PREMIÈRE PARTIE - LA QUÊTE DU SENS

Il est utile et éclairant de prendre un peu de recul pour apprécier la généalogie du « problème sous-préfectoral » dans l'organisation territoriale de l'administration générale de l'État tel qu'il se pose aujourd'hui.

Dans ce domaine, ces dernières années ont été marquées par un courant permanent d'analyses, de propositions, plus rarement de décisions, aux prolongements incertains, lesquelles, malgré leur dimension souvent incantatoire, méritent un retour.

Même si l'on n'a souvent pas fait ce qu'on a dit (cette confrontation entre les annonces et les réalisations est l'un des objectifs du présent rapport), et pas dit ce qu'on a fait, le discours sur l'échelon sous-préfectoral, qu'il est justifié de replacer dans le contexte plus large de l'administration territoriale de l'État, n'a pas été tout à fait stérile.

Il a permis d'envisager un renouveau ouvrant, au moins dans les représentations, sur une rupture avec le déclin du sens même de la présence de l'État au niveau de l'arrondissement.

Du point de vue de la robustesse de cette rénovation, des lignes de force se dégagent mais, également, des hésitations, des ambiguïtés , dont l'identification est utile pour comprendre en quoi la « réforme permanente » des sous-préfectures, illustratrice de celle de l'organisation administrative de l'État dans les territoires, et le projet central d'en assurer la transformation en des administrations de mission , semblent vouées à se heurter au principe de réalité.

Cette analyse préalable doit avoir pour résultat de préciser les termes des choix publics que justifie la situation du réseau des sous-préfectures alors même que l'architecture politique et administrative de la France a connu, concomitamment aux travaux évoqués, des évolutions importantes dont les prolongements, encore à venir, ne sauraient être ignorés dans la détermination des options envisageables.

I. LA RÉFORME DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L'ÉTAT : UNE FLORAISON DE PROJETS, UNE DOCTRINE D'EMPLOI HÉSITANTE

La réforme de l'État dans les territoires a fait l'objet de multiples contributions ces dernières années, les unes portant sur un ensemble de services dépassant le cadre du seul réseau préfectoral, les autres spécifiquement consacrées à celui-ci.

L'analyse des contenus et des propositions auxquels ces travaux ont donné lieu débouche sur le constat du maintien d'antinomies dans un paysage où le besoin de réformes est une conclusion récurrente.

On y retrouve les débats qui traversent depuis toujours la conception même de la déconcentration administrative.

L'ambition modernisatrice à laquelle votre rapporteur spécial souscrit ne doit pourtant pas conduire à répliquer les travers habituels qu'elle emprunte trop souvent : le désengagement des missions traditionnelles dont la justification ne doit pas être perdue de vue pour des missions nouvelles idéales mais qui ne doivent pas négliger le principe de réalité ; l'affirmation vide de priorités aussi multiples que contradictoires ; la reconduction de schémas uniformes inadéquats aux réalités d'un local d'autant plus consacré dans les discours qu'il est relégué dans les faits et, en particulier, dans la détermination et la conduite des politiques publiques à commencer par le processus de réorganisation administrative.

Les sous-préfectures d'arrondissement en tant qu'échelons les plus infimes et les plus ancrés dans les territoires courent le risque particulier de devoir supporter les ambiguïtés d'un État qui doit clarifier sa vocation et les modalités pratiques de ses interventions dans une réalité territoriale et locale qui reste à consacrer.

A. L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE L'ÉTAT DANS LES TERRITOIRES, OU LA MARCHE DE LA COMITOLOGIE

1. Les travaux du comité interministériel de modernisation de l'action publique

Le comité interministériel de modernisation de l'action publique (CIMAP) du 17 juillet 2013 comportait un important volet consacré au rôle de l'administration territoriale de l'État.

Quatorze décisions (exposées ci-dessous dans les termes du comité) susceptibles de connaître des prolongements sur l'action publique dans les territoires avaient été prises.

