en urbanisme sont essentielles pour penser la revitalisation des centres-villes à l'échelle adéquate.

Jean-Marc Torrollion, Président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM). - Nous ne partageons absolument pas les propositions de la SCET concernant les lots en volumes uniques, dont la mise en place conduirait nécessairement à une déconnexion entre le propriétaire des murs et la réalité de la copropriété au sein de laquelle sa propriété est enclavée. Par ailleurs, les propriétaires ne participeraient plus aux charges.

Martial Bourquin, rapporteur. - Il est effectivement essentiel que les élus soient accompagnés, et notamment en matière d'architecture et d'urbanisme.

Au-delà du projet de loi ELAN, le texte que nous préparons avec nos collègues est une loi globale portant sur l'ensemble du territoire et visant à revitaliser l'ensemble des centres-bourgs et des centres-villes dans le cadre d'une démarche structurante, afin que la culture de la centralité se substitue à la culture de la périphérie. Nous avons besoin de votre concours pour ce faire. Il est désormais temps de réagir, faute de quoi les situations irréversibles se multiplieront.

Rémy Pointereau, rapporteur. - L'objectif n'est pas d'opposer la périphérie et les centres-villes, mais d'identifier des solutions qui permettraient de faire respirer les centres-villes. Compte tenu du contexte budgétaire particulièrement contraint, notre objectif est de concevoir un texte qui s'autofinancerait. Dans ce cadre, nous envisageons notamment la mise en place d'une fiscalité sur les surfaces de parking en périphérie et sur les livraisons liées au e-commerce pour financer la réalisation d'opérations en coeur de ville. L'objectif est que la question de la revitalisation des centres-villes soit traitée de manière globale. Notre proposition de loi sera présentée le 19 avril à 14 heures.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

« ACTEURS DU COMMERCE DE DÉTAIL »
TABLE RONDE DU 29 NOVEMBRE 2017

• Confédération des PME

Xavier DOUAIS, Président de la CPME du Gard et Président de la section commerce de la CPME

Delphine BORNE, Juriste

Sabrina BENMOUHOUB, Chargée de mission Affaires publiques

• Fédération nationale des détaillants en maroquinerie et voyage (FNDMV)

Nathalie GUIDÉ, Déléguée administrative

• Fédération française de l'équipement du foyer

Pascal MALHOMME, Président

• Fédération boutiques à l'essai

Olivier BOURDON, Directeur

• Confédération générale de l'alimentation en détail

Stéphane VERGNE, Membre du conseil d'administration

Isabelle FILLAUD, Chef du département Affaires juridiques, européennes et économiques

• Fédération nationale de l'habillement

Bernard MORVAN, Président

« ENSEIGNES DE CENTRE-VILLE ET DE PROXIMITÉ »
TABLE RONDE DU 6 DÉCEMBRE 2017

• Union du grand commerce de centre-ville

Régis SCHULTZ, Président de Monoprix

• Groupe Printemps

Pierre PELARREY, Directeur général du Printemps Haussmann

Mélanie PAULI-GEYSSE, Responsable des affaires publiques

• Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité

Gérard DOREY, Président

Virginie GRIMAULT, Secrétaire général

• Alliance du commerce

Claude BOULLE, Président exécutif

Yohann PETIOT, Directeur général

Guillaume SIMONIN, Responsable des affaires économiques

• Galeries Lafayette

Olivier BRON, Directeur du réseau

• Groupe FNAC-Darty

Florien INGEN-HOUSZ, Directeur de la stratégie

Claire PONTY, Responsable des affaires publiques

« EXPERTS »
TABLE RONDE DU 7 DÉCEMBRE 2017

• Institut Procos

Emmanuel LE ROCH, Délégué général

• Cabinet Bérénice pour la ville et le commerce

Pierre CANTET, Directeur d'études

Pierre-Jean LEMMONIER, Responsable des études publiques

• Autres experts

Olivier BADOT, Professeur à l'ESCP

René-Paul DESSE, Professeur d'urbanisme à l'université de Bretagne occidentale

Franck GINTRAND, Directeur général de Global conseil corporate

« ÉLUS LOCAUX »
TABLE RONDE DU 17 JANVIER 2018

• Association des maires de France (AMF )

Pierre JARLIER, Maire de Saint-Flour et Président de Saint-Flour Communauté

Nathalie FOURNEAU, Conseillère urbanisme

Marion DIDIER, Conseillère développement économique

Charlotte de FONTAINES, Chargée des relations avec le Parlement

• Assemblée des communautés de France (AdCF)

Corinne CASANOVA, Vice-présidente de l'AdCF et Vice-présidente de la communauté Grand Lac

Philippe SCHMIT, Secrétaire général

Montaine BLONSARD, Chargée des relations avec le Parlement

• Association des maires ruraux de France (AMRF)

Vanik BERBERIAN, Président

• Association des petites villes de France (APVF)

Nicolas SORET, Président de la communauté de communes du Joivinien

François PANOUILLÉ, Chargé des affaires européennes, du développement durable et de la revitalisation des centres-villes

Atte OKSANEN, Chargé des relations institutionnelles et de l'aménagement du territoire

• Assemblée des départements de France (ADF)

Benoît HURÉ, Sénateur et Conseiller départemental des Ardennes

Josiane CORNELOUP, Députée de la 2 e circonscription de Saône-et-Loire

Amaury DUQUESNE, Conseiller du groupe « Droite, centre et indépendants - DCI »

Marylène JOUVIEN, Chargée des relations avec le Parlement

• France urbaine

Nabella MEZOUANE, Adjointe au maire de Roubaix

Sophie ROULLE, Adjointe déléguée à la redynamisation du centre-ville de la ville de Nîmes

Philippe ANGOTTI, Délégué général

Bastien GOBERT, Collaborateur de cabinet du maire de Roubaix

Chloé MATHIEU, Responsable des relations institutionnelles

• Métropole du Grand Paris

Patrick OLLIER, Président

Jean-Marc NICOLLE, Maire du Kremlin-Bicêtre

Rémy MARCIN, Directeur des relations institutionnelles et de la stratégie

Ghislain GOMART, Directeur du développement économique

Iris DENIAU, Chargée de mission

• Association Centre-ville en mouvement

Patrick VIGNAL, Député de l'Hérault et président de l'association

Pierre CREUZET, Directeur fondateur

Alexandre SABY, Chargé de mission développement

« GRANDES ENSEIGNES »
TABLE RONDE DU 31 JANVIER 2018

• Carrefour

Alain GAUVIN, Directeur des Affaires juridiques et réglementaires

Nathalie NAMADE, Directrice des Affaires publiques

• Auchan Retail France

Paul HUGO, Responsable des relations institutionnelles

Olivier LOUIS, Directeur de la communication

• Casino

Claude RISAC, Directeur des relations extérieures

Jean-Luc FECHNER, Directeur-adjoint des relations extérieures

• U Enseigne Coopérative

Dominique SCHELCHER, Président directeur général U Enseigne Coopérative Est

Thierry DESOUCHES, Responsable des relations extérieures

• Fédération du commerce et de la distribution (FCD)

Jacques CREYSSEL, Délégué général

Cécile ROGNONI, Directrice des affaires publiques

• Lidl

Frédéric FRAYSSINET, Directeur national de l'immobilier

« ACTEURS ÉCONOMIQUES ET FINANCEMENTS »
TABLE RONDE DU 22 FÉVRIER 2018

• Fonds national des aides à la pierre

Laurent GIROMETTI, Directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP)

• Caisse des dépôts et des consignations

Marc ABADIE, Directeur des territoires

Michel-François DELANNOY, Chargé de mission projets territoriaux complexes

Philippe BLANCHOT, Directeur des relations institutionnelles

• Fédération des entreprises publiques locales

Fabien GUEGAN, Responsable adjoint du département immobilier et développement économique

Benoît GANDIN, Directeur général d'Incité à Bordeaux

• Agence France locale

Philippe ROGIER, Directeur du crédit

• Action Logement

Bruno ARBOUET, Directeur général

Vanina MERCURY, Directrice Stratégie et finances

Valérie JARRY, Directrice des relations institutionnelles

« CENTRES COMMERCIAUX »
TABLE RONDE DU 7 MARS 2018

• Conseil national des centres commerciaux

Gontran THÜRING, Délégué général

Dorian LAMARRE, Directeur des relations institutionnelles et extérieures

• Apsys Group

Maurice BANSAY, Président et fondateur de la société Financière Apsys

• Compagnie de Phalsbourg

Philippe JOURNO, Président directeur général

Éric PAILLOT, Directeur du développement

Mathieu BONCOUR, Responsable des relations institutionnelles et du mécénat

• Unibail-Rodamco

Jean-Marie TRITANT, Directeur général des opérations

Pierre HAUSSWALT, Directeur de la communication et des affaires publiques

Sixtine MICHAU, Analyste en charge des affaires publiques

• Carmila

Jacques EHRMANN, Président directeur général

Ronald SANNINO, Directeur du développement et de la stratégie commerciale de Carrefour Property

« E-COMMERCE »
TABLE RONDE DU 14 MARS 2018

• Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD)

François MONBOISSE, Président

• Dibenn consulting

Diane PELLETRAT DE BORDE, Fondatrice et présidente et professeure de e-marketing à l'ESSEC

• Visionary marketing

Claire SOREL, Consultante junior

• Renaissance numérique

Guillaume BUFFET, Administrateur et ancien président

Jennyfer CHRETIEN, Déléguée générale

• Système polaire

Jean-Baptiste VALLET, Consultant en stratégie digitale et professeur à Darmouth et HEC

« MINISTÈRES ET INSTITUTIONS NATIONALES »
TABLE RONDE DU 28 MARS 2018

• Direction générale des entreprises (DGE)

Isabelle RICHARD, Sous-directeur du commerce, de l'artisanat et de la restauration

Laurent WEILL, Adjoint au sous-directeur du commerce, de l'artisanat et de la restauration

• Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC)

Michel VALDIGUIÉ, Président

• Conseil du commerce de France

William KOEBERLÉ, Président

Jacques CREYSSEL, Délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution

Bernard MORVAN, Président de la Fédération nationale de l'habillement

Fanny FAVOREL-PIGE, Secrétaire générale

Laurent COUSIN, Directeur de la communication et du développement

• Conseil général de l'environnement et du développement durable

Pierre NARRING, Ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts

Jean-Paul LE DIVENAH, Inspecteur général de l'administration et du développement durable

« CHAMBRES CONSULAIRES ET CLUB DES MANAGERS DE CENTRE-VILLE »
TABLE RONDE DU 29 MARS 2018

• CCI France

François-Xavier BRUNET, Président de la CCI de Tarbes et des Hautes-Pyrénées

Laure PRÉVOT, Chargée des relations institutionnelles

• CCI Île-de-France

Dominique MOCQUAX, Vice-président de la CCI de Seine-et-Marne

Dominique MORENO, Responsable du Pôle économie, commerce et financement des entreprises

• CCI du Grand Hainaut

Didier RIZZO, Vice-président

Gwenaëlle VANDEVILLE, Responsable du service commerce, tourisme

• Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat

Joël FOURNY, Troisième vice-président et président de la chambre des métiers et de l'artisanat régionale Pays-de-la-Loire

Valérie CHAUMANET, Directrice des relations institutionnelles

Marianne VILLERET, Chargée de mission Politiques territoriales

• Club des managers de centre-ville

Robert MARTIN, Président

« PROFESSIONNELS DU FONCIER, DE L'AMÉNAGEMENT ET DE LA PROMOTION »
TABLE RONDE DU 4 AVRIL 2018

• GIE Paris commerces

Laëtitia PAGEOT

Bérénice DECOIN

• SEMAEST

Magali VERGNET, Responsable de développement territorial

• Association nationale des établissements publics fonciers locaux

Arnaud PORTIER, Secrétaire général

• SODES

Philippe LABOURET, Président directeur général

• SCET

Stéphane KEÏTA, Président directeur général

Jacques SCHOMBOURGER, Chargé de mission urbanisme

• Fédération nationale des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement

François BRIERE, Vice-président

Valérie CHAROLLAIS, Directrice

Emmanuel FAUCHET, Directeur du conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement de la Manche

• Association des directeurs immobiliers

Gilles ALLARD, Président

Soizic MILLOT, Consultante pour la société Domaines Publics

• Fédération nationale de l'immobilier

Jean-Marc TORROLLION, Président

Loïc CANTIN, Président adjoint

• Agence nationale pour la rénovation urbaine

Nicolas GRIVEL, Directeur général

Damien RANGER, Directeur des relations institutionnelles

DÉPLACEMENT À CHÂTELLERAULT
8 DÉCEMBRE 2017

• Ville de Châtellerault

Jean-Pierre ABELIN, Maire de Châtellerault, Président de la Communauté d'Agglomération du Grand Châtellerault

Maryse LAVRARD, Première adjointe au Maire en charge de l'urbanisme et de la culture

Béatrice ROUSSENQUE, Adjointe au Maire en charge du commerce

Céline CHAMPAGNE, Manager du commerce de l'Agglomération du Grand Châtellerault

• Préfecture de la Vienne

Isabelle DILHAC, Préfète de la Vienne

Jocelyn SNOECK, Sous-préfet de Châtellerault

Émile SOUMBO, Secrétaire général de la préfecture de la Vienne

• Acteurs économiques

Jean-Marc COUHE, Président de l'association de commerçants Châtellerault Ca bouge !

Christophe BOUGUÉ, Conseiller économique à la Chambre des métiers et de l'artisanat de la Vienne

Ghislain KLEIJWEGT, Secrétaire général de la Chambre des métiers et de l'artisanat de la Vienne

Patrice BODIER, Directeur délégué de Poitiers de la Caisse des dépôts

Ghislaine SÉJOURNÉ, Directrice territoriale Vienne et Deux-Sèvres de la Caisse des dépôts

Claude LAFOND, Président de la chambre de commerce et d'industrie de la Vienne

Philippe PRIOUX, Responsable du service commerce et animation du territoire de la chambre de commerce et d'industrie de la Vienne

Céline CHAMPAGNE, Manager du commerce de l'Agglomération du Grand Châtellerault

Julia KURNIKOWSKI-TERRIEN, Responsable du service Économie et entreprises de l'Agglomération du Grand Châtellerault

ÉTUDE D'IMPACT

ÉTUDE D'IMPACT

PROPOSITION DE LOI

portant Pacte national de revitalisation

des centres-villes et centres-bourgs

Réalisée à la demande du groupe sénatorial de travail

sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs

par

Pascal Madry, économiste et urbaniste,

directeur de l'Institut pour la Ville et le Commerce

et

Maître Isabelle Robert-Védie, avocat associé,

cabinet Simon & Associés.

AVANT-PROPOS

Le constat du déclin des centres villes et des centres bourgs n'est pas nouveau : il constitue un phénomène identifié depuis une vingtaine d'années déjà et a, à ce titre, fait l'objet de plusieurs travaux d'études et d'analyse.

Les pouvoirs publics se préoccupent de ce phénomène depuis une petite dizaine d'années et plusieurs plans et dispositifs ont été mis en place pour tenter de juguler un mécanisme qui, pourtant, s'accélère.

En effet, force est d'admettre que les différentes politiques publiques mises en oeuvre depuis le début des années 2000 n'ont connu qu'un succès mitigé : la complexité des dispositifs, le manque de ressources, une gouvernance mal adaptée, n'ont pas permis à ces actions d'avoir la portée escomptée.

Aujourd'hui, la dévitalisation des centres villes s'accélère et les causes en sont à présent clairement identifiées :

- la dégradation du bâti existant de centre-ville et son inadéquation aux besoins de la population (superficie, confort,...) ;

- les difficultés d'accès au centre-ville (circulation, stationnement,...) ;

- la migration de la population de centre-ville vers la périphérie, et la paupérisation de celle qui subsiste ;

- la fuite des équipements attractifs de centre-ville (équipements sportifs, culturels et d'éducation, équipement de santé,...) ;

- la concurrence des grandes surfaces en périphérie.

Ces phénomènes trouvent une origine commune : celle d'un aménagement du territoire imparfait, qui a privilégié durant plusieurs dizaines d'années une vision extensive et non qualitative, et la consommation d'espaces nouveaux plutôt que le retraitement de ceux délaissés car devenus inadaptés ou obsolètes.

La succession des réformes portant sur l'aménagement et l'urbanisme commercial constitue un exemple significatif de l'impuissance de l'action publique pour juguler l'implantation de surfaces de vente prioritairement en périphérie des villes : alors même que les critères de délivrance de l'autorisation d'exploiter ont été modifiés à de multiples reprises, le nombre de m² autorisés n'a pas fléchi, bien au contraire, puisque les documents d'urbanisme persistaient à ouvrir à l'urbanisation de nouveaux espaces pour l'implantation de ces activités.

La revitalisation des centres-villes exige un traitement global des différentes causes identifiées : la rénovation et la restructuration du bâti existant pour l'adapter aux exigences des populations, des plus jeunes aux plus âgées, une fluidification du trafic et la promotion des modes de transport doux et collectifs, la limitation de la consommation d'espaces en périphérie pour éviter la migration des équipements et des commerces, tous ces enjeux induisent la mise en oeuvre d'une politique d'aménagement du territoire économe en espace et la reconstruction de la ville sur la ville.

Les grandes agglomérations en ont souvent conscience, ce qui explique que la dévitalisation de leurs centres soit de plus faible ampleur, même si elles ne sont pas épargnées.

Les communes de taille plus limitées peuvent, et doivent, intégrer cette dimension, en faisant usage des outils réglementaires à leur disposition et dont elles ont la maîtrise : SCOT, PLU,... C'est en identifiant, sur le territoire, la localisation privilégiée de ce qui fait la ville (logements, équipements et commerces) et contribue à l'animation de la vie urbaine ou rurale que la spirale pourra avoir un effet de recentrage plutôt que d'exclusion.

La traduction législative et réglementaire d'une telle politique d'aménagement du territoire se révèle toutefois vaste et ardue, car elle doit de surcroît intégrer les évolutions sociétales et technologiques dont la rapidité va croissant (allongement de la durée de vie, internet, intelligence artificielle,...).

C'est la raison pour laquelle d'autres options que celle d'une intervention globale ont été retenues, et celle, en particulier, de scinder l'action du législateur en fonction des domaines concernés.

La présente proposition de loi vise plus particulièrement le domaine du commerce, tout en s'inscrivant dans le cadre plus global, évoqué ci-avant, de l'aménagement économe du territoire.

SOMMAIRE

Pages

Chapitre premier : Définition des centres-villes et centres-bourgs pouvant bénéficier des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation « OSER » 211

Article 1 er : Définition des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation des centres-villes et centres-bourgs dites « OSER » 211

Chapitre deux : Renforcer l'attractivité des centres pour les habitants 229

Article 2 : Création de l'Agence nationale pour les centres-villes et centres-bourgs (ANCC) et extension du champ d'intervention de l'EPARECA dans les périmètres des conventions OSER 229

Article 3 : Allègement de la fiscalité sur les logements dans les périmètres des conventions OSER 241

Article 4 : Mobilisation des logements dans les immeubles à rez-de-chaussée commercial 245

Article 5 : Maintien des services publics dans les centres-villes 254

Chapitre trois : Réduire le coût des normes en centre-ville 259

Article 6 : Expérimentation tendant à déroger à l'application de certaines normes dans les périmètres des opérations OSER 259

Article 7 : Institution d'une procédure visant à simplifier la prise en compte des protections patrimoniales dans le périmètre des opérations OSER 264

Chapitre quatre : Encourager la modernisation du commerce de détail 270

Article 8 : Transformation du FISAC en fonds pour la revitalisation par l'animation et le numérique des centres-villes et centres-bourgs (FRANCC) 270

Article 9 : Accompagnement de la modernisation des artisans et commerçants de détail 274

Article 10 : Création d'un fonds de garantie pour les loyers commerciaux impayés dans les centres-villes 282

Article 11 : Institution d'un nouveau contrat liant un propriétaire à un exploitant commercial 287

Article 12 : Favoriser la transmission des entreprises artisanales et commerciales 295

Chapitre cinq : Rénover le système de régulation des implantations commerciales 299

Article 13 : Modifier la composition des CDAC pour mieux représenter le tissu économique 299

Article 14 : Abaisser les seuils d'autorisation d'exploitation commerciale 304

Article 15 : Rendre plus performante l'évaluation des projets d'implantation commerciale en prenant mieux en compte leurs effets sur les territoires 311

Article 16 : Garantir le respect des décisions des CDAC et sanctionner les cas d'exploitation illicite en permettant à des personnels municipaux habilités de les constater 319

Article 17 : Renforcer l'obligation de démantèlement et de remise en état des sites sur lesquels une exploitation commerciale a cessé 326

Article 18 : Renforcer la portée des décisions des CDAC 331

Article 19 : Prévoir un droit d'opposition du préfet à une autorisation d'exploitation commerciale pour assurer la cohérence avec l'intervention de la puissance publique 336

Article 20 : Exonération d'autorisation d'exploitation commerciale en centre-ville pour certains types de commerces 341

Article 21 : Instituer des moratoires locaux d'implantation de nouvelles activités commerciales dans des zones en difficulté 348

Chapitre six : Mieux intégrer l'aménagement commercial aux projets territoriaux 354

Article 22 : Rendre le Document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC) obligatoire et prescriptif 354

Article 23 : Intégrer dans les objectifs des programmes locaux de l'habitat la prise en compte de la situation des centres-villes 359

Article 24 : Mobiliser les Etablissement publics fonciers (EPF) locaux et de l'État pour les centres villes 363

Article 25 : Inscrire l'aide à la démolition et aux acquisitions-améliorations en centres-villes et centres-bourgs dans les missions du fonds national des aides à la pierre (FNAP) 369

Chapitre sept : Rééquilibrer la fiscalité pour permettre le développement des centres-villes et centres-bourgs 373

Article 26 : Institution d'une contribution pour la lutte contre l'artificialisation, des terres 373

Article 27 : Création d'une taxe sur les livraisons liées au commerce électronique au profit des territoires signataires d'une convention « OSER » 379

Article 28 : Exonération et modulation de la taxe sur les surfaces commerciales dans les territoires signataires d'une convention « OSER » 383

Article 29 : Renforcer les Sociétés d'investissement immobilier cotées (SIIC) face aux risques spéculatifs et les encourager à investir dans les centres-villes 386

Article 30 : Création de zones de revitalisation urbaine dans les périmètres des conventions OSER 394

CHAPITRE PREMIER : DÉFINITION DES CENTRES-VILLES ET CENTRES-BOURGS POUVANT BÉNÉFICIER DES OPÉRATIONS DE SAUVEGARDE ÉCONOMIQUE ET DE REDYNAMISATION « OSER »

Article 1 er : Définition des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation des centres-villes et centres-bourgs dites « OSER »

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. La question du déclin urbain

La question du déclin démographique et économique (en particulier commercial) des villes n'est pas neuve et les sciences humaines ont depuis longtemps démontré que « les villes meurent aussi », comme l'affirme l'urbaniste Thierry Paquot 4 ( * ) .

En revanche, cette question suscite depuis une vingtaine d'années un regain d'intérêt dans la recherche urbaine, du fait que ce phénomène de « déclin urbain » affecte la plupart des pays développés (voir figure), dont la France (voir figure).

Villes de plus de 100.000 habitants en décroissance dans le monde

Note : Einwohner = habitants ; Einwohnerverluste = perte d'habitants

Typologie des territoires en décroissance en France
(évolution de population des aires urbaines, indice 100 en 1975)

La reconnaissance de cette question par les pouvoirs publics est plus récente.

En France, elle est approchée pour la première fois en février 2016, à travers la problématique spécifique de la dévitalisation commerciale des coeurs marchands historiques des villes, avec le lancement conjoint par le ministre du Logement, de l'Égalité des territoires et de la Ruralité, et le secrétariat d'État au Commerce, d'une mission pour "revitaliser les commerces en centre-ville", confiée à l'Inspection générale des finances (IGF) et au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD).

Depuis, plusieurs travaux ministériels et parlementaires se sont succédé, partageant le même constat d'un phénomène d'origine multifactorielle, en cours de diffusion accélérée à de nombreuses villes en France, depuis ces dix dernières années 5 ( * ) .

L'ensemble de ces travaux présente l'intérêt d'avoir permis d'objectiver des trajectoires de villes en déprise démographique et/ou économique, sur la base notamment de données d'évolutions de leur population, de leur richesse et de vacance immobilière dans leur parc de logement et de commerce.

Ceux-ci présentent en revanche pour principale limite de ne porter que sur une strate de ville (les unités urbaines de 10.000 à 500.000 habitants, selon les différentes approches retenues par ces travaux), pouvant laisser croire que le déclin urbain constitue une problématique circonscrite aux villes moyennes.

Or, toutes les villes moyennes ne sont pas inéluctablement frappées par le phénomène, comme le montre le « palmarès des centres-villes les plus dynamiques » 6 ( * ) dressé par Procos, la fédération nationale du commerce spécialisé (voir figure).

Palmarès Procos - Carte des centres-villes les plus dynamiques en 2016

En outre, d'autres strates de villes peuvent être affectées par un déclin urbain. Pour ne s'en tenir qu'au critère de la vacance commerciale :

- les métropoles ne sont pas prémunies de ce risque : la vacance commerciale touche 9,5 % des locaux commerciaux de la capitale (sources : APUR, données 2017) et 10,5 % des locaux commerciaux présents en centre-ville de Marseille et Toulon (sources : Procos, données 2016) ;

- le taux de vacance commerciale moyen en coeur de ville croit de manière inversement proportionnelle à la taille des villes. Autrement dit, plus une ville est petite, plus elle connaît une probabilité forte de compter un pourcentage élevé de locaux commerciaux vacants (voir figure).

Évolution du taux moyen de vacance commerciale dans le centre des agglomérations de plus de 25.000 habitants, selon leur strate de population (en nombre d'habitants)

Source : Cahiers de l'Institut pour la Ville et le Commerce, n° 1 - La vacance commerciale dans les centres-villes en France. Mesure, facteurs et premiers remèdes, 2017. Données : Base emplacement Codata.

1.2. La préfiguration des politiques publiques de revitalisation des coeurs de ville

La revitalisation des coeurs de ville émerge comme nouvelle catégorie d'action des politiques publiques au tournant des années 2010.

Auparavant, cette problématique n'était abordée qu'indirectement par différents moyens et dispositifs (ANRU, ANAH...) issus principalement des politiques sectorielles de la ville et de l'habitat, visant d'abord des objectifs de renouvellement urbain et de dynamisation du marché du logement.

Quatre dispositifs préfigurent cette nouvelle politique :

• À l'échelle des grandes villes et des villes moyennes :

1. le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD),

2. le dispositif « Centre-Ville de demain » de la Caisse des Dépôts.

• À l'échelle des petites villes et des villes moyennes :

3. le fonds de soutien à l'investissement local (FSIL),

4. le dispositif « centre-bourg ».

• Le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD)

Le Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) s'inscrit dans le cadre des politiques d'habitat.

Créé par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, le PNRQAD visait à engager les actions nécessaires à une requalification globale des quartiers anciens dégradés tout en favorisant la mixité sociale, en recherchant un équilibre entre habitat et activités et en améliorant la performance énergétique des bâtiments.

Le PNRQAD ciblait prioritairement les quartiers présentant une concentration élevée d'habitat indigne et une situation économique et sociale des habitants particulièrement difficile, soit une part élevée d'habitat dégradé vacant et un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements :

- quartiers médiévaux ayant subi une forte densification (surélévation des immeubles, comblement des cours) nuisant aux conditions d'habitabilité,

- quartiers des XVII e et XVIII e siècles ayant souffert d'un défaut d'entretien du bâti,

- quartiers de faubourg du XIX e siècle présentant une qualité médiocre du bâti.

Les actions de ce programme pouvaient porter sur :

- la revalorisation des îlots d'habitat dégradé par l'acquisition du foncier et sa revente, nu ou bâti ;

- le relogement des habitants, avec pour objectif prioritaire leur maintien au sein du même quartier requalifié ;

- la production de logements locatifs sociaux et de places d'hébergement ainsi que la diversification de l'offre immobilière ;

- la réhabilitation du parc privé existant ;

- l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments ;

- la lutte contre l'habitat indigne ;

- l'accompagnement social des habitants ;

- la réalisation des études préliminaires et opérations d'ingénierie nécessaires à sa mise en oeuvre.

La question du développement des activités économiques et de services n'a pas été oubliée même si elle apparaît plus en filigrane. Ainsi le PNRQAD pouvait également viser à :

- l'aménagement des espaces et des équipements publics de proximité ;

- la réorganisation ou la création d'activités économiques et commerciales, de services publics et de services de santé.

Trois instances ont été mobilisées au niveau national pour soutenir les projets portés par les collectivités locales :

1. l'État, pour encourager le financement du développement du logement locatif social et de la restauration immobilière par des investisseurs locatifs privés,

2. l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), pour apporter des aides à la réhabilitation des logements et immeubles privés,

3. l'Agence nationale à la rénovation urbaine (ANRU), pour apporter son concours financier au recyclage des îlots d'habitat dégradé, l'aménagement des espaces publics de proximité, l'amélioration des équipements publics de proximité.

Suite à un appel à candidature, une quarantaine de quartiers, dont plusieurs centres-villes, ont été retenus par un décret du 31 décembre 2009 pour bénéficier du programme.

Vingt-cinq projets, contractualisés dans le cadre de conventions de sept ans, ont été retenus pour bénéficier des financements de ces trois institutions nationales (voir figure).

Quinze projets ont par ailleurs été retenus pour bénéficier d'aides d'ingénierie de l'ANAH (mais ils n'étaient pas éligibles aux financements de l'ANRU).

Les sites retenus par le Programme national de requalification
des quartiers anciens dégradés

Source : MCT

Le PNRQAD se prolonge depuis 2017 à travers le nouveau dispositif des Opérations de requalification des quartiers anciens dégradés (ORQAD).

Créées par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, les ORQAD mixent les outils des opérations de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) et du Plan National de requalification des quartiers anciens dégradés PNRQAD, arrivé à son terme.

Les ORQAD peuvent être mises en place par l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements afin de mener une requalification globale des quartiers anciens dégradés tout en favorisant la mixité sociale, en recherchant un équilibre entre habitat et activités et en améliorant la performance énergétique des bâtiments.

Ces opérations sont menées sur un périmètre défini par l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements dans le cadre d'un projet urbain et social pour le territoire concerné ou d'une politique locale de l'habitat.

Chaque opération fait l'objet d'une convention pouvant prévoir tout ou partie des actions suivantes :

- un dispositif d'intervention immobilière et foncière visant la revalorisation des îlots d'habitat dégradé, incluant des actions d'acquisition, de travaux et de portage de lots de copropriété ;

- un plan de relogement et d'accompagnement social des occupants, avec pour objectif prioritaire leur maintien au sein du même quartier requalifié ;

- la mobilisation des dispositifs coercitifs de lutte contre l'habitat indigne ;

- la mise en oeuvre d'Opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) ;

- la mise en oeuvre de plans de sauvegarde prévus à l'article L. 615-1 ainsi que de la procédure d'administration provisoire renforcée prévue à l'article 29-11 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;

- la mise en oeuvre d'actions ou d'opérations d'aménagement intégrant les objectifs de l'opération et l'aménagement des espaces et des équipements publics de proximité ;

- la réalisation des études préliminaires et des opérations d'ingénierie nécessaires à sa mise en oeuvre.

Une fois encore, la question du développement des activités économiques n'est pas oubliée. Ainsi l'ORQAD peut également viser à la réorganisation ou à la création d'activités économiques et commerciales, de services publics et de services de santé.

• Le programme Centre-Ville de Demain de la Caisse des Dépôts

Le programme « Centre-Ville de demain » s'inscrit dans le cadre des politiques de rénovation urbaine. Initié par la Caisse des Dépôts en 2016, il a pour objectif de permettre une réduction des écarts de développement territorial entre les villes moyennes et les grandes métropoles et d'apporter les conditions de leur développement.

Le programme Centre-Ville de demain vise des agglomérations urbaines comprises entre 20.000 et 100.000 habitants présentant des indices de fragilité manifeste (vacance commerciale, diminution et appauvrissement de la population, vacance dans le logement...).

Pour être éligibles, les villes doivent satisfaire plusieurs conditions :

- manifester une volonté de maîtrise de l'urbanisme commercial et de l'urbanisme résidentiel à l'échelle de leur bassin de vie,

- avoir élaboré un projet de redynamisation qui associe de manière combinée des enjeux démographiques, économiques, commerciaux mais aussi de qualité de vie, de déplacement, de service, de connexion dans l'espace central,

- définir un plan d'action précis qui prévoit de concentrer le déploiement des projets de reconquête à l'intérieur de l'hypercentre, sur des espaces géographiques priorisés.

La Caisse des Dépôts s'engage à travers une convention dédiée à accompagner la ville dans son projet de revitalisation en mobilisant « les capacités du groupe sur les enjeux de foncier/immobilier, de mobilité, d'habitat, mais aussi de commerces et d'activités ». Ces « capacités » peuvent prendre la forme d'ingénierie, de prêts, voire d'investissements directs.

Neuf sites « démonstrateurs » ont été retenus en métropole pour servir de lieu d'expérimentation et d'innovation au programme : Cahors, Châlons-en-Champagne, Flers, Miramas, Lunéville, Nevers, Perpignan, Valence, Vierzon.

À fin 2017, une soixantaine de villes avaient par ailleurs déjà manifesté leur intérêt pour bénéficier de la démarche.

• Le fonds de soutien à l'investissement local

Créé par l'article 159 de la loi de finances pour 2016, le fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) constitue une enveloppe dédiée au soutien des projets en faveur de la revitalisation et du développement des centres-bourgs.

Sont visées les communes (ou leur établissement public de coopération intercommunale) de moins de 50.000 habitants.

Les subventions sont attribuées « en vue de la réalisation d'opérations d'investissement s'inscrivant dans le cadre d'un projet global de développement de l'attractivité des territoires ruraux ». Il peut s'agir d'actions pour favoriser l'accessibilité des services et des soins, développer l'attractivité, stimuler l'activité des bourgs-centres, développer le numérique et la téléphonie mobile, renforcer la mobilité, favoriser la transition écologique et la cohésion sociale.

Prévu initialement sur un an, le dispositif a été reconduit par les lois de finances pour 2017 et 2018.

• Le dispositif « Centre-bourg »

Le dispositif « Centre-bourg » a été lancé en juin 2014 par le ministère du Logement, de l'Égalité des territoires et de la Ruralité, le ministère de la Décentralisation et de la Fonction publique, et le ministère des Outre-Mer. Sont visées les communes rurales de moins de 10.000 habitants :

- bourgs des bassins de vie ruraux qui ont un rôle de structuration du territoire et d'organisation de centralités de proximité, mais qui sont en perte de vitalité, et recouvrent des enjeux de requalification de l'habitat notamment,

- les bourgs dans les troisièmes couronnes périurbaines, qui font face à une arrivée de nouvelles populations, à des demandes fortes en logements et services et à des besoins d'adaptation de l'habitat existant (vieillissement de la population, etc.).

Les subventions sont attribuées en vue de soutenir des projets transversaux visant à limiter l'étalement urbain, à redynamiser l'offre de commerces, à créer des équipements et des services adaptés aux besoins des habitants, à relancer les activités, ou encore à rénover ou réaliser des logements.

Le Commissariat Général à l'Égalité des Territoires (CGET) assure le pilotage interministériel du programme. L'Agence nationale de l'habitat (ANAH) est en charge de la mise en oeuvre opérationnelle et du suivi des opérations de revitalisation. Participent également à la mise en oeuvre du dispositif le Ministère de la Culture et de la Communication, le Ministère de l'Économie et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA).

Suite à un appel à manifestation d'intérêt, 54 territoires lauréats ont été retenus pour une durée de 6 ans (voir figure).

Les sites retenus par le dispositif centre-bourg

1.3. Le Plan Action Coeur de Ville

Une partie de ces dispositifs et outils est venue se cristalliser dans le nouveau programme national « Action Coeur de Ville », présenté par le ministre de la Cohésion des territoires, le 15 décembre 2016.

Ce plan vise à conforter les villes moyennes dans leur rôle de moteur de développement sur leur territoire et à améliorer les conditions de vie de leurs habitants.

Les dispositions législatives de ce plan figurent à l'article 54 du projet de loi Elan (Évolution du logement et aménagement numérique), qui doit être discuté au Parlement à partir du mois de mai 2018.

Le programme Action Coeur de Ville innove en articulant différents leviers de politiques d'habitat, de renouvellement urbain (ORQAD) et de développement économique regroupés au sein d'un contrat intégrateur unique - l'opération de redynamisation territoriale (ORT).

Les opérations de revitalisation de territoire ont pour objet la mise en oeuvre d'un projet global de territoire destiné à adapter et moderniser le parc de logements et de commerces ainsi que le tissu urbain de ce territoire, pour améliorer son attractivité, lutter contre la vacance des logements et des commerces ainsi que contre l'habitat indigne et valoriser le patrimoine bâti, dans une perspective d'innovation et de développement durable des secteurs du commerce et de l'artisanat.

Une convention d'opération de revitalisation de territoire peut intégrer une opération programmée d'amélioration de l'habitat.

Elle peut prévoir également tout ou partie des actions suivantes :

- un dispositif d'intervention immobilière et foncière contribuant à la revalorisation des îlots d'habitat vacant ou dégradé et incluant notamment des actions d'acquisition, de travaux et de portage de lots de copropriété ;

- un plan de relogement et d'accompagnement social des occupants, avec pour objectif prioritaire leur maintien au sein du même quartier requalifié ;

- l'utilisation des dispositifs coercitifs de lutte contre l'habitat indigne ;

- des actions en faveur de la transition énergétique du territoire, notamment de l'amélioration de la performance énergétique du parc immobilier ;

- un projet social, comportant notamment des actions en faveur de la mixité sociale et d'adaptation de l'offre de logement, de services publics et de services de santé aux publics en perte d'autonomie ;

- des actions ou opérations d'aménagement cohérentes avec les objectifs de l'opération de revitalisation, contribuant à l'aménagement des espaces et des équipements publics de proximité et prenant en compte les problèmes d'accessibilité, de desserte des commerces de centre-ville et de mobilité ainsi que l'objectif de localisation des commerces en centre-ville ;

- des actions destinées à moderniser ou à créer des activités économiques, commerciales, artisanales ou culturelles, sous la responsabilité d'un coordinateur ;

- des actions ou opérations tendant, en particulier en centre-ville, à la création, l'extension, la transformation ou la reconversion de surfaces commerciales ou artisanales ;

- un engagement de la ou des autorités compétentes en matière de plan local d'urbanisme de procéder aux modifications des documents d'urbanisme, approuvés ou en cours d'approbation, nécessaires à la mise en oeuvre des plans, projets ou actions prévus par la convention .

Carte des 222 villes bénéficiaires du Plan Action Coeur de Ville

Le programme Action Coeur de ville prévoit également des mesures dérogatoires en matière d'urbanisme commercial.

Afin de garantir une cohérence opérationnelle entre intercommunalité et communes du centre et de la périphérie en matière d'urbanisme commercial, le contrat impose la signature des communes et de l'intercommunalité ; en contrepartie, des dérogations en matière d'urbanisme commercial seront possibles dans le périmètre des ORT. Les commerces qui souhaiteraient s'implanter en centre-ville ne seront ainsi pas soumis à autorisation d'exploitation commerciale. En parallèle, après avis des collectivités de l'ORT, une pause dans l'implantation des commerces en périphérie est rendue possible. Le préfet peut suspendre, l'enregistrement et l'examen d'une demande d'autorisation commerciale en dehors des secteurs d'intervention de l'ORT afin de favoriser un développement commercial maîtrisé au sein du périmètre de l'ORT.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFERER

2.1. Obligation de légiférer

L'évolution de ces différents programmes témoigne d'une convergence progressive entre politiques de développement territorial et politiques de l'habitat.

Le Plan Action Coeur de Ville est le premier à rechercher une articulation entre différents outils de politiques d'habitat et d'urbanisme commercial afin de restaurer l'attraction résidentielle et commerciale de villes en déprise.

Le plan Action Coeur de Ville n'en comporte pas moins certaines limites, au premier rang desquelles celle d'instaurer une géographie prioritaire des villes dont le coeur nécessite d'être redynamisé.

Seules 222 villes ont été retenues par le plan (voir figure), alors qu'elles sont bien plus nombreuses à présenter des signes de fragilisation tels qu'une baisse d'attractivité, une dégradation de l'habitat, ou un taux élevé de vacance commerciale en leur centre-ville.

En outre, le plan ne vise explicitement que les villes moyennes de plus de 10.000 habitants. Les villes de moins de 10.000 habitants, où vit la moitié de la population française, de même que les villes de plus de 10.000 habitants appartenant à une agglomération urbaine, en sont exclues, malgré là encore, les difficultés que nombre d'entre-elles rencontrent.

La présente proposition de loi vise à compléter le programme Action Coeur de Ville en apportant aux petites villes en déprise économique et démographique de nouveaux outils pour la redynamisation de leur coeur de ville.

2.2. Objectifs poursuivis

Le premier chapitre de la proposition de loi instaure un contrat d'opération de sauvegarde économique et de redynamisation (OSER) des centres-villes et centres-bourgs visant à préserver, renforcer ou ranimer leur tissu urbain, économique et commercial.

Son article unique (article 1 er ) :

- instaure les opérations de sauvegarde économique et de redynamisation dites « OSER »,

- précise les critères permettant d'identifier les villes pouvant bénéficier des OSER,

- précise les modalités d'engagement d'une OSER,

- précise les modalités de définition des périmètres d'OSER,

- précise les modalités d'évaluation des OSER.

Le paragraphe I créé les Opérations de sauvegarde économique et de redynamisation. Ces opérations constituent un nouveau contrat intégrateur visant à redynamiser des centres-villes et centres-bourgs affectés par une forte vacance commerciale, une décroissance démographique et/ou une dégradation de l'habitat.

Les OSER peuvent être engagées dans un but aussi bien préventif que curatif.

Le paragraphe II précise les modalités d'engagement d'une OSER. Les OSER constituent un dispositif décentralisé. Elles sont engagées à l'initiative des communes ou de leur Établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Un avis du représentant de l'État dans le département devra être sollicité et rendu public.

La durée d'une OSER ne peut excéder 5 années, renouvelables deux fois.

Le paragraphe III précise les modalités d'application des OSER. Les OSER s'appliquent exclusivement à l'intérieur de périmètres de centralités marchandes historiques. Ces périmètres de centralités marchandes historiques doivent satisfaire aux moins deux des conditions suivantes :

- présenter une forte densité commerciale (en termes de linéaire ou de surface commerciale),

- comprendre un ou plusieurs monuments remarquables ouverts au public,

- présenter une forte densité d'habitat ancien, antérieur au XX e siècle.

En outre, le périmètre d'une OSER doit s'étendre sur une surface inférieure à 4 % de la surface urbanisée de la commune.

Le paragraphe IV précise les modalités de conventionnement des OSER. Ces opérations donnent lieu à une convention entre la commune concernée, l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auxquelles elle se rattache, l'État, ainsi que toute personne publique ou tout acteur privé susceptible d'apporter un soutien ou de prendre part à la réalisation des opérations prévues par la convention.

Afin de garantir une cohérence opérationnelle du dispositif en matière d'urbanisme commercial, le contrat impose la signature des communes et de l'intercommunalité.

Le paragraphe V définit le statut juridique des périmètres d'OSER, qui se confond avec celui des périmètres de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, tel que défini par l'article L. 214-1 du code de l'urbanisme. L'article L. 214-1 du code de l'urbanisme dispose que le conseil municipal peut, par délibération motivée, délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel sont soumises au droit de préemption institué les aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux. A l'intérieur de ce périmètre, sont également soumises au droit de préemption les aliénations à titre onéreux de terrains portant ou destinés à porter des commerces d'une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés.

La délimitation d'un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité est laissée à la libre appréciation du conseil municipal.

Le paragraphe VI précise les modalités de suivi (bilan annuel) et d'évaluation (complète, tous les 5 ans) du dispositif des OSER, par les communes ou leurs intercommunalités.

3. IMPACTS DE LA LOI

3.1. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

Bien qu'ouvert à toute ville, le dispositif des OSER devrait concerner en priorité des villes de 2.500 habitants (seuil d'apparition de centres-villes marchands de plus de 10 commerces) à 10.000 habitants (hors ORT), marquées par une décroissance démographique, une dégradation de l'habitat et/ou une déprise commerciale. Environ 650 villes pourraient ainsi être concernées (voir figure).

