TROISIÈME PARTIE - L'ÉVOLUTION DES MÉTHODES DE LÉGISLATION EUROPÉENNE, UNE CHANCE À SAISIR POUR MIEUX APPLIQUER LE DROIT EUROPÉEN ENVIRONNEMENTAL

Le présent travail d'actualisation, outre le suivi des procédures en cours et l'évaluation des performances françaises dans l'application du droit européen environnemental qu'il permet, offre également l'occasion d'analyser l'évolution des méthodes de la Commission européenne, depuis l'élaboration de législation européenne, jusqu'à l'examen de la mise en oeuvre du droit européen environnemental.

Ces évolutions témoignent d'une prise de conscience de la Commission européenne de la nécessité d'améliorer ses méthodes de législation et doivent constituer un encouragement pour la France à poursuivre ses efforts en matière d'application du droit européen de l'environnement .

I. DE NOUVELLES MÉTHODES DE LA COMMISSION EUROPÉENNE IRRIGUENT TOUT LE CYCLE LÉGISLATIF

A. « MIEUX LÉGIFÉRER » : UN PROCESSUS D'ÉLABORATION ET DE RÉVISION DU DROIT EUROPÉEN PLUS ABOUTI

L'accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil de l'UE et la Commission Européenne « Mieux légiférer » du 13 avril 2016

Dans sa communication de mai 2015 100 ( * ) , la Commission européenne insiste sur l'importance du respect du principe de subsidiarité, rappelant que « la Commission ne peut, et ne devrait pas intervenir chaque fois qu'un problème se pose dans l'Union européenne ».

Plusieurs innovations importantes sont proposées, et témoignent d'une rénovation des méthodes de travail dans tout le cycle législatif : l'amélioration de la consultation ; la discussion annuelle des priorités législatives de l'Union européenne, et, enfin, le réexamen du corpus législatif existant, notamment dans le domaine de la protection de l'environnement et du climat.

L'amélioration de la réglementation promue par les institutions européennes vise principalement à garantir une mise en oeuvre effective du droit européen 101 ( * ) .

Cette communication a abouti à un accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil de l'Union européenne et la Commission européenne, « Mieux légiférer », entré en vigueur le 13 avril 2016, et remplaçant l'accord du même nom entré en vigueur en 2003.

Source : commission des finances

1. L'accord interinstitutionnel « mieux légiférer » conforte la place des études d'impact européennes dans le processus législatif

Alors qu'elle entend ouvrir le processus d'élaboration des actes européens aux niveaux local, régional, national et européen, la Commission européenne a également souhaité améliorer la qualité de la législation. Le renforcement de la qualité et de la place des études d'impact accompagnant les projets soumis au Conseil et au Parlement européen figure en effet parmi les priorités retenues.

De surcroît, depuis le 1 er juillet 2015, un comité d'examen de la réglementation 102 ( * ) , remplaçant le comité d'analyse d'impact existant depuis 2006 et qui n'avait qu'un rôle consultatif, analyse notamment la qualité de l'étude d'impact réalisée. L'indépendance de ce comité n'est qu'en partie assurée par sa composition : un président est nommé par la Commission européenne sur proposition de son président 103 ( * ) , six membres lui sont affectés à temps plein, et fait inédit, ne travaillent pour aucune politique au sein de la Commission. Toutefois, seule la moitié d'entre eux est recrutée en dehors des institutions de l'Union européenne. Tous sont nommés pour une durée de trois ans non renouvelable.

Ces évolutions témoignent de l'intention d'approfondir la contribution de l'étude d'impact à l'amélioration de la qualité de la législation européenne, désormais partagée par les colégislateurs .

La consultation d'une étude d'impact récente - dont seul un résumé est au demeurant présenté en français - permet d'en mesurer l'intérêt pour présenter la nécessité de l'action, via une analyse du problème et de l'objectif visé, de la valeur ajoutée de l'action à l'échelle de l'UE, les options possibles et les incidences de l'option privilégiée.

Toutefois, un point d'attention mérite d'être souligné. Ainsi, les actes délégués et actes d'exécution n'ont pas à être systématiquement accompagnés d'études d'impact, alors que, comme le relève la commission des affaires européennes du Sénat 104 ( * ) , « ce sont précisément dans ces textes que figurent souvent la fixation des conditions précises ou des chiffres (seuils, plafonds, pourcentages, barèmes) déterminant très concrètement la mise en oeuvre des textes européens et permettant alors l'évaluation de leurs impacts ».

En outre, cette priorité accordée à la place des études d'impact ne saurait porter ses fruits sans être partagée par les colégislateurs. Ainsi, le Parlement européen dispose déjà d'une cellule d'évaluation, contrôlant le respect par les études d'impact transmises par la Commission européenne des lignes directrices en la matière. Néanmoins, la Commission européenne invitait, dans sa communication, le Parlement et le Conseil à analyser l'impact des modifications substantielles qu'ils proposent et à évaluer leurs incidences économiques, sociales et environnementales lorsqu'elles aboutissent à un accord éloigné de la proposition initiale de la Commission 105 ( * ) . L'accord interinstitutionnel reprend la proposition de la Commission, en y ajoutant qu'il « appartient à chaque institution de déterminer ce qui constitue une modification substantielle ».