Les objectifs affichés touchaient à plusieurs dimensions de la problématique de l'administration territoriale de l'État :

- l'efficacité dans l'exécution des missions et la coordination interministérielle ;

- le pilotage et l'autonomie de l'administration déconcentrée ;

- l'organisation territoriale ;

- la question spécifique de la présence de l'État au niveau infradépartemental, au coeur des préoccupations du présent rapport ;

- l'égalité d'accès aux services publics sur le territoire .

Votre rapporteur spécial souligne d'emblée que, globalement, hormis pour l'échelon régional, le réseau préfectoral a été le grand absent des travaux du CIMAP sur l'organisation territoriale de l'État .

Le rôle d'animateur des préfets de région a été reconnu , notamment à travers l'attribution de compétences de gestion mais aussi de concepteur de l'offre de services publics.

Cette option pouvait être analysée comme ambivalente pour les autres échelons, le département et l'arrondissement, d'autant que le CIMAP s'était attaché à promouvoir une série de formules , les Maisons de l'État et les Maisons de services au public, susceptibles d'être vues comme des alternatives aux modalités traditionnelles de déploiement de l'État , du moins pour le niveau infradépartemental.

Le rappel des décisions alors arrêtées n'en présente pas moins un certain intérêt dans le cadre du présent rapport, en particulier pour le témoignage des difficultés identifiées comme pesant particulièrement sur l'organisation territoriale de l'État.

Au vrai, celles-ci avaient été largement inventoriées par la Cour des comptes dans son rapport sur l'organisation territoriale de l'État dont les recommandations, pour certaines discutables, sont présentées dans l'encadré ci-dessous. 2 ( * )

Recommandations

1 - Clarifier et simplifier les compétences entre l'État et les collectivités locales

1-1  Mettre fin aux chevauchements de compétences dans les domaines ayant fait l'objet de lois de décentralisation : enfance, personnes âgées dépendantes, handicap, formation professionnelle ;

1-2  Préciser les rôles respectifs de l'État et des collectivités locales dans trois domaines à compétences partagées : action culturelle, sport, tourisme ;

1-3  Distinguer clairement le rôle de l'État et celui des collectivités locales dans la gestion des politiques de cohésion sociale et de la ville ;

1-4  Simplifier la gestion de la formation des demandeurs d'emploi, en l'unifiant autour de Pôle emploi.

2 - Renforcer l'échelon régional comme pivot de l'organisation territoriale de l'État

2-1  Reconnaître un véritable pouvoir hiérarchique des préfets de région sur les préfets de département ;

2-2  Donner aux DRFiP autorité pour le pilotage, l'animation et la gestion du réseau de la DGFiP dans leur région, dans le respect de la responsabilité des comptables ;

2-3  Pour harmoniser, autant que possible, les circonscriptions des administrations déconcentrées sur la base de la circonscription régionale :

- fixer pour objectif que les ressorts de cour d'appel coïncident avec le périmètre d'une région, et dans certains cas, avec celui de deux régions regroupées ;

- calquer les circonscriptions de la police judiciaire sur le ressort des cours d'appel, en tenant compte des spécificités de l'Île-de- France ;

- rapprocher les régions douanières des régions de droit commun.

2-4  Unifier à ce niveau la gestion des ressources humaines des directions régionales et des directions départementales interministérielles ;

2-5  Faire de la région le pivot de la mutualisation des fonctions support et de la mise à disposition des compétences métiers ;

2-6  Engager un programme de formation des agents des services déconcentrés, tout au long de la vie, sous l'autorité des plateformes régionales des ressources humaines ;

2-7  Distinguer les fonctions d'animation, confiées au SGAR, et les fonctions de coordination des mutualisations, confiées au secrétaire général de la préfecture de région.

3 - Restructurer l'échelon départemental

3-1  Fusionner dans les départements chefs-lieux de région, directions régionales et départementales ;

3-2  Regrouper, dans les départements à forts problèmes urbains, dans une seule structure l'ensemble des personnels et des moyens consacrés à la politique de la ville (logement et cohésion sociale) ;

3-3  Intégrer les agents « cohésion sociale » des DDCSPP dans les services des préfectures ;

3-4  Organiser les contrôles en matière vétérinaire et de concurrence, consommation et répression des fraudes en unités territoriales, en les inter-départementalisant pour les départements à faibles effectifs, et examiner cette possibilité pour ceux en matière de sport ;

3-5 Réduire le nombre des sous-préfectures ;

3-6  Poursuivre la réduction du nombre des tribunaux de commerce sur une base départementale ou bi-départementale, en concentrant les affaires les plus importantes sur un nombre restreint d'entre eux.

