INTRODUCTION

M. François Commeinhes, sénateur, membre de l'OPECST

Mesdames et Messieurs, après les souvenirs d'en France du sénateur Roland Courteau, je souhaiterais vous guider de l'Aude jusqu'à l'Hérault pour vous sensibiliser à l'agacement de la population puis à son inquiétude devant la prolifération des moustiques et devant la gravité des maladies dont ils peuvent devenir des vecteurs. Je le ferai à un triple titre : sénateur, maire de Sète et médecin. À cet égard, ce sera moins le gynécologue-obstétricien qui s'exprimera, toutefois, que le président de la polyclinique Sainte-Thérèse, à Sète, bien placé pour percevoir les évolutions et les préoccupations de santé publique.

Quant au maire, il a fini par s'étonner de ne plus être interpellé dans les rues au motif d'aboiements canins nocturnes mais ce fut pour l'être désormais par des mères de famille lui montrant, sur l'écran de leur téléphone portable, les piqûres spectaculaires subies par leurs enfants ou petits-enfants.

Lorsque j'ai alerté le président et le vice-président de l'OPECST des dangers croissants de la prolifération des moustiques, le bureau de l'Office, comme vient de le rappeler le sénateur Roland Courteau, a immédiatement décidé de me confier l'organisation de la présente audition publique, à laquelle je vous remercie vivement d'avoir accepté de participer.

Le sénateur Roland Courteau et moi-même présiderons chacun l'une des deux tables rondes de cet après-midi : la première, autour des caractéristiques des maladies à transmission vectorielle et de l'identité des vecteurs, parfois responsables de véritables épidémies et, la seconde, principalement centrée sur le cas de la transmission du virus Zika par les moustiques.

Parmi les nombreux éminents spécialistes présents, certains d'entre eux doivent souvent exercer leurs compétences dans l'urgence des crises sanitaires, des épidémies, au milieu des souffrances endurées par les malades, qui sont aussi, souvent, des personnels soignants n'hésitant pas à s'efforcer de poursuivre leur activité en dépit des séquelles invalidantes de certaines des maladies à vecteur. Je voudrais leur rendre hommage et rappeler que j'ai en permanence une pensée pour tous les nombreux malades, parfois gravement atteints.

Nous avons souhaité nous immerger tous, d'un coup, dès le début de cet après-midi, dans le vif du sujet en projetant des images de moustiques en pleine action, comme vous avez pu le voir il y a quelques minutes. Je gage que nombre d'entre nous ont pu s'étonner de la durée inattendue de cette piqûre tandis que d'autres ressentaient déjà des démangeaisons. Effectivement, cette brève séquence filmée est perçue comme étonnamment longue - en réalité presque deux minutes et demie ! Pourtant, tel n'est pas le souvenir gardé d'une piqûre de moustique, qui ne semble durer que l'instant où, alertés par la douleur, nous tentons d'écraser l'importun d'un revers de la main.

Pourquoi existe-t-il un tel écart entre notre perception et la réalité ? C'est parce que, lorsqu'il pique, le moustique inocule à la fois un anesthésiant et un anticoagulant pour faciliter le pompage du sang. De ce fait, la douleur ressentie par nous n'est pas celle du commencement de sa piqûre mais celle de sa fin, celle du moment où le moustique se retire, non sans efforts d'ailleurs. Lorsque nous tentons enfin d'écraser l'importun vampire, il a déjà largement prélevé son butin et, malheureusement, éventuellement introduit dans notre système sanguin quelques-unes des maladies à transmission vectorielle (paludisme, dengue, chikungunya, virus Zika ou autre).

Il importe maintenant de rappeler la complexité des problématiques et des paradoxes liés à cette question. Les piqûres de vecteurs, quels qu'ils soient, dérangent et constituent une nuisance certaine, voire un danger, d'où le désir spontané d'éradiquer tous ces vecteurs. Cependant, l'usage des biocides en quantité suffisante n'est pas sans risque pour la santé humaine ou animale ou pour l'intégrité des milieux.

Les vecteurs jouent un rôle dans l'écosystème et les conséquences de leur limitation, voire de leur éradication, semblent difficiles à identifier et à quantifier.

La causalité entre la piqûre de tel vecteur et telle maladie n'est pas toujours établie scientifiquement au moment où elle a déjà été activement relayée, sans preuves, par les médias et par l'opinion. Par exemple, le virus Zika entraîne-t-il le syndrome de Guillain-Barré, la microcéphalie ou la myélite ?

La forte présence de vecteurs dans un lieu habité conduit à la modification des modes de vie, notamment dans la conception et l'utilisation des habitats. Je pense à l'air conditionné, aux eaux stagnantes (notamment sous les dalles sur plots), aux moustiquaires, imprégnées ou non, que le sénateur Courteau a remises chez lui, aux choix vestimentaires et à la présence ou l'absence de tourisme dans nos territoires.

Certains modes de vie favorisent la multiplication des vecteurs avec l'amplification continue des transports de passagers ou de marchandises dans le monde sans prise en compte simultanée du lien possible avec la multiplication des vecteurs. À cela s'ajoute la difficulté d'appréhender à la fois le court terme et le long terme, les effets sur la santé à court terme (la microcéphalie, par exemple) ou à long terme (l'atteinte du système nerveux par les biocides pouvant entraîner une maladie de Parkinson, ce qui rejoint la problématique des effets des pesticides, tels que le DDT, sur la santé).

Au vu des contradictions entre les demandes simultanées de certains acteurs, il est à noter qu'une réglementation a été nécessaire pour imposer à des industriels, qui se plaignaient de la prolifération des moustiques, d'éliminer toutes les eaux stagnantes liées à leur activité. La solution dépendait donc d'eux-mêmes.

Sur le plan de l'identification des responsabilités, citons l'exemple des importations en France de pneus usagés favorisant l'éclosion des oeufs de moustiques. Dans ce cas, le principe pollueur-payeur trouve-t-il à s'appliquer ou bien les maladies, quelles que soient leurs causes, sont-elles considérées comme une fatalité alors même que la prolifération des moustiques a pu être causée par l'activité humaine ?

Des incohérences apparaissent : comment se plaindre de la multiplication des tiques tout en négligeant le nombre accru de chiens, réservoirs de tiques, par exemple dans le sud de la France.

Gageons que ces problématiques et paradoxes ne résisteront pas aux réponses apportées par les intervenants à la première table ronde.

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