2. La Commission européenne initie une « gestion dynamique » du corpus juridique existant

La Commission européenne entend mener un réexamen permanent de la législation européenne existante, dans tous les domaines, afin de veiller à la pertinence et à la performance de chaque norme européenne en vigueur, tant vis-à-vis des citoyens que des entreprises.

En effet, « même une législation bien conçue peut devenir obsolète ou plus contraignante que nécessaire ou cesser d'atteindre ses objectifs ». Dans cet objectif, la Commission européenne a lancé en 2012 le programme pour une « réglementation affûtée et performante », dit programme REFIT. En pratique, peuvent être proposées des abrogations, des modifications ainsi que des bilans de qualité.

L'exemple du rapport REFIT sur les directives « Oiseaux » et « Habitats »

Le 16 décembre 2016, la Commission européenne a publié son rapport Refit sur les directives 79/402/CEE (dite « directive oiseaux ») et 92/43/CEE (dite « directive habitats »).

Lors de sa prise de fonction, en octobre 2014, le président de la Commission a chargé le premier vice-président et le commissaire à l'environnement d'une étude sur le potentiel de fusion des deux directives. En 2015, 10 États membres, dont la France, avaient demandé que les travaux se concentrent sur les enjeux de mise en oeuvre plutôt que de révision des textes.

Après une consultation des parties prenantes qui a entrainé plus de 500 000 réponses, le rapport a été présenté au conseil environnement du 19 décembre 2016.

Le rapport constate que ces deux directives n'ont pas atteint leurs objectifs (le bon état de conservation des espèces et habitats) et qu'il est difficile de savoir quand ils seront atteints. Le rôle positif des directives est toutefois mis en avant, l'état des espèces et des habitats concernés s'étant amélioré quand les mesures ont été prises à une échelle suffisante. Le coût de leur mise en oeuvre s'élève à 5,8 milliards d'euros par an, pour un bénéfice annuel de 200 à 300 milliards d'euros.

La Commission européenne estime qu'il n'est pas nécessaire de réviser ces textes, l'accent devant être mis sur leur mise en oeuvre. Le Parlement ne s'est pas encore prononcé sur le rapport de la Commission. Lors de l'examen à mi-parcours de la stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité en février 2016, le Parlement a appelé à une application stricte des directives nature, et à poursuivre les efforts sans modification des directives oiseaux et habitats, tout en facilitant leur mise en oeuvre et leur financement.

Source : SGAE

Ainsi, l'accord interinstitutionnel renforce la place du programme REFIT, désormais intégré au programme de travail annuel de la Commission européenne, et dans le dialogue mené avec les autres institutions avant et après l'adoption du programme de travail. Une annexe au programme de travail est désormais spécifiquement dédiée aux initiatives relevant du programme REFIT pour l'année en cours.

En outre, le programme REFIT constitue un instrument visant à réduire les coûts et les charges administratives. Ainsi, une plateforme REFIT dédiée lancée en 2016 106 ( * ) a désormais vocation à examiner les suggestions de parties intéressées , qu'il s'agisse des États, des collectivités, des citoyens ou des entreprises, pour améliorer et simplifier la législation. Ces propositions sont analysées par la plateforme REFIT, soumises à la Commission européenne, qui communique sur les suites qu'elle entend leur donner.

Par ailleurs, l'accord interinstitutionnel prévoit que soient incluses de manière systématique, dans tout nouvel acte législatif européen, des clauses de réexamen visant à assurer un suivi et une évaluation après l'entrée en vigueur de l'acte.

Ces avancées vont dans le sens de la mise en place d'un cycle législatif vertueux, les évaluations de législations existantes pouvant servir de base aux analyses d'impact des différentes options envisageables pour la mise en oeuvre de nouvelles actions .


* 100 « « Améliorer la réglementation pour obtenir de meilleurs résultats : un enjeu prioritaire pour l'Union européenne », COM/2015/0215 final.

* 101 « La législation devrait avoir les effets qu'elle est censée produire. Elle devrait être facile à mettre en oeuvre, apporter sécurité et prévisibilité, et éviter toute charge inutile. Nous avons besoin de règles sensées et réalistes, correctement mises en oeuvre et appliquées à travers l'UE, de règles qui fonctionnent et contribuent à la réalisation de nos objectifs communs : ni plus ni moins ».

* 102 Décision du président de la Commission européenne du 19 mai 2015 instituant un comité indépendant d'examen de la réglementation.

* 103 Après consultation du premier vice-président et de la vice-présidente pour le budget et les ressources humaines.

* 104 Rapport d'information n° 387 fait au nom de la commission des affaires européennes sur la simplification du droit européen par MM. Jean Bizet, Pascal Allizard, Philippe Bonnecarrère, Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, Claude Kern, Didier Marie, Daniel Raoul et Simon Sutour, 9 février 2017.

* 105 La Commission souligne qu'entre 2007 et 2014, alors qu'elle a produit plus de 700 analyses d'impact, le Parlement a seulement analysé l'impact d'une vingtaine des modifications qu'il propose- le Conseil n'en a examiné aucune.

* 106 Présidée par le premier vice-président de la Commission européenne, elle comprend deux groupes de réflexion, réunis de façon indépendante et en session plénière. L'un est composé d'experts des États membres, l'autre regroupe des représentants d'entreprises, des partenaires sociaux, des personnes de la société civile, sélectionnés selon une procédure ouverte, du Comité économique et social européen et du Comité des régions.

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