4 - Organiser l'échelon suprarégional

4-1  Harmoniser les périmètres des interrégions existantes (douane, police judiciaire, DGFiP) avec celui des zones de défense ;

4-2  Renforcer les fonctions de l'échelon suprarégional de la DGFiP ; pour le contrôle de légalité et pour les services de contrôle qui n'en disposent pas encore (consommation et répression des fraudes, contrôle vétérinaire), créer des échelons suprarégionaux ;

4-3  Organiser au niveau interrégional les mutualisations de certaines fonctions support et l'appui aux services déconcentrés.

5 - Adapter la présence territoriale de l'État à l'échelon infra-départemental

5-1  De manière générale, adapter l'organisation des services de l'État à la réalité des territoires, des collectivités et établissements locaux de coopération intercommunale qui les structurent ;

5-2  Reprendre l'adaptation, aujourd'hui fortement ralentie, du réseau territorial de la DGFiP ;

5-3  Renforcer la présence de Pôle emploi dans les quartiers urbains sensibles et adapter la carte des antennes à l'évolution de la demande d'emploi187.

6 - Renforcer le pilotage stratégique des services et des opérateurs

6-1  Unifier le pilotage central lorsqu'interviennent, dans une même politique publique, des services territoriaux d'une agence et des services déconcentrés (notamment ADEME et DREAL) ;

6-2  Créer des comités nationaux de pilotage lorsque des directions régionales concourant à une même politique publique dépendent de plusieurs structures centrales ;

6-3  Assurer, dans le pilotage national des ARS, la prise en compte des sujets de sécurité sanitaire traités par les agences et les divers ministères concernés et affirmer son rôle dans la gestion du risque y compris à l'égard de l'assurance maladie ;

6-4  Organiser le pilotage des délégués régionaux à la recherche et à la technologie.

7 - Moderniser et simplifier la gestion des ressources humaines

Pour permettre une anticipation de la gestion et des besoins :

7-1  Diffuser aux services les plafonds d'emplois découlant du budget triennal ;

7-2  Mettre en oeuvre une véritable politique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ;

Pour faciliter la mobilité des agents :

7-3  Définir des modalités de gestion des ressources humaines permettant de pourvoir les postes dans les zones peu attractives ;

7-4  Accroître la place du critère de mobilité dans la construction des régimes indemnitaires et dans le déroulement des carrières ;

7-5  Créer une filière administrative interministérielle et, dans les autres domaines, alléger la gestion statutaire par la réduction du nombre de corps ;

7-6  Fixer un objectif rapproché et définir les moyens pour la résorption des sureffectifs et sous-effectifs.

8 - Accélérer le développement homogène des systèmes d'information et renforcer l'e-administration

8-1  Donner au secrétariat général du gouvernement (DISIC) les moyens d'exercer son rôle de pilotage en matière de systèmes d'information, visant à favoriser leur interopérabilité ;

8-2  Substituer aux démarches multi-services le système des plateformes Internet, partagées ou partenariales, pour améliorer et simplifier les services aux usagers ;

8-3  Développer toutes les formes de communication numérique comme nouveau moyen de proximité et de simplification des échanges (toutes les attestations administratives).

9 - Simplifier la gestion financière et comptable des services déconcentrés et faciliter la connaissance territoriale des interventions de l'État

9-1  Diminuer le nombre de budgets opérationnels de programme gérés par les services déconcentrés ;

9-2  Créer un programme « conduite des politiques territoriales de l'État ».

Nombre des éléments du relevé de décisions du CIMAP présentent des points de convergence avec les recommandations du rapport de la Cour des comptes.

• Au titre de l'amélioration de l'efficacité du travail gouvernemental et de la coordination interministérielle de l'État , le CIMAP avait adopté trois décisions concernant la définition de projets de service public prioritairement définis pour les services placés sous l'autorité des préfets, un allègement des outils de pilotage destinés à « faciliter la vie » des services déconcentrés et la restauration d'articulations efficaces entre le niveau national et le niveau déconcentré .

