III. LES VOIES D'UN RENOUVEAU

A. DES INITIATIVES PEU CONCLUANTES

Au lieu de passer par les sous-préfectures existantes, en instaurant une nouvelle strate d'administration territoriale de l'État complète au niveau infradépartemental, l'objectif d'un maillage territorial étroit et homogène a suscité des alternatives.

Aux yeux de votre rapporteur spécial, ces formules, qui obéissent également à un objectif justifié de meilleure utilisation du parc immobilier de l'État, pour présenter un certain intérêt, ne paraissent pas susceptibles de surmonter les difficultés nées d'une insuffisance des moyens d'accomplissement des missions de l'État dans de trop nombreux territoires.

Dans ces conditions, la question de la carte des arrondissements et du format du réseau des sous-préfectures demeure ouverte.

Plusieurs scenarios sont envisageables.

Moyennant le renoncement à un modèle uniforme de sous-préfecture, dont l'application serait très coûteuse et sans intérêt en termes de dynamiques locales, tout scenario qui les ignorerait doit être écarté, l'État devant s'attacher à dépasser les apparences pour réinvestir pragmatiquement le local.

1. Les « Maisons de services au public »

La loi NOTRe a mis en place deux outils pour consolider les politiques publiques d'accessibilité des services, au travers des schémas départementaux d'amélioration de l'accessibilité des services (article 98) et des « Maisons de services au public » (MSAP) (article 100).

Les comités interministériels aux ruralités des 13 mars et 14 septembre 2015 ont confirmé les objectifs de mise en oeuvre de ces nouveaux lieux comme outils de réduction des inégalités territoriales et sociales sur les territoires et confirmé et accéléré l'objectif de déploiement de 1 000 « Maisons de services au public » d'ici la fin de l'année 2016 .

Le comité interministériel du 20 mai 2016 a confirmé cet objectif. Même si la majorité d'entre elles ont été créées dans les zones rurales ou péri-urbaines , le dispositif est ouvert à l'ensemble du territoire national .

Dans les milieux urbains l'accès aux services peut être rendu difficile par un éloignement, qui, pour être plus social que géographique, appelle des solutions pratiques.

Par ailleurs, pour accélérer ce déploiement, la Poste a proposé en 2015 de mettre à disposition une partie de ses bureaux ayant une activité réduite, dans les zones rurales et de montagne.

Le comité interministériel du 13 mars 2015 a également annoncé la mise en place d'un fonds interopérateurs avec les neuf opérateurs signataires de l'accord national de 2010 (Pôle Emploi, la caisse nationale d'allocations familiale la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, la caisse nationale d'assurance vieillesse, la caisse centrale de mutualité sociale agricole, GRDF, et La Poste) pour venir soutenir cette politique publique au même niveau que le fait l'État.

Le processus de création des Maisons de services au public

Le point de départ du processus de création d'une MSAP est la signature d'une convention locale entre la structure porteuse de la MSAP et l'ensemble des partenaires. La MSAP est portée, à titre principal, par une collectivité locale (commune, EPCI ou conseil général), une association ou par un GIP. A la faveur du partenariat avec la Poste, cette possibilité de portage sera ouverte à cet opérateur.

Cette convention doit, conformément au cahier des charges issu de la circulaire du 5 octobre 2015, comporter plusieurs éléments :

- la coopération avec au moins deux partenaires importants, dont au moins un dans le domaine de l'emploi et de la formation (Pôle Emploi), un dans le domaine des prestations ou de l'aide sociales (CAF, CPAM, CCMSA ...) ;

- la garantie d'un service d'une durée hebdomadaire minimum (24 heures) assuré par un agent spécialement formé par un stage dans chaque administration ou organisme partenaire ;

- la mise à disposition d'un outil informatique comportant au minimum un ordinateur connecté à Internet ;

- l'adhésion à la charte nationale de qualité des MSAP ;

- des outils de communication et de signalétique communs.