Estimation du nombre de villes cibles des OSER

Nombre
de villes*

Nombre moyen d'habitants
en 1999

Nombre moyen d'habitants
en 2014

Villes de 2.500 à 10.000 habitants

3.288

4.136

4.673

Dont en déprise démographique
(baisse de population entre 1999 et 2014)

659

5.277

4.919

* Métropole et DOM

Sources : Insee RGP

Parmi les 659 villes de 2.500 à 10.000 habitants en déprise démographique depuis 1999 :

- 317 sont en déprise démographique depuis 1999 et présentent un nombre de commerces inférieur à la moyenne de leur strate ;

- 50 sont en très forte déprise démographique depuis 1999 (baisse de population d'au moins 10 % entre 1999 et 2014) et présentent un nombre de commerces inférieur à la moyenne de leur strate (voir figure).

Typologie des villes cibles des OSER

Nombre
de villes*

Nombre moyen d'habitants
en 1999

Nombre moyen d'habitants
en 2014

Nombre moyen de commerces
en 2016

Ville en déprise démographique (baisse de population entre 1999 et 2014)

659

5.277

4.919

57

Dont en déprise démographique et en sous équipement commercial

317

4.567

4.293

13

Dont en forte déprise démographique (baisse de population > 10 % entre 1999 et 2014) et en sous équipement commercial

50

4.986

4.258

14

* Métropole et DOM

Sources : Insee RGP et BPE 2016

3.2. Impacts financiers

La création des OSER n'induit pas de dépenses budgétaires automatiques à l'entrée en vigueur de la loi. Il est difficile de chiffrer l'impact économique de la création des OSER car les futurs projets ne sont pas connus. Toutefois, le périmètre et le contenu de ces projets étant assez proche de celui des projets financés par l'AMI centre-bourg, il est probable que le montant moyen d'investissement public par projet sera similaire à celui constaté pour ce programme (de l'ordre d'un million d'euros par an par centre-bourg), soit 10 M€ par OSER sur une période de 10 ans. En retenant un effet multiplicateur de dépense publique compris en moyenne entre 3,5 et 5 dans la politique de la ville (source ANRU), l'investissement privé pourrait pour sa part s'élever entre 25 et 40 M€ par OSER sur la même période.

En supposant que 650 communes s'engagent dans cette démarche, le programme OSER devrait se traduire par un investissement cumulé de 27,6 milliards d'euros (dont 6,5 milliards d'euros d'investissement public) sur 10 ans.

3.3. Impacts administratifs

En dehors des éventuels investissements à consentir, l'engagement des OSER supposera de mettre en place une direction de projet dans chaque commune concernée.

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur dès la promulgation de la loi.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

4.3. Textes d'application

Il n'est pas prévu de mesure réglementaire d'application. Les mesures d'application seront principalement constituées de mesures non normatives : cahier des charges, circulaires, guide de bonnes pratiques.

4.4. Évaluation

Le paragraphe VI de l'article I er de la proposition de loi arrête des modalités d'évaluation régulière de chaque OSER, de façon à permettre à la commune et à l'établissement public de coopération intercommunale fiscalité propre de prolonger, de faire évoluer ou d'arrêter l'opération en toute connaissance de cause.

CHAPITRE DEUX : RENFORCER L'ATTRACTIVITÉ DES CENTRES POUR LES HABITANTS

Article 2 : Création de l'Agence nationale pour les centres-villes et centres-bourgs (ANCC) et extension du champ d'intervention de l'EPARECA dans les périmètres des conventions OSER

1. ÉTAT DES LIEUX

La revitalisation des centres-villes et centres-bourgs appelle des interventions relavant de multiples enjeux :

- sociaux (lutte contre l'habitat indigne et les exclusions, maintien des populations, équilibre des peuplements, adaptation au vieillissement et au handicap...),

- urbains (organisation de la centralité et cohérence du développement urbain, mise aux normes du parc de logement, aménagement des conditions de circulation et de stationnement...),

- économique (maintien et développement de l'activité économique, des commerces, des services, des équipements et services publics...).

L'efficience de ces interventions repose en particulier sur la mobilisation d'une ingénierie forte en matière :

- d'étude et d'expertise,

- de mobilisation du foncier et de portage immobilier,

- d'investissement.

Cette ingénierie existe à travers différents dispositifs et outils tels que les sociétés d'économie mixte (SEM), les sociétés publiques locales (SPL), certains établissements publics d'aménagement (EPA) et fonciers (EPFL et EPF) et des opérateurs privés.

Des dispositifs et outils spécifiques ont par ailleurs été créés et affinés par la politique d'habitat (Anah) et la politique de la ville (ANRU, EPARECA). Toutefois, l'intervention de certains de ces dispositifs et outils, tels que l'ANRU et EPARECA, reste limitée aux quartiers prioritaires de la politique de la ville ou aux quartiers anciens dégradés.

1.1. L'ANRU

1.1.1. L'intervention de l'ANRU en faveur des quartiers de la politique de la ville

a) Le Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU)

L'ANRU a été créé par l'article 10 de la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, afin de contribuer initialement à la réalisation du Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU).

Ce programme, qui s'est étendu sur la période 2004-2013, visait à restructurer, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable, les quartiers classés en zone urbaine sensible (ZUS).

Les moyens financiers consacrés à la mise en oeuvre du PNRU entre 2004 et 2013 se sont élevés à 12,3 milliards d'euros.

b) Le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU)

Le PNRU a été remplacé par le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Créé par la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, ce programme, qui s'étend sur la période 2014-2024, vise en priorité les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants.

Les moyens financiers consacrés à la mise en oeuvre du NPNRU entre 2014 et 2024 devraient s'élever à 10 milliards d'euros, selon les chiffres annoncés par le ministère de la Cohésion des Territoires, répartis à 87 % en faveur de 200 quartiers classés d'intérêt national et à 13 % en faveur de 200 autres quartiers classés d'intérêt régional.

Le NPNRU prévoit les opérations d'aménagement urbain suivantes :

- la création et la réhabilitation des espaces publics,

- la réhabilitation, la résidentialisation, la démolition et la production de logements (en garantissant une reconstitution de l'offre de logements locatifs sociaux démolis compatible avec les besoins structurels en logements locatifs sociaux fixés par les programmes locaux de l'habitat),

- la création, la réhabilitation et la démolition d'équipements publics ou collectifs,

- la création et la réorganisation d'espaces d'activité économique et commerciale,

- tout autre investissement contribuant au renouvellement urbain.

Les missions de l'ANRU ont été reprécisées par le décret n° 2015-299 du 16 mars 2015 relatif à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. L'Agence nationale pour la rénovation urbaine contribue à la réalisation du nouveau programme national de renouvellement urbain en accordant des concours financiers aux collectivités territoriales, aux établissements publics de coopération intercommunale compétents et aux organismes publics ou privés qui y conduisent des opérations concourant au renouvellement urbain.

Les concours financiers de l'agence sont destinés à des opérations d'aménagement urbain, dont la création et la réhabilitation des espaces publics, à la réhabilitation, la résidentialisation, la démolition et la production de nouveaux logements sociaux, à l'acquisition ou à la reconversion de logements existants, à la création, la réhabilitation et la démolition d'équipements publics ou collectifs, à la création et la réorganisation d'espaces d'activité économique et commerciale, à l'ingénierie, à l'assistance à la maîtrise d'ouvrage, au relogement, aux actions portant sur l'histoire et la mémoire des quartiers, à la concertation, la participation citoyenne et la co-construction des projets, ou à tout investissement concourant au renouvellement urbain des quartiers.

L'ANRU est également opérateur de Programmes d'Investissements d'Avenir (PIA) dotés d'un milliard d'euros, pour la mise en oeuvre de projets destinés à la jeunesse, à la ville et aux territoires durables ainsi qu'au co-investissement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

L'ANRU intervient encore en co-investissement à hauteur de 250 millions de fonds propres dans des projets immobiliers avec des opérateurs privés et en partenariat avec la Caisse des Dépôts et à hauteur de 1,3 Md€ d'investissement dans les 1.500 quartiers prioritaires de la politique de la ville.

1.1.2. L'intervention de l'ANRU en faveur des quartiers anciens dégradés

a) Le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD)

Les missions de l'ANRU ont été élargies pour la première fois au-delà de la politique de la ville, à la réalisation du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), défini par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

Ce programme, qui s'est étendu sur la période 2009-2014, visait prioritairement les quartiers présentant une concentration élevée d'habitat indigne et une situation économique et sociale des habitants particulièrement difficile. Il avait pour objectif la requalification urbaine et sociale de ces quartiers, la résorption de l'habitat indigne, l'amélioration et la diversification de l'offre de logements, l'amélioration de la performance énergétique des logements et le maintien de la mixité sociale au sein de ces quartiers.

Les moyens financiers consacrés à la mise en oeuvre du PNRQAD entre 2009 et 2014 se sont élevés à 380 millions d'euros (dont 150 millions de l'ANRU).

b) Les opérations de requalification des quartiers anciens dégradés (ORQAD)

Le PNRQAD se prolonge depuis 2017 à travers le nouveau dispositif des Opérations de requalification des quartiers anciens dégradés (ORQAD).

Créées par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, les ORQAD mixent les outils des opérations de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) et du Plan National de requalification des quartiers anciens dégradés PNRQAD, arrivé à son terme.

Les ORQAD peuvent être mises en place par l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements afin de mener une requalification globale des quartiers anciens dégradés tout en favorisant la mixité sociale, en recherchant un équilibre entre habitat et activités et en améliorant la performance énergétique des bâtiments.

Ces opérations sont menées sur un périmètre défini par l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements dans le cadre d'un projet urbain et social pour le territoire concerné ou d'une politique locale de l'habitat.

Chaque opération fait l'objet d'une convention pouvant prévoir tout ou partie des actions suivantes :

- un dispositif d'intervention immobilière et foncière visant la revalorisation des îlots d'habitat dégradé, incluant des actions d'acquisition, de travaux et de portage de lots de copropriété ;

- un plan de relogement et d'accompagnement social des occupants, avec pour objectif prioritaire leur maintien au sein du même quartier requalifié ;

- la mobilisation des dispositifs coercitifs de lutte contre l'habitat indigne ;

- la mise en oeuvre d'Opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) ;

- la mise en oeuvre de plans de sauvegarde prévus à l'article L. 615-1 ainsi que de la procédure d'administration provisoire renforcée prévue à l'article 29-11 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;

- la mise en oeuvre d'actions ou d'opérations d'aménagement intégrant les objectifs de l'opération et l'aménagement des espaces et des équipements publics de proximité ;

- la réalisation des études préliminaires et des opérations d'ingénierie nécessaires à sa mise en oeuvre.

Les ORQAD sont conduites à être remplacées par les ORT. Créées par le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, les opérations de revitalisation de territoire ont pour objet la mise en oeuvre d'un projet global de territoire destiné à adapter et moderniser le parc de logements et de commerces ainsi que le tissu urbain de ce territoire, pour améliorer son attractivité, lutter contre la vacance des logements et des commerces ainsi que contre l'habitat indigne et valoriser le patrimoine bâti, dans une perspective d'innovation et de développement durable des secteurs du commerce et de l'artisanat.

Deux-cent-vingt-deux villes ont été retenues pour bénéficier du dispositif (dont les 17 villes patrimoniales préalablement retenues pour « l'expérimentation Dauge », ainsi qu'une trentaine de villes déjà engagées dans une convention « Centre-ville de demain » avec la Caisse des Dépôts).

Les moyens financiers devant être consacrés à la mise en oeuvre des ORT entre 2017 et 2022 s'élèvent à 5 milliards d'euros (dont 1 Md€ de la Caisse des dépôts en fonds propres, 700 M€ en prêts, 1,5 Md€ d'Action Logement et 1,2 Md€ de l'ANAH). D'autres ressources pourront venir compléter ces enveloppes de crédits, dont celles de l'ANRU.

La figure suivante présente un tableau synoptique de ces différentes politiques en faveur des quartiers de la politique de la ville et des quartiers anciens dégradés impliquant une intervention de l'ANRU.

Tableau synoptique des différentes politiques en faveur des quartiers de la politique de la ville et des quartiers anciens dégradés impliquant une intervention de l'Anru.

Quartiers de la politique de la ville

Quartiers anciens dégradés

Programmes

Géographie prioritaire

Investissement public

Programmes

Géographie prioritaire

Investissement public

2004

PNRU

ZUS

12,3Md€

2005

2006

2007

2008

2009

PNRQAD

25 villes,
30 quartiers

380 M€

2010

2011

2012

2013

2014

NPNRU

200 quartiers d'intérêt national
(+ 200 quartiers d'intérêt régional)

10 Md€

2015

2016

2017

ORQAD

-

-

2018

ORT

222 villes

5 Md€

2019

2020

2021

2022

2023

2024

L'avenir de l'ANRU reste désormais suspendu au projet de création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, annoncée par le gouvernement actuel lors de deuxième Conférence nationale des territoires qui s'est tenue le jeudi 14 décembre à Cahors.

1.2. EPARECA

EPARECA a été créé par loi n°96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.

Actif depuis 20 ans, cet établissement à caractère industriel et commercial a pour objet d'assurer la maîtrise d'ouvrage d'actions et d'opérations tendant à la création, l'extension, la transformation ou la reconversion de surfaces commerciales et artisanales situées dans l'ensemble des quartiers de la politique de la ville.

Tout comme pour l'ANRU, l'intervention d'EPARECA a été étendue aux quartiers anciens dégradés par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, dans les quartiers éligibles au PNRQAD.

EPARECA intervient en qualité de promoteur, d'investisseur et d'exploitant d'ensembles commerciaux de proximité depuis la saisine de l'établissement par la collectivité jusqu'à la remise sur le marché de l'ensemble commercial ou artisanal restructuré :

En phase de montage :

- études préalables (commerciales, juridiques et foncières) ;

- projet immobilier et d'insertion urbaine ;

- conventions partenariales et bilans financiers.

En phase de production :

- appropriation du site ;

- réhabilitation, restructuration ou démolition-reconstruction.

En phase d'exploitation :

- gestion du nouvel équipement pour accompagner les commerçants et les artisans.

En dehors de son activité historique dans les quartiers de la politique de la ville, Epareca est déjà intervenu auprès d'un peu plus d'une vingtaine de villes pour les accompagner dans la redynamisation commerciale de leur centre ancien (13 en montages, 4 en production, 5 en exploitation, 1 revendu à fin avril 2018).

1.3. Partenariat ANRU-EPARECA

L'ANRU et EPARECA s'étaient engagés dans un processus de coopération formalisé dès 2007, à travers deux premières conventions de partenariat. EPARECA et l'ANRU ont convenu de l'intérêt de prolonger ce partenariat, en particulier sur la deuxième génération de projets de renouvellement urbain, le NPNRU entrant dans la phase opérationnelle. Cette nouvelle convention a donc pour objectifs de favoriser ou conforter :

• Epareca comme partenaire du NPNRU, notamment dans la réflexion sur des projets innovants et prospectifs,

• les conditions d'un co-investissement sur de l'immobilier commercial ou artisanal dans les quartiers en politique de la ville,

• la mutualisation des ressources (informations, études...) et l'animation des réseaux professionnels, notamment au travers de l'École du Renouvellement Urbain,

• l'appropriation par les Conseils citoyens de la dimension économique dans les quartiers en renouvellement urbain.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFERER

2.1. Objectifs poursuivis

Si le champ d'intervention de ces institutions intègre donc progressivement celui des quartiers dégradés, il n'en reste pas moins limité à une géographie prioritaire excluant notamment les centres des petites villes.

S'agissant par exemple de l'ANRU, l'article 10 de la loi n° 2003-710 du 1 août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine pose qu'en l'absence de dispositif local apte à mettre en oeuvre tout ou partie des projets de rénovation urbaine, l'ANRU peut assurer, à la demande des conseils municipaux ou des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale compétents, la maîtrise d'ouvrage de tout ou partie de ces projets. Mais cette intervention ne peut être qu'exceptionnelle et nécessite l'accord préalable du ministre chargé de la ville et du ministre chargé du logement.

En 2011, le comité d'évaluation et de suivi de l'ANRU préconisait déjà, dans son bilan intitulé « Les quartiers en mouvement : pour un acte 2 de la rénovation urbaine », de multiplier les passerelles entre les quartiers et les centres-villes.

Plus récemment, le rapport de mission de l'IGF-CGED portant sur la revitalisation commerciale des centres-villes soulignait : « Il serait justifié d'étendre aux centres-villes en difficulté (par exemple ceux dans lesquels le taux de vacance commerciale dépasse 10 % ou 15 %) des dispositions réservées aux quartiers prioritaires relevant de la politique de la ville, comme la possibilité d'accès à l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA). Cette mesure incitative doit s'inscrire dans un projet global pour atteindre sa pleine efficacité. »

Le même rapport note encore : « L'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) présente aussi un mode d'intervention intéressant, portant principalement sur la restructuration des centres commerciaux des quartiers relevant de la politique de la ville. La réforme de la politique de la ville issue de la loi Lamy a fait entrer plusieurs centres anciens dans la géographie prioritaire et le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) comporte un nombre plus important de quartiers anciens à traiter que dans le premier programme. De ce fait, Epareca est sollicité par plusieurs villes concernées et a engagé une réflexion pour se positionner sur ces sujets. Toutefois, de nombreuses communes touchées par la vacance commerciale dont le centre est situé hors géographie prioritaire ne peuvent pas bénéficier de l'action d'Epareca. A titre d'exemple, sur les 29 villes moyennes les plus affectées par un phénomène de vacance commerciale (taux de vacance commerciale supérieur à 15 %), seules 8 peuvent bénéficier de l'appui d'Epareca en centre-ville, les 21 autres centres de villes moyennes ne peuvent pas en bénéficier (15) ou seulement très partiellement (6). »

L'article 2 de la présente proposition de loi vise donc à renforcer la capacité d'ingénierie en matière de redynamisation des coeurs de villes au bénéfice des petites villes et centres-bourgs en créant l'Agence nationale des centres-villes et centres-bourgs (ANCC).

Cette agence pourra constituer une des composantes de la future Agence nationale de la cohésion des territoires. En outre, l'article 2 étend l'intervention d'Epareca, pour l'instant limitée aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, aux centres-villes faisant l'objet d'une convention « OSER ».

2.2. Obligations de légiférer

La création de l'Agence nationale des centres-villes et centres-bourgs (ANCC) ainsi que l'extension du champ d'intervention d'Epareca nécessitent un véhicule législatif.

3. IMPACTS DE LA LOI

3.1. Impacts juridiques

L'article 2 de la présente loi vient modifier l'article L.325-1 du code de l'urbanisme de manière à étendre le champ d'intervention d'Epareca aux OSER.

3.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

L'impact du concours technique et financier apporté par l'ANCC aux OSER peut être mesuré par le multiplicateur d'investissement public.

S'agissant de l'ANRU, cet effet multiplicateur oscille entre 3,5 et 5 selon l'agence.

Ainsi :

- les 12,3 milliards d'euros de dépense publique investis dans le Programme National de Rénovation Urbaine auraient généré 45 milliards d'euros de travaux ;

- les 380 millions d'euros d'investissement public engagés dans le PNRQAD auraient généré 1,5 milliard d'euros de travaux ;

- les 5 milliards d'investissement public initialement prévus dans le NPNRU (porté depuis à 10 milliards, selon une récente annonce du Ministère de la Cohésion des Territoires), devraient permettre de lever 20 milliards d'investissement privé supplémentaires.

Par extrapolation, un investissement public annuel minimal de 1 million d'euros de l'ANCC destiné à chacune des 650 OSER (nous retenons le montant investi dans le cadre de l'AMI centre-bourg - voir supra) devrait permettre de lever entre 3 et 5 millions d'euros d'investissement privé supplémentaires par opération chaque année.

Pour sa part, EPARECA a investi 170 millions d'euros dans la création ou la requalification de 50 ensembles commerciaux depuis sa création il y a 20 ans (environ 3 millions d'euros par centre). La feuille de route de l'établissement public prévoit 80 millions d'euros d'investissement sur cinq ans en phase avec le NPNRU et les contrats de ville.

L'impact du concours technique et financier apporté par EPARECA aux opérations de renouvellement urbain est plus difficile à évaluer compte tenu de la diversité des contextes dans lesquels il intervient.

Au plan qualitatif, l'intervention d'Epareca se traduit par de multiples effets bénéfiques à l'attraction des quartiers et centres-villes :

- restauration d'une commercialité par l'aménagement des espaces publics (diminution de la vacance commerciale en général de moitié, restauration des valeurs locatives des immeubles...) ;

- restauration d'une activité économique par la réimplantation de commerces (impact sur l'emploi et les chiffres d'affaires des commerces) ;

- restauration d'un patrimoine immobilier par la génération de revenus locatifs (impact sur la valeur patrimoniale des immeubles) ;

- restauration d'une animation urbaine par les nouveaux flux et usages générés (impact sur la vie sociale des quartiers).

3.3. Impacts financiers

Il est difficile de préjuger des coûts d'intervention induits par la mise en oeuvre des OSER, en raison de leur nombre non limité, et de la diversité des contextes dans lesquels elles s'inscrivent.

En première approche, en reprenant l'hypothèse ci-dessus d'un investissement annuel moyen d'1 million d'euros pour chacune des 650 OSER, le coût du dispositif pourrait s'élever à 6,5 milliards sur 10 ans.

La restructuration de linéaires commerciaux voire d'ensembles commerciaux situés en périmètre d'OSER nécessite un budget spécifique.

Le coût moyen de restructuration d'une centralité marchande de proximité composée d'une douzaine de cellules commerciales s'élève en moyenne à 5 millions euros (coût incluant la maitrise foncière, l'acquisition des fonds, les éventuelles évictions, les démolitions/reconstructions, l'aménagement, la commercialisation), soit 420.000 euros par cellule.

Parmi les 650 OSER cibles, 320 se caractérisent par une nette sous-représentation de leur équipement commercial. Le parc de locaux commerciaux des 320 OSER jugées prioritaires compte 4.500 locaux en activité (sources Insee-BPE), pour un parc total de cellules commerciales vides et occupées que nous estimons à 5.300 (nous retenons l'hypothèse d'un taux moyen de vacance commerciale de 15 % dans ce parc).

Théoriquement, une intervention visant à normaliser le taux de vacance commerciale des 320 OSER jugées prioritaires pour le ramener au niveau de 5 % devrait donc porter sur environ 800 cellules commerciales, pour un coût global estimé à 336 millions d'euros sur 10 ans.

3.4. Impacts administratifs

Il est difficile d'estimer les besoins administratifs de la future ANCC, dont les missions doivent encore être précisées par décret.

L'extension des missions d'Epareca aux OSER appelle une démultiplication de ses moyens humains et financiers.

Vingt-deux ETP sont actuellement dédiés à l'activité opérationnelle pour réaliser le programme d'investissement de 80 M€ prévu sur 5 ans.

En retenant l'hypothèse qu'une trentaine de centres-villes sous convention OSER pourraient nécessiter une intervention lourde d'Epareca, les besoins de l'établissement public peuvent être estimés à un budget supplémentaire de 105 M€ sur 10 ans (35 X 3 M€, les 3 M€ correspondant à l'investissement moyen actuel d'Epareca dans une opération de restructuration commerciale), soit une augmentation correspondant à plus que le double (+ 230 %) de sa capacité d'investissement actuelle.

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur dès la promulgation de la loi.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

4.3. Textes d'application

Les modalités d'application de cet article, s'agissant de la création de l'ANCC, sont renvoyées à un décret d'application.

4.4. Suivi, évaluation

Le texte ne prévoit pas de mesure spécifique. Celles-ci peuvent relever du Commissariat général à l'égalité des territoires qui fusionne les instances d'observation et d'évaluation de la politique de la ville depuis loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

ARTICLE 3 : ALLÈGEMENT DE LA FISCALITÉ SUR LES LOGEMENTS DANS LES PÉRIMÈTRES DES CONVENTIONS OSER

1. ÉTAT DES LIEUX ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

Le centre de nombreuses villes moyennes ou petites est aujourd'hui en déshérence.

Sur les opérations de requalification des centres villes pèsent des contraintes et des difficultés notamment financières : en effet, le coût d'intervention sur le bâti de centre-ville se révèle bien souvent prohibitif, notamment par rapport à la périphérie, induisant la migration des populations vers cette dernière, et le déplacement des équipements publics.

La reconquête des centres passe par une stratégie globale destinée à agir sur de nombreux sujets : commerce, habitat, foncier, transport...et notamment au travers de la fiscalité.

Ces mesures fiscales doivent porter sur le logement, d'abord, mais également sur les activités économiques et en particulier commerciales. Car, la vacance commerciale est le phénomène le plus visible, et elle n'est souvent que la conséquence de problèmes plus profonds : l'étalement urbain ou la désindustrialisation, le vieillissement et la paupérisation de la population, le tout sur fond de réformes administratives douloureuses et de métropolisation.

C'est pourquoi, l'instauration d'un taux réduit prévu à l'article 278 sexies B du CGI permettrait aux commerçants de procéder à des aménagements ou améliorations de la physionomie urbaine en agissant compte tenu de travaux moins élevés en TTC.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif poursuivi est celui de la reconquête des centres villes, en priorité par sa population : un centre-ville ne vit que s'il est habité, et donc occupé prioritairement par des résidences principales.

Un centre-ville ne vit également que s'il est actif économiquement, par l'offre d'emplois qu'il génère et par la qualité et l'attractivité de l'offre commerciale qu'il propose

La priorité de la reconquête des centres villes induit donc la construction de logements nouveaux, la rénovation et l'aménagement des locaux d'habitation existant, à l'effet de permettre l'installation d'une population nouvelle sans la désolvabiliser par des coûts excessifs de logement.

La mise en place de ce dispositif a pour corollaire le développement des commerces et par conséquent de l'emploi. Ces commerces bénéficieront également de dispositifs fiscaux de faveur, liée à la baisse de la TVA sur les travaux.

3. OPTIONS ET DISPOSITIFS RETENUS

Le dispositif retenu consiste en l'application des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux livraisons d'immeubles et les travaux réalisés en application d'un contrat unique de construction de logements dans le cadre d'une opération d'accession à la propriété à usage de résidence principale, située dans le périmètre d'une opération de sauvegarde économique et de redynamisation urbaine.

Ce dispositif s'appliquerait à tous les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien ainsi qu'aux locaux à usage commercial ou artisanal.

Est également prévue une réduction d'impôt pour les acquéreurs de locaux destinés à la location, sous respect de conditions de loyer et de ressources mentionnés dans le code général des impôts.

4. IMPACTS DE LA LOI

4.1. Impacts juridiques

L'article 3 de la présente proposition de loi a pour conséquence l'insertion d'un article 278 sexies B après l'article 278 sexies A du Code général des impôts, portant sur l'application des taux réduits de TVA pour les livraisons d'immeubles et les travaux réalisés en application d'un contrat unique de construction de logements dans le cadre d'une opération d'accession à la propriété à usage de résidence principale, située dans le périmètre d'une opération de sauvegarde économique et de redynamisation.

Il vient également apporter une modification à l'article 278-0 bis A du Code général des impôts portant sur l'application du taux réduit de TVA, dans le périmètre des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation, à tous les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien ainsi qu'aux locaux à usage commercial ou artisanal.

Il vient encore apporter une modification à l'article 279-0 bis du Code général des impôts portant sur l'application du taux réduit de TVA, dans le périmètre des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation, à tous les travaux réalisés sur une période de deux ans au plus :

- qui concourent à la production d'un immeuble neuf au sens du 2° du 2 du I de l'article 257 ;

- à l'issue desquels la surface de plancher des locaux existants est augmentée de plus de 10 %.

Enfin, cet article modifie l'article 199 novovicies du Code général des impôts en ouvrant le champ d'application du dispositif « Pinel » aux logements situés dans le périmètre de l'opération de sauvegarde économique et de redynamisation, sous réserve des conditions à remplir pour en bénéficier.

4.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

Les impacts précis de cette mesure, prises dans ses trois branches, restent difficiles à mesurer. Toutefois, d'un point de vue social, cette mesure contribuera incontestablement au repeuplement des centres-villes en facilitant l'accès au logement dès lors que cette mesure faciliterait l'investissement locatif dans ces zones, l'acquisition de la résidence principale, et la rénovation des habitations existantes à un cout moindre.

La multiplication des habitants en centre-ville aura nécessairement pour conséquence le développement des commerces implantés en centre-ville, entraînant donc leur revitalisation.

Par ailleurs, les chefs d'entreprise, les salariés et les apprentis formés tous les ans contribuent, ce qui est loin d'être négligeable, au maintien du lien social dans ces zones.

Un rapport de juillet 2016 sur la revitalisation commerciale des centres-villes réalisé par l'Inspection générale des finances et le Conseil général de l'environnement et du développement durable indique notamment à ce titre qu'il ne peut y avoir de vitalité commerciale en centre-ville sans :

- une démographie dynamique et une situation socioéconomique favorable, voire une capacité d'attractivité de la ville au-delà de son pourtour immédiat ;

- de bonnes conditions économiques d'exploitation pour les professionnels du commerce et un environnement urbain adapté ;

- un équilibre à préserver entre périphérie et centralité ;

- une adaptation rapide des acteurs du commerce à l'évolution des modes de consommation et des attentes de leurs clients.

Les incitations fiscales proposées répondront à ces problématiques.

En ce sens, la revitalisation des commerces du centre-ville pourrait engendrer la création d'emplois, favorisée, corrélativement, par le taux de TVA réduit sur les travaux.

4.3. Impacts financiers et budgétaires

L'application du taux réduit de TVA prévu par l'article 3 de la proposition de loi présente un coût pour l'État, qui demeure difficilement chiffrable avant sa mise en oeuvre, mais pourrait être compensé par la création d'emplois ainsi que la hausse du chiffre d'affaires des secteurs concernés par l'application de ce taux réduit.

4.4. Impacts administratifs

L'administration fiscale devra contrôler la bonne application des dispositions législatives. Ainsi, l'administration devra, concernant le dispositif « Pinel », veiller au respect des conditions exigées pour bénéficier de la réduction d'impôt dans le cadre de ce dispositif, et notamment quant aux modalités de location du logement, au prix de la location, à la durée de la location, à la performance énergétique du logement, ainsi qu'aux revenus des locataires.

Par ailleurs, le taux réduit de la TVA devra faire l'objet d'un contrôle par l'administration fiscale par la mise en place d'obligations déclaratives des prestataires des travaux telle qu'une attestation du preneur faisant état du respect de l'intégralité des conditions nécessaires à l'application de ce taux réduit (type de travaux, locaux concernés, etc.).

L'administration fiscale doit veiller cependant à ce que les mesures de contrôle mises en place n'aient pas pour effet de décourager le développement du secteur et en conséquence à freiner la création d'emplois.

5. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

5.1. Application dans le temps

La mise en oeuvre de la loi portant sur l'application d'un taux réduit de TVA pourrait être décidée dans ses principes au cours de l'établissement de la prochaine Loi de finances.

5.2. Application dans l'espace

Le texte ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer.

5.3. Textes d'application

Il conviendra de légiférer et créer un article 278 sexies B du CGI sur la TVA au taux réduit.

ARTICLE 4 : MOBILISATION DES LOGEMENTS DANS LES IMMEUBLES À REZ-DE-CHAUSSÉE COMMERCIAL

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. La vacance dans le parc de logement en centre-ville des villes petites et moyennes

La France métropolitaine comptait 34,8 millions de logements au 1 er janvier 2017, dont près de 3 millions de logements vacants, selon l'Insee.

La part de logements vacants est en hausse : elle a progressé de 6,9 % à 8,5 % entre 1999 et 2017. Ces chiffres masquent de fortes disparités. La Fnaim souligne dans une récente étude que les centres urbains des villes petites et moyennes apparaissent les plus touchés 7 ( * ) .

Évolution de la vacance dans le parc de logement des aires urbaines
entre 1999 et 2014

Sources : Fnaim, données Insee.

Il n'existe pas de statistiques nationales permettant d'objectiver le phénomène à une échelle infra-urbaine. Toutefois, de nombreuses études monographiques de villes montrent que les coeurs historiques des villes centres d'agglomération apparaissaient les plus affectés 8 ( * ) . Certaines artères principales de petites villes et villes moyennes comptent ainsi plus de 50 % de logements vacants, conduisant à des rues « décors » animées seulement durant les horaires d'ouvertures de leurs rez-de-chaussée commerciaux.

La vacance des logements relève de multiples facteurs. Dans le cas précis des immeubles situés dans les principales artères marchandes de coeur de ville, elle peut provenir d'une banalisation de la pratique des baux « tout immeuble ».

La pratique des baux « tout immeuble » ou « indivisible » consiste pour un propriétaire à louer dans le cadre d'un bail commercial, un local commercial auquel est associée une surface d'habitation, cette surface d'habitation pouvant recouvrir plusieurs logements répartis sur plusieurs étages de l'immeuble.

La pratique est ancienne. En centre-ville, il était d'usage que le commerçant occupe tout un immeuble : le rez-de-chaussée était réservé au commerce, le 1 er et le 2 e à l'habitation et le 3 e étage et le grenier étaient plutôt consacrés aux réserves. Avec les évolutions des modes de vie, les commerçants ont peu à peu dissocié leur exploitation de leur habitation. Une part de vacance est ainsi liée au fait que les commerçants ont « abandonné » les étages.

Cette pratique a changé de nature depuis les années 1990, en raison de l'élévation rapide des loyers commerciaux dans les coeurs de ville. Certains commerçants ont ainsi cherché à optimiser leur surface de vente en rez-de-chaussée en transformant les parties communes d'immeuble en surface de vente, condamnant de ce fait l'accès aux étages. Certains propriétaires ont par ailleurs promu le bail tout immeuble afin d'optimiser leurs revenus locatifs. Les valeurs locatives en hyper centre-ville de villes moyennes oscillent entre 450 et 800 €/m 2 pour un commerce en rez-de-chaussée. Incidemment, les étages, avec les pondérations appliquées, peuvent être loués autour de 200 €/m 2 , soit à une valeur bien supérieure à celle des loyers d'habitation.

1.2. La réglementation sur les locaux annexes d'habitation

Lorsqu'un local d'habitation est l'accessoire d'un fonds de commerce, le statut des baux commerciaux s'applique à l'ensemble quand la privation du local d'habitation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds. Le mécanisme actuel permet au bailleur de récupérer les locaux d'habitation annexes en fin de bail lors de son renouvellement.

Dans le cadre de cette réglementation, il convient de distinguer les éléments qui relèvent de la désignation des lieux des éléments qui ressortent de leur destination.

La désignation des lieux se borne à une description (nombre de pièces, cuisine, etc.).

La destination des lieux se réfère à l'usage convenu par les parties. « L'inoccupation » d'un local à titre d'habitation peut constituer une infraction contractuelle si la destination prévue au bail est bien du logement. En revanche, elle ne peut pas constituer une infraction si la destination des lieux n'est pas suffisamment précisée dans le bail.

Le bailleur dispose donc d'outils juridiques lui permettant de constater les infractions au bail et d'en tirer les conséquences. Quant au locataire, il n'est pas nécessairement demandeur et selon les circonstances, il peut être prêt à restituer un logement à son bailleur.

La vacance dans les locaux d'habitation accessoires à des locaux commerciaux est définie au titre IV du livre VI de la partie réglementaire du code de la construction et de l'habitation :

Article R641-23 : Les locaux et logements accessoires indiqués à l'article L 641-12 sont considérés comme, vacants lorsque :

1. Le bail est expiré, non reconduit ou non renouvelé, et que les occupants ne bénéficient pas du droit au maintien dans les lieux ;

2. Le bail est résilié par accord amiable ou décision de justice ;

3. Les occupants ont été condamnés à vider les lieux. Le maintien sans titre dans les lieux de tout occupant ne fait pas perdre au local sa qualité de local vacant.

Article R641-24 : Sont considérés comme inoccupés :

1. Les locaux ou la partie des locaux matériellement divisible du reste dans lesquels aucune activité n'est exercée depuis un an au moins ou qui sont restés effectivement inutilisés pendant la même durée ou dont les conditions d'utilisation équivalent pratiquement à une inutilisation ;

2. Les logements accessoires matériellement divisibles du reste des locaux qui sont demeurés effectivement inhabités ou inutilisés depuis six mois au moins ou dont les conditions d'utilisation pendant cette période équivalent pratiquement à une inutilisation ainsi que ceux qui constituent pour leur détenteur une résidence secondaire.

Article R641-25 : En cas d'indivisibilité matérielle du local et du logement accessoire, la réquisition ne peut être prononcée que si chacun de ces locaux peut être considéré comme vacant ou inoccupé aux sens définis par les articles R. 641-23 et R. 641-24. Elle porte sur l'ensemble des locaux.

Le code de commerce prévoit également un mécanisme permettant au bailleur de refuser un renouvellement du bail pour la partie des locaux d'habitation accessoires des locaux commerciaux ; mais uniquement pour les habiter lui-même ou les faire habiter par des proches et à condition que le bénéficiaire de la reprise ne dispose pas d'une habitation correspondant à ses besoins normaux. Cette réglementation restrictive est très peu appliquée. De fait, le congé transmis au locataire s'exerce uniquement lors du renouvellement du bail.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

2.1. Obligation de légiférer

Du fait de ce manque de souplesse de la réglementation, les collectivités territoriales sont demandeuses de mécanisme qui permettraient de réaffecter ces locaux à l'habitat et contribueraient à assouplir les tensions qui règnent sur le marché locatif.

Plusieurs propositions ont déjà été faites dans ce sens par le groupe de travail sur la simplification et la modernisation du statut des baux commerciaux (dit commission Pelletier) en 2004.

• Première proposition : permettre la reprise des logements vacants accessoires par le bailleur non seulement lors du renouvellement du bail mais aussi à l'expiration de la période triennale, en vue de leur réaffectation, si le preneur n'y a pas lui-même procédé dans les six mois suivants la notification.

L'objectif est de favoriser, quand cela est possible, une meilleure occupation pour inciter à l'affectation des locaux inoccupés à l'habitation :

- en donnant des délais sans exclure un échange entre le bailleur et le preneur,

- en apportant des garanties de loyer au bail, qui devra être diminué pour tenir compte des surfaces retranchées,

- en excluant les cas où la privation de la jouissance du local d'habitation apporterait un trouble grave à l'exploitation du fonds ou encore lorsque les locaux commerciaux ou les locaux d'habitation forment un tout indivisible,

- en précisant que cette reprise par le propriétaire ne devra pas constituer en elle-même une modification notable des éléments de la valeur locative, afin d'éviter que la reprise d'un local accessoire d'habitation soit une cause d'évolution du loyer.

• Deuxième proposition : faciliter le concours de subventions publiques pour la transformation des locaux annexes vacants (financement des travaux lourds pour en faciliter l'accès par l'arrière-cour) : concours de l'ANAH et du FISAC ; et adaptation des règles d'éligibilité des travaux aux subventions.

Par ailleurs, lors du Forum des Fédérations réuni en mars 2004, un souhait a été exprimé de faire évoluer la législation sur les baux :

- interdire le bail commercial portant sur tout l'immeuble,

- fixer par la loi la séparation de la partie « activité » et réserves de la partie logement,

- faciliter la réaffectation des locaux accessoires d'habitation.

Des réformes importantes ont depuis été apportées au régime des baux commerciaux en particulier par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

Les villes se sont vues par ailleurs dotées de nouveaux outils juridiques leur permettant notamment de préempter les fonds artisanaux, les fonds de commerce ou les baux commerciaux. En revanche l'encadrement des baux tout immeuble a jusqu'à présent échappé à l'attention du législateur.

2.2. Objectifs poursuivis

L'article 4 propose différents outils et dispositifs visant à renforcer la lutte contre la vacance des logements.

Dans toutes les communes :

- interdiction des baux tout immeuble,

- interdiction de condamnation des accès aux étages.

Dans les périmètres OSER :

- systématisation du constat d'abandon manifeste d'une partie d'immeuble en cas de condamnation des accès,

- renforcement des taux de la taxe annuelle sur les logements vacants.

2.1.1. Interdiction des baux tout immeuble et de condamnation des accès aux étages des immeubles

Le premier et le second alinéa de la proposition de loi viennent apporter une traduction juridique à deux propositions faisant l'objet d'un consensus entre organisations professionnelles, en faveur de la réaffectation de locaux vacants à l'habitat.

2.1.2. Systématisation du constat d'abandon manifeste d'une partie d'immeuble en cas de condamnation des accès, dans les périmètres OSER

La procédure d'abandon manifeste est définie à l'article L.1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

Cet article dispose :

« Sont considérés comme n'ayant pas de maître les biens autres que ceux relevant de l'article L 1122-1 et qui :

1° Soit font partie d'une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s'est présenté ;

2° Soit sont des immeubles qui n'ont pas de propriétaire connu et pour lesquels depuis plus de trois ans la taxe foncière sur les propriétés bâties n'a pas été acquittée ou a été acquittée par un tiers. Ces dispositions ne font pas obstacle à l'application des règles de droit civil relatives à la prescription ;

3° Soit sont des immeubles qui n'ont pas de propriétaire connu, qui ne sont pas assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties et pour lesquels, depuis plus de trois ans, la taxe foncière sur les propriétés non bâties n'a pas été acquittée ou a été acquittée par un tiers. Le présent 3° ne fait pas obstacle à l'application des règles de droit civil relatives à la prescription. »

Le troisième alinéa de la proposition de loi vient systématiser le constat d'abandon manifeste en cas de condamnation de l'accès aux étages d'un immeuble.

2.1.3. Renforcement de la taxe annuelle sur les logements vacants dans les périmètres OSER

La taxe annuelle sur les logements vacants est définie à l'article 232 du code général des impôts. Cet article dispose :

I. - La taxe annuelle sur les logements vacants est applicable dans les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social. Un décret fixe la liste des communes où la taxe est instituée. Cette liste inclut les communes situées dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution comprises dans une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants et répondant aux conditions fixées à la première phrase du présent I.

II. - La taxe est due pour chaque logement vacant depuis au moins une année, au 1 er janvier de l'année d'imposition, à l'exception des logements détenus par les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte et destinés à être attribués sous conditions de ressources.

III. - La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail à construction ou à réhabilitation ou l'emphytéote qui dispose du logement depuis le début de la période de vacance mentionnée au II.

IV. - L'assiette de la taxe est constituée par la valeur locative du logement mentionnée à l'article 1409. Son taux est fixé à 12,5 % la première année d'imposition et à 25 % à compter de la deuxième.

V. - Pour l'application de la taxe, n'est pas considéré comme vacant un logement dont la durée d'occupation est supérieure à quatre-vingt-dix jours consécutifs au cours de la période de référence définie au II.

VI. - La taxe n'est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable.

VII. - Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions de la taxe sont régis comme en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties.

VIII. - Le produit de la taxe est versé à l'Agence nationale de l'habitat dans la limite du plafond prévu au I de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

Le quatrième alinéa de la proposition de loi vient étendre l'application de la taxe sur les logements vacants au périmètre des OSER, tout en majorant son taux (fixé à 25 % la première année puis à 35 % les suivantes dans les périmètres OSER, contre 12,5 % la première année et 25 % les suivantes, dans les autres cas où la taxe s'applique).

3. IMPACTS DE LA LOI

3.1. Impacts juridiques

L'article 4 vient apporter une modification au chapitre V du titre IV du livre I er du code de commerce portant sur l'interdiction des baux à destinations multiples.

Il apporte aussi une modification à la sous-section 2 de la section 2 du chapitre I er du titre I er du livre I er du code de la construction et de l'habitation, portant sur l'interdiction de travaux condamnant l'accès aux étages d'un immeuble.

Il apporte encore une modification à l'article L. 2243-1 du code général des collectivités territoriales visant à renforcer la procédure d'abandon manifeste dans le périmètre des OSER.

Il apporte enfin des modifications à la section III du chapitre III du titre I er de la première partie du livre I er du code général des impôts en créant un article 233 portant sur l'extension et les modalités d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants dans les OSER.

3.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

En première approche, l'interdiction des baux tout immeuble et de condamnation des accès aux étages des immeubles situés dans un périmètre d'OSER pourrait s'appliquer à environ 2.700 immeubles (voir figure).

Estimation du nombre d'immeubles concernés
par l'interdiction des baux tout immeuble dans les OSER

1

Nombre total de commerces dans les communes en OSER

37.000

2

Nombre total de commerces dans les périmètres OSER

(hypothèse : (1) X 60 %)

22.000

3

Nombre total d'immeubles avec rez-de-chaussée commerciaux
en périmètre OSER

(hypothèse : (2) X 60 %)

13.500

4

Nombre total d'immeubles avec rez-de-chaussée commerciaux
en périmètre OSER rattaché à un bail tout immeuble

(hypothèse : (3) X 20 %)

2.700

Toujours en première approche, l'extension de la taxe sur les locaux vacants pourrait en théorie s'appliquer à quelques 81.000 logements (voir figure).