Décision n° 27 : Le Gouvernement décide de définir des engagements de projet et de service public pour clarifier les missions et les priorités des services de l'État et mieux répondre aux besoins des bénéficiaires de son action.

Sous l'égide du Premier ministre, un travail interministériel associant les administrations centrales et l'administration territoriale permettra avant la fin 2013 de définir ces engagements.

Le choix de ces priorités, déterminées après un dialogue avec les agents et leurs représentants, sera présenté aux associations d'élus et d'usagers. Ce dispositif sera mis en place à compter du 1 er janvier 2014 sur la base suivante :

- des priorités interministérielles seront arrêtées par le Premier ministre notamment dans les domaines de l'emploi, de la jeunesse ou de la sécurité ;

- chaque ministre proposera les engagements de service sur son champ de compétences ;

- chaque préfet de région proposera un ou deux engagements tenant compte des enjeux particuliers du territoire concerné.

Ces engagements de service public seront prioritairement définis pour les services placés sous l'autorité des préfets.

Décision n° 28 : La mise en place des engagements de projet et de service public s'accompagnera d'une remise à plat et d'un allègement des outils de pilotage et des tableaux de compte-rendu développés par les administrations centrales et les directions régionales de manière à infléchir singulièrement la charge imposée aux services déconcentrés.

La réduction du nombre de circulaires décidée par le Premier ministre (décision n° 25) contribuera également à cet allègement.

En outre, une articulation de ces engagements sera recherchée avec les objectifs des projets annuels de performances (PAP) associés aux programmes budgétaires.

Ce travail d'expertise, de simplification et de rationalisation du « reporting » sera confié à une mission inter-inspections (IGF, IGAS, CGEDD, IGA) qui devra rendre ses conclusions pour novembre 2013.

Décision n° 29 : Le Gouvernement engage un travail interministériel destiné, en s'appuyant notamment sur les secrétaires généraux des ministères, à restaurer une articulation efficace entre le niveau national et le niveau déconcentré et à assurer une plus grande fluidité des échanges entre le niveau régional et départemental.

Le secrétaire général du Gouvernement est chargé de piloter ces travaux avec l'appui du SGMAP et de formuler des propositions avant la fin novembre 2013.

Votre rapporteur spécial souligne comme particulièrement significative l'identification par le CIMAP d'un double besoin :

- d'une part, de détermination du sens du déploiement de l'État dans les territoires , en lien avec la problématique de l'offre de services publics, vue comme s'adressant à la diversité des parties prenantes locales ;

- d'autre part, d'une plus grande cohérence entre les différents niveaux de l'État , central, régional et départemental, dans un contexte d'affichage d'une ambition de modernisation de la gestion publique.

• Au titre de la modernisation du pilotage de l'administration déconcentrée et de la restauration de ses marges de manoeuvre , trois décisions avaient été adoptées.

Décision n° 30 : Afin de rénover le dialogue de gestion et d'affirmer le choix de la déconcentration et de l'inter-ministérialité, les préfets de région seront désignés responsables des budgets opérationnels de programme (BOP) gérés par les services placés sous leur autorité .

Décision n° 31 : Dès que les enveloppes budgétaires arbitrées par le Premier ministre seront connues, le dialogue de gestion de l'automne sera préparé en amont avec les préfets de région, dès le mois de juillet, c'est-à-dire au moment où la répartition des emplois et des moyens entre administration centrale et services déconcentrés peut encore évoluer. Une expérimentation sera lancée dans trois régions métropolitaines (Bretagne, Aquitaine, Rhône-Alpes) et deux régions d'outre-mer (La Réunion et la Martinique) dès l'été 2013 pour une généralisation en 2014.

Décision n° 32 : La simplification de la cartographie des programmes, des BOP et des unités opérationnelles (UO) sera activement poursuivie .