Une fois signée, la convention locale est transmise au préfet de département qui décide de reconnaître la maison de services au public au regard du cahier des charges. C'est cette reconnaissance qui ouvre droit au financement d'une partie du budget de fonctionnement de la MSAP.

Le mode de financement des MSAP s'en est trouvé modifié.

Une MSAP, qui est reconnue par le préfet , peut bénéficier d'un financement de 25 % de son budget annuel de fonctionnement, sous un plafond de 17 500 euros .

Le fonds inter-opérateurs doit permettre de doubler l'effort de l'État, ce schéma de financement permettant de diminuer la charge qui pesait jusqu'ici le plus souvent sur les seules collectivités locales, qui portent la majeure partie des maisons de services au public.

Par convention avec l'État, la Caisse des dépôts s'est vue confier un rôle d'animation nationale des MSAP.

Ce dispositif vise :

- à mobiliser et fédérer l'ensemble des MSAP déjà labellisées et leurs partenaires ;

- à accompagner par une série d'outils méthodologiques la création de nouvelles MSAP ;

- à mieux communiquer sur cette politique, notamment en direction des usagers ;

- à animer le réseau par la mise en place d'une plateforme collaborative, mais aussi par le lancement de groupe de travail et de productions de contenus ;

- à assurer un suivi rapproché de l'activité des MSAP dans un objectif d'évaluation de la politique publique.

Le programme 2015 mis en oeuvre par la Caisse des dépôts et consignations a consisté à :

- mettre en place une plateforme collaborative dématérialisée pour toutes les MSAP, les opérateurs et les partenaires de cette politique publique ;

- créer une identité visuelle et une charte graphique commune ;

- organiser une série de rencontres au niveau régional pour créer le réseau ;

- expérimenter une offre de formation à destination des agents des MSAP.

Le programme de l'année 2016 , validé en comité stratégique national le 4 décembre 2015 vise à :

- finaliser la plateforme collaborative en y développant notamment des outils de reporting pour évaluer l'impact du dispositif ;

- mettre en place un plan national de formation à destination des agents MSAP ;

- conduire des ateliers thématiques sur les contenus de l'offre des MSAP, notamment en matière d'accès au droit.

Au 30 mai 2016, il existait 503 MSAP dont 70 sont installées dans des locaux de La Poste.

Le ministère indique que, les préfets de départements ayant identifié 536 projets, il est désormais possible d'envisager que l'objectif de déploiement de 1 000 « Maisons », repoussé à fin 2017, puisse être atteint.

Néanmoins, force est de constater que l'objet même des MSAP, les engagements d'accessibilité autour desquels elles s'organisent, ainsi que les financements évoqués sont loin de leur permettre de représenter en quoi que ce soit une alternative aux sous-préfectures.

Une fois mieux aboutis les schémas départementaux d'amélioration de l'accessibilité des services, qui sont en cours d'élaboration, il conviendra de mesurer la place que les MSAP y occuperont.

En outre , il sera utile qu'un bilan du dispositif intervienne afin de mesurer l'efficience d'une formule qui ne doit pas fournir un prétexte à de nouvelles fermetures de sites.

2. Les « Maisons de l'État »

Les « Maisons de l'État » désignent le lieu où est organisé le regroupement immobilier des services de proximité de l'État ou d'opérateurs nationaux.

La relance des Maisons de l'État figurait parmi les décisions consécutives au comité interministériel de modernisation de l'administration publique du 17 juillet 2013 (voir supra ), les préfets de département ayant été chargés avec les DDFIP d'élaborer des plans territoriaux afin d'en développer la présence.

Le Premier ministre, dans sa circulaire et son cahier des charges du 15 octobre 2014, a indiqué aux préfets les objectifs et les modalités de leur création et de leur fonctionnement. Elles doivent conférer aux services de proximité :

- une plus grande visibilité ;

- une meilleure accessibilité ;

- une capacité à offrir aux usagers un service de meilleure qualité ;

- une optimisation de leurs moyens (mutualisation des coûts immobiliers ou autres) ;

- des possibilités de meilleure articulation interministérielle entre des missions et des métiers complémentaires.