Estimation du nombre d'immeubles concernées
par la taxe sur les logements vacants dans les OSER

1

Population totale des 650 communes OSER (Insee)

3.500.000 habitants

2

Population des communes en OSER résidant
dans le périmètre des OSER (hypothèse : (1) X 15 %)

520.000 habitants

3

Nombre de ménages des communes en OSER résidant
dans le périmètre des OSER

(hypothèse : (2)/2)

260.000

4

Nombre de logements occupés dans le périmètre des OSER

(hypothèse : (4) = (3))

260.000

5

Nombre total de logements occupés et inoccupés dans le périmètre des OSER

(hypothèse : taux de vacance de 25 % ; (5) = (4)/0,75)

350.000

6

Nombre total de logements inoccupés dans le périmètre
des OSER

(6) = (5)-(4)

90.000

7

Nombre total de logements inoccupés dans le périmètre
des OSER depuis au moins un an

(hypothèse : (7) = (6) X 90%

81.000

Toutefois, il convient de distinguer parmi ces logements :

- ceux dont la vacance relève de facteurs indépendants de la volonté du contribuable (par exemple en cas de déclin démographique structurel de la commune et de son aire urbaine), auquel cas la taxe pourrait se révéler contre-productive en aggravant les situations de vacance,

- ceux dont la vacance relève de la volonté du contribuable (par exemple en cas d'abandon manifeste), auquel cas la taxe peut se révéler dissuasive.

En retenant l'hypothèse d'une vacance « volontaire » de 10 %, l'extension de la taxe sur les locaux vacants devrait pouvoir s'appliquer à environ 8.000 logements (81.000 X 10%).

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur dès la promulgation de la loi.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

4.3. Textes d'application

Il n'est pas prévu de mesure réglementaire d'application.

ARTICLE 5 : MAINTIEN DES SERVICES PUBLICS DANS LES CENTRES-VILLES

1. ÉTAT DES LIEUX

Un large consensus existe au sein des pouvoirs publics pour reconnaître dans la présence des services publics (sous-préfectures, perceptions, gendarmeries, bureaux de poste, hôpitaux, gares,...) en milieu rural un élément fondamental de l'aménagement du territoire et du maintien des populations dans les zones en déprise démographique.

Toutefois, ce constat peut se heurter à certains objectifs des politiques publiques de modernisation de l'action publique, qui ont à répondre à plusieurs enjeux parfois contradictoires :

- garantir l'accessibilité et la qualité de service et plus généralement la solidarité nationale,

- optimiser le maillage territorial en fonction des nouveaux usages (mobilité, NTIC...),

- rationaliser et économiser les moyens.

Ainsi, les politiques de modernisation successives conduites par l'État durant ces 20 dernières années (depuis la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi 95-115, en passant par la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, la révision générale des politiques publiques, la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République) n'ont pas réussi à rassurer les élus des petites villes malgré les gardes fous que certaines de ces politiques ont parfois pu mettre en place (à l'exemple du moratoire sur les fermetures de services publics de 1995).

De manière significative, les questions orales intervenues au Sénat durant cette même période renvoient avec constante aux mêmes termes du débat :

- quelle garantie l'État peut-il offrir aux communes sur le maintien des services dans les communes rurales ?

- comment ne pas faire peser sur le budget des communes le maintien des services publics ?

- comment améliorer les procédures en matière de contrôle de suppression ou de modification de service (problème de la décision unilatérale de l'État) ?

Sur ce dernier point, les élus manifestent une demande forte d'amélioration de l'information et de la concertation avec l'État, pour mieux anticiper les conséquences des politiques de modernisation de l'action publique sur leur territoire.

Cette demande devrait de nouveau se faire entendre dans le cadre des prochaines discussions sur le programme « Action publique 2022 », dont l'État vient d'engager la réflexion.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

2.1. Obligation de légiférer

L'obligation de légiférer tient à l'absence de dispositifs stabilisés permettant aux élus locaux d'être suffisamment informés à l'avance des éventuels mouvements de fermetures ou de transferts de services publics pouvant intervenir sur leur territoire.

2.2. Objectifs poursuivis

L'article 5 vise :

- d'une part, à améliorer l'information en amont des communes sur les éventuelles fermetures ou transferts de services publics pouvant intervenir sur leur territoire, voire à s'y opposer, lorsqu'elles sont engagées dans une convention OSER ;

- d'autre part, pour tous les territoires, à mieux flécher les aides aux professionnels de santé de manière à ce que celles-ci favorisent leur maintien et leur installation dans les centres-villes

Son premier paragraphe prévoit, d'une part, une information minimale des autorités locales par le représentant de l'État dans le département lors de la fermeture ou du déplacement d'un tel service de l'État en dehors du périmètre d'une opération de sauvegarde économique et de redynamisation et institue, d'autre part, une procédure permettant aux élus de s'opposer à une telle évolution. Cette mesure concernerait aussi les services d'autres collectivités (par exemple la fermeture de l'hôtel de département ou d'une de ses antennes, ou encore le transfert des locaux d'intercommunalités du centre-ville vers la périphérie) ou des organismes chargés d'une mission de service public.

Le premier paragraphe de l'article 5 pose le principe d'une information en amont de l'autorité locale responsable du territoire et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel appartient la commune concernée, selon les cas, par le représentant de l'État dans le département ou par l'autorité exécutive d'une collectivité territoriale qui envisagerait de modifier le fonctionnement d'un de leurs services. Elle interviendrait au moins six mois à l'avance. Cette information en amont vise à permettre aux élus concernés de pouvoir demander toutes les informations nécessaires permettant de justifier cette décision.

Au surplus, le représentant de l'État dans le département ou l'autorité exécutive de la collectivité territoriale devraient donner tous les éléments nécessaires pour démontrer que les décisions envisagées ne concourent pas à la dévitalisation du centre-ville ou du centre-bourg et qu'aucune alternative n'est possible en dehors de la décision envisagée. L'article prévoit également au profit de la collectivité, soit la conclusion d'une convention de mise à disposition des locaux laissés vacants, pour une durée d'au moins dix ans, soit, si le bien est à vendre, un droit de préemption. Il s'agit de permettre à la commune ou à l'EPCI de d'intégrer ces locaux dans une stratégie territoriale de redynamisation.

Le deuxième paragraphe vise à garantir que les aides destinées aux professionnels de santé, notamment lorsqu'il s'agit de créer une maison de santé, ne contribueront pas à fragiliser les centres par transfert de ces professionnels vers des sites en périphérie.

Le dispositif proposé est triple :

- d'une manière globale, l'agence régionale de santé (ARS) est chargée de veiller au maintien d'une offre médicale diversifiée au sein des périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation ;

- ses aides ne peuvent être destinées à financer le transfert d'un centre de santé, d'une maison de santé ou d'un site d'un pôle de santé hors de ces périmètres ;

- sur un territoire bénéficiaire d'une convention OSER, l'ARS doit examiner en priorité les possibilités d'implantation dans le périmètre de l'opération et ne peut accorder d'aide que si le porteur d'un projet démontre qu'il n'aboutira pas à un transfert de l'exercice des professionnels de santé en dehors du périmètre de l'opération, sauf s'il justifie qu'aucune alternative permettant d'implanter le projet dans le périmètre considéré n'est possible. Le texte réserve par ailleurs les cas où la commune est d'accord pour ce transfert.

Les troisième et quatrième paragraphes prévoient un mécanisme similaire, d'une part, pour les aides octroyées par les collectivités territoriales destinées à favoriser l'installation ou le maintien de professionnels de santé et, d'autre part, pour les projets de création de maison de services au public.

3. IMPACTS DE LA LOI

3.1. Impacts juridiques

L'article 5 vient modifier le titre unique du livre I er de la première partie du code général des collectivités territoriales.

Cette modification porte sur :

- l'instauration d'un devoir d'information aux collectivités locales lorsqu'il est envisagé la fermeture ou le déplacement d'un service de l'État, ce devoir d'information comprenant une mesure des conséquences de cette fermeture ou de ce déplacement ;

- la faculté pour les collectivités locales concernées par la fermeture ou le déplacement d'un service de l'État de s'y opposer ;

- la définition de mesures compensatoires.

L'article 5 vient également modifier la section deux du chapitre cinq du titre trois du livre quatre de la première partie du code de santé publique.

Cette modification porte sur les conditions d'octroi des aides de l'agence régionale de santé aux professionnels de santé dans les territoires en OSER.

L'article 5 vient encore modifier l'article L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales. Cette modification porte sur l'encadrement des conditions d'implantations des professionnels de santé dans les territoires en OSER.

Enfin, l'article 5 vient modifier la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Cette modification porte sur les conditions d'octroi des aides à l'implantation des maisons de services au public dans les territoires OSER.

3.2. Impacts économiques et financiers

L'amélioration de l'information des communes sur le devenir de leurs services publics doit leur permettre le cas échéant d'ouvrir une discussion avec l'État, à tout le moins de mieux anticiper les conséquences de leur fermeture ou transfert.

L'encadrement des conditions d'octroi des aides à l'implantation des professionnels de santé dans les territoires OSER devrait par ailleurs limiter leur transfert à la périphérie des villes, au profit de l'animation des coeurs de ville.

L'impact financier des mesures prévues à l'article 5 ne peut être estimé ex ante , en l'absence d'information sur les services présents dans les périmètres OSER, dont la liste n'est pas encore fixée.

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur dès la promulgation de la loi.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

4.3. Textes d'application

Il n'est pas prévu de mesure réglementaire d'application.

CHAPITRE TROIS : RÉDUIRE LE COÛT DES NORMES EN CENTRE-VILLE

Article 6 : Expérimentation tendant à déroger à l'application de certaines normes dans les périmètres des opérations OSER

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. L'inflation normative

La simplification du droit constitue depuis une trentaine d'années une préoccupation des pouvoirs publics, qui n'a fait que croître avec le volume des normes de droit qu'elle se fixe pour objectif de contenir.

Le Conseil d'État, dans sa dernière étude annuelle relative à la simplification et à la qualité du droit publiée en 2016, constate ainsi que cette inflation s'est aggravée durant ces dernières années. De surcroit, les textes ne cessent de s'allonger et sont parfois rendus illisibles après plusieurs modifications. À cela s'ajoute un certain désordre en matière de simplification (instabilité des secrétaires d'État et des structures dédiées, accumulation de circulaires, communication excessive). Des facteurs sociologiques, juridiques et politiques sont également en cause : changements sociétaux, attentes sociales, poids accru des normes constitutionnelles, européennes et internationales, instantanéité de la réponse donnée en apparence par la loi, etc.

La dégradation de la qualité du droit a nécessairement des effets négatifs : contentieux qui peuvent déstabiliser les politiques publiques, inquiétude des acteurs économiques face à l'instabilité juridique, difficulté des citoyens en particulier des plus précaires à comprendre les textes.

S'agissant plus particulièrement des politiques de redynamisation territoriale, la dégradation de la qualité du droit est fréquemment évoquée par les acteurs publics et économiques locaux comme un des principaux facteurs retardataires à l'enclenchement d'opérations d'aménagement et de chantiers de construction.

1.2. La lutte contre l'inflation normative

L'action publique en faveur de la simplification et de la réduction des normes de droit repose sur plusieurs dispositions et leviers d'action.

La circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en oeuvre du gel de la réglementation pose le principe d'une simplification normative portant « aussi bien sur le flux des textes en préparation, que sur le "stock " des normes applicables ».

Ce texte instaure plusieurs mesures dont :

- le gel de la réglementation sur le principe « une norme créée, une norme supprimée ou allégée » ;

- l'extension et la simplification de l'évaluation des impacts des projets de textes réglementaires ;

- un moratoire appliqué aux textes imposant aux collectivités territoriales des contraintes qui ne trouvent pas leur origine dans une norme supérieure.

Plus récemment, le décret n° 2017-1845 du 29 décembre 2017 a introduit la possibilité pour certains préfets de métropole et d'outre-mer de déroger, à titre expérimental et pendant deux ans, à certaines dispositions réglementaires. Cette faculté offerte au préfet, depuis le 1 er janvier 2018, ne peut être mise en oeuvre que si quatre conditions sont réunies :

- elle doit être justifiée par un motif d'intérêt général et l'existence de circonstances locales ;

- son objectif doit être d'alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l'accès aux aides publiques ;

- elle doit être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France ;

- elle ne devra pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

La dérogation est prévue pour ne porter que sur certaines matières : les subventions, les concours financiers et les dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales ; l'aménagement du territoire et la politique de la ville ; l'environnement, l'agriculture et les forêts ; la construction, le logement et l'urbanisme ; l'emploi et l'activité économique ; la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel et les activités sportives, socio-éducatives et associatives.

Deux mois avant la fin de l'expérimentation, le préfet doit établir un rapport d'évaluation qui précisera notamment la nature et le nombre des dérogations accordées, les motifs d'intérêt général qui les ont justifiées et le cas échéant, les contestations et contentieux auxquels les dérogations ont donné lieu.

L'expérimentation est pour l'instant menée par les préfets des régions et des départements de Pays de la Loire, de Bourgogne-Franche-Comté et de Mayotte, les préfets de département du Lot, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Creuse ainsi que le représentant de l'État à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin et, par délégation, le préfet délégué dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

1.3. La simplification des normes de construction

Les normes de construction constituent le standard minimal de qualité et de solidité auquel doivent répondre les bâtiments et leurs équipements. Elles ont pour finalité la sécurité et le confort des occupants ainsi que de limiter l'impact environnemental du bâtiment. Elles ne doivent pas être confondues avec les règles de l'art, les normes techniques ou encore les certifications et labellisations, lesquelles sont issues d'organismes privés.

Les normes de construction sont fixées par voie législative et réglementaire.

Elles sont principalement regroupées dans le livre I er du code de la construction et de l'habitation, mais figurent également dans le code de l'environnement et le code de la santé publique. Les règlements départementaux peuvent également fixer des prescriptions relatives à la salubrité des habitations (CCH, art. L. 111-5).

Ces normes de construction concernent principalement :

- la surface et le volume des bâtiments d'habitation (CCH, art. R. 111-1-1) ;

- l'accessibilité aux personnes handicapées (CCH, art. L 111-7) ;

- es caractéristiques thermiques (CCH, art. L. 111-9) et acoustiques (CCH, art. L. 111-11) ;

- les dispositifs parasismiques et paracycloniques (CCH, art. L. 112-18, et C. envir., art. L. 563-1) ;

- la lutte contre les termites et xylophages (CCH, art. L. 112-17) ;

- la lutte contre le risque d'incendie (CCH, art. L. 122-1 s.) ;

- l'assainissement.

Sur la période récente, les normes de construction ont fait l'objet de premières mesures de simplification engagées par le ministère du logement et du développement durable, en mars 2014 (« Réglementation de la construction : la simplification est en marche - Plus de 50 mesures pour relancer la construction de logements » 9 ( * ) ). Ces mesures portaient notamment sur les normes de sécurité incendie, de confort intérieur des bâtiments, de risques sismiques et technologiques, d'électricité, de performance thermiques, ou encore d'accessibilité.

Le gouvernement actuel s'est engagé à ne créer aucune nouvelle norme technique d'origine législative ou règlementaire dans le secteur de la construction, exception faite des normes de sécurité et des engagements déjà pris ou votés.

Par ailleurs, le ministère de la Cohésion des Territoires a engagé une réflexion sur l'identification de mesures de simplification de la réglementation de la construction, dans la poursuite des travaux engagés en 2014. Certaines de ces mesures figurent dans le projet de loi « Évolution du logement et aménagement numérique » qui doit être discuté prochainement au Parlement.

Le texte prévoit diverses simplifications des normes et procédures pour faciliter et accélérer l'acte de construire. Les principales mesures prévoient l'adaptation :

- des normes d'accessibilité (les logements collectifs ne font plus partie de la liste des bâtiments devant être entièrement accessibles aux personnes à mobilité réduite : au sein de chaque bâtiment à usage d'habitation ou à usage mixte, au moins un dixième des logements doivent l'être et les autres doivent être « évolutifs ») ;

- de règles de construction (notamment pour favoriser l'émergence de solutions de construction « préfabriquées ») ;

- des règles de la commande publique (en faveur de la production de logement social) ;

- des règles concernant l'avis des services en charge de l'architecture et du patrimoine pour la délivrance de certaines autorisations et les voies de recours.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

2.1. Objectifs poursuivis

La présente proposition de loi introduit une expérimentation, pour une durée maximale de cinq ans, autorisant le maire d'une commune engagé dans une convention OSER, à proposer au représentant de l'État dans le département la faculté de déroger à certaines normes qui imposeraient la réalisation de prestations ou de travaux impliquant la mise en oeuvre de moyens matériels, techniques ou financiers disproportionnés.

2.2. Obligation de légiférer

L'instauration d'une expérimentation visant à alléger le poids des normes dans le périmètre des OSER nécessite un véhicule législatif.

3. IMPACTS DE LA LOI

3.1. Impacts juridiques

La disposition prévue à l'article 7 de la présente proposition de loi nécessite la rédaction d'un décret d'application.

3.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

3.2.1. Pour les entreprises et les collectivités

La simplification du droit permettra aux entreprises et collectivité en OSER d'engager plus facilement leurs projets par :

- l'amélioration de l'encadrement du contentieux abusif, rendue possible par une meilleure lisibilité et une meilleure cohérence des textes ;

- la facilitation de l'acte d'aménagement et de construction, rendu possible par la réduction du nombre et des délais des procédures administratives ;

- la diminution des surcoûts liés aux contraintes engendrées par les normes (matériaux utilisés, accessibilité des pièces à vivre et des espaces communs...) ;

- la diminution des surcoûts liés à l'immobilisation de capital, rendu possible par l'accélération des procédures administratives.

3.2.2. Pour l'administration

La simplification du droit doit permettre de réduire le nombre et les délais des procédures administratives.

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur à la date de publication de son décret d'application.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

4.3. Textes d'application

Les modalités d'application de cet article sont renvoyées à un décret d'application.

ARTICLE 7 : INSTITUTION D'UNE PROCÉDURE VISANT À SIMPLIFIER LA PRISE EN COMPTE DES PROTECTIONS PATRIMONIALES DANS LE PÉRIMÈTRE DES OPÉRATIONS OSER

1. ÉTAT DES LIEUX

Le régime de protection des monuments historiques, sites et espaces protégés a récemment été réformé par la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, complétée de son décret d'application n° 2017-456 du 29 mars 2017 relatif au patrimoine mondial, aux monuments historiques et aux sites patrimoniaux remarquables.

Le régime d'autorisation de travaux a été simplifié en unifiant le régime des autorisations en abords des monuments historiques avec les autres régimes de travaux en espaces protégés. Il est attendu que cette simplification permette de favoriser un processus de rationalisation des actes émis par les Architectes des bâtiments de France (ABF) et permette d'assurer un traitement plus efficace des dossiers de demande d'autorisation de travaux (raccourcissement des délais, réduction du risque de contentieux).

Le régime des travaux en abords des monuments historique est codifié par les articles L. 621-30 à L. 621-32.

L'article L. 621-30 définit la notion de protection au titre des abords :

« I. - Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords.

La protection au titre des abords a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel.

II. - La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques.

En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci.

La protection au titre des abords s'applique à toute partie non protégée au titre des monuments historiques d'un immeuble partiellement protégé.

La protection au titre des abords n'est pas applicable aux immeubles ou parties d'immeubles protégés au titre des monuments historiques ou situés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable classé en application des articles L. 631-1 et L. 631-2.

Les servitudes d'utilité publique instituées en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement ne sont pas applicables aux immeubles protégés au titre des abords. »

L'article L. 621-31 fixe les modalités de création des périmètres de protection au titre des abords :

« Le périmètre délimité des abords prévu au premier alinéa du II de l'article L. 621-30 est créé par décision de l'autorité administrative, sur proposition de l'architecte des Bâtiments de France, après enquête publique, consultation du propriétaire ou de l'affectataire domanial du monument historique et, le cas échéant, de la ou des communes concernées et accord de l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale.

À défaut d'accord de l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale, la décision est prise soit par l'autorité administrative, après avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture, lorsque le périmètre ne dépasse pas la distance de cinq cents mètres à partir d'un monument historique, soit par décret en Conseil d'État, après avis de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture, lorsque le périmètre dépasse la distance de cinq cents mètres à partir d'un monument historique.

Lorsque le projet de périmètre délimité des abords est instruit concomitamment à l'élaboration, à la révision ou à la modification du plan local d'urbanisme, du document d'urbanisme en tenant lieu ou de la carte communale, l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale diligente une enquête publique unique portant à la fois sur le projet de document d'urbanisme et sur le projet de périmètre délimité des abords.

Les enquêtes publiques conduites pour l'application du présent article sont réalisées dans les formes prévues au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement.

Le périmètre délimité des abords peut être modifié dans les mêmes conditions. »

Enfin, l'article L. 621-32 définit le régime d'autorisation des travaux s'appliquant aux immeubles protégés au titre des abords :

« Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable.

L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords.

Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues à l'article L. 632-2 du présent code. »

Le régime des travaux dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables (SPR) est codifié par les articles L 632-1 à L 632-3.

L'article L. 632-1 définit la nature des travaux soumis à autorisation préalable dans le périmètre des SPR :

« Dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second oeuvre, ou des immeubles non bâtis.

Sont également soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des éléments d'architecture et de décoration, immeubles par nature ou effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, au sens des articles 524 et 525 du code civil, lorsque ces éléments, situés à l'extérieur ou à l'intérieur d'un immeuble, sont protégés par le plan de sauvegarde et de mise en valeur. Pendant la phase de mise à l'étude du plan de sauvegarde et de mise en valeur, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties intérieures du bâti.

L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du site patrimonial remarquable. »

L'article L. 632-1 fixe les modalités d'instruction des demandes d'autorisation de travaux en SPR par l'Architecte des Bâtiments de France :

« I. - Le permis de construire, le permis de démolir, le permis d'aménager, l'absence d'opposition à déclaration préalable, l'autorisation environnementale prévue par l'article L. 181-1 du code de l'environnement ou l'autorisation prévue au titre des sites classés en application de l'article L. 341-10 du même code tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du présent code si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. A ce titre, il s'assure du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. Il s'assure, le cas échéant, du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine.

En cas de silence de l'architecte des Bâtiments de France, cet accord est réputé donné.

L'autorisation délivrée énonce, le cas échéant, les prescriptions motivées auxquelles le demandeur doit se conformer.

II. - En cas de désaccord avec l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation transmet le dossier accompagné de son projet de décision à l'autorité administrative, qui statue après avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture. En cas de silence, l'autorité administrative est réputée avoir rejeté ce projet de décision.

III. - Un recours peut être exercé par le demandeur à l'occasion du refus d'autorisation de travaux. Il est alors adressé à l'autorité administrative, qui statue. En cas de silence, l'autorité administrative est réputée avoir confirmé la décision de l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation.

IV. - Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article. »

Le régime des travaux en abords des monuments historique pourrait de nouveau évoluer.

Le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, qui sera prochainement discuté au Parlement projette, dans son article 15, de modifier l'article 632-2 du code de patrimoine.

S'agissant des travaux soumis à autorisation préalable dans le périmètre des SPR, en cas de désaccord avec l'Architecte des Bâtiments de France (ABF), il reviendrait à l'autorité administrative de statuer, après transmission du dossier et du projet de décision par l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation requise. Désormais en cas de silence gardé par l'autorité administrative, le projet de décision serait réputé approuvé alors qu'un tel silence valait, jusqu'à présent, rejet du projet de décision.

Le même article 15 du projet de loi Elan vise également à accélérer et à faciliter la délivrance des autorisations d'urbanisme en rendant consultatif l'avis de l'Architecte des Bâtiments de France, pour :

- les opérations de traitement de l'habitat indigne dans les secteurs protégés au titre du patrimoine ;?

- les projets d'installation d'antennes relais de radiotéléphonie mobile.

La portée de l'avis de l'ABF serait alors limitée dans la mesure où en cas de silence, l'avis serait réputé favorable au projet.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

L'article 7 du présent projet de loi vise à mettre en place un dispositif permettant d'alléger le poids des normes patrimoniales sur les projets locaux sans pour autant compromettre la protection d'éléments de patrimoine consubstantiels à l'identité des territoires.

Ce dispositif s'appuie sur :

- l'élaboration d'une directive nationale fixant les objectifs et les orientations applicables par les Architectes des Bâtiments de France dans les périmètres des OSER. Cette directive tiendrait compte de la situation économique et financière des collectivités intéressées ainsi que des besoins locaux en matière de construction et de rénovation de logements et de locaux commerciaux et artisanaux. Elle rappellerait la nécessité de simplifier et d'alléger le poids des normes dans les périmètres OSER de telle façon qu'il soit plus simple d'y mener à bien des projets de revitalisation. Elle doit donner à l'action des ABF une continuité et une forme d'homogénéité qui serait de nature à apaiser les critiques portant sur les variations de prescriptions d'un territoire à l'autre, d'un ABF à l'autre, d'un temps à une autre ;

- de rendre systématique, au moment de la définition des périmètres OSER, la consultation de l'ABF quand ledit périmètre comprend des immeubles relevant de la protection des abords ou de sites patrimoniaux remarquables. À l'occasion de cette consultation, l'Architecte des Bâtiments de France pourrait émettre des prescriptions et recommandations, qui devraient être conformes à la directive nationale ;

- d'intégrer ces prescriptions et recommandations, aux fins d'allègement des normes patrimoniales dans le périmètre OSER, telles que consignées dans le compte-rendu de la consultation préalable, au règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine applicable. Il s'agirait d'un mode simplifié et rapide de révision/modification desdits plans. Par ailleurs, l'autorisation de travaux prévue au titre des abords ou des sites patrimoniaux remarquables devrait être conforme à ces prescriptions et recommandations ;

- de ne prévoir une substitution de l'avis simple à l'autorisation de l'ABF que si le dialogue n'a pu être noué et si l'ABF n'a pas émis de prescriptions ni de recommandations.

3. IMPACTS DE LA LOI

L'article 7 vient modifier les articles L. 621-31 et L. 632-2 du code de patrimoine.

Ces modifications portent sur les modalités d'instruction des demandes d'autorisation de travaux soumis au régime de protection des monuments historiques, sites et espaces protégés, dans le périmètre des OSER.

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur dès la promulgation de la loi.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

4.3. Textes d'application

Le présent article prévoit l'élaboration d'une directive nationale par les ministres chargés de l'urbanisme et du patrimoine fixant les objectifs et les orientations applicables par les Architectes des Bâtiments de France dans les périmètres des OSER.

CHAPITRE QUATRE : ENCOURAGER LA MODERNISATION DU COMMERCE DE DÉTAIL

Article 8 : Transformation du FISAC en fonds pour la revitalisation par l'animation et le numérique des centres-villes et centres-bourgs (FRANCC)

1. ÉTAT DES LIEUX

Le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (Fisac) a été créé par la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement économique, juridique et social.

L'objet du Fisac est fixé à l'article L. 750-1-1 du code de commerce :

« Les opérations éligibles aux aides du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce sont destinées à favoriser la création, le maintien, la modernisation, l'adaptation, en particulier pour les travaux de mise aux normes des établissements recevant du public et la sûreté des entreprises, ou la transmission des entreprises de proximité, pour conforter le commerce sédentaire et non sédentaire, notamment en milieu rural, dans les zones de montagne, dans les halles et marchés ainsi que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. »

Les porteurs de projets, les opérations, les bénéficiaires et les dépenses éligibles sont définis par le décret n° 2015-542 du 15 mai 2015 pris pour l'application de ce même article du code de commerce.

Les porteurs de projets éligibles sont les communes, les organismes de coopération intercommunale, les chambres de commerce et d'industrie, les chambres de métiers et de l'artisanat, les sociétés d'économie mixte, et, pour les opérations individuelles, les entreprises de proximité.

Deux types d'opérations sont visées :

- les opérations collectives, qui combinent des dépenses d'investissement ciblées sur les activités commerciales, artisanales et de services (modernisation, accessibilité et sécurisation des entreprises, halles et marchés, signalétique commerciale...) et des dépenses de fonctionnement (conseil, diagnostic, audit, étude d'évaluation, animation, communication et promotion commerciale...) ;

- les opérations individuelles, qui prévoient des dépenses d'investissement destinées à permettre la création ou la modernisation des entreprises (aménagement, sécurisation et accessibilité des locaux, équipements professionnels, acquisition ou construction de locaux si le maître d'ouvrage est public).

Les taux maxima de subvention sont fixés comme suit :

- 30% pour les dépenses de fonctionnement ;

- 20 % pour les dépenses d'investissement, ce taux étant porté à 30% pour les aménagements destinés à faciliter l'accessibilité des entreprises à tous les publics.

L'aide financière maximale est plafonnée à 400 000 € pour les opérations collectives en milieu rural et celles concernant les quartiers prioritaires de la politique de la ville et à 200 000 € pour les autres opérations collectives en milieu urbain.

L'aide ne peut excéder 100 000 € pour les opérations individuelles en milieu rural dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par une collectivité publique.

Le financement d'une action par le Fisac est prévu pour une durée maximale de 3 ans et est subordonné à la condition que celle-ci ne bénéficie pas par ailleurs d'un autre financement de l'État.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LEGIFERER

Une mission conduite conjointement par l'IGF et le CGEDD portant sur la revitalisation des centres-villes soulignait récemment l'intérêt du Fisac :

« Lors des entretiens menés par la mission, l'ensemble des acteurs du commerce, les indépendants notamment, ont confirmé l'intérêt d'un maintien du Fisac pour notamment aider, même si cela n'est pas son unique objet, les professionnels du commerce en centre-ville à condition que ce dernier réponde aux besoins identifiés d'accompagnement des commerçants. »

Cette même mission regrettait en revanche la baisse des crédits mobilisés par ce fonds.

« Le Fisac ne résoudra pas le problème que constitue aujourd'hui la vacance commerciale dans les centres-villes car son dimensionnement et ses orientations ne sont pas suffisants pour agir structurellement sur les causes de la dévitalisation commerciale en centre-ville ».

De fait, le volume des crédits mobilisés a été divisé par 4 durant ces dernières années.

Plus récemment, une consultation menée auprès d'élus locaux par le groupe de travail en charge de la présente proposition de loi a montré que 70 % des répondants estiment que les aides financières du Fisac, du fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) et de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) étaient difficilement mobilisables.

Le Fisac fut particulièrement critiqué, notamment pour son manque de lisibilité, son inaccessibilité, la lenteur de ses procédures, la rigidité administrative des démarches et, en général, la complexité de dossiers très coûteux pour les collectivités pour des fonds en diminution.

L'article 8 de la présente proposition de loi vise à remédier au déclin de cet outil.

Les subventions de ce fonds, rebaptiser Francc, seraient destinées exclusivement aux OSER et orientées prioritairement vers :

- le recrutement de personnes chargées de l'animation commerciale des centres-villes et centres-bourgs ;

- la transition numérique du commerce de proximité ;

- la création, le maintien, la modernisation, l'adaptation, en particulier pour les travaux de mise aux normes, des établissements recevant du public ;

- la transmission des entreprises commerciales et artisanales de proximité.

3. IMPACTS DE LA LOI

3.1. Impacts juridiques

L'article 8 de la présente proposition de loi vient modifier l'article L. 750.1.1 du code de commerce.

Ces modifications portent sur :

- la dénomination du fonds ;

- les objectifs du fonds ;

- les opérations et les communes éligibles ;

- la désignation des porteurs de projet.

Les modalités d'attribution des concours financiers du fonds sont renvoyées à un décret d'application.

3.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

Les impacts socio-économiques du FRANCC ne sont pas mesurables à ce stade puisqu'ils dépendront du nombre de dossiers retenus. De manière générale, les subventions du FRANCC contribueront à la modernisation et à la dynamisation du commerce de centre-ville et de centre-bourg. Les communes et leur EPCI y trouveront en particulier un moyen de créer et de pérenniser leurs postes de manager de centre-ville. L'impact de la mesure sur les entreprises artisanales, de commerce et de service sera également favorable : les subventions du FRANCC contribueront à leur maintien et à leur modernisation dans les centres-villes et de centres-bourgs.

3.3. Impacts administratifs

Le FRANCC impose de nouveaux moyens humains à l'échelle des préfectures de département, qui auront à en assurer la gestion à travers l'installation d'un guichet unique.

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur dès la promulgation de la loi.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

4.3. Textes d'application

Un décret doit fixer les modalités d'attribution des concours financiers du fonds dans le cadre d'un guichet unique placé auprès du représentant de l'État dans le département.

ARTICLE 9 : ACCOMPAGNEMENT DE LA MODERNISATION DES ARTISANS ET COMMERÇANTS DE DÉTAIL

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. L'enjeu de la transition numérique

L'électronisation croissante du commerce conduit à une profonde mutation du rôle des points de vente. Un point de vente peut être vu schématiquement comme une interface permettant de gérer simultanément trois types de flux : des flux d'information (sur la demande des consommateurs et sur l'offre des commerçants), des flux monétaires (paiement), enfin des flux de biens (transfert de propriété de marchandises ou de services).

Ce rôle a évolué dans l'histoire. Au Moyen Age, il n'existait pas, stricto sensu , de commerçants de détail, mais des artisans dont le métier était d'abord lié à une activité de production, et qui, accessoirement, vendaient leurs marchandises, au travers d'interfaces minimalistes (étals, ouvroirs). Au XIX e siècle, la fonction de commercialisation se détache pour la première fois de la fonction de production. Les ouvroirs laissent place à une interface plus sophistiquée : la boutique. Une innovation qui permet de nouvelles médiations entre le consommateur et les produits grâce aux vitrines (qui apparaissent grâce aux progrès de l'industrie du verre), aux comptoirs, aux vendeurs... Au XX e siècle, le commerce s'industrialise. La distribution moderne se développe sous forme de réseaux de points de vente standardisés. L'information sur les produits est pour la première fois externalisée aux nouveaux médias de masse (affichage, radio, télévision), avec l'invention de la réclame puis de publicité. Plus besoin de vitrine et de vendeurs : les magasins se transforment en « boites », accessibles en libre-service.

Ainsi, chaque système économique (artisanal, manufacturier, industriel), et son système urbain associé (celui de la cité, puis de la ville, enfin de l'urbain) semble développer sa propre interface commerciale : ouvroir, boutique, « boite ».

Jusqu'alors, le point de vente restait ce lieu exclusif de gestion de la transaction commerciale. Or, cette position de « monopole » historique est aujourd'hui remise en cause. Avec la dématérialisation du commerce, d'autres canaux sont désormais en mesure de gérer les flux d'informations (gestion de la relation client, communication), de monnaie (paiement) et de biens (délivrance des produits et services) attachés à une transaction commerciale. Pour autant, le point de vente n'est pas condamné. Il tend même à se redéployer sur l'ensemble du processus de consommation, tant en amont qu'en aval de l'acte d'achat. En amont, en se transformant en lieu événementiel (pop-up store ou magasin éphémère, concept store ou magasin concept...) pour agir sur la motivation et l'expérience d'achat. En aval, pour proposer de nouvelles prestations » d'assistance à maîtrise d'usage des produits » (entretien, conseil, service après-vente...), jusqu'à leur consumation (collecte, tri, recyclage, destruction).

Ces mutations entrainent également une profonde évolution des métiers du commerce, en particulier des métiers de la vente, où la maitrise des outils numériques est devenue une compétence indispensable au développement du chiffre d'affaires. Or, si la plupart des entreprises du commerce organisé (succursalisme, groupement, franchise, etc.) ont désormais engagé leur transition numérique, cela est encore loin d'être le cas des entreprises du commerce indépendant.

Une enquête réalisée par la CCI de Paris auprès de plus de 2.000 commerçants de proximité, présentée au premier forum du commerce de proximité connecté organisé le lundi 19 septembre 2016, établit que 42 % des commerçants indépendants sont présents sur le Web (contre 72 % pour les commerces en réseau).

Elle note également :

- qu'ils sont moins de 60 % à actualiser leurs informations au moins une fois par mois ;

- ils sont moins d'un tiers à posséder un site marchand (28 %) ;

- seul un commerçant indépendant sur trois est présent sur un réseau social, les plus jeunes principalement (50 % ont moins de 35 ans) ;

- la crainte du manque de rentabilité au vu des investissements financiers, humains et organisationnels constitue le principal frein à la digitalisation du commerce, pour la moitié des commerçants interrogés.

L'accompagnement des commerçants indépendants à la transition numérique constitue un enjeu d'autant plus important, que ceux-ci se concentrent très fortement dans les centres-villes des villes moyennes (voir figure).

La présence des indépendants dans les pôles marchands
des villes moyennes de 25.000 à 100.000 habitants

Centre-ville

Centres et parcs commerciaux

de périphérie

Tout
commerce

Dont commerces indépendants

Tout
commerce

Dont commerces indépendants

Nombre moyen

283

95

149

48

%

100 %

66 %

100 %

32 %

Sources : Institut pour la Ville et le Commerce, données Base emplacement Codata, 2016.

L'accompagnement des commerçants indépendants à la transition numérique relève ainsi à la fois d'un enjeu de modernisation et de professionnalisation du secteur, mais également de modernisation et de dynamisation des centres-villes.

1.2. Le crédit d'impôt pour la formation des dirigeants d'entreprise

Le crédit d'impôt pour la formation des dirigeants d'entreprise est régi par les dispositions de l'article 244 quater du code général des impôts, et présenté au BOI-BIC-RICI-10-50-20160406.

a) Entreprises concernées

Le crédit d'impôt pour dépenses de formation des dirigeants est un dispositif institué au profit des entreprises imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application de l'article 44 sexies du code général des impôts [CGI] (entreprises nouvelles), de l'article 44 sexies A du CGI (jeunes entreprises innovantes), de l'article 44 octies du CGI et de l'article 44 octies A du CGI (entreprises implantées dans les zones franches urbaines), de l'article 44 decies du CGI (entreprises implantées en Corse), de l'article 44 terdecies du CGI (activités créées dans les zones de restructuration de la défense), de l'article 44 quaterdecies du CGI (exploitations situées dans les DOM) et de l'article 44 quindecies du CGI (implantation d'entreprises en zones de revitalisation rurale).

Ce dispositif s'applique quel que soit le mode d'exploitation de ces entreprises (entreprise individuelle, société de personnes, société de capitaux, etc.).

b) Dirigeants concernés

L'article 244 quater M du CGI prévoit qu'entrent dans le champ d'application du dispositif les heures passées par le « chef d'entreprise » en formation.

La notion de « chef d'entreprise » doit être entendue dans son acception large. Ainsi, sont considérés comme « chefs d'entreprise » pour l'application du dispositif les dirigeants de l'entreprise, quelle que soit leur dénomination : exploitant individuel, gérant, président (président du conseil d'administration ou président du directoire notamment), administrateur, directeur général, membre du directoire (CGI, ann. III, art. 49 septies ZC).

c) Formations concernées

Conformément aux dispositions de l'article 49 septies ZD de l'annexe III au CGI, les formations ouvrant droit au crédit d'impôt pour dépenses de formation des dirigeants sont celles qui entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue mentionnées à l'article L. 6313-1 du code du travail et réalisées dans les conditions prévues par l'article L. 6353-1 du code du travail et l'article L. 6353-2 du code du travail.

Aux termes de l'article L. 6313-1 du code du travail, les types d'actions de formation qui entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue, sont les suivants :

- les actions de préformation et de préparation à la vie professionnelle. Elles ont pour objet de permettre à toute personne, sans qualification professionnelle et sans contrat de travail, d'atteindre le niveau nécessaire pour suivre un stage de formation professionnelle proprement dit ou pour entrer directement dans la vie professionnelle ;

- les actions d'adaptation et de développement des compétences des salariés. Elles ont pour objet de favoriser l'adaptation des salariés à leur poste de travail, à l'évolution des emplois, ainsi que leur maintien dans l'emploi, et de participer au développement des compétences des salariés ;

- les actions de promotion professionnelle. Elles ont pour objet de permettre à des travailleurs d'acquérir une qualification plus élevée ;

- les actions de prévention. Elles ont pour objet de réduire les risques d'inadaptation de qualification à l'évolution des techniques et des structures des entreprises, en préparant les travailleurs dont l'emploi est menacé à une mutation d'activité, soit dans le cadre, soit en dehors de leur entreprise ;

- les actions de conversion. Elles ont pour objet de permettre à des travailleurs salariés dont le contrat de travail est rompu d'accéder à des emplois exigeant une qualification différente ou à des travailleurs non-salariés d'accéder à de nouvelles activités professionnelles ;

- les actions d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances. Elles ont pour objet d'offrir aux travailleurs les moyens d'accéder à la culture, de maintenir ou de parfaire leur qualification et leur niveau culturel ainsi que d'assumer des responsabilités accrues dans la vie associative ;

- les actions de formation continue relative à la radioprotection des personnes prévues à l'article L. 1333-11 du code de la santé publique ;

- les actions de formation relatives à l'économie et à la gestion de l'entreprise ;

- les actions de formation relatives à l'intéressement, à la participation et aux dispositifs d'épargne salariale et d'actionnariat salarié ;

- les actions permettant de réaliser un bilan de compétences. Elles ont pour objet de permettre à des travailleurs d'analyser leurs compétences professionnelles et personnelles ainsi que leurs aptitudes et leurs motivations afin de définir un projet professionnel et, le cas échéant, un projet de formation ;

- les actions permettant aux travailleurs de faire valider les acquis de leur expérience en vue de l'acquisition d'un diplôme, d'un titre à finalité professionnelle ou d'un certificat de qualification figurant sur une liste établie par la commission paritaire nationale de l'emploi d'une branche professionnelle, enregistrés dans le répertoire national des certifications professionnelles visé à l'article L. 335-6 du code de l'éducation ;

- les actions d'accompagnement, d'information et de conseil dispensées aux créateurs ou repreneurs d'entreprises agricoles, artisanales, commerciales ou libérales, exerçant ou non une activité ;

- les actions de lutte contre l'illettrisme et l'apprentissage de la langue française.

Ces différentes actions entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater M du CGI lorsqu'elles sont réalisées dans les conditions prévues par l'article L. 6353-1 du code du travail et par l'article L. 6353-2 du code du travail, c'est-à-dire conformément à un programme préétabli qui, en fonction d'objectifs déterminés, précise les moyens pédagogiques, techniques et d'encadrement mis en oeuvre ainsi que les moyens permettant de suivre son exécution et d'en apprécier les résultats. Les conventions et, en l'absence de conventions, les bons de commande ou factures, établis pour la réalisation de ces actions, précisent leur intitulé, leur nature, leur durée, leurs effectifs, les modalités de leur déroulement et de sanction de la formation ainsi que leur prix et les contributions financières éventuelles de personnes publiques.

Par ailleurs, les dépenses correspondantes doivent être admises en déduction du bénéfice imposable.

d) Modalités de détermination

Conformément au I de l'article 244 quater M du CGI, le crédit d'impôt est égal au produit :

- du nombre d'heures passées par le chef d'entreprise en formation ;

- par le taux horaire du salaire minimum de croissance (SMIC) établi conformément aux dispositions de l'article L. 3231-2 du code du travail à l'article L. 3231-11 du code du travail.

Le taux horaire du SMIC à prendre en compte pour le calcul du crédit d'impôt est celui en vigueur au 31 décembre de l'année au titre de laquelle est calculé le crédit d'impôt (CGI, ann. III, art. 49 septies ZE).

Le crédit d'impôt pour dépenses de formation des dirigeants est plafonné à la prise en compte de 40 heures de formation par année civile et par entreprise, y compris les sociétés de personnes (CGI, art. 244 quater M et CGI, ann. III, art. 49 septies ZF).

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

2.1. Objectifs poursuivis

L'article 9 vise à prioriser le déploiement du très haut débit au profit des centres-villes et centres-bourgs fragilisés et faisant l'objet d'une convention OSER.

En outre, il propose la mise en place d'un crédit d'impôt pour les commerçants de détail :

- pour favoriser leur formation aux techniques commerciales sur internet ;

- pour faciliter leur équipement en appareils numériques destinés à leur permettre de développer la vente électronique.

2.2. Obligation de légiférer

La création d'un crédit d'impôt pour la formation et l'équipement numérique des commerçants de détail nécessite un véhicule législatif.

3. IMPACTS DE LA LOI

3.1. Impacts juridiques

L'article 9 vient modifier la section II du chapitre IV du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts.

Cette modification porte sur :

- la désignation des bénéficiaires de la mesure de crédit d'impôt ;

- les conditions d'octroi et le montant du crédit d'impôt.

3.2. Impacts financiers

En première approche, l'ensemble des crédits d'impôt pour la formation au numérique des commerçants de détail devrait s'élever à un montant de 3,8 M€, dans l'hypothèse où la mesure s'applique d'abord aux entreprises indépendantes (voir figure).