Le ministre chargé du budget formulera des propositions dans ce sens avant la fin novembre 2013. Il fera également des propositions, dans le même calendrier, pour lutter contre le « fléchage » des crédits par les administrations centrales et donner plus de visibilité aux échelons déconcentrés sur les moyens qui leurs sont alloués au cours d'une année.

Pour l'essentiel, les décisions annoncées visaient à garantir et développer le rôle des préfets de région dans la gestion des moyens, en particulier des moyens budgétaires, à travers l'attribution d'une responsabilité de gestion des BOP et d'une réflexion sur des mesures tendant à éviter qu'à travers la rigidification des gestions budgétaires (le « fléchage ») par les administrations centrales , celles-ci ne préemptent en fait toutes les marges de manoeuvre que peut requérir la prise en compte des situations locales.

Il s'agissait aussi de permettre aux préfets de région d'influencer la répartition des moyens et emplois entre administrations centrales et services déconcentrés.

• Pour ce qui concerne l'organisation territoriale, un engagement de stabilité avait été pris. Il était recouvert par cinq décisions .

Décision n° 33 : Le Gouvernement n'engage pas de nouvelle réorganisation, et assure la stabilité des services existants (départementaux et régionaux) pour concentrer les énergies sur la modernisation du pilotage et l'amélioration concrète du fonctionnement de l'administration déconcentrée .

La nécessité d'une présence durable des services de l'État dans les départements est réaffirmée.

Décision n° 34 : Dans certains domaines de politiques publiques, qui exigent des compétences rares , il est nécessaire de rechercher des coordinations géographiques plus larges créant les conditions d'un exercice interdépartemental des compétences .

À cet égard, les textes législatifs et règlementaires qui font obstacle à cet objectif seront adaptés pour faciliter, en toute sécurité juridique, ces évolutions. Étant donné la situation des effectifs de certaines directions départementales interministérielles, une meilleure mutualisation des compétences et des effectifs et un dispositif de pilotage plus efficace doivent être mis en place. Il s'agit de mieux organiser la mise en oeuvre des missions dans un cadre régional et interdépartemental.

Il convient en particulier de répondre aux contraintes spécifiques aux missions de contrôle et de protection des consommateurs . Le ministre de l'économie et des finances proposera des mesures permettant de concilier l'exercice des missions de contrôle au niveau départemental avec une coordination régionale des compétences spécialisées.

Décision n° 35 : La répartition des effectifs sera réalisée de manière équitable et différenciée entre les échelons centraux, régionaux et départementaux, en préservant les services départementaux.

Le secrétaire général du Gouvernement, avec l'appui du SGMAP, assurera un suivi de l'évolution des effectifs, selon leur niveau d'affectation administrative, et un point d'étape sera réalisé, chaque année, à l'occasion du CIMAP.

Décision n° 36 : Dans le cadre de ces orientations, une concertation sera engagée dès septembre avec les fédérations de fonctionnaires sur les conditions de leur mise en oeuvre et les modalités d'amélioration des conditions de travail des agents concernés .

S'agissant plus particulièrement des directions départementales interministérielles, le comité technique des DDI sera étroitement associé à ces travaux.

Décision n° 37 : Le Gouvernement, en concertation avec les représentants des personnels, engagera à l'automne les travaux nécessaires pour favoriser le rapprochement des prestations d'action sociale et des régimes indemnitaires servis aux agents appartenant aux corps mobilisés dans les directions départementales interministérielles.

Votre rapporteur spécial veut mettre en relief une forme d'ambiguïté des engagements recouverts par les décisions annoncées au titre de l'organisation territoriale.

Certes, un engagement de pause dans la restructuration des services de l'État par échelon territorial d'administration était affirmé.

Toutefois, ces décisions, dans lesquelles la préservation des services départementaux était lourdement soulignée dans un contexte d'incertitudes sur le devenir de l'échelon départemental (du fait des tendances « régionalistes » des réformes administratives), pouvaient être vues comme susceptibles de faire le lit de modalités de déconcentration administrative pouvant affecter les moyens des services déconcentrés dans les départements.

La visée d'un échelon interdépartemental d'exercice des compétences était clairement actée.