Ces objectifs sont certes louables mais restent relativement désincarnés une fois confrontés aux réalités.

L'énumération des ministères concernés donne à penser que le périmètre des « Maisons de l'État », pour non négligeable qu'il soit, ne résoudra pas, par magie, le défaut global de déploiement des services de l'État au niveau infradépartemental.

Par ailleurs, il est nécessaire de bien préciser la nature des « Maisons de l'État ».

Si elles sont localisées au niveau infradépartemental et y constituent l'équivalent d'une « cité administrative » - où les services participants sont physiquement installés (intégralement ou sous forme d'antennes) ou y tiennent des permanences -, la création d'une Maison de l'État est sans incidence sur l'autonomie fonctionnelle et hiérarchique des services qui y sont regroupés, ainsi que sur le statut des personnels qui y sont hébergés.

Elles sont une modalité d'organisation mutualisée entre services infradépartementaux de l'État mais dans laquelle chaque service conserve son existence juridique, son organisation et ses prérogatives.

Il n'existe donc pas de plan d'activité d'une Maison de l'État, chaque service restant autonome dans la conduite de ses missions.

Une Maison de l'État n'est donc pas une entité administrative intégrée.

Ainsi, une Maison de l'État n'est pas une sous-préfecture , quand bien même elle occuperait ses locaux, pas plus qu' une sous-préfecture n'est « transformée en Maison de l'État » , tout en pouvant y participer, du fait que ses locaux lui servent de de siège.

C'est d'ailleurs souvent le cas puisque les Maisons de l'État sont le plus souvent installées dans la sous-préfecture. Compte tenu des questions que pose l'évolution de l'immobilier des sous-préfectures, ce choix peut être vu comme judicieux.

Néanmoins, il faut bien reconnaître que, si l'objectif affiché des « Maisons de l'État » est de maintenir, voire de renforcer, le service de proximité, dans les faits, les Maisons de l'État paraissent s'inscrire étroitement dans les préoccupations liées à la politique immobilière de l'État.

Au demeurant, l'investissement nécessaire à la création de Maisons de l'État repose sur le BOP mutualisé du compte d'affectation spéciale 723 « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », complété par les budgets ministériels ou interministériels (programmes 214, 307, 309, 333 ...) ou des opérateurs, moyens ponctuellement augmentés par le produit des cessions immobilières. Les avances sur cessions et abondements sont accordés après validation par la Conférence nationale de l'immobilier public (CNIP, ex-instance nationale d'examen interministérielle), sur la base des dispositions de la circulaire du Premier ministre du 15 octobre 2014 portant cahier des charges des « Maisons de l'État ».

Il est assuré par les services participants, dans le cadre d'une convention locale de mutualisation.

La colocalisation dans une Maison de l'État permet aux services participants de mutualiser dans la quasi-totalité des cas les salles de réunion et l'accueil général, et le plus souvent les locaux de restauration ou de repos, les standards et autocoms, les contrats d'entretien des locaux, et le courrier. Peuvent aussi être mutualisés les véhicules de service et les copieurs.

Le ministère de l'intérieur recense actuellement 84 « Maisons de l'État », existantes ou à l'état de projet, dans 60 départements.

Dans vingt-deux départements, vingt-huit espaces mutualisés, créés ou lancés entre janvier 2005 pour le plus ancien et septembre 2014, sont considérés comme des « Maisons de l'État avant l'heure ».

Depuis la diffusion de la circulaire du Premier ministre du 15 octobre 2014, vingt-deux « Maisons de l'État », ont été créées, ou sont en cours de création, dans vingt départements.

Par ailleurs, onze « Maisons de l'État » sont en cours de création (dont deux par élargissement d'un espace mutualisé préexistant), sur des crédits essentiellement locaux.