Estimation des besoins en crédit d'impôt
pour la formation au numérique des commerçants indépendants en France

1

Nombre total d'entreprises de commerce de détail en France (Insee-2015) *

355.000

2

Nombre d'entreprises de commerce de détail indépendantes en France **

(2) = (1) X 85%

300.000

3

Nombre d'entreprises indépendantes ciblées par une formation « transition numérique »

(hypothèse : 15 % des 58 % d'entreprises indépendantes absentes du Web - sources CCIP 2016)

26.000

4

Nombre prévisionnel d'heures de formation à la transition numérique

15 h

5

Smic horaire 2018 10 ( * )

9,88 €

6

Total des crédits d'impôts

(6) = (3) X (4) X (5)

3,8 M€

* hors vente sur éventaires et marché et vente à distance

** Sont retenues les entreprises développant moins de 10 points de vente

L'ensemble des crédits d'impôt pour l'équipement numérique des commerçants de détail devrait pour sa part s'élever à un montant de 780 M€ (dans l'hypothèse où la mesure s'applique d'abord aux entreprises indépendantes (voir figure).

Estimation des besoins en crédit d'impôt
pour l'équipement numérique des commerçants indépendants en France

1

Nombre total d'entreprises de commerce de détail en France (Insee-2015) *

355.000

2

Nombre d'entreprises de commerce de détail indépendantes
en France **

(2) = (1) X 85%

300.000

3

Nombre d'entreprises indépendantes ciblées par le crédit d'impôt « équipement numérique »

(hypothèse : 15 % des 58 % d'entreprises indépendantes absentes du Web - sources CCIP 2016)

26.000

4

Plafond de crédit d'impôt

30.000 €

5

Total des crédits d'impôts

(5) = (3) X (4)

780 M€

* hors vente sur éventaires et marché et vente à distance

** Sont retenues les entreprises développant moins de 10 points de vente

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur dès la promulgation de la loi.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

4.3. Textes d'application

Il n'est pas prévu de mesure réglementaire d'application.

ARTICLE 10 : CRÉATION D'UN FONDS DE GARANTIE POUR LES LOYERS COMMERCIAUX IMPAYÉS DANS LES CENTRES-VILLES

1. ÉTAT DES LIEUX

La vacance commerciale relève de multiples facteurs, à la fois locaux et globaux, conjoncturels et structurels.

Au plan local, cinq causes sont fréquemment évoquées par les collectivités locales :

- une déprise de leur marché de consommation ;

- la concurrence de formes de commerce implantées en périphérie ;

- un déficit de commercialité du circuit marchand (circuit trop court, manque de diversité de l'offre, absence de certaines locomotives, difficulté d'accès...) ;

- l'évolution des stratégies de localisation des distributeurs, qui poussés par l'internationalisation de leur secteur, se focalisent sur des villes de taille plus importante ou sur des emplacements » premium » ;

- des loyers trop élevés.

L'évolution de loyers commerciaux peut être appréciée à partir de l'Indice du coût de la construction (ICC) et de l'Indice des loyers commerciaux (ILC), deux indices utilisés comme index des révisions triennales des baux commerciaux.

Évolution de l'Indice du coût de la construction (ICC) et de l'Indice des loyers commerciaux (ILC) entre 2005 et 2017 (au 4 e trimestre de chaque année)

Source : Insee

En 12 ans, l'ICC et l'ILC ont progressé respectivement de 25 % et de 19 % (voir figure). Il s'agit d'évolutions importantes, en contexte de stabilisation voire de régression de chiffre d'affaires (comme cela est souvent le cas en centre-ville de petites villes et de villes moyennes).

Entre 2013 et 2016, les chiffres d'affaires des enseignes en centre-ville ont diminué en moyenne de 1,18 % par an alors que les loyers y ont progressé de 1,16 % par an sur la même période note Procos, la Fédération nationale du commerce spécialisé (voir figure).

Évolution des chiffres d'affaires et des loyers des entreprises de commerces
sous enseigne (50 magasins et plus) entre 2013 et 2016. Données consolidées.

PAC : parc d'activité commercial

CC : centre commercial

CV : centre-ville

Cet effet ciseau, même s'il fait intervenir des variations faibles, dégrade fortement le compte d'exploitation des entreprises de commerce de détail.

Le montant de loyer supportable par un commerce dépend de son taux de marge et de la structure de ses coûts. Plus la marge commerciale d'un commerce est élevée et la part de ses charges variables (hors loyer) faibles, plus celui-ci est en mesure de supporter un effort locatif élevé. Il est alors possible de définir un taux d'effort (rapport entre le loyer annuel et le chiffre d'affaires annuel) au-delà duquel, la rentabilité du commerce est compromise. Le tableau suivant présente quelques exemples de taux d'effort supportables, par type d'activités localisées en centre-ville (voir figure).

Taux d'effort acceptables, par type d'activités commerciales

Activité

Marge commerciale

Taux d'effort moyen
en centre-ville

Emplacement à forte commercialité

Emplacement secondaire

Supermarché

17 %

2 %

2 %

Supérette

25 %

5 %

4 %

Parfumerie

30 %

7 %

5 %

Presse

30 %

7 %

5 %

Habillement

40 %

9-12 %

7 %

Bijouterie

45 %

9-11 %

7 %

Ameublement

45 %

9-11 %

7 %

Optique

55 %

10-12 %

8 %

Sport

39 %

9 %

7 %

Sources : P. Madry, Créer son commerce, Dunod, 2011.

La hausse des loyers constitue en cela un facteur d'aggravation de la vacance commerciale :

- en pesant sur la rentabilité des commerces en activité ;

- en évinçant de potentiels commerces entrant sur le marché.

Certains propriétaires peuvent en outre être tentés de renoncer à mettre leur bien sur le marché compte tenu du risque d'impayé.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFERER

2.1. Obligation de légiférer

La création du fonds de garantie de loyers nécessite un véhicule législatif.

2.2. Objectifs poursuivis

L'article 10 instaure un fonds de garantie pour les loyers commerciaux impayés dans les périmètres OSER.

Ce fonds vise à encourager les propriétaires réticents à mettre leur bien à la location sur leur marché en sécurisant leur revenu locatif contre le risque d'impayé.

Ce fonds serait alimenté par une cotisation obligatoire versée par les propriétaires en contrepartie de l'accès au fonds et par la contribution pour la lutte contre l'artificialisation des terres.

3. IMPACTS DE LA LOI

3.1. Impacts juridiques

L'article 10 vient modifier le chapitre V du titre IV du livre I er du code de commerce. Cette modification porte sur :

- l'instauration du fonds de garantie pour les loyers commerciaux impayés ;

- la désignation de bénéficiaires.

Les modalités de fonctionnement du fonds sont renvoyées à un décret d'application.

3.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

La création d'un fonds de garantie devrait conduire à diminuer la frilosité de certains bailleurs à offrir leur bien à la location sur le marché de l'immobilier de commerce.

Incidemment, la mesure pourrait contribuer à une diminution de la vacance commerciale dans les périmètres OSER.

Ce fonds devrait également permettre à certains commerçants faisant face à un déficit chronique de trésorerie en partie lié à un loyer trop élevé de sauvegarder leur activité, en bénéficiant de plus de temps et de moyens pour, soit renégocier leur loyer, soit envisager une relocalisation.

La gestion de ce fonds devra être attentive aux effets d'aubaine : ce fonds n'a pas vocation à « solvabiliser » des commerces faisant face à des loyers trop élevés (au risque de maintenir ces loyers à des niveaux trop élevés).

3.3. Impacts financiers

Il reste difficile de mesurer l'impact financier de cette mesure, compte tenu de la très grande volatilité des loyers pratiqués en centre-ville (ils varient entre 80 €/m² par an en moyenne, pour des locaux situés en coeur de petite ville à plus de 2.500 euros/m² par an en moyenne, pour des locaux situés en coeur de métropoles, hors Paris).

En première approche, ce fonds pourrait couvrir chaque année 2 M€ de loyers impayés.

Estimation des besoins de financement du fonds de garantie des impayés de loyer

1

Nombre total de commerces dans les communes en OSER

37.500

2

Nombre total de commerces dans les périmètres OSER

(hypothèse : (1) X 60 %

22.000

3

Superficie de vente totale des commerces dans les périmètres OSER

(hypothèse : surface moyenne de 50 m²)

1.100.000 m 2

4

Revenu locatif total procuré par les commerces dans les périmètres OSER

(hypothèse : loyer moyen de 250 €/m2 par an, HT HC)

275 M€

5

Taux de disparition moyen annuel de commerces en centre-ville (Institut pour la Ville et le Commerce)

5 %

6

% de disparition de commerces en centre-ville due à un problème de fonds de roulement pour loyer trop élevé

(hypothèse)

15 %

7

Besoin de garantie de loyer

(4) X (5) X (6)

2 M€

3.4. Impacts administratifs

Des moyens humains devront être réservés au pilotage du fonds à l'échelon départemental.

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur dès la promulgation de la loi.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

4.3. Textes d'application

Il n'est pas prévu de mesure réglementaire d'application.

ARTICLE 11 : INSTITUTION D'UN NOUVEAU CONTRAT LIANT UN PROPRIÉTAIRE À UN EXPLOITANT COMMERCIAL

1. ÉTAT DES LIEUX

La vacance commerciale relève de multiples facteurs, à la fois locaux et globaux, conjoncturels et structurels.

Au plan local, cinq causes sont fréquemment évoquées par les collectivités locales :

- une déprise de leur marché de consommation ;

- la concurrence de formes de commerce implantées en périphérie ;

- un déficit de commercialité du circuit marchand (circuit trop court, manque de diversité de l'offre, absence de certaines locomotives, difficulté d'accès...) ;

- l'évolution des stratégies de localisation des distributeurs, qui poussés par l'internationalisation de leur secteur, se focalisent sur des villes de taille plus importante ou sur des emplacements » premium » ;

- des loyers trop élevés.

Un rapport d'information établi par Daniel Fasquelle au nom de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale portant sur la vacance des locaux commerciaux et les moyens d'y remédier (rapport n° 3192 déposé le 2 mars 2011) ajoute à cette liste les rigidités liées au statut des baux commerciaux.

Le bail commercial dispose des principales caractéristiques suivantes, définies aux articles L. 145-1 à L.145-60 du code de commerce :

- une durée minimale de 9 ans ;

- un loyer initial fixé librement par les parties (qui peut aussi intégrer un droit d'entrée : pas-de-porte ou droit au bail) mais dont les augmentations sont ensuite encadrées dans le cadre de révisions triennales ;

- une faculté pour le locataire de donner son congé à l'expiration de chaque période triennale ;

- le droit au renouvellement infini du bail pour le locataire. Si le bailleur décide de mettre un terme au contrat, il doit au preneur une indemnité d'éviction (d'un montant équivalent en moyenne à 80 % du chiffre d'affaires annuel).

Ces principes fondent la propriété commerciale.

Le statut des baux commerciaux classique, aussi appelé « 3/6/9 » peut ainsi conduire à une certaine frilosité des parties sur des sites commerciaux confrontés à des difficultés de marché. Le preneur peut être découragé par les conséquences pécuniaires liés au statut, à savoir le versement d'un droit au bail au précédent locataire (dans le cas d'une reprise d'un local existant) ou d'un pas de porte au bailleur (dans le cas d'une entrée dans un local neuf) qui s'expose quant à lui au versement d'une indemnité d'éviction en cas de non renouvellement du bail.

Les parties disposent toutefois de la possibilité de conclure un bail dérogatoire, dit aussi bail précaire ou bail à l'essai, pour une durée maximale de trois ans.

Le rapport Fasquelle en précise les avantages pour chacune des parties :

« - pour le preneur

La crise économique a accru le nombre de locaux vacants. Or, parallèlement, de plus en plus de jeunes commerçants sont à la recherche de locaux. L'utilisation de baux à court terme est une réponse à une nécessaire flexibilité et un facteur de fluidité du commerce. Ils sont une solution pour faciliter l'accès au commerce des jeunes qui n'ont pas à financer de pas-de-porte, d'autant que les banques sont frileuses pour des commerces qui débutent. Le bail dérogatoire permet en outre au locataire de limiter ses risques en évitant de prendre, dès le début de son activité, un engagement ferme sur le long terme. De surcroît, dans certains cas, les loyers sont plus attractifs que ceux des baux commerciaux classiques, comme le souligne M. Régis Lasselin (CGPME). L'inconvénient est que ce bail n'offre pas au locataire la protection du bail commercial et la pérennité nécessaire pour fidéliser une clientèle, rentabiliser et faire fructifier une activité.

- pour le bailleur

Les baux dérogatoires offrent une solution transitoire aux petits propriétaires qui ne parviennent que difficilement à trouver un locataire. Il limite en outre leurs risques en évitant de donner la propriété commerciale au locataire. En cas de renouvellement souhaité par le locataire à la fin du bail dérogatoire, les bailleurs sont en position favorable pour demander un loyer plus élevé, surtout si l'activité s'est développée et si le chiffre d'affaires continue de croître.

Même si des abus ont pu être constatés, certains propriétaires changeant sans cesse de locataires, pour pouvoir augmenter le montant du loyer, ce qui crée une instabilité préjudiciable au commerce de la ville, rares toutefois sont les bailleurs qui recourent au bail dérogatoire pour échapper au statut des baux commerciaux : comme l'ont souligné M e Didier Coiffard et M e Damien Brac de la Ferrière, notaires, ils ont besoin de leur droit au bail pour garantir, sous forme d'un nantissement, les financements nécessaires à leurs investissements.

- pour l'activité économique

Les baux dérogatoires sont donc un facteur de développement de l'activité économique. Un magasin qui ouvre ses portes avec une date de fermeture programmée, tel est le concept des boutiques éphémères, qui s'installent brièvement dans des locaux vacants situés dans des zones importantes de chalandise, afin de créer un évènement, de favoriser l'achat d'impulsion, ou réaliser des opérations de déstockage. Cette nouvelle tendance importée des États-Unis se veut aussi une réplique au développement du e-commerce , elle est pratiquée aussi bien par les marques de luxe dans le domaine de l'habillement, que pour lancer une nouvelle enseigne, répondre au caractère saisonnier de certaines ventes (jouets pour Noël, déguisements pour Halloween), diversifier son implantation pendant les périodes de solde ou coller à une actualité artistique ou sportive (produits dérivés).

Dans la pratique, ces boutiques éphémères correspondent à des baux dérogatoires d'une durée allant de 1 à 6 mois qui sont parfaitement adaptés à ce phénomène. La souplesse, l'absence de pas-de-porte à la charge du preneur et d'indemnité d'éviction pour le bailleur sont autant d'éléments favorables au développement de ces « pop-up stores » pour reprendre leur appellation anglo-saxonne. Force est de constater que si le législateur de 1965 n'avait pas envisagé une telle utilisation des baux dérogatoires, la pratique plébiscite cette formule peu contraignante et adaptée à la réactivité de la vie des affaires.

Alors qu'on pourrait penser que les baux dérogatoires nuisent à l'activité économique, il semble qu'ils permettent de revitaliser le centre-ville en réimplantant des commerces le temps d'en trouver de plus pérennes. C'est également le cas pour les pépinières d'entreprises. Cette solution permet de répondre à un besoin immédiat d'une ville ou d'un quartier dans l'attente de la concrétisation d'un projet.

Paradoxalement, et quels que soient leurs inconvénients, les baux dérogatoires peuvent contribuer à la diminution du nombre des locaux vacants grâce à la souplesse qui les caractérise. Ils répondent à un besoin économique en contribuant à la création d'entreprises commerciales et au développement de l'emploi. »

De fait, de nombreuses collectivités locales cherchent aujourd'hui à les promouvoir par le montage de « couveuses commerciales » et de « pépinières commerciales » (via des opérateurs en aménagement et en portage immobilier dédiés), destinées à résorber la vacance commerciale en centre-ville et dans des quartiers urbains.

Il s'agit pour ces collectivités de se porter acquéreur de quelques locaux commerciaux vacants (via en général une société publique locale - SPL) pour les louer ensuite, durant une courte durée (dans le cadre d'un contrat de bail précaire de 3, 6 ou 12 mois) à des conditions avantageuses à de jeunes créateurs de commerce. Ceux-ci peuvent en outre bénéficier d'un accompagnement personnalisé en phase de création et de démarrage de leur activité (conseil en financement, gestion, marketing : aménagement du point de vente, technique de vente, etc.).

Ce type de dispositif a été mis en place par plusieurs villes telles que Noyon, Dole, Montbéliard, Carvin, Saint-Omer... avec parfois des spécificités locales.

À Noyon, l'opération de couveuse commerciale lancée en 2013 s'est transformée en un concept « Ma boutique à l'essai », qu'une association dédiée, la « Fédération des Boutiques à l'essai », promeut désormais auprès d'autres collectivités locales. La fédération se veut également un lieu d'échanges de bonnes pratiques. Elle vise la réalisation d'une soixantaine de couveuses dans une trentaine de villes à fin 2018.

L'agglomération de Montbéliard promeut un dispositif similaire : Echop (Éclosion de commerce hébergé à objectif pérenne) à la différence que la collectivité ne se porte pas acquéreur des locaux mais convainc les propriétaires privés de les louer à titre gracieux, durant une période limitée. Une fois l'activité lancée, les parties peuvent contracter un bail classique.

Certaines collectivités locales peuvent également s'engager dans des programmes plus volontaristes d'acquisition de locaux commerciaux, dans le cadre de politiques globales de renouvellement urbain.

La ville de Paris est par exemple l'une des premières à s'être dotée en 2004 d'une société d'économie mixte dédiée - la Semaest - chargée de veiller, via la préemption de murs commerciaux, au maintien de la diversité commerciale dans les quartiers de l'Est parisien (opération Vital'Quartier). Environ 400 locaux ont pu être maîtrisés par son intervention.

D'autres villes de taille plus modeste ont également développé leur propre pépinière commerciale, à l'exemple de Saint-Nazaire, Joigny, Grasse... À Grasse, la ville a confié la maîtrise d'ouvrage d'une vaste opération de revitalisation urbaine et commerciale de son centre-ville par concession d'aménagement à la Société Public Local (SPL) « Pays de Grasse développement ». La SPL « Pays de Grasse développement » intervient pour :

- acquérir par négociation ou préemption des murs commerciaux (une trentaine à ce jour) ;

- rénover, éventuellement remembrer et mettre aux normes les locaux ;

- assurer leur commercialisation, leur gestion locative, la revente des murs en propriété aux exploitants.

Une partie des locaux a pu bénéficier d'un portage par l'Établissement public pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca).

Depuis 2014, les collectivités ont désormais la possibilité d'instituer ce type d'intervention dans le cadre expérimental d'un Contrat de revitalisation artisanal et commercial, instauré par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises ACTPE.

L'article 19 dispose, dans sa nouvelle version modifiée par l'ordonnance n°2015-1174 du 23 septembre 2015 :

« En application de l'article 37-1 de la Constitution, une expérimentation est engagée pour une période de cinq années à compter de la date de promulgation de la présente loi en vue de favoriser la redynamisation du commerce et de l'artisanat. Cette expérimentation porte sur la mise en oeuvre par l'État et les collectivités locales, ainsi que par leurs établissements publics, de contrats de revitalisation artisanale et commerciale.

Ces contrats ont pour objectif de favoriser la diversité, le développement et la modernisation des activités dans des périmètres caractérisés soit par une disparition progressive des activités commerciales, soit par un développement de la mono-activité au détriment des commerces et des services de proximité, soit par une dégradation de l'offre commerciale, ou de contribuer à la sauvegarde et à la protection du commerce de proximité. Les quartiers prioritaires de la politique de la ville figurent parmi les périmètres ciblés par ce dispositif expérimental.

Les contrats de revitalisation artisanale et commerciale (Crac), prévus à titre expérimental jusqu'en juin 2019, permettent aux collectivités locales qui souhaitent redynamiser le commerce et l'artisanat, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, de désigner un opérateur chargé de développer des activités commerciales dans un périmètre défini. Cet opérateur peut acquérir les biens nécessaires, y compris par préemption ou expropriation.

Le projet de contrat de revitalisation artisanale et commerciale doit être élaboré dans le cadre d'une concertation entre la chambre de commerce et d'industrie et la chambre de métiers et de l'artisanat, et le président de l'établissement public (ou du syndicat mixte).

L'attribution du contrat de revitalisation s'effectue après mise en concurrence. L'opérateur du contrat peut :

- acquérir des biens nécessaires à la mise en oeuvre du contrat, y compris, par voie d'expropriation ou de préemption ;

- procéder à la vente, à la location ou à la concession des biens immobiliers situés à l'intérieur du périmètre d'intervention.

Il assure la maîtrise d'ouvrage des travaux nécessaires à l'exécution du contrat. Il doit respecter le calendrier de réalisation des objectifs fixés par l'État et les collectivités territoriales. À défaut, le CRAC peut être résilié. »

Les premiers bilans de ces opérations montrent :

- parmi les points négatifs, que le « turn-over » dans les pépinières est relativement élevé en raison du profil « moins professionnel » des entrepreneurs qu'elles accueillent. Autre limite, les loyers de sortie de ces opérations restent parfois élevés, en raison de l'importance des coûts d'acquisition et de rénovation des locaux, et peuvent même compromettre le fonctionnement de l'opération ;

- parmi les points positifs, que les pépinières commerciales contribuent efficacement à une diminution de la vacance commerciale dans certains centres-villes et quartiers.

Le statut des baux dérogatoires n'est toutefois pas exempt de limites. Comme le souligne également le rapport Fasquelle, « sur le plan pratique, la durée limitée et l'incertitude qui pèsent sur l'issue du contrat n'apparaissent pas propices à la réalisation d'investissements par le preneur, en sorte que le fonds peut voir sa valeur décliner et trouver difficilement nouveau preneur, en tout cas aux conditions tarifaires souhaitées par le bailleur. »

En outre, certains propriétaires peuvent être tentés d'y recourir abusivement, afin de se soustraire aux obligations attachées au statut des baux classiques.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

2.1. Obligation de légiférer

La création d'un nouveau contrat liant un propriétaire à un exploitant commercial, dénommé contrat de redynamisation commerciale, nécessite un véhicule législatif.

2.2. Objectifs poursuivis

L'article 11 instaure un contrat expérimental dénommé « contrat de dynamisation commerciale ». Le contrat de dynamisation commercial vise à apporter aux parties contractantes davantage de souplesse qu'un bail classique mais également davantage de sécurité et de garanties qu'un bail dérogatoire.

Le statut de ce contrat expérimental présente les caractéristiques suivantes :

- une durée indéterminée,

- la faculté pour chaque partie de pouvoir résilier le contrat à tout moment ;

- le versement d'une indemnité à l'exploitant commercial, en cas de résiliation du contrat intervenant à l'initiative du propriétaire, fixée à un pourcentage dégressif de ses coûts d'aménagement dans le local ;

- la perception par le propriétaire d'une redevance correspondant à un pourcentage du chiffre d'affaires de l'exploitant commercial, cette redevance étant plafonnée à 20 % du chiffre d'affaires ;

- l'intégration d'une clause de modification de surface, voire de transfert d'activité.

Ce contrat serait de nature à intéresser de jeunes entrepreneurs, des propriétaires hésitant à offrir leur bien à la location sur le marché, ainsi que des opérateurs territoriaux, tels que les SEM, engagées dans des programmes de redynamisation territoriale.

3. IMPACTS DE LA LOI

3.1. Impacts juridiques

L'article 11 vient modifier le titre IV du livre premier du code de commerce.

Ces modifications portent sur :

- la création d'un nouveau contrat dénommé « contrat de dynamisation commerciale » ;

- le statut de ce contrat (public concerné, durée, résiliation...) ;

- les modalités de fixation de la redevance d'occupation.

3.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

La diffusion de ce nouveau contrat dépendra des arbitrages qu'en feront les parties en termes de coût locatifs pour les uns / de revenu locatif pour les autres et de risque.

Les propriétaires devraient se révéler réticents à accueillir des activités nécessitant des coûts d'aménagement importants, en raison des montants élevés d'indemnité qu'ils pourraient éventuellement devoir verser à l'exploitant commercial, en cas de résiliation de contrat.

De même, les exploitants commerciaux devant engager des travaux importants d'aménagement, amortis sur plusieurs années, devraient se révéler réticents à signer ce type de contrat. De manière plus générale, tout exploitant commercial visant la constitution d'un fonds de commerce (par nature attachée à un lieu et à une durée d'exploitation) et la sécurité apportée par la propriété commerciale se détournera très probablement de ce type de contrat.

En revanche, il devrait concerner en priorité de « jeunes pousses » mobilisant peu d'investissement de départ :

- ayant des difficultés à accéder au marché de l'immobilier de commerce classique ;

- souhaitant sinon tester temporairement une formule de vente avant de lancer leur activité dans le cadre d'un bail commercial classique.

L'application de ce contrat devra être circonscrite à ce type de problématique entrepreneuriale, afin d'éviter tout effet d'aubaine risquant de fragiliser à terme le régime classique des baux commerciaux.

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur dès la promulgation de la loi.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

4.3. Textes d'application

Il n'est pas prévu de mesure réglementaire d'application.

ARTICLE 12 : FAVORISER LA TRANSMISSION DES ENTREPRISES ARTISANALES ET COMMERCIALES

1. ÉTAT DES LIEUX

Comme le souligne un récent rapport d'une mission sénatoriale 11 ( * ) et une proposition de loi associée 12 ( * ) , la transmission d'entreprise s'impose depuis peu comme un nouveau défi économique au pays et aux territoires. De fait, chaque année, environ 60 000 entreprises seraient transmises en France, mais 50 % d'entre-elles disparaitraient lors de leur reprise (faillite, absorption, fusion).

Les données manquent pour objectiver le phénomène depuis que l'Insee a cessé de comptabiliser le nombre de transmissions en 2006. Les estimations oscillent ainsi entre 42.000 (données 2017 de l'observatoire CRA de la transmission des TPE animé par l'Association nationale pour la transmission d'entreprise) et 75.000 (données 2014 de l'Observatoire BPCE) transmissions par an. Le nombre de disparitions concernerait donc entre 21.000 et 37.500 entreprises par an, soit un volume important, quelle que soit l'hypothèse de calcul retenue.

Le défi de la transmission est autant de nature démographique et économique que territoriale analysent les rapporteurs.

« Démographique car près de 20 % des dirigeants des PME sont âgés de plus de 60 ans et plus de 60 % des dirigeants d'ETI ont au moins 55 ans : le nombre d'entreprises à transmettre dans les prochaines années va donc considérablement augmenter. C'est une période délicate qui s'ouvre pour l'économie française car ces entreprises ne trouvent pas toujours de repreneurs et, lorsqu'elles en trouvent, ceux-ci peuvent être tentés d'opérer des économies d'échelle en opérant des fusions voire de réduire la masse salariale en délocalisant. A la perte de ces emplois directs s'ajoute alors celle des emplois indirects, créant un cercle vicieux de dévitalisation de nos territoires que certaines de nos régions ne connaissent déjà que trop bien. »

Cinq freins pèsent plus particulièrement sur la transmission d'entreprise :

- l'insuffisance d'information tant pour les cédants que pour les repreneurs potentiels ;

- un manque d'anticipation et de préparation dans le processus de transmission des entreprises ;

- des difficultés de financement persistantes pour les repreneurs ;

- un cadre fiscal et économique inadapté ;

- une reprise interne par les salariés insuffisamment accompagnée pour être pleinement efficace.

À ces maux, la mission propose différents remèdes :

- favoriser l'anticipation ;

- mieux informer et mieux accompagner (à travers la formation initiale et permanente des dirigeants d'entreprise) ;

- moderniser et dynamiser le financement de la transmission (par un étalement de l'impôt ou des facilités de crédits octroyés au repreneur) ;

- conforter le soutien territorial de la transmission (au travers notamment de la mobilisation du FISAC) ;

- simplifier le cadre fiscal et économique.

Ce cadre est actuellement fixé à l'article 787 B du code général des impôts et précisé par le BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10-20140519.

Cet article dispose que la transmission des titres (parts ou actions) de sociétés et des entreprises individuelles ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale est susceptible de bénéficier d'une exonération qu'il s'agisse de la transmission par donation ou par succession et que cette transmission s'opère en pleine propriété ou dans le cadre d'un démembrement de propriété ( nue-propriété / usufruit ). Cette exonération est des ¾ de la valeur des titres ou de l'entreprise.

Les titres doivent faire l'objet d'un engagement collectif de conservation d'une durée de deux ans à compter de la date de l'enregistrement fiscal de l'acte le constatant ou à compter du jour de la signature de l'acte si celui-ci est notarié. Cet engagement doit porter sur au moins 20 % des titres (sociétés cotées) ou 34 % (sociétés non cotées).

La mission propose de moderniser ces dispositions en offrant la possibilité d'une exonération fiscale plus élevée en contrepartie d'un engagement plus long de détention des parts.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

2.1. Obligation de légiférer

La révision du régime d'encadrement des transmissions d'entreprises nécessite un véhicule législatif.

2.2. Objectifs poursuivis

L'article 12 de la présente proposition de loi vise à faciliter la transmission d'entreprise en assouplissant certaines dispositions économiques et fiscales.

Il reprend dans un I plusieurs dispositifs issus de la proposition de loi visant à moderniser la transmission d'entreprise, présentée par MM Claude Nougein et Michel Vaspart :

- son article 4, visant à moderniser le dispositif de location gérance en réduisant de cinq à deux ans le délai conditionnant l'exonération fiscale de la plus-value en cas de vente ;

- le premier alinéa de son article 8, visant à élargir les dispositions de l'article 787 B du code général des impôts aux sociétés unipersonnelles, de plus en plus nombreuses dans le tissu économique ;

- les 2 e , 5 e et 10 e alinéas de son article, qui suppriment la condition de maintien inchangé des participations en cas de sociétés interposées entre le redevable et la société éligible au dispositif de l'article 787 B du CGI. Cette contrainte est très forte car elle conduit à « geler » l'organigramme des groupes pendant toute la durée des engagements, alors qu'il est essentiel qu'ils puissent évoluer pour tenir compte de leur environnement économique. Le rapport de la délégation aux entreprises a mis en évidence le caractère inadapté de cette règle à la réalité de la vie des entreprises, à commencer pour les PME pour lesquelles la stratégie de croissance est essentielle, rappellent les rapporteurs.

L'article 12 introduit dans un II une nouvelle disposition visant à permettre, aux commerçants en OSER, à titre expérimental, pour une durée de cinq ans, et sous certaines conditions, de déduire des bénéfices imposables au titre de l'impôt sur le revenu de cinq exercices consécutifs les sommes affectées à la reprise de l'entreprise qu'elles vont céder.

3. IMPACTS DE LA LOI

L'article 12 de la présente proposition de loi apporte plusieurs modifications au code général des impôts :

- 238 quindecies ;

- 787 B ;

- 790 A.

Les modalités d'application du II du présent article sont renvoyées à un décret d'application.

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur à la date de publication d'un décret d'application.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

4.3. Textes d'application

Il n'est pas prévu de mesure réglementaire d'application.

CHAPITRE CINQ : RÉNOVER LE SYSTÈME DE RÉGULATION DES IMPLANTATIONS COMMERCIALES

Article 13 : Modifier la composition des CDAC pour mieux représenter le tissu économique

1. ÉTAT DES LIEUX ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

La composition des commissions départementales d'aménagement commerciales a toujours traduit la volonté de maintenir une parité entre les élus locaux et les acteurs socio- économiques : ainsi la loi « Sapin » du 29 janvier 1993 avait prévu que les commissions départementales d'équipement commercial comprendraient 6 membres, en l'occurrence trois élus locaux, deux présidents de chambres consulaires et un représentant des associations de consommateurs ou son suppléant, réunis sous la présidence du représentant de l'État dans le département.

La composition des CDEC n'était pas constante, puisqu'elle variait déjà selon la commune d'implantation de chaque projet examiné.

Au motif pris de la transposition, en droit interne, de la directive n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 pour la modernisation de l'économie (dite LME) a rompu cet équilibre, portant de trois à 5 le nombre de représentants d'élus locaux au sein de la CDAC (sont ajoutées la présence du président du conseil général ou son représentant, et celle du président du syndicat mixte ou de l'EPCI chargé du SCOT) et supprimant la présence des représentants des chambres consulaires, ces derniers étant remplacés par trois personnes qualifiées en matière de consommation, de développement durable et d'aménagement du territoire.

La loi 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a encore accru la prédominance des élus locaux, en portant leur nombre de cinq à sept : sont désormais présents au sein des CDAC un représentant des maires au niveau départemental, et un représentant des intercommunalités au niveau départemental.

Le nombre des personnalités qualifiées a pour sa part été porté de 3 à 4 (deux personnalités qualifiées en matière de consommation et de protection des consommateurs, et deux personnalités qualifiées en matière de développement durable), mais il demeure minoritaire.

Force est de constater à l'issue de plusieurs années de pratique que si les consommateurs et les protecteurs de l'environnement ont trouvé toute leur place au sein des commissions, influant incontestablement sur la prise en compte du confort d'achat et sur la prise en compte de l'environnement, les acteurs économiques n'ont pas été suffisamment associés aux décisions portant sur l'implantation d'équipements commerciaux, ou leur agrandissement, ce qui a faussé la prise en compte des enjeux et contraintes économiques.

De même, il est apparu que la majorité des autorisations délivrées et des avis favorables rendus portaient sur des projets consommateurs d'espaces, en particulier d'espaces agricoles : pourtant, et de manière très paradoxale, le monde agricole n'est aucunement consulté lors de l'examen des projets.

Alors même que la législation sur l'aménagement commercial doit répondre aux exigences d'aménagement du territoire, et contribuer en particulier au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville (article L.750-1 du Code de commerce), il convient d'admettre que l'absence, au sein des CDAC, de représentants des activités économiques et plus particulièrement d'acteurs du commerce, a détourné partiellement la législation de l'un de ses objectifs.

Les décisions en matière d'aménagement commercial traduisent en effet essentiellement aujourd'hui la prise en compte de l'aménagement du territoire sous l'angle environnemental sans que sa dimension économique soit prise en compte.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Il est apparu impératif de réintroduire dans les décisions des CDAC la prise en compte du développement économique et en particulier celui du commerce, qui constitue l'une des branches de l'objectif d'aménagement du territoire, mais également de donner la parole au monde agricole, qui est le premier concerné par le phénomène d'étalement urbain.

3. OPTIONS ET DISPOSITIFS RETENUS

Les dispositions proposées ont pour objet, d'une part, de modifier la composition des CDAC, et d'autre part de renforcer la pertinence des informations portées à leur connaissance pour se prononcer utilement.

L'article 13 réintroduit, au sein de la CDAC, une personnalité qualifiée en matière de commerce, une autre personnalité qualifiée en matière d'artisanat, et une troisième qualifiée en matière d'agriculture.

Ces trois membres seront respectivement désignés par la chambre de commerce et d'industrie, par la chambre des métiers et de l'artisanat et la chambre d'agriculture territorialement compétentes.

Cependant, les deux premiers membres ci-dessus ne prendront pas part au vote, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article 14 point 6 de la directive services de 2006 : elles se borneront à exposer la situation du tissu économique dans la zone de chalandise du projet, ainsi que l'impact du projet sur ce dernier.

Pour sa part, le membre désigné pour représenter la chambre d'agriculture serait pleinement associé à la décision, non seulement en présentant l'avis de la chambre d'agriculture sur le projet, mais également en disposant d'un droit de vote. En effet, le monde agricole est le premier concerné par la consommation des espaces agricoles et l'étalement urbain, et il est par conséquent parfaitement légitime à se prononcer sur le projet.

L'introduction de trois nouveaux membres dans la composition de la CDAC étant de nature à alourdir considérablement le fonctionnement des CDAC, il est proposé de réduire de quatre à deux le nombre de personnalités qualifiées siégeant en matière de consommation et de protection des consommateurs et en matière de développement durable et d'aménagement du territoire.

Enfin, la vocation première des commissions d'aménagement commercial étant de se prononcer sur les impacts des projets commerciaux en matière d'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne, et notamment du point de vue du commerce, est introduite l'obligation, pour les CDAC de convoquer et d'entendre la ou les associations de commerçants de la commune d'implantation et des communes limitrophes, d'une part, et le manager de centre-ville de la commune d'implantation du projet, lorsque ces derniers existent.

4. IMPACTS DE LA LOI

4.1. Impacts juridiques

L'article L.752-1 du Code de commerce, qui régit le fonctionnement des commissions départementales d'aménagement commercial, est modifié sur deux points :

- la composition des CDAC est modifiée et complétée pour modifier le nombre et la qualité des personnalités qualifiées, et pour préciser leur statut au sein de la commission (droit de vote ou auditeur) ;

- les informations portées à la connaissance des CDAC sont précisées, à la fois par la présentation de la situation du tissu économique, et l'impact du projet sur ce tissu économique, mais également par la présentation de l'avis rendu par la chambre d'agriculture et par l'audition des associations de commerçants et des managers de centre-ville le cas échéant.

4.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

La nouvelle composition des CDAC aura nécessairement pour effet de réintroduire la dimension économique de l'objectif d'aménagement du territoire lors de l'examen des projets, et de permettre aux CDAC de disposer d'une information complète sur la situation économique de la zone de chalandise avant de se prononcer.

De même, la participation du monde agricole à la fois sous la forme d'un avis de la Chambre d'agriculture, et sous la forme d'un vote sur le projet, aura également pour effet de mieux appréhender les effets d'un projet sur la préservation des terres agricoles et sur l'étalement urbain.

4.3. Impacts financiers et budgétaires

Les impacts financiers et budgétaires seront quasi nuls s'agissant de la modification de la composition des CDAC (ajout d'un membre supplémentaire).

Ils seront également limités s'agissant de l'établissement de la présentation de la situation du tissu économique dans la zone de chalandise, et de celle des effets du projet sur ce tissu économique, comme s'agissant de l'émission de son avis par la chambre d'agriculture.

4.4. Impacts administratifs

La nouvelle composition des CDAC imposera aux préfets de désigner, par arrêté préfectoral, le représentant des chambres consulaires sur propositions de ces dernières. Cette désignation devra être opérée pour un mandat limité, dont la durée devra être prévue par décret (par exemple un mandat de trois ans, renouvelable une fois, comme pour les autres personnalités qualifiées).

Le secrétariat des CDAC devra intégrer la présence de nouveaux membres lors de l'envoi des convocations, et faire figurer dans le dossier final les nouvelles pièces que constitueront l'avis émis par la chambre d'agriculture, et l'étude de la situation du tissu économique ainsi que les impacts du projet sur cette situation.

Le procès-verbal de la réunion, de même que la décision elle-même, devront intégrer ces modifications procédurales.

5. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

5.1. Consultations menées

Seront consultées les Associations des Chambres de commerces et d'industrie, des chambres des métiers, ainsi que des Chambres d'agriculture.

5.2. Modalités d'application

- Dans le temps

La mise en oeuvre de la loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs devra prévoir une entrée en vigueur différée, prévoyant une application aux seuls projets dont la demande aura été déposée postérieurement à une date fixée par la loi, afin de limiter les très nombreuses difficultés induites par l'incohérence des mesures transitoires prévues par la loi ACTPE du 18 juin 2014 et par le décret du 12 février 2015.

- Dans l'espace

Le texte ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer.

- Textes d'application

Il conviendra de modifier les dispositions des articles R.751-1 à R.751-5 du Code de commerce, qui régissent la composition et le fonctionnement des CDAC.

ARTICLE 14 : ABAISSER LES SEUILS D'AUTORISATION D'EXPLOITATION COMMERCIALE

1. ÉTAT DES LIEUX ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

Depuis l'adoption de la loi sur la modernisation de l'économie en 2008, un développement important du nombre de mètres carrés de surface de vente s'est opéré sur l'ensemble du territoire. Ainsi, ce sont plus de 1.000 autorisations ou avis favorables qui ont été délivrés annuellement entre 2009 et 2014, quasiment autant en 2016 (979 autorisations), le nombre limité d'autorisations et avis favorables délivrés en 2015 ne s'expliquant que par l'attentisme induit par la réforme de la loi Pinel ayant introduit le dispositif d'autorisation unique de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.

Au total, entre 2,5 et 3,3 millions de m² ont été autorisés annuellement entre 2009 et 2014, puis près de 1,5 millions de m² en 2015 et près de 2 millions de m² en 2016. Entre 2009 et 2016, les CDAC ont ainsi autorisé au total près de 20 millions de mètres carrés de surface de vente.

À ces surfaces de vente doivent être ajoutées celles des équipements commerciaux nouveaux qui, développant une surface de vente inférieure à 1.000 m², étaient dispensées d'autorisation ou d'avis favorable.

Un tel accroissement du nombre de m² est le résultat de multiples facteurs et responsabilités :

- celle des investisseurs d'abord, attirés par les performances financières et les rendements particulièrement attractifs de ces placements en immobilier commercial ;

- celle des commissions d'aménagement commercial elles-mêmes, ensuite, faute de disposer des informations précises leur permettant de se prononcer en toute connaissance de cause sur les projets qui leur sont soumis. Le dernier rapport établi par la commission nationale d'aménagement commercial fait en effet apparaître que 88 % des projets examinés ont été favorablement accueillis, soit 979 décisions favorables sur 1.107, représentant près de 2 millions de m². Seules 25 % de ces décisions ont fait l'objet d'un recours auprès de la commission nationale ;

- celle du juge administratif encore, dont la plus haute autorité a considéré que « l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi » (Conseil d'État, 4 octobre 2010, Syndicat commercial et artisanal de l'agglomération sénonaise et autres , n° 333413) instituant par là le principe selon lequel la délivrance de l'autorisation sollicitée constitue le principe, le refus n'en étant que l'exception. À cet égard, l'analyse de la jurisprudence depuis 2010 permet de constater que le juge administratif confirme dans leur très grande majorité les autorisations et avis favorables délivrés par la commission nationale d'aménagement commercial (en 2016, 96 % des autorisations examinées ont été confirmées par la juridiction administrative), tandis qu'il censure au contraire significativement les refus (48 % des refus examinés en 2016 ont été annulés). Une telle tendance est naturellement de nature à affaiblir la régulation, par l'administration, de l'implantation des projets commerciaux ;

- celle du législateur , enfin et surtout, qui a significativement relevé le seuil au-delà duquel une autorisation d'exploitation devient nécessaire : en relevant ce seuil de 300 à 1.000 m², bon nombre de projets se sont vus dispensés de tout examen et de toute autorisation préalable, échappant alors à tout contrôle.

Un constat a été plus particulièrement opéré : celui de la création, en périphérie des centres bourgs et des petites villes ou des villes moyennes, de nouveaux pôles commerciaux constitués essentiellement de petites surfaces alimentaires (supérettes ou supermarchés hard-discount, halles de produits frais, boulangeries dite de « rond-point », ..) accompagnées le plus souvent de services de proximité (pharmacies, coiffeurs, banques, cabinets médicaux, ...) dispensés d'autorisation préalable d'exploitation commerciale par leur nature même. C'est précisément la création de ce type de pôles d'activités, mixant surfaces commerciales inférieures à 1.000 m² et activités de services, qui induit la perte de fonction commerciale des centres bourgs.

À l'inverse, force est de constater que le volume du commerce en ligne se renforce depuis plusieurs années dans des proportions spectaculaires : il a presque doublé en 5 ans, passant de 45 milliards d'euros en 2012 à près de 82 milliards d'euros en 2017, suivant une courbe de croissance annuelle de plus de 15 %. Le nombre de sites marchands s'accroît de 10 % par an pour atteindre 200.000 en 2016, même si le nombre de market places (de type Amazon, Cdiscount, PriceMinister...) tend à stagner.

Le panier moyen tend certes à se réduire significativement d'une année à l'autre (70 euros en moyenne en 2016, mais 64 euros en 2017), mais le nombre annuel de transactions par client s'accroît (28 transactions par an en 2016, contre 33 transactions par an en 2017). C'est signe que l'achat en ligne est devenu pour le client un mode de consommation usuel, même pour les petits achats du quotidien.

Pourtant, rien ne vient justifier la différence de traitement entre le commerce en ligne et le commerce physique : alors que ces derniers, pour accueillir la clientèle, doivent disposer d'une autorisation administrative pour l'édification des locaux, d'une part, et pour l'exercice de leur activité commerciale, d'autre part, les premiers ne sont soumis qu'au régime général des autorisations d'urbanisme pour l'édification des locaux de stockage de leur marchandise.

Bien plus, une telle différence de traitement se révèle contraire au deuxième alinéa de l'article L.750-1 du Code de commerce qui dispose que « dans le cadre d'une concurrence loyale , (les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changement de secteurs d'activités d'entreprises commerciales et artisanales) doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ».

2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le double constat opéré ci-dessus plaide pour un renforcement significatif du contrôle de l'implantation et de l'extension des équipements commerciaux, de quelque nature qu'ils soient (physiques ou en ligne).

