AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Ce n'est pas la première fois que la commission des finances du Sénat consacre son attention aux services d'administration générale du ministère de l'intérieur déployés sur le territoire.

Avec le présent rapport, c'est une réflexion sur l'échelon le plus « territorialisé », celui des sous-préfectures, que votre commission des finances propose au Sénat.

Elle ne part pas de rien.

Sur présentation de notre collègue Michèle André, alors rapporteure spéciale de la mission AGTE, la commission des finances du Sénat a publié, le 17 juillet 2014, un rapport intitulé « La marche en avant de l'administration préfectorale » 1 ( * ) , dans lequel figuraient neuf recommandations concernant directement ou plus indirectement les sous-préfectures.

Extraits des recommandations du rapport - « La marche en avant de l'administration préfectorale »

Recommandation n° 11 : tirer les conséquences sur l'administration préfectorale de la réforme en cours de la gouvernance territoriale et notamment de la montée en puissance des régions.

Recommandation n° 12 : préserver le sous-préfet comme « porte d'entrée » du réseau des services de l'État.

Recommandation n° 13 : afin de satisfaire la recommandation précédente, doter les sous-préfectures en cadres qui seront la « ressource » pour accompagner les projets locaux.

Recommandation n° 14 : homogénéiser les activités de guichet des sous-préfectures afin de rétablir de la lisibilité pour l'usager.

... La révision de la carte sous-préfectorale :

Recommandation n° 15 : fonder une révision de la carte des sous-préfectures sur des critères objectifs : spécificités des zones de montagne ou rurales, temps d'éloignement des usagers par rapport aux services de l'État...

Recommandation n° 16 : établir une méthode basée sur la concertation la plus large possible.

Recommandation n° 17 : gager la révision du format de la carte sous-préfectorale sur des contreparties pour les territoires concernés.

Recommandation n° 18 : prévoir un accompagnement social pour les personnels touchés par ce mouvement.

Recommandation n° 19 : confier au niveau déconcentré la gestion des commissions administratives paritaires (CAP) pour les agents de catégorie B et C, afin de favoriser la mobilité des personnels et l'optimisation de la gestion des ressources humaines au sein de l'État déconcentré.

Ces recommandations conservent tout leur écho dans le contexte encore mouvant des révisions annoncées quant au rôle et au déploiement de l'État au plus près de tous les Français.

Ce contexte est encore marqué par des ambiguïtés qu'il importe de présenter afin d'en dégager les lignes de force dans le but de dépasser un certain nombre d'apories.

Celles-ci font obstacle à la définition d'orientations pour des « sous-préfectures, nouvelle génération », modernisation qu'il convient d'approfondir afin que l'État territorial retrouve sa pleine justification à son niveau le plus local.

La conviction de votre rapporteur spécial est bien que, plus que jamais, dans le contexte où la virtualisation promise par le numérique doit être une chance et non un alibi, l'État doit connaître ses territoires et ses territoires doivent connaître l'État.

Le réseau des sous-préfectures a longtemps été dans une situation de restructuration rampante dont il n'est pas tout à fait sorti.

La redéfinition des missions des sous-préfectures oscille, à l'image de celles des préfectures de département, dans l'orbite desquelles elles évoluent, entre ambitions et résignations.

Au cours des dix dernières années, des retouches au fil de l'eau ont conduit à altérer le sens et les moyens du réseau préfectoral et, particulièrement, des sous-préfectures d'arrondissement.

Les masses budgétaires en témoignent.

La loi de finances pour 2017 a ouvert 1 690,7 millions d'euros de crédits de paiement au titre du programme 307 « Administration territoriale de l'État ».