Par ailleurs, par l'affirmation d'un objectif de meilleure coordination interdépartementale mais aussi au sein des services déconcentrés dans les départements, qui devait susciter une série d'adaptations, réglementaires et statutaires (l'harmonisation des conditions sociales et indemnitaires des agents opérant dans les DDI, par exemple) se trouvait une fois encore programmée la résolution du lancinant problème posé par la multiplicité des statuts ministériels et catégoriels, qui font obstacle à la gestion des personnels de l'État.

• Quant à la garantie de la continuité de la présence de l'État au niveau infra-départemental , elle faisait l'objet d'une décision .

Décision n° 38 : Un cadre national d'action sera déterminé, sous forme de cahier des charges, entre les ministères de l'intérieur, de l'économie et des finances, de l'égalité des territoires et du logement et de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, afin de convenir des modalités de regroupement des services infra-départementaux au sein de « Maisons de l'État » . Les préfets de département, en coordination avec les directeurs départementaux des finances publiques, élaboreront un plan d'action organisant les sites de regroupement lorsqu'ils ont identifié des territoires présentant des enjeux particuliers de maintien de la présence de l'État .

En bref, l'engagement du maintien de la présence de l'État au niveau infradépartemental était tout entier recouvert par la relance des « Maisons de l'État » autour de quelques services publics gérés par les ministères de l'intérieur, de l'économie et des finances, de l'égalité des territoires et du logement et de la réforme de l'État.

• Les préfets de département et les DDFIP avaient reçu la mission d'élaborer des plans territoriaux afin de commencer à traduire concrètement cet élan.

En revanche, il vaut d'être relevé que nulle mention du réseau des sous-préfectures n'était faite dans le relevé de conclusions du CIMAP, ce qui conduisait à s'interroger sur leur avenir.

Enfin, l'objectif d'égalité d'accès aux services publics sur tout le territoire avait donné lieu à deux décisions .

Décision n° 39 : Dans le cadre de la mission d'élaboration de la stratégie gouvernementale d'accès aux services publics et au public confiée à la ministre de l'égalité des territoires et du logement le 1 er octobre 2012, une concertation sera menée...

Cette concertation s'articulera autour de deux volets : la construction d'une offre de service au plus près des territoires conjuguant la présence physique de proximité avec les nouvelles fonctionnalités offertes par les ressources numériques et le développement des espaces mutualisés de service public et au public.

La démarche expérimentale « + de service au public » sera consolidée (mise en place d'un fonds de développement, d'une marque unique, d'une animation nationale, inclusion des services de l'État à titre expérimental) et généralisée (le nombre de lieux d'implantation des espaces mutualisés passera de l'ordre de 300 lieux à 1 000 ).

Cette décision renvoyait à la perspective d'un essor du déploiement des Maisons de services au public (voir infra ) mais aussi d'un développement des procédures dématérialisées dans les relations entre les services de l'État et les usagers.

Décision n° 40 : Un commissariat général à l'égalité des territoires sera créé début 2014. Dans le prolongement du rapport Wahl sur l'égalité des territoires et suivant les préconisations de la mission inter-inspections sur le rapprochement entre l'agence nationale de la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé) et le secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV), il regroupera la délégation à l'aménagement des territoires et à l'attractivité régionale (DATAR), le SGCIV et l'ACSé.

Il sera placé sous l'autorité du Premier ministre et sera mis à disposition de la ministre de l'égalité des territoires et du logement et du ministre délégué chargé de la ville. Les ministres concernés par la nouvelle génération de contrats de plan État-région pourront également faire appel au Commissariat général. Il comprendra un pôle dédié à la politique de la ville bien identifié, résultant de la fusion entre l'ACSé et le SG-CIV, et dirigé par un commissaire délégué, établira un lien avec le Commissariat général à la stratégie et à la prospective, et tiendra compte des conclusions des travaux lancés pour refonder la politique d'intégration. Une mission de préfiguration sera lancée prochainement pour élaborer un projet de service pour le futur CGET en concertation avec les agents.

2. La « revue des missions de l'État »

Dans le prolongement du processus permanent de redéfinition des missions de « l'État territorial », une revue des missions de l'État a été réalisée en 2014 .

a) Une série d'engagements pour le moins généraux...