Avant de modifier, le cas échéant, les conditions d'examen et de délivrance des autorisations ou des avis favorables portant sur l'implantation ou l'extension d'un équipement commercial, il a été décidé d'élargir le champ d'application des équipements commerciaux, tant quantitativement que qualitativement.

Cet élargissement permettra aux CDAC :

- d'abord d'identifier avec une plus grande précision les équipements commerciaux dont l'implantation est projetée sur leur territoire, en ayant également connaissance de l'implantation des équipements développant une surface de vente inférieure à 1.000 m², ou de l'implantation des entrepôts des commerces en ligne, tous deux susceptibles d'affecter l'animation de la vie urbaine et l'animation commerciale ;

- ensuite d'imposer aux porteurs de ces projets l'élaboration d'un dossier de demande d'avis favorable ou d'autorisation, selon l'assujettissement ou non à permis de construire : ce dossier de demande exige en effet du pétitionnaire qu'il réalise un certain nombre de diagnostics et d'études préalables destinés à identifier la pertinence du projet, et ses effets sur l'aménagement du territoire et sur l'environnement ;

- enfin de soumettre les projets au respect des objectifs et des critères posés par l'article L.752-6 du Code de commerce - aménagement du territoire, développement durable et protection du consommateur, contribution du projet en matière sociale - ce qui n'était auparavant pas le cas.

3. OPTIONS ET DISPOSITIFS RETENUS

Il a été décidé d'élargir le champ d'application de la réglementation sur l'aménagement commercial, de deux manières :

- en premier lieu en abaissant le seuil en deçà duquel aucun contrôle de l'aménagement commercial n'est opéré : une réduction de ce seuil permet de soumettre les projets développant entre 400 et 1.000 m² de surface de vente à l'examen par les commissions départementales, et d'imposer aux porteurs de ces projets le respect des objectifs posés par l'article L.752-6 du Code de commerce (aménagement du territoire, développement durable et protection du consommateur, contribution du projet en matière sociale), ce qui n'était auparavant pas le cas ;

- en second lieu en élargissant la nature des commerces concernés, appliquant aux commerçants en ligne qui souhaite édifier un équipement destiné à l'accueil de leur marchandise, mais non ouverts à la clientèle, le régime applicables aux commerces physiques.

Il est d'abord proposé de remplacer, aux paragraphes 1° à 8° de l'article L.752-1 du Code de commerce, le seuil de 1.000 m² mentionné par un seuil de 400 m², de telle sorte que la création d'un magasin de détail, celle d'un ensemble commercial, l'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ou celle d'un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil de 400 m² ou devant le dépasser par la réalisation du projet, la réouverture d'un magasin de commerce de détail fermé depuis plus de trois ans, soient soumis à autorisation d'exploitation commerciale dès lors qu'ils prévoient la création de 400 m² de surface de vente, ou viennent à les dépasser.

De même, se trouvera assujetti à autorisation le changement de secteur d'activité des commerces d'une surface de vente de 1.000 m² et non plus 2.000 m² comme autrefois, ce seuil étant abaissé à 400 m² lorsque l'activité nouvelle du magasin est à prédominance alimentaire.

Le dispositif connait toutefois une dérogation : en effet, dans le périmètre des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation OSER, les seuils antérieurs demeurent applicables. Mais dans ces périmètres, il est néanmoins prévu que le maire de la commune d'implantation, le président de l'EPCI à fiscalité propre compétent en matière d'urbanisme, ou le maire d'une commune limitrophe de la commune d'implantation du projet, puissent proposer à l'organe délibérant de la commune ou de l'EPCI de saisir la CDAC d'une demande d'examen d'un projet envisagé dans le périmètre des opérations OSER et développant une surface de vente comprise entre 400 et 1.000 m².

Dans cette hypothèse, le mécanisme classique d'examen des projets s'applique : la CDAC se prononce dans le délai de deux mois, et son éventuel avis défavorable peut faire l'objet d'un recours, par le pétitionnaire, auprès de la CNAC, qui dispose alors d'un mois pour statuer, étant précisé qu'un avis défavorable fait obstacle à la délivrance du permis de construire.

Il est ensuite proposé de faire figurer, parmi les projets soumis à autorisation d'exploitation commerciale, la création ou l'extension de locaux de stockage principalement destinés à l'entreposage, en vue de la livraison, à destination de toute personne physique ou morale, de biens commandés par voie télématique, dès lors que ces locaux de stockage développent une surface de plancher supérieure à 1.000 m².

Cette exigence est destinée à contrôler l'implantation, aujourd'hui anarchique, des entrepôts commerciaux des acteurs du e-commerce tels que Amazon, Cdiscount, PriceMinister,...) et de les soumettre au régime général de l'aménagement commercial.

4. IMPACTS DE LA LOI

4.1. Impacts juridiques

L'article L.752-1 du Code de commerce, qui définit le champ d'application du régime des autorisations d'exploitation commerciale est modifié sur deux points :

- est ajouté un paragraphe 8° visant expressément la création ou l'extension de locaux de stockage principalement destinés à l'entreposage, en vue de la livraison, à destination de toute personne physique ou morale, de biens commandés par voie télématique, d'une surface de plancher supérieure à 1.000 m² ;

- hors du périmètre des opérations de sauvegarde économique et de revitalisation, le seuil de 1.000 m² est remplacé par un seuil de 400 m², et le seuil de 2.000 m² pris en compte pour le changement de secteur d'activité est remplacé par un seuil de 1.000 m², ce dernier étant réduit à 400 m² si la nouvelle activité exercée est à prédominance alimentaire.

La rédaction de l'article L.752-4 est modifiée pour permettre, dans le périmètre des opérations de sauvegarde économique et de revitalisation, la saisine de la CDAC par le conseil municipal de la commune d'implantation d'un projet ou celui d'une commune voisine, ou par l'assemblée délibérante de l'EPCI compétent en matière d'urbanisme, sur proposition de leur autorité exécutive, aux fins d'examen des projets présentant une surface de vente comprise entre 400 et 1.000 m².

4.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

L'élargissement du champ d'application du régime des autorisations d'exploitation commerciale aura un impact direct et significatif sur l'animation sociale et économique des centres villes et centres bourgs dans la mesure où, précisément, l'abaissement du seuil d'exigibilité de l'autorisation d'exploitation commerciale va permettre le contrôle de l'implantation des équipements dont la surface de vente (supérieure à 400 m² mais inférieure à 1.000 m²) leur donne vocation à s'implanter plus en centre- ville qu'en périphérie.

Cette mesure va permettre également de juguler le développement des commerces dit de rond-point, ou de station-service, et la prolifération anarchique des petites unités commerciales et de service en périphérie des centres villes et des centres bourgs, constatés à grande échelle sur les axes routiers fréquentés à l'entrée des bourgs, avec parkings aménagés pour les clients, et mieux appréhender l'installation des surfaces alimentaires d'une surface de vente inférieure à 1.000 m², qui mitent le territoire alors que leur vocation est celle de répondre à une demande de consommation de proximité.

Plus encore, l'assujettissement des équipements commerciaux développant une surface de vente inférieure à 1.000 m² et des entrepôts des entreprises de e-commerce permettra, outre leur contrôle, de les contraindre au respect des objectifs d'aménagement rationnel du territoire et de promotion du développement durable posés par l'article L.752-6 du Code de commerce.

Soumis au respect de ces objectifs, les projets devront alors tenir compte des exigences de limitation de la consommation d'espace, de l'animation de la vie urbaine, de ses effets sur les flux de transport, de sa qualité environnementale, et de son insertion paysagère et architecturale, lesquelles ne sont absolument pas prises en compte aujourd'hui.

4.3. Impacts financiers et budgétaires

Les impacts financiers pour les porteurs de projet : l'élargissement du champ d'application du régime des autorisations d'exploitation commercial va nécessairement renchérir le coût des projets de moindre importance. En effet, les projets dont la surface de vente est comprise entre 400 et 1.000 m² devront donner lieu à l'établissement d'un dossier complet de demande d'autorisation d'exploiter, conforme aux exigences de l'article R.752-6 du Code de commerce et intégrant la réalisation de plusieurs études.

Ce coût viendra s'ajouter à celui de constitution du dossier de demande de permis de construire le cas échéant.

Les impacts financiers pour les acteurs du e-commerce : de même, les acteurs du e-commerce qui décident l'implantation de locaux de stockage de leurs marchandises, et qui n'étaient jusqu'à présent assujettis qu'au dépôt d'une demande de permis de construire, devront également s'attacher à la constitution du dossier complet exigé par l'article R.752-6 du Code de commerce.

Les impacts budgétaires pour les services de l'État : l'accroissement du nombre de dossiers examinés par les CDAC va mobiliser de manière plus importante les services déconcentrés de l'État, et induira vraisemblablement une augmentation du nombre de réunions. Néanmoins, l'impact budgétaire de cette mesure devrait rester limité dans la mesure où la dématérialisation des procédures (envoi des convocations, des dossiers, dématérialisation des pièces du dossier,...) est mise en place depuis plusieurs années.

4.4. Impacts administratifs

L'élargissement du champ d'application des autorisations d'exploitation commerciale par l'abaissement du seuil, d'une part, et par leur exigibilité s'agissant des entrepôts du e-commerce va accroître sensiblement le nombre de dossiers examinés par les commissions départementales, et par conséquent examinés par la commission nationale, dès lors qu'environ 25 % des autorisations et avis fait l'objet d'un recours auprès de la CNAC.

Les services concentrés de l'État chargés de l'application, dans le département, de l'application du régime de l'aménagement commercial, de même que les services de la Direction générale des entreprises seront plus sollicités pour l'enregistrement des dossiers de demande ou celui des recours, l'instruction de ces derniers, pour l'organisation des réunions des commissions et leur suivi, de même que pour la publication et le contrôle de l'exécution des décisions.

5. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

- Dans le temps

La mise en oeuvre de la loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs devra prévoir une entrée en vigueur différée, prévoyant une application aux seuls projets dont la demande aura été déposée postérieurement à une date fixée par la loi, afin de limiter les très nombreuses difficultés induites par l'incohérence des mesures transitoires prévues par la loi ACTPE du 18 juin 2014 et par le décret du 12 février 2015.

En revanche, l'anticipation de l'entrée en vigueur de la loi induira nécessairement, dans les mois précédent cette entrée en vigueur, un accroissement de la réalisation des projets qui, non assujettis au régime des autorisations d'exploitation commerciale du fait de leur surface (moins de 1.000 m²) ou leur nature (entrepôts de e-commerce), doivent le devenir à cette date.

- Dans l'espace

Le texte ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer.

- Textes d'application

Il conviendra de modifier les dispositions des articles R.752-21 à R.752-29 du Code de commerce, qui régissent la procédure de consultation facultative des CDAC dans le périmètre des opérations OSER, s'agissant des projets dont la surface de vente est comprise entre 400 et 1.000 m².

Article 15 : Rendre plus performante l'évaluation des projets d'implantation commerciale en prenant mieux en compte leurs effets sur les territoires

1. ÉTAT DES LIEUX ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

C'est l'article L.752-6 du Code de commerce qui fixe les conditions de fond permettant la délivrance d'une autorisation ou d'un avis favorable sur une demande d'autorisation d'exploitation commerciale.

Cet article vise, d'une part, les dispositions d'urbanisme qui doivent être prises en compte par les commissions nonobstant le principe d'indépendance des législations entre la réglementation de l'urbanisme et celle de l'urbanisme commercial, et fixe, d'autre part, les critères d'analyse des projets.

S'agissant du premier point , l'article L.752-6 du Code de commerce prévoit que « L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article l.752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale, ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant (des dispositions relatives à l'équipement commercial et artisanal) ».

Deux hypothèses sont ici distinguées.

- la première est celle de l'existence d'un schéma de cohérence territoriale (SCOT), couvrant le territoire de la zone de chalandise et plus particulièrement le terrain d'assiette du projet.

Le SCOT comprend en effet obligatoirement un document d'orientation et d'objectifs (DOO) qui, en application des dispositions de l'article L.141-16 du Code de l'urbanisme (anciennement L.122-1-9), « précise les orientations relatives à l'équipement commercial et artisanal » et « définit les localisations préférentielles des commerces en prenant en compte les objectifs de revitalisation des centres-villes, de maintien d'une offre commerciale diversifiée de proximité permettant de répondre aux besoins courants de la population (...) ».

Le DOO peut surtout comprendre un document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC) qui joue un rôle essentiel de régulation de l'implantation des activités commerciales : le DAAC a été créé par la loi ACTPE du 18 juin 2014 et remplace l'ancien document d'aménagement commercial (DAC) issu de la loi pour la modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008 que la loi ALUR du 24 mars 2014 avait supprimé.

En application des dispositions de l'article L -141-17 du Code de l'urbanisme, le DAAC définit « les conditions d'implantation des équipements commerciaux qui, du fait de leur importance, sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur l'aménagement du territoire et le développement durable » ; il « localise les secteurs d'implantation périphérique ainsi que les centralités urbaines » et peut « prévoir des conditions d'implantation des équipements commerciaux spécifiques aux secteurs ainsi identifiés » ;

- la seconde est celle de l'existence, dans le plan local d'urbanisme, et nonobstant l'existence ou non d'un SCOT, d'orientations d'aménagement et de programmation susceptibles de comprendre, depuis la loi ACTPE du 18 juin 2014, des orientations d'aménagement et de programmation ayant pour objet de « Favoriser la mixité fonctionnelle en prévoyant qu'en cas de réalisation d'opérations d'aménagement, de construction ou de réhabilitation un pourcentage de ces opérations est destiné à la réalisation de commerces » (article L.151-7 du Code de l'urbanisme, autrefois article L.123-1-4).

En l'application du I- de l'article L.752-6 du Code de commerce, les projets doivent donc être compatibles avec ces deux séries de disposition.

La limitation de l'examen des projets d'équipement commercial au seul contrôle de la compatibilité avec ces dispositions s'est cependant avérée peu satisfaisante.

En effet, la notion de compatibilité signifie qu' » une norme doit respecter une autre norme dans la mesure où elle ne doit pas la remettre en cause. Autrement dit, la norme inférieure peut s'écarter de la norme supérieure à condition que cette différenciation n'aille pas jusqu'à la remise en cause de ses options fondamentales » (J.-C. Bonichot : « Compatibilité, cohérence, prise en compte : jeux de mots ou jeu de rôle », Mélanges en l'honneur du Professeur Henri jacquot, PU d'Orléans, 2006).

Et en matière d'urbanisme commercial, le juge administratif a été conduit à faire une application particulièrement souple de cette obligation de compatibilité, le contrôle de cette dernière étant effectué à un niveau global, c'est-à-dire « à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert et de l'ensemble des prescriptions du document, pour pouvoir mesurer si l'acte contrôlé est ou non compatible » ( Conseil d'État, 12 décembre 2012, Davalex , n° 353496, conclusions G. Dumortier, BJCT 1/2013).

Plusieurs exemples jurisprudentiels témoignent ainsi qu'une tolérance importante à l'égard de projets qui paraissaient pourtant incompatibles avec le SCOT ( Conseil d'État, 28 avril 2014, SAS Distribution Casino France , n° 356439 : sur l'implantation d'un pôle de 24.000 m² de surface de vente nonobstant l'objectif de rééquilibrage des secteurs périphériques - Conseil d'État, 12 décembre 2012, Davalex , précité : sur la création d'un ensemble commercial de 2.890 m² de surface de vente alors qu'étaient privilégiées dans ce secteur celles inférieures à 300 m² - Conseil d'État, 18 juin 2014, SAS Sadef , n° 357400 : sur la création d'un magasin de bricolage de 11.300 m² de surface de vente dans un ensemble commercial alors que le SCOT fixe un objectif de maîtrise de l'extension des grands pôles commerciaux de périphérie ).

Il est donc apparu indispensable, afin de contrer cette interprétation souple du rapport de compatibilité entre les projets et les SCOT et les OAP des PLU, de substituer à cette notion de compatibilité celle de conformité.

S'agissant du second point , l'article L.752-6 identifie, pour chacun des objectifs fixés à l'article L.750-1 du Code de commerce (aménagement du territoire, qualité de l'urbanisme, développement durable et de protection du consommateur) un certain nombre de critères qui doivent guider son analyse.

Toutefois, force est de constater que la dimension économique, et plus particulièrement commerciale, de l'aménagement du territoire, ne figure pas au nombre des objectifs identifiés, et que les effets du projet sur le tissu commercial du centre-ville ne sont pas pris en compte, pas plus que les effets du projet sur les investissements nécessaires en termes de services publics.

Tout au plus l'article L.752-6 du Code de commerce se borne-t-il, s'agissant de l'objectif d'aménagement du territoire, « l'effet du projet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral », sans autre précision : or cette mention d'une grande imprécision ne permet pas de viser l'animation commerciale des communes d'implantation ou des communes alentour.

Certes, la commission nationale d'aménagement commercial affiche sa volonté de veiller à ce que les projets ne portent pas un préjudice manifeste à la vitalité commerciale des centres-villes, et tient compte, dans cet objectif, du taux de vacance commerciale dont elle considère qu'il constitue l'indicateur le plus pertinent pour évaluer l'impact des projets.

Mais il n'en reste pas moins qu'à défaut de contraindre les commissions d'aménagement commercial de prendre en compte les effets d'un projet sur le tissu commercial existant en particulier, les juridictions administratives ne se trouvent saisie que de l'examen des effets du projet sur l'animation de la vie urbaine en général, notion imprécise qui a pu conduire le juge à ne censurer que des atteintes caractérisées à cet objectif.

Cette souplesse est d'autant plus critiquable que le juge administratif, ainsi qu'il a été rappelé ci-avant (article 14), a institué le principe selon lequel la délivrance de l'autorisation sollicitée constitue le principe, le refus n'en étant que l'exception (« l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi » (Conseil d'État, 4 octobre 2010, Syndicat commercial et artisanal de l'agglomération sénonaise et autres , n° 333413).

À cet égard, et comme il a été rappelé, l'analyse de la jurisprudence depuis 2010 permet de constater que le juge administratif confirme dans leur très grande majorité les autorisations et avis favorables délivrés par la commission nationale d'aménagement commercial (en 2016, 96 % des autorisations examinées ont été confirmées par la juridiction administrative), tandis qu'il censure au contraire significativement les refus (48 % des refus examinés en 2016 ont été annulés).

Cette tendance jurisprudentielle est naturellement de nature à affaiblir la régulation, par l'administration, de l'implantation des projets commerciaux.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS

À l'aune du constat qui précède, il est apparu indispensable de réintroduire une dimension économique et commerciale dans l'objectif d'aménagement du territoire qui doit guider l'analyse des projets d'équipement commercial.

La préservation du tissu commercial, en particulier du tissu commercial existant en centre-ville, doit constituer un critère à part entière de l'examen des projets d'équipement commercial, afin que la préservation de ce tissu commercial et les risques de désertification des centres-villes ou de distorsion entre le centre et la périphérie soient pris en compte dans l'appréciation des projets.

De même, il a été décidé d'infléchir le principe jurisprudentiel selon lequel la délivrance de l'autorisation doit constituer le principe, et le refus l'exception, en cas de contrariété majeure avec les objectifs et les critères de la loi, en faisant du critère de l'absence de nuisance sur le tissu commercial et le développement économique du centre-ville l'une des conditions de délivrance de l'autorisation ou de l'avis favorable.

Le caractère prescriptif des dispositions des DAAC des SCOT, et des OAP des PLUS, ainsi que la modification des objectifs et des critères posés par l'article L.752-6 du Code de commerce viennent ainsi utilement compléter une autre mesure de la loi qui participe de la réintroduction de la dimension économique et commerciale dans la réglementation de l'urbanisme commercial, celle de la modification de la composition des CDAC.

3. OPTIONS ET DISPOSITIFS RETENUS

Il a été décidé de modifier les dispositions de l `article L.752-6 du Code de commerce de trois manières :

- en premier lieu , la première phrase du I- de l'article L.752-6, qui vise la prise en compte des DOO des SCOT et des OAP des PLU par les projets d'équipement commercial, substitue à l'exigence de compatibilité une exigence de conformité ;

- en deuxième lieu les critères d'examen du respect des objectifs d'aménagement du territoire et de développement durable sont complétés :

• l'appréciation du respect de l'objectif d'aménagement du territoire devra ainsi également tenir compte, outre la localisation du projet et son intégration urbaine, la consommation économe de l'espace (notamment en termes de stationnement), l'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral, et les effets du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone, de deux nouveaux critères, celui de la contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville des communes d'implantation et alentour, d'une part, et celui des coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports, d'autre part ;

• l'appréciation du respect de l'objectif de développement durable devra ainsi pour sa part également tenir compte, s'agissant de la qualité environnementale du projet, de cette qualité du point de vue de la performance énergétique mais également du bilan carbone direct et indirect.

- en troisième lieu , pour faire figurer la préservation du tissu commercial de centre-ville à titre de condition nécessaire pour permettre la délivrance de l'autorisation ou de l'avis favorable, un paragraphe supplémentaire est introduit, qui conditionne la délivrance de l'autorisation à la démonstration, par le pétitionnaire, de l'absence d'atteinte, par le projet, au tissu commercial et au développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'EPCI dont la commune d'implantation est membre.

Afin de permettre aux commissions d'aménagement commercial d'exerce ce contrôle, l'article L.752-6 impose désormais aux pétitionnaires de joindre à leur dossier de demande une étude d'impact du projet, réalisée par un organisme indépendant habilité par le représentant de l'État dans le département. Cette étude devra préciser les effets prévisibles du projet sur l'emploi et sur l'animation des centres-villes, en tenant compte notamment de l'évolution démographique, du taux de vacance commerciale, de l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise, et des échanges pendulaires journaliers (et saisonniers le cas échéant).

Elle devra également démontrer qu'aucune friche existante en centre-ville ne permet l'accueil du projet envisagé, et, dans l'affirmative, démontrer qu'aucune autre friche existante en périphérie ne permet l'accueil dudit projet.

L'article L.752-6 est également complété par une disposition destinée à introduire un contrôle de la personne du pétitionnaire et de la régularité de sa situation administrative, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent : l'autorisation ne pourra en effet être délivrée ni cédée à quiconque exploite directement ou indirectement un commerce de manière illicite.

4. IMPACTS DE LA LOI

4.1. Impacts juridiques

L'article L.752-6 du Code de commerce, qui régit les conditions de délivrance de l'autorisation ou de l'avis favorable est modifié en son paragraphe I- s'agissant à la fois des contraintes juridiques et les contraintes matérielles. Il est également complété par trois paragraphes prévoyant l'introduction d'une condition de délivrance portant sur le projet lui-même ( a contrario des critères, qui doivent seulement être pris en compte), d'une condition de délivrance portant sur la situation administrative du pétitionnaire, et d'une obligation de fournir les informations nécessaires à l'examen de ces conditions.

L'impact juridique le plus significatif réside dans le renversement de la charge de la preuve de du respect, par le projet, des contraintes législatives : si la délivrance de l'autorisation ou de l'avis favorable constituait autrefois le principe auquel il pouvait être dérogé si les commissions établissaient que le projet méconnaît les objectifs fixés par les textes, ce principe disparaît au profit d'une obligation, pour le pétitionnaire, de démontrer que le projet ne porte pas atteinte au tissu économique, d'une part, et qu'il ne pouvait être localisé à l'emplacement d'une friche existante, d'autre part.

S'agissant du contenu du dossier de demande d'autorisation, les dispositions de l'article R.752-4 à R.752-8 du Code de commerce devront être complétées pour faire apparaître l'exigence de production de l'étude d'impact visées au nouvel article L.752-6 III-, et l'exigence de justification de la licéité de la situation administrative de la société pétitionnaire.

4.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

L'introduction d'un rapport de conformité entre le projet et les documents d'urbanisme communaux (OAP des PLU) et supra-communaux (DOO des SCOT) qui prévoient des contraintes portant sur l'implantation des équipements commerciaux, d'une part, et l'introduction de nouveaux critères portant sur l'absence d'atteinte au tissu économique et commercial, emporte des conséquences sociales et économiques significatives.

4.3. Impacts financiers et budgétaires

Les impacts financiers pour les porteurs de projet : la modification de l'article L.752-6 impose aux pétitionnaires de compléter leur dossier par la réalisation, par un organisme indépendant habilité par les services de l'État, d'une analyse d'impact du projet du l'emploi et sur l'animation du centre-ville des communes de la zone de chalandise. Ce coût viendra s'ajouter à celui de constitution du dossier de demande de permis de construire le cas échéant.

De même, le dossier de demande devra justifier de la licéité de l'exploitation actuelle opérée par le pétitionnaire, soit sur le site existant, soit s'agissant d'autres équipements commerciaux dont il assurerait l'exploitation.

Les impacts budgétaires pour les services de l'État : l'accroissement quantitatif et qualitatif du contenu des dossiers examinés par les CDAC va mobiliser de manière plus importante les services déconcentrés de l'État. Néanmoins, l'impact budgétaire de cette mesure devrait rester limité dans la mesure où la dématérialisation des procédures (envoi des convocations, des dossiers, dématérialisation des pièces du dossier, ...) est mise en place depuis plusieurs années.

4.4. Impacts administratifs

La modification du contenu des dossiers et des critères d'examen des dossiers de demande d'autorisation contraindra les services instructeurs à modifier leur grille d'analyse des demandes, sur la forme comme sur le fond :

- sur la forme déjà, dans la mesure où devront être vérifiées la production, par le pétitionnaire d'une étude d'impact du projet précisant les effets de ce dernier sur l'emploi et l'animation du centre-ville, la justification de la licéité de l'exploitation du pétitionnaire, le cas échéant, et la démonstration de l'absence d'existence d'une friche en centre-ville ou en périphérie ;

- sur le fond, ensuite, puisque les services instructeurs des directions départementales des territoires devront s'approprier les nouveaux critères et les nouvelles conditions de délivrance posées par la loi.

Sur ce dernier point, il convient de souligner que l'insuffisance des informations disponibles aujourd'hui sur l'existence de friches, sur le niveau des taux de vacance commerciale, et sur l'offre de mètres carrés disponibles dans la zone de chalandise risque de peser sur l'établissement des rapports d'instruction, et sur la prise de décision.

5. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

- Dans le temps

La mise en oeuvre de la loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs devra prévoir une entrée en vigueur différée, prévoyant une application aux seuls projets dont la demande aura été déposée postérieurement à une date fixée par la loi, afin de limiter les très nombreuses difficultés induites par l'incohérence des mesures transitoires prévues par la loi ACTPE du 18 juin 2014 et par le décret du 12 février 2015.

En revanche, l'anticipation de l'entrée en vigueur de la loi induira nécessairement, dans les mois précédent cette entrée en vigueur, un accroissement de la réalisation des projets qui, non assujettis au régime des autorisations d'exploitation commerciale du fait de leur surface (moins de 1.000 m²) ou leur nature (entrepôts de e-commerce), doivent le devenir à cette date.

- Dans l'espace

Le texte ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer.

- Textes d'application

Il conviendra de modifier les dispositions des articles R.752-4 et suivants du Code de commerce, qui régissent le contenu des demandes d'autorisation d'exploitation commerciale.

ARTICLE 16 : GARANTIR LE RESPECT DES DÉCISIONS DES CDAC ET SANCTIONNER LES CAS D'EXPLOITATION ILLICITE EN PERMETTANT À DES PERSONNELS MUNICIPAUX HABILITÉS DE LES CONSTATER

1. ÉTAT DES LIEUX ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

La réglementation de l'urbanisme commercial est affectée d'une carence incontestable s'agissant, d'une part, de la vérification de la correcte mise en oeuvre des autorisations d'exploiter qui ont été délivrées, et d'autre part de la sanction des surfaces de vente exploitées de manière illicite.

S'agissant du premier point , il n'existe aujourd'hui aucun dispositif de vérification de la conformité des travaux portant sur la réalisation ou l'extension d'un équipement commercial, à tout le moins s'agissant de son volet régi par le Code de commerce.

Tout au plus cette vérification est-elle opérée dans le cadre de la législation de l'urbanisme : en effet, en application des dispositions des articles R.462-1 à R.462-10 du Code de l'urbanisme, le titulaire, ou son représentant, d'une autorisation d'urbanisme (permis de construire, permis d'aménager, déclaration préalable de travaux), doit, dès la fin des travaux, adresser une déclaration d'achèvement des travaux auprès des services de la mairie.

La déclaration d'achèvement des travaux prend la forme d'un formulaire, accompagné le cas échéant des attestations exigées par les textes (attestation de prise en compte de la réglementation thermique RT 2012, attestation de conformité aux règles d'accessibilité des personnes handicapées, attestation de conformité aux normes parasismique ou para-cycloniques) qui permet d'attester auprès de la mairie non seulement de l'achèvement des travaux mais également de leur conformité par rapport à l'autorisation d'urbanisme accordée.

Dès le dépôt de la déclaration d'achèvement et de conformité, la mairie peut procéder au contrôle sur place des travaux réalisés, lorsqu'elle l'estime nécessaire ou si elle a été alertée sur l'éventualité d'une non-conformité. Les agents municipaux assermentés peuvent alors procéder à une visite des lieux, qui doit intervenir dans un délai de 3 mois à partir de la date de réception de la déclaration, ce délai pouvant être porté à 5 mois lorsque le contrôle de la conformité constitue une obligation (car des travaux portant sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques ou situés dans un secteur sauvegardé, ou des travaux réalisés dans un secteur couvert par un plan de risques naturels, technologiques ou miniers, par exemple).

Passés ces délais, la mairie ne peut plus contester la conformité des travaux.

Si la mairie constate une anomalie, elle peut mettre en demeure le titulaire de l'autorisation d'urbanisme d'y remédier en effectuant les travaux nécessaires ou lui demander de déposer un permis de construire modificatif.

Ce dispositif est toutefois circonscrit au seul volet urbanistique des constructions réalisées, et n'est destiné qu'à permettre la vérification de la conformité des travaux à l'autorisation d'urbanisme délivrée.

Aucun dispositif identique n'est prévu pour permettre la vérification de la conformité des travaux à l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée, s'agissant tout particulièrement de la surface de vente autorisée.

Tout au plus l'article R.752-44 du Code de commerce, introduit sous l'empire de la loi LME du 4 août 2008 et de la loi ACTPE du 18 juin 2014, prévoit-il que sur demande du préfet, « l'exploitant adresse un plan coté des surfaces de vente ou des pistes de ravitaillement, installations, équipements ou aménagements des magasins de commerce de détail, ensembles commerciaux ou points permanents de retrait ayant fait l'objet d'une autorisation d'exploitation commerciale »

Force est toutefois de constater que la communication de ces plans cotés est opérée sur demande du Préfet, qui, en pratique, n'en fait que rarement la demande, et qu'en outre le non-respect de cette demande n'est assortie d'aucune sanction administrative, civile ou pénale.

L'absence de dispositions spécifiques régissant l'achèvement et la conformité des autorisations d'exploitation commerciales fait donc en réalité obstacle à un contrôle effectif des travaux réalisés, et pèse sur l'engagement de poursuites envers les contrevenants.

Car, s'agissant du second point , force est de constater que le bilan des poursuites engagées est particulièrement décevant. Certes, l'article L.752-23 du Code de commerce prévoit un mécanisme particulier destiné à permettre la constatation des infractions, et leur poursuite.

Un rapport est ainsi d'abord établi par des agents de l'État, habilités, lorsqu'ils constatent l'exploitation illicite d'une surface de vente ; ce rapport est ensuite transmis au préfet du département d'implantation de l'équipement commercial.

Le préfet peut alors mettre en demeure l'exploitant concerné soit de fermer au public les surfaces de vente exploitées illégalement, soit de ramener sa surface de vente à celle accordée par l'autorisation d'exploitation délivrée, et ce dans un délai d'un mois. L'article L.752-23 ajoute que « Sans préjudice de l'application de sanctions pénales, il peut, à défaut, prendre un arrêté ordonnant, dans le délai de quinze jours, la fermeture au public des surfaces de vente exploitées illicitement, jusqu'à régularisation effective. Ces mesures sont assorties d'une astreinte journalière de 150 euros par mètre carré exploité irrégulièrement . »

Le dernier alinéa de l'article L.752-23 du Code de commerce prévoit enfin que le fait de ne pas excuser les mesures par le préfet est puni d'une amende de 15.000 euros. Mais ce dispositif est laissé à la libre appréciation du représentant de l'État dans le département, et force est d'admettre que l'inaction des préfets permet bien souvent la poursuite des exploitations illicites.

Aussi tous les acteurs (exploitants commerciaux, élus locaux,...) s'accordent à admettre l'impuissance des pouvoirs publics à lutter efficacement contre l'exploitation illicite de surfaces de vente : en effet, outre l'insuffisance des données communiquées aux services de l'État sur la mise en oeuvre effective, et à quelle date, des autorisation délivrées, l'insuffisance des effectifs mobilisés est pointée du doigt.

L'instruction du Gouvernement du 3 mai 2017 sur la législation en matière d'aménagement commercial soulignait ainsi que « Le Gouvernement a déjà été interpellé sur la question sensible de la poursuite des exploitations illicites. De plus en plus de procédures contentieuses sont d'ores et déjà pendantes, y compris sur le fondement de la rupture d'égalité de la part d'exploitants qui, après s'être soumis aux exigences de la procédure d'autorisation, n'entendent pas subir la concurrence, déloyale, de tiers qui s'affranchissent de ces règles. », et d'ajouter : « Par conséquent, les mesures de mises en demeure et les arrêtés de fermeture prévus à l'article L.752-23 du code de commerce qui relèvent de votre autorité, doivent permettre de faire respecter la loi, y compris en dissuadant les velléités d'exploitation illicite » (page 3 : paragraphe 1.1.2).

Pour exemple, on signalera le cas de la galerie commerciale attenante à l'hypermarché Carrefour de Châteauneuf-les-Martigues, dans laquelle 16 boutiques étaient illégalement exploitées. L'association " En toute franchise " avait demandé au préfet des Bouches-du-Rhône de faire constater les surfaces exploitées illégalement, en vain. Aux termes d'un jugement n° 1602152 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision implicite de refus, après avoir considéré que, dès lors que l'infraction était constituée, le préfet était tenu de faire constater l'exploitation illégale et d'en dresser procès-verbal.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS

La modification du régime de contrôle et de sanction de l'exploitation illicite de surfaces de ventes s'impose afin de garantir le respect des autorisations d'exploitation commerciale délivrées par les commissions d'aménagement commercial, et par conséquent garantir l'égalité des exploitants devant les charges publiques tout en assurant le respect d'une concurrence loyale entre ces derniers, rappelée par l'article L.750-1 du Code de commerce.

3. OPTIONS ET DISPOSITIFS RETENUS

Il a été décidé de modifier la rédaction des dispositions de l`article L.752-23 du Code de commerce de la manière suivante :

- en premier lieu , et préalablement à la description du régime de contrôle et de sanction, est introduite l'obligation, pour le bénéficiaire de l'autorisation d'exploitation commerciale, de produire, dans les deux mois suivant la réception des travaux, auprès du représentant de l'État, du maire et du président de l'EPCI dont la commune d'implantation est membre, un certificat délivré par un organisme habilité par le préfet, attestant du respect de l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée ;

- en deuxième lieu , la liste des personnes habilitées à constater l'exploitation illicite de surfaces de ventes : alors même que les dispositions actuelles de l'article L.752-23 ne permettent qu'aux seuls agents de l'État (agents du ministère de l'économie, agents de l'autorité de la concurrence, agent du ministère de la Justice, ...) d'établir un rapport en cas de constatation d'une infraction aux exigences d'autorisation d'exploitation commerciale, il est proposé d'étendre cette faculté aux agents habilités par l'autorité municipale, ou par le président de l'établissement public de coopération intercommunale, lesquels pourront donc également dresser un rapport et le communiquer au préfet pour l'engagement des poursuites ;

- en troisième lieu , la faculté, pour le représentant de l'État dans le département, d'engager les poursuites, est remplacée par double obligation : la première obligation porte d'abord sur l'envoi d'une mise en demeure de l'exploitant de fermer au public les surfaces illicitement exploitées, dans le délai d'un mois compter de la transmission du constat des infractions. La seconde obligation porte sur l'édiction d'un arrêté ordonnant, dans le délai de 15 jours suivant sa notification, la fermeture au public des surface de vente illicites, jusqu'à régularisation effective sous astreinte journalière de 150 euros par m² exploité illicitement.

4. IMPACTS DE LA LOI

4.1. Impacts juridiques

La nouvelle rédaction de l'article L.752-23 emporte un impact juridique significatif, celui de faciliter la constatation des infractions au régime d'autorisation préalable d'exploitation commerciale, d'abord, mais surtout de contraindre le représentant de l'État dans le département à exercer son pouvoir de police administrative,

Une telle obligation n'est pas sans incidence pour l'État : en effet, toute carence dans l'exercice de ce pouvoir constituerait une illégalité fautive, de nature à engager sa responsabilité dans l'hypothèse où un tiers, par exemple un concurrent, viendrait à subir un démontrer que cette carence est directement la cause d'un préjudice, tel que la baisse de son chiffre d'affaires.

Une telle carence fautive a déjà été sanctionnée par le tribunal administratif de Marseille aux termes d'une décision du 20 avril 2017, dans la mesure où les agents de l'État sont déjà tenus de constater les surfaces illégalement exploitées ; elle le sera désormais tout autant si, tout en constatant les exploitations illicites, le préfet s'abstient de mettre en demeure l'exploitant de régulariser sa situation, et s'abstient de dresser procès-verbal si la mise en demeure reste vaine.

4.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

En amont , l'introduction d'une obligation, pour le pétitionnaire, de faire établir, à l'issue des travaux, un certificat par un organisme indépendant habilité par le préfet, attestant de l'achèvement des travaux et de leur conformité à l'autorisation d'exploitation commerciale délivrée, présente un double avantage :

- elle est d'abord incontestablement de nature à responsabiliser le bénéficiaire de l'autorisation, qui s'engage directement, par la fourniture de ce certificat, sur le respect de l'autorisation ;

- elle permet ensuite à l'ensemble des autorités concernées par l'aménagement commercial de s'assurer que les projets autorisés sont effectivement réalisés (ce qui n'est pas toujours le cas), et que cette réalisation est bien conforme à l'autorisation délivrée.

En aval , la facilitation des constatations des infractions, d'une part, et l'introduction d'une systémisation des poursuites, d'autre part, permet de garantir le respect des autorisations délivrées, et de sécuriser la situation des exploitants légitimes.

4.3. Impacts financiers et budgétaires

Les impacts financiers pour les porteurs de projet : l'introduction d'une obligation de faire établir un certificat d'achèvement et de conformité des travaux par un organisme indépendant habilité induit certes, une dépense supplémentaire pour le pétitionnaire. Néanmoins, cette dépense nouvelle devrait rester très limitée et en tout état de cause non rédhibitoire.

Les impacts budgétaires pour les services de l'État : l'introduction d'une obligation de dresser constat de l'exploitation illicite de surfaces de vente dès qu'une telle illégalité aura été portée à leur connaissance exigera une mobilisation supplémentaire des services de l'État, accrue par l'obligation de notifier, d'abord, une mise en demeure de régularisation, et d'établir, ensuite, un arrêté ordonnance la fermeture des surfaces illicitement exploitées. Néanmoins, l'impact budgétaire de cette mesure devrait rester limité dans la mesure où, s'agissant de la constatation des infractions, les services des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pourront également, désormais, établir ces constats.

Les impacts budgétaires pour les services des collectivités territoriales et de leurs établissements publics : l'élargissement des personnes habilitées à dresser constat de l'existence de surface illicitement exploitées induira une sollicitation plus importante des services municipaux : néanmoins, cet accroissement demeurera limité pour chacune des collectivités concernées, ces dernières n'étant compétentes qu'à l'égard des infractions relevées sur son territoire.

4.4. Impacts administratifs

Les services déconcentrés de l'État chargés de l'application, dans le département, de l'application du régime de l'aménagement commercial, de même que les services des collectivités territoriales et de leurs établissements publics seront plus sollicités pour l'enregistrement des déclarations d'achèvement, pour le traitement des réclamations, pour l'établissement des rapports de constat et le suivi des relations avec les services de l'État.

De même, les juridictions civiles, d'une part, et administratives, d'autre part, pourraient être saisies d'un plus grand nombre de recours introduits par des exploitants concurrents se prévalant d'un préjudice, réel ou supposé.

Enfin, il s'agira de déterminer les modalités et les critères d'habilitation, par le représentant de l'État dans le département, des organismes indépendants compétents pour l'établissement de la déclaration d'achèvement et de conformité introduite par l'article L.752-23 I- du Code de commerce.

5. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

- Dans le temps

La mise en oeuvre de la loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs pourra prévoir, sur ce point, une entrée en vigueur immédiate, aucun régime transitoire n'étant nécessaire. L'obligation de dépôt de l'attestation d'achèvement et de conformité à l'autorisation d'exploitation commerciale pourrait ainsi recevoir application à tous travaux achevés après l'entrée en vigueur de la loi, sous réserve naturellement que les habilitations des organismes compétents aient été opérées et notifiées.

- Dans l'espace

Le texte ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer.

- Textes d'application

Il conviendra de modifier les dispositions de l'article R.752-44 du Code de commerce, la production des plans côtés des surfaces de vente ou des pistes de ravitaillement devenant une obligation et non plus une faculté.

ARTICLE 17 : RENFORCER L'OBLIGATION DE DÉMANTÈLEMENT ET DE REMISE EN ÉTAT DES SITES SUR LESQUELS UNE EXPLOITATION COMMERCIALE A CESSÉ

1. ÉTAT DES LIEUX ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

La loi ALUR du 24 mars 2014 a introduit à l'article L.752-1 du Code de commerce un nouveau dispositif, faisant peser sur le propriétaire d'un site d'implantation bénéficiant d'une autorisation d'exploitation commerciale la responsabilité de son démantèlement et de la remise en état de ses terrains d'assiette en cas de cessation d'activité et si aucune réouverture au public n'intervient sur le même emplacement pendant un délai de trois ans à compter de cette cessation ou, en cas de procédure de redressement judiciaire de l'exploitant, du jour où le propriétaire a recouvré la disposition des locaux.

Ce dispositif a été précisé par le décret n° 2015-165 du 12 février 2015, qui a circonscrit le champ d'application de cette obligation de démantèlement et de remise en état, et précisé les obligations induites et les sanctions encourues (Articles R.752-45 à R.752-48 du Code de commerce).

Force est toutefois de constater que, même si le dispositif est relativement nouveau (2014 et 2015), il est dans les faits rarement mis en oeuvre.

Deux griefs principaux peuvent être formulés à l'égard du mécanisme :

- d'abord, force est de constater que l'obligation du propriétaire de notifier au préfet la date de cessation d'activité, posée par l'article R.752-45, n'est assortie d'aucune sanction : or l'obligation faite aux propriétaires des immeubles de notifier au préfet du département de la commune d'implantation les mesures prévues pour procéder au démantèlement et à la remise en état du site s'impose à l'expiration du délai de trois ans suivant cette déclaration de cessation d'activité. Or si cette dernière n'est pas opérée, la notification des engagements de démantèlement et de remise en état ne l'est pas plus ;

- ensuite, il est reproché au mécanisme de prévoir une mise en oeuvre discrétionnaire, tant par le préfet que par l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire : en effet, l'article R.752-48 du Code de commerce prévoit que « Le préfet du département de la commune d'implantation peut constater la carence du ou des propriétaires du site à respecter les prescriptions de la présente section. Celui-ci dispose d'un délai de quinze jours pour formuler ses observations et peut demander à être entendu ». L'article ajoute que le préfet informe l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, et que dans l'hypothèse où le propriétaire de l'immeuble ne respecterait pas les obligations de démantèlement et de remise en état, « l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut prendre ou faire exécuter les mesures nécessaires, aux frais et risques du ou des propriétaires du site ».

Cette simple faculté, et l'absence d'obligation de constater la carence du propriétaire et de faire exécuter les mesures nécessaires, ne contribue donc pas à favoriser la mise en oeuvre du dispositif.

L'objectif affiché de la loi ALUR du 24 mars 2014 de lutte contre les friches commerciales n'est donc pas atteint en raison de la timidité du dispositif, alors pourtant que le phénomène de déplacement et extension des équipements commerciaux s'accroît.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Le renforcement du dispositif s'impose pour endiguer la production massive de friches commerciales non traitées, consommatrices d'espaces et nuisant à la préservation des paysages, et pour renforcer la responsabilité des propriétaires de sites qui, dans certains cas, font le choix d'abandonner un équipement commercial dès lors que sa remise aux normes serait plus coûteuse.

La préservation de l'environnement se traduisant aussi par la préservation des espaces paysagers, urbains et ruraux, rien ne vient justifier que le traitement de la cessation de l'exploitation d'une activité commerciale soit différent de celui de la cessation d'activité d'une installation classée pour l'environnement. L'objectif est donc de transposer au cas des friches commerciales, en l'adaptant, le régime juridique aujourd'hui existant en matière de remise en état des installations classées pour la protection de l'environnement.