Le ministère fait valoir que, depuis octobre 2014, il s'est créé plus de Maisons de l'État que durant la décennie précédente et annonce que ce mouvement est amené à se poursuivre.

Focus sur les 22 Maisons de l'État créées entre 2014 et 2015

Le bâtiment-type d'une « Maison de l'État » est une sous-préfecture, sous statut de mise à disposition gratuite par le conseil départemental :

- 77 % des Maisons de l'État ont été créées dans une sous-préfecture, 14 % dans une unité territoriale des directions du territoire (et de la mer) (UT-DDT-M) et 9 % dans un centre des finances publiques ;

- 62,5 % des bâtiments hébergeant une « Maison de l'État » relèvent d'une mise à disposition gratuite du conseil départemental, 33 % d'une propriété de l'État, 4,5 % d'une location à un établissement public de coopération intercommunale.

Les services participants sont surtout les sous-préfectures, les UT-DDT(M) et les inspections de l'éducation nationale (IEN) :

- 95 % des « Maisons de l'État » accueillent une sous-préfecture, 86 % une UT-DDT(M), les services des IEN (23 %) étant les troisièmes les mieux implantés ;

- les unités départementales de l'architecture et du patrimoine (UDAP) (32 %), les délégués du défenseur des droits (27 %) et les directions départementales de la protection des populations (DDPP) (23 %) sont parmi les services les plus impliqués, mais pour y tenir de simples permanences ;

- d'autres services participent aux « Maisons de l'État », soit en les intégrant physiquement, soit en y tenant des permanences : Office national des forêts, centre des finances publiques, unités départementales des DIRECCTE, des DREAL, douanes, point d'accès au droit, Pôle emploi, mission locale, CPAM, CAF, ...

Chaque projet a coûté en moyenne 315 000 euros.

Les vingt-deux projets validés en INEI ont représenté un coût total de travaux de 6 939 000 euros.

Ils ont été financés au niveau national à hauteur de 72 %, soit 5 022 000 euros, par le budget opérationnel de programme (BOP) mutualisé du CAS 723, le programme 307, le programme 333, le programme 214 et des financements du ministère de la justice.

Votre rapporteur spécial, sans négliger l'intérêt que les regroupements de services sur site peuvent représenter, relève les coûts non négligeables associés au développement d'une formule dont la dimension immobilière ressort comme l'une des premières justifications.

Il paraît peu douteux que la question de l'animation du local est insusceptible de devoir passer par la création de nouvelles cités administratives dont l'intérêt immobilier n'est lui-même pas toujours manifeste. La nature des Maisons de l'État montre assez qu'elles peuvent, au mieux, apporter un peu plus de proximité aux usagers, sous réserve que les services qui s'y trouvent implantés reçoivent des instructions en ce sens, mais sans constituer des unités opérationnelles chargées de l'animation du local.

Le financement interministériel des « Maisons de l'État » dans un contexte où les ministères tendent plutôt à reconcentrer leurs positionnements constitue sans doute une limite financière à un déploiement qui semble hésitant.

En toute hypothèse, celui-ci devra être pris en compte dans les schémas départementaux d'amélioration de l'accessibilité des services, quand bien même les collectivités territoriales ne seraient pas directement parties prenantes au dispositif.

Au total, les formules employées pour réimplanter le service public dans le local, pour différentes qu'elles soient au regard des besoins qu'elles sont censées satisfaire, ne sont sans doute pas tout à fait dépourvues de justifications.

Il faut attendre des efforts entrepris pour dessiner des schémas d'accessibilité locale des services publics qu'ils contribuent à une plus forte cohérence et, peut-être, à une meilleure formalisation de dispositifs qui tendent à se superposer, alors qu'ils engagent, malgré une certaine modestie, des ressources rares.

Mais, il serait hasardeux de se reposer sur ces alternatives pour répondre à la crise du local à laquelle l'étiolement de pans entiers du réseau sous-préfectoral apporte une contribution qu'il convient de surmonter.

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