Elle a donné lieu à la publication « d'engagements » sous le timbre du secrétariat d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification en juillet 2015.

Articulés autour de huit priorités , ces engagements ont été déclinés en quarante-cinq mesures .

Par définition, chacune d'elles était susceptible d'exercer une influence sur les missions des services territoriaux du ministère de l'intérieur chargés de l'administration générale. Cependant, dans de nombreux cas, il s'agissait d'une influence manifestement très indirecte. Plus rares étaient les situations où les mesures annoncées recelaient un impact direct et évident sur ces services.

Au demeurant, la formulation très vague desdites « mesures » invitait à s'interroger sur leur qualification .

Plutôt qu'à des mesures stricto sensu les annonces exposées correspondaient à des orientations générales aux prolongements très incertains.

Sous ces réserves, trois domaines apparaissaient particulièrement en rapport avec l'évolution des missions du réseau déconcentré du ministère de l'intérieur .

Il s'agit du champ de l'amélioration et de la simplification des prestations rendues aux usagers , de celui visant un nouvel équilibre entre les fonctions de contrôle et de conseil aux collectivités territoriales et, enfin, de l'amélioration des missions de contrôle des entreprises par les services de l'État.

D'autres orientations pouvaient toutefois être interprétées comme préfigurant des évolutions touchant les conditions d'exercice des missions des préfets et sous-préfets.

• En ce qui concerne la priorité 1 « Améliorer et simplifier les prestations rendues aux usagers », les actions prévues prolongeaient l'ambition de moderniser la délivrance des titres (cartes nationales d'identité, passeports, permis de conduire et certificats d'immatriculation) à travers sa dématérialisation, la mise en place de plateformes spécialisées et le recours à des tiers de confiance. De façon plus générale, la numérisation des administrations et de leurs relations avec leurs usagers inspirait cette priorité. Elle devait passer également par le transfert aux organismes consulaires (chambres de métier et de l'artisanat et chambres de commerce et d'industrie) d'un certain nombre de tâches : organisation des examens de taxis, délivrance du titre de maître-restaurateur.

• La priorité 2 concernait l'équilibre entre les missions de contrôle et de conseil aux collectivités territoriales .

La mesure 8 annonçait la dématérialisation des actes soumis à transmission et, pour les collectivités de plus de 50 000 habitants , la systématisation de la transmission dématérialisée des actes soumis à contrôle.

Un allègement des contrôles sur les actes de certaines collectivités engagées dans des processus d'autocontrôle était annoncé (mesure 9).

De même, la mesure 10 annonçait la réduction par bloc homogène des actes transmissibles.

S'agissant de la mission de conseil, son renforcement était envisagé à travers la mise en place par les préfectures de structures de conseil juridique de référence particulièrement destinées aux petites collectivités . Enfin, la transparence en ce qui concerne les concours financiers de l'État devait progresser dans le cadre du « partenariat pour un Gouvernement ouvert- PGO » rejoint par la France en avril 2015.

• Pour ce qui est de la priorité 3 « Amélioration des contrôles sur les entreprises par les services de l'État » , elle couvrait principalement le monde agricole. Les préfets, qui ont une mission de coordination, était appelés à l'exercer dans le sens d'une réduction de la pression de contrôle sur les entreprises, un bilan annuel étant réalisé avec les organisations agricoles concernées.

• D'autres « priorités » comportaient des annonces pouvant exercer des effets sur le réseau des préfectures et des sous-préfectures .

Dans le domaine du handicap, le préfet désignerait un chef de file des services de l'État prenant part à la direction des maisons départementales des personnes handicapées.

En ce qui concerne les projets de développement , l'accent sur le renforcement des compétences d'ingénierie de l'État était accompagné de l'annonce de simplifications administratives (généralisation d'un processus de certification unique de projet susceptible de nécessiter une impulsion forte des services de préfecture et de sous-préfecture ; information systématique du préfet pour les appels à projets nationaux concernant les collectivités territoriales).

Enfin, c'est dans le cadre de la priorité 7 « Conforter le rôle des missions de l'État en matière d'économie et d'emploi » qu'intervenait l'unique mention des sous-préfets dans le document .