3. OPTIONS ET DISPOSITIFS RETENUS

Il a été décidé de compléter la rédaction de l`article L.752-1 du Code de commerce en introduisant trois alinéas permettant aux services de l'État d'être informés et d'intervenir dès la fin de l'exploitation commerciale, et en tout état de cause à l'expiration du délai de trois ans suivant la cessation de l'activité.

Le dispositif proposé se décline en deux étapes :

- la première étape est mise en oeuvre dès la cessation de l'exploitation commerciale. Il est ici prévu que le représentant de l'État dans le département doit s'assurer, auprès du propriétaire du site, des dispositions prises par ce dernier pour mettre en oeuvre, dans les délais prescrits, les opérations de démantèlement et de remise en état des terrains, ou de transformation en vue de l'exercice d'une autre activité. En cas de carence ou d'insuffisance de ces dispositions proposées par le propriétaire, le préfet doit mettre en demeure le ou les propriétaires de les lui présenter dans un délai déterminé, ce dont il informe l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire. Le constat de carence ne serait donc plus une simple faculté pour l'autorité préfectorale tandis que l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire serait informée systématiquement pour être ensuite en mesure de poursuivre et de sanctionner le ou les propriétaires. Si à l'expiration de ce délai, fixé par voie réglementaire (qui pourrait raisonnablement être de trois mois) ce ou ces derniers n'ont pas obtempéré à l'injonction préfectorale, le préfet pourrait les contraindre à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle serait restituée à l'exploitant au fur et à mesure de l'exécution des mesures prescrites ;

- dans un deuxième temps, à l'expiration du délai de trois ans prévu pour la remise en état, après une mise en demeure du préfet restée sans effet, celui-ci pourrait, au même titre que l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire faire procéder d'office aux frais du ou des propriétaires, au démantèlement et à la remise en état du site.

Le texte prévoit également que lorsqu'un propriétaire n'a pas respecté ses obligations de démantèlement et de remise en état d'un site inexploité depuis plus de trois ans, il ne peut lui être délivré de nouvelle autorisation d'exploitation commerciale.

4. IMPACTS DE LA LOI

4.1. Impacts juridiques

La nouvelle rédaction de l'article L.752-1 fait peser des obligations juridiques nouvelles sur le propriétaire d'un équipement commercial, mais également sur les services de l'État :

- s'agissant du propriétaire , ce dernier devra, dès la cessation d'activité, prévoir les mesures qu'il envisagera de mettre en place à terme dans l'hypothèse où la cessation d'activité devrait se prolonger plus de trois ans, et les soumettre au préfet ;

- s'agissant du préfet , ce dernier se trouve désormais en situation de compétence liée pour s'assurer de l'existence et de la suffisance des dispositions prévues par le propriétaire pour assurer le démantèlement. En revanche, le préfet retrouve son pouvoir d'opportunité s'agissant de la notification, au propriétaire, d'une obligation de consignation des sommes répondant du montant des travaux à réaliser, et s'agissant de la mise en oeuvre, d'office et aux frais du propriétaire, au démantèlement et à la remise en état du site.

4.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

L'impact de la modification de l'article L.752-1 sera essentiellement d'ordre environnemental : le sujet des friches commerciales prend en effet une place grandissante dans le débat public sur la consommation économe de l'espace et sur la préservation des paysages naturels et urbains (traitement des entrées de ville).

L'introduction de l'obligation de prévoir des mesures de démantèlement et de remise en état dès la cessation d'activité, même si ces mesures ne sont finalement pas mises en oeuvre (si la réouverture à la clientèle s'opère, si la transformation pour l'exercice d'une autre activité est prévue,...) permet d'une part une anticipation dans le traitement des friches potentielles, et d'autre part une responsabilisation des propriétaires d'équipements commerciaux : en effet, la réflexion induite dès la cessation d'activité et le chiffrage des mesures de démantèlement ou de remise en état peut conduire le propriétaire à ne pas attendre l'expiration du délai de trois ans avant d'agir, et de l'inciter à prévoir des solutions alternatives.

4.3. Impacts financiers et budgétaires

Les impacts financiers pour les propriétaires d'équipements commerciaux : l'introduction d'une obligation de prévoir les mesures propres à assurer le démantèlement ou la remise en état ou la transformation d'un équipement commercial resté inexploité durant trois ans induit une dépense supplémentaire pour le pétitionnaire. Néanmoins, cette dépense nouvelle devrait rester très limitée et en tout état de cause non rédhibitoire.

Les impacts budgétaires pour les services de l'État : l'introduction d'une obligation de s'assurer que le propriétaire d'un équipement commercial détaille, dès la cessation de l'activité, les mesures de démantèlement et de remise en état, exigera une mobilisation supplémentaire des services de l'État, se traduisant par une vigilance accrue sur les déclarations de cessation d'activité, et par la nécessité de vérifier que le détail des mesures exposées par le propriétaire sont suffisantes au regard de la taille et des caractéristiques de l'équipement concerné.

4.4. Impacts administratifs

Les services déconcentrés de l'État chargés de l'application, dans le département, de l'application du régime de démantèlement des équipements commerciaux demeurés inexploités durant une durée supérieure à 3 ans, devront prévoir un suivi particulier des équipements commerciaux, soit par nom du propriétaire, soit pour chaque équipement commercial pris individuellement, et ce dès l'enregistrement de la déclaration de la cessation de l'exploitation.

Par ailleurs, il s'agira d'assurer la transmission des informations entre les services de l'État et ceux de la commune d'implantation du projet, dans la mesure où les nouvelles dispositions donnent également au représentant de l'État la compétence, jusque-là réservée à l'autorité chargée de la délivrance du permis de construire, pour faire procéder d'office, aux frais du propriétaire, au démantèlement et à la remise en état du site.

5. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

- Dans le temps

La mise en oeuvre de la loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs devra prévoir, sur ce point, une entrée en vigueur réservée aux seules déclarations de cessation d'activité notifiées après l'entrée en vigueur de la loi, de telle sorte que ce mécanisme ne vienne pas s'appliquer aux équipements dont la cessation d'activité est déjà intervenue mais pour lesquels le délai de trois ans n'est pas encore échu.

- Dans l'espace

Le texte ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer.

- Textes d'application

Il conviendra de modifier les dispositions de l'article R.752-45 à 48 du Code de commerce du Code de commerce.

ARTICLE 18 : RENFORCER LA PORTÉE DES DÉCISIONS DES CDAC

1. ÉTAT DES LIEUX ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

L'article L.752-17 du Code de commerce dispose que le pétitionnaire, le représentant de l'État dans le département, tout membre de la CDAC, tout professionnel dont l'activité, exercée dans la zone de chalandise, est susceptible d'être affectée par le projet, ou toute association les représentant, peuvent former un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial, dont la décision vient alors se substituer à celle de la commission départementale.

En 2016, selon le rapport d'activité de la CNAC, sur 1.107 projets examinés par les CDAC, 979 ont bénéficié d'une autorisation ou d'un avis favorable (représentant près de 2 millions de m² de surface de vente), tandis que 128 projets ont été refusés ou ont fait l'objet d'un avis défavorable.

Parmi ces décisions, 306, soit 27,6 % des dossiers étudiés en CDAC, ont fait l'objet d'un recours devant la CNAC : 253 autorisations ou avis favorables sur 979 ont été contestés (soit 25,84 %), tandis que 53 refus ou avis défavorables sur 128 (soit 41 %) l'ont été. Ce sont plus de 50 % des surfaces examinées par les CDAC, soit près d'1,2 million de m², dont l'examen a été porté devant CNAC, ce chiffre étant en hausse de près de 7 points.

L'examen des recours par la CNAC apporte un éclairage utile sur le traitement des recours selon que le projet avait été initialement autorisé par la commission départementale, ou refusé. En effet, sur les 306 recours introduits devant la CNAC contre les autorisations ou avis favorables délivrés, 85 recours ont été admis, soit 27,77 %, conduisant au rejet du projet.

S'agissant des 53 recours introduits devant la CNAC contre les refus d'autorisation ou d'avis favorables, 20 recours ont été admis, soit 37,73 %, conduisant à l'acceptation des projets pourtant rejetés localement. Un tel constat interpelle, surtout lorsque l'on rappelle que 41 % des refus d'autorisation ou avis défavorables sont contestés auprès de la CNAC.

Ce sujet a été évoqué à de nombreuses reprises par les élus locaux lors de la consultation lancée par le groupe de travail sénatorial : ils n'ont ainsi pas manqué de faire valoir que « les dossiers refusés obtiennent des réponses favorables en commission nationale », que « la commission nationale, sans venir sur le terrain, modifie les avis de la CDAC », ou que « les porteurs de projets de moyenne surface, déboutés en commission départementale, obtiennent gain de cause auprès de la commission nationale » , soulignant alors que « les aménageurs sont patients et ils gagnent en appel » .

Les élus locaux ont ainsi exprimé leur crainte d'être dépossédés de leur compétence en matière d'aménagement, et de se voir imposer un équipement commercial dont pourtant ils ne voulaient pas, par une commission nationale déconnectée de leurs préoccupations économiques et environnementales de terrain et qui, de surcroît, ne prend pas la peine de les interroger sur les raisons du refus exprimé.

En effet, sur ce point, les élus locaux reprochent au mécanisme actuel de ne pas les associer suffisamment à la prise de décision en commission nationale, alors même que la connaissance, par les membres de cette dernière, des réalités locales des dossiers concernés est précieuse, et que la seule prise en compte du procès-verbal d'audition de la CDAC et du rapport d'instruction de la direction départementale des territoires (DDT) se révèle souvent insuffisante.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les élus locaux ont très clairement exprimé leur souhait de conserver la maîtrise de l'aménagement de leur territoire, à tout le moins s'agissant des refus qu'ils auraient pu formuler à l'échelon local : rappelant en effet que le principe jurisprudentiel posé par le Conseil d'État selon lequel la délivrance de l'autorisation constitue le principe, et le refus l'exception, ils considèrent qu'un refus opposé à l'échelon départemental se révèle nécessairement justifié, car reposant sur la prise en compte la plus juste des données locales concernant l'animation de la vie urbaine et rurale, les effets du projet sur les flux de circulation, et la contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment.

Ils ont également exprimé le souhait de pouvoir exposer, auprès des membres de la CNAC, les raisons ayant justifié le refus, et qui auraient pu être insuffisamment reportées dans la décision elle-même, et celui de pouvoir être associés à la prise de décision par la CNAC.

Une telle démarche permettra, à n'en pas douter, une meilleure compréhension réciproque entre les commissions départementales et la commission nationale, voire d'éviter une contradiction entre leurs décisions respectives.

3. OPTIONS ET DISPOSITIFS RETENUS

Pour atteindre cet objectif, il est donc proposé l'introduction d'un dispositif législatif à effet de cliquet, limité aux seules décisions de refus d'autorisation ou d'avis défavorable exprimé à l'échelon départemental.

Ainsi, il est proposé d'introduire, à l'article L.752-17 du Code de commerce, un article II bis, prévoyant qu'en cas d'avis défavorable émis par une commission départementale, seule une décision adoptée à l'unanimité des membres de la CNAC permettrait d'autoriser le projet.

De surcroît, dans l'hypothèse où l'autorisation ou l'avis favorable serait délivrée à l'unanimité par la CNAC, la commission départementale disposerait de la faculté, dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à la commission départementale, de décider de maintenir son refus d'autorisation d'exploitation commerciale, ou son avis défavorable, à l'unanimité de ses membres.

Cette seconde décision de la CDAC viendrait alors se substituer à celle de la commission nationale.

Par ailleurs, il est également proposé qu'un membre de la CDAC concernée soit, si cette dernière le souhaite, auditionné par la CNAC à l'occasion de l'examen de chaque recours. Ce membre ne prendra toutefois pas part au vote de la commission nationale.

4. IMPACTS DE LA LOI

4.1. Impacts juridiques

L'introduction d'un tel dispositif impose la modification des articles L.752-17 et L.752-19 du Code de commerce, mais également des dispositions de l'article L.752-14 du Code de commerce qui régit les modalités de délivrance de l'autorisation ou de l'avis défavorable, pour tenir compte de l'hypothèse d'un nouvel examen par la CDAC en cas de délivrance, à l'unanimité, de l'autorisation ou de l'avis favorable initialement refusé.

Il conviendra également d'adapter le régime d'instruction des demandes de permis de construire, le cas échéant : en effet, l'article R.423-37 du Code de l'urbanisme prévoit que « Lorsque (...), la délivrance du permis est subordonnée à un avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial, le délai d'instruction est prolongé de cinq mois. », ou de deux mois dans certaines hypothèses . »

L'introduction du dispositif prévu à l'article L.752-17 exigera de prévoir une prolongation supplémentaire de deux mois de l'instruction de la demande de permis de construire.

4.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

L'impact de ce dispositif sur les plans économique et environnemental restera très limité. En revanche, l'impact social sera indiscutable : en effet, la réappropriation, par les commissions départementales, de la décision finale s'agissant du refus d'implantation ou d'extension d'un équipement commercial renforcera la position des élus locaux en matière d'aménagement commercial.

4.3. Impacts financiers et budgétaires

Les impacts financiers pour les porteurs du projet : l'introduction d'un mécanisme de cliquet dans la procédure d'examen des demandes d'autorisation ou d'avis aura un effet s'agissant de la durée d'instruction de cette demande.

En effet, si la commission nationale autorise ou rend un avis favorable, à l'unanimité de ses membres, et si la commission départementale décide de se ressaisir du dossier, le délai d'instruction sera allongé, d'une part du délai de notification de la décision, par la CNAC à la CDAC, délai qui peut atteindre aujourd'hui à plusieurs semaines, d'autre part du délai d'un mois imparti à la commission départementale pour se prononcer de nouveau. Or, durant ce délai d'instruction, le permis de construire ne peut pas être délivré.

Les impacts budgétaires pour les services de l'État : l'introduction du dispositif de cliquet n'aura aucun impact à l'échelon de la CNAC, seules une exigence de convocation d'un membre de la CDAC et une exigence d'unanimité étant introduites. Elle aura en revanche un effet à l'échelon départemental, puisque une nouvelle réunion devrait être organisée pour permettre la confirmation, à l'unanimité des membres, du refus initialement imposé.

Cet impact budgétaire sera toutefois marginal : en effet, on rappellera que les décisions de refus censurées par la CNAC se sont élevées à 20 décisions seulement au cours de l'année 2016. De surcroît, aucune nouvelle instruction, mobilisant les services de la préfecture, n'est prévue préalablement à la nouvelle décision de la CDAC.

4.4. Impacts administratifs

Les impacts administratifs de l'introduction de ce nouveau dispositif seront limités : il appartiendra aux services instructeurs de la CNAC (direction générale des Entreprises) de distinguer ceux des recours qui sont introduits contre des décisions départementales de refus, pour attirer l'attention de la CNAC sur la condition d'unanimité des voix requises par les nouveaux textes.

De manière générale, les services de la CNAC devront interroger les commissions départementales, lors de la demande de communication du dossier complet, sur le nom du représentant de la CDAC qui pourra être entendu par la commission nationale lors de l'examen du recours.

À l'échelon départemental, les impacts administratifs du dispositif seront également limités : aucune nouvelle instruction, mobilisant les services de la préfecture, n'est en effet exigée préalablement à la nouvelle décision de la CDAC, et tout au plus une nouvelle réunion devra être organisée pour le réexamen du projet si la CDAC souhaite maintenir sa décision.

5. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

- Dans le temps

La mise en oeuvre de la loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs devra prévoir, sur ce point, un régime transitoire, afin d'éviter toute difficulté d'application.

Une application aux seules décisions départementales rendues après une date fixée par la loi semble constituer un compromis acceptable pour permettre une entrée en vigueur rapide tout en écartant les difficultés liées aux annulations juridictionnelles de certaines décisions de la CNAC.

- Dans l'espace

Le texte ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer.

- Textes d'application

Il conviendra de modifier les dispositions de l'article R.752-16 du Code de commerce qui régit les modalités de vote de la commission départementale

ARTICLE 19 : PRÉVOIR UN DROIT D'OPPOSITION DU PRÉFET À UNE AUTORISATION D'EXPLOITATION COMMERCIALE POUR ASSURER LA COHÉRENCE AVEC L'INTERVENTION DE LA PUISSANCE PUBLIQUE

1. ÉTAT DES LIEUX ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

L'article L.750-1 du Code de commerce dispose que « Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. » Il ajoute que « Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ».

L'article L.750-1-1 dudit code, modifié pour la dernière fois par la loi ACTPE du 18 juin 2014, dispose pour sa part que « dans le respect des orientations définies à l'article L.750-1, le Gouvernement veille au développement équilibré des différentes formes de commerce en contribuant à la dynamisation du commerce de proximité, au moyen des aides prévues à l'article 4 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales (...) » .

Si la régulation du développement des équipements commerciaux relève de la compétence de commissions départementales composées essentiellement d'élus locaux, force est de souligner néanmoins que le rôle de l'État dans le fonctionnement des commissions départementales est très important.

C'est en effet le Préfet qui désigne, par arrêté, et sur proposition de l'association des maires du département, le représentant des maires et des intercommunalités au niveau départemental (article R.751-1 du Code de commerce). C'est encore lui qui fixe, par arrêté et pour chaque demande d'autorisation, la composition de la commission départementale qui devra se prononcer sur la demande (article R.751-2 du Code de commerce), et qui détermine le nombre d'élus et de personnalités qualifiées de chacun des autres départements concernés, appelés à compléter la commission si la zone de chalandise prise en compte pour le projet excède les limites du département (articleR.751-3 du Code de commerce).

De même, l'instruction des demandes d'autorisation ou d'avis favorable est conduite par les services de la direction départementale des territoires, placés sous la responsabilité du Préfet, tandis que le secrétariat de la commission départementale est assuré par les services placés sous l'autorité du Préfet (Article R.751-5 du Code de commerce).

La réunion de la commission départementale est, enfin, placée sous la présidence du préfet (article L .751-2 du Code de commerce), qui ne prend toutefois pas part au vote : tel était également le cas dans le cadre du régime de l'équipement commercial, avant la publication de la LME du 4 août 2008 (ancien article L.752-14 alinéa 2 du Code de commerce).

Pourtant, alors même que l'État est particulièrement présent pour encadrer formellement et procéduralement l'examen des dossiers de demande d'autorisation, et ainsi assurer l'équilibre entre les parties en présence, force est de constater qu'hormis la possibilité qui lui est réservée par l'article L.752-17 de saisir la CNAC d'un recours contre la décision départementale, le Préfet ne dispose pas des pouvoirs qui devraient lui revenir alors même que l'État prend des engagements financiers ambitieux et engage des réformes législatives et réglementaires difficiles pour assurer la revitalisation des centres villes.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'examen des décisions des commissions d'aménagement commercial (départementales et nationale), permet déjà de constater qu'une autorisation ou un avis favorable puissent être refusés s'ils sont de nature à compromettre des investissements publics réalisés pour le renforcement et la rénovation du commerce de centre-ville (la CNAC a ainsi, en 2016, refusé la délivrance d'une autorisation pour un projet d'extension de 6 382 m² d'un ensemble commercial se traduisant par une augmentation de 103% de sa surface de vente, dès lors que « cette augmentation contribuera à renforcer un pôle commercial périphérique au détriment de l'animation du centre-ville (...) alors que cette commune a bénéficié de subventions au titre du FISAC » : Décision du 28 avril 2016, n°2908T).

Dans cette même logique de préservation des finances publiques, il est proposé de permettre au représentant de l'État dans le département de renforcer son rôle au sein des commissions départementales de la manière suivante :

- en lui permettant, d'une part, de formuler un avis sur chaque projet, avis qui sera rendu public ;

- en lui accordant d'autre part un droit de veto sur les projets qui lui paraîtraient incompatibles avec les actions ou engagements financiers de l'État et destinés tant à l'habitat qu'à l'activité économique, situés en centre-ville.

3. OPTIONS ET DISPOSITIFS RETENUS

Le renforcement de la position de l'État dans l'instruction des demandes d'autorisation à l'échelon départemental induit une modification de la rédaction de l'article L.752-14 du Code de commerce, qui régit les modalités de prise de décision de la CNAC.

La disposition qui prévoit que le Préfet préside la commission départementale sans prendre part au vote est complétée d'une phrase aux termes de laquelle le préfet donne un avis, rendu public, sur chaque projet.

Un alinéa supplémentaire est inséré, qui prévoir que le préfet peut former opposition à une décision d'autorisation d'exploitation commerciale qui lui paraîtrait de nature à aller à l'encontre des objectifs poursuivis par l'État dès lors que la commune d'implantation du projet, une commune limitrophe, ou une commune de l'EPCI dont la commune d'implantation est membre bénéficient :

- d'une action ou d'un engagement financier de l'État, destiné à préserver l'habitat, les commerces, ou l'activité économique de son centre ;

- ou d'une opération de sauvegarde économique et de revitalisation OSER ;

- ou d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat ;

- ou d'une opération de requalification des quartiers anciens dégradés,

- ou lorsque l'utilité publique d'une expropriation a été déclarée par l'autorité compétente de l'État dans le périmètre du centre-ville.

4. IMPACTS DE LA LOI

4.1. Impacts juridiques

La décision prise par le préfet et introduite par le dernier alinéa du I de l'article L.752-14 revêt le caractère d'un droit de veto, et non pas d'une voix prépondérante en cas de partage des voix.

Le dispositif signifie que nonobstant la décision prise par les membres de la commission, y compris à l'unanimité, le préfet peut faire échec à l'implantation ou à l'extension d'un équipement commercial.

La décision demeure susceptible de recours dans les conditions prévues à l'article L.752-17 du Code de commerce.

Si un dispositif identique n'est pas prévu à l'échelon national, il ne fait pas de doute que la décision du Préfet et sa nécessaire motivation seront de nature à peser sur la décision de la CNAC.

4.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

L'impact de ce dispositif sur les plans social et environnemental restera très limité. En revanche, l'impact budgétaire sera indiscutable, en particulier s'agissant de la préservation des finances publiques : le préfet est en effet le mieux placé pour identifier les interventions financières et opérationnelles de l'État dans le département et en particulier dans la zone de chalandise, et pour identifier si le projet est de nature à compromettre, ou non son efficacité.

4.3. Impacts financiers et budgétaires

Les impacts financiers pour les porteurs du projet : l'introduction d'un mécanisme de véto ouvert au préfet n'emporte aucune conséquence financière à l'égard des porteurs de projets. Néanmoins, dans l'hypothèse où une opposition préfectorale serait notifiée, le pétitionnaire convaincu de l'opportunité de son projet serait contraint de former un recours auprès de la CNAC.

Les impacts budgétaires de cette disposition pour les services de l'État seront nuls, puisque la mesure n'exige aucune instruction complémentaire.

4.4. Impacts administratifs

Les impacts administratifs de l'introduction de ce droit de veto seront quasi inexistants : il appartiendra en revanche aux services instructeurs de la CDAC de répertorier les actions et investissements envisagés ou en cours dans la commune d'implantation, les communes limitrophe ou dans le périmètre de l'EPCI dont fait partie de la commune d'implantation, de telle sorte que le Préfet puisse rendre un avis éclairé.

5. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

- Dans le temps

La mise en oeuvre de la loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs devra prévoir une entrée en vigueur différée, et ne recevoir application qu'aux seules demandes d'autorisation déposées à compter d'une date fixée par la Loi.

- Dans l'espace

Le texte ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer.

- Textes d'application

Il conviendra de modifier les dispositions des articles R.752-13 et suivants du Code de commerce qui régissent le fonctionnement et les modalités de vote de la commission départementale.

ARTICLE 20 : EXONÉRATION D'AUTORISATION D'EXPLOITATION COMMERCIALE EN CENTRE-VILLE POUR CERTAINS TYPES DE COMMERCES

1. ÉTAT DES LIEUX ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

L'article L-752-1 du Code de commerce tel qu'issu de sa modification par la loi portant Pacte de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs disposera que :

« Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet :

1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 m², résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ;

2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 m² ou devant le dépasser par la réalisation du projet. Est considérée comme une extension l'utilisation supplémentaire de tout espace couvert ou non, fixe ou mobile, et qui n'entrerait pas dans le cadre de l'article L. 310-2 ;

3° Tout changement de secteur d'activité d'un commerce d'une surface de vente supérieure à 2 000 m². Ce seuil est ramené à 1 000 m² lorsque l'activité nouvelle du magasin est à prédominance alimentaire ;

4° La création d'un ensemble commercial tel que défini à l'article L. 752-3 et dont la surface de vente totale est supérieure à 1 000 m²;

5° L'extension de la surface de vente d'un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 1 000  m² ou devant le dépasser par la réalisation du projet ;

6° La réouverture au public, sur le même emplacement, d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 m² dont les locaux ont cessé d'être exploités pendant trois ans, ce délai ne courant, en cas de procédure de redressement judiciaire de l'exploitant, que du jour où le propriétaire a recouvré la pleine et entière disposition des locaux ;

Pour les pépiniéristes et horticulteurs, la surface de vente mentionnée au 1° est celle qu'ils consacrent à la vente au détail de produits ne provenant pas de leur exploitation, dans des conditions fixées par décret.

7° La création ou l'extension d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile.

8° La création ou l'extension de locaux de stockage principalement destinés à l'entreposage en vue de la livraison, à destination de toute personne physique ou morale, de biens commandés par voie télématique d'une surface de plancher supérieure à 1 000 m² .

Hors du périmètre d'une opération de sauvegarde économique et de redynamisation définie à l'article 1 er de la loi n° ... du ..., les seuils de 1 000 m² mentionnés au 1° à 8° du présent article sont abaissés à 400 m², et le seuil de 2 000 m² mentionné au 3° du présent article est abaissé à 1 000 m² »

L'article L.752-2 dudit Code prévoit pour sa part que :

« I . - Les regroupements de surfaces de vente de magasins voisins, sans création de surfaces supplémentaires, n'excédant pas 2 500 m², ou 1 000 m² lorsque l'activité nouvelle est à prédominance alimentaire, ne sont pas soumis à une autorisation d'exploitation commerciale.

II. - Les pharmacies et les commerces de véhicules automobiles ou de motocycles ne sont pas soumis à l'autorisation d'exploitation commerciale prévue à l'article L. 752-1.

III. - Les halles et marchés d'approvisionnement au détail, couverts ou non, établis sur les dépendances du domaine public et dont la création est décidée par le conseil municipal, les magasins accessibles aux seuls voyageurs munis de billets et situés dans l'enceinte des aéroports ainsi que les parties du domaine public affecté aux gares ferroviaires et routières situées en centre-ville d'une surface maximum de 2 500 m², ne sont pas soumis à une autorisation d'exploitation commerciale . »

Contrairement à la philosophie du projet de loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (dite Loi ELAN) qui prévoit d'exclure du régime de l'autorisation d'exploitation commerciale préalable tous les projets, sans distinction, situés dans les centres-villes dans le périmètre des opérations de revitalisation du territoire (ORT), le présent projet de loi repose sur une philosophie contraire, celle du renforcement, au contraire, du contrôle de l'implantation des équipements commerciaux.

Le texte a en effet prévu d'étendre le champ d'application du régime aux entrepôts des acteurs du e-commerce, et d'abaisser de manière générale le seuil en-deçà duquel aucune autorisation d'exploiter ou avis favorable demeure nécessaire, mais de laisser le seuil de 1 000 m² inchangé à l'égard des projets envisagés dans le périmètre OSER.

Toutefois, il est apparu nécessaire parallèlement d'élargir les cas de dispense des autorisations préalable d'autorisation d'exploitation commercial, pour tenir compte du développement du développement de nouvelles formes de commerce qui, elles, contribuent à la revitalisation des centres-villes, et à la préservation du commerce de proximité.

Tel est en particulier le cas des halles alimentaires en circuit court, dispositifs innovants permettant la promotion d'une alimentation saine et accessible, et consistant en l'installation, en centre-ville, de magasins publics, parapublics ou privés, tenus par des prestataires extérieurs accompagnés par le propriétaire, et dédiés à l'alimentation durable.

Un tel dispositif a vu le jour il y a quelques années au sein de petites et moyennes communes accueillant un nombre significatif de producteurs alimentaires souhaitant promouvoir la culture responsable (cas de la super halle d'Oullins, par exemple, soutenu par le Groupement régional alimentaire de proximité, le Grap, ou les Vergers de Provence, au Havre).

Un tel dispositif a été adopté par la ville de Paris à partir de 2016, cette dernière ayant pris l'engagement de favoriser l'implantation de futures halles alimentaires qui vendront des « produits issus des circuits courts, solidaires du producteur - rémunéré à un juste prix » à des « consommateurs, sans distinction sociale » , et assurant ainsi la promotion de produits de qualité à un coût maîtrisé, biologique ou provenant de l'agriculture dite « intégrée » ou « raisonnée » (fruits et légumes, produits laitiers, viande, poisson, épicerie...).

Or, si la rédaction actuelle de l'article L.752-2 dispense d'autorisation d'exploitation commerciale les halles et marchés favorisant la distribution en circuit court, cette dérogation ne s'applique qu'aux halles et marchés, établis sur les dépendances du domaine public et dont la création est décidée par le conseil municipal, ce qui exclut par voie de conséquence les halles et marchés d'initiative privée, prenant place dans des bâtiments et locaux privés.

De même, alors même que la proposition de loi prévoit des dispositifs précis et contraignants pour éviter la création ou le maintien de friches, notamment commerciales, il n'existe à ce jour aucune incitation pour la réutilisation de telles friches, alors même que, pour les collectivités locales, ces friches ont un coût important, et réduisent l'attractivité du centre tout en entraînant une baisse des recettes fiscales souvent liées à la vacance.

Enfin, et encore, alors même que l'une des causes identifiées de la désertification des centres villes réside dans le manque de mixité des usages et des fonctions, il n'existe aucun dispositif incitatif destiné à favoriser la réalisation d'opérations mixtes combinant la réalisation de commerces et de logement : bien au contraire, l'alourdissement de la procédure d'obtention d'un permis de construire portant sur un immeuble mixte du fait de la nécessité de déposer une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale dissuade bon nombre d'opérateurs.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif de l'allongement de la liste des dérogations à l'exigence d'obtention préalable d'une autorisation d'exploitation commerciale vise à compenser l''extension du champ d'application de cette exigence.

Tout en renforçant le contrôle des implantations commerciales, l'intention du législateur est de stimuler la production d'équipements commerciaux en centre-ville, en encadrant toutefois leur nature et leur taille, en levant les obstacles administratifs qui pourraient freiner ce type d'initiatives.

La promotion de la vente de produits alimentaires en circuit court constitue une pratique nouvelle, promue par le consommateur, que le législateur doit accompagner.

De même, les friches commerciales sont porteuses de potentialités si les acteurs du commerce sont encouragés à les réinvestir : tirer parti d'un emplacement, souvent bien situé au coeur des agglomérations, pour qu'un équipement commercial soit le moteur de la revitalisation d'une rue ou d'un quartier, doit être favorisé. Cette solution présente l'avantage de la maîtrise de l'étalement urbain en capitalisant sur des espaces porteurs d'enjeux environnementaux, économiques et sociaux.

Enfin, la promotion des opérations immobilières qui combinent logements et commerce en centre-ville doit être accrue. Les projets mixtes habitat-commerce contribuent incontestablement à la revitalisation des centres-villes, luttant contre la migration des populations en périphérie et donc contre l'étalement urbain et limitant les déplacements. Elle permet également l'amélioration du bâti, et l'adaptation des modes d'habitat et de consommation aux évolutions de la société.

3. OPTIONS ET DISPOSITIFS RETENUS

L'article L.752-2 du Code de commerce maintient les dérogations existantes, et les complètes par l'ajout de trois catégories d'équipements commerciaux qui seront dorénavant, et sous certaines conditions, dispensés de l'exigence d'obtention d'une autorisation préalable ou d'un avis favorable d'exploitation commerciale.

Seront dorénavant dispensés :

- les magasins de producteurs visés au I de l'article L. 611-8 du code rural et de la pêche (producteurs agricoles locaux ne proposant à la vente que des produits de leur propre production, qu'elle soit brute ou transformée), à la condition que leur surface de vente n'excède pas 1 500 m² ;

- les projets d'implantation commerciale en centre-ville sur les friches commerciales, à la condition que leur surface soit inférieure à 1 500 m² ;

- les opérations immobilières prévoyant la réalisation d'un équipement commercial et la construction d'immeubles à destination de logement, situées dans le périmètre d'une opération de sauvegarde économique et de redynamisation de centre-ville OSER, à la condition que la surface de vente de l'équipement commercial soit inférieure au quart de la surface de plancher à destination de logement.

4. IMPACTS DE LA LOI

4.1. Impacts juridiques

L'introduction de nouvelles dérogations induira la modification de l'article L.752-2 du Code de commerce, mais également de l'article R.752-1 du même code.

Il s'agira également d'envisager l'adaptation du Code de l'urbanisme, s'agissant de l'instruction des dossiers de demande de permis de construire portant sur des immeubles mixtes habitat-commerce (dispositions relatives au contenu du dossier de demande, d'une part, et relatives à la procédure d'instruction, d'autre part).

4.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

Toutes les études démontrent que la dévitalisation des centres villes prend racine dans des causes multiples, et que son traitement exige une vision transversale, mobilisant de nombreux sujets.

Aujourd'hui, un consensus se dégage sur la nécessité d'aborder l'avenir des centres villes et centres bourgs de manière globale, en tenant compte à la fois des problématiques commerciales pures et en particulier de l'offre commerciale diversifiée en centre-ville, mais également des problématiques urbanistiques pures, par la rénovation du bâti en centre-ville (la reconstruction de la ville sur elle-même, lorsque c'est possible, ou la valorisation des centres marqué par un patrimoine historique et architectural protégé lorsque c'est le cas).

La réintroduction, en centre-ville, de modes de consommation responsables, la suppression des friches et la promotion de la mixité des fonctions participe de cette revitalisation.

Les impacts sociaux et environnementaux seront incontestables : restauration du lien social, promotion d'une consommation responsable, limitation de l'étalement urbain, limitation des déplacements,...

4.3. Impacts financiers et budgétaires

Les impacts financiers pour les porteurs du projet : l'introduction d'une dérogation à l'obtention d'une autorisation d'exploitation commerciale ne peut qu'avoir un impact financier positif pour les porteurs de projets, à un double titre.

D'abord, ils pourront s'affranchir des dépenses de constitution du dossier de demande d'autorisation d'exploiter, à joindre au dossier de demande de permis de construire le cas échéant. Ensuite, l'absence d'examen d'une telle demande permet de réduire le calendrier de mise en oeuvre du projet, supprimant le délai de deux mois d'instruction par les commissions départementales, voire les mois supplémentaires induits par d'éventuels recours formés devant la CNAC.

On ajoutera que la suppression de l'existence d'une autorisation ou d'un avis supplémentaire pour un projet donné supprime en proportion les risques contentieux pesant sur le projet.

Les impacts budgétaires de cette disposition pour les services de l'État seront également favorables : en supprimant l'obligation d'obtention d'une autorisation d'exploitation commerciale pour certains projets de centre-ville, la charge des services préfectoraux, tout comme celle des services de la direction générale des entreprises (CNAC) sera allégée, de même que celle des juridictions administratives (par la réduction du risque contentieux).

4.4. Impacts administratifs

Les impacts administratifs de l'introduction de ces dérogations supplémentaires seront positifs, par l'allègement des formalités nécessaires à la mise en oeuvre des projets mentionnés.

5. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

- Dans le temps

La mise en oeuvre de la loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs pourra prévoir, s'agissant de cet article, une entrée en vigueur immédiate.

- Dans l'espace

Le texte ne s'applique pas aux territoires d'Outre-mer.

- Textes d'application

Aucun texte d'application spécifique ne sera nécessaire : tout au plus une mise à jour des dispositions réglementaires du code de l'urbanisme, et du code de commerce, devra être opérée.

ARTICLE 21 : INSTITUER DES MORATOIRES LOCAUX D'IMPLANTATION DE NOUVELLES ACTIVITÉS COMMERCIALES DANS DES ZONES EN DIFFICULTÉ

1. ÉTAT DES LIEUX ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

Le constat du phénomène de dévitalisation des villes petites et moyennes s'impose désormais comme une évidence et a fait l'objet de multiples études, pour tenter d'en comprendre les causes et identifier les leviers d'actions.

Au constat d'un problème structurel lié à la qualité du bâti en centre-ville, s'est ajouté le problème conjoncturel du déclin économique des centres villes, par le déplacement des activités économiques en périphérie, voire leur suppression.

Le cumul de ces difficultés emporte de nombreux effets : la migration des ménages aisés vers la périphérie, induisant un vieillissement et une paupérisation de la population du centre-ville, le déclin économique et en particulier commercial, induit par ce vieillissement et cette paupérisation, disparition des services publics et privés (soins, éducation, culture, loisirs, ...).

De tels constats ne sont pas nouveaux et ont été à l'origine de plusieurs plans gouvernementaux successifs, depuis les années 70 (Politique des villes moyennes entre 1973 et 1979, politique des réseaux de villes lancée par la DATAR, Contrats de plans de redynamisation des villes, etc...).

Aujourd'hui, les observateurs sont unanimes : le traitement du sujet de la revitalisation des centres villes doit faire l'objet d'une intervention globale portant sur l'habitat, le commerce, les transports, les services publics de manière générale, associant l'État et les collectivités locales ainsi que leurs établissements publics, et associant le cas échéant des partenaires privés ou semi-privés. C'est la raison pour laquelle le projet de loi ELAN prévoit, dans sa rédaction actuelle, un dispositif de cette nature.

L'article 54 tel qu'il figure aujourd'hui dans le projet de loi ELAN prend place dans le chapitre consacré à la revitalisation des centres villes, et a pour objet la création d'un contrat intégrateur unique, intitulé « Opération de Requalification des Territoires » (ORT), destiné à répondre aux différents enjeux de développement locaux (mobilité, services, habitat, développement économique, etc.) en matière de revitalisation des centres des villes moyennes.

Cet outil est destiné à se substituer au dispositif des « Opérations de requalification de quartiers anciens dégradés » (ORQAD), pour devenir un outil contractuel ensemblier et généraliste permettant à tous les financeurs potentiels d'y adhérer.

Défini par les articles L.303-1 et suivants du code de la construction, ces ORT prendront la forme d'une convention multipartite, associant l'État, ses établissements publics, une ou plusieurs communes, l'EPCI dont la ou les communes sont membres, ainsi que, sous réserve de l'absence de conflit d'intérêts, toute personne privée ou publique souhaitant contribuer aux actions définies par la convention.

Il est prévu que dans le périmètre de ces ORT, et plus particulièrement « dans le secteur d'intervention en centre-ville de la ville principale objet d'une ORT » , les projets portant sur des équipements commerciaux existants ou projetés puissent être dispensée de l'obtention préalable d'une autorisation d'exploitation commerciale.

En complément, pour assurer l'orientation des projets d'aménagement commercial dans ces secteurs d'intervention en centre-ville, l'article 54 institue la possibilité, pour le préfet, de suspendre l'instruction des demandes d'autorisation d'exploitation commercial portant sur des projets situés dans le périmètre de l'ORT mais hors secteur d'intervention, ou sur des projets envisagés le territoire des communes non signataires de l'ORT et qui pourraient compromettre gravement l'objectif de l'opération projetée. Cette suspension serait d'une durée maximale de 3 ans.

La nécessité de l'institution d'un véhicule permettant un traitement global s'est imposée l'issue de la période de consultation et de réflexion conduite par le groupe sénatorial sur la revitalisation des centres villes et centres bourgs.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'institution d'un programme global réunissant, dans un contrat unique multipartite, les différentes actions susceptibles d'être engagées dans différents domaines pour revitaliser les centres bourgs va permettre incontestablement d'une part de simplifier l'intervention des pouvoirs publics, et d'autre part d'assurer une plus grande visibilité aux projets de territoire de telle sorte que les différents acteurs, publics comme privés, puissent contribuer à une action commune.

Le premier objectif à atteindre, celui de la simplification des démarches, s'impose compte tenu de la complexité des mécanismes aujourd'hui mis à la disposition des différents acteurs : un contrat unique permettra de fusionner en un seul véhicule diverses actions, et de coordonner les actions et mutualiser les financements.

Le second objectif est celui de favoriser l'adhésion à un projet collectif de territoire :

- en amont d'abord, en permettant une réflexion collective combinant les impératifs d'intérêt général de revitalisation ainsi que les contraintes budgétaires pesant sur les finances publiques, avec les attentes et les contraintes des opérateurs privés, afin de concevoir collectivement un projet de territoire ;

- en avant ensuite en permettant à chacune des parties signataires de connaître exactement les interventions décidées et leur calendrier de réalisation, tout en disposant de la garantie d'un projet lisible et stable dans le temps en contrepartie des investissements consentis.

Le dispositif retenu diffère cependant sensiblement de celui proposé par le gouvernement, dans la mesure où les conventions OSER peuvent être instituées par toutes les collectivités territoriales quelle que soit leur taille et l'importance de leur population, contrairement aux ORT réservées aux villes moyennes et aux pôles d'attractivité, excluant donc pour leur part les bourgs ruraux et les petites villes du système urbain régional.

Par ailleurs, l'atteinte des objectifs ci-dessus demeure purement hypothétique si, parallèlement, rien n'est fait pour préserver la dynamique du contrat face à des projets d'initiative privée susceptibles d'y porter atteinte.

Le rôle du préfet est donc renforcé : lui est confié le rôle de régulateur des actions, afin de lui permettre légalement de faire prévaloir la mise en oeuvre des conventions OSER sur la réalisation d'opérations d'équipement commercial privées, en contrôlant donc leur écosystème.

3. OPTIONS ET DISPOSITIFS RETENUS

L'article 21 de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres villes et centre bourgs donne compétence, au Préfet, saisi par une commune ou un EPCI signataire d'une convention OSER, de refuser l'enregistrement d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale, ou d'en suspendre l'instruction si elle a déjà été enregistrée, portant sur un projet d'implantation ou d'extension d'un équipement commercial en dehors du périmètre de l'opération tel que défini par la convention.

Cette suspension provisoire d'enregistrement et d'instruction ne peut excéder un an, renouvelable, sans pouvoir être de durée supérieure à celle de l'opération OSER.

En outre, l'article 21 donne compétence au Préfet d'étendre, à son initiative ou à la demande d'une commune ou d'un EPCI, le refus d'enregistrement et la suspension de l'examen des demandes d'autorisation d'exploitation commerciale déjà enregistrées à d'autres communes du département, hors le périmètre des OSER, s'il estime que des projets d'implantation commerciale dans ces communes seraient de nature à mettre en péril une ou des OSER dans le département.

4. IMPACTS DE LA LOI

4.1. Impacts juridiques

La création des conventions OSER relève d'un dispositif purement contractuel, et ne prévoit pas la modification de dispositions législatives codifiées : il résulte de ce choix rédactionnel que la compétence donnée aux préfets de refuser l'enregistrement de certaines demandes d'autorisation d'exploitation commerciale ou de suspendre l'instruction de celles déjà enregistrée reposera directement sur les dispositions, non codifiées, de la loi.

La décision préfectorale devra cependant, même si l'article 21 ne le prévoit pas expressément, être motivée, dans la mesure où il s'agit d'une décision administrative défavorable (L.211-2 et suivants du Code des relations entre le public et l'administration).

En outre, l'introduction d'un dispositif de suspension de l'enregistrement ou de l'instruction traduit un simple différé de l'examen de la demande d'autorisation d'exploitation commerciale : il ne s'agit en aucun cas d'un refus d'autorisation ou d'un avis défavorable formulé sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploiter.

4.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

L'introduction d'un tel dispositif permettant au préfet de suspendre l'enregistrement et l'instruction des demandes d'autorisation d'exploitation commerciale présente un bilan coût - avantages incontestablement positif, dès lors qu'elle permet de garantir l'efficacité des opérations et projets conçus dans le cadre des conventions OSER, sans obérer définitivement un projet d'initiative privée.

La mesure renforce le positionnement de l'État comme garant de la protection des actions et des investissements décidés par les acteurs locaux dans le cadre des conventions OSER, ce qui assurera leur efficacité dans la durée.

Les conventions OSER sont destinées à déterminer des périmètres dans lesquelles pourront être conduites et mises en oeuvre, dans des conditions privilégiées :

- des actions de repeuplement des centres villes par l'encouragement de la production d'offre de logements à des prix abordables ;

- des actions de maintien voire de retour des équipements publics en centre-ville ;

- des politiques de réduction du poids des normes, notamment, pour permettre la réduction des coûts d'installation et d'activité ;

- des actions de modernisation du commerce de détail.