Les crédits d'Administration territoriale (évolution de 2007 à 2017)

(en niveau)

Titre 2

Titre 3

Titre 5

Total

01 - Coordination de la sécurité des personnes et des biens

165 478 918

165 478 918

02 - Réglementation générale, garantie de l'identité et de la nationalité et délivrance des titres

676 811 189

10 020 178

686 831 367

03 - Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales

150 016 970

150 016 970

04 - Pilotage territorial des politiques gouvernementales

511 271 389

8 755 403

3 075 115

523 101 907

05 - Animation et soutien du réseau

6 909 526

112 450 974

45 947 875

165 308 375

Total

1 510 487 992

131 226 555

49 022 990

1 690 737 537

Ces crédits représentent un peu plus de la moitié d'un millième du PIB anticipé pour 2017 (0,00063 point de PIB exactement).

Dix ans plus tôt, leur poids était déjà inférieur à un millième du PIB d'alors mais il était supérieur de 0,00020 point de PIB (0,00083 point de PIB) au niveau relatif prévu pour l'année en cours.

Ainsi, malgré l'augmentation des crédits ouverts en loi de finances, qui a atteint 77,4 millions d'euros en dix ans (soit un accroissement de 4,8 %), la gestion des moyens consacrés à l'administration territoriale générale de l'État a permis, en allégeant son prélèvement sur le PIB, de dégager des économies dont les « petites différences » mentionnées ici ne rendent pas parfaitement compte.

En supposant inchangé le prélèvement effectué par le programme 307 par rapport à 2007, ce sont plus de 200 millions d'euros supplémentaires (207,4 millions d'euros) qu'il faudrait financer aujourd'hui pour assurer les missions du réseau préfectoral.

Il vaut d'être observé que ces évolutions sont intervenues dans le cadre d'un déploiement territorial de ce réseau à peu près inchangé . À quelques unités près, il existe en 2017 autant d'unités de l'administration générale de l'État dans les territoires qu'en 2007.

L'ajustement s'est fait sur les emplois du réseau et sur les dépenses des autres titres budgétaires, principalement les dépenses de fonctionnement.

Les premiers ont été réduits de 3 431 unités, soit une baisse de 12 % entre 2007 et 2017.

Quant aux dépenses autres que de personnel, elles ont rétrogradé, de date à date, de 35 % pour une économie de 106,7 millions d'euros.

De ce fait, le plan de charge du réseau a évolué avec, en général, le retrait, en plus ou moins bon ordre, d'un certain nombre de missions, restructurées progressivement vers plus de sélectivité (le contrôle de légalité), plus de centralisation (la délivrance des titres) ou dans le cadre de transfert à d'autres entités publiques ou privées (la délivrance des titres encore).

Dans le même temps, l'affirmation de nouvelles priorités n'a pas été suivie des effets tangibles qu'on aurait pu souhaiter dans un contexte très évolutif, qu'il s'agisse de celui de l'organisation territoriale des services publics ou de la France décentralisée.

La structure des crédits consacrés à l'administration territoriale, et son évolution depuis 2007, en portent témoignage.

Structure par action des crédits d'Administration territoriale

(en %)

2007

2017

Écart 2017/2007

Coordination de la sécurité des personnes et des biens

12

9,8

- 2,2

Garantie de l'identité et de la nationalité, délivrance de titres

38,3

40,6

+ 2,4

Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales

11,5

8,9

- 2,6

Pilotage territorial des politiques gouvernementales

26

30,9

+ 4,9

Soutien et animation du réseau des préfectures (libellé modifié)

12,4

9,8

- 2,6

Total

100

100

0

Dans ce contexte de crise de la vocation et des moyens de l'administration territoriale, il faut encore faire ressortir une forme d'inertie spatiale du réseau dans une France territoriale en forte évolution.

Il convient ainsi de s'orienter vers des « sous-préfecture nouvelle génération » en meilleure adéquation avec la nouvelle géographie de la France décentralisée et déconcentrée et avec les attentes des Français, et mieux à même de relever les défis d'une action publique plus efficace.


* 1 Rapport d'information n° 753 du 17 juillet 2014 (2013-2014). Mme Michèle André. Commission des finances du Sénat.

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