Elle prenait place dans la « mesure » 31 dont l'intitulé éclairait assez sur la précision des engagements et leur vraie nature. Avec énoncé suivant : « clarifier le rôle de l'État sur les territoires en matière économique » , force était de reconnaître une intention sans doute louable mais, pour le moins, non dénuée d'équivocité.

Quant à ses voies et moyens, il suffit de mentionner que s'agissant des sous-préfets , ceux-ci seraient impliqués dans l'amélioration de l'organisation de la fonction de relais et d'appui des politiques nationales appelée à être accomplie « en lien avec les sous-préfets » .

b) ...aux prolongements effectifs très limités

Interrogé sur les suites réservées à la revue des missions de l'État dans son périmètre ministériel, le ministère de l'intérieur a fourni la réponse suivante (voir l'encadré ci-dessous) qui témoigne davantage de la continuité d'un processus de réforme qui, jusqu'à présent, s'était plutôt auto-entretenu qu'il n'avait débouché sur des modifications substantielles.

Extrait de la réponse du ministère de l'intérieur à la question de votre rapporteur spécial portant sur les suites réservées à la revue des missions

Douze mesures de la revue des missions impactent le champ de compétence du ministère de l'intérieur. Certaines sont d'ores et déjà effectives et notamment :

- la mise en ligne des données financières des collectivités locales ;

- le décret n° 2016-146 du 11 février 2016 relatif aux modalités de publication et de transmission, par voie écrite et par voie électronique, des actes des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale, rend obligatoire à l'horizon 2020 la transmission dématérialisée des actes au contrôle de légalité des communes de plus de 50 000 habitants, des départements, des régions et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Les autres mesures sont en cours de déploiement et seront pour certaines mises en oeuvre dans le cadre du plan préfecture nouvelle génération (PPNG), notamment les trois mesures suivantes :

- la modernisation des missions de délivrance des titres ;

- la réduction par bloc homogène des actes transmissibles au titre du contrôle de légalité ;

- le renforcement et l'amélioration du conseil aux plus petites collectivités dans les domaines juridiques les plus complexes (diminuer le risque d'irrégularité des actes).

Par ailleurs, un certain nombre d'indications faisaient valoir :

- le développement du partage d'information dans le cadre des comités locaux de sécurité et prévention de la délinquance est en cours avec un nombre de communes croissant souscrivant l'engagement de conformité CNIL (les autorisant à procéder au traitement des données nominatives concernant les personnes faisant l'objet d'un suivi au titre de la prévention de la délinquance) ;

- le transfert aux SDIS de la gestion des concours et CAP des officiers sapeurs-pompiers catégorie B. Cette mesure sera effective lors du renouvellement des prochaines commissions administratives paritaires (CAP) en 2017 ;

- en matière de protection civile, l'accroissement de la capacité de résilience des populations face aux risques majeurs, pour en faire des acteurs de leur propre sécurité (campagne de communication, campagnes de sensibilisation dans le cadre de l'enseignement primaire et secondaire) ;

- la généralisation de la régionalisation des demandes de transports exceptionnels sera effective au 1 er janvier 2017 sur la base du retour de l'expérimentation effectuée avec succès dans l'ancienne région Nord-Pas-de-Calais. Une instruction a été transmise le 22 juillet aux préfets en ce sens ;

- le transfert aux chambres des métiers et de l'artisanat de l'organisation des examens taxi et de la délivrance du certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi (CCPCT). Cette mesure sera effective début 2017.

Le bilan apparaît modeste au vu des prolongements qu'auraient pu recevoir certaines des ambitions formulées et, surtout, compte tenu des interrogations pendantes sur le sens de la présence de l'État dans les territoires.

Il témoigne davantage d'un retrait de l'État des territoires , à travers la déterritorialisation de certaines missions et l'externalisation d'autres compétences, profilées pour ajuster à la baisse les plans de charge des services, que de la modernisation et a fortiori d'un nouvel élan donné aux missions de proximité de l'administration générale de l'État.


* 2 Rapport thématique. Cour des comptes. Juillet 2013 « L'organisation territoriale de l'État ».

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