Les garanties apportées pour leur mise en oeuvre opérationnelle aura donc nécessairement des impacts sociaux (habitation et commerces), économiques (nouvel élan économique), et environnemental (lutte contre l'étalement urbain).

4.3. Impacts financiers et budgétaires

Les impacts financiers pour les porteurs du projet : l'introduction de la possibilité pour le Préfet de suspendre l'enregistrement ou l'instruction des demandes d'autorisation d'exploiter emportera nécessairement des conséquences financières pour les porteurs de projets, puisque la décision sur le projet sera nécessairement retardée, d'au moins un an renouvelable.

Cependant, il est probable que la publicité faite autour de la signature des conventions OSER, d'une part, voire la contribution des opérateurs privés à ces dispositifs, permettra à ces derniers d'anticiper de possibles sursis, les dissuadant même de concevoir un projet. Du reste, l'intérêt des opérateurs privés porteurs de projets commerciaux sera nécessairement de participer aux conventions OSER, afin d'écarter le risque lié au dispositif de sursis, et de bénéficier des facilités administratives et financières prévues dans le périmètre.

Les impacts budgétaires de cette disposition pour les services de l'État seront en revanche favorables : en permettant aux préfets, sur demande des communes, de différer l'enregistrement et l'instruction des demandes d'autorisation d'exploiter, l'État se dispensera de mobiliser ses ressources pour l'examen de projets susceptibles, de toute façon, de se voir opposer un refus d'autorisation ou un avis défavorable.

4.4. Impacts administratifs

Les impacts administratifs de l'introduction de ces dérogations supplémentaires seront positifs, par la réduction du nombre de projets examinés, en particulier dans l'hypothèse où le préfet serait systématiquement saisi par les communes pour différer l'examen des projets situés hors du périmètre des conventions.

5. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

- Dans le temps

La mise en oeuvre de la loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs pourra prévoir, s'agissant de cet article, une entrée en vigueur immédiate.

- Dans l'espace

Le texte ne s'applique pas aux territoires d'Outre-mer.

- Textes d'application

Il sera nécessaire de procéder aux modifications réglementaires pour permettre la notification des décisions de refus d'enregistrement ou de suspension d'instruction (articles R.752-9 et 10 s'agissant du dépôt des demandes de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale - articles R.752-11 et 12 s'agissant du dépôt des demandes d'autorisation d'exploitation commerciale ne nécessitant pas un permis de construire.

CHAPITRE SIX : MIEUX INTÉGRER L'AMÉNAGEMENT COMMERCIAL AUX PROJETS TERRITORIAUX

Article 22 : Rendre le Document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC) obligatoire et prescriptif

1. ÉTAT DES LIEUX ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

L'article L.752-6 du Code de commerce prévoit aujourd'hui en son premier paragraphe que « L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article l.752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale, ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant (des dispositions relatives à l'équipement commercial et artisanal) ».

La présente proposition de loi prévoit la modification de ce paragraphe pour remplacer l'exigence actuelle de compatibilité de l'autorisation d'exploitation commerciale avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale, par une exigence de conformité . Cependant la mise en oeuvre d'un contrôle de conformité se révèlera difficile à mettre en oeuvre compte tenu de la nature du contenu du document d'orientation et d'objectifs (DOO), que contient le schéma de cohérence territoriale (SCOT).

L'article L.141-2 du Code de l'urbanisme dispose que

« Le schéma de cohérence territoriale comprend :

1° Un rapport de présentation ;

2° Un projet d'aménagement et de développement durables ;

3° Un document d'orientation et d'objectifs.

Chacun de ces éléments peut comprendre un ou plusieurs documents graphiques. »

L'article L.141-5 dispose pour sa part que :

« Dans le respect des orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables, le document d'orientation et d'objectifs détermine :

1° Les orientations générales de l'organisation de l'espace et les grands équilibres entre les espaces urbains et à urbaniser et les espaces ruraux, naturels, agricoles et forestiers ;

2° Les conditions d'un développement urbain maîtrisé et les principes de restructuration des espaces urbanisés, de revitalisation des centres urbains et ruraux, de mise en valeur des entrées de ville, de valorisation des paysages et de prévention des risques ;

3° Les conditions d'un développement équilibré dans l'espace rural entre l'habitat, l'activité économique et artisanale, et la préservation des sites naturels, agricoles et forestiers.

Il assure la cohérence d'ensemble des orientations arrêtées dans ces différents domaines. »

Le contenu des DOO est régi par les articles L.141-6 à L.141-23 du Code de l'urbanisme : ce sont les articles L.141-165 et L 141-17 qui visent plus particulièrement le contenu du DOO s'agissant de l'équipement commercial et artisanal.

L'article L.141-6 dispose ainsi que « Le document d'orientation et d'objectifs précise les orientations relatives à l'équipement commercial et artisanal. Il définit les localisations préférentielles des commerces en prenant en compte les objectifs de revitalisation des centres-villes, de maintien d'une offre commerciale diversifiée de proximité permettant de répondre aux besoins courants de la population tout en limitant les obligations de déplacement et les émissions de gaz à effet de serre, de cohérence entre la localisation des équipements commerciaux et la maîtrise des flux de personnes et de marchandises, de consommation économe de l'espace et de préservation de l'environnement, des paysages et de l'architecture . »

Surtout l'article L.141-7 du Code de l'urbanisme prévoit que :

« Le document d'orientation et d'objectifs peut comprendre un document d'aménagement artisanal et commercial déterminant les conditions d'implantation des équipements commerciaux qui, du fait de leur importance, sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur l'aménagement du territoire et le développement durable.

Ces conditions privilégient la consommation économe de l'espace, notamment en entrée de ville, par la compacité des formes bâties, l'utilisation prioritaire des surfaces commerciales vacantes et l'optimisation des surfaces dédiées au stationnement. Elles portent également sur la desserte de ces équipements par les transports collectifs et leur accessibilité aux piétons et aux cyclistes ainsi que sur leur qualité environnementale, architecturale et paysagère, notamment au regard de la performance énergétique et de la gestion des eaux.

Le document d'aménagement artisanal et commercial localise les secteurs d'implantation périphérique ainsi que les centralités urbaines, qui peuvent inclure tout secteur, notamment centre-ville ou centre de quartier, caractérisé par un bâti dense présentant une diversité des fonctions urbaines, dans lesquels se posent des enjeux spécifiques du point de vue des objectifs mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 141-16. Il peut prévoir des conditions d'implantation des équipements commerciaux spécifiques aux secteurs ainsi identifiés.

L'annulation du document d'aménagement artisanal et commercial est sans incidence sur les autres documents du schéma de cohérence territoriale . »

Il résulte des dispositions qui précèdent que le schéma de cohérence territoriale, document d'urbanisme supra communal, comporte plusieurs documents, dont le Document d'orientation et d'objectifs, dont les orientations s'imposent pour l'instant aux seules dispositions réglementaires inférieures dans le cadre d'un rapport de compatibilité, et qui s'imposeront également à l'avenir aux autorisations d'exploitation commerciale, dans un rapport de conformité.

Les orientations qui figurent dans le DOO sont toutefois de nature imprécise, aussi le législative a-t-il introduit, en 2004, la possibilité pour les auteurs d'un SCOT d'introduire dans le DOO un document d'aménagement commercial (DAC) destiné à permettre la régulation de l'implantation des activités commerciales (loi pour la modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008). Ce DAC a été supprimé par la loi ALUR du 24 mars 2014, mais il a été rétabli par la loi ACTPE du 18 juin 2014.

Le contenu des DAAC est bien plus précis que les orientations du DOO : ils peuvent en effet déterminer les conditions d'implantation des équipements commerciaux qui, du fait de leur importance, sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur l'aménagement du territoire et le développement durable, et ont notamment pour objet de localiser les secteurs d'implantation périphérique ainsi que les centralités urbaines, dans lesquels se posent des enjeux spécifiques d'aménagement du territoire, et peuvent de surcroît prévoir des conditions d'implantation des équipements commerciaux spécifiques aux secteurs ainsi identifiés. Pour autant, l'approbation d'un DACC au sein d'un DOO demeure une simple faculté pour les collectivités territoriales, ce qui réduit donc la norme de référence aux seules orientations du DOO si un tel DAAC n'est pas approuvé.

L'imprécision des DOO s'agissant de la localisation préférentielle des équipements commerciaux, et son absence de caractère prescriptif ainsi que l'a souligné le Conseil d'État encore récemment (Conseil d'État, 11 octobre 2017, Fédération des artisans et des commerçants de Caen et autres , n° 401807) n'est évidemment pas satisfaisante, aussi est-ce la raison pour laquelle il est nécessaire, pour prévoir une pleine et entière effectivité du contrôle de conformité, de rendre obligatoire l'approbation d'un DAAC.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'introduction d'une obligation de rédaction d'un DAAC au sein du DOO, et les précisions apportées à son contenu, sont destinées à favoriser la réflexion et la définition de la stratégie des implantations ou extensions des équipements commerciaux à l'échelon supra-communal. Couplée à une obligation de conformité des autorisations d'exploitation commerciale avec DOO, donc avec le DAAC qui y sera intégré, le dispositif assurera une politique cohérente d'aménagement commercial sur l'ensemble du territoire régi par le SCOT.

3. OPTIONS ET DISPOSITIFS RETENUS

L'article 22 de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres villes et centre bourgs prévoit modifie la rédaction de l'article L.141-17 du Code de l'urbanisme précisé, de deux manières :

- il remplace, tout d'abord, le premier alinéa, en posant le principe selon lequel le document d'orientation et d'objectifs doit comprendre un document d'aménagement artisanal et commercial, qui détermine les conditions d'implantation des équipements commerciaux qui, en raison de leur importance, sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur l'aménagement du territoire, le commerce du centre-ville et le développement durable ;

- il précise, de même, significativement le contenu des DAAC : alors que la rédaction actuelle prévoit que le DAAC peut prévoir des conditions d'implantation des équipements commerciaux spécifiques aux secteurs ainsi identifiés, la nouvelle rédaction prévoit que le DAAC doit désormais prévoir les conditions d'implantation, la nature, et la surface de vente maximale des équipements commerciaux spécifiques aux secteurs ainsi identifiés.

4. IMPACTS DE LA LOI

4.1. Impacts juridiques

L'introduction d'une obligation de rédaction d'un DAAC va contraindre les établissements publics de coopération intercommunale chargés de l'élaboration des SCOT à s'organiser pour l'élaboration d'un DAAC, lorsqu'elles n'en disposent pas.

De même, des modifications devront être envisagées s'agissant des SCOT en cours d'élaboration.

L'obligation de conformité contraindra également les services instructeurs, d'une part, et les commissions d'aménagement commercial, d'autre part, à modifier leur analyse des dossiers, et à intégrer cette exception au principe de l'indépendance des législations portant sur l'urbanisme et sur l'urbanisme commercial.

4.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

La précision apportée au contenu des DAAC, par l'introduction de contraintes précises régissant les conditions d'implantation des équipements commerciaux (localisation, nature de commerce, surface de vente,...), couplée à l'obligation de conformité des autorisations aux DOO, emportera des conséquences significatives sur l'aménagement du territoire.

4.3. Impacts financiers et budgétaires

Les impacts financiers pour les porteurs du projet : l'obligation de compatibilité contraindra les porteurs de projets à s'assurer de l'existence d'un SCOT, de celle d'un DAAC, et du contenu de ces DAAC avant d'envisager un projet d'implantation ou d'extension d'un équipement commercial.

Les impacts budgétaires de cette disposition pour les services de l'État seront inexistants.

Les impacts budgétaires de cette disposition pour les collectivités territoriales et leurs EPCI seront en revanche significatifs, car cette disposition les contraint à engager des études pour la préparation des DAAC.

4.4. Impacts administratifs

L'insertion d'un DAAC dans les DOO, et l'obligation d'exercer un contrôle de conformité, et non plus de compatibilité imposera aux services instructeurs, d'une part, et aux commissions d'aménagement commercial, d'autre part, de modifier leur analyse des dossiers de demande d'autorisation.

5. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

- Dans le temps

La mise en oeuvre de la loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs pourra prévoir, s'agissant de cet article, une entrée en vigueur immédiate. En revanche, un délai maximum de mise en oeuvre devra être fixé pour l'approbation du DAAC en présence d'un SCOT, de telle sorte que l'effectivité de la mesure soit garantie.

- Dans l'espace

Le texte ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer.

- Textes d'application

Il sera nécessaire de procéder à des ajustements réglementaires tant s'agissant des modalités d'approbation du DAAC indépendamment des procédures d'approbation d'un SCOT qui serait en cours ou de révision d'un SCOT existant, que s'agissant de l'approbation d'un DAAC alors même que la procédure d'approbation ou de révision du SCOT est en cours.

ARTICLE 23 : INTÉGRER DANS LES OBJECTIFS DES PROGRAMMES LOCAUX DE L'HABITAT LA PRISE EN COMPTE DE LA SITUATION DES CENTRES-VILLES

1. ÉTAT DES LIEUX ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

Le programme local de l'habitat est actuellement régi par les dispositions des articles L. 302-1 à L. 302-4-1 du Code de la construction et de l'habitation : il s'agit d'un outil stratégique de programmation qui permet d'articuler les politiques d'aménagement urbain et d'habitat, dans le cadre des agglomérations, et non d'un simple document d'étude, puisqu'il présente un caractère opérationnel direct.

Les communautés de communes compétentes en matière d'habitat de plus de 30 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 10 000 habitants, les communautés d'agglomération, les métropoles et les communautés urbaines sont tenues d'élaborer un programme local de l'habitat.

Pour les communautés d'agglomération, les métropoles, les communautés urbaines et les communautés de communes compétentes, le programme local de l'habitat est établi par l'Établissement public de coopération intercommunal (EPCI) pour l'ensemble de ses communes membres couvrant ainsi la totalité du périmètre de l'EPCI. Dans ce cadre, c'est l'organe délibérant de l'établissement qui prend la décision d'engager la procédure. Le président de l'EPCI se voit ensuite confier la conduite de l'élaboration du document.

Toute commune de plus de 20.000 habitants qui ne ferait pas partie d'un EPCI, est directement compétente pour élaborer ce document. Pour les villes de Paris, Lyon et Marseille, les maires d'arrondissement ou leur représentant concourent également à son édiction.

L'autorité compétente peut décider d'associer l'État ou toute autre personne morale à cette élaboration.

Une fois le projet arrêté, il est transmis aux communes et établissements publics compétents en matière d'urbanisme qui disposent d'un délai de deux mois pour rendre un avis. Après examen de ces avis, une nouvelle délibération est adoptée. Puis, le projet est transmis au préfet de département qui, dans un délai de deux mois, le soumet au Comité régional de l'habitat et de l'hébergement.

En cas d'avis défavorable ou de réserves émises par le Comité consulté, le préfet peut adresser, dans un délai d'un mois suivant cet avis, des demandes motivées de modifications à l'autorité compétente qui en délibère.

L'EPCI, ou la commune, délibère une nouvelle fois et adopte le programme local de l'habitat qui est une nouvelle fois transmis au préfet. Il devient exécutoire à l'issue d'un délai de deux mois, si dans ce délai, le préfet n'a pas demandé de modification ou si ces demandes de modifications ont bien été apportées.

Le programme local de l'habitat définit, pour six années, les objectifs et les principes d'une politique visant à répondre aux besoins en logements mais aussi en hébergement, à favoriser le renouvellement urbain et la mixité sociale et à améliorer l'accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées en assurant entre les communes et entre les quartiers d'une même commune une répartition équilibrée et diversifiée de l'offre de logements. Il précise les moyens à mettre en oeuvre pour satisfaire les besoins en logements et en places d'hébergement, dans le respect de la mixité sociale et en assurant une répartition équilibrée et diversifiée de l'offre de logements.

Un document d'orientation est élaboré à partir d'un diagnostic de la situation existante. Le programme local de l'habitat énonce ainsi les principes et objectifs qui doivent être poursuivis.

Destinés à orienter quantitativement et qualitativement la production de logements, force est toutefois de constater que les PLH tiennent rarement compte de la localisation préférentielle de cette production : le constat a ainsi été fait que la majorité des PLH prônait le développement de l'offre de logements neufs en périphérie des villes, a fortiori des villes moyennes, sans tenir compte des stratégies et des actions de préservation ou de revitalisation des centres villes.

Une telle politique a nécessairement conduit à vider les centres urbains de leur population.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS

L'objectif ici poursuivi est de favoriser la revalorisation et la revitalisation des centres-villes en favorisant l'orientation de la politique du logement en priorité vers ces derniers.

Les dispositions régissant les programmes locaux de l'habitat indiquent que les communes et, le cas échéant, secteurs géographiques et les catégories de logements sur lesquels des interventions publiques sont nécessaires. Néanmoins, aucune disposition ne précise les secteurs géographiques à privilégier.

Dans le but de revitaliser les centres-villes qui sont aujourd'hui délaissés au profit des périphéries, il est important que certains secteurs géographiques soient traités en priorité.

En outre, sous sa forme actuelle, le programme local de l'habitat porte quasi exclusivement sur le logement. Or l'idée d'une reconquête des centres urbains passe également par le développement, en leur sein, d'une mixité des fonctions et des usages. En effet, ramener la vie dans ces secteurs n'induit pas que la création ou la réhabilitation de logements, mais bien le développement de commerces et d'équipements publics.

Ainsi, l'intérêt du programme local de l'habitat résidera dans la promotion d'un développement urbain équilibré, prioritairement en centre-ville, et ce notamment grâce à la mixité des fonctions urbaines et à diversification de l'habitat.

3. OPTIONS ET DISPOSITIFS RETENUS

L'article 23 de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres villes et centre bourgs prévoit d'ajouter une phrase au premier alinéa du II de l'article L. 302-1 du Code de la construction et de l'habitation qui précise que les programmes locaux de l'habitat doivent prendre en compte la situation des centres-villes, de telle sorte qu'ils deviennent le secteur prioritaire pour le développement de logements, commerces et équipements publics.

4. IMPACTS DE LA LOI

4.1. Impacts juridiques

L'introduction de cette précision n'aura qu'un impact juridique limité dans la mesure où la rédaction retenue reste incitative : il s'agit d'une orientation qui doit guider la rédaction et la révision des PLH, mais le contrôle du juge sur la légalité d'un tel plan demeurera limité à celui de l'erreur manifeste d'appréciation, seuls les PLH compromettant gravement le développement de logements, d'équipements public et de commerces dans les centres villes pouvant éventuellement être fragilisés.

En revanche, si le PLH applique strictement ces nouvelles dispositions, ses conséquences juridiques seront importantes s'agissant des PLU, lesquels doivent être compatibles avec les PLH. En particulier, si un PLU a été approuvé avant le PLH, on rappellera que sa mise en compatibilité avec le PLH postérieur, dans un délai de trois ans suivant l'approbation du PLH, ce délai étant réduit à un an pour permettre la réalisation d'un ou plusieurs programmes de logements prévus dans un secteur de la commune par le PLH et nécessitant une modification du plan.

4.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

L'introduction de cette précision s'agissant du contenu des PLH aura un faible impact direct en matière sociale, économique et environnemental. Il s'agit là d'un dispositif vertueux, dont les impacts ne pourront se mesurer qu'à long terme, et en particulier lors de l'approbation des PLU et sa mise en oeuvre par la délivrance des permis de construire pour les opérations de logements.

4.3. Impacts financiers et budgétaires

Les impacts financiers pour les porteurs du projet seront nuls.

Les impacts budgétaires de cette disposition pour les personnes publiques, État et collectivités territoriales ainsi que leurs établissements publics seront également faibles.

4.4. Impacts administratifs

Les impacts administratifs de ces dispositions nouvelles seront faibles : ce sont les EPCI qui seront chargés de tenir compte de cette obligation nouvelle dans l'élaboration du PLH.

5. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

- Dans le temps

La mise en oeuvre de la loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs pourra prévoir, s'agissant de cet article, une entrée en vigueur immédiate.

- Dans l'espace

Le texte ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer.

- Textes d'application

Il n'est pas prévu de texte d'application.

ARTICLE 24 : MOBILISER LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS FONCIERS (EPF) LOCAUX ET DE L'ÉTAT POUR LES CENTRES VILLES

1. ÉTAT DES LIEUX ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

Les EPF (établissements publics fonciers) sont des établissements à caractère industriel et commercial créés en considération d'enjeux d'intérêt général en matière d'aménagement et de développement durables.

L'objet et la forme des EPF E (établissements publics foncier de l'État) sont définis par l'article L.321-1 et suivant du code de l'urbanisme et l'article R.321-1 et suivant du code de l'urbanisme.

L'objet et la forme des EPF L (établissements publics foncier locaux) sont définis par l'article L.324-1 et suivant et l'article R.324-1 et suivant du code de l'urbanisme.

S'agissant des EPFE , leur régime a fait l'objet d'une réécriture amorcée par voie d'ordonnance (ord. N° 2011-1068, 8 septembre 2011), finalisée par décret (D. n° 2011-1900, 20 décembre 2011) et modifiée par décret (D.2015-980 du 31 juillet 2015) et par la loi (loi ALUR n° 2014-366 du 24 mars 2014 et loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté).

Dans les territoires où les enjeux d'intérêt général en matière d'aménagement et de développement durables le justifient, l'État peut, à son initiative, créer des établissements publics fonciers, par décret en Conseil d'État pris après avis des conseils régionaux, des conseils généraux, des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre compétents en matière de PLU, des conseils municipaux des communes de 20 000 habitants et non membres de ces établissements, situés dans leur périmètre de compétence.

Lorsque le périmètre de l'EPFE se superpose avec le périmètre d'un EPFL existant, sa création nécessite l'accord préalable des collectivités concernées. L'avis ou l'accord est réputé favorable s'il n'est pas émis dans un délai de trois mois.

Le décret constitutif de l'EPFE détermine son objet, son périmètre de compétence et éventuellement sa durée. Il fixe ses statuts.

S'agissant des EPFL , instaurés par la loi d'orientation pour la ville du 13 juillet 1991, leur gouvernance a fait l'objet d'une rénovation, applicable depuis le 23 juin 2011 (D. n° 2011-696, 20 juin 2011). La loi ALUR n° 2014-366 du 24 mars 2014 (article 16) et la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 (article 102) relative à l'égalité et à la citoyenneté sont par la suite venu modifier le régime des EPFL dans un soucis notamment de mieux répartir l'offre de logement social sur les territoires et favoriser le développement des stratégies foncières.

L'EPFL est un opérateur foncier extérieur fondé sur un principe de mutualisation des moyens, qui peut assurer pour le compte des collectivités l'ensemble des prestations nécessaires à l'acquisition et ou portage foncier. Dans la chaîne de l'aménagement, l'EPFL se situe entre d'une part, les organismes de planification et d'études (services d'État, agence d'urbanisme, services d'urbanisme des collectivités locales), qui définissent les orientations stratégiques et élaborent les documents de programmation et de planification et, d'autre part, les opérateurs qui viabilisent les terrains, construisent les bâtiments et les commercialisent ( Guide sur les établissements publics fonciers locaux, Direction générale de l'Urbanisme, de l'habitat et de la construction, avril 2003 ).

Les EPFL sont créés par le préfet de région au vu des délibérations concordantes des organes délibérants des EPCI compétents en matière de PLH, ainsi que, le cas échéant, de conseils municipaux de communes non-membres de l'un de ces établissements. Les régions et les départements sur le territoire desquels l'EPFL est établi peuvent participer à sa création ou y adhérer. Lorsque les EPCI et les communes appartiennent à plusieurs régions, la décision est prise par arrêté conjoint des préfets concernés.

Le préfet dispose d'un délai de trois mois à compter de la transmission des délibérations pour se prononcer sur la création de l'EPFL. En cas de refus, la décision doit être motivée. C'est afin de garantir la pertinence du périmètre des établissements créés que la loi ALUR a supprimé l'autorisation tacite résultant du silence gardé par le préfet.

Missions des EPF :

Les EPF ont pour mission principale de mettre en place des stratégies foncières afin de mobiliser du foncier et de favoriser le développement durable et la lutte contre l'étalement urbain. Ces stratégies contribuent à la réalisation de logements, notamment de logements sociaux, en tenant compte des priorités définies par les programmes locaux de l'habitat (PLH).

Dans le cadre de leurs compétences, les EPF peuvent également contribuer au développement des activités économiques, à la politique de protection contre les risques technologiques et naturels ainsi qu'à titre subsidiaire, à la préservation des espaces naturels et agricoles en coopération avec la société d'aménagement foncier et d'établissement rural et les autres organismes chargés de la préservation de ces espaces, dans le cadre de conventions.

Compétences des EPF :

Les EPF sont compétents pour :

- réaliser toutes acquisitions foncières et immobilières dans le cadre de projets conduits par les personnes publiques et pour réaliser ou faire réaliser toutes les actions de nature à faciliter l'utilisation et l'aménagement ultérieur, au sens de l'article L.300-1, des biens fonciers ou immobiliers acquis ;

- constituer des réserves foncières.

Les biens acquis ont vocation à être cédés ou à faire l'objet d'un bail.

Depuis la loi ALUR (article 66), les EPFE peuvent se voir confier la coordination des opérations de requalification des copropriétés dégradées (ORCOD) mises en place par l'État, les collectivités locales ou leur groupement pour lutter contre l'indignité et la dégradation des immeubles en copropriété.

Les EPFL sont, compétents pour réaliser, pour leur compte, pour le compte de leurs membres ou de toute personne publique, toute acquisition foncière ou immobilière, en vue de la constitution de réserves foncières ou de la réalisation d'actions ou d'opérations d'aménagement.

Les EPFL interviennent sur le territoire des communes ou des EPCI qui en sont membres. À titre exceptionnel, ils peuvent intervenir à l'extérieur de ce territoire pour des acquisitions nécessaires à des actions ou opérations menées à l'intérieur de celui-ci.

Cadre d'intervention des EPFE : les plans pluriannuels d'intervention (PPI) :

L'EPFE doit approuver dans un délai de deux ans suivant sa création un programme annuel d'intervention (article R. 321-15, I du code de l'urbanisme). Il s'agit d'un document stratégique de long terme qui a vocation à renforcer le pilotage de l'État et la sécurité juridique des modes d'intervention. Ce PPI :

- définit ses actions, leurs modalités et les moyens mis en oeuvre ;

- précise les conditions de cession du foncier propres à garantir un usage conforme aux missions de l'EPF ;

- tient compte tant des orientations stratégiques définies par l'autorité administrative compétente de l'État que des priorités énoncées dans les documents d'urbanisme ainsi que des objectifs de réalisation de logements précisés par les programmes locaux de l'habitat (article L.321-5 du code de l'urbanisme).

Moyens d'action des EPF :

Les EPFE peuvent agir par voie d'expropriation, exercer les droits de préemption et de priorité définis par le code de l'urbanisme et exercer le droit de préemption prévu par le 9° de l'article L.143-2 du code rural et de la pêche maritime.

Les EPFL peuvent, par délégation de leurs titulaires, exercer les droits de préemption et de priorité, ou agir par voie d'expropriation. Ils peuvent également exercer le droit de préemption agricole.

À la demande des collectivités, les EPFL peuvent se voir confier la gestion des procédures de délaissement d'immeubles grevés par une servitude d'urbanisme et peuvent notamment agir dans le cadre des emplacements réservés prévus par le PLU.

Sauf convention, aucune opération de l'établissement public ne peut être réalisée sans l'avis favorable de la commune sur le territoire de laquelle l'opération est prévue. Cet avis est réputé donné dans un délai de deux mois à compter de la saisine de la commune (article L.324-1 du code de l'urbanisme).

Tout comme s'agissant des PLH, destinés à orienter quantitativement et qualitativement la production de logements mais qui ne tienne pas compte d'une localisation préférentielle de ces derniers dans les centres villes, force est de constater que les actions conduites de par les EPF, qu'ils soient étatiques ou locaux tiennent rarement compte de la localisation préférentielle leur intervention.

Une telle politique a par conséquent souvent conduit à favoriser des interventions pour le développement de zones d'activités économiques, pour la préservation des espaces agricoles, pour la prise en compte des risques naturels, au détriment d'action opérationnelle dirigées vers les centres villes.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS

Les politiques foncières sont un levier majeur pour parvenir à l'objectif de développement de l'offre de logements tout en limitant l'artificialisation des sols. Cet axe d'intervention répond à une logique quantitative et qualitative prenant en compte un développement de la mixité sociale, fonctionnelle et générationnelle, pour répondre aux objectifs fixés par l'État. Les EPF qui interviennent en appui des collectivités, sont des acteurs essentiels de ces politiques foncières.

L'effort de construction est essentiel pour la cohésion des territoires. Or, les projets de développement des territoires se construisent dès la phase de mobilisation du foncier.

Dans cette perspective, le rôle des EPF est essentiel pour fluidifier le fonctionnement du marché immobilier en recyclant le foncier mobilisable, contribuer à la régulation du coût du foncier dans les secteurs tendus, inciter les collectivités territoriales à renforcer leur stratégie foncière en faveur d'une production diversifiée de logements, et anticiper la mise en oeuvre de grands projets d'aménagement.

Les opérations pour lesquelles les EPF interviennent doivent prendre prioritairement la forme d'opérations de reconstruction de la ville sur la ville, afin de contribuer à la revitalisation de ces derniers.

3. OPTIONS ET DISPOSITIFS RETENUS

L'article 24 de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres villes et centre bourgs prévoit d'inscrire parmi les missions fixées par la loi aux établissements publics fonciers locaux et d'État la participation aux stratégies et opérations visant à préserver ou revitaliser les centres des villes et bourgs.

4. IMPACTS DE LA LOI

4.1. Impacts juridiques

L'introduction de cette précision n'aura pas d'impact juridique, dans la mesure où la rédaction prend la forme d'une précision s'agissant du domaine d'intervention prioritaire des EPF.

4.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

L'introduction de cette précision s'agissant des missions dévolues aux EPF aura un faible impact direct en matière sociale, économique et environnemental. Il s'agit là d'un dispositif vertueux, dont les impacts ne pourront se mesurer qu'à long terme, et en particulier lors des bilans des actions des EPF.

4.3. Impacts financiers et budgétaires

Les impacts financiers pour les porteurs du projet seront nuls.

Les impacts budgétaires de cette disposition pour les personnes publiques, État et collectivités territoriales ainsi que leurs établissements publics seront également faibles.

4.4. Impacts administratifs

Les impacts administratifs de ces dispositions nouvelles seront nuls.

5. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

5.1. Modalités d'application dans le temps

La mise en oeuvre de la loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs pourra prévoir, s'agissant de cet article, une entrée en vigueur immédiate.

5.2. Modalités d'application dans l'espace

Le texte ne s'applique pas aux territoires d'outre-mer.

5.3. Textes d'application

Il n'est pas prévu de texte d'application.

ARTICLE 25 : INSCRIRE L'AIDE À LA DÉMOLITION ET AUX ACQUISITIONS-AMÉLIORATIONS EN CENTRES-VILLES ET CENTRES-BOURGS DANS LES MISSIONS DU FONDS NATIONAL DES AIDES À LA PIERRE (FNAP)

1. ÉTAT DES LIEUX

Le Fonds national d'aide à la pierre (FNAP) a été créé à l'article 144 de la loi de finance pour 2016. Le décret n° 2016-901 du 1 er juillet 2016 en précise les modalités de fonctionnement.

Présenté comme la pierre angulaire du financement du logement social, le Fnap constitue un établissement public à caractère administratif ayant pour objet de contribuer, sur le territoire de la France métropolitaine, au financement des opérations de développement, d'amélioration et de démolition du parc de logements locatifs sociaux appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré, aux sociétés d'économie mixte et à certains organismes de maîtrise d'ouvrage (SEM...).

Il peut contribuer, à titre accessoire, au financement d'autres opérations conduites par des personnes morales pouvant bénéficier de prêts et de subventions pour la construction, l'acquisition et l'amélioration des logements locatifs aidés.

Le Fnap peut aussi financer des actions d'ingénierie ayant pour objectif de promouvoir l'accès au logement des personnes et familles défavorisées, le développement et la gestion du système national d'enregistrement (SNE) ainsi que les procédures applicables au dépôt et au renouvellement des demandes d'attribution de logements sociaux.

Il peut encore financer, à titre accessoire, des actions d'accompagnement visant à moderniser le secteur du logement social.

Les ressources du fonds sont constituées principalement par :

- une fraction des cotisations additionnelles versées par les organismes HLM à la Caisse de garantie du logement locatif social ;

- une fraction de la taxe sur les plus-values réalisées par ces mêmes organismes à l'occasion de cessions de logements ;

- des subventions et contributions de l'État.

Un premier bilan en a été établi par la commission des finances du Sénat, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finance pour 2017.

Philippe Dallier, son rapporteur, relève la pertinence de ce nouvel outil, qui « devrait permettre d'offrir un meilleur cadre pour définir les modalités de financement et de gestion des aides à la pierre et assurer une meilleure gouvernance du système tout en garantissant un financement pérenne et visible du logement social et [en accroissant] la mutualisation entre les bailleurs sociaux ».

En termes de gouvernance, la mise en place de cette structure, qui associe l'État, les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales, « constitue à la fois un gage de transparence et de gouvernance collégiale ».

Le rapport s'interroge en revanche sur les modalités de territorialisation des crédits. Ces modalités doivent notamment « permettre un équilibre entre les différents types de logements financés et maintenir le principe de la priorité de la construction de logements sociaux dans les zones les plus tendues ».

Le rapporteur s'étonne qu'au cours des auditions réalisées par la commission, certains membres du Fnap ont exprimé le souhait de « favoriser les collectivités qui réaliseraient le plus d'effort de construction et [d']éviter que les aides à la pierre ne soutiennent trop les communes carencées et les moins volontaires, pour éviter les éventuels effets d'aubaine ». Il juge « surprenant qu'un tel critère de répartition soit mis en place, alors qu'il semblerait, au contraire, nécessaire d'appuyer les projets de construction des communes carencées, sans, bien entendu, aller jusqu'à ce que les aides à la pierre ne compensent leur désengagement ».

Plus récemment, un second rapport également établi par commission de finance du Sénat s'inquiète de l'incertitude pesant chaque année sur les crédits de paiement inscrits au titre des aides à la pierre sur le budget de l'État. Ces crédits ont chuté globalement de 90 % entre 2011 et 2018.

S'agissant plus particulièrement du Fnap, les crédits du fonds pour 2016, initialement prévus pour un montant de 250 millions d'euros, ont finalement été réduits à 150 millions d'euros.

Pour 2018, la loi de finances prévoit un financement des aides à la pierre à hauteur de 50 millions d'euros en autorisation d'engagement comme en crédits de paiement, contre 200 millions en 2017.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

2.1. Obligation de légiférer

La réforme des modalités de territorialisation des crédits du FNAP nécessite un véhicule législatif.

2.2. Objectifs poursuivis

L'article 25 de la présente proposition de loi vise à encourager le FNAP à intervenir dans les centres-villes et centres-bourgs, souvent délaissés par les politiques publiques d'aide au logement, en inscrivant cette mission parmi ses attributions fixées par la loi.

3. IMPACTS DE LA LOI

3.1. Impacts juridiques

Cette disposition nécessite de modifier l'article L. 435-1 du code de la construction et de l'habitation.

3.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

L'impact d'une réorientation du Fnap en faveur des OSER reste difficile à apprécier sur le temps d'application du dispositif en raison :

- de l'incertitude qui pèse sur l'inscription des crédits de paiements sur le budget de l'État ;

- de la méconnaissance actuelle du parc locatif social existant au sein des périmètres OSER.

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur dès la promulgation de la loi.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain.

4.3. Textes d'application

Il n'est pas prévu de mesure réglementaire d'application.

CHAPITRE SEPT : RÉÉQUILIBRER LA FISCALITÉ POUR PERMETTRE LE DÉVELOPPEMENT DES CENTRES-VILLES ET CENTRES-BOURGS

Article 26 : Institution d'une contribution pour la lutte contre l'artificialisation, des terres

1. ÉTAT DES LIEUX

Le déploiement du programme OSER appelle de nouvelles sources de financement que la présente proposition de loi propose de couvrir pour partie par la création d'une contribution pour la lutte contre l'artificialisation des terres.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

2.1. Objectifs poursuivis

Cette contribution, au-delà du produit qui en est attendu, est également conçue comme une mesure visant à :

- aider les centres-villes à requalifier leurs friches commerciales artisanales et tertiaires ;

- ralentir l'artificialisation des sols et orienter l'effort de construction vers des espaces déjà artificialisés ;

- rééquilibrer les charges foncières entre centre et périphérie.

a) Requalification des friches

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové a institué un dispositif anti-friches commerciales aux alinéas 11 et 12 de l'article L. 752-1 et aux articles R. 752-46 à R. 752-48 du code de commerce. Toutefois, ce dispositif curatif n'a jusqu'à présent jamais été mis en oeuvre.

b) Ralentir l'artificialisation des sols

Selon Eurostat, les sols artificialisés recouvrent les sols bâtis et les sols revêtus et stabilisés (routes, voies ferrées, parkings, chemins...). Le ministère de l'Agriculture en France retient une définition plus large, qui recouvre également d'autres « sols artificialisés », comme les chantiers, les terrains vagues, et les espaces verts artificiels. L'artificialisation correspond à un changement d'utilisation, laquelle n'est pas nécessairement irréversible.

Les sols artificialisés continuent de s'étendre, avec 490.000 hectares gagnés entre 2006 et 2014. Après un pic entre 2006 et 2008, leur progression se stabilise autour de 55.000 hectares par an depuis 2008. Ils constituent désormais 9,4% du territoire métropolitain (voir figure).

Cette extension s'est effectuée pour deux tiers aux dépens des espaces agricoles. Les sols imperméabilisés - bâtis ou non - occupent deux tiers de l'ensemble des sols artificialisés. Près de la moitié des terres artificialisées entre 2006 et 2014 sont destinées à l'habitat individuel et 16% aux réseaux routiers.

Solde des échanges de terre artificialisées (gain ou perte)
entre 2006 et 2014, selon l'utilisation du sol

Source : SPP - Agreste - Enquête Teruti-Lucas

Ainsi, comme le souligne le secrétaire d'État auprès du ministre de la Cohésion des territoires Julien Denormandie : « Sur certains territoires, il y a des villes ou des villages où les centres-villes périclitent, parce que l'ensemble des constructions nouvelles se font en périphérie, au détriment de la production agricole. Cela pose un problème pour tous les Français. ».

L'étalement se traduit donc d'abord par une consommation de terres excessive et souvent une imperméabilisation des sols.

c) Rééquilibrer les coûts fonciers entre centre et périphérie

La présente proposition de loi vise à rééquilibrer les coûts fonciers entre centre et périphérie en instaurant une contribution pour la lutte contre l'artificialisation des terres. Cette contribution pèserait dans tous les territoires, hors périmètre OSER, sur les locaux commerciaux, les locaux de stockage destinés au commerce électronique et les surfaces de stationnement annexées ou non à ces catégories de locaux.

Le taux de la taxe serait préfixé à :

- 12 euros au m² pour les locaux commerciaux ;

- 18 euros au m² pour les locaux de stockage destinés à l'entreposage en vue de la livraison de biens à destination de toute personne physique ou morale non assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et commandés par voie électronique ;

- 6 euros au m² pour les surfaces de stationnement.

Dans les communes ou les EPCI ayant pris la décision d'engager une opération de sauvegarde économique et de redynamisation des centres-villes et centres bourgs, le taux de la contribution pourrait être augmenté de 10 à 30 % pour faire face aux dépenses spécifiques générées par une telle opération.

Seraient exonérés de la contribution :

- les locaux situés dans le périmètre d'une opération de sauvegarde économique et de redynamisation ;

- les locaux situés dans une zone franche urbaine-territoire entrepreneur ;

- les locaux commerciaux d'une superficie inférieure à 400 m², les locaux de stockage d'une superficie inférieure à 1 000 m² et les surfaces de stationnement de moins de 200 m² ;

- les locaux de stockage appartenant aux sociétés coopératives agricoles ou à leurs unions ;

- les magasins de producteurs commercialisant leurs produits dans le cadre d'un circuit court organisé à l'attention des consommateurs mentionnés à l'article L. 611-8 du code rural et de la pêche maritime ;

- les locaux et les surfaces de stationnement appartenant aux fondations et aux associations, reconnues d'utilité publique, dans lesquels elles exercent leur activité, ainsi que les locaux spécialement aménagés pour l'archivage administratif et pour l'exercice d'activités de recherche ou à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel ;

- les locaux administratifs et les surfaces de stationnement des établissements publics d'enseignement du premier et du second degré et des établissements privés sous contrat avec l'État au titre des articles L. 442-5 et L. 442-12 du code de l'éducation ;

- les entreprises artisanales, ainsi que les entreprises commerciales dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 10 millions d'euros pour les établissements commerciaux à dominante alimentaire, 1,5 million d'euros pour les établissements de commerce de détail d'équipement de la maison et 3 millions d'euros pour les établissements de commerce de détail d'équipement de la personne.

2.2. Obligation de légiférer

La création d'une contribution pour la lutte contre l'artificialisation des terres nécessite un nouveau véhicule législatif.

3. IMPACTS DE LA LOI

3.1. Impacts juridiques

L'article 26 de la présente proposition de loi vient modifier le I de la section VII du chapitre I er du titre I er de la deuxième partie du livre I er du code général des impôts. Ces modifications portent sur :

- la création de la contribution annuelle pour la lutte contre l'artificialisation des terres ;

- son assiette, la fixation de ses taux et modulations ;

- les bénéficiaires de la taxe ;

- ses modalités de recouvrement.

3.2. Impacts économiques et financiers

Si la contribution devait s'appliquer aux seuls nouveaux locaux créés, et non aux locaux existants, son produit pourrait être estimé à environ 62 M€/an (voir tableaux).

Répartition des surfaces autorisées en commerces, bureaux, locaux artisanaux, industriels et entrepôts chaque année en France, hypothèse d'une taxe appliquée aux seuls aux nouveaux locaux créés

2012

2013

2014

2015

2016

Moyenne

Commerce

5.080.925

4.287.678

3.853.234

4.245.814

4.838.018

4.460.000

Bureaux

5.010.412

4.475.382

3.666.451

3.880.200

4.272.260

4.261.000

Locaux artisanaux

1.612.067

1.357.554

1.364.044

1.326.610

1.417.995

1.415.000

Locaux industriels

3.939.177

3.109.197

2.870.931

3.063.261

3.611.674

3.319.000

Locaux agricoles

6.890.133

11.368.632

9.181.553

10.888.813

10.039.457

9.674.000

Entrepôts

5.790.100

4.394.777

4.564.984

4.817.515

6.178.206

5.149.000

Autre

8.055.530

7.621.942

6.110.621

6.138.988

6.658.799

6.917.000

Total

36.378.344

36.615.162

31.611.818

34.361.201

37.016.409

35.196.000

Source : Syt@del

Estimation du produit annuel de la nouvelle taxe

Surface de référence en m²

Taux applicables

Produits

Commerce

4.460.000

12€/m² pour 2/3

6€/m² pour 1/3

44 M

Entrepôts pure player (estimation)

1.000.000

18

18 M

Total

8.721.000

-

62 M

Si la contribution devait s'appliquer aux locaux existants, son produit pourrait être estimé à environ 600 M€ par an ( hors entrepôts e-commerce et hors exonérations ).

Catégorie
du local

Total des espaces de stationnement

(millions m 2 )

Produit
au tarif
de 6 €/m 2

Catégorie
du local

Total de la surface de vente (millions m 2 )

Produit au tarif de 12 €/m 2

Total annuel du produit

Magasins de grande surface (surface principale comprise entre 400 et 2 499 m 2 )

38,9

38,9x6
=233,4M€/an

Supermarchés

7,5

7,5x12
= 90 M€/an

Magasins de très grande surface (surface principale égale ou supérieure à 2 500 m 2 )

27,6

165,6

Hypermarchés

10,7

10,7x12
= 128,4 M€/an

TOTAL

66,5

399 M€/an

18,2

218,4 M€/an

617,4 M€/an

En région ile de France, il existe déjà une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, locaux commerciaux, locaux de stockage et surfaces de stationnement qui y sont annexées ainsi qu'une taxe additionnelle annuelle sur les surfaces de stationnement. La première est affectée à la Région et à l'État, qui l'affecte en partie à l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL), et à la Société du Grand Paris (SGP). La seconde revient à la région pour des dépenses d'investissements publics en faveur des transports en commun.

Les tarifs 2018 au m2 de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, locaux commerciaux, locaux de stockage et surfaces de stationnement sont les suivants :

Zone 1

Zone 2

Zone 3

Locaux à usage de bureaux :

- Tarif normal

17,55 €

10,41 €

5,01 €

- Tarif réduit

8,71 €

6,25 €

4,53 €

Locaux commerciaux

7,75 €

4,00 €

2,02 €

Locaux de stockage

4,01 €

2,02 €

1,03 €

Surfaces de stationnement

2,34 €

1,36 €

0,70 €

La taxe annuelle sur les surfaces de stationnement en Île-de-France (68 M€ en 2018) est perçue suivant les mêmes modalités que la taxe sur les locaux de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement à laquelle elle s'ajoute.

Au titre de 2018, les tarifs sont les suivants :

- 4,36 euros pour la première circonscription (Paris et le département des Hauts-de-Seine) ;

- 2,51 euros pour la deuxième circonscription (les communes de l'unité urbaine de Paris telle que délimitée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et du budget autres que Paris et les communes du département des Hauts-de-Seine) ;

- 1,27 euros pour la troisième circonscription (autres communes de la région d'Ile-de-France).

Pour éviter la superposition de ces différentes taxes pour un même acteur économique, il pourrait être envisagé de déduire de la contribution annuelle contre l'artificialisation les montants déjà dus au titre de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, locaux commerciaux, locaux de stockage et surfaces de stationnement et de la taxe annuelle sur les surfaces de stationnement en Île-de-France.

3.3. Impacts administratifs

Le recouvrement de la taxe impliquera un surcroît de travail principalement au niveau de l'administration préfectorale des départements.

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur dès la promulgation de la loi.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

4.3. Textes d'application

Il n'est pas prévu de mesure réglementaire d'application.

ARTICLE 27 : CRÉATION D'UNE TAXE SUR LES LIVRAISONS LIÉES AU COMMERCE ÉLECTRONIQUE AU PROFIT DES TERRITOIRES SIGNATAIRES D'UNE CONVENTION « OSER »

1. ÉTAT DES LIEUX

L'électronisation du commerce a conduit à l'émergence de nouvelles entreprises de vente à distance (VAD). Ces entreprises de vente à distance, en particulier les plus importantes d'entre elles, bénéficient d'avantages très compétitifs liés à leur modèle d'affaires mais aussi, à des conditions fiscales très avantageuses par rapport aux entreprises de commerce physique.

Disposant d'un nombre très réduit d'implantations sur le territoire national, elles ne sont pas assujetties aux taxes fondées sur une assiette foncière comme, par exemple, la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe sur les surfaces commerciales ou encore la cotisation foncière des entreprises.

La cCmmission européenne s'est saisie de ce problème d'équité fiscale. La mise en place d'un système européen de taxation des entreprises de VAD est en cours et devrait s'appliquer à l'ensemble des États membres au plus tard en 2021.

La directive n° 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 vient réformer le système européen de TVA appliqué aux entreprises de ventes à distance aussi bien intra-UE qu'en provenance de pays tiers, en supprimant deux dispositions issues de précédents textes :

- suppression des régimes particuliers pour l'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée aux entreprises de VAD. Les entreprises de VAD de l'UE seront soumises au taux de TVA de la VAD du pays membre acheteur ;

- suppression de la franchise de TVA sur les importations des petits envois d'une valeur négligeable (22 € en France).

La directive prévoit également :

- que les entreprises de VAD de pays tiers seront soumises au régime de l'importation et au taux de TVA du pays membre acheteur ;

- que les entreprises de VAD effectueront l'ensemble de leur déclaration de TVA à partir d'un numéro d'immatriculation unique sur une plateforme européenne chargée de reverser à chaque État membre les montants de taxe prélevés.

Les États membres auront jusqu'au 31 décembre 2018 et jusqu'au 31 décembre 2020 pour transposer les dispositions correspondantes de la directive dans les lois et règlements nationaux. Le règlement concernant la coopération administrative entrera en application à partir du 1 er janvier 2021.

C'est dans cette perspective que le gouvernement actuel a lancé début 2018 une mission sur les « distorsions fiscales entre commerces physiques et numériques pouvant affecter toutes les formes de commerce et notamment les activités de centre-ville ».

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

2.1. Objectifs poursuivis

L'article 27 ambitionne de traiter la question de l'iniquité fiscale entre commerce électronique et commerce physique sans plus de délais par la création d'une taxe. En outre, cette taxe est conçue comme une mesure correctrice des externalités négatives liées à la démultiplication des livraisons induites par les achats à distance.

Il est en effet à noter que si le chiffre d'affaires du commerce électronique progresse d'année en année en France, le montant moyen des achats tend lui à diminuer, marquant une banalisation des achats sur ce canal de vente. Incidemment, la progression des ventes du commerce électronique se traduit par une atomisation croissante des livraisons (toujours plus de trajets pour des colis toujours plus petits). Or, cette mobilité additionnelle participe :

- de la saturation des voies de circulation ;

- de l'augmentation des conflits d'usage sur la voie publique (en l'absence d'espaces logistiques adaptés à ces flux) ;

- de l'augmentation de la pollution urbaine (les véhicules assurant les livraisons du dernier kilomètre figurent parmi les plus anciens et les plus polluants du parc de véhicules en circulation en ville - source Ifstar).

Ces nouveaux défis urbains trouvent peu à être régulés dans la planification urbaine actuelle. La plupart des plans de déplacement urbain intégrés aux Schémas de cohérence territoriale ignorent ces flux et n'anticipent absolument pas leur développement à terme. Le produit de cette nouvelle taxe serait affecté au financement du programme OSER.

2.2. Obligation de légiférer

La création d'une taxe sur les livraisons liées au commerce électronique au profit des territoires signataires d'une convention « OSER » nécessite un véhicule législatif.

3. IMPACTS DE LA LOI

3.1. Impacts juridiques

L'article 27 de la présente proposition de loi vient modifier le I de la section 7 du chapitre premier du titre I er de la deuxième partie du livre I er du code général des impôts.

Ces modifications portent sur :

- la création de la taxe annuelle sur la livraison de biens à destination de toute personne physique ou morale non assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et commandés par voie électronique ;

- la définition de son assiette et de ses taux de prélèvement ;

- ses modalités de recouvrement.

3.2. Impacts économiques et financiers

Les impacts précis de cette mesure, notamment en termes de nouveaux produits de prélèvement, restent impossibles à mesurer, compte tenu de l'absence de données consolidées à l'échelle des territoires sur les flux de marchandises (origine, nature, valeur, destination) ayant fait l'objet d'une vente à distance.

- pour les entreprises de vente à distance : il est probable que cette mesure les incite à rechercher des solutions de stockage situées au plus près du consommateur : consignes, points relais, espaces logistiques de proximité, etc. Certaines entreprises pourraient également être tentées de reporter la charge de la taxe sur leur prestataire logistique ;

- pour les entreprises physiques : celles développant une activité de vente à distance (elles sont de plus en plus nombreuses dans ce cas dans le commerce organisé) seront également frappées par la taxe. Toutefois, elles pourront réduire son impact par le développement du click and collect (achat en ligne, retrait en magasin physique), à condition de disposer d'un maillage dense de points de vente ;

- pour les collectivités : le produit de la taxe ne profitera qu'aux communes en convention OSER ;

- pour le consommateur : la taxe devrait avoir peu de répercussion sur le prix des produits offerts à la vente à distance.

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur dès la promulgation de la loi.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

4.3. Textes d'application

Il n'est pas prévu de mesure réglementaire d'application.

ARTICLE 28 : EXONÉRATION ET MODULATION DE LA TAXE SUR LES SURFACES COMMERCIALES DANS LES TERRITOIRES SIGNATAIRES D'UNE CONVENTION « OSER »

1. ÉTAT DES LIEUX

La TASCOM a succédé à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA), créée par l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et d'artisans.

La TASCOM, tout comme la TACA, a été conçue comme une mesure d'équilibre en faveur des commerces de centre-ville, exposés à une concurrence croissante des grandes surfaces de périphérie.

La TASCOM est due par les établissements commerciaux permanents, quels que soient les produits vendus au détail, situés en France (départements d'outre-mer compris), qui cumulent les caractéristiques suivantes :

- leur chiffre d'affaires annuel est supérieur ou égal à 460.000 € hors taxes ;

- leur surface de vente dépasse 400 m².

La taxe ne s'applique pas aux établissements :

- ouverts avant 1960 ;

- dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 460.000 € ;

- dont la surface commerciale est inférieure à 400 m².

Le montant de la taxe est majoré de :

- 30 % pour les établissements de plus de 5.000 m², réalisant un chiffre d'affaires de plus de 3.000 € par m² ;

50 % pour les établissements de plus de 2.500 m².

Le montant de la taxe est en revanche réduit :

- de 30 % pour les commerces à titre principal de meubles, d'automobiles, de machinisme agricole et de matériaux de construction ;

- de 30 % pour les jardineries et pépiniéristes (commerces à titre principal de fleurs, de plantes, de graines, d'engrais) et les animaleries (commerces à titre principal d'animaux de compagnie et d'aliments pour ces animaux) ;

- de 20 % pour les établissements, dont la surface est comprise entre 400 m² et 600 m², qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 3.800 € par m² ;

- d'une franchise de 1.500 € pour un établissement situé en zone urbaine sensible (ZUS).

Enfin, le montant de la taxe peut être modulé, sur délibération préalable de la collectivité territoriale à qui est affectée la taxe (commune ou EPCI), en lui appliquant un coefficient multiplicateur compris entre 0,8 et 1,2.

Le régime de la TASCOM a connu plusieurs évolutions, s'étant traduites par une augmentation régulière des niveaux de prélèvement : élargissement de son assiette aux commerces succursalistes en 2007 ; majoration de 20% dans le cadre de la réforme de la contribution économique territoriale en 2010 ; augmentation de 50 % pour les magasins à partir de 2 500 m 2 en 2014.

Le produit de la TASCOM s'est élevé à près de 800 millions d'euros en 2016.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

2.1. Objectifs poursuivis

L'article 28 de la présente loi vise à permettre de moduler la TASCOM dans les périmètres des conventions « OSER » pour tenir compte des difficultés des centres-villes et centres-bourgs.

Alors qu'à l'origine, la TASCOM était destinée, comme la TACA, à soutenir spécifiquement le petit commerce et l'artisanat, son assiette comme ses exonérations n'ont pas véritablement pris en compte les spécificités des centres-villes en termes de handicaps et de déprise économique. Or, sa dimension structurante ne peut être négligée compte tenu de son produit. Plus généralement, la fiscalité des commerces ne tient pas compte des difficultés spécifiques des centres-villes qui doivent faire face à la concurrence des périphéries et du e-commerce, mais aussi aux handicaps spécifiques des centres-villes en termes de coûts (foncier, loyers, mise aux normes...).

L'article 28 propose de moduler la TASCOM dans les communes signataires d'une convention « OSER » en prévoyant son exonération dans le périmètre proprement dit et, en contrepartie, son augmentation de 30 % en dehors du périmètre pour les commerces d'une surface de vente supérieure à 2.000 m 2 .

2.2. Obligation de légiférer

La révision du régime de la TASCOM en faveur des OSER nécessite un véhicule législatif.

3. IMPACTS DE LA LOI

3.1. Impacts juridiques

L'article 28 de la présente proposition de loi vient apporter une modification à l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972, portant sur l'assiette, les taux et modulation de prélèvement de la Tascom dans les périmètres OSER.

3.2. Impacts économiques et financiers

Les impacts précis de cette mesure, en termes de nouveaux produits de prélèvement, restent difficiles à mesurer, compte tenu de l'absence actuelle d'information sur le stock et les caractéristiques des entreprises cibles présentes dans les périmètres OSER. Toutefois, il est probable que celle-ci s'appliquent en premier lieu aux entreprises de grandes surfaces alimentaires, dont la présence en termes d'implantation de points de vente l'emporte sur les autres secteurs d'activité du commerce de détail dans les petites villes. La mesure devrait d'abord bénéficier aux formats alimentaires de plus de 400 m 2 présents dans le coeur des petites villes, soit des supermarchés (magasins à prédominance alimentaire d'une surface de vente comprise entre 400 et 2.500 m 2 ) et des supermarchés hard-discount. La taxe devrait d'abord frapper les formats alimentaires de plus de 400 m 2 situés en périphérie des villes, soit des grandes surfaces alimentaires (supermarchés et des hypermarchés). Les nouveaux prélèvements effectués sur les magasins de périphérie devraient compenser les exonérations accordées aux magasins situés dans le périmètre des OSER.

En définitive, cette mesure devrait donc se traduire par une augmentation du produit global de la taxe.

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur dès la promulgation de la loi.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

4.3. Textes d'application

Il n'est pas prévu de mesure réglementaire d'application.

ARTICLE 29 : RENFORCER LES SOCIÉTÉS D'INVESTISSEMENT IMMOBILIER COTÉES (SIIC) FACE AUX RISQUES SPÉCULATIFS ET LES ENCOURAGER À INVESTIR DANS LES CENTRES-VILLES

1. ÉTAT DES LIEUX

1.1. Le statut des SIIC

Les sociétés d'investissement immobilier cotées (SIIC) ont été créées par la loi de finance n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 sur le modèle anglo-saxon des « Real Estate Investment Trusts » (REITs).

Une SIIC est une société foncière réunissant les trois conditions suivantes (BOI-IS-CHAMP-30-20-10-20140304) :

« - être cotées sur un marché réglementé ;

- avoir un capital minimum de quinze millions d'euros ; le capital ou les droits de vote ne doivent pas être détenus directement ou indirectement, à hauteur de 60% ou plus par une ou plusieurs personnes agissant de concert au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce et, 15% du capital et des droits de vote d'une SIIC doivent être répartis entre des personnes en détenant chacune moins de 2% au premier jour d'application du régime ;

- avoir pour objet social principal l'acquisition ou la construction d'immeubles en vue de la location, ou la détention directe ou indirecte de participations dans des personnes morales à l'objet social identique soumises au régime des sociétés de personnes ou à l'impôt sur les sociétés. »

1.2. Le développement des SIIC

La France compte à fin 2017 un peu plus d'une trentaine de foncières cotées au marché de Paris, pour la plupart actives dans l'immobilier de commerce : Affine, Altarea Cogedim, ANF Immobilier, Argan, Bleecker, Carmila, CeGeREAL, Eurosic, FDL, Foncière Atland, Foncière de Paris, Foncière des Murs, Foncière des Régions, Foncière Inéa, Foncière Paris Nord, Frey, Gecina, Icade, Immobilière Dassault, Klépierre, Mercialys, MRM, Officiis Properties, Paref, Patrimoine & Commerce, SCBSM, Selectirente, SFL, Terreïs, Tour Eiffel, Unibail-Rodamco.

Les SIIC attirent une part importante de l'épargne immobilière en se classant au premier rang des propriétaires institutionnels d'immobilier en France (elles représentent 40 % du patrimoine total des propriétaires institutionnels) et en représentant entre 10 et 20 % de l'investissement annuel total en immobilier d'entreprise, selon la Fédération des sociétés immobilières et foncières (FSIF).

Les SIIC constituent les plus importants opérateurs du secteur de l'immobilier de commerce, tant en termes de patrimoine en gestion que de développement de projets 13 ( * ) .

Leur stratégie d'investissement suit deux voies distinctes depuis la crise de 2008 :

- un premier groupe de SIIC, le plus important, est engagé dans une stratégie prudentielle d'écrémage de ses actifs visant à asseoir la valeur de son patrimoine sur des actifs apportant des rendements relativement faibles mais sécurisés sur le long terme (en général de très grands centres commerciaux ou des rez-de-chaussée commerciaux situés dans les premières artères marchandes des grandes villes). Ce premier groupe a procédé à de nombreuses cessions d'actifs situés dans les villes moyennes durant ces dernières années et tend désormais à opérer exclusivement dans les métropoles françaises (et à l'international) ;

- un second groupe de SIIC, plus marginale, est engagé dans une stratégie « opportuniste » consistant à accroître rapidement la valeur de son patrimoine par le développement de nouveaux programmes (centres commerciaux et plus encore « retail park » - ensembles commerciaux à ciel ouvert composés en majorité de grandes et moyennes surfaces) ou l'acquisition de portefeuilles d'actifs existants 14 ( * ) . Ce second groupe vise à asseoir la valeur de son patrimoine sur des actifs plus à risque mais apportant des rendements plus élevés ou laissant espérer des plus-values de revente à court-moyen terme importantes. Il opère plus particulièrement dans les villes moyennes.

1.3. Le régime fiscal des SIIC

L'attrait des SIIC auprès des investisseurs repose sur un régime fiscal spécifique, défini à l'article 11 de la loi de finances n° 2002-1575 du 30 décembre 2002.

Les SIIC sont exonérées d'impôt sur les sociétés sur les revenus provenant de leur patrimoine immobilier détenu directement ou indirectement. En contrepartie, elles ont l'obligation de distribuer (BOI-IS-CHAMP-30-20-40-20150304) :

- 95 % des bénéfices provenant des opérations de location d'immeubles, avant la fin de l'exercice qui suit celui de leur réalisation ;

- 60 % des plus-values de cession d'immeubles, de participations dans des sociétés visées à l'article 8 du code général des impôts (CGI) ayant un objet identique aux SIIC ou de titres de filiales soumises à l'impôt sur les sociétés ayant opté, avant la fin du deuxième exercice qui suit celui de leur réalisation ;

- l'intégralité des dividendes reçus des filiales ayant opté, au cours de l'exercice qui suit celui de leur perception.

Ce régime fiscal a connu plusieurs révisions. Les bénéfices exonérés provenant des opérations de location des immeubles et les plus-values de cessions d'immeubles devaient à l'origine du statut être distribués respectivement à hauteur de 85 % et de 50 %.

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

2.1. Objectifs poursuivis

L'article 29 vise à renforcer les sociétés d'investissements immobiliers cotées (SIIC) face aux risques spéculatifs et à les encourager à investir dans les centres-villes. Sans remettre en cause le dispositif d'exonération des SIIC, cet article vise en premier lieu à améliorer l'information des porteurs sur la situation réelle de ces entreprises, concernant l'occupation de leur patrimoine.

Les SIIC sont actuellement soumises à un devoir d'information relatif à leur activité économique et à leur impact en matière environnementale, fixé à l'article L. 225-102-1 du code de commerce.

Cet article dispose :

I. - Une déclaration de performance extra-financière est insérée dans le rapport de gestion prévu au deuxième alinéa de l'article L. 225-100, lorsque le total du bilan ou le chiffre d'affaires et le nombre de salariés excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d'État :

1° Pour toute société dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ;

2° Pour toute société dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé.

II. - Les sociétés mentionnées au I qui établissent des comptes consolidés conformément à l'article L. 233-16 sont tenues de publier une déclaration consolidée de performance extra-financière lorsque le total du bilan ou du chiffre d'affaires et le nombre de salariés de l'ensemble des entreprises comprises dans le périmètre de consolidation excèdent les seuils mentionnés au I.

III. - Dans la mesure nécessaire à la compréhension de la situation de la société, de l'évolution de ses affaires, de ses résultats économiques et financiers et des incidences de son activité, la déclaration mentionnée aux I et II présente des informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité, ainsi que, pour les sociétés mentionnées au 1° du I, les effets de cette activité quant au respect des droits de l'homme et à la lutte contre la corruption. La déclaration peut renvoyer, le cas échéant, aux informations mentionnées dans le plan de vigilance prévu au I de l'article L. 225-102-4.

La déclaration comprend notamment des informations relatives aux conséquences sur le changement climatique de l'activité de la société et de l'usage des biens et services qu'elle produit, à ses engagements sociétaux en faveur du développement durable, de l'économie circulaire et de la lutte contre le gaspillage alimentaire, aux accords collectifs conclus dans l'entreprise et à leurs impacts sur la performance économique de l'entreprise ainsi que sur les conditions de travail des salariés et aux actions visant à lutter contre les discriminations et promouvoir les diversités.

Lorsque la société établit une déclaration consolidée de performance extra-financière conformément au II, ces informations portent sur l'ensemble des entreprises incluses dans le périmètre de consolidation conformément à l'article L. 233-16.

Ces informations font l'objet d'une publication librement accessible sur le site internet de la société.

Un décret en Conseil d'État précise les modalités de présentation et de publication de ces informations, selon que la société relève du 1° ou du 2° du I.

IV. - Les sociétés définies au I ou au II qui sont sous le contrôle d'une société qui les inclut dans ses comptes consolidés conformément à l'article L. 233-16 ne sont pas tenues de publier de déclaration sur la performance extra-financière si la société qui les contrôle est établie en France et publie une déclaration consolidée sur la performance extra-financière conformément au II du présent article ou si la société qui les contrôle est établie dans un autre État membre de l'Union européenne et publie une telle déclaration en application de la législation dont elle relève.

V. - Pour les sociétés dont le total du bilan ou le chiffre d'affaires et le nombre de salariés excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d'État, le cas échéant sur une base consolidée, les informations figurant dans les déclarations mentionnées au I et au II font l'objet d'une vérification par un organisme tiers indépendant, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. Cette vérification donne lieu à un avis qui est transmis aux actionnaires en même temps que le rapport mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 225-100.

VI. - Les sociétés qui s'acquittent de l'obligation énoncée au présent article sont réputées avoir satisfait à l'obligation prévue au 2° du I de l'article L. 225-100-1, pour ce qui concerne les indicateurs de performance de nature non financière.

Lorsque le rapport prévu au deuxième alinéa de l'article L. 225-100 ne comporte pas la déclaration prévue au I ou au II du présent article, toute personne intéressée peut demander au président du tribunal statuant en référé d'enjoindre, le cas échéant sous astreinte, au conseil d'administration ou au directoire, selon le cas, de communiquer les informations mentionnées au III. Lorsqu'il est fait droit à la demande, l'astreinte et les frais de procédure sont à la charge, individuellement ou solidairement selon le cas, des administrateurs ou des membres du directoire.

Le premier alinéa de cet article ajoute à la déclaration de performance extra-financière un devoir d'information sur le taux de vacance physique du parc immobilier de la société.

En second lieu, l'article 29 propose de renforcer l'obligation des SIIC de distribuer à leurs actionnaires les plus-values issues des cessions d'immeubles et de participations dans des sociétés en portant cette distribution minimale de 60 à 70 %. La loi de finance rectificative pour 2013 avait déjà augmenté ce taux de distribution de 50 % à 60 % sur la recommandation d'un rapport de l'Inspection générale des finances remis en juin 2013. Cependant, ce rapport proposait de fixer ce taux à 70 % créant une ressource supplémentaire pour l'État de 42 millions d'euros.

En dernier lieu, l'article 29 ajoute une nouvelle condition permettant de bénéficier du régime d'exonération de l'impôt sur les sociétés, à savoir investir dans les centres-villes et centres-bourgs au moins 20 % des capitaux collectés par la SIIC. Seraient concernés les investissements en matière d'acquisition, de construction ou de réhabilitation d'immeubles en vue de leur location dans les zones jugées prioritaires. Parmi ces zones, figureraient les périmètres des opérations de sauvegarde économique et de redynamisation (OSER), des opérations de revitalisation de territoire (ORT), des opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) et des opérations de requalification des quartiers anciens dégradés (ORQAD). L'adoption de cette mesure serait de nature à fournir des financements nouveaux à des projets locaux, point essentiel pour l'avenir des centres.

2.2. Obligation de légiférer

Les présentes dispositions nécessitent un véhicule législatif.

3. IMPACTS DE LA LOI

3.1. Impacts juridiques

L'article 29 vient modifier l'article L. 225-102-1 du code de commerce, portant sur les obligations d'information des SIIC.

Il vient également apporter deux modifications à l'article 208 C du code général des impôts, portant sur :

- leurs obligations de distribution relatives à leurs plus-values de cessions ;

- une nouvelle obligation d'orientation d'une part de leur investissement à destination des centres-villes.

3.2. Impacts sociaux, économiques et environnementaux

3.2.1. Mesure de transparence

L'amélioration de l'information des porteurs sur la situation réelle des SIIC devrait permettre :

- de renforcer la responsabilité des investisseurs et des sociétés immobilières sur les conséquences sociales et environnementales de leur activité ;

- de détourner l'investissement des sociétés immobilières dont la valorisation s'avèrerait surévaluée par rapport à l'état d'occupation réelle de leur parc, ce qui permettrait de sécuriser notamment les investissements des porteurs et de limiter les comportements spéculatifs.

3.2.2. Fiscalité des cessions

La réforme envisagée a pour objectif d'accroître le montant des impôts perçus sans créer d'externalité négative sur le fonctionnement des SIIC.

Le régime actuel permet aux entreprises concernées de constituer en franchise d'impôt des réserves correspondant à 5 % des bénéfices distribuables et 40 % du montant de plus-values réalisées. Il est proposé de réduire cette dernière part à 30 %, en imposant aux SIIC de distribuer 70 % de leurs plus-values à leurs actionnaires. En effet, les investissements productifs se caractérisent par une réalisation des facteurs de réussite (anticipation de la demande, de la rentabilité et des coûts) bien plus aléatoire et la nécessité d'un réinvestissement régulier d'une partie des bénéfices ; la sécurisation des recettes fiscales conduit alors à taxer la valeur ajoutée en amont de sa distribution aux actionnaires.

En revanche, dans un investissement immobilier, l'absence d'appareil productif permet la distribution de la quasi-totalité du résultat et son imposition au niveau de l'actionnaire sans que cela ne nuise ni au développement économique ni à la préservation des impôts prélevés.

3.2.3. Orientation de l'investissement des SIIC à hauteur minimum de 10 % en faveur des centres-villes

La Fédération des sociétés immobilières et foncières (FSIF) estime que les SIIC projettent d'investir environ 22 milliards d'euros à 5 ans, entre 2017 et 2022. Selon cette mesure, un peu plus de 4 milliards seraient donc fléchées vers les centres-villes.

Selon Procos, la Fédération nationale du commerce spécialisé, le volume de surfaces commerciales en projet dans les centres-villes ne représente que 5 % du total de la production attendue en France à 5 ans. Ainsi, selon le dernier bilan de l'immobilier commercial établi par cette organisation professionnelle en janvier 2018 : « la nature des opérations projetées évolue peu d'une année sur l'autre. 58,5 % des surfaces (commerciales) projetées (à cinq ans en France) correspondent à des créations, chiffre en baisse constante (par rapport aux opérations d'extension). La périphérie reste toujours autant plébiscitée. Elle attire plus de 87 % des surfaces en projet, soit 4,7 millions de m². Les opérations de parcs d'activités commerciales dominent (2.842.000 m²), suivies de celles de centres commerciaux (1.721.000 m²). Les projets de centres commerciaux de centre-ville restent pour leur part, toujours en retrait et ne représentent que 4,3 % des surfaces en projet, soit 232.000 m². »

Toutefois, ces chiffres n'intègrent pas les projets d'investissement en rez-de-chaussée d'immeubles, pour lesquels les données font défaut.

Il est probable que ces projets concernent un volume réduit de m 2 , situés dans les meilleures rues commerçantes des grandes villes, que nous estimons à un volume équivalent à celui des projets de centres commerciaux de centre-ville, soit environ 250.000 m 2 .

Au total, il est probable que l'investissement des SIIC en centre-ville représente actuellement environ 10 % de l'ensemble de leur investissement. Cette mesure viendrait donc doubler l'effort d'investissement des SIIC dans les centres-villes.

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

5.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur dès la promulgation de la loi.

5.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

5.3. Textes d'application

Il n'est pas prévu de mesure réglementaire d'application.

ARTICLE 30 : CRÉATION DE ZONES DE REVITALISATION URBAINE DANS LES PÉRIMÈTRES DES CONVENTIONS OSER

1. ÉTAT DES LIEUX

Le dispositif des zones franches a trouvé à s'appliquer dans le cadre des politiques territoriales principalement à travers les zones franches urbaines, créées par la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dans les quartiers de la politique de la ville, et les zones de redynamisation rurales, créées par la même loi, dans les collectivités locales en milieu rural.

Le dispositif des ZFU ouvre droit à un régime fiscal dérogatoire pour les entreprises qui s'y implantent ou qui y sont implantées, défini à l'article 44 octies A du code général des impôts.

Cet article dispose :

I. - Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2020, créent des activités dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ainsi que ceux qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 40 %, 60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération.

Pour bénéficier de l'exonération, l'entreprise doit répondre cumulativement aux conditions suivantes :

a) Elle doit employer au plus cinquante salariés au 1er janvier 2006 ou à la date de sa création ou de son implantation si elle est postérieure et soit avoir réalisé un chiffre d'affaires n'excédant pas 10 millions d'euros au cours de l'exercice, soit avoir un total de bilan n'excédant pas 10 millions d'euros ;

b) Son capital ou ses droits de vote ne doivent pas être détenus, directement ou indirectement, à hauteur de 25 % ou plus par une entreprise ou conjointement par plusieurs entreprises dont l'effectif salarié dépasse deux cent cinquante salariés et dont le chiffre d'affaires annuel hors taxes excède 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel excède 43 millions d'euros. Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des fonds professionnels spécialisés relevant de l'article L.214-37 du code monétaire et financier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs, des fonds professionnels de capital investissement, des sociétés de libre partenariat, des sociétés de développement régional, des sociétés financières d'innovation et des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 12 de l'article 39 entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds ;

c) Son activité principale, définie selon la nomenclature d'activités française de l'Institut national de la statistique et des études économiques, ne doit pas relever des secteurs de la construction automobile, de la construction navale, de la fabrication de fibres textiles artificielles ou synthétiques, de la sidérurgie ou des transports routiers de marchandises ;

d) Son activité doit être une activité industrielle, commerciale ou artisanale.

Le dispositif des ZRR ouvre également droit à un régime fiscal dérogatoire pour les entreprises défini à l'article 44 quindecies du code général des impôts.

Cet article dispose :

« I. - Dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article 1465 A, les entreprises qui sont créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020, soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale au sens de l'article 34 ou professionnelle au sens du 1 de l'article 92, sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui de leur création ou de leur reprise et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A.

Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération.

II. - Pour bénéficier de l'exonération mentionnée au I, l'entreprise doit répondre aux conditions suivantes :

a) Le siège social de l'entreprise ainsi que l'ensemble de son activité et de ses moyens d'exploitation sont implantés dans les zones mentionnées au I. Lorsqu'une entreprise exerce une activité non sédentaire, réalisée en partie en dehors des zones précitées, la condition d'implantation est réputée satisfaite dès lors qu'elle réalise au plus 25 % de son chiffre d'affaires en dehors de ces zones. Au-delà de 25 %, les bénéfices réalisés sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun en proportion du chiffre d'affaires réalisé en dehors des zones déjà citées. Cette condition de chiffre d'affaires s'apprécie exercice par exercice ;

b) L'entreprise emploie moins de onze salariés bénéficiant d'un contrat de travail à durée indéterminée ou d'une durée d'au moins six mois à la date de clôture du premier exercice et au cours de chaque exercice de la période d'application du présent article ; si l'effectif varie en cours d'exercice, il est calculé compte tenu de la durée de présence des salariés en cause pendant l'exercice. Toutefois, au titre des exercices clos entre le 31 décembre 2015 et le 31 décembre 2018, lorsqu'une entreprise bénéficiant déjà de l'exonération mentionnée au I constate, à la date de clôture de l'exercice, un dépassement du seuil d'effectif mentionné au premier alinéa du présent b, cette circonstance ne lui fait pas perdre le bénéfice de cette exonération pour l'exercice au cours duquel ce dépassement est constaté ainsi que pour les deux exercices suivants ;

c) L'entreprise n'exerce pas une activité bancaire, financière, d'assurances, de gestion ou de location d'immeubles, de pêche maritime ;

d) Le capital de l'entreprise créée ou reprise n'est pas détenu, directement ou indirectement, pour plus de 50 % par d'autres sociétés ;

e) L'entreprise n'est pas créée dans le cadre d'une extension d'activités préexistantes. L'existence d'un contrat, quelle qu'en soit la dénomination, ayant pour objet d'organiser un partenariat caractérise l'extension d'une activité préexistante lorsque l'entreprise créée ou reprenant l'activité bénéficie de l'assistance de ce partenaire, notamment en matière d'utilisation d'une enseigne, d'un nom commercial, d'une marque ou d'un savoir-faire, de conditions d'approvisionnement, de modalités de gestion administrative, contentieuse, commerciale ou technique, dans des conditions telles que cette entreprise est placée dans une situation de dépendance.

III. - L'exonération ne s'applique pas aux créations et aux reprises d'activités dans les zones de revitalisation rurale mentionnées au I consécutives au transfert d'une activité précédemment exercée par un contribuable ayant bénéficié, au titre d'une ou plusieurs des cinq années précédant celle du transfert, des dispositions des articles 44 sexies , 44 sexies A, 44 septies , 44 octies , 44 octies A, 44 duodecies , 44 terdecies , 44 quaterdecies ou 44 sexdecies ou d'une prime d'aménagement du territoire.

L'exonération ne s'applique pas aux créations et aux reprises d'activités dans les zones de revitalisation rurale mentionnées au I consécutives au transfert, à la concentration ou à la restructuration d'activités précédemment exercées dans ces zones, sauf pour la durée restant à courir si l'activité reprise ou transférée bénéficie ou a bénéficié de l'exonération prévue au présent article.

L'exonération ne s'applique pas non plus dans les situations suivantes :

a) Si, lorsque la société, la personne morale ou le groupement a déjà fait l'objet d'une première opération de reprise ou de restructuration à l'issue de laquelle le cédant, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil, leurs ascendants et descendants, leurs frères et soeurs détiennent ensemble, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société, de la personne morale ou du groupement soit repris, soit bénéficiaire de l'opération de reprise ou de restructuration, cette société, cette personne morale ou ce groupement fait de nouveau l'objet d'une telle opération à l'issue de laquelle une ou plusieurs des personnes physiques précédemment mentionnées détiennent ensemble, directement ou indirectement, plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux.

Le cédant s'entend de toute personne qui, avant l'opération de reprise ou de restructuration, soit détenait directement ou indirectement plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société, de la personne morale ou du groupement qui a fait l'objet de l'une de ces opérations, soit y exerçait, en droit ou en fait, la direction effective ;

b) Si, lorsque l'entreprise individuelle a déjà fait l'objet d'une première opération de reprise ou de restructuration ayant conduit au bénéfice de l'exonération mentionnée au I et réalisée au profit du conjoint de l'entrepreneur individuel, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil, de leurs ascendants et descendants ou de leurs frères et soeurs, elle fait de nouveau l'objet d'une telle opération au profit d'une ou de plusieurs personnes précédemment mentionnées.

IV. - Lorsqu'elle répond aux conditions requises pour bénéficier des dispositions de l'un des régimes prévus aux articles 44 sexies , 44 sexies A, 44 septies , 44 octies A, 44 duodecies , 44 terdecies , 44 quaterdecies ou 44 sexdecies et du régime prévu au présent article, l'entreprise peut opter pour ce dernier régime dans les six mois suivant le début d'activité. L'option est irrévocable et emporte renonciation définitive aux autres régimes.

V. - Le bénéfice de l'exonération et de l'imposition partielle est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis .

VI. - L'exonération reste applicable pour sa durée restant à courir lorsque la commune d'implantation de l'entreprise sort de la liste des communes classées en zone de revitalisation rurale après la date de sa création ou de sa reprise. »

Ces deux dispositifs ont fait l'objet de plusieurs évaluations.

S'agissant des ZFU, une étude de l'Insee 15 ( * ) a montré que durant les premières années, le dispositif aurait eu un effet très positif sur l'activité économique. Dans les zones créées en 1997, les exonérations auraient permis, au bout de cinq ans, l'implantation de 9.700 à 12.200 établissements, soit 41.500 à 56.900 emplois.

Le rapport relève toutefois que ses effets auraient plafonné après 2002 malgré sa reconduite. Ainsi : « des disparitions d'établissements plus fréquentes auraient annulé le bénéfice des nouvelles implantations, tandis que, pour les zones créées en 2004, les effets sur les implantations et la création d'emplois auraient été beaucoup plus modestes. Par ailleurs, on ne détecte pas d'impact significatif sur les entreprises déjà présentes dans les ZFU que ce soit en matière d'emploi ou de santé financière. »

Enfin, une partie des effets de la mesure transiterait par des transferts d'établissements situés en dehors des ZFU. Près de la moitié des nouvelles implantations correspondrait en effet à des transferts d'activités déjà existantes, alors que de tels transferts étaient trois à quatre fois moins fréquents que les créations.

Ces limites sont en fait intrinsèques au dispositif, qui a été conçu pour être temporaire et très incitatif.

La commission des Finances du Sénat soulignait déjà, dans un avis fait lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances en 2006, que « la prolongation du dispositif des ZFU dans le temps et son extension à de nouveaux périmètres sont autant de facteurs de banalisation qui obligent les pouvoirs publics à renforcer, en permanence les mesures dérogatoires pour maintenir l'attractivité de ces zones. Pourtant certains défauts du système, qui témoignent de sa relative usure, sont désormais apparents, notamment dans les ZFU de première génération, créées en 1996. »

Parmi ces défauts, la commission relevait en particulier :

- la raréfaction des disponibilités foncières ;

- une régression du nombre d'établissements exonérés ;

- une relative spécialisation du tissu productif des ZFU ;

- des transferts d'entreprises non négligeables au profit des ZFU (effet d'aubaine).

S'agissant des ZRR, un rapport établit conjointement par l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale des affaires sociales en 2010 16 ( * ) relève « qu'au plan qualitatif, l'efficacité des mesures de discrimination territoriale attachées aux seules ZRR reste variable. L'exonération de charges sociales pour les embauches en ZRR a désormais une faible attractivité, compte-tenu des mesures d'allègement général des cotisations sociales patronales. En revanche, l'exonération dont bénéficiaient les OIG demeure avantageuse en raison de son caractère exorbitant (...).

Les autres mesures dont bénéficient les ZRR sont globalement utiles et le dispositif peut être regardé sur ce point comme permettant de soutenir les efforts, conséquents, des collectivités locales pour enrayer le déclin de leurs territoires. »

Les deux dispositifs ont connu différentes révisions.

De nouvelles ZFU ont été créées par l'article 26 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.

Le dispositif a par la suite été prorogé à deux reprises :

- une première fois par l'article 157 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, pour une durée de trois ans, jusqu'au 31 décembre 2014 ;

- une seconde fois par l'article 48 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, jusqu'au 31 décembre 2020.

Par ailleurs, les ZFU ont été renommées zones franches urbaines-territoires entrepreneurs (ZFU-TE).

S'agissant des ZRR, leur zonage a été révisé par un arrêté du 29 mars 2017. Désormais, le périmètre retenu est celui de l'intercommunalité et non plus celui de la commune.

Deux critères de classement sont pris en compte : la densité de population et le revenu par habitant. Pour être classé, l'EPCI doit se caractériser à la fois par une densité de population inférieure ou égale à 63 habitants par km 2 et par un revenu fiscal par unité de consommation médian inférieur ou égal à 19.111 euros.

La nouvelle géographie des ZRR compte ainsi 14.861 communes. 3.617 nouvelles communes ont rejoint la liste des ZRR, mais 3.063 en sont sorties (avec des mesures d'accompagnement transitoires).

Périmètre des ZRR au 1 er juillet 2017

2. OBJECTIFS POURSUIVIS ET OBLIGATION DE LÉGIFÉRER

2.1. Objectifs poursuivis

L'article 30 de la présente proposition de loi vise à créer des zones de redynamisation urbaine dans les périmètres des conventions « OSER ».

Le dispositif envisagé repose sur une extension de l'exonération d'impôts sur les bénéfices tel qu'appliqué dans les ZRR, aux entreprises commerciales, artisanales et professionnelles situées dans un périmètre de convention « OSER ».

2.2. Obligation de légiférer

L'extension de l'exonération d'impôts sur les bénéfices telle qu'appliquée dans les ZRR, aux entreprises commerciales, artisanales et professionnelles situées dans un périmètre de convention « OSER » nécessite un véhicule législatif.

3. IMPACTS DE LA LOI

3.1. Impacts juridiques

L'article 30 apporte une modification au II de la section II du chapitre I er du titre I er de la première partie du livre I er du code général des impôts. Cette modification porte sur la création d'un régime d'exonération fiscale en OSER.

3.2. Impacts économiques et financiers

Les impacts précis de cette mesure restent difficiles à mesurer, en raison de l'absence d'information sur le stock et les caractéristiques des entreprises cibles présentes dans les périmètres OSER.

Compte tenu des enseignements tirés de la mise en oeuvre des ZFU et des ZRR, l'efficacité du dispositif des ZRU-OSER dépendra de sa temporalité (éviter les effets d'usure dus à une trop longue durée d'application) et de sa lisibilité (stabilisation des périmètres et des mesures).

4. MODALITES D'APPLICATION DE LA REFORME

4.1. Application dans le temps

L'ensemble des mesures du présent article entre en vigueur dès la promulgation de la loi.

4.2. Application dans l'espace

La mesure s'applique sur le territoire métropolitain et dans les départements d'Outre-Mer.

4.3. Textes d'application

Il n'est pas prévu de mesure réglementaire d'application.


* 1 Proposition de loi n° 460 portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs , enregistrée à la Présidence du Sénat le 20 avril 2018.

* 2 Revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs : rapport d'étape , Rapport d'information de MM. Rémy Pointereau et Martial Bourquin, fait au nom de la Délégation aux entreprises et de la délégation aux collectivités territoriales n° 676 (2016-2017), juillet 2017.

* 3 CJUE, C-360/15 et C-31/16, 30 janvier 2018 Appingedam

* 4 PAQUOT T., Désastres urbains. Les villes meurent aussi, Paris, La Découverte, 2005.

* 5 On citera en particulier les quatre rapports suivants :

- MUNCH J., NARRING P. (dirs), La revitalisation commerciale des centres-villes , Rapport établi par l'IGF et le CGEDD, Paris, juillet 2016.

http://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/Rapport_RevitalisationcentresvillesVdef_octobre2016.pdf

- DAUGE Y. Plan national en faveur des nouveaux espaces protégés , rapport au Premier ministre, septembre 2016.

https://www.accr-europe.org/wp-content/uploads/2017/02/PLAN_NATIONAL_Dauge_1PartieFINAL2.pdf

- NARRING P. (dir.), Inscrire les dynamiques du commerce dans la ville durable. Les fondements d'une nouvelle politique des périphéries urbaines et commerciales , Rapport établi par le CGEDD, Paris, mars 2017.

http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/010468-01_rapport_cle2163e2.pdf

- POINTEREAU R., BOURQUIN M. (rap.), Revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs : rapport d'étape . Rapport d'information de MM. Rémy POINTEREAU et Martial BOURQUIN, fait au nom de la Délégation aux entreprises et de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, n° 676 (2016-2017) - 20 juillet 2017.

https://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-676-notice.html

* 6 Palmarès Procos 2018 des centres-villes commerçants les plus dynamiques, janvier 2018.

http://www.procos.org/images/procos/presse/2018/procos_palmares-2018.pdf

* 7 Fnaim, Vacance résidentielle : aggravation au cours des 15 dernières années dans nombre de villes petites ou moyennes, 2017.

* 8 Voir par exemple les monographies des villes de Cahors, Limoges, La Rochelle, Saintes et Troyes présentées dans les Actes du colloque national du Forum des fédérations de commerce réuni le 9 juin 2005 à l'Assemblée Nationale sur le thème : Immeubles vacants et rez-de-chaussée commerciaux.

* 9 http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/publication/reglementation-de-la-constructionnbsp-la-simplification-est-en-marche_4839

* 10 Décret n° 2017-1719 du 20 décembre 2017 portant relèvement du salaire minimum de croissance.

* 11 Moderniser la transmission d'entreprise en France : une urgence pour l'emploi dans nos territoires, Rapport d'information de MM. Claude Nougein et Michel Vaspart, fait au nom de la Délégation aux entreprises n° 440 (2016-2017) - 23 février 2017.

* 12 Proposition de loi n° 343 (2017-2018) visant à moderniser la transmission d'entreprise déposée au Sénat le 7 mars 2018.

* 13 Un rapport de Pwc de 2011 précise que les SIIC détiennent un parc immobilier de plus de 101 milliards d'€, représentant 33 250 000 m², investis dans une grande diversité d'actifs, et plus particulièrement dans des centres commerciaux et des immeubles de bureaux. Ces 2 types d'actifs représentent 70% du parc en surface et 77% en valeur.

* 14 Cette tendance a fortement prévalu durant les années précédentes. Le même rapport Pwc de 2011 note : le patrimoine des SIIC a fortement progressé (+26,8%/an en surface) entre 2003 et 2011 grâce à l'entrée dans le régime SIIC de nouvelles sociétés, mais aussi grâce aux stratégies de croissance entreprises par les SIIC sur cette période dans un environnement de marché favorable (marché immobilier, accès au financement, besoins des grands Groupes, externalisation de murs à des investisseurs...).

* 15 Givord C, Trevien C., Les zones franches urbaines, quel effet sur l'activité économique, Insee Analyses, n°4, mars 2012.

* 16 IGF, IGAS, Évaluation des mesures en faveur des zones de revitalisation rurale, janvier 2010.

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